CAA de LYON, 3ème chambre, 28/09/2022, 20LY02547, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision en date du 23 novembre 2018 par laquelle le maire de ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.
Par un jugement n° 1900639 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er septembre 2020 et un mémoire enregistré le 15 décembre 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B... épouse C..., représentée par Me Gras (SELAS Agis), avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 juin 2020 ;
2°) d'annuler la décision en date du 23 novembre 2018 par laquelle le maire de ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ;
3°) d'enjoindre à la commune de ... de déclarer sa pathologie imputable au service et de lui verser l'intégralité de son traitement et le remboursement de l'ensemble de ses frais médicaux, du 1er décembre 2015 à ce jour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) subsidiairement, d'ordonner la réalisation d'une expertise ;
5°) de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, aucun spécialiste de sa pathologie n'ayant participé à la séance de la commission de réforme préalablement consultée ;
- elle méconnaît le 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, sa pathologie ayant une origine professionnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2021, la commune de ..., représentée par Me Cottignies (SELARL Philippe Petit et associés), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me Soalla, avocate, représentant Mme C..., et de Me Garaudet, avocate, représentant la commune de ... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse C..., alors adjointe territoriale au sein de la commune de ..., relève appel du jugement du 24 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de la commune du 23 novembre 2018 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. (...) La composition et le fonctionnement des commissions de réforme sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, des collectivités territoriales, de la santé et du budget, pris après avis du conseil supérieur compétent ". Aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". En vertu des dispositions de l'article 3 du même arrêté, la commission de réforme comprend : " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes (...) ".
3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision litigieuse.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'en se prévalant d'un certificat médical du Dr M. daté du 4 juin 2018, Mme C... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une arthropathie acromio-claviculaire et d'une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de son épaule droite. Pour émettre un avis sur cette demande, la commission de réforme disposait notamment d'un avis rendu le 12 juillet 2018, après examen de l'intéressée, par le Dr M., rhumatologue. Mme C... ne démontre nullement que cet avis, rendu par un spécialiste de sa pathologie, était insuffisant pour éclairer la commission de réforme, en se prévalant uniquement de certificats émanant d'un médecin généraliste et d'un certificat établi par un rhumatologue, dépourvu de tout caractère affirmatif quant à l'origine de sa pathologie. Ainsi, il n'est pas manifeste que la participation d'un rhumatologue à la séance du 6 novembre 2018 aurait été nécessaire. Par suite, l'absence d'un tel médecin spécialiste n'a pas été de nature à entacher la procédure suivie devant la commission de réforme d'irrégularité.
5. En second lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
7. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de Mme C..., le maire de ... a suivi l'avis émis par la commission de réforme le 6 novembre 2018, lui-même conforme à l'avis rendu par un médecin rhumatologue le 12 juillet 2018 et concluant à l'absence d'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée. Si Mme C... se prévaut de deux certificats en sens inverse du Dr M., généraliste, il n'est pas établi, contrairement à ce qu'affirment ces certificats, que le poste de secrétaire médicale qu'elle occupait depuis 2009, à la suite d'un reclassement, supposait la manipulation de lourds dossiers. Il n'est, en outre, pas contesté que, précédemment affectée à un poste d'agent d'entretien, Mme C... a bénéficié d'adaptations excluant le port de charges lourdes dès 1994 et, à l'exception de quelques mois en 2001, a cessé d'exercer ces fonctions dès 1999. Enfin, et comme indiqué précédemment, le certificat établi par un rhumatologue le 15 novembre 2018 dont Mme C... se prévaut est dépourvu de tout caractère affirmatif quant à l'origine de sa pathologie. Dans ces conditions, il n'est nullement établi que la tendinopathie de la coiffe des rotateurs de son épaule droite, diagnostiquée en 2015, de même que les cervicalgies, apparues antérieurement, seraient directement liées à l'exercice de ses fonctions.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la réalisation d'une expertise, que Mme B... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme B... épouse C... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de ..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B... épouse C.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le paiement des frais exposés par la commune de ... en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de ... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et à la commune de ....
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2022.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 20LY02547