CAA de BORDEAUX, , 23/04/2020, 19BX04081, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision23 avril 2020
Num19BX04081
JuridictionBordeaux
AvocatsTUCOO-CHALA

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Pau d'annuler la décision du 7 août 2017 du directeur de la caisse nationale militaire de sécurité sociale refusant la prise en charge d'un appareil auditif et la fiche descriptive de ses infirmités établie le 5 novembre 2012.

Par un jugement n° 2018/52 du 13 décembre 2018, le tribunal des pensions de Pau a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 février 2019 et 18 décembre 2019,
M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 décembre 2018 du tribunal des pensions de Pau ;

2°) d'annuler la décision du 7 août 2017 du directeur de la caisse nationale militaire de sécurité sociale et de faire droit à sa demande de prise en charge par la caisse nationale militaire de sécurité sociale d'un appareillage d'audioprothèse ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées de modifier la fiche descriptive de ses infirmités du 5 novembre 2012 en y mentionnant son adresse exacte et le lien direct et déterminant entre ses acouphènes permanents et son hypoacousie ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au bénéfice
de Me C... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.


Il soutient que :
- la décision en litige du 7 août 2017 n'est pas la confirmation du précédent refus de prise en charge de son matériel auditif dont la légalité a été confirmée par la juridiction des pensions ; en effet, la décision contestée est essentiellement justifiée par les mentions portées sur la fiche descriptive de ses infirmités dont il résulte que son hypoacousie n'est pas pensionnée ; cette décision n'est d'ailleurs pas fondée sur l'autorité de la chose jugée ; il a cependant contesté cette fiche descriptive en ce qu'elle ne mentionne pas la relation entre les acouphènes permanents et l'hypoacousie en résultant ; le tribunal ne pouvait donc pas lui opposer l'autorité de la chose jugée ;
- il n'est pas justifié de la date de notification de la fiche descriptive
du 5 novembre 2012 ; le lien entre son hypoacousie et ses acouphènes n'est pas mentionné sur cette fiche, qui comporte en outre une inexactitude quant à son adresse ; la décision attaquée n'est pas celle du 5 novembre 2012, mais le refus de prise en charge de son appareil auditif du 7 août 2017 ;
- une surdité d'origine sono-traumatique peut s'aggraver par dégradation cochléaire ; or, en application de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la gratuité des soins médicaux s'applique aux soins en relation directe avec la pathologie ayant ouvert droit à pension ; le tribunal des pensions de la Manche a reconnu l'aggravation de son hypoacousie.
Par des mémoires en défense enregistrés les 20 juin 2019, 23 octobre 2019
et 8 janvier 2020, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
- la décision en litige du 7 août 2017 confirme une précédente décision du 21 mars 2013
de refus de prise en charge d'un appareil auditif ; le recours du requérant contre ce refus du 21 mars 2013 ayant été rejeté, après expertise, la nouvelle demande de prise en charge contrevient au principe de l'autorité de la chose jugée ; la circonstance que la décision du 7 août 2017 n'oppose pas expressément l'autorité de la chose jugée est sans incidence ;
- l'arrêté du 22 octobre 2012 a été notifié à l'intéressé le 15 novembre 2012 ainsi que cela résulte des mentions de l'avis de réception postal produit devant le tribunal des pensions ; il n'a été attaqué qu'en tant qu'il refusait une revalorisation de la pension à titre rétroactif ; un nouveau recours portant sur la mention d'un lien entre l'hypoacousie et les acouphènes est irrecevable ;
- le jugement du tribunal des pensions de la Manche du 25 mai 2010, confirmé en appel, dont le requérant se prévaut a seulement reconnu une aggravation des acouphènes, ce qui a conduit à majorer de 10 à 25 % le taux de la pension concédée ;
- le requérant ne peut plus demander une révision de sa pension pour aggravation de son hypoacousie, demande dont il a été définitivement débouté ; la demande déposée en ce sens le 2 août 2010 n'est pas pendante, contrairement à ce qu'il affirme, mais a été rejetée le 21 décembre 2012, décision confirmée par le tribunal des pensions de la Vienne
le 26 janvier 2015 et la cour régionale des pensions de Poitiers le 7 juin 2016, le pourvoi n'étant pas admis par le CE le 27 mars 2017 ;
Par une décision du 8 février 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Pau a reconnu à M. B... le droit à l'aide juridictionnelle totale en vertu du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
Par une ordonnance du 18 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée
au 17 janvier 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 ;
- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel, les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article ainsi que, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement ".

2. M. B..., mécanicien avions puis major de l'armée de l'air rayé des cadres à compter du 1er mars 1992, et admis à la retraite en juillet 2009, s'est vu accorder par un arrêté du 26 décembre 2011 une pension militaire d'invalidité en raison d'acouphènes permanents consécutifs à un traumatisme survenu en service le 22 juillet 1976. Le taux d'invalidité lié à cette infirmité, initialement fixé à 10 %, a, en exécution d'un arrêt de la cour régionale des pensions de Caen, été porté à 25 % par un arrêté du 22 octobre 2012, ainsi que le mentionne la fiche descriptive des infirmités établie le 5 novembre 2012. Au cours de l'année 2013,
M. B... a saisi le tribunal des pensions de la Vienne d'une demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 21 décembre 2012 rejetant sa demande de révision de cette pension pour aggravation, et à la prise en charge d'un appareil auditif. Par un jugement du 26 janvier 2015, le tribunal des pensions de la Vienne, après avoir ordonné avant-dire droit une expertise médicale, a rejeté le recours de M. B... en relevant que, si l'intéressé présentait une hypoacousie bilatérale liée à ses acouphènes, le taux d'invalidité de cette infirmité associée aux acouphènes était inférieur au taux indemnisable, et en précisant que l'aggravation invoquée de sa déficience auditive n'avait pas pour origine les acouphènes consécutifs au traumatisme initial. Par un arrêt du 7 juin 2016, la cour régionale des pensions de Poitiers a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement en relevant que l'appareillage auditif sollicité n'était pas nécessité par l'infirmité ayant motivé l'attribution de la pension, à savoir des acouphènes permanents, mais par une presbyacousie, correspondant à une perte progressive de l'audition liée à l'âge. Le pourvoi de M. B... contre cet arrêt a fait l'objet d'une décision de non-admission du Conseil d'Etat du 27 mars 2017. Par un courrier du 21 février 2017, M. B... a sollicité auprès de la caisse nationale militaire de sécurité sociale la prise en charge d'un appareil auditif. Cette demande a été rejetée par une décision du 7 août 2017 du directeur de la caisse au motif qu'il résultait des mentions portées sur la fiche descriptive des infirmités que l'appareillage en cause n'était pas nécessité par une infirmité pensionnée. M. B... relève appel du jugement du 13 décembre 2018 par lequel le tribunal des pensions de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de refus de prise en charge du 7 août 2017 et à la modification
de la fiche descriptive de ses infirmités établie le 5 novembre 2012.
3. La loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, et le
décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi précitée, et portant diverses dispositions intéressant la défense ont eu pour effet de transférer aux juridictions administratives de droit commun le contentieux des pensions militaires d'invalidité. Par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux, à qui la cour régionale des pensions de Bordeaux a transmis la requête de M. B..., est compétente pour statuer sur l'appel interjeté contre le jugement du tribunal des pensions de Pau.
4. Aux termes de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les invalides pensionnés au titre du présent code ont droit aux appareils, produits et prestations nécessités par les infirmités qui ont motivé leur pension. Les appareils sont fournis, réparés et remplacés aux frais de l'Etat dans les conditions prévues par le présent code, tant que l'infirmité en cause nécessite l'appareillage ".
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la demande de M. B...
du 21 février 2017 tendant à la prise en charge d'un appareil auditif nécessité par l'aggravation de son hypoacousie, qu'il impute aux acouphènes permanents en raison desquels une pension militaire d'invalidité lui a été attribuée, a le même objet et le même fondement que la demande faite par l'intéressé en 2013, demande qui avait donné lieu à une décision de refus dont la légalité a été confirmée par les décisions juridictionnelles citées au point 2. Ces décisions étant revêtues de l'autorité de la chose jugée, la nouvelle demande de M. B... ne pouvait donc qu'être rejetée.
6. En deuxième lieu, M. B... fait valoir que le refus litigieux du 7 août 2017 de prise en charge d'un appareil auditif est fondé sur les mentions, selon lui erronées, de la fiche descriptive de ses infirmités établie le 5 novembre 2012. Toutefois, à supposer que le requérant entende invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette fiche descriptive à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision du 7 août 2017, cette décision ne peut plus, comme il vient d'être dit, être utilement contestée. Dans ces conditions, et alors en outre que l'appelant précise dans ses écritures qu'il ne demande pas l'annulation de cette fiche descriptive, et qu'il ressort des pièces produites par le ministre qu'il en a eu connaissance au plus tard à la date du 26 novembre 2012 à laquelle il a sollicité, au vu de cette fiche alors non contestée, la rétroactivité de sa pension, ses conclusions tendant à ce qu'il doit enjoint à l'administration de modifier cette fiche ne peuvent qu'être rejetées.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de la décision du tribunal des pensions, et que sa requête d'appel doit être regardée comme manifestement dépourvue de fondement au sens des dispositions précitées du dernier alinéa de
l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Par suite, elle ne peut qu'être rejetée, ensemble les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.


DECIDE :


Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et au ministre des armées.
Fait à Bordeaux, le 23 avril 2020.



La présidente de la 2ème chambre,



Catherine Girault


La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2
N° 19BX04081