CAA de PARIS, 8ème chambre, 31/01/2022, 19PA03694, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris de constater que l'arrêté du 22 mai 2017 du ministre de la défense, pris en exécution du jugement n°15/00002 du 10 février 2017, comportait une erreur en prenant en compte, pour la période du 1er janvier 2003 au 12 mai 2010, le grade de premier maître de la Marine nationale, grade équivalent à celui d'adjudant-chef des sapeurs-pompiers de Paris, mais inférieur à celui d'adjudant-chef de l'armée de terre, c'est-à-dire de maître principal dans la Marine nationale, et que des sommes insuffisantes lui ont été versées pour la période courant du 1er janvier 2003 au 12 mai 2010.
Par jugement n° 17/00030 du 24 mai 2019, le Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
La Cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête présentée par M. A... enregistrée à son greffe le 22 juillet 2019.
Par cette requête enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 19PA03694 le 1er novembre 2019, M. A..., représenté par Me Stark, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 17/00030 du 24 mai 2019 du Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ;
2°) de condamner la ministre des armées à procéder au paiement de la somme due au grade d'adjudant-chef de l'armée de terre correspondant à celui de maître principal dans la Marine nationale pour la période du 1er janvier 2003 au 12 mai 2010.
Il soutient que :
- sa requête n'est pas tardive dès lors que l'arrêté du 22 mai 2017 du ministre de la défense lui a été notifié le 13 juin 2017 et que sa requête a été enregistrée le 4 décembre 2017, soit dans le délai de recours de six mois prévu par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dès lors qu'il leur était demandé de condamner l'administration à procéder à l'alignement d'indice de taux de pension pour la période allant de 2003 à 2010 au taux correct, c'est-à-dire celui de maître principal et non pas de premier maître, que sa requête n'avait pas pour objet une demande en rectification d'erreur matérielle mais de critiquer l'alignement d'indice erroné auquel l'administration a procédé en établissant l'arrêté du 22 mai 2017 et ainsi d'avoir versé, pour la période du 1er janvier 2003 au 12 mai 2010, une somme calculée sur une mauvaise base de liquidation ;
- le jugement attaqué est entaché d'une dénaturation de l'arrêté du 22 mai 2017 du ministre de la défense et d'une erreur manifeste d'appréciation des faits et des documents portés à la connaissance du tribunal.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement n° 17/00030 du 24 mai 2019 du Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris.
Elle soutient que la requête de M. A... devant le Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est tardive.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 22 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., né le 17 février 1938, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 40 %, concédée par arrêté du 22 novembre 1994 suite à un accident survenu alors qu'il était en service au sein de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Par courrier du 3 mai 2006, il a demandé au ministre de la défense l'application à sa pension de l'indice correspondant à celui de maître principal dans la Marine nationale, une décision implicite de rejet lui a été opposée. Par jugement n° 15/00002 du 10 février 2017, le Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision implicite de rejet du 19 mai 2006 et a accordé à M. A... le bénéfice à compter du 1er janvier 2003 de la revalorisation indiciaire de sa pension militaire d'invalidité à l'indice du grade de premier maître de la Marine nationale, grade équivalent à celui d'adjudant-chef des sapeurs-pompiers de Paris. Par arrêté du 22 mai 2017, le ministre de la défense a révisé sa pension du 1er janvier 2003 au 12 mai 2010 en appliquant l'indice 208 correspondant au grade de premier maître de la Marine nationale en exécution de ce jugement. Le 4 décembre 2017, M. A... a formé un recours devant le Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris contre cet arrêté au motif qu'en exécution du jugement du 10 février 2017, le ministre de la défense a, par erreur, pris en compte un grade qui ne correspond pas à celui d'adjudant-chef dans l'armée de terre, c'est-à-dire de maître principal dans la Marine nationale. Par jugement n° 17/00030 du 24 mai 2019, dont M. A... relève appel, le Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa requête pour irrecevabilité au motif qu'il appartenait à M. A... de contester le jugement du 10 février 2017, s'il comportait une erreur, dans le délai de deux mois qui lui était imparti, ce qu'il a omis de faire.
Sur la recevabilité de la requête :
2. L'article L. 711-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version applicable au litige, dispose que : " Les contestations individuelles auxquelles donne lieu l'application des dispositions du livre Ier et des titres Ier, II et III du livre II sont jugées en premier ressort par le tribunal des pensions et en appel par la cour régionale des pensions ". L'article R. 731-2 du même code alors en vigueur dispose que : " Sous réserve du cas des recours en révision prévus par l'article L. 154-4, les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre premier et des titres I, II et III du livre II du présent code sont susceptibles, dans le délai de six mois à compter de leur notification, de recours devant le tribunal des pensions (...) ".
3. Il ressort des termes mêmes de la requête de M. A... enregistrée le 4 décembre 2017 par le Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris qu'elle avait pour objet de contester " le titre de pension militaire d'invalidité pris par l'arrêté du 22 mai 2017 " qui lui a été notifié le 13 juin 2017 et ainsi ne constituait pas un recours en rectification d'erreur matérielle comme l'ont considéré à tort les premiers juges. Dès lors, M. A... disposait, en application de l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, d'un délai de six mois à compter de la notification le 13 juin 2017 de l'arrêté du 22 mai 2017 pour introduire un recours à son encontre. Ainsi, le recours qu'il a formé le 4 décembre 2017 a été introduit dans le délai de recours contentieux. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la tardiveté de sa requête lui a été opposée. Par suite, le jugement n° 17/00030 du 24 mai 2019 du Tribunal des pensions militaires d'invalidité d'invalidité de Paris est annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris.
Sur les droits à pension militaire d'invalidité de M. A... :
5. Si M. A... soutient que le titre de pension militaire d'invalidité pris par l'arrêté du 22 mai 2017 du ministre de la défense comporte une erreur en prenant en compte le grade de premier maître de la Marine nationale, grade équivalent à celui d'adjudant-chef des sapeurs-pompiers de Paris, pour la période du 1er janvier 2003 au 12 mai 2010, inférieur à celui d'adjudant-chef de l'armée de terre, c'est-à-dire de maître principal dans la Marine nationale et que des sommes insuffisantes lui ont été versées pour la période courant du 1er janvier 2003 au 12 mai 2010, il n'assortit ses allégations d'aucune précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé et notamment il n'explicite pas les motifs qui auraient dû conduire le ministre de la défense à prendre en compte le grade dont il se prévaut pour la période contestée. Il s'ensuit que ses conclusions tendant à ce que la ministre des armées soit condamnée à procéder au paiement de la somme due au grade d'adjudant-chef de l'armée de terre correspondant à celui de maître principal dans la Marine nationale pour la période du 1er janvier 2003 au 12 mai 2010 ne peuvent qu'être rejetées.
6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande de première instance et le surplus des conclusions d'appel de M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°17/00030 du 24 mai 2019 du Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de première instance et le surplus des conclusions d'appel de M. A... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03694