CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 02/06/2023, 21MA04640, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision02 juin 2023
Num21MA04640
JuridictionMarseille
Formation2ème chambre
PresidentMme HELMLINGER
RapporteurM. Nicolas DANVEAU
CommissaireM. GAUTRON
AvocatsELEOM NIMES

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 16 décembre 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Arles a refusé de reconnaître sa maladie comme imputable au service à compter du 25 août 2013 et, d'autre part, d'enjoindre au directeur de cet établissement de reconnaître imputables au service ses arrêts de travail pour maladie à compter du 25 août 2013 jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité.


Par un jugement n° 2001638 du 4 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 16 décembre 2019, a enjoint au directeur du centre hospitalier d'Arles, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... à compter du 25 août 2013, a mis à la charge de Mme A... le versement au centre hospitalier d'Arles d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 décembre 2021 et 5 décembre 2022, le centre hospitalier d'Arles, représenté par la SELARL Favre de Thierrens-Barnouin-Vrignaud-Mazars-Drimaracci, agissant par ELEOM avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2001638 du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter la requête de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... est suffisamment motivée ;
- elle ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 15 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
- en indiquant que la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie de Mme A... était tardive, la décision en cause n'est entachée d'aucune erreur de de droit ;
- la décision litigieuse n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; les certificats médicaux présentés ne sont pas probants ;
- l'administration n'est pas lié par l'avis favorable qui a été rendu par la commission de réforme, lequel est en outre dépourvu de motivation ; aucun élément ne démontre que l'agent aurait exercé ses fonctions dans des conditions anormales.


Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Icard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier d'Arles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.


Par une ordonnance du 17 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2022.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- les observations de Me Icard représentant Mme A..., qui a également présenté des observations.


Une note en délibéré et des pièces, enregistrées les 17 mai et 18 mai 2023, ont été produites pour Mme A....



Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., qui exerçait ses fonctions d'infirmière en soins généraux titulaire au centre hospitalier d'Arles, a été placée en congé de longue maladie puis de longue durée du 25 août 2013 au 24 août 2017, en raison d'un état dépressif. Estimant être victime de harcèlement moral de la part de certains collègues de travail, celle-ci a demandé, par un courrier du 2 février 2017, au directeur du centre hospitalier d'Arles de reconnaitre l'imputabilité au service de sa maladie dépressive. Cette demande a été rejetée par une décision du 10 février 2017, laquelle a été annulée par un jugement n° 1702664 du 15 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille, en raison notamment du défaut de consultation préalable de la commission de réforme. Le 30 octobre 2019, la commission de réforme hospitalière a émis un avis favorable à la reconnaissance d'imputabilité de la maladie de Mme A... au service à compter du 25 août 2013. Par une décision du 16 décembre 2019, sa demande de reconnaissance d'imputabilité de sa maladie au service a cependant été à nouveau rejetée. Cette décision a été annulée par un jugement n° 2001638 du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille. Le centre hospitalier d'Arles relève appel de ce jugement.


Sur le bien-fondé du jugement attaqué :


2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite , à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...) / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Si les certificats médicaux établis par le médecin traitant de Mme A... entre 2013 et 2017 ont relevé le lien fait par l'intéressée entre ses troubles dépressifs et ses conditions de travail, l'unique attestation d'une collègue de travail datée du 3 juillet 2014 qu'elle produit indiquant, d'une part, qu'elle aurait été victime d'une maltraitance et de pressions de la part de deux agents, d'autre part, qu'elle aurait été sanctionnée par sa hiérarchie qui serait cependant revenue sur cette décision, ne permet pas, à elle-seule, de caractériser un contexte professionnel pathogène depuis l'année 2010, ni, a fortiori, la situation de harcèlement moral qu'elle dénonce, alors qu'elle ne justifie même pas la réalité de la sanction dont elle aurait fait l'objet et de son retrait, et, le cas échéant, leurs motifs. Il en va de même du compte-rendu du médecin du travail effectué le 30 août 2013 puis le 21 octobre 2013, qui, en se limitant à expliquer que Mme A... " se dit être harcelée au sein de son service ", se borne à faire état de son ressenti sans objectiver aucun élément de nature à caractériser une dégradation objective de ses conditions de travail, et, a fortiori, une situation de harcèlement, laquelle ne saurait se déduire des seules doléances exprimées par l'agent. Dans ces conditions, et en dépit de l'avis favorable rendu par la commission de réforme, au demeurant dépourvu de toute précision sur le contexte professionnel en cause, et de la circonstance que l'intéressée ne présentait aucun état antérieur dépressif, les répercussions sur l'état psychologique de Mme A... des difficultés qu'elle soutient avoir éprouvées dans l'exercice de son activité professionnelle ne peuvent être regardées comme résultant des conditions dans lesquelles elle a exercé son activité et, par suite, comme une maladie contractée en service.

5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, le centre hospitalier d'Arles est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 16 décembre 2019 de son directeur et a enjoint à ce dernier de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A....

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant en première instance qu'en appel.


Sur les autres moyens de la demande de Mme A... :

7. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". La décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'une maladie déclarée par un agent doit être regardée comme " refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ", au sens du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, et est ainsi au nombre de celles qui, en application de cet article, doivent être motivées.


8. En l'espèce, l'arrêté contesté vise les dispositions applicables notamment les lois des 13 juillet 1983 et du 9 janvier 1986 et mentionne les différentes étapes de la procédure, tels que les décisions successives plaçant Mme A... en congé de longue maladie ou de longue durée, l'avis d'expertise du médecin agréé et l'avis émis par la commission de réforme le 30 octobre 2019. Elle précise les motifs en raison desquels le directeur du centre hospitalier d'Arles a décidé, contrairement à l'avis de la commission de réforme précité, de ne pas reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A..., en indiquant qu'aucune des neuf décisions de placement de congé de maladie n'a été contestée dans les délais requis et que la matérialité de l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée n'était pas établie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté comme manquant en fait.


9. Si l'administration a opposé à Mme A... la tardiveté de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, elle l'a néanmoins examiné au fond et estimé, sans entacher, ainsi qu'il est dit au point 4, sa décision d'une erreur d'appréciation, qu'aucun lien direct entre l'affection dont elle souffre et le service n'était caractérisé. Par suite, les moyens tirés de ce que la tardiveté de la demande de reconnaissance de l'imputabilité des arrêts de travail au service aurait été opposée à tort à Mme A... et, au surplus, en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 octobre 2018 doivent, en tout état de cause, être écartés.


10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2019 du directeur du centre hospitalier d'Arles refusant d'admettre l'imputabilité au service de sa pathologie doivent être rejetées, ainsi que par voie de conséquence celles présentées à fin d'injonction.


Sur les frais liés au litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que le centre hospitalier d'Arles demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par Mme A... soient mises à la charge du centre hospitalier d'Arles, qui n'est pas la partie perdante.


D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2001638 du 4 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille par Mme A... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier d'Arles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier d'Arles et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente,
- M. Mahmouti, premier conseiller,
- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juin 2023.



N° 21MA04640 2
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