CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 01/10/2024, 23MA02947, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision01 octobre 2024
Num23MA02947
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. MARCOVICI
RapporteurM. Laurent LOMBART
CommissaireMme BALARESQUE
AvocatsSCP LETU ITTAH PIGNOT ASSOCIES

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 avril 2020 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'a radié des cadres et l'a admis à la retraite pour invalidité non imputable au service, à compter du 8 avril 2019, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2006242 du 9 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 décembre 2023 et 27 juin 2024, M. C..., représenté par Me Ittah, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 octobre 2023 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud du 29 avril 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Il soutient que :

- les éléments médicaux qu'il fournit sont de nature à contredire les avis sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour le placer en disponibilité, en invalidité et à la retraite ;
- l'autorité administrative n'a pas respecté le champ d'application des dispositions statutaires en ne lui proposant ni un congé de longue maladie, ni un reclassement, ni une adaptation de poste ;
- si le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur l'avis de la commission de réforme interdépartementale du 4 juillet 2019 concluant à son inaptitude totale et définitive, y a siégé un médecin, qui avait rendu, le 16 février 2016, un rapport d'expertise concluant à l'absence d'inaptitude aux fonctions alors que, le 10 juillet 2017, il concluait finalement à une inaptitude totale et définitive à sa fonction statutaire, adoptant ainsi une position contraire à ses premières conclusions de 2016, sans qu'il ne soit justifié de la divergence de ces conclusions ; on peut s'interroger sur son impartialité ;
- l'autorité administrative ne prouve pas lui avoir proposé de reclassement ad hoc, voire même d'avoir étudié cette possibilité ;
- en agissant au mépris du principe du contradictoire et d'un avis médical contraire, l'autorité administrative a manqué à ses obligations légales et réglementaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- à titre principal :
. conformément aux dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, la requête est irrecevable, faute pour M. C... de produire une copie de l'arrêté du 29 avril 2020 ;
. le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité en ce que la demande de première instance doit être regardée comme irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- à titre subsidiaire :
. le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire dans le cadre de l'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 1710135 est inopérant ;
. le moyen tiré de l'exception d'illégalité des arrêtés ayant prononcé et maintenu sa disponibilité d'office que M. C... semble invoquer est irrecevable ;
. les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Un courrier du 5 juin 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 5 août 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.



Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Brigadier-chef en poste à la direction zonale de la police aux frontières (PAF) Sud de Marseille, M. C... a été placé en congé de maladie ordinaire du 12 août 2015 au 6 mars 2016, puis du 8 avril 2016 au 7 avril 2017. Par un courrier du 2 août 2016, il a demandé à être placé en congé de longue maladie. Toutefois, le comité médical interdépartemental a rendu, par deux fois, des avis défavorables les 18 octobre 2016 et le 14 mars 2017, le déclarant également, tout d'abord, inapte à la reprise, puis, par son second avis, inapte de manière absolue et définitive à toute fonction. Par un courrier du 18 avril 2017, M. C... a formé un recours auprès du comité médical supérieur. Parallèlement, la commission de réforme interdépartementale, chargée d'étudier son dossier de mise à la retraite pour invalidité, a reporté son avis dans l'attente de celui du comité médical supérieur, saisi par l'intéressé le 18 avril 2017. Par des arrêtés pris les 9 mai et 3 octobre 2017, M. C... a été placé pour la première fois en disponibilité d'office du 8 avril 2017 au 7 avril 2018, puis prolongé du 8 octobre au 7 avril 2018. Par des arrêtés du 26 septembre 2018, il a été maintenu dans cette position, pour six mois, à compter du 8 avril 2018. Par un avis du 4 juillet 2019, la commission de réforme interdépartementale l'a finalement déclaré inapte définitivement à ses fonctions statutaires et à tout reclassement. Après avoir recueilli l'avis conforme du service des retraites de l'Etat daté du 24 avril 2020, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a, par un arrêté du 29 avril 2020, radié des cadres M. C... et l'a admis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 8 avril 2019. M. C... relève appel du jugement du 9 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté du 29 avril 2020.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, dans la première partie de sa requête intitulée " Faits ", M. C... critique les décisions par lesquelles le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'a mis en disponibilité d'office et l'a prolongé dans cette position. Il se plaint, en outre, de ce que, dans l'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 1710135 dans le cadre de laquelle il a demandé l'annulation de ces décisions, le principe du contradictoire aurait été méconnu par les premiers juges. A la page 9 de cette même requête, l'appelant ajoute que " si l'administration peut décider la mise en disponibilité d'office pour raison de santé, elle doit néanmoins respecter un certain nombre d'obligations afférentes, principalement eu égard le respect du principe du contradictoire et la volonté non-équivoque de reclassement du fonctionnaire ". A supposer que, par ces développements, l'appelant ait entendu soulever des moyens, ceux-ci sont inopérants au regard de l'objet du jugement attaqué et du seul arrêté contesté dans la présente instance. Pour ce motif, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

3. En deuxième lieu, en se bornant à affirmer qu'en agissant au mépris du principe du contradictoire et de l'avis médical contraire, l'administration a manqué à ses obligations légales et réglementaires, M. C... n'assortit pas ce moyen des précisions permettant à la Cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé. Dans ces conditions, ce moyen ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, l'appelant ne peut utilement contester l'impartialité de l'un des médecins qui a siégé lors de la séance de la commission de réforme interdépartementale réunie le 4 juillet 2019 en se bornant à soutenir que ce dernier aurait alors changé d'avis sur son inaptitude totale et définitive par rapport à de précédentes conclusions qu'il avait été amené à livrer. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

5. En quatrième lieu, l'article 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Selon l'article 27 du décret susvisé du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des
six mois restant à courir. / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical :
en cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. (...) ".
6. Au cas particulier, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été reconnu inapte de façon totale et définitive aux fonctions de policier ainsi qu'à l'exercice de toutes fonctions dans l'administration, par un expert-psychiatre, le docteur B..., qui l'a examiné à deux reprises, les 20 septembre 2016 et 16 février 2017, par le comité médical interdépartemental le 14 mars 2017 ainsi que, par le comité médical supérieur et la commission de réforme, dans leurs avis respectifs des 6 novembre 2018 et 4 juillet 2019. Si M. C... affirme avoir continué à travailler " au sein de divers services publics " et qu'il produit à cet égard une fiche médicale du 3 juin 2019, qui l'a déclaré apte à un emploi d'adjoint administratif au sein des services de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, ni cette fiche, ni les autres documents médicaux dont se prévaut l'appelant pour établir l'amélioration de son état de santé et son aptitude à exercer une activité, ne sont suffisamment circonstanciés pour être de nature à remettre en cause ces avis unanimes. Par suite, et ainsi que l'a relevé à raison le tribunal administratif de Marseille, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud aurait commis une erreur d'appréciation au regard de son état de santé. Ce moyen doit être écarté.
7. En cinquième et dernier lieu, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en œuvre de ce principe implique que l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé est déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions ou soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement.
8. M. C... ayant été reconnu inapte totalement et définitivement à l'exercice de toutes fonctions, l'administration n'était soumise à aucune obligation d'adaptation de poste ou de reclassement. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration avait manqué à ses obligations en matière d'adaptation du poste de travail et de reclassement doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de
non-recevoir opposée en défense par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les dépens :
10. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de M. C... tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de l'Etat ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
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No 23MA02947
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