CAA de NANTES, 6ème chambre, 20/04/2021, 19NT01778, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision20 avril 2021
Num19NT01778
JuridictionNantes
Formation6ème chambre
PresidentM. GASPON
RapporteurMme Valérie GELARD
CommissaireM. LEMOINE
AvocatsGARET

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par sept demandes distinctes, Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 9 mars 2017 par laquelle le directeur départemental des finances publiques (DDFIP) du Finistère a refusé de prendre en charge les soins relatifs à l'accident de service du 18 mai 2015 au-delà du 17 août 2016 ainsi par voie de conséquence les décisions des 1er et 13 décembre 2016, des 9 mars, 19 avril et 22 septembre 2017 et du 10 janvier 2018.

Par une autre demande, elle a demandé à ce tribunal d'annuler la décision du 21 décembre 2016 par laquelle le DDFIP a estimé que son état de santé à la suite de l'accident du 18 mai 2015 était consolidé au 17 août 2016, et a refusé de prendre en charge le remboursement des soins postérieurs au 18 janvier 2013 pour l'accident de service du 1er février 2010, postérieurs au 16 janvier 2015 pour l'accident de service du 4 juin 2013 et postérieurs au 17 août 2016 pour l'accident de service du 18 mai 2015. Dans cette même requête, l'intéressée a également sollicité l'annulation des décisions du 13 décembre 2016 lui retirant le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité et du 10 janvier 2017 refusant la prise en charge de ses soins au-delà du 17 août 2016 et a demandé au tribunal d'ordonner une expertise médicale.
Par un jugement nos 1600166, 1600186, 1700663, 1701013, 1702104, 1703534, 1705890 et 1800751 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 13 décembre 2016, a annulé la décision du 21 décembre 2016 et a rejeté le surplus des conclusions de Mme D....
Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 mai 2019 et 2 août 2019, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 mars 2019 ;

2°) d'annuler les décisions des 21 décembre 2016, 10 janvier 2017 et 13 décembre 2016 ;

3°) d'ordonner une expertise médicale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision du 10 janvier 2017 :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le DDFIP s'est borné à une motivation par référence ;
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- la commission de réforme s'est prononcée sans avoir pris l'avis du médecin de prévention en méconnaissance des dispositions des articles 18 et 26 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, alors qu'elle a été reconnue travailleur handicapé et a été victime d'un accident imputable au service ;
- les soins en litige sont tous liés soit à l'accident du 18 mai 2015, soit aux accidents antérieurs dont il a aggravé les séquelles ;
- l'expertise du docteur Mathilin ne présente pas tous les gages de sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2020, le ministre de l'économie et des finances ainsi que le ministre de l'action et des comptes publics concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :
- les conclusions de Mme D... relatives à la décision du 13 décembre 2016 sont irrecevables dès lors que l'intéressée ne présente aucun moyen concernant cette décision, qui en outre ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, a été retirée ;
- les conclusions de l'intéressée relatives à la décision du 21 décembre 2016 sont irrecevables dès lors que la requérante ne présente aucun moyen se rapportant à cette décision, qui de surcroît a été annulée par le tribunal administratif ;
- les moyens soulevés par Mme D... concernant la décision du 10 janvier 2017 ne sont pas fondés
- sa demande d'expertise ne présente aucun caractère d'utilité.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant Mme D....


Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., contrôleur principal à la direction départementale des finances publiques (DDFIP) du Finistère, a été victime d'accidents les 15 mars 1980, 25 juillet 1986, 11 décembre 1987, 1er février 2010, 4 juin 2013 et 18 mai 2015, lesquels ont été reconnus imputables au service. Par sept requêtes distinctes, l'intéressée a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 9 mars 2017, par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Finistère a refusé de prendre en charge les soins relatifs à l'accident de service du 18 mai 2015 au-delà du 17 août 2016, ainsi que les décisions des 1er et 13 décembre 2016, des 9 mars, 19 avril et 22 septembre 2017 et du 10 janvier 2018. Dans le cadre d'une autre demande, elle a sollicité auprès du même tribunal l'annulation de la décision du 21 décembre 2016 par laquelle le DDFIP a estimé que son état de santé à la suite de l'accident du 18 mai 2015 était consolidé au 17 août 2016, et a refusé de prendre en charge le remboursement des soins postérieurs au 18 janvier 2013 pour l'accident de service du 1er février 2010, postérieurs au 16 janvier 2015 pour l'accident de service du 4 juin 2013 et postérieurs au 17 août 2016 pour l'accident de service du 18 mai 2015. Dans cette même requête, l'intéressée a également sollicité l'annulation des décisions du 13 décembre 2016 lui retirant le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité et du 10 janvier 2017 refusant la prise en charge de ses soins au-delà du 17 août 2016. Elle a demandé au tribunal administratif d'ordonner une nouvelle expertise médicale. Par un jugement nos 1600166, 1600186, 1700663, 1701013, 1702104, 1703534, 1705890 et 1800751 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de l'intéressée dirigées contre la décision du 13 décembre 2016, a annulé la décision du 21 décembre 2016 et a rejeté le surplus de ses conclusions. Mme D... relève appel de ce jugement en ce qui concerne les décisions des 13 décembre 2016, 21 décembre 2016 et 10 janvier 2017.

Sur les fins de non-recevoir opposées par l'Etat :

2. Ainsi que le soutiennent les ministres de l'économie et des finances et de l'action et des comptes publics, Mme D... ne présente aucun moyen à l'appui de ses conclusions dirigées contre le jugement attaqué en ce qui concerne les décisions des 13 et 21 décembre 2016, laquelle au demeurant a été annulée par les premiers juges. Par suite, de telles conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions relatives à la décision du 10 janvier 2017 :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
3. Le tribunal administratif, qui a répondu au moyen tiré de ce que la décision contestée était insuffisamment motivée, n'était pas tenu de se prononcer sur chaque argument invoqué au soutien de ce moyen. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ce jugement serait irrégulier à raison de ce motif.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 janvier 2017 :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions, que la décision refusant à un fonctionnaire le bénéfice de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 doit être regardée comme refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public reprises au 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle est ainsi au nombre des décisions qui, en application de cet article, doivent être motivées.

6. La décision contestée du 10 janvier 2017, communiquée en première instance par la requérante, qui ne peut dès lors utilement soutenir qu'elle n'en aurait pas eu connaissance, répond à son courrier du 7 janvier 2017 faisant état de la prolongation de ses soins par deux certificats médicaux établis les 7 novembre 2016 et 6 janvier 2017 par le docteur Velly, généraliste. Cette décision rappelle que l'accident du 18 mai 2015 dont a été victime Mme D... en glissant sur un sol humide alors qu'elle regagnait son bureau, a été reconnu imputable au service et que les frais médicaux relatifs à cet accident ont été pris en charge par l'administration. Elle ajoute cependant, qu'après expertise du docteur Mathilin réalisée le 17 août 2016 et avis de la commission de réforme, qui s'est réunie le 17 novembre 2016, elle été déclarée guérie et qu'en conséquence, les soins postérieurs à cette date ne seront pas pris en charge par l'administration. Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, cette décision est suffisamment motivée en droit et en fait.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " La commission de réforme est consultée notamment sur : 1.L'application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; (...) 4. La reconnaissance et la détermination du taux de l'invalidité temporaire ouvrant droit au bénéfice de l'allocation d'invalidité temporaire prévue à l'article 8 bis du décret du 26 octobre 1947 modifié susvisé ; 5. La réalité des infirmités résultant d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, la preuve de leur imputabilité au service et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, en vue de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité instituée à l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; (...) / Pour l'octroi des congés régis par les 1 et 2 ci-dessus, la commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. La commission de réforme peut, en tant que de besoin, demander à l'administration de lui communiquer les décisions reconnaissant l'imputabilité. ". L'article 18 du même texte dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée dispose que : " Le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion ; il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 26, 32, 34 et 43 ci-dessous. (...) ". Enfin, selon l'article 26 de ce décret dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " (...) les commissions de réforme (...) sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. / La commission de réforme n'est toutefois pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. "

8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, la décision du 10 janvier 2017 répond au courrier présenté le 7 janvier 2017 auprès du DDFIP du Finistère par Mme D... au sujet de la prolongation de ses arrêts de travail. Il ne concernait pas l'imputabilité au service de ces différents accidents, laquelle avait été admise par différentes décisions antérieures. Par suite, en application des dispositions précitées du décret du 14 mars 1986, la commission de réforme n'avait pas à être consultée à la suite de ce courrier. Le moyen tiré de ce que cette commission n'aurait pas disposé du rapport du médecin de prévention est dès lors sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

9. En dernier lieu, Mme D... se prévaut des feuilles de soins établies les 7 novembre 2016 et 6 janvier 2017 par son médecin traitant lui prescrivant des arrêts de travail du 7 novembre 2016 au 6 mars 2017 en raison de douleurs au niveau de la main, de la hanche et du genou gauches. Toutefois, dans son rapport du 17 août 2016, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait impartial, incomplet ou qu'il ne présenterait pas tous les gages de sérieux, le docteur Mathilin, généraliste expert agréé, a estimé que les seules séquelles que conservait l'intéressée, à la suite de ces différents accidents, consistaient en des cervicalgies, ce qui a été confirmé par les médecins de la commission de réforme lors de sa séance du 17 novembre 2016. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, la requérante n'établit pas qu'en refusant de prendre en charge les arrêts de travail litigieux au titre de ses accidents de service, le DDFIP du Finistère aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme D... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics.


Délibéré après l'audience du 2 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.


Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 avril 2021.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01778