CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 18/02/2022, 19MA04265, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision18 février 2022
Num19MA04265
JuridictionMarseille
Formation7ème chambre
PresidentM. POCHERON
RapporteurMme Jacqueline MARCHESSAUX
CommissaireM. CHANON
AvocatsALINOT

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :


M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le titre de perception émis le 30 septembre 2016 pour un montant total de 49 181 euros et la décision du 9 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son opposition à exécution formulée le 13 novembre 2016.


Par un jugement n° 1701668 du 15 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.


Procédure devant la Cour :


Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2019 sous le n° 19MA04265, M. A..., représenté par Me Alinot, demande à la Cour :


1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 juillet 2019 ;


2°) d'annuler le titre de perception émis le 30 septembre 2016 et la décision du 9 mai 2017 ;


3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros, en application de l'article 8-1 du code de procédure administrative.


Il soutient que :
- la décision du 18 décembre 2013 par laquelle le ministre de la défense lui a octroyé la somme de 87 181 euros est définitive et revêtue de l'autorité de chose jugée ;
- le jugement du tribunal administratif de Toulon du 1er avril 2016 qui a condamné l'État à lui verser la somme de 38 000 euros qui est clair et sans équivoque ne saurait se substituer à la décision du 18 décembre 2013 du ministre de la défense qui n'a pas été annulée ;
- le titre de perception contesté a été pris en violation de cette décision et de ce jugement ;
- la motivation erronée du tribunal selon laquelle, lorsque la demande a une nature indemnitaire, le jugement du tribunal se substitue automatiquement à la décision de l'administration contestée ne résulte d'aucun texte de droit et est contraire aux principes de la procédure civile qui impose à toute juridiction de statuer sur l'ensemble des demandes sans pouvoir statuer ni ultra, ni infra petita ;
- si un tel raisonnement est confirmé, le tribunal a statué ultra petita ;
- en l'absence d'annulation expresse de la décision du 18 décembre 2013, celle-ci doit être considérée comme maintenue et le jugement du 1er avril 2016 vient s'y ajouter et non s'y substituer.


Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. A....


Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.




Considérant ce qui suit :


1. M. A..., alors engagé volontaire dans l'armée de terre, a été mis à disposition des formations militaires de la sécurité civile pour la campagne estivale 2003 de lutte contre les incendies. Il a été victime, le 27 août 2003, d'un accident de service à l'occasion d'une intervention sur un feu dans la forêt de Tartagine en Haute-Corse ayant entraîné, pour lui, un taux global d'incapacité permanente partielle de 60 %. M. A... a bénéficié à ce titre, à compter du 2 octobre 2013, d'une pension militaire d'invalidité d'un montant capitalisé de 232 527,82 euros. Le 11 septembre 2013, il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon afin d'obtenir une provision de 215 000 euros en réparation des préjudices causés par cet accident. Par une ordonnance du 30 octobre 2013, le juge des référés a condamné l'État à lui verser une provision de 80 000 euros au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux. Par une décision du 18 décembre 2013, le ministre de la défense lui a accordé une somme de 87 181 euros au titre de ces préjudices suite à son recours administratif préalable du 26 avril 2013. M. A... a demandé au tribunal de condamner l'État à lui verser les sommes de 951 200 euros et de 718 672,18 euros en réparation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux causés par l'accident de service précité. Par un jugement du 1er avril 2016, le tribunal a condamné l'État à lui verser une somme de 38 000 euros en réparation des préjudices non inclus dans le forfait de pension. Le 24 août 2016, le ministre de la défense a demandé à M. A... de rembourser la somme de 49 181 euros, correspondant à la différence entre les sommes versées par l'État (87 181 euros) et les sommes mises à sa charge par les deux jugements précités (38 000 euros). Un titre de perception a été émis le 30 septembre 2016 afin de recouvrer cette somme. M. A... a formé opposition à ce titre le 13 novembre 2016 qui a été rejetée par une décision du 9 mai 2017 du ministre de la défense. Il relève appel du jugement du 15 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis le 30 septembre 2016 et de la décision du 9 mai 2017.


Sur le bien-fondé du jugement attaqué :


2. Il ressort des pièces du dossier que par la décision du 18 décembre 2013, faisant suite au recours administratif préalable de M. A... du 26 avril 2013, le ministre de la défense lui a accordé la somme de 87 181 euros en réparation de des préjudices extra-patrimoniaux distincts de l'atteinte à l'intégrité physique qu'il a subie du fait de l'accident survenu le 27 août 2003 sur le fondement de la responsabilité sans faute. Par ailleurs, il ressort du jugement du 1er avril 2016 du tribunal administratif de Toulon, que M. A... a demandé au tribunal, d'une part, par un recours enregistré sous le n° 1302555 le 19 septembre 2013, la condamnation de l'État à lui verser la somme de 951 200 euros en réparation du préjudice subi lors de l'accident de service dont il a été victime le 27 août 2003, dont 640 000 euros au titre des postes de préjudices extra patrimoniaux et 311 200 euros au titre des postes de préjudices patrimoniaux et, d'autre part, par un second recours enregistré sous le n° 1400695 le 19 février 2014, la condamnation de l'État à lui verser la somme de 718 672,18 euros en réparation du préjudice subi lors de l'accident précité, dont 640 000 euros au titre des postes de préjudices extra patrimoniaux et 78 672,18 euros au titre des postes de préjudices patrimoniaux, correspondant à ses prétentions initiales, déduction faite de la pension militaire d'invalidité. Par ce jugement du 1er avril 2016, le tribunal a condamné l'État à lui verser la somme de 38 000 euros en réparation des préjudices subis et, à l'article 3, rejeté le surplus des conclusions des demandes précitées.


3. M. A... ne peut utilement soutenir que la décision du 18 avril 2013 est devenue définitive et est revêtue de l'autorité de la chose jugée dès lors que ce principe ne s'applique qu'à une décision de justice. Cette décision qui faisait partiellement droit à la demande indemnitaire de M. A... ne présentait pas davantage de caractère définitif dès lors que le requérant l'a lui-même contestée devant le tribunal. La circonstance qu'elle ait été exécutée par le ministre de la défense est sans incidence.


4. Le tribunal a estimé à juste titre que lorsque le juge est saisi en premier ressort d'un contentieux indemnitaire, l'objet de la requête n'est pas l'annulation de la décision attaquée mais la condamnation du défendeur à indemniser le requérant. Ainsi, une telle demande conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à percevoir la somme qu'il réclame et se substitue nécessairement à l'appréciation qui en avait antérieurement été faite par l'administration, qu'elle refuse la somme demandée ou qu'elle accorde une indemnisation supérieure à celle finalement retenue par le juge. Par suite, le jugement du 1er avril 2016, par lequel le tribunal a condamné l'État à verser à M. A... une somme de 38 000 euros en réparation des préjudices subis, s'est nécessairement substitué à la décision du ministre du 18 décembre 2013, qui, prise en réponse à sa réclamation indemnitaire, liait ce contentieux et visait à l'indemnisation des mêmes préjudices que ceux dont se prévalait le requérant devant le tribunal dans ses deux demandes précitées. Par ailleurs, le tribunal pouvait condamner l'Etat au paiement d'une somme inférieure à celle à laquelle l'administration avait consenti de façon amiable, en vertu du principe d'ordre public selon lequel les personnes morales de droit public ne peuvent jamais être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas. Il s'ensuit que la ministre des armées a pu légalement émettre le titre de perception contesté d'un montant de 49 181 euros, correspondant à la différence entre la somme de 87 181 euros versée par l'État et celle de 38 000 euros mise à sa charge par le jugement du 1er avril 2016, M. A..., ne pouvant faire l'objet d'une double indemnisation au titre des mêmes préjudices.


5. M. A... ne peut utilement soutenir que le raisonnement mentionné au point 4 conduirait à considérer que le jugement du 1er avril 2016 a statué infra petita dès lors que ce moyen revient à remettre en cause la régularité de ce jugement lequel n'est pas contesté dans la présente instance et est devenu définitif.


6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon, a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis le 30 septembre 2016 et de la décision du 9 mai 2017.


Sur les frais liés au litige :


7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".




8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.


D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 4 février 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 février 2022.
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N° 19MA04265
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