CAA de NANTES, 6ème chambre, 01/06/2021, 19NT04463, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen d'annuler la décision du 11 juin 2018 de la ministre des armées en ce qu'elle lui a refusé une pension militaire d'invalidité au titre des séquelles qu'il conserve à l'épaule droite.
Par un jugement n° 18/0003 du 20 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen a annulé cette décision et fixé son taux d'invalidité au titre de cette infirmité à 20 % à compter du 17 août 2017.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 novembre 2019, la ministre des armées demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité du 20 septembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. B....
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il se fonde sur le décret n° 59-327 du 20 février 1959 modifié relatif aux juridictions des pensions, qui a été abrogé et une version de l'article L. 121-2-1° issue de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 applicable aux demandes de pension se rapportant aux blessures imputables à un accident survenu après la publication de cette loi ;
- ce jugement est insuffisamment motivé ;
- si M. B... soutient avoir ressenti le 1er décembre 2014 une forte douleur à l'épaule droite lors d'un exercice de brancardage, il n'établit pas un lien direct et certain entre les traumatismes de l'épaule droite dont il souffre et ce fait de service ; cette preuve de l'imputabilité de sa pathologie au service ne saurait résulter de la seule circonstance qu'elle serait apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale ou d'une vraisemblance ou probabilité ; l'intéressé ne peut bénéficier de la présomption prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité alors en vigueur ; le certificat du 6 décembre 2014 établi par un médecin du secteur civil alors que l'intéressé était en permission ne mentionne ni l'origine de la blessure, ni les circonstances de l'accident ; le premier constat par un médecin militaire date du 12 mai 2015 et tant le rapport circonstancié que l'extrait du registre des constatations ont été établis un an après la blessure soit le 2 décembre 2015.
La requête a été communiquée à M. B..., qui en dépit d'une mise en demeure adressée le 22 octobre 2020, n'a pas produit de défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., qui est né le 19 janvier 1987, s'est engagé dans l'armée française le 3 janvier 2013. Le 17 août 2017, il a sollicité une pension militaire d'invalidité pour un état de stress post-traumatique ainsi que pour des séquelles au niveau de l'épaule droite et du genou droit. Par un arrêté ministériel du 11 juin 2018, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au taux de 30 %, pour " état de stress posttraumatique. Syndrome de répétition, reviviscences, troubles du sommeil, état d'alerte permanent, agoraphobie. Troubles des conduites, irritabilité, anxiété, repli sur soi, suivi spécialisé ". M. B... a contesté cette décision, en ce qu'elle a rejeté sa demande concernant sa pathologie de l'épaule. Par un jugement du 20 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen a fait droit à sa demande et a fixé son taux d'invalidité au titre de cette infirmité à 20 %. La ministre des armées relève appel de ce jugement devant la cour, devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées à l'article L. 4123-4 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle. La présomption définie aux 1° et 2° du présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ".
3. Pour annuler la décision ministérielle du 11 juin 2018, dans la limite contestée par M. B..., le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen s'est fondé sur les conclusions de l'expertise médicale réalisée le 30 octobre 2017 par le médecin adjoint du comité médical des armées de Cherbourg reconnaissant que l'intéressé souffrait d'une tendinopathie de la coiffe des rotateurs avec fissuration des intra-tendineuses du tendon supra épineux confirmée par un examen d'IRM réalisé le 14 avril 2015. Si ce médecin a fixé le taux d'invalidité correspondant à cette pathologie à 30 % dont 15 % au titre d'un état antérieur, à aucun moment, il ne s'est prononcé sur l'origine de cette infirmité. Il s'est borné à reprendre les faits tels qu'ils étaient décrits par M. B.... Or, si l'intéressé affirme avoir ressenti une douleur au niveau de l'épaule droite au cours d'un exercice de brancardage qui s'est déroulé le 1er décembre 2014 au camp militaire de Champagné près du Mans, dans le cadre de sa formation de tireur Milan, il a également admis avoir poursuivi sa formation sans consulter le médecin militaire. Seul un certificat établi le 6 décembre 2014 par un médecin d'une clinique privé située à proximité de son domicile confirme que M. B..., alors en permission, présentait à cette date " un conflit antérieur sévère de l'épaule nécessitant la mise au repos de cette articulation ", sans toutefois en mentionner l'origine. Ce n'est en effet que le 12 mai 2015, que M. B... s'est rapproché des autorités médicales militaires pour signaler cette pathologie ainsi qu'en atteste son livret médical. Or, le requérant n'établit pas avoir été dans l'impossibilité d'accomplir cette démarche avant cette date. Enfin, si le rapport circonstancié établi le 2 décembre 2015 par le commandant d'unité et le commandant de la formation, ainsi que l'extrait du registre des constatations des blessures infirmités et maladies survenues pendant le service à la date du 3 décembre 2015 confirment que ce militaire a participé le 1er décembre 2014 à un exercice de brancardage à la suite duquel il a ressenti une forte douleur à l'épaule droite, ces seuls documents, compte tenu de la date à laquelle ils ont été rédigés, plus d'un an après les faits supposés, ne suffisent pas à établir un lien direct et certain entre la tendinopathie de la coiffe des rotateurs dont souffre M. B... et le service. Dans ces conditions, la ministre des armées est fondée à soutenir que l'intéressé, qui ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité au service instituée par les dispositions précitées de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans les prévisions desquelles il n'entre pas, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'imputabilité au service de l'infirmité de l'épaule droite dont il reste atteint et pour laquelle il a sollicité une pension militaire d'invalidité.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la ministre des armées est fondée en l'absence d'autre moyen soulevé en première instance par M. B... à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen a annulé sa décision du 11 juin 2018 en ce qu'elle a refusé d'accorder à l'intéressé une pension militaire d'invalidité au titre des séquelles qu'il conserve à l'épaule droite et a fixé le taux d'invalidité afférent à cette infirmité à 20 %.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 18/0003 du 20 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2021.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04463