Conseil d'État, 6ème chambre, 04/11/2020, 431430, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision04 novembre 2020
Num431430
Juridiction
Formation6ème chambre
RapporteurMme Cécile Vaullerin
CommissaireM. Stéphane Hoynck
AvocatsSCP FOUSSARD, FROGER

Vu la procédure suivante :

M. A... C... a demandé au tribunal départemental des pensions militaires de Pau d'annuler la décision du ministre de la défense du 3 octobre 2016 lui refusant la prise en compte d'une nouvelle infirmité pour un syndrome d'apnée du sommeil et rejetant la demande de prise en compte de cette infirmité. Par un jugement du 11 janvier 2018, le tribunal départemental des pensions militaires de Pau a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° RG 18/00847 du 22 novembre 2018, la cour régionale des pensions de Pau a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 6 juin 2019 et le 6 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... D..., auditrice,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. C... ;




Considérant ce qui suit :

1. Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application.

2. Pour juger que la preuve de l'imputabilité au service des infirmités dont se plaint M. C... n'était pas rapportée, la cour régionale des pensions de Pau s'est nécessairement fondée sur les dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, aux termes desquelles : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " et sur celles de l'article L. 3 du même code, aux termes desquelles : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : [...] 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ". L'arrêt attaqué ne faisant mention de ces textes ni dans ses visas ni dans ses motifs, M. C... est fondé à soutenir qu'il est entaché d'irrégularité. Par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, M. C... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

4. Il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre citées précédemment, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. C..., victime le 30 septembre 1956 de l'attentat dit " du Milk bar " à Alger, a notamment subi l'amputation de la jambe gauche au tiers supérieur. Une pension militaire d'invalidité définitive lui a été accordée au taux de 100 %, auxquels s'ajoutent 40° pour les infirmités consécutives à cet événement. Il bénéficie en outre de l'allocation " grands mutilés " au titre de l'ancien article L. 37 du code des pensions militaires d'invalidité. Le ministre de la défense a cependant rejeté, par la décision attaquée du 3 octobre 2016, sa demande de prise en compte d'une nouvelle infirmité pour un syndrome d'apnée du sommeil.

6. Pour rattacher au service l'infection dont il souffre, M. C... fait valoir qu'il présente un syndrome d'apnée du sommeil important depuis mars 2006 traité par appareillage nocturne à pression positive, syndrome qui serait la conséquence directe de son inactivité et de son inaptitude physique due à 1'amputation de 1956. Il se prévaut à ce titre de deux certificat médicaux établis par le docteur Mignonat les 16 décembre 2016 et 13 septembre 2018. Toutefois, il résulte de l'instruction que ces certificats n'ont pas été rédigés à l'issue d'une expertise de l'imputabilité de l'infirmité en cause conduisant à un avis motivé, tandis que tant le médecin chef Regard que le docteur Pétriat indiquent, dans des avis motivés sur ce point, que les troubles respiratoires du sommeil dont souffre M. C... ne sont pas en relation médicale directe, certaine et déterminante avec l'infirmité déjà pensionnée.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Pau a rejeté sa demande d'annulation de la décision du ministre de la défense du 3 octobre 2016.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Pau du 22 novembre 2018 est annulé.
Article 2 : La requête formée par M. C... devant la cour régionale des pensions de Pau est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et à la ministre des armées.

ECLI:FR:CECHS:2020:431430.20201104