CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 28/03/2023, 21MA02325, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions implicites par lesquelles la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes a rejeté, d'une part, sa demande tendant au versement de diverses primes et indemnités et, d'autre part, sa demande d'indemnisation de préjudices résultant d'une maladie reconnue imputable au service à la suite de faits de harcèlement moral.
Par un jugement n° 1902626, 1902631 du 23 avril 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de M. C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2021, M. B... C..., représenté par
Me Callon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902626, 1902631 du 23 avril 2021 du tribunal administratif de Nice ainsi que les décisions implicites de rejet nées du silence conservé par la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes dans les deux mois suivant les demandes du 30 janvier 2019 réceptionnées le 5 février 2019 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 70 256,52 euros de dommages et intérêts au titre des primes qui auraient dues lui être versées de 2008 à 2012, la somme de 160 000 euros en réparation de son déficit fonctionnel permanent et de son préjudice moral, avec anatocisme, la somme de 120 000 euros en réparation d'un préjudice de refus d'avancement et de perte de retraite avec anatocisme, et une somme de 96 000 euros du fait des pertes de gains liées à l'incapacité provisoire de travail de 2003 à 2011 avec anatocisme ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'absence de versement des primes et indemnités en cas de congé maladie imputable au service du fait du harcèlement moral subi pendant des années méconnait l'article 1er du décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés ; cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; la reconnaissance tardive de l'imputabilité de sa maladie au service l'a empêché d'obtenir le paiement de toutes les primes qui lui étaient dues de 2008 à 2012 ; il est par suite fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 70 256,52 euros en réparation de son préjudice financier ;
- l'Etat a commis une seconde faute en refusant de l'indemniser des préjudices résultant de sa dépression chronique développée à compter de 2002, du fait d'un harcèlement au travail, et reconnue comme maladie professionnelle imputable au service ; il est fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 60 0000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent imputable à cette maladie, la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice moral, la somme de 120 000 euros en réparation d'un préjudice de refus d'avancement et de perte de retraite, et la somme de 96 000 euros du fait des pertes de gains liées à l'incapacité provisoire de travail de 2003 à 2011.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés et s'en remet à ses écritures de première instance.
Un courrier du 10 janvier 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 3 février 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Par un courrier du 7 mars 2023, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce qu'un agent public victime d'une maladie ou d'un accident professionnel peut obtenir, sur le terrain de la responsabilité sans faute, une indemnisation, complémentaire à la réparation forfaitaire, de préjudices ne revêtant pas un caractère patrimonial.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., inspecteur des finances publiques affecté à la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 7 janvier 2013. Précédemment, il avait été placé en congé longue maladie à compter du 7 janvier 2008, puis en congé de longue durée à compter du 7 janvier 2009. A la suite d'un jugement du 16 juin 2017, devenu définitif, par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 7 avril 2015 par laquelle la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes avait rejeté la demande de M. C... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie dépressive, l'administration a, par décision du 11 décembre 2017, fait droit à la demande de l'intéressé en reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie survenue le 24 septembre 2002, et lui a versé un complément de rémunération n'incluant toutefois pas les primes et indemnités auparavant perçues au titre de l'exercice de ses fonctions. Par courriers du 30 janvier 2019, l'assureur de M. C... a saisi l'administration de deux demandes préalables, la première tendant au versement de ces primes pour la période courant de 2008 à 2012, et la seconde tendant à la réparation des préjudices extrapatrimoniaux résultant de la maladie reconnue comme imputable au service. Par la présente requête, M. C... demande à la Cour d'annuler le jugement du 23 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes d'annulation des décisions implicites de rejet nées du silence conservé par l'administration sur ses demandes et de condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis.
Sur la légalité de la décision implicite de rejet de la demande de versement de primes et indemnités :
2. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) ". Aux termes de l'article 37 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " A l'issue de chaque période de congé de longue maladie ou de longue durée, le traitement intégral ou le demi-traitement ne peut être payé au fonctionnaire qui ne reprend pas son service qu'autant que celui-ci a demandé et obtenu le renouvellement de ce congé. / Au traitement ou au demi-traitement s'ajoutent les avantages familiaux et la totalité ou la moitié des indemnités accessoires, à l'exclusion de celles qui sont attachées à l'exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais ".
Il résulte de ces dispositions que les fonctionnaires de l'Etat placés en congé de longue maladie ou de longue durée n'ont pas droit au maintien des indemnités attachées à l'exercice des fonctions.
3. D'autre part, aux termes du I de l'article 1er du décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés, dans sa version applicable au litige : " 1° Le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi du
11 janvier 1984 susvisée, aux magistrats de l'ordre judiciaire et, le cas échéant, aux agents non titulaires relevant du décret du 17 janvier 1986 susvisé est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de congés pris en application des 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et des articles 10, 12, 14 et 15 du décret du 17 janvier 1986 susvisé (...) ". Si ces dispositions ont pour objet d'étendre la règle du maintien du traitement prévu par l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 aux primes et indemnités versées aux agents placés en situation de congés annuels, de congés de maladie ordinaire, et de congés de maternité, elles n'ont toutefois ni pour objet ni pour effet d'instaurer un tel droit au bénéfice des agents placés en position de congé de longue maladie ou de longue durée au titre des 3° et 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984.
4. Il ressort des pièces du dossier que, par décision du 11 décembre 2017, l'administration a reconnu l'imputabilité au service de la maladie de M. C... survenue le 24 septembre 2002. Si cette décision fait référence aux dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au congé de maladie ordinaire, elle indique néanmoins expressément que le complément de rémunération qui doit être versé à l'intéressé du fait de cette reconnaissance d'imputabilité concerne les périodes au titre desquelles il était placé en congé de longue durée. Il en résulte qu'elle n'a emporté aucune modification quant à la position statutaire qui était celle de l'appelant entre le 7 janvier 2008 et le 7 janvier 2013, date de sa mise à la retraite pour invalidité, de sorte qu'il est demeuré placé en congé de longue maladie du
7 janvier 2008 au 6 janvier 2009 puis en congé de longue durée du 7 janvier 2009 au 6 janvier 2013. Dans ces conditions, les dispositions de l'article 1er du décret du 26 août 2010 instaurant le principe du maintien des primes et indemnités versées aux agents placés dans certaines situations de congés n'étaient pas applicables à sa situation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande du 30 janvier 2019 tendant au versement de primes et indemnités. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 70 256,52 euros au titre des années 2008 à 2012 ne peuvent qu'être rejetées, et ce, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale opposée en première instance par l'administration.
Sur les conclusions indemnitaires fondées sur l'existence d'une situation de harcèlement moral :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
6. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...). ".
7. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement et il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
8. Si, ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'administration a fait droit, par une décision du 11 décembre 2017, à la demande de M. C... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie dépressive survenue à compter de la fin de l'année 2002, une telle circonstance ne saurait, par elle-même, impliquer nécessairement l'existence de faits de harcèlement moral, la décision dont il s'agit étant intervenue, au demeurant, à la suite d'un jugement du tribunal administratif de Nice annulant une précédente décision refusant de procéder à cette reconnaissance d'imputabilité non pas en raison d'une erreur d'appréciation, mais au motif qu'elle était entachée d'une erreur de droit. En outre, il résulte des pièces médicales produites au dossier, notamment du certificat du médecin du travail du 3 juillet 2006 ainsi que du rapport d'expertise médicale du 2 mai 2018, que si l'appelant présente un état dépressif d'évolution chronique résultant de sa situation professionnelle, aucun de ces certificats pas plus qu'aucune autre pièce du dossier ne permet pour autant d'établir l'existence d'agissements répétés susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Si, pour étayer l'affirmation selon laquelle il aurait néanmoins été victime d'un tel harcèlement, M. C... produit également deux attestations selon lesquelles il aurait subi des actions dégradantes de mise à l'écart pendant plusieurs années et aurait été victime d'une animosité palpable très répandue ainsi que d'une forme de marginalisation, notamment caractérisée par l'attribution d'un bureau isolé, sombre et situé derrière un pilier, celles-ci demeurent néanmoins insuffisantes pour faire présumer de l'existence d'une situation de harcèlement moral, l'administration faisant par ailleurs valoir, sans être contredite, que l'un des rédacteurs était fréquemment absent au moment des faits, de surcroît antérieurs de plus de vingt ans, en raison de ses obligations syndicales. De plus, tant la note circonstanciée rédigée par le supérieur hiérarchique de M. C... dans le cadre de son évaluation au titre de l'année 2002 que le rapport étayé du chef du département informatique du 6 avril 2011 démontrent que l'intéressé, qui n'a pas été privé d'attributions même si celles-ci ont dû évoluer pour tenir compte de l'activité à temps partiel qu'il a sollicitée à partir de l'année 1999, a par ailleurs bénéficié de conditions matérielles d'installation identiques à celles de ses collègues et compatibles avec le bon exercice de ses fonctions, au titre desquelles il n'a d'ailleurs pas toujours donné satisfaction, sans pour autant faire l'objet d'une baisse de sa notation. Dans ces conditions, en l'absence d'éléments précis et concordants de nature à faire présumer de l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral perpétrés à son encontre par l'administration ou ses supérieurs hiérarchiques successifs, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute :
9. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, visée ci-dessus : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, (...) sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par :/ (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; (...) ".
10. Il résulte de l'instruction que, par décision du 24 août 2011, l'administration a refusé de faire droit à la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de l'appelant. Il en résulte que le délai de prescription a commencé à courir le 1er janvier de l'année suivant celle de notification de cette décision. Toutefois, par une demande enregistrée le
9 novembre 2011 au greffe du tribunal administratif de Nice, M. C... a sollicité que soit prononcée l'annulation, pour excès de pouvoir, de cette décision. Une telle démarche a interrompu, en application des dispositions citées au point précédent de l'article 2 de la loi du
31 décembre 1968, le délai de prescription, lequel a recommencé à courir à compter de la date de notification du jugement du 28 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 24 août 2011. Si, à la suite de ce jugement, l'administration a de nouveau rejeté la demande de reconnaissance d'imputabilité formulée par M. C... par une décision du
7 avril 2015, le délai de prescription a de nouveau été interrompu par le recours exercé contre cette décision par l'intéressé devant le tribunal administratif de Nice, pour ne recommencer à courir qu'à compter de la date de notification du jugement du 16 juin 2017, devenu définitif, par lequel le tribunal administratif de Nice l'a annulée. Dans ces conditions, le délai de prescription quadriennale n'était pas expiré à la date à laquelle l'administration a été saisie d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices personnels subis par l'appelant. Il s'ensuit que l'exception de prescription quadriennale opposée en première instance par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne peut qu'être écartée.
11. En second lieu, compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions, qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.
12. Il résulte de ce qui a été précédemment exposé que la maladie dépressive de M. C... a été reconnue imputable au service et que celui-ci bénéficie d'une rente viagère d'invalidité. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment des conclusions du rapport d'expertise médicale du 2 mai 2018, mais également des écritures produites par l'administration en première instance, que cette maladie, intervenue en l'absence de toute pathologie préexistante, résulte de manière directe et certaine d'un climat de travail dégradé. L'intéressé est par conséquent en droit de prétendre, même en l'absence de faute commise par l'administration, à la réparation des préjudices personnels subis à raison de cette maladie.
13. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'âge de l'appelant à la date de consolidation de son état de santé, qui doit être fixée au 7 janvier 2013 selon le rapport d'expertise du 2 mai 2018, et à la circonstance que, selon ce même rapport, la maladie de l'intéressé, imputable au service, est à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 40 %, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices personnels de M. C..., comprenant son préjudice moral, en les fixant à la somme globale de 61 500 euros, laquelle sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2019, date de réception de la réclamation préalable, ces intérêts portant eux-mêmes intérêts un an après cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette même date.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à être indemnisé des préjudices extrapatrimoniaux résultant de sa maladie reconnue comme étant imputable au service. L'Etat doit être condamné à verser une somme de 61 500 euros à M. C..., laquelle sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2019, date de réception de la réclamation préalable, ces intérêts portant eux-mêmes intérêts un an après cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette même date.
Sur les frais d'instance :
15. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. C... demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. C... une somme de 61 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2019. Les intérêts échus au 5 février 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 avril 2021 est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.
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No 21MA02325