CAA de PARIS, 6ème chambre, 10/11/2020, 19PA02397, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision10 novembre 2020
Num19PA02397
JuridictionParis
Formation6ème chambre
PresidentMme FUCHS TAUGOURDEAU
RapporteurMme Marie-Isabelle LABETOULLE
CommissaireM. BAFFRAY
AvocatsDENAKPO

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 13 janvier 2016 par laquelle le directeur général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée le
24 juin 2014.

Par un jugement n° 1602200 du 29 janvier 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2019, Mme F..., représentée par
Me Denakpo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 29 janvier 2019 ;

2°) d'annuler la décision du directeur des ressources humaines du groupe Hôpitaux universitaires de Paris-Sud, ensemble celle du directeur général de l'assistance-publique-hôpitaux de Paris du 13 janvier 2016 rejetant son recours gracieux ;

3°) de lui accorder les droits résultant des dispositions de l'article 34 2° de la loi
n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

4°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris une somme de
2 500 euros à verser à Me Denakpo, son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit car elle méconnait la présomption d'imputabilité au service de l'accident survenu à un fonctionnaire dans le temps et sur le lieu de son service, instituée par l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ;
- elle méconnait aussi la présomption d'imputabilité instituée par les articles L. 146 et suivants du code de la sécurité sociale ;
- l'avis de la commission de réforme est irrégulier car elle a désigné comme expert un de ses membres permanents, ou qui, du moins, ne justifiait pas de son agrément, ce qui vicie la décision attaquée et justifie la réalisation d'une contre-expertise ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à sa situation personnelle ;
- elle méconnait les dispositions de l'article 34 2° de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 en ce que les droits et avantages accordés par ces dispositions lui sont à tort refusés.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 août 2020, l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, représenté par Me Lacroix, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de Mme F... une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable car tardive ;
- elle est irrecevable car elle ne contient pas de moyens à l'encontre du jugement attaqué ;
- la demande de première instance était également irrecevable dès lors qu'elle ne comportait ni moyens ni conclusions ;
- les moyens de légalité externe soulevés en appel, tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de l'irrégularité de la procédure devant la commission de réforme, sont irrecevables car ils relèvent d'une cause juridique nouvelle en appel ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.


Par ordonnance du 8 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 août 2020.


Vu les autres pièces du dossier.
Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.


Considérant ce qui suit :

1. Mme H..., aide-soignante depuis 1991 au sein de l'hôpital public Paul Brousse, rattaché à l'AP-HP, est affectée depuis octobre 2009 à l'accueil de cet hôpital. Le
9 décembre 2013, elle a fait une déclaration d'accident de service après avoir, ce même jour, ressenti une vive douleur au bas du dos en se penchant de son siège pour ramasser son stylo. Elle s'est vu prescrire à ce titre un arrêt de travail jusqu'au 13 décembre 2013 pour " lumbago aigu suite de faux mouvement " tandis qu'un deuxième certificat médical du même jour lui diagnostiquait une lombosciatique gauche. Après avoir repris ses fonctions, elle a bénéficié de plusieurs arrêts de travail ultérieurs dans les mois suivants puis a, le 24 juin 2014, formé une demande de prise en charge de sa lombosciatique gauche au titre d'une maladie professionnelle. Le 14 avril 2015 la commission de réforme a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 9 décembre 2013 mais a retenu une date de guérison à la date de reprise des fonctions le 14 décembre 2013. Dans le cadre de sa demande de prise en charge de sa lombosciatique gauche comme maladie professionnelle, elle a été examinée le
30 avril 2015 par un expert rhumatologue qui a conclu que, en raison notamment des antécédents de l'intéressée, le dossier présenté n'apportait pas la preuve que la lombosciatique de
Mme F... pouvait être reconnue comme maladie professionnelle. La commission de réforme ayant émis un avis défavorable à sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle à l'issue de sa séance du 21 septembre 2015, le directeur des ressources humaines du groupe hospitalo-universitaire Paris-Sud a, le 19 octobre 2015, pris une décision de refus de prise en charge de sa pathologie comme maladie professionnelle. Après un recours grâcieux formé par celle-ci le 10 novembre 2015, le directeur des ressources humaines de
l'AP-HP a confirmé cette décision le 13 janvier 2016. Mme F... a alors saisi le Tribunal administratif de Melun le 9 mars 2016 d'une demande analysée par celui-ci comme tendant à l'annulation des décisions de refus qui lui avaient été opposées, mais cette demande a été rejetée par jugement du 29 janvier 2019. Mme F... a dès lors déposé le
1er mars 2019 une demande d'aide juridictionnelle en vue d'une procédure d'appel, et, sans attendre la réponse du bureau d'aide juridictionnelle, elle a interjeté appel en déposant devant la Cour le 26 mars 2019 une requête sommaire devant être complétée par un mémoire ampliatif. Celui-ci n'ayant été produit qu'après l'expiration du délai de 15 jours imparti par la Cour par mise en demeure du 16 mai 2019, la Cour a rendu le 16 juillet 2019 une ordonnance de désistement d'office. Mme H..., qui avait entretemps obtenu l'aide juridictionnelle partielle par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 mai 2019 a, le 23 juillet 2019, de nouveau saisi la Cour, en formant la présente requête.
Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, si Mme F... invoque l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, et fait valoir que la commission de réforme aurait désigné un de ses membres permanents comme expert, puis que celui-ci n'aurait pas justifié de son agrément ni de sa structure d'exercice, elle n'avait pas soulevé devant le tribunal administratif de moyens mettant en cause la légalité externe de la décision attaquée. Dès lors ces moyens, soulevés pour la première fois devant la Cour, relèvent d'une cause juridique nouvelle en appel et par suite, n'étant pas par ailleurs d'ordre public, ils sont en tout état de cause irrecevables.

3. En deuxième lieu, la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise. Dès lors Mme F... ne peut utilement invoquer à l'encontre des décisions du 19 octobre 2015 et du 13 janvier 2016 la méconnaissance des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 instaurant une présomption d'imputabilité au service de l'accident survenu à un fonctionnaire dans le temps et sur le lieu du service ainsi que pendant ses trajets, ces dispositions étant, ainsi qu'elle l'indique elle-même, issues de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que la douleur qu'elle a ressentie le 9 décembre 2013, après s'être penchée pour ramasser son stylo, a bien été reconnue imputable au service et a donné lieu à une prise en charge à ce titre sous la forme d'un arrêt de travail jusqu'au 13 décembre suivant, en dépit d'ailleurs des conclusions du Dr Pourraz dans son expertise du 19 février 2014, mais conformément à l'avis de la commission de réforme à l'issue de sa séance du 14 avril 2015. Mais celle-ci a alors retenu une " guérison par retour à l'état antérieur le 14 décembre 2013, date de reprise des fonctions " et ainsi la prise en charge en tant qu'accident de service de la douleur résultant du faux mouvement effectué le
9 décembre 2013 n'impliquait pas, en toute hypothèse, qu'il soit fait droit à sa demande, présentée plusieurs mois après, de faire reconnaitre ses douleurs dorsales comme maladie professionnelle.

4. En troisième lieu, " aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ". Ces dispositions étaient seules applicables à la demande de Mme F... tendant à ce que l'AP-HP reconnaisse l'imputabilité au service de la pathologie dont elle est atteinte, et, à ce titre, il incombait seulement à cet établissement de rechercher si cette affection avait été contractée ou aggravée en service, sans avoir à faire application des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, relatives à la présomption d'imputabilité au service des maladies professionnelles, qui ne sont pas applicables aux agents de la fonction publique hospitalière. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la présomption d'imputabilité au service des maladies professionnelles prévue par ces dispositions du code de la sécurité sociale est inopérant.

5. En quatrième lieu, si Mme H... soutient que " les motifs justifiant cette décision manquent en fait " elle fait en réalité valoir dans le cadre de ce moyen que la commission de réforme aurait désigné un de ses membres permanents comme expert, puis qu'il ne justifierait pas de son agrément. Or, ainsi qu'il a été dit au point 2 ce grief relève de la légalité externe de la décision attaquée et par suite, d'une cause juridique nouvelle en appel et est dès lors irrecevable. Et pour autant que la requérante doive être regardée comme ayant aussi entendu contester le bien-fondé du refus d'admettre sa pathologie comme maladie professionnelle et l'appréciation ainsi portée sur son état de santé, le moyen sera écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise.

6. En cinquième lieu Mme H... ne peut utilement faire état, à l'appui de sa demande d'annulation de la décision contestée, de ce que celle-ci " porte une atteinte manifestement disproportionnée à sa situation personnelle ". En tout état de cause, elle n'établit en rien qu'il y aurait eu " une série d'erreurs et de violations " qui aurait conduit à " une situation injuste " et à " un traitement injuste et disproportionné " de sa situation.

7. En sixième lieu si Mme F... soutient, sans apporter aucune précision, que la décision attaquée méconnaitrait les dispositions du 2° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 " en ce que les droits et avantages accordés par ces dispositions lui sont refusés ", cette loi ne s'applique qu'aux agents de la fonction publique d'Etat. Par suite le moyen, est inopérant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité ou sur celle de sa demande de première instance.


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par l'Assistance publique-hôpitaux de Paris :

9. Ces dispositions font obstacle à que soient mises à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes demandées par Mme F... et son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F... la somme demandée par l'Assistance publique-hôpitaux de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.







DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F... et à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.
Le rapporteur,
M-I. E...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02397