CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 09/03/2023, 21TL00854
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2017 du maire de Perpignan lui refusant le bénéfice de la reconnaissance de maladie professionnelle, de mettre à la charge de cette commune les dépens, et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à titre subsidiaire, de fixer la date de consolidation au 27 octobre 2017 et le taux d'incapacité permanente partielle à 15% en constatant que les soins sont imputables à la maladie professionnelle 57B et qu'il pouvait bénéficier de l'allocation temporaire d'invalidité.
Par un jugement avant-dire droit du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier, après avoir écarté le moyen tiré de la composition irrégulière de la commission de réforme, a ordonné une expertise médicale afin de déterminer si l'inflammation du coude survenue le 2 mai 2016 présente un lien direct avec l'exercice des fonctions exercées par M. D... à compter d'octobre 2015, ou si elle a une autre origine.
Par un jugement n°1705201 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de M. D....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2021, sous le n°21MA00854 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL00854, et un mémoire, enregistré le 23 mai 2022, M. D..., représenté par Me Robaglia, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 30 décembre 2020 ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2017 par lequel le maire de Perpignan a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, la décision de la commission de réforme et l'expertise ordonnée par le tribunal ;
3°) par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté, de reconnaître sa maladie déclarée comme d'origine professionnelle en fixant la date de consolidation au 27 octobre 2017 avec un taux d'incapacité permanente partielle à 15% ;
4°) à titre secondaire, d'enjoindre à la commune de Perpignan de saisir le médecin de prévention afin qu'il se prononce sur la présomption d'imputabilité de sa maladie ;
5°) à titre subsidiaire, de nommer un médecin expert afin qu'il se détermine sur l'imputabilité de sa maladie ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan les dépens, le remboursement des frais d'expertise de première instance ainsi qu'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire, l'affaire ayant été audiencée sans que l'expert ne réponde aux observations de son médecin conseil et aux dires de son conseil et avant son rapport définitif ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2022, la commune de Perpignan, représentée par la société d'avocats Sanguinède-Di Frenna et associés, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement contesté et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. D....
Par une ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2022.
Par une lettre du 16 janvier 2023, les parties ont été informées de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la " décision " de la commission de réforme, l'avis de cette commission constituant un acte préparatoire insusceptible de recours et de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation des opérations d'expertise, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de prononcer l'annulation de telles opérations.
Un mémoire, enregistré le 3 février 2023, a été présenté pour M. D... et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Martinez, représentant la commune de Perpignan.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., adjoint d'animation territorial de deuxième classe de la commune de Perpignan, a été mis à la disposition du centre communal d'action sociale de Perpignan, à compter du 1er octobre 2015, ses missions consistant en l'accueil du public de la ... ainsi qu'en la gestion de l'utilisation des douches et de la laverie sociale. Souffrant d'une tendinite des extenseurs de la main gauche et d'une inflammation du coude gauche, il a présenté, le 4 mai 2016, une demande de reconnaissance de maladie professionnelle. A la suite des avis défavorables à cette reconnaissance du médecin expert le 4 mars 2017 et de la commission de réforme qui s'est réunie le 26 avril 2017, le maire de Perpignan a, par un arrêté du 4 septembre 2017, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie. Par un jugement avant-dire droit du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier, après avoir écarté la fin de non-recevoir et le moyen tiré de la composition irrégulière de la commission de réforme, a ordonné une expertise médicale afin de déterminer si l'inflammation du coude survenue le 2 mai 2016 présente un lien direct avec l'exercice des fonctions exercées par M. D... à compter d'octobre 2015, ou si elle a une autre origine. Par un jugement n°1705201 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a notamment rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Perpignan en date du 4 septembre 2017. M. D... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Est entaché d'irrégularité le jugement, statuant sur le fond du litige, qui a été adopté sur le fondement d'un simple pré-rapport d'expertise. Par ailleurs, en vertu du second alinéa de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, les observations faites par les parties, dans le cours des opérations d'expertise, doivent être consignées dans le rapport de l'expert.
3. Il résulte de la motivation du jugement attaqué, notamment du point numéroté 4, que le tribunal s'est exclusivement fondé sur les conclusions de l'expert qu'il avait nommé pour en déduire que l'arrêté du maire de Perpignan n'avait pas méconnu les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. Il résulte toutefois de l'instruction que le rapport de l'expert en date du 22 octobre 2020 pris en considération par le tribunal n'était qu'un pré-rapport, ce document mentionnant que le rapport aurait valeur de définitif en l'absence de dires des parties dans un délai de huit semaines. A la suite de ce pré-rapport, le médecin conseil et l'avocate du requérant ont présenté, dans le délai sus-indiqué, des dires en date des 2 et 4 novembre 2020 auquel l'expert n'a pas répondu. Par suite, le jugement attaqué, en ce qu'il se fonde sur un rapport provisoire de l'expert et qu'il statue sans attendre le terme du délai à l'issue duquel le rapport provisoire deviendrait définitif, a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et doit donc être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montpellier.
Sur la légalité de l'arrêté du 4 septembre 2017 :
5. En premier lieu, par un jugement avant-dire droit du 6 décembre 2019 qui n'a pas été contesté sur ces points, le tribunal administratif de Montpellier, a écarté la fin de non-recevoir opposée en défense ainsi que le moyen du requérant tiré de la composition irrégulière de la commission de réforme.
6. En deuxième lieu, si M. D... soutient que la commission de réforme n'aurait pas dû se prononcer sur son cas et qu'elle aurait dû saisir à nouveau le médecin du travail, il n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes, notamment en droit, permettant d'en apprécier le bien-fondé.
7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : Le fonctionnaire en activité a droit : / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ".
8. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Il ressort des pièces du dossier que l'épicondylite du coude de M. D... a été diagnostiquée le 30 avril 2016 sur antécédent de tendinite des extenseurs de la main gauche. Par suite, sa situation, qui ne relève pas de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, lequel n'était pas encore applicable, est entièrement régie par les dispositions précitées alors applicables de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. Il s'ensuit également qu'il appartient donc au fonctionnaire qui entend voir reconnaître le caractère professionnel d'une pathologie dont il souffre d'apporter des éléments de nature à justifier l'existence d'un lien direct entre cette pathologie et son travail habituel et que le requérant ne peut utilement soutenir qu'il bénéficie d'une présomption d'imputabilité au service de sa pathologie résultant de l'application de la loi.
9. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
10. Pour contester l'arrêté attaqué, M. D... soutient qu'à l'occasion de ses fonctions de gardien de la ..., il devait effectuer des gestes répétitifs impliquant notamment la manipulation d'une raclette lors du nettoyage des toilettes, des douches et lors de l'entretien des locaux du bâtiment, ainsi que la manutention de linge et que sa maladie professionnelle est inscrite au tableau 57 B des maladies professionnelles. Il se prévaut également des conclusions du rapport en date du 26 octobre 2017 de son médecin conseil selon lesquelles il " est atteint sans doute possible d'épicondylite professionnelle inscrite au tableau 57 B des maladies professionnelles ", ainsi que sur les dires de ce dernier en réponse au pré-rapport de l'expert désigné par le tribunal.
11. Toutefois, il ressort de la lettre du médecin du travail au médecin agréé près la commission de réforme qu'il lui était difficile de se prononcer sur la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de M. D... dès lors, notamment que ce médecin n'avait pu observer l'agent le 27 mai 2016 sur son poste de travail. Il ressort des pièces du dossier que le médecin expert a estimé, le 4 mars 2017, qu'en l'absence de validation par le médecin du travail, il n'était pas possible d'imputer les soins prodigués à compter du 2 mai 2016 à une maladie professionnelle. Il ressort également des pièces du dossier que la commission de réforme a émis, le 26 avril 2017, un avis défavorable à la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de l'agent, en l'état du dossier présenté et en l'absence de validation par le médecin du travail présent lors de cette séance. Si M. D... entend se prévaloir des conclusions de l'expertise du docteur C..., son médecin conseil, celle-ci n'est pas contradictoire et les conclusions de cet expert, qui ne sont pas corroborées par les autres pièces du dossier, ne suffisent pas à regarder comme établie l'origine professionnelle de la maladie du requérant, alors que le pré-rapport du docteur A..., dont les constatations peuvent être retenues à titre d'éléments d'information, conclut, à l'inverse que l'inflammation du coude gauche dont souffre l'intéressé n'est pas d'origine professionnelle en relevant notamment que l'épicondylite est observée plus spécifiquement dans certains métiers dont celui des ouvriers du bâtiment et en particulier chez les maçons faisant usage d'engins vibrants ou percutants. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas l'existence d'un lien direct entre sa pathologie et son travail habituel et le maire de Perpignan n'a pas, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. D..., entaché la décision contestée d'une erreur d'appréciation.
12. Il résulte de ce qui précède, que les conclusions de M. D... à fin d'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2017 ne peuvent qu'être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions subsidiaires tendant à la reconnaissance d'une maladie professionnelle ainsi qu'à la fixation d'une date de consolidation et d'un taux d'incapacité permanente partielle.
Sur les conclusions dirigées contre la " décision " de la commission de réforme :
13. L'avis de la commission de réforme constitue un acte préparatoire insusceptible de recours. Par suite, les conclusions du requérant dirigées en réalité contre cet avis sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'expertise :
14. Il n'appartient pas au juge administratif de prononcer l'annulation d'opérations d'expertise. Dès lors, les conclusions de M. D... tendant à l'annulation des opérations d'expertise conduites par l'expert désigné par jugement du 6 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. D... devant le tribunal administratif de Montpellier ne peut qu'être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions d'appel à fin d'injonction et de désignation d'un nouvel expert ne peuvent également qu'être rejetées.
Sur les frais liés aux litiges :
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme 780 euros, à la charge définitive de M. D....
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Perpignan, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande M. D... sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... une somme au titre des frais exposés par la commune de Perpignan et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif du Montpellier du 30 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme 780 euros, sont mis à la charge définitive de M. D....
Article 4 : Les conclusions de la commune de Perpignan présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la commune de Perpignan.
Délibéré après l'audience du 7 février 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21TL00854