CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 24/10/2023, 21TL05001, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier :
1°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le président du conseil départemental de l'Hérault a reconnu imputables au service les arrêts de travail du 31 août 2015 au 30 septembre 2016 en tant qu'il ne reconnait pas imputables au service les arrêts de travail postérieurs à cette date ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel le président du conseil départemental l'a placée en congé maladie ordinaire du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel le président du conseil départemental l'a placée en disponibilité d'office pour maladie du 1er octobre 2017 au 31 août 2019 ;
4°) d'annuler la décision du 13 novembre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a rejeté son recours gracieux présenté le 23 septembre 2019 ;
5°) d'enjoindre au département de l'Hérault, à titre principal, de la placer en congé pour maladie imputable au service du 1er octobre 2016 au 31 août 2019, avec toutes les conséquences de droit, et ce dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de placement en congé pour maladie imputable au service du 1er octobre 2016 au 31 août 2019, avec toutes les conséquences de droit, et ce dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 2000114 du 5 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA05001, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL05001, Mme C... B..., représentée par la SELARL Maillot Avocats et Associés, agissant par Me Maillot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 novembre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 13 novembre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a rejeté son recours gracieux présenté le 23 septembre 2019 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le président du conseil départemental de l'Hérault a reconnu imputables au service les arrêts de travail du 31 août 2015 au 30 septembre 2016 ;
4°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel le président du conseil départemental de l'Hérault l'a placée en congé maladie ordinaire du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017 ;
5°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel le président du conseil départemental de l'Hérault l'a placée en disponibilité d'office pour maladie du 1er octobre 2017 au 31 août 2019 ;
6°) d'enjoindre au département de l'Hérault de la placer en congé pour maladie imputable au service du 1er octobre 2016 au 31 août 2019 avec toutes les conséquences de droit, dans un délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de placement en congé de maladie imputable au service au titre de la même période avec toutes les conséquences de droit et dans le même délai ;
7°) de mettre à la charge du département de l'Hérault une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a fait une mauvaise appréciation des pièces du dossier au regard de l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Marseille le 25 juin 2019, lequel n'a fixé aucune date de fin au placement en congé de maladie imputable au service ;
- les arrêts de travail postérieurs au 30 septembre 2016 présentent un lien direct et certain avec l'accident de service déclaré le 16 juin 2014.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2022, le département de l'Hérault, représenté par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 mai 2023.
Un mémoire a été enregistré le 29 septembre 2023, présenté pour Mme B..., qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Castagnino substituant Me Maillot, représentant Mme B..., et de Me Becquevort, représentant le département de l'Hérault.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., qui était adjointe administrative de 2ème classe du département de l'Hérault, a été victime d'un accident survenu le 16 juin 2014 dont l'imputabilité au service a été reconnue par décision du président du conseil départemental de l'Hérault du 14 décembre 2015. Ses congés de maladie du 16 juin 2014 au 31 août 2015 ont été pris en charge à ce titre. Par une décision du 14 décembre 2015, le président de cette collectivité a fixé au 31 août 2015 la date de consolidation de l'accident de service et a refusé de prendre en charge les arrêts de travail postérieurs au 31 août 2015 au titre de cet accident. Par un arrêt du 25 juin 2019 rendu sous le n° 18MA02315, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé la décision du président du conseil départemental de l'Hérault du 14 décembre 2015 en tant qu'elle refuse à Mme B... de prendre en charge au titre de son accident de service les arrêts de travail postérieurs au 31 août 2015 et a enjoint au département de prendre une décision reconnaissant imputables au service les arrêts de travail liés à la pathologie de Mme B..., postérieurs au 31 août 2015. Par un arrêté du 24 juillet 2019 pris en exécution de cet arrêt, le président du conseil départemental a ainsi reconnu imputables au service les arrêts de travail du 31 août 2015 au 30 septembre 2016. Par deux arrêtés du 25 juillet 2019, il a placé Mme B... en congé maladie ordinaire du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017 puis en disponibilité d'office pour maladie à compter du 1er octobre 2017 jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 1er septembre 2019. Mme B... a formé un recours gracieux contre ces trois arrêtés en demandant à être placée en congé de maladie imputable au service au titre de la période allant du 1er octobre 2016 au 31 août 2019, lequel a été rejeté par une décision du 13 novembre 2019. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de ces décisions. Par un jugement du 5 novembre 2021 dont Mme B... relève appel, le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans leur rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
3. Lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice de ces dispositions est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec l'accident de service.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été victime le 16 juin 2014 d'un accident lié à des troubles dépressifs en lien avec des difficultés relationnelles avec des collègues de travail, dont l'imputabilité au service a été reconnue par décision du président du conseil départemental de l'Hérault du 14 décembre 2015 après avis de la commission de réforme émis le 24 novembre 2015. La date de consolidation de cet accident a été fixée au 31 août 2015. Par son arrêt rendu le 25 juin 2019 sous le n°18MA02315, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé la légalité de la décision du 14 décembre 2015 en tant qu'elle fixe au 31 octobre 2015 la consolidation des troubles consécutifs à l'accident de service du 16 juin 2014. Si, par ce même arrêt, la cour administrative d'appel de Marseille a en revanche annulé la décision du 14 décembre 2015 en tant qu'elle refuse de prendre en charge au titre de cet accident de service les arrêts de travail postérieurs au 31 août 2015 et a enjoint au département de prendre une décision reconnaissant les arrêts de travail liés à la pathologie de Mme B..., sans déterminer de date précise, cet arrêt doit nécessairement être regardé comme ayant subordonné cette injonction à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec l'accident de service. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le département de l'Hérault a reconnu imputables au service les arrêts de travail allant du 31 août 2015 au 30 septembre 2016 au regard du certificat médical établi le 21 juin 2016 par le médecin traitant de Mme B..., lui prescrivant un arrêt de travail au titre de la prolongation d'un accident du travail, courant jusqu'au 30 septembre 2016 pour " burn out - accident du travail aggravé et entretenu par la complexité et la longueur des démarches administratives qui n'aboutissent pas ". Si, le 16 août 2016, ce médecin traitant a établi un nouvel avis d'arrêt de travail de prolongation allant jusqu'au 15 août 2017 au titre des " conséquences du burn out de 2014 en accident du travail ", les certificats médicaux ultérieurement établis à compter du 20 janvier 2017 ont pour objet un " burn out " réactionnel aux relations conflictuelles avec l'employeur à la durée avec retentissement dans la vie affective et sociale de tous les jours ; on lui a refusé de passer en comité médical les 13 décembre 2016 et 17 janvier 2017 " et concernent un nouvel accident du travail en date du 14 décembre 2016. Par une décision du 23 novembre 2017, le président du conseil départemental a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident qui serait survenu le 14 décembre 2016, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la présente cour rendu le 7 juin 2022 sous le n° 20TL02790. D'autre part, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, Mme B... ne produit aucun élément médical probant permettant d'établir que les troubles ayant justifié les arrêts de travail pour la période postérieure au 30 septembre 2016 seraient en lien direct et certain avec l'accident de service initialement déclaré qui est survenu le 16 juin 2014. Ainsi, dans son rapport du 8 février 2017, le docteur D..., psychiatre, estime qu'il " est difficile de ne pas envisager un continuum entre les troubles développés depuis 2008 et encore présents en 2016 ", rappelant qu'un état antérieur évalué à 5% a été reconnu, " lié aux antécédents médicaux, aux échecs affectifs et aux troubles dépressifs déjà présents avant 2008 ". Selon cet expert, au regard de l'état dépressif sévère, de la structure de personnalité névrotique et du syndrome persécutif, Mme B... ne pouvait reprendre son travail à cause de ses troubles psychiatriques, sa situation justifiant un maintien en congé de longue durée pour une période d'un an à compter du 31 août 2016 au titre de " maladie mentale " sévère et invalidante. Ainsi, il ne ressort pas des conclusions du rapport établi par le docteur D... que les arrêts de travail postérieurs à la date du 30 septembre 2016 seraient en lien direct et certain avec l'accident de service survenu le 16 juin 2014. Si le rapport du docteur A..., psychiatre, lequel n'est pas signé et dont le département relève qu'il contient des allégations erronées, fait état d'un état anxieux réactionnel dont souffre Mme B... en rapport avec l'accident de service et en évoquant une rechute, il concluait à la prolongation de son arrêt de travail d'une durée complémentaire de trois mois au-delà du 30 juin 2016. Enfin, le certificat médical établi par le médecin traitant de Mme B... le 5 mai 2017 fait état d'une " décompensation accident du travail burn out le 14 décembre 2016 ", lequel est donc distinct de l'accident reconnu imputable au service survenu le 16 juin 2014. Au regard de l'ensemble de ces éléments, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de ses arrêts de travail au titre de la période allant du 1er octobre 2016 au 31 août 2019, le président du conseil départemental de l'Hérault aurait entaché ses décisions d'une erreur de droit ou d'une inexacte appréciation de sa situation.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être également rejetées.
Sur les frais de l'instance :
6. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département de l'Hérault, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros à verser au département de l'Hérault sur le fondement desdites dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera au département de l'Hérault une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au département de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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