CAA de LYON, 7ème chambre, 22/09/2022, 21LY01640, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 septembre 2022
Num21LY01640
JuridictionLyon
Formation7ème chambre
PresidentM. PICARD
RapporteurMme Christine DJEBIRI
CommissaireM. RIVIERE
AvocatsDENIS

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 18 janvier 2018 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité.

Par un jugement n° 1903230 du 19 janvier 2021, le tribunal a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 mai 2021 et 18 mars 2022, M. A..., représenté par Me Denis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision contestée ;
2°) d'ordonner une expertise avant dire droit ;
3) de lui octroyer une pension militaire d'invalidité correspondant à l'affection dont il a été victime lors des accidents de service des 14 janvier 1986 et 3 mai 2010, rétroactivement à la date de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.



Il soutient que :
- les pathologies dont il souffre sont imputables au service ;
- ses pathologies ont pour origine deux accidents de service survenus en 1986 et en 2010, et non une maladie professionnelle, de telle sorte que la ministre a commis une erreur de droit en qualifiant son infirmité de maladie et non de blessures ;
- le taux de 25 %, déterminé par les services du ministère des armées, n'est pas représentatif de son état physique actuel.
Par des mémoires enregistrés les 13 janvier et 1er septembre 2022 (ce dernier non communiqué), la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Denis, pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né en 1961, engagé dans l'armée de l'air en 1980, a notamment exercé une activité de pilote de chasse et détenait le grade de lieutenant-colonel lors de sa radiation des cadres le 3 décembre 2018. Il a demandé à bénéficier d'une pension d'invalidité le 27 janvier 2016 pour les conséquences d'un vol d'entraînement le 14 janvier 1986 et d'un mouvement à son bureau le 3 mai 2010. Cette demande a été refusée par une décision de la ministre des armées du 18 janvier 2018. M. A... fait appel du jugement du 19 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

En ce qui concerne la nature de l'infirmité :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-5 du même code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / a) 30 % en cas d'infirmité unique ; / b) 40 % en cas d'infirmités multiples. " Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service, constatée dans les conditions qu'elles prévoient.

3. Il résulte de l'instruction que le 14 janvier 1986, alors qu'il volait dans le cadre d'un entraînement militaire, M. A... a ressenti une vive douleur lombaire suivie de lombalgies récurrentes et que, le 3 mai 2010, alors qu'il était assis à son bureau, il a souffert d'une douleur lombaire brutale consécutive à un mouvement banal du quotidien et a été opéré quelques jours plus tard d'une hernie discale. Pour refuser de lui accorder une pension militaire d'invalidité, le ministre de la défense a estimé que l'infirmité dont se plaint M. A... devait être regardée comme trouvant son origine, non pas dans une blessure, mais dans une maladie, et que faute d'un taux d'invalidité retenu supérieur au taux global d'invalidité de 30 %, elle ne lui ouvrait pas droit à pension. D'après le rapport d'expertise du 30 octobre 2017 établi à la demande de la ministre, M. A... est atteint de lombosciatiques chroniques droites sur hernie discale opérée, de raideur rachidienne modérée entraînant une gêne fonctionnelle, d'épisodes de sciatalgies droites non objectivables et d'une paralysie partielle droite L4, L5. Il en résulte également un état antérieur de M. A... qui présentait déjà des épisodes de lombalgies mécaniques en 1981 et 1982. Son livret médical montre aussi qu'il a souffert de douleurs de même localisation avant 1986, ayant présenté à trois reprises des lombalgies et, qu'avant 2010, il a été sujet à une dizaine d'épisodes de lombalgies aigües au moins. Dans ce contexte, et même si le chirurgien du Val de Grâce qui l'a opéré en 2010 a pu constater " une rupture du ligament vertébral commun postérieur avec un petit fragment discal ", l'ensemble des éléments médicaux caractérisant la situation de M. A... sont en faveur de lésions trouvant leur origine dans une pathologie préexistante, émaillée d'épisodes répétés de lombalgies, auxquelles font dès lors défaut la soudaineté ou le rattachement à un fait précis de service. Dans ces conditions, son infirmité ne peut être regardée comme résultant d'une blessure.

En ce qui concerne le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée :

4. Aux termes de l'article L. 125-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, jusqu'au taux de 100 %, par référence au taux d'invalidité apprécié de 5 en 5 (...) L'indemnisation des infirmités est fondée sur le taux d'invalidité reconnu à celles-ci en application des dispositions d'un guide-barème portant classification des infirmités d'après leur gravité (...) ". Ce guide-barème, qui est désormais inséré à l'annexe 2 de ce code, retient un taux d'invalidité de 25 à 40 % pour les névralgies sciatiques, d'intensité moyenne, avec signes objectifs manifestes, gêne considérable de la marche et du travail.

5. En l'espèce, M. A... soutient que son taux d'invalidité est supérieur à 25 %. Toutefois, si l'expertise du Dr C... du 13 octobre 2016 relève une fatigue rapide à la marche, elle fait état d'une douleur faible et modérée, M. A... ayant conservé une activité physique significative. En l'état, rien ne permet d'affirmer que son taux d'invalidité, inférieur à 30 % et qui, dans ces conditions, n'ouvre pas droit au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, devrait être fixé à un niveau supérieur à celui retenu ici.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.
La rapporteure,
C. Djebiri
Le président
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter


La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY01640 2
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