CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 26/11/2020, 19MA02645, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision26 novembre 2020
Num19MA02645
JuridictionMarseille
Formation2ème chambre
PresidentM. ALFONSI
RapporteurMme Karine JORDA-LECROQ
CommissaireM. GAUTRON
AvocatsDE LAUBIER

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite du 6 avril 2017 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Le Jardin des Aînés a rejeté sa demande du 6 février 2017 tendant à la reconnaissance de sa maladie professionnelle au-delà du 12 novembre 2013, à la prise en charge de ses arrêts de travail, de ses frais médicaux et au versement de l'intégralité de son traitement depuis cette date et d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de reconnaître sa maladie professionnelle à compter du 12 novembre 2013 jusqu'à la reprise de ses fonctions et à titre subsidiaire, de prendre en charge, au titre de sa maladie professionnelle, ses arrêts de travail postérieurs à la date de consolidation de son état de santé, de lui verser l'intégralité de son traitement depuis cette date jusqu'à la reprise de ses fonctions et de lui rembourser l'ensemble de ses frais médicaux depuis cette même date de consolidation de son état de santé.

Par un jugement n° 1702586 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande et a mis à la charge définitive de M. A... les frais d'expertise.


Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 juin 2019 et 9 septembre 2020, M. A..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 10 avril 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du 6 avril 2017 ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'Ehpad Le Jardin des Aînés, à titre principal, de reconnaître sa maladie professionnelle à compter du 12 novembre 2013 jusqu'à la reprise de ses fonctions et à titre subsidiaire, de prendre en charge, au titre de sa maladie professionnelle, ses arrêts de travail postérieurs à la date de consolidation de son état de santé, de lui verser l'intégralité de son traitement depuis cette date jusqu'à la reprise de ses fonctions et de lui rembourser l'ensemble de ses frais médicaux depuis cette même date de consolidation de son état de santé ;

4°) de mettre à la charge de l'Ehpad Le Jardin des Aînés la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en l'absence de réponse au moyen tiré de l'illégalité du refus de prise en charge des frais médicaux depuis la date de consolidation de son état de santé ;
- la date de consolidation de l'état de santé retenue est erronée ;
- il a droit au remboursement des frais médicaux liés à sa maladie professionnelle exposés postérieurement à la date de consolidation de son état de santé ;
- il ne doit pas supporter la charge définitive des frais d'expertise.


Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2020, l'Ehpad Le Jardin des Aînés, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative ;


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant l'Ehpad " Le Jardin des Aînés ".



Considérant ce qui suit :

1. M. A..., aide-soignant au sein de l'Ehpad Le Jardin des Aînés situé à Ganges, relève appel du jugement du 10 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 6 avril 2017 par laquelle le directeur de cet établissement a rejeté sa demande du 6 février 2017 tendant à la reconnaissance de sa maladie professionnelle des épaules au-delà du 12 novembre 2013, la prise en charge de ses arrêts de travail, de ses frais médicaux et le versement de l'intégralité de son traitement depuis cette date et à ce qu'il soit enjoint à cette même autorité, à titre principal, de reconnaître sa maladie professionnelle à compter du 12 novembre 2013 jusqu'à la reprise de ses fonctions et à titre subsidiaire, de prendre en charge, au titre de sa maladie professionnelle, ses arrêts de travail postérieurs à la date de consolidation de son état de santé, de lui verser l'intégralité de son traitement depuis cette date jusqu'à la reprise de ses fonctions et de lui rembourser l'ensemble de ses frais médicaux depuis cette même date de consolidation de son état de santé.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des termes mêmes de la demande présentée le 2 juin 2017 par M. A... devant le tribunal et du mémoire complémentaire enregistré le 8 octobre 2018 que celui-ci a soulevé à titre principal un moyen tiré de l'existence d'une erreur d'appréciation relative à la fixation de la date de consolidation de son état de santé concernant la pathologie de ses épaules et, à titre subsidiaire, un moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière en l'absence de prise en charge, en dépit du caractère contestable de la date de consolidation retenue pour sa pathologie des épaules, des arrêts de travail postérieurs au 12 novembre 2013, en sollicitant par ailleurs qu'il soit enjoint à l'administration, en particulier, de prendre en charge les frais médicaux même postérieurs à cette date, sans toutefois produire de pièces de nature à justifier l'existence de tels frais. Dans ces conditions, en relevant, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 que doivent être pris en charge au titre de l'accident de service les honoraires médicaux et frais directement entraînés par celui-ci, y compris, le cas échéant, s'ils sont exposés postérieurement à la date de consolidation constatée par l'autorité compétente, d'autre part, que c'est sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation que le directeur de l'Ehpad Le Jardin des Aînés a fixé au 12 novembre 2013 la date de consolidation de l'état de santé de M. A... concernant cette pathologie et, enfin, que c'est à juste titre que l'administration a refusé d'admettre que postérieurement au 12 novembre 2013, l'état de santé de M. A... demeurait en lien direct avec la pathologie dont il souffre et reconnue imputable au service, les premiers juges doivent être regardés comme ayant répondu à l'ensemble des moyens soulevés devant eux, notamment en ce qui concerne la question de la prise en charge, le cas échéant, de frais médicaux liés à la maladie professionnelle postérieurs à la date de consolidation de l'état de santé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie (...) en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...), le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ". Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 et applicable à la date de la confirmation de la décision contestée : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service (...) ". Il résulte de ces dispositions que doivent en particulier être pris en charge au titre de l'accident de service les honoraires médicaux et frais directement entraînés par celui-ci, y compris, le cas échéant, s'ils sont exposés postérieurement à la date de consolidation constatée par l'autorité compétente.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier le 11 décembre 2017, venu en particulier confirmer sur ce point les conclusions de l'expertise réalisée par le docteur Ferrazzi le 16 janvier 2015, que l'état de santé de M. A... en ce qui concerne exclusivement sa pathologie invalidante de la coiffe des rotateurs des deux épaules imputable au service et reconnue comme maladie professionnelle numéro 57 A le 12 mars 2013, a été consolidé le 12 novembre 2013, que, depuis lors, le requérant n'a ni consulté ni effectué de séances de rééducation concernant cette pathologie, et que les arrêts de travail et soins postérieurs à cette date ont été rendus nécessaires par d'autres pathologies plus invalidantes non imputables au service, relatives à des problèmes rachidiens, lombaires et cervicaux avec troubles neurologiques du membre supérieur droit, une arthrose évoluée du genou gauche et un syndrome dépressif sévère. Le certificat médical établi par le médecin traitant de M. A... le 9 avril 2015, qui avait alors estimé que la date de consolidation de l'état de santé de M. A... au 12 novembre 2013 n'apparaissait pas pertinente au motif qu'aucun geste chirurgical n'avait été effectué, n'est pas de nature à contredire utilement les conclusions de l'expertise judiciaire. Par ailleurs, la circonstance que le déficit fonctionnel permanent du requérant résultant de sa pathologie des épaules a été différemment évalué à 5 et à 10% respectivement par le docteur Ferrazzi et par l'expert judiciaire est sans influence sur la fixation au 12 novembre 2013 de la date de consolidation de son état de santé concernant cette pathologie. En outre, ainsi que cela a été exposé au point 2, M. A... ne produit aucune pièce de nature à établir qu'il aurait exposé postérieurement à cette dernière date des frais médicaux en lien avec sa pathologie des épaules reconnue imputable au service. Dans ces conditions, c'est à juste titre, comme l'a retenu le tribunal, que le directeur de l'Ehpad Le Jardin des Aînés a pu, par la décision implicite contestée, rejeter sa demande tendant à la prise en charge de ses arrêts de travail et, en l'absence de justification de l'existence de tels frais, de frais médicaux postérieurs à la date de consolidation de son état de santé le 12 novembre 2013 en lien avec la pathologie reconnue imputable au service, et au versement de l'intégralité de son traitement.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses demandes aux fins d'annulation et d'injonction et ont mis à sa charge définitive les frais d'expertise. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. En revanche, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l'Ehpad Le Jardin des Aînés et non compris dans les dépens.


D É C I D E :


Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à l'Ehpad Le Jardin des Aînés une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à l'Ehpad Le Jardin des Aînés.


Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme F..., présidente assesseure,
- Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2020.
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N° 19MA02645