CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 14/10/2021, 19VE02471, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du recteur de l'académie de Créteil du 10 avril 2018 refusant d'imputer au service ses congés de maladie à compter du 22 avril 2013, d'enjoindre au recteur de lui attribuer un congé pour invalidité imputable au service à compter du 22 avril 2013 ou, à défaut, de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie à compter de la même date dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1805314 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 10 avril 2018, a enjoint au recteur de l'académie de Créteil de reconnaître les arrêts maladie de M. B... du 22 avril au 26 avril 2013, du 25 mai au 31 mai 2013 et du 24 juin 2013 au 5 novembre 2014 comme imputables au service dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement et a mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 juillet 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que l'existence d'un lien direct et certain entre l'état de santé de M. B... et les conditions dans lesquelles il a exercé son activité professionnelle ne peut être établi.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Camenen,
- et les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'éducation nationale relève appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 7 mai 2019 annulant sa décision du 10 avril 2018 refusant d'admettre l'imputabilité au service des congés de M. B..., attaché d'administration, depuis le 22 avril 2013.
2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) ; 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".
3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. M. B... a été nommé responsable administratif de l'institut universitaire de technologie de Saint Denis à compter du 19 septembre 2011. Il a été placé en congé de maladie ordinaire du 22 avril 2013 au 26 avril 2013, du 25 mai au 31 mai 2013 et du 24 juin 2013 au 5 novembre 2014. La décision du 8 janvier 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil a refusé de reconnaître ces congés de maladie comme imputables au service a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Montreuil du 4 octobre 2016 au motif que cette décision était insuffisamment motivée. Le recteur de l'académie de Créteil a de nouveau refusé de reconnaître ces congés comme imputables au service par la décision contestée du 10 avril 2018.
5. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier de certificats médicaux établis en 2013, que M. B... présente des " troubles thymiques " et un " état dépressif consécutif à [des] problèmes professionnels ", pour lesquels il a été placé en congés de maladie pendant une durée de deux ans. Il soutient que la dégradation de son état de santé est en lien avec la détérioration de ses conditions de travail, ses missions d'encadrement et ses responsabilités lui ayant été retirées par le nouveau directeur de l'IUT à compter de janvier 2013. Dans un certificat du 4 octobre 2013, un médecin psychiatre consulté par M. B... indique que la dégradation de son état de santé " selon ce qu'il m'a rapporté, semble manifestement consécutif à des difficultés professionnelles ". Un rapport établi par un médecin de l'AP-HP à la demande de l'intéressé le 15 octobre 2013 relève également que M. B... " présentait un syndrome anxiodépressif réactionnel avec trouble de l'humeur, difficultés d'endormissement, idées en boucle sur le travail, angoisse à l'idée de reprendre dans ce " placard ", inquiétude, agitation, perte de concentration, perte des repères ". Un certificat établi le 18 octobre 2013 par une psychologue également consultée par M. B... indique que " selon ses dires ", il a vu sa santé se dégrader au fur et à mesure que se renforçait son isolement au travail tant physique que psychologique. Eu égard à leurs mentions, l'ensemble de ces certificats n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions du rapport du médecin expert établi le 8 octobre 2015 à la demande de l'administration selon lequel les troubles présentés par M. B... ne sont pas imputables au service, ce rapport faisant état d'une situation professionnelle certes insatisfaisante confrontée à une personnalité particulière. Si ce rapport indique qu'il " n'apparaît pas possible de conclure à l'imputabilité exclusive au service ", il ne permet pas d'établir l'existence d'un lien direct entre l'exercice des fonctions ou les conditions de travail de M. B... et le développement de sa maladie. Par suite, le ministre de l'éducation nationale est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé pour ce motif sa décision du 10 avril 2018 et a enjoint au recteur de l'académie de Créteil de reconnaître les arrêts maladie de M. B... comme imputables au service.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil.
7. Aux termes de l'article 26 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires alors en vigueur : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, les commissions de réforme prévues aux articles 10 et 12 ci-dessus sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné (...) ".
8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie.
9. M. B... soutient que le dossier soumis à la commission de réforme ne comporte pas un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire. En défense, le recteur se borne à faire valoir qu'il ne lui appartient pas de répondre aux moyens relatifs à la procédure organisée par la commission de réforme. En l'absence de tout élément de nature à établir la régularité de la procédure suivie devant la commission de réforme, M. B... doit être regardé comme ayant été privé d'une garantie.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision du recteur de l'académie de Créteil du 10 avril 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 9 ci-dessus, l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Créteil du 10 avril 2018 n'implique pas nécessairement d'enjoindre au recteur d'attribuer à M. B... un congé pour invalidité imputable au service à compter du 22 avril 2013 ou, à défaut, de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie à compter de la même date. En revanche, il y a lieu d'enjoindre au recteur de réexaminer la situation de M. B... et de consulter à nouveau la commission de réforme dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1805314 du tribunal administratif de Montreuil du 7 mai 2019 est annulé.
Article 2 : Le surplus de la requête du ministre de l'éducation nationale est rejeté.
Article 3 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Créteil de réexaminer la situation de M. B... et de consulter à nouveau la commission de réforme dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
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N° 19VE02471