CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 19/10/2021, 20MA04341, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision19 octobre 2021
Num20MA04341
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentMme HELMLINGER
RapporteurM. Didier URY
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsGIUSEPPI

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Haute-Corse d'annuler la décision du 2 juillet 2015 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " psycho-syndrome post-traumatique ".

Par un jugement n° 1901344 du 28 septembre 2020, le tribunal administratif de Bastia, auquel le dossier a été transféré par application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 novembre 2020, M. A... B..., représenté par Me Giuseppi, demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du
28 septembre 2020.

Il soutient que les trois experts désignés par le tribunal ont reconnu l'aggravation de son infirmité de " psycho-syndrome post-traumatique " ; que le tribunal a porté une appréciation manifestement erronée sur les éléments médicaux de son dossier notamment au regard des conclusions expertales du docteur C....






Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de M. B... ne sont pas fondés.


Par ordonnance du 24 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 juillet 2021 à 12 heures.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ury,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 8 février 1939, a servi dans la marine nationale du 1er janvier 1960 au 17 avril 1962. Il s'est vu concéder une pension militaire définitive au taux de 80 % à compter du 20 janvier 2012 au titre de l'infirmité " psychonévrose post-traumatique de guerre, repli social marqué, troubles très intenses avec importante souffrance psychique ". Il relève appel du jugement du 28 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa requête dirigée contre la décision du 2 juillet 2015 du ministre de la défense qui a refusé faire droit à sa demande de révision de sa pension enregistrée le 3 septembre 2013, pour aggravation de son syndrome post-traumatique à un taux de 100%.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Et en vertu des dispositions de l'article L. 6 du même code, l'évolution des infirmités pensionnées s'apprécie sur une période comprise entre la date initiale d'octroi de la pension et celle de dépôt de la demande de révision, soit, en l'espèce, entre le 20 janvier 2012 et le
3 septembre 2013.




3. D'autre part, aux termes de l'article L. 9 de ce même code : " (...) / Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur. / Pour l'application du présent article, un décret (...), détermine les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité. / (...) ". L'article L. 10 précise que : " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : / a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général ". Aux termes du chapitre III du guide barème annexé au décret du 10 janvier 1992 : " L'attribution des pourcentages d'invalidité en matière de troubles psychiques présente d'importantes difficultés de mesure. En général, il est possible de quantifier (par des échelles à intervalles ou ordinales relativement rigoureuses) un degré d'invalidité dans le domaine somatobiologique proprement dit où l'expert s'appuie sur la notion d'intégrité physique (anatomique, physiologique et fonctionnelle). (...). En matière de troubles psychiques, ces pourcentages seront utilisés comme un code. Les éléments de celui-ci constituent une échelle nominale, dont les différents termes reçoivent à la fois une définition précise et explicite, s'appuyant sur des critères simples et généraux définissant le niveau d'altération du fonctionnement existentiel. Dans cette échelle, en pratique expertale, on peut distinguer six niveaux de troubles de fonctionnement décelables, qui seront évalués comme suit : / - absence de troubles décelables : 0 p. 100 ; / - troubles légers : 20 p. 100 ; / - troubles modérés : 40 p. 100 ; / - troubles intenses : 60 p. 100 ; / - troubles très intenses : 80 p. 100 ; / - déstructuration psychique totale avec perte de toute capacité existentielle propre, nécessitant une assistance de la société : 100 p. 100 ".

4. Il résulte des termes du rapport d'expertise du 4 décembre 2018 que M. B... présente des crises d'angoisse, des idées noires, des phobies, des obsessions, ainsi que des vertiges et une hypertension organique, qui ont pour origine la guerre d'Algérie. L'expert relève, toutefois, une absence de troubles de la parole et du langage, un débit verbal et une élocution normales, et notamment une absence de troubles du vocabulaire, de l'évocation des mots ou de néologismes, ainsi qu'une absence de troubles du cours de la pensée, de la compréhension, de la déduction logique et du raisonnement quant aux situations quotidiennes. Par ailleurs, au cours de l'entretien avec cet expert, M. B... a manifesté une attention et une concentration totales. Ainsi, alors même que, comme l'indique le dernier rapport d'expertise médicale, l'épouse de M. B... l'assiste pour tous les actes de la vie quotidienne (lever, toilette, habillage) et que le requérant, ainsi d'ailleurs que son épouse, bénéficient de l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile et de soins infirmiers à domicile, le taux de 100 % proposé par l'expert, en se bornant, du reste, à le justifier, par la reconnaissance symbolique qu'il pourrait représenter pour l'intéressé, ne correspond pas à l'état de l'intéressé qui ne présente pas une déstructuration psychique totale. Au surplus, aucun élément probant ne permet d'affirmer, au regard de l'examen clinique et des traitements dispensés, que l'état de M. B... présenterait une aggravation supérieure à 10 %, pourcentage requis par les dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, par rapport à l'appréciation portée antérieurement qui avait conduit à lui reconnaître un taux d'invalidité de 80 %, correspondant à des troubles très sévères. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a retenu que l'infirmité de psycho-syndrome post-traumatique au taux d'invalidité de 80 % ne s'était pas aggravée à hauteur de plus 10 %, et a fortiori de 20 %, pourcentage qu'il demande.






5. Il résulte de ce qui ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia du 28 septembre 2020 qui rejette sa requête dirigée contre la décision du ministre de la défense du 2 juillet 2015.



D É C I D E :


Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.


Délibéré après l'audience du 5 octobre 2020, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.
N° 20MA043414