CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 22/03/2022, 19MA05056, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 mars 2022
Num19MA05056
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurMme Thérèse RENAULT
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsPAOLANTONACCI

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille d'annuler la décision de la ministre des armées du 4 juillet 2018, en tant qu'elle a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de traumatisme du genou droit, rupture du ligament croisé antérieur traité par ligamentoplastie ".
Par un jugement n° 18/00119 du 6 juin 2019, le tribunal des pensions militaires de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées du 4 juillet 2018 et a reconnu à M. B... un droit à pension pour l'infirmité " séquelles de traumatisme du genou droit, rupture du ligament croisé antérieur traité par ligamentoplastie ", à compter du 2 mars 2016, au taux de 20%, dont 5% sont imputables à un état antérieur.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée par la Cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence le 29 juillet 2019, la ministre des armées demande d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 6 juin 2019.
Elle soutient que :
- le tribunal des pensions a insuffisamment motivé son jugement ;
- la gêne fonctionnelle présentée par M. B... lors de l'expertise à laquelle il a été soumis le 6 mars 2018, en particulier en ce qui concerne le déficit de flexion constaté, ne permet pas, compte tenu des indications du guide-barème de retenir un taux d'invalidité égal ou supérieur à 10% ;

- les complications constatées dans le cadre des suites de la ligamentoplastie dont M. B... a fait l'objet résultent, d'une part, d'un état constitutionnel de l'intéressé, se caractérisant par une instabilité ligamentaire des genoux et, d'autre part, d'une chute de l'intéressé, sans relation avec le service, qui s'est produite le 14 décembre 2015.


Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire.


Par lettre du 30 novembre 2021, M. B... a été mis en demeure, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, de produire des observations sur la requête de la ministre des armées.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Renault,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 30 août 1991, était soldat de première classe au sein de la Légion étrangère lorsqu'il a été rayé des contrôles de l'armée active, le 5 octobre 2016. Il a demandé au ministre de la défense, le 2 mars 2016, de lui octroyer une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme du genou droit, rupture du ligament croisé antérieur traité par ligamentoplastie ". Sa demande a été rejetée par la ministre des armées par décision du 4 juillet 2018. Par jugement du 6 juin 2019 dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions de Marseille a, sur recours de M. B..., annulé la décision de la ministre des armées du 4 juillet 2018 et reconnu à celui-ci un droit à pension pour l'infirmité " séquelles de traumatisme du genou droit, rupture du ligament croisé antérieur traité par ligamentoplastie ", à compter du 2 mars 2016, au taux de 20%, dont 5% sont imputables à un état antérieur.
2. En premier lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal a précisé les motifs qu'il a retenus pour juger que l'infirmité au titre de laquelle M. B... demandait à bénéficier d'une pension militaire d'invalidité atteignait un taux de 20%, dont 15% imputable au service, en particulier les éléments relatifs à la gêne fonctionnelle éprouvée et mesurée par expertise, lui permettant de justifier le taux d'invalidité retenu. Dans ces conditions, la ministre des armées ne peut soutenir que le jugement était insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 26 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date de la demande de M. B... : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " et aux termes de l'article L. 4 du même code : " La pension est concédée : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) ".
4. La ministre des armées soutient que c'est à tort que le tribunal des pensions de Marseille a évalué à 20%, dont 5% au titre d'un état antérieur, l'infirmité dont souffre M. B..., dont elle ne conteste pas, par ailleurs, tout lien avec le service. Elle considère que la gêne fonctionnelle dont souffre M. B... du fait de l'infirmité " séquelles de traumatisme de genou droit " n'entraîne pas un taux d'invalidité supérieur à 10 %, et, d'autre part, que cette infirmité n'est imputable qu'à hauteur de 5% à l'accident de service, survenu le 10 septembre 2014, au cours d'un saut en parachute de l'intéressé.
5. Il résulte l'instruction que l'accident de saut en parachute survenu le
10 septembre 2014 a occasionné un traumatisme du genou droit de M. B..., à l'origine d'une gonalgie avec épanchement et lésion du ligament croisé antérieur du genou. La persistance de la symptomatologie douloureuse a conduit à la réalisation d'une ligamentoplastie le 6 octobre 2015. Si le docteur D..., médecin chef à l'hôpital d'instruction des armées Laveran, a indiqué le 28 novembre 2015 que les suites de l'opération chirurgicale qu'il a pratiquée sur M. B... " sont tout à fait satisfaisantes avec une rééducation qui se passe de manière idéale ", se bornant à mentionner " une petite gêne en regard de la zone de prélèvement des ischio-jambiers, mais qui rentre dans l'ordre progressivement ", M. B... a été, du fait de l'invocation de pseudo- blocages répétitifs de l'articulation, revu par un autre médecin de l'HIA Laveran le
10 décembre 2015, qui a demandé à ce que soient réalisées des radiographies et une IRM pour déterminer l'origine de ces troubles. Le 12 décembre 2015, M. B... a chuté au sortir de sa salle de bains. Les conséquences de cette chute l'ont conduit à faire pratiquer une nouvelle IRM " démontrant une infiltration du Hoffa, un LCA bi-fibrillaire et une petite subluxation rotulienne ", d'après les termes du docteur C..., médecin expert mandaté par l'administration pour se prononcer sur l'infirmité au titre de laquelle M. B... demandait l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Son état a été déclaré consolidé le 5 octobre 2016. L'examen réalisé par le docteur C... le 6 mars 2018 révèle une flexion du genou droit à 120°, une extension à 10° (contre 15° pour le genou gauche), une distance talon-fesse de 26 cm (contre 5 cm à gauche), qui le conduit à proposer un taux d'invalidité de 20%, dont 5% d'état antérieur lié à une instabilité rotulienne. En se bornant à soutenir que le guide-barème des invalidités recommande, pour une flexion inférieure à 110°, un taux de 10 à 30% d'invalidité, alors qu'une telle évaluation est absente de ce guide-barème, et que le médecin chef Delprat, conseiller technique auprès de la sous-direction des pensions du ministère des armées, qui n'a pas examiné M. B..., a indiqué que celui-ci présentait une laxité des ligaments croisés des deux genoux, pouvant expliquer l'évolution atypique de la symptomatologie qu'il a présentée après le traumatisme et la réalisation de la ligamentoplastie, qui n'a pas souffert, au demeurant, des conséquences de la chute dont a été victime l'intéressé le 12 décembre 2015, la ministre des armées n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause l'appréciation des premiers juges, dont il convient d'adopter les motifs sur ce point, compte tenu des éléments produits dans le dossier, et en particulier de l'expertise du docteur C..., non utilement contestée.
6. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a annulé sa décision du 4 juillet 2018 et reconnu à M. B... un droit à pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de traumatisme du genou droit, rupture du ligament croisé antérieur traité par ligamentoplastie ", à compter du 2 mars 2016, au taux de 20%, dont 5% imputables à un état antérieur.

D É C I D E :


Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B....


Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 22 mars 2022.
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N° 19MA05056