CAA de DOUAI, 3ème chambre, 26/12/2019, 17DA00831, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision26 décembre 2019
Num17DA00831
JuridictionDouai
Formation3ème chambre
PresidentM. Albertini
RapporteurM. Paul Louis Albertini
CommissaireM. Cassara
AvocatsFOUTRY

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 155 849, 89 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1400982 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 mai 2017 et 15 janvier 2019, Mme C..., représentée par Me A... B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de globale de 82 924,95 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi du 24 août 1930 relative à la saisie-arrêt et à la cession des appointements, traitements et soldes des fonctionnaires civils et militaires ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 78-252 du 8 mars 1978 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de la sécurité sociale
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., maître contractuel de l'enseignement privé, titulaire d'un contrat définitif d'enseignement au collège Saint-Jean de Douai, a été victime d'un accident du travail le 9 novembre 2001. Elle a été placée en arrêt de travail jusqu'au 7 mars 2007. Elle a ensuite bénéficié d'un congé de longue maladie jusqu'au 6 mars 2010 puis a été placée en congé de longue durée, du 7 mars 2010 au 7 mars 2012. Mme C... demande la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de fautes commises dans la gestion de sa rémunération après l'accident du travail dont elle a été victime. Elle relève appel du jugement du 2 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande indemnitaire.

2. Aux termes de l'article 3 du décret du 8 mars 1978 fixant les règles générales déterminant les conditions de service de certains maîtres contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat et des mesures sociales applicables à ces personnels, en vigueur jusqu'au 29 décembre 2008, et repris désormais à l'article R. 914-105 du code de l'éducation : " Les maîtres contractuels ou agréés (...) bénéficient, dans les mêmes conditions que les maîtres titulaires de l'enseignement public, du régime des congés de toute nature et d'autorisations d'absence, des avantages accordés en cas de maladie professionnelle ou d'accident de service (...) ". Aux termes de l'article L. 712-1 du code de la sécurité sociale : " Les fonctionnaires en activité, soumis au statut général, et les magistrats de l'ordre judiciaire bénéficient, ainsi que leur famille, dans le cas de maladie, maternité, invalidité et décès, de prestations au moins égales à celles qui résultent de la législation relative au régime général de sécurité sociale. ". Aux termes de l'article L. 712-10-1 du même code, issu de la loi n°2004-1370 du 20 décembre 2004, applicable à compter du 1er septembre 2005 : " Les dispositions des articles L. 712-1 et L. 712-3 du premier alinéa de l'article L. 712-9 et de l'article L. 712-10 sont applicables aux maîtres et documentalistes liés à l'Etat par agrément ou par contrat qui sont en activité dans les établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat. (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 323-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) / Toutefois, lorsque le salaire est maintenu en totalité, l'employeur est subrogé de plein droit à l'assuré, quelles que soient les clauses du contrat, dans les droits de celui-ci aux indemnités journalières qui lui sont dues. / Lorsque, en vertu d'un contrat individuel ou collectif de travail, le salaire est maintenu en totalité ou en partie sous déduction des indemnités journalières, l'employeur qui paie tout ou partie du salaire pendant la période de maladie sans opérer cette déduction peut être subrogé par l'assuré dans ses droits aux indemnités journalières pour la période considérée, à condition que le salaire maintenu au cours de cette période soit au moins égal au montant des indemnités dues pour la même période. / Dans les autres cas, l'employeur est seulement fondé à poursuivre auprès de l'assuré le recouvrement de la somme correspondant aux indemnités journalières, dans la limite du salaire maintenu pendant la même période. / (...) ".

4. Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. En revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement. Pour l'application de ces règles pour la détermination de la rémunération des agents publics, le maintien du versement d'un avantage financier ne peut être assimilé à une décision implicite accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation non créatrice de droits.

5. Tout d'abord, il résulte des dispositions précitées du décret du 8 mars 1978 et du code de la sécurité sociale, d'une part, que les maîtres contractuels de l'enseignement privés sont assimilés aux fonctionnaires en activité soumis au statut général s'agissant des prestations servies au titre, notamment, de la maladie et de l'invalidité et, d'autre part, que l'employeur est fondé à procéder au recouvrement des sommes correspondant aux indemnités journalières en l'absence de subrogation dans les droits de l'assuré à ces indemnités.

6. Ensuite, il résulte de l'instruction que des prélèvements ont été opérés sur la rémunération de Mme C..., entre les mois de novembre 2001 et mars 2012, en raison de la perception, par cette dernière, d'indemnités journalières de sécurité sociale, servies par la caisse primaire d'assurance maladie, en même temps que sa rémunération. Aucune disposition légale ou réglementaire ne faisait obligation, à l'administration, de prévoir une quelconque convention, ni d'envisager l'ouverture d'un compte séquestre auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Mme C... n'établit pas davantage, par ses seules allégations, que l'administration aurait dû obtenir, de la part de la caisse primaire d'assurance maladie, la subrogation, qui lui aurait permis de recevoir directement les indemnités journalières. Mme C... ne conteste d'ailleurs pas le principe selon lequel elle ne pouvait bénéficier de ce cumul d'indemnités journalières avec ses rémunérations versées par l'administration. Aussi regrettable que soit la durée de cette situation, liée en réalité à celle de son arrêt de travail pour accident de service, l'administration n'a, par suite, commis aucune faute en versant à Mme C... les sommes correspondant aux traitements auxquels elle pouvait prétendre et en procédant, dans le même temps à la répétition de l'indu induit par le versement d'indemnités journalières de sécurité sociale, ni fait preuve de négligence ou de carence dans le traitement de sa situation quant à sa rémunération, en dépit de la durée au cours de laquelle ces prélèvements ont été opérés.

7. Mme C... soutient également que l'administration a commis une faute au regard des dispositions de l'article 31 de la loi du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 qui a emporté, à compter du 1er septembre 2005, application aux maîtres et documentalistes de l'enseignement privé, contractuels ou agrées, à titre définitif ou provisoire, des règles du régime spécial des fonctionnaires pour les risques maladie, maternité, invalidité et décès. Ce faisant, elle fait valoir qu'elle ne relevait donc plus du régime général de la sécurité sociale et ne devant plus percevoir d'indemnités journalières de sécurité sociale, aucun précompte ne pouvait plus être effectué.

8. Toutefois, aux termes des dispositions de l'article D. 172-2 du code de la sécurité sociale : " La charge des prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès versées à des travailleurs qui cessent d'être soumis à un régime spécial d'assurances sociales pour devenir tributaires soit d'un autre régime spécial soit du régime général de sécurité sociale ou inversement, incombe : 1°) en ce qui concerne les prestations en nature de l'assurance maladie, au régime auquel l'assuré était affilié à la date des soins dont le remboursement est demandé ; 2°) en ce qui concerne les prestations en espèces de l'assurance maladie, au régime auquel l'assuré était affilié à la date de l'interruption de travail ; (...) ". Il résulte de ces dispositions, et ainsi d'ailleurs que le mentionne également la circulaire ministérielle n°2005-113 du 25 juillet 2005 versée au dossier par Mme C... elle-même, que la charge des prestations en espèces relevait du régime général de sécurité sociale, régime auquel la requérante était affilié à la date du début de son arrêt de travail pour accident de service en novembre 2001. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis une faute en ne prenant pas en compte le changement de régime désormais applicable aux maîtres et documentalistes de l'enseignement privé à compter du 1er septembre 2005.

9. Pour le reste, aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 24 août 1930 en vigueur à la date du litige : " Les dispositions des articles 61 à 68 inclus et 70 à 73 inclus du livre premier du code du travail, relatives à la saisie-arrêt et à la cession des salaires et appointements, sont applicables aux salaires et traitements des fonctionnaires civils (...) ". Ces dernières dispositions, aujourd'hui reprises aux articles L. 3252-1 et suivants du code du travail, s'appliquent à l'ensemble des fonctionnaires civils des administrations de l'État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983. Aux termes de l'article L. 3252-2 du code du travail rendues applicables aux rémunérations des fonctionnaires civils et militaires par les dispositions des articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des procédures civiles d'exécution : " Sous réserve des dispositions relatives aux pensions alimentaires prévues à l'article L. 3252-5, les sommes dues à titre de rémunération ne sont saisissables ou cessibles que dans des proportions et selon des seuils de rémunération affectés d'un correctif pour toute personne à charge, déterminés par décret en Conseil d'Etat. ". L'article R. 3252-2 du même code, pris pour l'application de cette disposition, et modifiée chaque année, fixe la proportion dans laquelle les sommes dues à titre de rémunération sont saisissables ou cessibles, en application de l'article L. 3252-2 du code du travail.

10. Il résulte de l'instruction que la proportion dans laquelle les sommes dues à titre de rémunération sont saisissables ou cessibles, en application de l'article L. 3252-2 du code du travail, varie annuellement, de même que le seuil correctif pour toute personne à charge. Si Mme C... soutient que l'administration a commis une faute en prélevant sur ses rémunérations des sommes supérieures à la quotité légalement saisissable, en précisant que du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2008, la quotité mensuelle saisissable était de 317,23 euros par mois, compte tenu de ses deux enfants à charge, puis de 470,59 euros mensuels, à compter du 1er janvier 2009, pour demander la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 72 924,95 euros au titre du préjudice financier qu'elle allègue, elle reprend ainsi, en cause d'appel, en le divisant cette fois par deux, le montant total des sommes qu'elle soutient avoir dû reverser à l'administration. Elle fait encore valoir, sans en justifier, qu'elle a été accablée financièrement, restant sans ressource durant certains mois et rencontrant de ce fait d'importantes difficultés financières. Nonobstant l'invitation que lui a adressée le tribunal administratif de justifier de ses revenus au cours de la période en litige, elle se borne de nouveau, en cause d'appel, à produire, à l'appui de ces affirmations, trois attestations de proches, amis ou membre de sa famille, à l'exclusion de toute autre pièce justificative, et notamment de tout document bancaire, hormis un " avis de réalisation de prêt de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France d'un montant de 16 000 euros ", sans donner aucune précision sur ses autres sources de revenus éventuelles, notamment sur les indemnités journalières que les prélèvements opérés par l'administration avaient pour objet de recouvrer, dont elle ne précise pas la date à laquelle elles ont cessé d'être versées, et plus généralement, sur les revenus de son foyer. Mme C... n'établit pas, dès lors, le caractère certain du préjudice allégué. Elle n'établit pas non plus la réalité du préjudice financier, résultant selon elle d'un montant inférieur de sa pension de retraite à ce qu'elle devrait être en réalité, qui résulterait des incidences fiscales des trop-perçus de rémunération. Elle n'est, par suite et en tout état de cause, à supposer établis des dépassements du montant de la quotité saisissable, pas fondée à demander l'indemnisation d'un préjudice financier, non plus que celle du préjudice moral qui aurait résulté, pour elle, des difficultés financières alléguées, dont le caractère certain n'est pas non plus établi. Les conclusions indemnitaires présentées par Mme C..., qui ne justifie pas d'un préjudice, doivent dès lors être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

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