CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 03/11/2020, 19MA03925, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision03 novembre 2020
Num19MA03925
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Didier URY
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsGERNEZ

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de M. D....


Considérant ce qui suit :

1. M. D... relève appel du jugement n°1703027 du 24 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de la zone de défense et de sécurité sud refusant de lui accorder le paiement de ses frais de transport entraînés par les séquelles des accidents de service des 18 avril 2003 et 27 mai 2014, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 285,17 euros.



Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". Aux termes de l'article 53 du décret du 14 mars 1986 : " Les honoraires et les autres frais médicaux résultant des examens prévus au présent décret, et les frais éventuels de transport du malade examiné, sont à la charge du budget de l'administration intéressée. Les tarifs d'honoraires des médecins agréés et les conditions de rémunération et d'indemnisation des membres des comités médicaux prévues au présent décret sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la santé. ". Ces dispositions comportent pour les fonctionnaires le droit au remboursement des frais réels par eux exposés mais il appartient toutefois aux intéressés de justifier tant du montant de ces frais que du caractère d'utilité directe que ceux-ci ont présenté au titre des conséquences de l'accident de service.

3. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier.

4. En application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, la Cour a mis le ministre de l'intérieur en demeure de présenter ses observations dans les présentes instances. Cette mise en demeure étant demeurée sans suite à la date de clôture de l'instruction, le ministre de l'intérieur doit, conformément aux dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, être regardé comme ayant acquiescé aux faits exposés dans les requêtes présentées par M. D....

5. M. D..., capitaine de la police nationale, a été victime le 18 avril 2003 et le 27 mai 2014 d'accidents de travail reconnus imputables au service par arrêtés du 30 juin 2004 et du 12 juin 2015. A la suite du premier accident, il a subi diverses opérations et plusieurs mois d'hospitalisation, et s'est vu attribuer à ce titre une allocation temporaire d'invalidité. A la suite du second accident, il été placé en arrêt de travail et a été déclaré le 15 juillet 2015 inapte à ses fonctions avec reprise non prévisible. Il a demandé au préfet de la zone de sécurité et de défense sud le remboursement de divers frais pour la somme totale de 285,17 euros, qui lui a été refusé.

6. M. D... soutient que les dépenses engagées à l'occasion de la consultation de divers praticiens et du suivi de son dossier entrent dans le cadre de l'article 34 précité de la loi du 11 janvier 1984. Au total, le requérant fait état de frais de transport restés à sa charge pour une somme de 285,71 euros. Il ressort des pièces du dossier que ces frais ont été engagés pour consulter un podologue chargé de confectionner des semelles orthopédiques (96,22 euros), réceptionner des documents administratifs auprès de la Poste (12,16 euros + 92, 09 euros), et se rendre à diverses autres consultations médicales (84,70 euros). L'administration qui n'a pas produit de défense ne conteste pas la matérialité de ces consultations, ni les déplacements effectués. Ainsi, M. D... établit son droit au remboursement des frais par lui exposés qui sont en lien direct avec les soins nécessités par sa pathologie professionnelle et le suivi de sa situation administrative. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. D... justifie de frais à hauteur de 285,17 euros.

7. Il résulte de ce qui précède, d'une part que M. D... est fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la zone de sécurité et de défense sud lui a refusé le remboursement de la somme de 285,17 euros, et à demander l'annulation du jugement n° 1703027.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à
M. D... la somme de 285,17 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

9. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil dans sa version applicable au litige courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.

10. En application de ces dispositions, M. D... a droit aux intérêts au taux légal à compter de la transmission, de sa demande préalable, à compter du 12 janvier 2017 pour la somme de 285,71 euros.

11. M. D... a également demandé, dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif de Marseille enregistrée respectivement le 24 avril 2017, la capitalisation des intérêts. A cette date, il n'était pas dû plus d'une année d'intérêts. Il n'y a donc lieu de faire droit à cette demande qu'à compter du 12 janvier 2018, et à chaque échéance annuelle, pour les intérêts échus postérieurement.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à
M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




DECIDE :


Article 1er : Le jugement n° 1703027 du 24 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La décision implicite par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud a refusé de prendre en charge les frais de M. D... pour la somme de 285,17 euros, est annulée.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser une somme de 285,71 euros à M. D..., avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2017. Les intérêts échus à chaque échéance annuelle, soit à compter du 12 janvier 2018, du 12 janvier 2019 et du 12 janvier 2020, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité sud.


Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.

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N° 19MA03925