CAA de NANCY, 4ème chambre, 29/12/2023, 21NC00703, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision29 décembre 2023
Num21NC00703
JuridictionNancy
Formation4ème chambre
PresidentMme GHISU-DEPARIS
RapporteurMme Sophie ROUSSAUX
CommissaireM. MICHEL
AvocatsCHAIB

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé le 20 novembre 2018 au tribunal des pensions militaires de Strasbourg d'annuler la décision du 19 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Strasbourg a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Strasbourg, la demande de M. A....

Par un jugement n° 2000641 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 9 mars 2021, le 20 juin 2021 et le 15 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Chaib, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 février 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 19 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité ;

3°) de lui attribuer une pension militaire d'invalidité pour les infirmités ORL et respiratoires consécutives à la maladie contractée en opération d'assistance extérieure (OPEX) le 11 juin 1984 ainsi que pour les gonalgies mécaniques bilatérales récurrentes et gonarthroses bilatérales des genoux, dont le taux d'invalidité ne saurait être inférieur à 10 % ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale pour déterminer la situation exacte de son état de santé au regard de son droit à pension militaire d'invalidité ;

5°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer sa demande de pension militaire d'invalidité ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.


Il soutient que :
- le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas statué sur l'ensemble des éléments de sa demande car il ne fait référence qu'à la rhinite : or, il a formé une demande de pension militaire d'invalidité non pas uniquement pour une rhinite mais pour plusieurs problèmes de la sphère ORL dont des rhinopharyngites, sinusites avec complications collatérales de type catarrhes tubaires à l'origine de la diminution de son acuité auditive ;

sur l'infirmité " gonalgies et gonarthroses bilatérales du genou " :
- les premiers juges ont commis une erreur dans l'analyse de sa situation ;
- sa blessure du 1er octobre 1986 survenue lors d'un raid de 15 km est consignée dans le registre des constatations des blessures survenues pendant le service du 24 août 2017 ;
- le lien entre l'infirmité et le service n'a pas été remis en cause par l'administration : le médecin militaire a reconnu ce lien dans son rapport médical et lui a accordé le 28 août 2017 une cure thermale pour cette infirmité ;
- la décision de rejet a méconnu les dispositions de l'article L. 26 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre car elle n'a pas été prise à la suite d'un examen sérieux de sa demande de pension militaire d'invalidité :
. l'expertise médicale qui a retenu un taux d'invalidité de 2 % est hautement contestable car le praticien n'a pas respecté les bonnes pratiques en matière d'expertise médicale et notamment l'instruction ministérielle n° 606 B du 20 juillet 1976 reprise dans le guide de l'expert du réseau des experts agréés en pension militaire d'invalidité ; il n'a pas analysé l'ensemble des pièces produites et n'a pas réalisé des examens complémentaires nécessaires ;
. les comptes-rendus de la radiographie des genoux et de l'échographie de 2012 et des IRM de 2016 font apparaître notamment un épanchement sous-quadricipital et un épanchement intra-articulaire qui correspond à un taux d'invalidité entre 10 % et 30 % selon le guide-barème ;
- il subit une gêne fonctionnelle et un taux d'invalidité supérieur à 10 % ; il a besoin de soins pour ses genoux depuis plus de quinze ans ; il bénéficie de cures thermales et d'une carte prioritaire pour personnes handicapées depuis 2011 ;

sur l'infirmité rhinopharyngite-sinusite récurrente et les troubles de l'appareil auditif qui en résulteraient :
- il a contracté le 11 juin 1984 en OPEX en République Centrafricaine une " angine virale ou bactérienne " affectant la sphère ORL et les voies respiratoires, qui a été confirmée par deux courriers du ministère des 22 décembre 2014 et 5 janvier 2017 et enregistrée au registre médical militaire du 11 juin 1984 ;
- cette maladie a entraîné des complications sur son appareil respiratoire avec des symptômes ORL et les infections à répétition de la sphère ORL ont aggravé sa surdité ;
- il a bénéficié de cures thermales pour soigner les troubles ORL consécutifs à sa maladie ;
- il souffre d'une gêne fonctionnelle et son taux d'invalidité est de 10 % ;
- l'instruction de la demande est hautement contestable car l'expert n'a pas procédé à un examen médical permettant de vérifier s'il souffre de troubles ORL, n'a pas suivi le guide des bonnes pratiques et n'a pas procédé aux examens médicaux nécessaires et notamment à un examen audiométrique ;
- la fréquence des rhino-pharyngites et des sinusites a provoqué des catarrhes tubaires causant une diminution de son acuité auditive et il doit désormais porter des prothèses auditives ;
- il a formé une nouvelle demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " rhinopharyngosinusite récurrente avec catarrhe tubaire " le 5 février 2019 ;

sur ses autres infirmités : bronchectasies localisées et perte de l'acuité auditive :
- c'est à tort que l'administration a déclaré ses demandes irrecevables au motif qu'elles avaient déjà fait l'objet d'un rejet définitif ;
- en ce qui concerne les bronchectasies localisées :
. les différentes décisions produites par le ministère des armées concernent les troubles médicalement répertoriés en 1969 alors que sa demande du 30 mars 2016 se rapporte aux troubles respiratoires consécutifs à la maladie contractée en Centrafrique ;
. en dépit des éléments médicaux probants, le ministère des armées a considéré que cette infirmité avait déjà fait l'objet d'une instruction et que le rejet de la demande était définitif en se référant à un arrêt du Conseil d'Etat du 7 juillet 2004 ; or il s'agit d'une erreur car cet arrêt concerne une ancienne infirmité contractée en 1969 et non pas les bronchectasies localisées correspondant à de nouvelles séquelles fonctionnelles et consécutives à sa maladie contractée en Afrique ;
. ni le tribunal administratif, ni l'administration n'ont procédé aux examens nécessaires ;
- en ce qui concerne la perte d'acuité auditive :
. il se trouvait en OPEX lorsqu'il a contracté son angine virale le 11 juin 1984 et il bénéficie donc de la présomption d'imputabilité ; en tout état de cause, le lien entre cette maladie et ses problèmes auditifs est avéré ;
. c'est à tort que la perte d'acuité auditive n'a pas été retenue par l'administration au titre de la demande de pension militaire d'invalidité au motif que cette infirmité aurait déjà fait l'objet d'une décision de rejet puis d'une décision d'irrecevabilité ; il s'agit d'une infirmité nouvelle liée à la maladie contractée en Centrafrique ;
- un médecin avait déjà évalué dès le 17 août 2004 le taux d'invalidité lié à cette pathologie à 10 %.


Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 novembre 2022 et le 24 janvier 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. A....

Il fait valoir que :

sur l'infirmité " gonalgies et gonarthroses bilatérales du genou " :
- elle ne peut ouvrir droit à une pension militaire d'invalidité car le taux de cette infirmité est inférieur à 10 % ;
- si l'expert n'a pas effectué de mesures précises concernant les genoux de l'intéressé, son examen médical est tout à fait suffisant pour constater que seul un taux d'invalidité inférieur à 10 % peut être retenu pour cette infirmité ;
- le certificat du médecin du 6 mai 2019 n'est pas contemporain de la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... du 30 mars 2016 et n'a donc pas à être pris en compte au regard de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- en raison de l'insuffisance du taux d'invalidité, il est inutile d'examiner l'éventuelle imputabilité au service de l'infirmité invoquée ;
- si le guide-barème indemnise l'hydarthrose chronique, c'est uniquement l'hydarthrose chronique à poussées récidivantes " avec amyotrophie marquée " qui peut être indemnisée à un taux compris entre 10% et 30 %, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; le certificat médical établi le 27 juillet 2021, au demeurant non contemporain de la demande de pension, n'est pas de nature à remettre en cause l'expertise judicaire qui n'a constaté ni amyotrophie ni épanchement lors de son examen ;

sur l'infirmité rhinopharyngite-sinusite récurrente et les troubles de l'appareil auditif qui en résulteraient :
- alors que le requérant se plaint d'écoulement nasal chronique et d'obstruction nasale quotidienne ainsi que d'épisodes de sinusite aiguë une fois par an, au jour de l'examen, l'expert n'a décelé ni rhinopharyngite, ni sinusite ;
- en tout état de cause, même si cette infirmité entraînait un taux d'invalidité indemnisable, elle ne saurait donner lieu au versement d'une pension militaire d'invalidité : le guide-barème n'indemnise que la sinusite secondaire à un traumatisme, ce qui n'est pas le cas en l'espère, comme l'ont relevé les premiers juges, à juste titre ;
- si le requérant soutient que ses infections ORL sont secondaires à la maladie " angine virale ou bactérienne " contactée en OPEX en 1984, il n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le jugement qui a considéré que la rhinite de M. A... n'a pas pour origine un traumatisme ;

sur les autres infirmités :
- celles-ci sont irrecevables car elles ont fait l'objet de deux décisions définitives rendues par le Conseil d'Etat ;
- en ce qui concerne la perte d'acuité auditive :
. l'audiogramme réalisé le 30 juillet 1990 par le requérant, soit un an après sa radiation des contrôles, montrait une perte auditive moyenne de 20 décibels à droite et de 25 décibels à gauche, correspondant à un taux de 0 % au regard du guide-barème ; cet élément démontre que l'angine érythémateuse contractée en 1984 n'a eu aucune conséquence sur l'état auditif de l'intéressé ;
. il appartient à M. A... de rapporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre des faits précis ou des circonstances particulières de service et l'affection qu'il invoque car le 11 juin 1984 le requérant n'effectuait pas une OPEX de sorte qu'il ne bénéficie pas de la présomption d'imputabilité pour cette maladie ;
. M. A... avait déjà sollicité une demande pour une " hypoacousie bilatérale " décelée en 1975, ayant abouti à une décision de rejet du 20 septembre 1976 non contestée, et une nouvelle demande pour des troubles auditifs et pour laquelle une lettre confirmative de rejet lui a été adressée le 20 novembre 1997 ; c'est donc à juste titre que suite à la nouvelle demande de monsieur A..., enregistrée le 30 mars 2016, la sous-direction des pensions, par lettre du 21 septembre 2016 a indiqué à M. A... qu'aucune suite ne pouvait être donnée à toute demande portant sur l'hypoacousie bilatérale de perception ;
. la décision de rejet du 19 octobre 2018 n'ayant pas statué sur cette infirmité définitivement rejetée par décision du Conseil d'Etat, c'est à bon droit que le tribunal ne s'est pas prononcé sur cette infirmité ;
- en ce qui concerne les bronchectasies localisées :
. les bronchectasies qu'il présente sont identiques à celles définitivement rejetées par le Conseil d'Etat le 7 juillet 2004 :
. M. A... a formulé une première demande d'indemnisation pour cette infirmité et une décision de rejet, non contestée, a été prise le 20 septembre 1976 au motif que le taux de l'infirmité " Bronchectasies localisées du lobe moyen et du segment intracardiaque " était de 10 %, inférieur au minimum indemnisable de 30 % pour une infirmité résultant de maladie contractée en période hors guerre ;
. une nouvelle demande le 3 août 1988 et une nouvelle décision de rejet a été prise le 7 mars 1990 pour cette infirmité et le Conseil d'Etat a considéré dans sa décision du 7 juillet 2004 qu'aucune circonstance particulière du service ne peut être considérée comme étant à l'origine de l'infirmité apparue sous la forme de " bronchectasies du lobe moyen et intracardiaques rétractées avec bronchite spastique lobaire inférieure droite " ;
. c'est donc à bon droit que la commission de réforme, dans son procès-verbal du 17 octobre 2018, a noté que l'infirmité " Bronchectasies " a déjà fait l'objet d'une notification de rejet par le Conseil d'Etat et que, pour ce motif, la décision litigieuse de rejet du 19 octobre 2018 ne s'est pas prononcée sur cette infirmité, de même que le tribunal administratif.


M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 avril 2021.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Chaib, représentant M. A....


Considérant ce qui suit :

1. M. A... s'est engagé dans l'armée le 1er août 1964 et a été radié des cadres de l'armée active le 21 juillet 1989. Le 30 mars 2016, il a sollicité une pension militaire d'invalidité pour deux infirmités : " gonalgies bilatérales avec douleurs " et " infection de la sphère ORL ayant entrainé des complications sur son appareil respiratoire avec symptômes ORL ". Par une décision du 19 octobre 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande aux motifs que le taux d'invalidité de 10 % n'était pas atteint pour la gonarthrose bilatérale et que l'infirmité de rhinopharyngosinusite récurrente n'était pas décelée. M. A... relève appel du jugement du 23 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, si M. A... soutient que le tribunal administratif n'a pas statué sur l'ensemble des éléments de sa demande au motif que le jugement ne fait référence qu'à la rhinite alors qu'il a également formé une demande de pension pour plusieurs problèmes de la sphère ORL dont des rhinopharyngites, sinusites avec complications collatérales de type catarrhes tubaires à l'origine de la diminution de l'acuité auditive, il ressort du point 5 du jugement litigieux sous le titre " rhinopharyngosinusite récurrente et les troubles de l'appareil auditif qui en résulteraient " que les premiers juges se sont prononcés sur l'ensemble des éléments de l'infirmité ayant donné lieu à la décision de rejet contesté et ont mentionné la diminution de son acuité auditive. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.
3. En second lieu, la circonstance invoquée par le requérant selon laquelle le tribunal administratif n'aurait pas procédé aux examens nécessaires pour s'assurer que les bronchectasies localisées ne seraient pas une nouvelle infirmité relève du bien-fondé du jugement et ne saurait donc entacher celui-ci d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...) ". Aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 26 du même code, alors applicable : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ".
5. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une infirmité ouvre droit au versement d'une pension, sous réserve que les conditions d'imputabilité au service prévues par le code soient par ailleurs remplies, dès lors qu'elle entraîne une invalidité égale ou supérieure à 10 %.

6. En l'espèce, la décision litigieuse du 19 octobre 2018 de la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... aux motifs que, s'agissant de la première infirmité " gonarthrose bilatérale : pas d'hydarthrose chronique, pas d'anomalie des amplitudes fonctionnelles, douleurs mécaniques sans limitation fonctionnelle notable " et après expertise réglementaire, le taux d'invalidité était inférieur au minimum indemnisable de 10 % requis pour l'ouverture du droit à pension et que de ce fait, l'origine n'a pas été recherchée et que s'agissant de la seconde infirmité " rhinopharyngosinusite récurrente ", celle-ci n'avait pas été décelée après expertise réglementaire.
En ce qui concerne l'infirmité " gonalgies et gonarthroses bilatérales du genou " :

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert judiciaire du 4 mai 2018, lequel vise notamment les radiographies des genoux de 2006 et de 2018, que des amplitudes articulaires normales des genoux droit et gauche secs, non inflammatoires et stables, ont été constatées. Le taux d'invalidité de cette infirmité a ainsi été évaluée à 2 %. Par ailleurs, le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité a précisé dans son avis du 29 juin 2018 être en accord avec l'expert judiciaire puisque l'examen clinique est normal et que seule la marche accidentée déclenche des douleurs. Il a donc également conclu un taux d'invalidité inférieur à 10 %. Si M. A... se prévaut d'autres certificats médicaux dont un établi le 27 juillet 2021, ces derniers ne sont pas contemporains de la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... et ne peuvent donc être pris en compte pour l'appréciation du droit à pension. Les circonstances que l'administration a accordé à M. A... des soins de cure pour des gonalgies et que ce dernier bénéficie d'une carte prioritaire pour personnes handicapées ne permettent pas d'établir une gêne fonctionnelle justifiant un droit à pension militaire d'invalidité. Enfin, il ne résulte pas des éléments du dossier que l'administration n'aurait pas procédé à un examen complet de sa demande.
8. En second lieu, si le requérant fait valoir que l'expertise judiciaire serait irrégulière au motif que certaines mensurations, sans autres précisions, ne figurent pas dans le rapport contrairement au guide des bonnes pratiques, il n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par ailleurs, l'absence de visas des comptes-rendus des IRM des 15 janvier et 3 février 2016 dans le rapport d'expertise ne peut, à elle-seule, démontrer que l'expert ne les a pas pris en compte pour l'appréciation de l'infirmité du requérant.
9. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que c'est à tort que la ministre des armées a rejeté la demande de pension de M. A... au motif que le taux constaté pour l'infirmité " gonalgies et gonarthroses bilatérales du genou " est inférieur à 10 %.
En ce qui concerne l'infirmité " rhinopharyngosinusite " :

10. Il résulte du rapport de l'expert judiciaire du 4 mai 2018 que celui-ci a constaté l'absence de symptômes particuliers au niveau des sinusites. Si le requérant conteste la régularité de l'expertise au motif que le médecin expert n'a pas procédé à des examens médicaux supplémentaires nécessaires et notamment à un examen audiométrique, il n'établit pas qu'ils étaient nécessaires. Au surplus, et comme le soutient le ministre en défense sans être contredit par le requérant, le guide barème des invalidités n'indemnise les infirmités liées aux sinusites et leurs conséquences que lorsque ces dernières sont secondaires à un traumatisme, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que la ministre des armées ait entaché sa décision d'erreur d'appréciation en refusant à M. A... un droit à pension pour cette infirmité au motif qu'elle n'avait pas été constatée.

En ce qui concerne l'infirmité " perte auditive " :

11. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 21 septembre 2016 le chef du bureau " instruction des pensions et contentieux " a informé M. A... que l'infirmité " gêne auditive " ne serait pas examinée au motif qu'elle avait déjà fait l'objet d'une demande qui avait été refusée. Cette décision n'est pas contestée dans la présente instance. Dans ces conditions et alors que le refus de pension du 19 octobre 2018, en litige, ne porte pas sur cette infirmité, les moyens invoqués par M. A... pour contester le refus de pension militaire d'invalidité pour cette infirmité sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne l'infirmité " bronchectasies " :

12. En premier lieu, dans son avis du 17 octobre 2018, la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité a considéré que " l'infirmité bronchectasies a déjà fait l'objet d'une notification de rejet par le Conseil d'Etat ". La décision attaquée du 19 octobre 2018, qui vise cet avis, doit être regardée comme s'en étant approprié les motifs et révèle ainsi un refus de la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... au titre des " bronchectasies " pour ce motif. Ainsi, le moyen tiré du défaut d'examen de la demande de pension militaire d'invalidité pour cette infirmité doit être écarté.
13. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a déjà formulé plusieurs demandes de pension militaire d'invalidité pour les bronchectasies. Sa précédente demande du 3 août 1988 a été rejetée le 7 mars 1990 au motif que le taux d'invalidité pour l'affection " dilatations bronchiques limitées du territoire lobaire moyen (...) " était inférieur au minimum indemnisable. Le requérant a contesté ce refus et par une décision du 7 juillet 2004, produite à l'instance, le Conseil d'Etat a jugé " qu'aucune circonstance particulière du service ne peut être considérée comme étant à l'origine de l'infirmité apparue sous la forme de " bronchectasies du lobe moyen et intracardiaques rétractées avec bronchite spastique lobaire inférieure droite ". Si le requérant fait valoir que cette décision concerne une ancienne infirmité contractée en 1969 et non pas les bronchectasies localisées correspondant à de nouvelles séquelles fonctionnelles consécutives à sa maladie contractée en Afrique en 1984 pour laquelle il a sollicité une pension militaire d'invalidité le 30 mars 2016, il ne résulte pas de l'instruction et des pièces produites que les séquelles liées aux bronchectasies dont il se prévaut seraient différentes de celles définitivement rejetées par le Conseil d'Etat le 7 juillet 2004.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de sa demande de pension militaire d'invalidité. Les conclusions à fin d'injonction de M. A... sont, par voie de conséquence, également rejetées.





Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.


D E C I D E :


Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Chaib et au ministre des armées.


Délibéré après l'audience 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- Mme Roussaux, première conseillère.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2024.

Le rapporteur,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : M. C...
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. C...
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N° 21NC00703