CAA de LYON, 3ème chambre, 11/01/2023, 20LY02757, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision11 janvier 2023
Num20LY02757
JuridictionLyon
Formation3ème chambre
PresidentM. TALLEC
RapporteurMme Bénédicte LORDONNE
CommissaireM. DELIANCOURT
AvocatsSELARL CHANON LELEU ASSOCIES

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux requêtes distinctes, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir les décisions des 24 avril et 30 octobre 2019 par lesquelles le maire de Dijon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif.

Par un jugement n° 1901819-1903583 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Dijon a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... n° 1901819 tendant à l'annulation de la décision du 24 avril 2019 et a rejeté la requête n° 1903583 de Mme A... ainsi que les conclusions présentées par la commune de Dijon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 septembre 2020 et 1er décembre 2021, Mme A..., représentée par Me Leleu, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 juin 2020 ;
2°) d'enjoindre au maire de Dijon de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Dijon la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la décision est entachée d'un vice de procédure en l'absence d'un médecin spécialiste siégeant à la commission de réforme ;
- elle est illégale au regard du défaut d'information du droit à être assisté d'un médecin lors de cette commission ;
- l'avis de la commission de réforme est irrégulier faute de mentionner le décompte des voix permettant de vérifier le résultat du vote émis par ses membres ;
- c'est à tort que le tribunal administratif, au prix d'une erreur de droit le conduisant à considérer l'absence de dysfonctionnement dans le service, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif, qui est lié à ses conditions de travail, sans qu'un évènement extérieur ne permette de détacher sa pathologie du service.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 juillet et 22 décembre 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Dijon, représentée par Me Corneloup, avocat, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me Gouy-Paillier pour Mme A... ainsi que celles de Me Metz pour la ville de Dijon.




Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., adjointe technique territoriale de 2ème classe de la commune de Dijon¸ a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 18 janvier 2018. Par lettre du 2 octobre 2018, elle a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont elle souffre. Elle relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 octobre 2019 par laquelle le maire de Dijon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.
Sur la légalité de la décision du 30 octobre 2019 :

2. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, la commission de réforme comprend " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes [...] ".

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision litigieuse.
4. La commission de réforme disposait du rapport circonstancié d'expertise du docteur B..., médecin psychiatre, qui a examiné l'intéressée le 10 février 2019, de sorte que les éléments d'information dont elle disposait étaient suffisants pour éclairer l'examen du cas de Mme A.... Dans ces conditions, eu égard aux éléments dont disposait la commission de réforme, l'absence d'un médecin spécialiste n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, privé Mme A... d'une garantie.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " (...) Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 5 février 2019 adressé par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Côte d'Or, Mme A... a été avertie de la date à laquelle devait se réunir la commission de réforme, le 3 avril 2019, de la possibilité de consulter son dossier et de présenter des observations. Mme A... a été informée, dans le courrier de convocation à la séance de la commission, de la possibilité d'être assistée de " la personne de son choix ". Si la requérante se plaint de ne pas avoir été spécifiquement informée de la possibilité d'être assistée d'un médecin, elle n'invoque aucun élément à caractère médical qu'elle aurait été empêchée de faire valoir au cours de la séance du 3 avril 2019, lors de laquelle elle a été représentée ainsi que le mentionne son procès-verbal, de sorte qu'elle n'a pas été effectivement privée d'une garantie.
7. En troisième lieu, ce procès-verbal permet en l'espèce de s'assurer que le quorum a été atteint, et que la commission de réforme a pu valablement délibérer. Si Mme A... soutient que l'avis de cette commission est irrégulier faute de mentionner le décompte des voix, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que figure la mention du nombre des votes sur l'avis rendu par la commission de réforme.
8. En quatrième lieu, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau ont été rendues applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique.
9. Par suite, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la présomption prévue par les dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale au motif que l'affection dont elle souffre serait de nature professionnelle. Il y a lieu d'examiner la légalité du refus d'imputabilité au service qui lui a été opposé au regard des seules dispositions de l'article 57 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, aux termes desquelles : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...), le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".
10. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
11. Mme A... soutient que sa maladie a été suscitée par ses conditions de travail au sein de la Crèche des Grésilles. Si elle fait état d'un conflit avec la direction, elle a cependant, bénéficié entre septembre 2016 et juillet 2017, d'un congé de formation professionnelle (CFP) à l'issue duquel elle a obtenu le diplôme d'Etat d'Auxiliaire de Puériculture. Lorsqu'elle réintégré ses fonctions à temps complet au sein de la crèche, la structure a connu un changement de direction, de sorte que les difficultés relationnelles dont elle se prévaut avec l'ancienne directrice de la crèche jusqu'en août 2016 ne peuvent être regardées comme ayant directement contribué au développement de sa maladie, pour laquelle le congé de maladie a débuté le 18 janvier 2018. Mme A... évoque également les nombreux changements qu'elle a découverts de retour à son poste, du fait de la réorganisation du service, et qu'elle explicite dans le document " descriptif journées " produit devant le tribunal. Si elle se plaint du fonctionnement en sous-effectif de l'établissement et de la surcharge de travail qu'elle subirait en conséquence, aucun élément du dossier, en particulier ce document comportant le résumé de ses activités journalières sur la période courant du mois de juillet 2017 au mois de janvier 2018, ne permet de considérer que l'exercice des fonctions de Mme A... ou ses conditions de travail, auraient été susceptibles d'affecter son état psychique. Les certificats médicaux qu'elle produit, rédigés à partir de ses propres déclarations, sans identifier aucune cause professionnelle susceptible d'expliquer l'état pathologique de la patiente, ne permettent pas davantage de tenir pour établi l'existence d'un lien direct avec sa pathologie. Par ailleurs, si le docteur B... a conclu, à l'issue de son examen de Mme A... du 10 février 2019, à l'imputabilité au service des troubles anxio-dépressifs dont souffre l'agent, ce médecin psychiatre a relevé une fragilité du système de défense de l'intéressée dont il a estimé ne pas pouvoir tenir compte en l'absence d'antécédents de troubles psychiques. Le rapport d'expertise du docteur C..., également psychiatre, qui a examiné Mme A... le 30 janvier 2019, a considéré qu'elle présente une fragilité due notamment à des évènements personnels traumatisants, de sorte que la pathologie dépressive de la requérante a pu être favorisée par des éléments de sa personnalité.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes.


Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre la décision du 30 octobre 2019, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de Mme A... tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Dijon de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome anxio-dépressif ne peuvent dès lors qu'être rejetées.


Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mme A... demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la ville de Dijon, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la requérante la somme que la ville de Dijon demande au titre de ses frais non compris dans les dépens sur le fondement des mêmes dispositions.




D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la ville de Dijon tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et à la commune de Dijon.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2023.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de la Côte d'Or en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 20LY02757