CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 07/02/2023, 21TL00565, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision07 février 2023
Num21TL00565
JuridictionToulouse
Formation2ème chambre
PresidentMme GESLAN-DEMARET
RapporteurM. Thierry TEULIÈRE
CommissaireMme TORELLI
AvocatsLEGAL WORKSHOP

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le maire de Gruissan l'a maintenue en congé de longue durée imputable au service à demi-traitement du 10 février 2016 au 9 février 2019, ensemble la décision en date du 16 janvier 2019 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre à la commune de Gruissan de la placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service ou en congé de longue maladie imputable au service, avec toutes les conséquences de droit, et ce dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ainsi que de mettre à la charge de la commune de Gruissan une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1901360 du 11 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2021, sous le n°21MA00565 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL00565, Mme A..., représentée par le cabinet Legal Workshop, agissant par Me Dubourdieu, demande à la cour :


1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le maire de Gruissan l'a maintenue en congé de longue durée imputable au service à demi-traitement du 10 février 2016 au 9 février 2019, ensemble la décision en date du 16 janvier 2019 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la commune de Gruissan de la placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service ou en congé de longue maladie imputable au service, avec toutes les conséquences de droit, et ce dans un délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Gruissan une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- elle aurait dû être placée en congé pour invalidité temporaire imputable au service à plein traitement jusqu'à son départ à la retraite, en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 entré en vigueur le 21 janvier 2017, applicable à sa situation juridiquement constituée au jour de l'expertise médicale menée par le docteur C... le 12 mars 2018 ;
- à titre subsidiaire, elle devait pouvoir prétendre à un congé longue maladie imputable au service jusqu'à son départ à la retraite et devait conserver ainsi l'intégralité de son traitement en application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2021, la commune de Gruissan, représentée par la SCP Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et associés, représentée par Me Constans, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme A..., en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme A....

Par une ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- les observations de Me Lopez, représentant Mme A... et les observations de Me Duart, représentant la commune de Gruissan.


Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., adjoint technique territorial de la commune de Gruissan (Aude), a été victime d'un accident, le 9 octobre 2008, qui a été reconnu imputable au service. Elle a bénéficié d'un congé de longue durée pour une maladie reconnue imputable au service du 3 septembre 2009 au 2 septembre 2012 puis du 10 février 2014 au 9 février 2016. Le 22 octobre 2018, le comité médical a rendu un avis favorable à son placement en congé de longue durée pour trois années supplémentaires, soit du 10 février 2016 au 9 février 2019. Par un arrêté du 5 novembre 2018, le maire de Gruissan a alors maintenu Mme A... en congé de longue durée à demi-traitement du 10 février 2016 au 9 février 2019. Le recours gracieux formé le 20 décembre 2018 par Mme A... à l'encontre de cet arrêté a été rejeté par une décision du maire de Gruissan en date du 16 janvier 2019. Mme A... a notamment demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2018, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux et d'enjoindre à la commune de Gruissan de la placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service ou en congé de longue maladie imputable au service. Par un jugement du 11 décembre 2020, dont Mme A... relève appel, le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. (...) ". L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance n°2017-53 du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'est entré en vigueur, s'agissant de la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, soit le 13 avril 2019, lendemain du jour de la publication de ce décret.

3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit :(...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an./ Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue maladie ;/4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. /Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. (...) ".

4. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Il ressort des pièces du dossier que la maladie de Mme A... en lien avec son accident de service a été diagnostiquée par un neurologue en janvier 2010. Par suite, sa situation, qui ne relève pas de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, lequel n'était pas encore entré en vigueur, est entièrement régie par les dispositions précitées alors applicables de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. Mme A... ne peut, en conséquence, prétendre au bénéfice du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service.

5. Mme A... soutient, à titre subsidiaire, qu'elle aurait dû, en vertu des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 2014, être placée et maintenue en congé de longue maladie imputable au service du 3 septembre 2009 jusqu'à son départ à la retraite, le 10 février 2019. Toutefois, si l'intéressée a été initialement placée en congé de longue maladie à la suite d'un avis du 20 avril 2010 du comité médical, elle a été en définitive placée en congé de longue durée, à la suite d'un nouvel avis du comité médical du 21 septembre 2010 en faveur d'une transformation de son congé de longue maladie en congé de longue durée. Puis, ce congé a été prorogé à plusieurs reprises à la demande de Mme A.... L'intéressée n'a pas contesté son placement en congé de longue durée, ni ses prorogations jusqu'à l'intervention de l'arrêté litigieux du 5 novembre 2018. En outre, il résulte des dispositions spécifiques au congé de longue durée prévues au 4° de l'article 57 que même en cas de maladie contractée dans l'exercice des fonctions, la période rémunérée à plein traitement d'un tel congé ne peut excéder cinq ans. En l'espèce, le congé de longue durée englobant la période initiale du congé de longue maladie de l'intéressée, qui a débuté en 2010, a atteint la durée maximale de cinq ans de la période de rémunération à plein traitement au 10 février 2016. Par suite, le maire de Gruissan a pu, par l'arrêté attaqué, placer Mme A... en congé de longue durée à demi-traitement pour la période du 10 février 2016 au 9 février 2019 sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent également qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Gruissan, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que demande Mme A... sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Gruissan et non compris dans les dépens.

D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera une somme de 1 000 euros à la commune de Gruissan au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme B... A... et à la commune de Gruissan.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2023.
Le rapporteur,
T. Teulière

La présidente,





A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de l'Aude, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°21TL00565