CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/12/2021, 19MA05151, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision07 décembre 2021
Num19MA05151
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurMme Thérèse RENAULT
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsJEAN-PAUL EON - CLAUDINE ORABONA AVOCATS ASSOCIES

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Bastia d'annuler la décision de la ministre des armées du 18 janvier 2018 en tant qu'elle a rejeté sa demande tendant à la majoration de sa pension militaire d'invalidité pour aide par tierce personne, au titre de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
Par un jugement n° 18/00017 du 19 novembre 2018, le tribunal des pensions de Bastia a annulé, dans cette mesure, la décision de la ministre des armées du 18 janvier 2018 et a accordé à M. A... le bénéfice de l'allocation prévue par l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, à compter du 14 mars 2017.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2019 par la cour régionale des pensions militaires de Bastia, la ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions de Bastia du 19 novembre 2018, dont elle demande l'annulation.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le respect du contradictoire a été méconnu ;
- les infirmités pensionnées dont souffre M. A... ne requièrent pas l'aide constante d'une tierce personne pour accomplir tout au long de la journée les actes les plus nombreux de la vie.

Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire.

Par un mémoire, enregistré le 18 janvier 2021 par la Cour, M. A..., représenté par
Me Eon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui accorder cette allocation à compter du 14 mars 2017.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 15 février 2021, la ministre des armées persiste dans ses conclusions, par les mêmes moyens.

Par décision du 21 février 2019, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Renault,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Fiocca, substituant Me Eon, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 5 juin 1954, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive concédée au taux global de 100% +21 par arrêté du 7 juillet 2014, pour six infirmités imputables au service, dont l'infirmité " bronchite chronique compliquée d'accès d'asthme, insuffisance respiratoire sévère, hypoxémie de repos, retentissement cardiaque, oxygénothérapie de longue durée ", au taux de 100%. Il a demandé, le 14 mars 2017, la révision de sa pension pour cette infirmité, ainsi que le bénéfice de la majoration de sa pension pour assistance d'une tierce personne. Par décision du 18 janvier 2018, la ministre des armées a rejeté ses demandes. M. A... a contesté cette décision en tant qu'elle refusait de lui accorder le bénéfice de la majoration de sa pension pour assistance par tierce personne. La ministre des armées relève appel du jugement du 19 novembre 2018 par lequel le tribunal des pensions de Bastia a fait droit à la demande de M. A... et annulé, sur ce point, sa décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La ministre des armées soutient que le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal des pensions de Bastia a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure, qui, devant être observé devant les juridictions des pensions, fait obstacle à ce qu'une décision juridictionnelle se prononçant sur les droits à pension militaire d'invalidité soit régulièrement rendue sur la base d'un dossier de procédure ne comprenant pas les conclusions produites par le requérant.
3. Il ressort des termes du jugement attaqué que M. A... a contesté la décision de la ministre des armées du 18 janvier 2018 par lettre enregistrée le 20 avril 2018, jointe au dossier de procédure, au terme de laquelle il demandait l'annulation de cette décision en tant qu'elle lui refusait le bénéfice de l'avantage prévu par l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en se prévalant des conclusions de l'expert médical désigné pour l'examiner avait considéré qu'il justifiait largement du droit à bénéficier de cet avantage.
Le jugement indique en outre que, par la voix de son conseil, Me Eon, M. A... avait maintenu et développé ses demandes lors des débats à l'audience du 17 septembre 2017, au cours de laquelle le commissaire du Gouvernement représentant la ministre des armées avait maintenu ses conclusions tendant au rejet de la demande de l'intéressé. Dès lors que les parties peuvent, devant la juridiction des pensions, développer oralement leurs conclusions, qui, en l'espèce, ont été intégralement maintenues sans que soient ajoutées de nouvelles demandes, le principe du contradictoire n'a pas été méconnu. La ministre des armées n'est par suite pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie et qui, vivant chez eux, sont obligés de recourir de manière constante aux soins d'une tierce personne, ils ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension. (...) ".

5. D'une part, si ces dispositions ne peuvent être interprétées comme exigeant que l'aide d'un tiers soit nécessaire à l'accomplissement de la totalité des actes essentiels de la vie, elles imposent, toutefois, que l'aide d'une tierce personne soit indispensable ou bien pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée ou bien pour faire face soit à des manifestations imprévisibles des infirmités dont le pensionné est atteint, soit à des soins dont l'accomplissement ne peut être subordonné à un horaire pré-établi et dont l'absence mettrait sérieusement en danger l'intégrité physique ou la vie de l'intéressé.

6. D'autre part, les infirmités qui doivent être prises en considération pour apprécier si un invalide remplit les conditions spéciales d'invalidité auxquelles le bénéfice de l'hospitalisation ou de la majoration est subordonné sont exclusivement celles qui ouvrent droit à pension au profit de l'intéressé.

7. Il ressort des pièces du dossier et en particulier du rapport d'expertise du docteur C..., médecin expert auprès de la sous-direction des pensions, dont le contenu n'est pas contesté par la ministre, que, lors de l'examen réalisé le 21 août 2017, M. A... " présente une BPCO évoluée responsable d'une insuffisance respiratoire sévère, oxygénodépendante avec retentissement cardiaque global. Cette insuffisance cardiorespiratoire sévère est responsable d'une dyspnée permanente avec sensation d'étouffement et d'une asthénie intense. Il se voit contraint de passer ses journées dans un fauteuil et tout déplacement s'avère difficile. Il a besoin d'être assisté par son épouse et d'une tierce personne pour assurer toutes les tâches quotidiennes et pour les gestes de la vie courante, tels se lever, se coucher, s'alimenter, se vêtir, se dévêtir, se déplacer, aller aux toilettes... ". L'expert ajoute que " ce handicap entraîne fortement une dégradation de sa qualité de vie avec une importante perte d'autonomie " et que l'intéressé " présente un retentissement majeur de sa pathologie cardio-respiratoire avec incapacité constante à accomplir seul tous les gestes essentiels de la vie courante. La pathologie présente une évolution constante progressivement péjorative aboutissant à une oxygénodépendance importante et à la nécessité d'une aide constante. ".
8. D'une part, contrairement à ce que soutient la ministre, les actes qui nécessitent une l'assistance d'une tierce personne se répartissent tout au long de la journée et ne peuvent pas être subordonnés à un horaire préétabli. D'autre part, la dyspnée permanente avec sensation d'étouffement, susceptible de mettre sérieusement en danger l'intégrité physique ou la vie de l'intéressé nécessite une surveillance permanente, en particulier la mise à sa disposition d'une assistance respiratoire par oxygénothérapie, geste qu'il ne peut accomplir sans aide. Enfin, si la ministre des armées invoque en défense une autre cause possible des difficultés de M. A..., comme un surpoids déduit du simple rapport entre son poids et sa taille, cette cause éventuelle, étrangère au service, ne ressort d'aucun document médical. L'état de santé de M. A... nécessitant l'aide d'une tierce personne étant, dans ces conditions, exclusivement dû à une infirmité pensionnée, ce dernier remplissait les conditions pour bénéficier de l'allocation prévue par les dispositions précitées de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
9. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal des pensions de Bastia a annulé la décision de la ministre des armées du 18 janvier 2018 en tant qu'elle rejetait la demande d'allocation au titre de l'article
L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et lui en a accordé le bénéfice à compter du 14 mars 2017.








D É C I D E :













Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à M. B... A... et à Me Eon.



Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 7 décembre 2021.
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N° 19MA05151