CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 28/05/2021, 19MA05055, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision28 mai 2021
Num19MA05055
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurMme Thérèse RENAULT
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsATTANASIO

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A..., veuve B..., a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du ministre de la défense du 2 mars 2016 refusant sa demande de pension de conjoint survivant formulée le 4 février 2013.

Par un jugement n° 17/00086 du 24 janvier 2019, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2019 par la Cour régionale des pensions d'Aix-en Provence, Mme A..., représentée par Me D..., demande :

1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 24 janvier 2019 ;

2°) de lui accorder le bénéfice de la pension demandée à compter de la date de décès de son époux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que le décès de son époux a pour cause la gangrène dont il était affecté, laquelle est imputable à la blessure à la main au titre de laquelle il percevait une pension militaire d'invalidité et, subsidiairement, que le taux d'invalidité de son époux avant son décès doit être porté à 85%.

Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire.


Par un mémoire, enregistré par le greffe de la Cour le 5 décembre 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de Mme A....

Elle soutient que Mme A... ne remplit pas les conditions pour obtenir le bénéfice de la pension de conjoint survivant, faute d'établir le lien de causalité entre le décès de son époux et la blessure pensionnée, à un taux qui en tout état de cause est inférieur à 85%, et que sa demande subsidiaire tendant à ce que le pension militaire d'invalidité dont bénéficiait son époux soit relevée à 85% est irrecevable.


Mme A... a produit un mémoire, enregistré le 30 avril 2021, qui n'a pas été communiqué.


Par décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 29 mai 2020, Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A... est veuve de M. F... B..., né le 1er mai 1929 et décédé le
16 mars 2009, titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive en tant que victime civile de guerre, pour mutilation de la main gauche, perte de deux phalanges du pouce, perte de l'annulaire et de l'auriculaire avec un métacarpien, au taux de 65%, à compter du
23 novembre 1952, à la suite d'une blessure par explosion de grenade survenue en 1943. Par décision du 2 mars 2016, le ministre de la défense a rejeté la demande par laquelle Mme A... sollicitait le bénéfice d'une pension en qualité de conjoint survivant de victime civile. Celle-ci relève appel du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit fait droit à sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 209 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur, s'appliquant aux victimes civiles de la guerre : " En cas de décès de la victime, ses ayants droit peuvent, dans les mêmes conditions que les ayants droit des militaires, se prévaloir des dispositions du livre Ier y compris celles prévues par le 2° de l'article L. 43 en faveur des conjoints survivants des invalides à 85 % et au-dessus (...) ". Aux termes de l'article L. 43 de ce même code, dans la même version : " Ont droit à pension : / 1° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des blessures ou suites de blessures reçues au cours d'événements de guerre ou par des accidents ou suites d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, ainsi que les conjoints survivants de militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 85 % ou en possession de droits à cette pension ; / 3° Les conjoints survivants des militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à
60 % ou en possession de droits à cette pension. (...) ". Aux termes de l'article L. 45 de ce même code enfin : " Les demandes de pension autres que les pensions de réversion, formulées par les conjoints survivants ou orphelins de militaires décédés dans leur foyer, doivent être accompagnées d'un rapport médico-légal, établi par le médecin qui a soigné l'ancien militaire ou marin pendant la dernière maladie ou, à défaut de soins donnés pendant la dernière maladie, par le médecin qui a constaté le décès. / Le rapport visé à l'alinéa précédent fera ressortir d'une façon précise la relation de cause à effet entre le décès et la blessure reçue ou la maladie contractée ou aggravée en service. / Les postulants à pension y joindront tous documents utiles pour établir la filiation de l'affection, cause du décès, par rapport aux blessures ou aux maladies imputables au service dans les conditions définies à l'article L. 2 (...) ".
3. En premier lieu, pour établir le lien entre le décès de son époux et l'accident dont il a été victime en 1943, Mme A... se borne à produire un certificat médical en date du
17 mars 2009, établi par le docteur Bannani, se présentant comme le médecin assurant le suivi de l'intéressé, qui affirme que le décès de M. B... est lié à des complications infectieuses secondaires à une gangrène de l'avant-bras gauche en rapport avec son ancien accident de guerre, et un certificat du même médecin, en date du 16 mars 2009, faisant état d'une amputation totale de la main gauche. Il résulte, toutefois, du rapport du médecin en chef président de la commission consultative médicale, qu'aucune aggravation de l'état de santé de M. B... n'a été constatée depuis que lui a été reconnu le droit à pension et Mme A... n'apporte aucun élément permettant de retracer l'évolution de la blessure de son défunt époux, en particulier s'agissant de la nécessité de procéder à l'amputation de l'ensemble de la main gauche, qui aurait été constatée par le docteur Bannani, ni sur les circonstances du décès. Le lien de causalité entre le décès de M. B... et la blessure survenue en 1943 et au titre de laquelle il était bénéficiaire d'une pension n'est, dans ces conditions, pas établi.
4. En second lieu, si, postérieurement au décès de son époux, Mme A... pouvait demander la révision du taux de pension militaire d'invalidité accordée à celui-ci, afin d'obtenir elle-même une pension en qualité de conjointe survivante de victime en jouissance d'une pension définitive correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 85 % ou en possession de droits à cette pension, sur le fondement du 2° de l'article L. 43 précité, elle n'a pas présenté une telle demande aux services du ministre de la défense antérieurement au jugement du tribunal des pensions de Marseille. Sa demande, présentée à titre subsidiaire, était en conséquence irrecevable.
5. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté ses demandes. Sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doit être, par suite, rejetée.

D É C I D E :


Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... veuve B..., à Me D... et à la ministre des armées.


Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 28 mai 2021.
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N° 19MA05055