CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 14/12/2021, 19MA05284, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision14 décembre 2021
Num19MA05284
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Didier URY
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsMORDACQ

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal départemental des pensions du Gard d'annuler la décision du 18 juillet 2017, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " Séquelles fonctionnelles minimes de la plaie de la cuisse droite par balle ".

Par un jugement n° 18/00016 du 8 mars 2019, le tribunal départemental des pensions du Gard a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

La cour d'appel de Nîmes a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. B..., enregistrée à son greffe
18 avril 2019.

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 avril, 27 mai, 18 décembre et
30 décembre 2019, 9 juillet, 9 septembre et 6 novembre 2020, M. B..., représenté par
Me Mordacq, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal départemental des pensions du Gard du
8 mars 2019 ;


2°) d'annuler la décision du 18 juillet 2017 de la ministre de la défense ;

3°) d'ordonner à la ministre de la défense de réexaminer sa demande de pension militaire d'invalidité ;

Il soutient que son infirmité provoque une gêne fonctionnelle attestée par les certificats médicaux qu'il produit et qu'il doit par suite être indemnisée au taux de 10 %.

Par trois mémoires en défense, enregistrés le 3 juillet 2019 et le 13 août et
1er décembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens du requérant ne sont pas fondés.


M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2019.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ury, rapporteur,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 16 avril 1940, a servi en qualité de harki du 1er juin 1958 au
31 mars 1962. Le 27 mars 1959 il a été blessé à la cuisse droite par balle et à la face par quelques éclats de grenade. Le 28 avril 2016, faisant valoir à son âge avancé des douleurs permanentes pour marcher, se lever ou se relever après une longue position assise résultant selon lui des séquelles de cette blessure, et un retentissement psychologique, il a sollicité une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " Séquelles de blessure à la cuisse droite par balle survenue en 1959 en Algérie ". Par une décision du 18 juillet 2017, la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " Séquelles fonctionnelles minimes de la plaie de la cuisse droite par balle ". Par la présente requête, M. B... demande l'annulation du jugement du 8 mars 2019 du tribunal départemental des pensions du Gard qui rejette son recours contre cette décision.



Sur le droit applicable au litige :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle (...) sauf faute de la victime détachable du service. " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : (...) 2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ; (...). " L'article L. 121-2-3 dudit code précise que " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. " L'article L. 121-5 précise que " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...) / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ".

4. Par ailleurs, en vertu l'article L. 151-2 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, anciennement article L. 6 de ce code, l'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Cette évaluation doit, en application des termes mêmes de l'article L. 151-6 de ce code, qui reprend les dispositions de l'article L. 26 du même code, tenir compte de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par ces infirmités.


Sur le droit à pension :

5. Il est constant que, le 27 mars 1959, M. B..., lors d'une embuscade en Algérie, a été blessé et que cette blessure s'est traduite par une " plaie transfixiante par balle de l'extrémité inférieure de la cuisse droite sans lésions vasculo-nerveuses importantes ". Il résulte de l'instruction, et plus précisément de l'expertise du 20 mars 2017 du médecin conseil près le consulat de France à Alger mandaté par l'administration pour examiner M. B..., que l'intéressé est conscient, coopérant, dyspnéique et qu'il se déplace avec une canne. Celui-ci s'est alors plaint de douleurs des membres inférieurs, dorsalgies et gonalgie bilatérale ainsi que de vertiges. Le médecin conseil a fixé un taux de 10% d'invalidité mais sans mentionner des troubles fonctionnels, ni amyotrophie ou raccourcissement du membre concerné. En l'absence d'une gêne fonctionnelle relevée par cet expert, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité a considéré le 14 juin 2017 que le taux d'invalidité correspondant à l'infirmité en cause était inférieur au minimum de 10%. La ministre des armées a alors rejeté la demande de l'intéressé pour ce motif.


6. En premier lieu, d'une part, M. B... produit un certificat médical du 11 mars 2020 signé par un spécialiste en orthopédie et traumatologie qui propose un taux d'incapacité permanente partielle de 90% lié aux dorsalgies, lombalgies, et gonalgies bilatérales rebelles aux médications, en rapport avec des lésions d'arthrose vertébrale dorso-lombaires. Cependant, ce certificat médical, postérieur à la date de la demande de pension du 28 avril 2016, n'explique pas l'état de santé de M. B... en relation avec la blessure du 27 mars 1959 qu'il n'évoque d'ailleurs même pas. Aussi, il ne saurait valablement être retenu pour apprécier le droit à pension de l'intéressé. D'autre part, le requérant produit également un certificat médical du 16 avril 2019 du même spécialiste qui relève une impotence douloureuse des deux genoux avec limitation de la flexion/extension avec retentissement des troubles de l'appui et de la marche sur le bassin (déséquilibre) et le rachis lombaire (arthrose très sévère décompensée). Ce médecin note également un symptôme post-traumatique chez M. B..., et il conclut en indiquant qu'un tel état de santé justifie une indemnisation. Néanmoins, il fait état d'une blessure par perforation au genou gauche et d'un traumatisme du genou droit, alors que la plaie transfixiante porte sur la jambe droite. En outre, M. B... n'a pas demandé à être indemnisé pour une invalidité au rachis lombaire ni pour un syndrome post-traumatique. Par ailleurs, le certificat médical du
2 avril 2019, émanant d'un autre médecin que le précédent, propose un taux d'invalidité de 15% en se référant certes à un traumatisme balistique au genou gauche, mais aussi à des lésions d'arthrose compartimentale des genoux, et à une opération pour canal lombaire étroit d'origine arthrosique en 2016, alors que, ainsi qu'il vient d'être dit, la blessure en cause porte exclusivement sur la cuisse droite et que les atteintes aux genoux et au canal lombaire sont sans liens établis avec la plaie transfixiante.

7. En deuxième lieu, et d'une part, il résulte des termes de l'expertise médicale du
20 mars 2017 du médecin mandaté par l'administration, que celui-ci a relevé que l'intéressé marche avec un appui (canne). A supposer même, comme l'allègue le requérant sans l'établir par les éléments versés au dossier, que son infirmité participe à sa boiterie, le médecin expert n'a pas retenu sa filiation médicale avec la blessure reçue. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que ce médecin n'aurait pas procédé à un examen clinique complet de son état de santé, au seul motif qu'il n'a admis aucune gêne fonctionnelle liée à sa blessure. D'autre part,
M. B... soutient que ses dorsalgies sont en relation avec un fait militaire lié à une intervention sur sa colonne vertébrale. Cependant, cette circonstance résulte de ses seules déclarations, notamment au médecin mandaté par l'administration pour l'examiner qui en a fait état dans son expertise du 20 mars 2017, alors d'ailleurs que cet expert médical n'a pas mis en relation les dorsalgies avec la blessure reçue le 27 mars 1959. Enfin, la concession d'une pension militaire d'invalidité qui exige une gêne fonctionnelle objective ne peut être établie au regard des seules douleurs exprimées par le postulant au niveau des deux jambes ou de son état psychologique dégradé.

8. Il résulte dès lors de tout ce qui précède que M. B... n'établit aucune gêne fonctionnelle directement liée à des séquelles de la blessure reçue le 27 mars 1959. Ainsi, il ne démontre pas que le taux d'invalidité de son infirmité doit être fixé à un taux au moins égal à 10% exigé par les dispositions précitées de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour ouvrir droit à pension. Par suite, M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal départemental des pensions du Gard du 14 juin 2019 qui rejette sa contestation de la décision du 18 juillet 2017 de la ministre des armées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.




D É C I D E :


Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.


Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.


Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021.
N° 19MA052844