CAA de LYON, 3ème chambre, 09/04/2020, 18LY01626, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision09 avril 2020
Num18LY01626
JuridictionLyon
Formation3ème chambre
PresidentMme PAIX
RapporteurMme Virginie CHEVALIER-AUBERT
CommissaireM. THIERRY
AvocatsDELCOMBEL

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

M. D... I... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Mions à lui verser la somme de 10 000 euros assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices ayant résulté de l'inadaptation de ses conditions de travail à son handicap.


Par un jugement n° 1507101 du 7 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 3 mai 2018, le 2 juillet 2019 et le 18 novembre 2019 non communiqué, M. I..., représenté par Me J..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 mars 2018 ;
2°) de condamner la commune de Mions à lui verser la somme de 10 000 euros assortie des intérêts au taux légal au titre de l'indemnisation des préjudices ayant résulté de la méconnaissance de l'obligation de veiller à la sécurité et de garantir la protection de ses agents incombant à la commune ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mions la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- sa demande de première instance était recevable dès lors qu'il a démontré l'existence d'une décision implicite de rejet et que sa demande n'était pas tardive ;
- la commune de Mions a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en l'affectant au service des sports sur un poste inadapté à son handicap et en l'y maintenant après qu'il a été victime d'un accident de service, puis en l'affectant sur un poste de gardien et d'agent d'entretien de l'espace Convergence inadapté à son état de santé ;
- la commune de Mions a manqué à son obligation de veiller à la sécurité et à la protection de sa santé pendant toute la période d'emploi de celui-ci ;
- la commune a commis une faute en ne veillant pas à ce qu'il fasse l'objet d'un suivi médical adapté à sa situation de travailleur handicapé ;
- c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas retenu que ses conditions de travail et pas seulement l'accident de service sont en lien avec les préjudices subis ;
- ces fautes lui ont causé un préjudice financier, un préjudice de souffrance et un préjudice moral.


Par des mémoires enregistrés les 31 mai, 1er octobre et 25 octobre 2019, la commune de Mions, représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. I... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- la requête de première instance n'était pas recevable en l'absence de liaison du contentieux ;
- les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n°85-603 du 10 juin 1985 ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme K..., présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Thierry, rapporteur public,
- et les observations de Me E... représentant M. I... et celles de Me F... représentant la commune de Mions ;




Considérant ce qui suit :

1. M. D... I... a été nommé adjoint technique territorial stagiaire à compter du 1er mars 2014 par le maire de Mions, et titularisé dans ce grade à compter du 28 décembre 2015. Le 2 septembre 2014, alors qu'il était affecté au service des sports depuis le 1er mars 2014, il s'est blessé à l'épaule en déplaçant une cage de football. Cet accident a été reconnu imputable au service. Il a ensuite été affecté à l'espace Convergence sur un poste d'agent polyvalent à compter du 1er janvier 2016. M. I... relève appel du jugement du 7 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête tendant à la condamnation de la commune de Mions à lui verser la somme de 10 000 euros assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices ayant résulté de l'inadaptation de ses conditions de travail à son handicap.


Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance :

Sur la responsabilité pour faute :

2. Aux termes de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs (...) prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° (...) de l'article L. 5213-13 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser (...)". Aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". Aux termes des articles 21 et 24 du même décret : " En sus de l'examen médical (...), le médecin du service de médecine professionnelle et préventive exerce une surveillance médicale particulière à l'égard : - des personnes reconnues travailleurs handicapés (...) Le médecin du service de médecine préventive définit la fréquence et la nature des visites médicales que comporte cette surveillance médicale. Ces visites présentent un caractère obligatoire " ; " Les médecins du service de médecine préventive sont habilités à proposer des aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions, justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents. / Ils peuvent également proposer des aménagements temporaires de postes de travail ou de conditions d'exercice des fonctions au bénéfice des femmes enceintes. / Lorsque l'autorité territoriale ne suit pas l'avis du service de médecine préventive, sa décision doit être motivée et le comité d'hygiène ou, à défaut, le comité technique doit en être tenu informé. (...) ".

3. Il appartient aux autorités administratives, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985.

4. M. I... a été affecté le 1er mars 2014 comme adjoint technique du service des sports. La fiche de poste correspondant à ces fonctions comprend des tâches très variées de nettoyage, d'entretien, de maintenance, de gestion de stock et montage et de remontage du praticable, de transport de matériel nécessaire aux manifestations sportives. Le médecin de prévention a rendu un avis, le 25 mars 2014, prononçant la comptabilité de ce poste d'agent polyvalent du service des sports avec l'état de santé de M. I..., assorti d'une restriction sur le port répété de charges supérieures à 20 kilogrammes. Il est constant que M. I... n'effectuait pas seul les tâches de manutention pour les charges lourdes. Il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Mions n'aurait pas respecté la restriction fixée par le médecin de prévention et n'aurait donc pas dû affecter M. I... à ce poste.

5. Si le requérant soutient que son suivi médical aurait été insuffisant, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Mions aurait fait obstacle à ce que M. I... soit reçu par le médecin de prévention à la périodicité définie par celui-ci.

6. A supposer que la commune de Mions n'aurait pas fourni à M. I... le matériel adapté, n'aurait pas fait les aménagements de sécurité nécessaires dans le local du service des sports, ces négligences sont sans lien avec l'accident de service qui a eu lieu lors du déplacement d'une cage de football et ne constituent pas des fautes de nature à engager la responsabilité de la commune.

7. Dans sa demande indemnitaire du 28 avril 2015, le requérant se borne à invoquer au soutien de sa demande d'indemnisation de ses préjudices le non-respect des dispositions légales relatives à la sécurité et protection des agents pour la période antérieure à son accident de service survenu le 2 septembre 2014 en se prévalant d'un lien entre ses conditions de travail et la survenue de son accident service. Ainsi, les manquements de la commune de Mions invoqués pour la période postérieure à son accident de service et notamment le maintien à son poste pour quelques mois au service des sports ou son affectation le 3 janvier 2016 sur un nouveau poste d'agent de maintenance de l'espace convergence se rattachent à un autre fait générateur, distinct de celui invoqué dans la demande indemnitaire, et sans lien avec ce dernier.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Mions n'ayant commis aucune faute, sa responsabilité ne saurait être engagée pour le non-respect de ses obligations en matière de sécurité et de protection de la santé de ses agents et pour son affectation sur le poste au service des sports.

Sur la responsabilité sans faute :

9. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles L. 417-8 et L. 417-9 du code des communes, qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité.
10. La circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie.
11. Il résulte de ce qui précède que l'accident de service subi par M. I... ne peut être imputé à un comportement fautif de la commune de Mions. M. I... conserve, cependant, le droit d'être indemnisé par la commune, en l'absence même de faute de cette dernière, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, notamment des souffrances physiques ou morales, ainsi que des préjudices esthétique ou d'agrément, et des troubles dans ses conditions d'existence pouvant résulter de son accident de service. En se prévalant sans plus de précision et de justification d'un préjudice moral en raison de l'incidence de l'accident de service sur son état psychologique et d'un préjudice de souffrance " particulièrement important ", M. I... ne démontre cependant pas la réalité de ces préjudices. Il ne justifie pas non plus avoir subi un préjudice financier au motif qu'il n'a pu réaliser lui-même la rénovation de sa maison à la suite de son accident de service, ni que son état s'est aggravé. Par suite, ses conclusions indemnitaires portant sur la responsabilité de la commune de Mions au titre de ces préjudices liés à l'accident de service doivent donc être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mions, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. I..., au titre des frais exposés par lui à l'occasion du litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Mions tendant au bénéfice de ces dispositions.


DÉCIDE :

Article 1er : La requête M. I... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Mions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. D... I... et à la commune de Mions.
Délibéré après l'audience du 25 février 2020, à laquelle siégeaient :
Mme C... A..., présidente de chambre,
Mme L..., présidente-assesseure,
Mme B... G..., première conseillère.
Lu en audience publique le 9 avril 2020.
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N° 18LY01626