CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 20/04/2021, 19MA04843, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille d'annuler la décision du 5 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " séquelles de plaie transfixiante par balle à la jambe droite ".
Par un jugement n° 18/00063 du 10 janvier 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a annulé la décision du 5 octobre 2017 de la ministre des armées qui rejette la demande de révision de pension pour aggravation de M. A... C..., a dit que
M. A... C... a droit à compter du 14 avril 2016 à une pension pour un taux d'invalidité de 45% pour l'infirmité de " séquelles de plaie transfixiante par balle à la jambe droite avec troubles trophiques douloureux, sensation de brûlures, oedème à la station debout prolongée ", et a condamné l'Etat aux dépens.
Procédure devant la Cour :
La cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par la ministre des armées, enregistrée à son greffe le 6 mars 2019.
Par ce recours, la ministre des armées demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille du 10 janvier 2019 ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas motivé ;
- le tribunal a dénaturé les faits de l'espèce ;
- le tribunal a porté une appréciation manifestement erronée sur les éléments médicaux du dossier de M. A... C....
Par courrier du 9 juin 2020, M. A... C... a été mis en demeure de produire un mémoire.
Par ordonnance du 9 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 août 2020
à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., né le 1er février 1938, a été victime le 12 novembre 1958 d'une blessure par balle à la jambe droite reçue en service commandé. Il s'est vu accorder le
28 octobre 1963 une pension militaire d'invalidité au taux global de 25%. L'intéressé a, par la suite, sollicité le 6 mars 2016 la révision de sa pension pour aggravation, laquelle a été rejetée par une décision du 5 octobre 2017. A la suite d'un jugement du 10 janvier 2019 du tribunal des pensions militaires de Marseille dont la ministre des armées relève appel, l'aggravation de cette infirmité a été retenue pour " séquelles de plaie transfixiante par balle à la jambe droite, avec troubles trophiques douloureux, sensation de brûlures, oedème à la station debout prolongée " avec un taux fixé à 45%.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 711-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui s'appliquait à la procédure suivie devant les juridictions des pensions : " Les décisions sont motivées. ". Aux termes de l'article L. 26 du même code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué. ". En reconnaissant à M. A... C..., par le jugement attaqué du 10 janvier 2019, l'aggravation de la pension pour l'infirmité " séquelles de plaie transfixiante par balle à la jambe droite, avec troubles trophiques douloureux, sensation de brûlures, oedème à la station debout prolongée " avec un taux fixé à 45%, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a rappelé l'article 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi que les termes de la jurisprudence selon lesquels la pension doit réparer toutes les conséquences de l'infirmité imputable au service, y compris celles dues à l'âge et qu'il n'y a pas lieu de rechercher si l'âge a facilité ou pas ladite aggravation, et les conclusions des experts médicaux, les docteurs Tabti et Nessal. Par suite, la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, si la ministre des armées soutient que les premiers juges ont dénaturé les faits de l'espèce, ce moyen, qui vise en réalité le bien-fondé du jugement, est sans incidence sur sa régularité.
Sur la révision de la pension :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de
M. A... C..., devenu l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". En vertu des dispositions de l'article L. 6 du même code l'évolution des infirmités pensionnées s'apprécie sur une période comprise entre l'octroi de la pension et la date de dépôt de la demande de révision, soit, en l'espèce, entre le 28 octobre 1963 et le 14 avril 2016.
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre: " (...) / Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur. / Pour l'application du présent article, un décret (...), détermine les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité. / (...) ". L'article L. 10 précise que " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : / a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ".
6. Il résulte de l'instruction que, le docteur Nessal, médecin traitant de
M. A... C..., a certifié le 7 mars 2016 que l'intéressé présente une sensation de jambe droite lourde, une hernie musculaire à la face externe de cette jambe et des troubles trophiques. Il ne constatait aucune aggravation de l'infirmité initiale de son patient et n'indiquait aucun taux d'infirmité dans son certificat médical. Dans son rapport d'expertise effectuée à l'initiative de l'administration en date du 20 mars 2017, non sérieusement contesté, le docteur Tabti mentionne des sensations de brûlure, de cuisson et un oedème du membre blessé, suite à la station debout prolongée. Il conclut à la présence de signes radiologiques en faveur d'un processus arthrosique habituel à l'âge de l'intéressé ainsi qu'à l'existence au niveau de la blessure, de cicatrices souples, stables et sans retentissement fonctionnel, et donc à une absence d'aggravation de l'infirmité et à un taux d'invalidité inchangé. Ainsi, en l'absence de tout élément contraire, les séquelles de l'infirmité pour laquelle M. A... C... est pensionné ne présentent pas de signes objectifs ou cliniques susceptibles d'établir une aggravation significative de la gêne fonctionnelle qu'elles occasionnent en comparaison des diagnostics établis antérieurement à la demande de révision. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise demandée par la ministre des armées, il n'est pas établi que l'infirmité pensionnée aurait connu une aggravation de nature à ouvrir droit, au profit de M. A... C... une révision de sa pension d'invalidité. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal a retenu que les signes radiologiques de déminéralisation osseuse révélés par l'examen radiologique du membre inférieur effectué lors de l'examen effectué par le docteur Tabti devaient entraîner une aggravation de l'infirmité de
M. A... C... à hauteur de 20%.
7. Il résulte de ce qui ce qui précède que la ministre des armées est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille du
10 janvier 2019 qui annule sa décision du 5 octobre 2017.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille du
10 janvier 2019, qui annule la décision du 5 octobre 2017 du ministre de la défense qui rejette la demande de révision de pension pour aggravation de M. A... C..., est annulé.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... C... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 20 avril 2021.
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N° 19MA04843