CAA de DOUAI, 2ème chambre, 06/07/2021, 20DA01664, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rouen l'annulation de la décision du 3 avril 2017 du ministre de la défense rejetant sa demande de concession d'une pension militaire d'invalidité pour une hypoacousie bilatérale.
Cette demande a été transmise au tribunal administratif de Rouen.
Par un jugement n° 1904069 du 28 août 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 28 octobre 2020 et 21 mai 2021, Mme B..., représentée par la SCP Lemiegre-Roissard-Lavanant, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 3 avril 2017 du ministre de la défense rejetant sa demande de concession d'une pension militaire d'invalidité ;
3°) d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître sa maladie comme imputable au service dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui verser les arriérés de pensions auxquels elle a droit à compter du 18 mai 2015 sous la même condition de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me Anne Lavanant-Lemiegre, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., née le 13 août 1962, a servi dans l'armée de l'air du 1er avril 1985 au 30 avril 2017 et a été admise, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er mai 2017. Elle a demandé le 18 mai 2015 la concession d'une pension militaire d'invalidité pour une " surdité de perception bilatérale majeure des deux oreilles ". Par une décision du 3 avril 2017, le ministre de la défense a rejeté sa demande après avoir estimé que la preuve de l'imputabilité au service de son infirmité n'était pas établie et que la présomption d'imputabilité ne pouvait s'appliquer en l'absence de constat pendant une période ouvrant droit à ce bénéfice. Mme B... relève appel du jugement du 28 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code, devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte-tenu des délais prévus aux précédents alinéas. "
3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 précités que lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières du service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité.
4. D'une part, il n'est pas contesté que l'infirmité dont souffre Mme B... a été diagnostiquée en 2008, soit au-delà de la durée légale du service national et en dehors de toute opération de guerre ou de maintien de l'ordre. Par suite, Mme B... ne peut prétendre au bénéfice de la présomption d'imputabilité au service de cette pathologie au titre de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
5. D'autre part, il ressort du livret médical de Mme B... que si l'audition de l'intéressée était normale lors de son incorporation, aucune blessure ou aucun fait de service n'ont été mentionnés pendant sa période d'incorporation. C'est ce qui ressort également d'un avis du 7 novembre 2016 du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du centre d'expertise médicale. Ensuite, il ressort du rapport d'expertise du 30 septembre 2016 établi par un médecin otorhinolaryngologiste que Mme B..., qui a travaillé dans l'aéronautique à partir de l'année 1985 et qui a été exposée au bruit " aux pieds des moteurs " et pratiqué du parachutisme, présente une surdité bilatérale s'étant aggravée depuis 2009 avec une perte auditive de 60 DB à droite avec une perte de sélectivité de 35 DB et de 48,75 DB à gauche avec une perte de sélectivité de 25 DB. Ce rapport conclut à une surdité bilatérale favorisée par l'exposition professionnelle au bruit et fixe à 30 % le taux d'incapacité permanente partielle de cette surdité. Toutefois, il ressort de deux précédents rapports médicaux des 2 décembre 2008 et 5 février 2010 établis par un médecin otorhinolaryngologiste que " sur le plan étiologique, il est difficile de faire la part entre une presbyacousie précoce ou une surdité congénitale aggravée récemment ". Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'hypoacousie dont souffre Mme B..., qui ne saurait être regardée comme une pathologie à évolution lente, ne résulte d'aucun fait précis de service. En outre, si Mme B... a été exposée, en raison de ses affectations sur deux bases aériennes aux bruits des avions, des protections individuelles étaient mises à sa disposition, ainsi que cela ressort des fiches emploi-nuisance produites. Par suite, l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la pathologie dont elle souffre et le service n'est pas établie par la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service. Dans ces conditions, dans la mesure où l'exercice des missions de Mme B... participe des conditions générales de service auxquelles elle était exposée au sein de son unité sans se rattacher à une circonstance précise de service, les éléments ainsi produits par l'intéressée, qui ne font état d'aucun constat d'un traumatisme sonore et dont certains sont postérieurs à sa demande de concession de pension du 18 mai 2015, ne sont pas de nature à établir l'imputabilité au service de l'infirmité constatée. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le ministre de la défense a, par la décision du 3 avril 2017, rejeté sa demande de concession de pension.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre des armées.
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N°20DA01664