CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 21/12/2022, 20BX03086, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, à titre principal, d'annuler la décision du 4 décembre 2017 par laquelle La Poste a prononcé sa mise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 15 avril 2016.
Par un jugement n° 1800175 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 septembre 2020, M. B..., représenté par Me Dounies, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 7 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 4 décembre 2017 par laquelle La Poste a prononcé sa mise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 15 avril 2016 ;
3°) de faire exécuter le jugement rendu par le tribunal administratif de Limoges le 23 novembre 2017 ;
4°) d'enjoindre à La Poste de procéder à la réintégration de M. B..., dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision à venir et, ce, sous astreinte de 1 000 euros par jours de retard ;
5°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse du 4 décembre 2017 ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- la poste s'est estimée liée par l'avis de la commission de réforme ;
- cet avis est lui-même insuffisamment motivé dès lors que la commission ne s'est pas prononcée sur l'imputabilité au service de son invalidité ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et constitue une sanction déguisée caractérisant un détournement de pouvoir alors qu'il a été victime de harcèlement moral ;
- l'affection dont il souffre est imputable au service.
Par un mémoire enregistré le 8 septembre 2021, La Poste, représentée par Me Magne, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gaucher-Piola, représentant La Poste.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été recruté par La Poste, en septembre 1978, en qualité de mécanicien dépanneur puis chef de travaux automobiles. Il a été placé, à compter du 24 octobre 2009, en congé de longue maladie puis de longue durée, renouvelé jusqu'au 15 avril 2016. Par une décision du 10 février 2016, la direction du service courrier-colis du Limousin de La Poste a prononcé la mise à la retraite d'office de M. B... pour invalidité à compter du 15 avril 2016. Par un jugement n° 1600498 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les demandes de M. B... tendant à l'annulation des décisions renouvelant son congé de longue durée et a annulé la décision prononçant cette mise à la retraite d'office en raison de son insuffisante motivation. Par une décision du 4 décembre 2017, La Poste a, de nouveau, prononcé la mise à la retraite d'office de M. B... pour invalidité à compter du 15 avril 2016. M. B... relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des points 3 et 4 du jugement attaqué que le tribunal a considéré que la décision litigieuse était suffisamment motivée. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait omis de se prononcer sur ce moyen.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, à l'appui des moyens tirés de ce que la décision litigieuse ne serait pas suffisamment motivée, de ce que l'avis rendu par la commission de réforme le 10 février 2016 serait insuffisamment motivé au regard de l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre, de ce que La Poste se serait crue, à tort, liée par cet avis, de ce que ni La Poste ni la commission de réforme n'ont examiné si cette pathologie était imputable au service alors que tel serait le cas, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
4. En deuxième lieu, et ainsi que l'ont dit les premiers juges, l'appelant n'est pas recevable à demander, dans le cadre d'un litige pour excès de pouvoir, à fortiori devant la cour administrative d'appel, l'exécution d'un précédent jugement du tribunal administratif devenu définitif. Par suite, les conclusions de la requête tendant à ce que soit ordonnée l'exécution du jugement du 23 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé une décision du 10 février 2016 plaçant d'office M. B... à la retraite pour invalidité, lesquelles ne sont au surplus assorties d'aucun moyen, ne peuvent qu'être rejetées.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension. Par dérogation à l'article L. 16 du même code, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale ".
6. M. B... se prévaut de plusieurs certificats médicaux établis par un psychiatre les 23 septembre 2014, 13 janvier 2015 et 27 octobre 2015, dont le dernier en date indique que " son état actuel lui permet d'envisager une reprise professionnelle à mi-temps thérapeutique ". Il se prévaut également de l'attestation établie le 25 janvier 2016 par son médecin généraliste qui fait état de son aptitude à reprendre le travail ainsi que d'attestations établies par un médecin spécialisé en oto-rhino-laryngologie qui indique qu'il " voudrait réaliser sa thérapie par le travail ". Toutefois, ces certificats, qui ne contestent pas la gravité de l'affection dont souffre l'intéressé, ne permettent pas, à eux seuls, de remettre en cause l'avis rendu par la commission de réforme au sein de laquelle siégeaient trois médecins et qui a confirmé les préconisations du médecin expert qui a examiné en dernier lieu M. B... le 25 septembre 2015. Au demeurant, il résulte des motifs du jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 novembre 2017, devenu définitif et dont se prévaut M. B..., que des expertises médicales ont été réalisées par un psychiatre spécialiste du centre hospitalier Esquirol les 25 septembre 2014, 27 mars 2015 et 25 septembre 2015. Or il ressort de ces expertises que l'intéressé a souffert, au cours de la période correspondant aux deux derniers renouvellements de son congé de longue durée, d'un trouble bipolaire non traité en phase hypomaniaque assorti d'un discours fixe de récriminations relatif à son travail et à sa hiérarchie, avec des éléments mégalomaniaques, une humeur haute avec excitation psychique et persistance d'un sentiment de persécution incompatibles avec une reprise de son travail.
7. En quatrième lieu, la décision litigieuse se borne à constater que M. B... est désormais inapte à tous postes. Par suite, l'appelant ne peut utilement soutenir, à l'encontre de cette décision, qu'il aurait été victime de harcèlement moral au cours de sa carrière et que ce harcèlement serait à l'origine de la pathologie dont il souffre. En outre, il ne peut pas plus utilement soutenir que cette mise à la retraite constituerait une sanction déguisée caractérisant un détournement de pouvoir dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'appelant est effectivement inapte à tous postes.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de mise à la retraite d'office du 4 décembre 2017 et à l'exécution du jugement du 17 novembre 2017. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonctions et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
9. Enfin, il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme que demande La Poste au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : la requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de La Poste tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la société La Poste.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2022.
Le rapporteur,
Manuel C...
Le président,
Didier ArtusLa greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°20BX03086 2