CAA de LYON, 7ème chambre, 25/08/2020, 19LY01809, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision25 août 2020
Num19LY01809
JuridictionLyon
Formation7ème chambre
PresidentM. SEILLET
RapporteurMme Claire BURNICHON
CommissaireM. CHASSAGNE
AvocatsLOPEZ

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions des 29 mai et 23 juin 2017 par lesquelles la ministre des armées a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre ainsi que les arrêtés des 10 juillet 2017, 19 mars et 16 mai 2018 par lesquels elle a été placée et maintenue en disponibilité d'office pour maladie, d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre à compter du 29 juin 2016 et de prendre en charge ses arrêts de maladie à ce titre, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte, et à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte.

Par jugement n° 1705471 du 13 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions des 29 mai et 23 juin 2017 par lesquelles la ministre des armées a rejeté la demande du 29 juin 2016 de Mme B... tendant à la reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre ainsi que les arrêtés des 10 juillet 2017 et 16 mai 2018 par lesquels la même autorité a placé Mme B... en disponibilité d'office et a enjoint à la ministre des armées de procéder au réexamen de la demande du 29 juin 2016 de Mme B... tendant à la reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 mai 2019 et le 13 décembre 2019, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 mars 2019 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'injonction formulée à titre principal ;
2°) d'annuler la décision de la ministre des armées en date du 29 mai 2017 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, ensemble la décision de rejet de sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle en date du 23 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre à la ministre des armées de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 29 juin 2016 et d'en tirer les conséquences qui s'y attachent notamment en termes de prise en charge de ses arrêts maladie à plein traitement, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement attaqué s'est mépris dans le choix du moyen à retenir pour régler le litige dès lors qu'il appartenait au tribunal de se prononcer prioritairement sur le moyen qui était susceptible de faire droit à sa demande d'injonction tendant à la reconnaissance de maladie professionnelle ;
- le moyen tiré de l'erreur d'appréciation du ministre ne pouvait être regardé comme inopérant ;
- les décisions en litige sont entachées d'erreur d'appréciation dès lors que sa pathologie est en lien avec l'exercice de ses anciennes fonctions d'agent de service hospitalier.

Par un mémoire enregistré le 6 février 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de Mme B... en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 février 2020 la clôture de l'instruction a été fixée au 26 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., employée par l'hôpital d'instruction des armées Desgenettes depuis le 1er décembre 2000 en tant qu'agent des services hospitaliers, puis, en raison de ses problèmes de santé, en tant qu'adjoint administratif de 2ème classe affectée au service restauration depuis novembre 2012, a fait l'objet d'un congé maladie ordinaire à compter du 20 juin 2016 en raison d'une tendinopathie des épaules. Le 29 juin 2016, elle a présenté une déclaration de maladie professionnelle pour cette pathologie. Par décisions des 29 mai 2017 et 23 juin suivant, la ministre des armées lui a refusé le bénéfice des dispositions de l'article 34-2 de la loi du 11 janvier 1984. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions des 29 mai et 23 juin 2017 ainsi que les arrêtés des 10 juillet 2017, 19 mars et 16 mai 2018 par lesquels elle a été placée et maintenue en disponibilité d'office pour maladie, d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre à compter du 29 juin 2016 et de prendre en charge ses arrêts de maladie à ce titre, et à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 mars 2019 ayant fait droit à sa demande tendant à l'annulation des décisions des 29 mai 2017 et 23 juin suivant, en tant qu'il n'a pas retenu l'imputabilité au service de sa pathologie et qu'il a rejeté ses conclusions présentées à titre principal tendant à enjoindre à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie diagnostiquée le 20 juin 2016.

2. Le motif par lequel le juge de l'excès de pouvoir juge fondé l'un quelconque des moyens de légalité soulevés devant lui ou des moyens d'ordre public qu'il relève d'office suffit à justifier l'annulation de la décision administrative contestée. Il en résulte que, sauf dispositions législatives contraires, le juge de l'excès de pouvoir n'est en principe pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d'autres moyens que celui qu'il retient explicitement comme étant fondé.

3. La portée de la chose jugée et les conséquences qui s'attachent à l'annulation prononcée par le juge de l'excès de pouvoir diffèrent toutefois selon la substance du motif qui est le support nécessaire de l'annulation. C'est en particulier le cas selon que le motif retenu implique ou non que l'autorité administrative prenne, en exécution de la chose jugée et sous réserve d'un changement des circonstances, une décision dans un sens déterminé. Il est, à cet égard, loisible au requérant d'assortir ses conclusions à fin d'annulation de conclusions à fin d'injonction, tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, ou à ce qu'il lui enjoigne de reprendre une décision dans un délai déterminé, sur le fondement de l'article L. 911-2 du même code.

4. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L.911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L.911- 2 du même code.

5. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant.

6. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée. En statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale.

7. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale. Il s'ensuit que la requête ainsi présentée par Mme B... est recevable.

8. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi modifiée du 13 juillet 1983, selon lesquelles le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, doivent être regardées, compte tenu de leur caractère suffisamment clair et précis, comme entrées en vigueur le lendemain de leur publication au Journal officiel, soit le 21 janvier 2017, nonobstant l'absence d'édiction du décret d'application auquel renvoie cet article. Toutefois, les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. La pathologie de Mme B... a emporté la nécessité d'un arrêt de travail à compter du 20 août 2016, date où elle a été diagnostiquée. Par suite, sa situation est entièrement régie, en l'absence de disposition contraire dans l'ordonnance du 19 janvier 2017, par les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 dans sa rédaction applicable à la date du 20 juin 2016.

9. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle la maladie de Mme B... a été diagnostiquée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) /2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. /Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie présentée par Mme B..., la ministre des armées, comme l'a retenu à bon droit le tribunal, s'est bornée à relever que la pathologie présentée par Mme B... " n'entre pas dans le cadre du tableau n° 57A des maladies professionnelles annexé au code de la sécurité sociale ", sans procéder à une analyse du lien de causalité entre l'affection présentée par l'intéressée et le service. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient Mme B..., la ministre des armées n'a pas présenté, dans son mémoire en défense devant le tribunal, une demande de substitution du motif retenu dans la décision en litige par celui de l'absence de lien de causalité direct et certain, motif qui ne peut pas résulter du rapport d'expertise du docteur Poirier, rhumatologue agréé qui a examiné l'intéressée dans le cadre de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Compte tenu de ces circonstances, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif n'a pas retenu le moyen tiré de l'erreur d'appréciation quant au caractère imputable au service de sa pathologie et par suite, elle n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'injonction formulée à titre principal. Il en résulte que ses conclusions à fin d'injonction doivent être également rejetées.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B... sollicite le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
Mme Burnichon, premier conseiller,
Mme Rémy-Néris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 août 2020.
N° 19LY01809