CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 01/12/2020, 19MA04954, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision01 décembre 2020
Num19MA04954
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsTROJMAN

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 26 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de réviser sa pension militaire d'invalidité pour infirmités nouvelles.

Par un jugement n° 17/00014 du 14 mars 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé cette décision et décidé que M. B... avait droit à la révision de sa pension au titre des infirmités nouvelles " instabilité de la cheville droite " et " valgus deuxième degré bilatéral responsable d'une bascule et d'un affaissement du médio-pied " dont il a fixé le taux à 15 % chacune.

Procédure devant la Cour :

La cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, le recours présenté par la ministre des armées, enregistré au greffe de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 15 avril 2019.



Par ce recours et un mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 11 décembre 2019, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Marseille du 14 mars 2019.

Elle soutient que :
- le jugement attaqué ne mentionne pas les textes dont il fait application ;
- le jugement n'est pas motivé au regard de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et s'agissant de l'imputabilité au service des infirmités ;
- le taux d'invalidité de l'infirmité " instabilité de la cheville droite " est inférieur à 10 % ;
- l'imputabilité au service des infirmités litigieuses n'est pas établie.


Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 2 août 2019, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés.


Par ordonnance du 7 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 août 2020 à 12 heures.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment l'article 51 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public
- et les observations de Me C..., représentant M. B....






Considérant ce qui suit :

1. M. B... a, le 14 novembre 2014, demandé la révision pour infirmités nouvelles de la pension militaire d'invalidité dont il est titulaire au taux de 45 % accordée au titre notamment de l'infirmité " séquelles de traumatisme du genou droit. Gros genou globuleux, flessum irréductible de 7°, perte de 35 ° de flexion, amyotrophie de la cuisse droite : (30 %)". Le ministre de la défense a rejeté cette demande par une décision du 26 juillet 2016. Par jugement du 29 juin 2017, le tribunal, saisi d'un recours par l'intéressé, a prescrit une expertise médicale. La ministre des armées fait appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a annulé cette décision et décidé que M. B... avait droit à la révision de sa pension au titre des infirmités nouvelles " instabilité de la cheville droite " et " valgus deuxième degré bilatéral responsable d'une bascule et d'un affaissement du médio-pied " dont il a fixé le taux à 15 % chacune.


2. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au litige : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) ". Il résulte, en outre, des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du même code que, lorsqu'est demandée la révision d'une pension concédée pour prendre en compte une affection nouvelle que l'on entend rattacher à une infirmité déjà pensionnée, cette demande ne peut être accueillie si n'est pas rapportée la preuve d'une relation non seulement certaine et directe, mais déterminante, entre l'infirmité antécédente et l'origine de l'infirmité nouvelle.


3. D'une part, il résulte de l'instruction que M. B... a été examiné par un médecin expert mandaté par l'administration pour qu'il soit statué sur sa demande de révision de pension, lequel a constaté la présence d'un pied valgus bilatéral et l'affaissement du médio-pied droit et proposé d'évaluer le taux d'invalidité résultant de cet affaissement à 10 %, tout en indiquant que cette pathologie était en partie due au vieillissement. L'expert désigné par le tribunal des pensions, tout en évaluant ce même taux à 15 %, a estimé que l'effondrement de la partie médiane du pied, constaté depuis plusieurs années, avait été aggravé par le vieillissement des structures osseuses et musculo-tendineuses de soutien, lui-même en partie favorisé par l'affection pensionnée siégeant au genou droit. Il résulte de l'ensemble des pièces médicales que le valgus deuxième degré bilatéral dont souffre M. B... n'est pas lié de manière directe, certaine et déterminante, à son accident du 11 septembre 1970 et il n'est pas établi qu'il aurait été en majeure partie provoqué par l'affection au genou droit pour laquelle il est pensionné. Par ailleurs, il ne peut en être déduit l'existence d'une relation certaine et directe et déterminante, entre cette infirmité et l'origine de la bascule et de l'affaissement du médio-pied droit.





4. D'autre part, dans le cas où le titulaire d'une pension définitive d'invalidité demande à être indemnisé pour une infirmité nouvelle, l'imputabilité doit être recherchée non selon les règles posées à l'article L.29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, mais conformément aux articles L.2 à L.6 de ce code. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre desquelles il résulte que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé.


5. L'expert mandaté par l'administration a relevé, au niveau de la cheville droite, que si l'appui unipodal n'était pas tenu, la flexion dorsale et plantaire, l'abduction et l'adduction étaient normales et qu'il n'existait pas de laxité. Il a déduit de cette gêne fonctionnelle que le taux d'invalidité résultant de l'infirmité " instabilité de la cheville droite " était inférieur à 10 %. L'expert désigné par le tribunal des pensions de Marseille n'a pas davantage retrouvé de laxité ligamentaire et a confirmé que la flexion dorsale et plantaire s'effectuait normalement. Ayant constaté que la station unipodale ne pouvait être tenue et que la marche sur les talons ou sur les pointes était impossible, il a proposé d'évaluer ce même taux à 15 %. Néanmoins, l'absence de douleurs d'instabilité et de limitations caractérisent une gêne fonctionnelle qui ne permet pas d'évaluer le taux d'invalidité à au moins 10 %, taux que doit atteindre ou dépasser une infirmité résultant de blessure pour qu'elle puisse être prise en considération, ainsi qu'il est prévu à l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.


6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision du 26 juillet 2016 et a décidé que M. B... avait droit à la révision de sa pension au titre des infirmités nouvelles " instabilité de la cheville droite " et " valgus deuxième degré bilatéral responsable d'une bascule et d'un affaissement du médio-pied ". Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 14 mars 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions de Marseille et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, où siégeaient :

M. Badie, président,
M. D..., président assesseur,
M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

N° 19MA04954 2