5819 Ergebnisse
CAA de NANCY, 4ème chambre, 13/02/2024, 21NC02436, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 2 avril 2019 par laquelle le directeur de la caisse nationale militaire de sécurité sociale a refusé de prendre en charge une cure thermale dont il demandait le remboursement, la décision du 10 avril 2019 par laquelle le même directeur a mis fin à ses droits au titre de la déclaration d'affection présumée imputable au service du 11 juin 1984, la décision du 10 avril 2019 par laquelle le même directeur a mis fin à ses droits au titre de la déclaration d'affection présumée imputable au service du 1er octobre 1986 et enfin la décision du 4 octobre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté ses recours administratifs préalables obligatoires formés contre ces décisions. Par un jugement n° 1908142 du 21 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir déclaré irrecevable les recours en annulation formés contre les décisions de la caisse nationale militaire de sécurité sociale, a annulé la décision du 4 octobre 2019 de la ministre des armées en tant d'une part, qu'elle a mis fin aux droits de M. A... au titre de la déclaration d'affection présumée imputable au service du 1er octobre 1986 et, d'autre part, qu'elle a refusé de faire droit à sa demande de cure thermale pour troubles rhumatologiques au titre de l'année 2019 et a enjoint à la ministre des armées de procéder à la réouverture des droits de M. A... au titre de la déclaration d'affection présumée imputable au service du 1er octobre 1986 et de faire droit à sa demande de cure thermale à ce titre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 31 août 2021, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1908142 du 21 juin 2021 du tribunal administratif de Strasbourg ; 2°) de constater que la demande de M. A... tendant à la prise en charge de cures thermales au titre des années 2019 et 2020 est sans objet ; 3°) de rejeter la demande de M. A.... Elle soutient que : - le jugement est entaché d'une erreur de fait car contrairement à ce qui est indiqué au point 2, la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) dans son courrier du 7 novembre 2019 n'a pas accordé une cure thermale à M. A... au titre des troubles rhumatologiques pour l'année 2020 mais au titre de l'année 2019 ; - le jugement est insuffisamment motivé en fait et est entaché d'une seconde erreur de fait, voire d'une dénaturation des pièces du dossier dans son point 9 : si le tribunal administratif indique qu'il résulte de l'instruction que les gonalgies ont été reconnues imputables au service car elles présentaient un lien direct et certain avec des douleurs ressenties lors d'un raid en 1986, il ne cite aucune pièce dans son considérant qui démontrerait ce lien direct entre les gonalgies et les douleurs ressenties aux genoux à la suite du raid en 1986 ; - le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation juridique des faits dans son point 9 : les pièces sur lesquelles s'appuie le jugement ne sont pas de nature à établir un lien direct entre les gonalgies dont souffre M. A... depuis 2007, soit depuis l'âge de ses 62 ans, et un évènement de service survenu 21 ans plus tôt. M. A... a présenté des mémoires enregistrés le 28 septembre 2021, le 20 octobre 2021, le 28 juin 2022, le 30 novembre 2022 et le 21 août 2023. M. A... n'étant pas représenté par un avocat, ils n'ont pas été communiqués. Par une ordonnance du 22 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 janvier 2024 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de la sécurité sociale ; - le décret n° 2005-1441 du 22 novembre 2005 relatif aux soins du service de santé des armées ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A... ancien militaire, a été radié des contrôles le 21 juillet 1989. Par une décision du 2 avril 2019, la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) a refusé de prendre en charge une cure thermale au titre de l'année 2019 dont il demandait le remboursement. Par deux décisions du 10 avril 2019, cette même caisse nationale militaire de sécurité sociale a mis fin à ses droits au titre, d'une part, de la déclaration d'affection présumée imputable au service du 11 juin 1984 et, d'autre part, de la déclaration d'affection présumée imputable au service du 1er octobre 1986. M. A... a alors saisi la commission des recours des militaires et, par une décision du 4 octobre 2019, la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre des trois décisions des 2 et 10 avril 2019. M. A... a alors demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'ensemble de ces décisions. Par un jugement n° 1908142 du 21 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 4 octobre 2019 de la ministre des armées en tant d'une part, qu'elle a mis fin aux droits de M. A... au titre de la déclaration d'affection présumée imputable au service du 1er octobre 1986 et, d'autre part, qu'elle a refusé de faire droit à sa demande de cure thermale pour troubles rhumatologiques au titre de l'année 2019, a enjoint à la ministre des armées de procéder à la réouverture des droits de M. A... au titre de la déclaration d'affection présumée imputable au service du 1er octobre 1986 et de faire droit à sa demande de cure thermale à ce titre et rejeté le surplus des conclusions de la demande. La ministre des armées doit être regardée comme relevant appel de ce jugement du 21 juin 2021 en tant uniquement qu'il a fait droit aux conclusions d'annulation et d'injonction de M. A.... Sur la décision du 4 octobre 2019 de refus d'accorder à M. A... une cure thermale au titre de l'année 2019 pour troubles rhumatologiques : 2. Il résulte de l'instruction que M. A... a demandé, par un courrier réceptionné le 18 mars 2019 par la CNMSS, le bénéfice d'une cure thermale au titre de ses troubles rhumatologiques pour le mois d'août 2019. Cette demande, après avoir fait l'objet d'un premier rejet de la part de la CNMSS le 2 avril 2019, a finalement été accordée par celle-ci par une décision du 7 novembre 2019 au titre de l'affection présumée imputable au service pour l'accident du 1er octobre 1986 correspondant aux troubles rhumatologiques de l'intéressé, soit postérieurement à l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Strasbourg. Elle est devenue définitive. Dans ces conditions, la demande présentée par M. A... tendant à solliciter l'annulation de la décision de refus de la ministre des armées de lui accorder une cure thermale au titre de l'année 2019 pour troubles rhumatologiques était devenue, au cours de la procédure de première instance, sans objet. 3. La ministre des armées est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté l'exception de non-lieu qu'elle opposait à la demande d'annulation de la décision de refus d'accorder à M. A... une cure thermale au titre de l'année 2019 pour troubles rhumatologiques et l'a annulée. Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 juin 2021 est par suite irrégulier et doit, dès lors, être annulé dans cette mesure. 4. Il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer. Sur la décision du 4 octobre 2019 mettant fin aux droits de M. A... au titre de la déclaration d'affection présumée imputable au service du 1er octobre 1986 : En ce qui concerne la régularité du jugement : 5. Aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". 6. Contrairement à ce que soutient la ministre des armées, le tribunal, en son point 9, a suffisamment motivé son jugement sur le lien direct entre les gonalgies et l'accident dont a été victime M. A... en 1986, en se fondant notamment sur le rapport de l'expertise réalisée en 2007 à l'hôpital d'instruction des armées de Legouest ainsi que sur le certificat médical établi le 28 février 2019 par un médecin rhumatologue. Par suite, la ministre n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué : 7. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la défense : " (...) / Les militaires et les anciens militaires titulaires d'une pension militaire d'invalidité ont droit aux soins du service de santé des armées (...) ". 8. Aux termes de l'article 10 du décret du 22 novembre 2005 relatif aux soins du service de santé des armées : " Sauf disposition particulière, la charge financière des soins non dispensés par le service de santé des armées est supportée par le budget de la défense pour : 1° Les affections, répondant aux conditions mentionnées aux deuxièmes alinéas des articles 55 et 56 de la loi du 24 mars 2005 susvisée, des militaires et des anciens militaires non titulaires d'une pension militaire d'invalidité, selon les mêmes règles que celles appliquées pour les affections visées au 2° de l'article 9 ". En vertu des deuxièmes alinéas des articles 55 et 56 de la loi du 24 mars 2005, désormais codifiés aux articles L. 4138-12 et L. 4138-13 du code de la défense, sont au nombre de ces affections celles qui surviennent du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions. 9. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 10. Il résulte de l'instruction que M. A... souffre de gonalgies qui, antérieurement à la décision litigieuse, ont été reconnues comme imputables au service au motif qu'elles présentaient un lien direct et certain avec les douleurs ressenties par l'intéressé au niveau des genoux à la suite d'un raid en 1986 et ayant fait l'objet d'une déclaration présumée imputable au service. Par ailleurs, le registre des constations des blessures des maladies et des infirmités de 1987 mentionne que M. A... a ressenti des douleurs aux genoux lors de ce raid du 1er octobre 1986 et que depuis, à chaque cross, les douleurs reprennent plus accentuées au genou gauche, nécessitant des séances de kinésithérapie à l'hôpital militaire des armées. L'expertise médicale du rhumatologue de l'hôpital d'instruction des armées de Legouest du 8 août 2007 précise que ces problèmes de rhumatologie doivent être considérés en lien avec son accident de 1986. Ainsi en l'absence d'autres éléments extérieurs au service et alors que M. A... a au demeurant bénéficié régulièrement de cures thermales accordées par la CNMSS pour ses troubles rhumatologiques, il résulte de l'instruction que la relation directe entre les gonalgies et le raid est en l'état des pièces du dossier suffisamment établie. 11. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 4 octobre 2019 en tant qu'elle a mis fin aux droits de M. A... au titre de la déclaration d'affection présumée imputable au service pour son accident du 1er octobre 1986 et lui a enjoint de procéder à la réouverture des droits de M. A... au titre de la déclaration d'affection présumée imputable au service du 1er octobre 1986. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1908142 du 21 juin 2021 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 4 octobre 2019 de refus de prise en charge de la cure thermale de M. A... au titre de l'année 2019. Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de la décision de refus de prise en charge d'une cure thermale au titre de l'année 2019. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Ghisu-Deparis, présidente, - Mme Samson-Dye, présidente assesseure, - Mme Roussaux, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024. La rapporteure, Signé : S. RoussauxLa présidente, Signé : V. Ghisu-Deparis La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 21NC02436
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 15/02/2024, 22BX00053, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 13 mars 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, et de lui accorder la pension sollicitée. Par un jugement n° 1905589 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Lagarde, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 septembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision ministérielle du 13 mars 2019 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de réviser sa pension pour tenir compte de l'accident de service du 25 août 1985, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que l'accident de la circulation dont il a été victime a eu lieu sur le trajet retour de son lieu de permission, alors qu'il se rendait sur son lieu de service, au centre de transmission de Tarbes, et il est survenu moins de 24 heures avant sa reprise de service ; il a été transporté vers un hôpital militaire et son accident a été mentionné au registre de constatation des blessures, des infirmités et maladies survenues pendant le service, ce qui démontre qu'il s'agit d'un accident de service devant lui permettre d'obtenir une pension d'invalidité en application de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; les frais liés à cet accident ont d'ailleurs été pris en charge par l'armée. Par un mémoire en défense enregistré le 21 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - M. A... n'a produit aucun document relatif à sa permission ; seul le livret médical permet de savoir qu'il s'agissait d'une permission du 3 au 26 août 1985, ce qui signifie que l'intéressé devait reprendre le service le 27 août et non le 26 ; le tribunal a donc pu estimer sans erreur que l'accident avait eu lieu plus de 24 heures avant la fin de la permission ; - le requérant n'apporte aucune preuve de ce que son accident a eu lieu sur le trajet le plus direct entre son lieu de permission et son affectation à Tarbes ; - l'inscription de l'accident au registre de constatation des blessures, des infirmités et maladies survenues pendant le service ne préjuge nullement de l'imputabilité au service d'un évènement au regard du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dès lors que les conditions d'imputabilité au service diffèrent entre la prise en charge des soins et l'octroi d'une pension ; le fait que le registre des constatations indique qu'il était en situation régulière au moment de l'accident, alors que M. A... était en permission de longue durée, ne signifie pas que l'accident est imputable au service, pas plus que le fait qu'il ait été dirigé vers un hôpital militaire. Par une ordonnance du 20 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 20 juin 2023. M. A... a produit un mémoire, enregistré le 4 juillet 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 octobre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Lagarde, représentant M. A..., ainsi que les observations de ce dernier. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., militaire de carrière, a été radié des contrôles le 1er août 2018 au grade d'adjudant-chef de gendarmerie. Par arrêté du 26 novembre 2018, il lui a été concédé une pension militaire d'invalidité définitive au taux global de 50 % pour trois infirmités liées à des séquelles de traumatisme du genou droit, de plaie de la face palmaire et de traumatisme crânien. Il a sollicité, le 4 décembre 2018, la révision de sa pension pour l'indemnisation d'une infirmité relative à une fracture de la clavicule gauche, à la suite d'un accident de la circulation le 25 août 1985. Par une décision du 13 mars 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que l'accident était survenu durant une permission. M. A... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires de Bordeaux. L'affaire a été transmise au tribunal administratif de Bordeaux en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018. Par un jugement du 21 septembre 2021 dont M. A... relève appel, ce tribunal a rejeté sa demande. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...) ". 3. Il résulte des dispositions précitées qu'un accident de la circulation dont est victime un militaire bénéficiant d'une permission régulière ne peut être regardé comme survenu à l'occasion du service que si cet accident a eu lieu, soit en début de permission pendant le trajet direct de son lieu de service vers le lieu où il a été autorisé à se rendre en permission, soit en fin de permission pendant le trajet inverse. 4. M. A... soutient avoir été victime d'un accident de la circulation le 25 août 1985 à 0h30 à Monferran Saves (Gers), alors qu'il rentrait d'une permission pour se rendre au centre de transmissions de Tarbes (Hautes-Pyrénées) où il était affecté, et que cet accident est survenu à l'occasion du service. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des mentions de son livret médical, que sa permission de longue durée courait du 3 au 26 août 1985. En l'absence de tout autre élément relatif, d'une part, à son lieu de permission et, d'autre part, à la date de reprise de son service, il n'est pas établi que l'accident dont il a été victime serait survenu sur le trajet direct de retour du lieu où il a été autorisé à se rendre en permission vers son lieu de service. D'ailleurs, M. A... a reconnu lui-même, dans son recours devant le tribunal des pensions militaires, qu'il ne pouvait " ni affirmer ni confirmer que cet accident a eu lieu pendant un trajet pour [se] rendre ou revenir de permission ". Les circonstances que cet accident a été mentionné sur le registre des constatations des blessures, infirmités et maladies survenues pendant le service, avec la précision selon laquelle M. A... était en situation régulière, qu'il ait été transporté après l'accident dans un hôpital militaire et que ses frais médicaux ont été pris en charge par l'administration, ne sont pas de nature à démontrer que sa blessure résulte d'un fait de service ouvrant droit à une pension militaire d'invalidité, dès lors que la législation relative aux accidents de service est distincte de celle relative aux pensions militaires d'invalidité, que la mention de la régularité de sa situation était justifiée par le bénéfice d'une permission de longue durée et que l'extrait de son livret médical précise que l'accident est survenu hors service, durant une permission. Dans ces conditions, le lien avec le service de l'accident de circulation du 25 août 1985 n'est pas établi. 5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 6. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2024. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22BX00053
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 09/02/2024, 23MA01243, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 23 avril 2012 refusant de reconnaître sa longue maladie et son invalidité comme imputables au service, d'autre part, de constater qu'il a droit au versement d'une allocation d'invalidité temporaire puis viagère et, enfin, de condamner La Poste à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices et une somme 4 323,60 euros à titre d'indemnité de congés acquis. Par un jugement n° 1601273 du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a condamné la Poste à verser à M. C... la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices et a rejeté le surplus de ses conclusions. Par un arrêt n° 18MA04962 du 13 avril 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement. Par une décision n° 453606 du 27 octobre 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi par M. C..., a, d'une part, annulé l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices subis par M. C... du fait de l'aggravation de sa maladie, d'autre part, renvoyé dans cette mesure l'affaire. Procédure devant la Cour après renvoi : Par un mémoire, enregistré le 21 juin 2023, M. C..., représenté par Me Pozzi-Pasquier, demande à la Cour : 1°) d'annuler partiellement le jugement du 8 octobre 2018 ; 2°) de constater qu'il a droit au versement d'une allocation d'invalidité temporaire puis viagère ; 3°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices ; 4°) de mettre à la charge de La Poste les entiers dépens ainsi qu'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la persistance de la manipulation des charges lourdes durant plus de 14 ans a aggravé sa pathologie lombaire et est à l'origine de son placement en longue maladie puis de sa mise à la retraite ; cette pathologie figure d'ailleurs aux tableaux des maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et est à ce titre présumée imputable au service en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ; - le non-respect des préconisations du médecin du travail comme le défaut de reconnaissance de l'imputabilité au service constituent une faute engageant la responsabilité de La Poste ; - le préjudice est constitué des souffrances physiques et psychiques endurées durant toute la période, de l'aggravation du déficit fonctionnel permanent et d'un préjudice d'agrément. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2023, La Poste, représentée par Me Freichet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Poullain, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Freichet, représentant La Poste. Considérant ce qui suit : 1. Par un jugement du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a , d'une part, rejeté comme irrecevables les conclusions de M. C..., ancien fonctionnaire de La Poste mis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 12 mars 2011, tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 2012 par laquelle son employeur a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie lombaire, d'autre part, rejeté comme non fondées ses conclusions indemnitaires fondées sur la faute tirée de l'illégalité de cette décision et enfin condamné La Poste à lui verser 10 000 euros en réparation des préjudices, distincts de ceux couverts par l'allocation temporaire d'invalidité et la rente viagère d'invalidité, résultant de la faute commise par celle-ci en s'abstenant de mettre en œuvre les recommandations de la médecine de prévention. Par une décision du 27 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt rendu par la cour de céans rejetant l'appel formé contre ce jugement, en tant seulement qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices subis par M. C... du fait de l'aggravation de sa maladie. 2. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 3. Il résulte de l'instruction, et particulièrement de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif, que M. C... souffre d'une pathologie dégénérative du rachis lombaire qui, sans être en lien direct avec ses conditions de travail à La Poste, a été aggravée par celles-ci dès lors que l'agent a été astreint, durant presque vingt ans, en tant que préposé puis agent de cabine, à la manutention et au port de charges lourdes ainsi qu'à la station debout prolongée, dans des conditions non adaptées. Cette aggravation doit dès lors être regardée comme imputable au service et La Poste doit réparer les préjudices personnels subis par son agent de ce fait, sans qu'il soit besoin d'examiner si elle a commis des fautes. 4. Le taux de déficit fonctionnel permanent dont souffre M. C... du fait de la pathologie lombaire elle-même a été évalué, au mois d'août 2010, à 7 % par le médecin rhumatologue chargé d'instruire sa demande de mise à la retraite pour invalidité. Le préjudice global subi par l'intéressé, du fait de l'aggravation de sa pathologie, comprend une partie de ce déficit fonctionnel ainsi que certaines des souffrances physiques et psychiques qu'il a subies en lien avec sa maladie. Dans ces circonstances, et alors que M. C... ne justifie pas avoir subi un préjudice d'agrément en raison de cette maladie, il ne saurait lui être alloué une somme supérieure à celle de 10 000 euros qui a été retenue par le tribunal administratif pour l'indemnisation du même préjudice. 5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a limité l'indemnisation qu'il a condamné La Poste à lui verser à la somme de 10 000 euros. 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de La Poste qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une quelconque somme à ce titre. D É C I D E : Article 1er : Les conclusions des parties sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à La Poste. Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie du Var. Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Poullain, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2024. 2 N° 23MA01243 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 09/02/2024, 23MA02039, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure antérieure : Par lettres enregistrées les 5 novembre 2021, 11 février 2022, 25 février 2022, 22 juillet 2022 et 16 septembre 2022 M. B... A..., alors représenté par Me Stark, a demandé à la Cour d'enjoindre au ministre des armées de prendre les mesures qu'implique l'exécution de l'arrêt n° 21MA00001 du 1er octobre 2021, par lequel la Cour a enjoint à la ministre des armées de faire établir un rapport circonstancié sur la maladie déclarée par M. A... et de l'inscrire sur le registre des constatations de son unité d'affectation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, d'enjoindre au ministre des armées de produire un nouveau rapport circonstancié dépourvu de la mention " compte tenu des circonstances particulières et de l'antériorité de ce dossier, l'imputabilité au service des troubles de M. A... reste à démontrer ", sous astreinte de 850 euros par jour de retard avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2021, de condamner l'Etat au paiement de la somme de 1 500 euros pour résistance abusive et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 850 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une lettre en date du 3 juillet 2023, la présidente de la Cour a procédé au classement administratif de l'affaire. Par un courriel enregistré le 20 juillet 2023, M. A... a contesté ce classement et demandé à la Cour de prescrire par voie juridictionnelle les mesures d'exécution de son arrêt précité. Par une ordonnance en date du 27 juillet 2023, la présidente de la Cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle. Procédure postérieure à l'ouverture de la phase juridictionnelle : Par un mémoire enregistré le 12 décembre 2023, le ministre des armées demande à la Cour de rejeter la demande d'exécution présentée par M. A.... Il fait valoir que l'arrêt de la Cour précité a été entièrement exécuté. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vincent, - et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., marin-pompier au bataillon des marins-pompiers de Marseille, a demandé en mai 2017 au commandant de ce bataillon de lui communiquer le rapport circonstancié qui avait dû être rédigé à la suite de l'accident survenu dans la nuit du 3 au 4 octobre 2014. Par une décision du 5 juillet 2017, le commandant lui a opposé un refus. M. A... a alors saisi, le 24 juillet 2017, la commission des recours des militaires d'un recours contre cette décision de refus. Ce recours a été implicitement rejeté par la ministre des armées. Par une ordonnance du 30 avril 2019, la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille a, en application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté comme manifestement irrecevable sa demande dirigée contre la décision initiale, en date du 5 juillet 2017, du commandant du bataillon des marins-pompiers de Marseille au motif que la décision prise à la suite du recours devant la commission des recours des militaires se substituait à cette décision initiale. M. A... s'est pourvu en cassation contre l'ordonnance du 11 juillet 2019 par laquelle le président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté, comme manifestement dépourvue de fondement au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, son appel contre l'ordonnance de la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille. Par une décision n° 434726 du 29 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du président de la 7ème chambre dne la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire à la Cour. Par un arrêt n° 21MA00001 du 1er octobre 2021, la Cour a annulé l'ordonnance de la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille ainsi que la décision implicite de rejet née à la suite de la saisine de la commission des recours des militaires, enjoint à la ministre des armées de faire établir un rapport circonstancié sur la maladie déclarée par M. A... et de l'inscrire sur le registre des constatations de son unité d'affectation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... estimant que l'arrêt de la Cour du 1er octobre 2021 n'avait pas été correctement exécuté, a présenté une demande d'aide à l'exécution. Par une ordonnance en date du 27 juillet 2023, la présidente de la Cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle. 2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. " 3. Il ressort des pièces produites par le ministre des armées, bien que l'intéressé n'en ait pas été immédiatement informé, qu'a été établi, le 20 octobre 2021, un rapport circonstancié sur l'accident survenu dans la nuit du 3 au 4 octobre 2014 et que ce rapport a été, le même jour, inscrit sur le registre des constatations. Par ailleurs, il ressort également desdites pièces que la somme de 2 008,55 euros correspondant à celle de 2 000 euros mise à la charge de l'Etat au titre des frais d'instance, augmentée des intérêts au taux légal, a été payée à M. A... le 23 novembre 2021. Il suit de là que l'arrêt de la Cour en date du 1er octobre 2021 a été entièrement exécuté. Si M. A... fait valoir que le contenu du rapport, lequel précise notamment que " compte tenu des circonstances particulières et de l'antériorité de ce dossier, l'imputabilité au service des troubles de M. A... reste à démontrer " méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 151-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, de l'instruction du 9 octobre 1992 relative à la constatation des blessures ou maladies survenues aux militaires pendant le service et de la circulaire du 23 février 1973 relative à la rédaction des rapports établis par les chefs de corps au sujet des blessures ou maladies survenues pendant le service, cette circonstance constitue un litige distinct de l'exécution de l'arrêt du 1er octobre 2021. Relèvent également d'un litige distinct les conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de l'Etat au versement de dommages et intérêts au titre d'une prétendue résistance abusive. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à ce que la Cour prescrive les mesures nécessaires à l'exécution de sa décision doivent être rejetées. Sur les frais d'instance : 4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La demande d'exécution de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2024. N° 23MA02039 2 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 9ème chambre, 13/02/2024, 470024, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme C... D... veuve E... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, en premier lieu, d'annuler la décision par laquelle la ministre des armées a implicitement refusé, d'une part, de revaloriser à compter du 3 juillet 1962 la pension militaire de retraite et la retraite du combattant de M. B... et de verser le rappel d'arrérages de pension en résultant, assorti des intérêts capitalisés et, d'autre part, de lui allouer une pension de réversion à compter du 13 février 1974, avec rappel d'arrérages et intérêts capitalisés, en deuxième lieu, de condamner l'Etat à lui verser des rappels d'arrérages de pensions, assorti des intérêts moratoires capitalisés, au titre de la pension militaire de retraite et de la retraite du combattant versées à M. B..., en troisième lieu, d'enjoindre à l'Etat de produire les tableaux des intérêts moratoires capitalisés des arrérages échus antérieurement et postérieurement à leur demande, sous astreinte à compter du jugement à intervenir et en quatrième lieu, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 000 euros au titre du préjudice causé par sa résistance abusive. Par un jugement n° 1901645 du 25 août 2022, le magistrat désigné par ce tribunal a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 décembre 2022 et 21 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B..., venant aux droits de Mme D..., demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme B... ;Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ". 2. Pour demander l'annulation du jugement qu'elle attaque, Mme B... soutient que le magistrat désigné par le tribunal administratif de Poitiers : - l'a insuffisamment motivé en omettant de répondre au moyen tiré de ce que le droit à pension de Mme D... veuve B... était acquis en raison de l'existence d'au moins un enfant issu du mariage avec M. B... ; - l'a insuffisamment motivé en omettant de répondre au moyen opérant tiré de ce que la règle de cristallisation de la pension de retraite versée à M. B... ne pouvait lui être opposée ; - a commis une erreur de droit au regard de l'article R. 611-1 du code de justice administrative en ne lui communiquant pas le mémoire en défense du ministre des armées du 24 juin 2022 alors qu'il comportait une nouvelle argumentation et de nouvelles pièces ; - a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier, notamment l'acte de mariage du 13 avril 2022, en jugeant que compte tenu de l'incertitude portant sur la date et même l'existence de l'union invoquée par Mme D..., celle-ci ne pouvait servir de base à l'octroi d'une pension de réversion en qualité de veuve d'un ancien militaire ; - a commis une erreur de droit au regard de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en jugeant que la demande tendant au versement d'un rappel d'arrérages de pension de retraite du combattant décristallisée dus à M. B... était prescrite, alors que le moyen tiré de la prescription, qui n'est pas d'ordre public, n'avait pas été soulevé en défense ; - a dénaturé les pièces du dossier en estimant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que M. B... percevait une pension de retraite du combattant. 3. Eu égard aux moyens soulevés, il y a lieu d'admettre les conclusions du pourvoi qui sont dirigées contre le jugement attaqué en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions tendant au versement d'arrérages de pensions dus à M. B.... En revanche, aucun des moyens soulevés n'est de nature à permettre l'admission du surplus des conclusions du pourvoi.D E C I D E : -------------- Article 1er : Les conclusions du pourvoi de Mme B... qui sont dirigées contre le jugement attaqué en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions tendant au versement d'arrérages de pensions dus à M. B... sont admises. Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme B... n'est pas admis. Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B.... Copie en sera adressée au ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 18 janvier 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur. Rendu le 13 février 2024. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi Le rapporteur : Signé : M. Lionel Ferreira Le secrétaire : Signé : M. Brian Bouquet La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2024:470024.20240213
Conseil d'Etat
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 01/02/2024, 21VE01032, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision implicite rejetant sa demande indemnitaire préalable du 23 avril 2018, de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 150 898 euros, majorée des intérêts de quatre points à compter de juillet 2014, d'enjoindre à la société La Poste de réévaluer et de verser la rente annuelle de cotisation retraite payable à terme échu à compter d'avril 2013 et de mettre à la charge de la société La Poste la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1802618 du 2 février 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande et les conclusions de la société La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une ordonnance du 13 avril 2021, le président de la cour administrative de Nantes a, sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis à la cour administrative d'appel de Versailles, la requête d'appel de M. A..., enregistrée le 2 avril 2021. Par cette requête et des mémoires, enregistrés le 2 avril 2021, le 31 août 2021, le 1er septembre 2023 et le 25 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Delhaes, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler les décisions implicites de rejet de ses demandes préalables du 23 avril 2018 et du 28 mai 2020 ; 3°) de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 152 864 euros, avec intérêts majorés de quatre points à compter de juillet 2014 ou, à défaut, de la date de sa demande indemnitaire préalable, ainsi que la capitalisation des intérêts ; 4°) d'enjoindre à la société La Poste de réévaluer et lui verser la rente annuelle de cotisation retraite payable à terme échu à compter d'avril 2013 ; 5°) de mettre à la charge de la société La Poste la somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions présentées par la société La Poste sur ce même fondement. Il soutient que : - sa demande de première instance était recevable dès lors qu'il évoquait, dans sa réclamation préalable du 23 avril 2018, les décisions lui retirant son avancement et lui demandant de reverser des trop-perçus ; la cour doit également se fonder sur sa demande préalable du 27 mai 2020 ; il n'était pas tenu de contester la décision rejetant sa demande indemnitaire préalable ; - le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que le tribunal administratif a omis de répondre aux moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 1er, 2 et 5 du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pourtant soulevés ; - le jugement attaqué est entaché de plusieurs erreurs de droit, de fait et de qualification juridique des faits en ce que le tribunal a considéré qu'il était devenu inapte à l'exercice de ses fonctions ; - la procédure suivie est entachée d'irrégularité en ce qu'aucun comité médical régulièrement constitué n'a précédé les commissions de mai et juin 2013 en méconnaissance des dispositions de l'article 7 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; aucun comité médical ne s'est prononcé sur l'aménagement de son ancien poste de travail ; la tenue d'une nouvelle commission en juin 2014 n'a pas eu pour effet de régulariser les irrégularités entachant les décisions des précédentes commissions ; la méconnaissance de ces dispositions a eu une influence substantielle sur le sens de la décision finale ; il n'a jamais été informé de la date du comité médical, de la communication de son dossier et des voies de recours ; le médecin de prévention n'a pas été consulté sur les éventuelles modalités de réintégration avant la réunion du comité médical ; - les commissions du 2 mai et 4 juillet 2013 n'ont pas été précédées d'un avis médical du médecin du travail en méconnaissance de l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; la méconnaissance de ces dispositions a eu une influence substantielle sur le sens de la décision finale ; - le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs ; - le tribunal administratif a dénaturé les faits en jugeant qu'une recherche de reclassement avait été réalisée et que la société La Poste avait ainsi satisfait à son obligation de reclassement ; la société La Poste n'a effectué aucune recherche réelle de reclassement alors que l'administration est tenue de reclasser un agent devenu inapte dès lors que toute activité ne lui est pas interdite, en application, notamment, du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; la tentative de reclassement alléguée ne respecte pas les conditions de l'article 63 de la loi n° 84-16 ; - la société La Poste ne démontre pas l'avoir invité à présenter une demande d'emploi dans un autre corps en méconnaissance de l'article 2 du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ; - la charge de la preuve de la réalité d'une recherche de reclassement pèse sur l'administration et le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit en ne diligentant pas une mesure d'instruction sur ce point et en inversant la charge de la preuve ; - l'impossibilité de le reclasser ne peut justifier une décision d'admission d'office à la retraite ; - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce que la société La Poste aurait dû, avant de le placer à la retraite d'office faute de pouvoir le reclasser, rechercher si un aménagement de son poste n'était pas possible, notamment car il est reconnu travailleur handicapé au sens de l'article 5 de la directive n°2000/78/CE ; - les dispositions de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires et du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ne prévoient pas d'obligation d'aménagement du poste, en méconnaissance de l'article 5 de la directive n° 2000/78/CE ; - la société La Poste n'a pas cherché à aménager son poste, en méconnaissance de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de la directive n° 2000/78/CE et de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 ; - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a admis qu'il était possible de placer à la retraite d'office un agent avant l'expiration de la période de disponibilité d'office de trois ans ; il ne pouvait être placé en retraite d'office qu'à compter du 7 mai 2016 ; le délai de reclassement prévu par l'article 46 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 n'a pas été respecté ; l'impossibilité de reclassement ne peut justifier une décision d'admission à la retraite lorsque l'agent refuse l'admission à la retraite et souhaite reprendre le travail ; une disponibilité d'office devait d'abord être prononcée ; la retraite d'office ne peut être prononcée que dans l'hypothèse où l'agent refuse les offres de reclassement ; - la société La Poste a commis une erreur de fait, une erreur de droit et une erreur d'appréciation en estimant qu'il était devenu totalement et définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions ; - les dispositions de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires méconnaissent la directive n° 2000/78/CE et celles des articles 21 et 26 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qu'elles n'imposent qu'un simple constat d'inaptitude et n'imposent pas à l'employeur d'aménager le poste ou d'affecter l'agent sur un autre poste pour lequel il disposerait des compétences et capacités requises ; ces dispositions doivent donc être écartées, seule la directive pouvant être appliquée ; - il a été victime de décisions discriminatoires et vexatoires en raison de son handicap, en méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, du principe d'égalité prévu par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du droit d'obtenir un emploi garanti par l'alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946 ; un avancement dont il avait été informé a été retiré faute pour lui d'avoir repris ses fonctions alors qu'il était encore en congé maladie et en rééducation ; il a dû attendre le 8 décembre 2010 pour obtenir l'attribution d'un congé maladie à plein traitement ; de nombreuses demandes de restitution de trop-perçu lui ont été faites alors même qu'il était en congé maladie ; la société La Poste a refusé de lui communiquer ses bulletins de salaire modifiés ; - il a subi un préjudice moral, qui résulte des conditions vexatoires dans lesquelles sa cessation de fonctions est intervenue, du refus initial de lui octroyer un congé maladie de longue durée, du retrait de la décision d'avancement et de l'incertitude dans laquelle il a été maintenu pendant quatre ans, évalué à un montant de 12 000 euros ; - il doit être indemnisé de ses pertes de traitement pour un montant de 35 940 euros et des pertes d'indemnités et de cotisations pour un montant de 65 035 euros pour la période comprise entre le 1er septembre 2014 et le 22 avril 2019, date à laquelle il aurait dû être admis à la retraite pour limite d'âge ; - il doit être indemnisé du préjudice lié au retrait de son avancement, pour un montant de 7 320 euros ; - il doit être indemnisé du préjudice lié à la perte de majoration de sa pension de retraite pour un montant de 14 400 euros ; - il a subi un préjudice lié à la perte de pension de retraite privée pour un montant de 10 080 euros ; - la société La Poste devra lui reverser la somme de 3 241,98 euros correspondant à un trop perçu restitué à la Mutuelle générale ; - il sollicite le paiement de ses droits acquis individuels à la formation pour un montant de 116,91 euros. Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 juin 2023, le 26 septembre 2023 et le 21 novembre 2023, la société La Poste, représentée par Me Bellanger, avocat, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les conclusions indemnitaires formulées en dernier lieu par M. A... devant le tribunal administratif étaient partiellement irrecevables dès lors qu'elles sont fondées sur un fait générateur distinct et n'ont pas été évoquées, au moins dans leur principe, dans la demande indemnitaire préalable ; la réclamation préalable adressée par M. A... ne portait que sur la méconnaissance de l'obligation de reclassement pesant sur la société La Poste ; par suite, M. A... ne peut plus se prévaloir du refus de promotion, de l'attribution tardive de son congé maladie de longue durée ou de la demande de restitution d'un trop perçu qui sont des faits générateurs distincts ; la seconde demande indemnitaire préalable en date du 27 mai 2020 est sans incidence sur le présent contentieux ; - le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ; il est suffisamment motivé ; - les autres moyens de la requête ne sont pas fondés ; - M. A... n'est pas fondé à solliciter l'indemnisation des divers préjudices qu'il allègue avoir subis. Les parties ont été informées le 30 novembre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices résultant du rappel de trop-perçus versés, de son droit individuel à la formation, de la perte d'indemnités et de la perte de pension se rattachent à des préjudices distincts et ont été introduites postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux (CE, 19 février 2021, n° 439366). Des observations, enregistrées le 6 décembre 2023, ont été présentées sur ce moyen pour M. A.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution, dont la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le préambule de la Constitution de 1946 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux ; - la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ; - le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ; - le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Houllier, - les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique, - et les observations de M. A... et de Me Gueutier, substituant Me Bellanger, pour la société La Poste. Une note en délibéré présentée par M. A... a été enregistrée le 18 janvier 2024. Une note en délibéré présentée pour la société La Poste, par Me Bellanger, avocat, a été enregistrée le 23 janvier 2024. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., qui exerçait les fonctions d'agent de secteur en plateforme colis au centre de colis de Mer (Loir-et-Cher), a été victime, le 7 mai 2010, d'un grave accident, en dehors du service, pour lequel il a été placé en congé de longue maladie du 7 mai 2010 au 6 mai 2013. Il fait appel du jugement du 2 février 2021 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de son admission à la retraite d'office pour inaptitude par une décision du 21 juillet 2014. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, M. A... soutient que le tribunal administratif a omis de répondre à ses moyens tirés de la méconnaissance des articles 1, 2 et 5 du décret du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions. Toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué, notamment de ses points 25 à 27, ainsi que 28 et 29, que les juges de première instance ont répondu aux moyens tirés de la méconnaissance par l'administration de ses obligations en matière de reclassement et de l'irrégularité de la procédure suivie en matière de reclassement, de sorte qu'ils ne peuvent qu'être regardés comme ayant écarté les moyens tirés de la violation des articles 1er et 2 de ce décret. Par ailleurs, contrairement à ce qu'il soutient, M. A... n'avait pas soulevé, en première instance, un moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 de ce même décret. Dans ces conditions, le jugement attaqué n'est pas entaché d'un défaut de réponse à ces moyens et est suffisamment motivé. 3. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit, d'appréciation et de qualification juridique des faits ainsi que des dénaturations commises par le tribunal pour demander l'annulation du jugement attaqué. Sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices qui résulteraient de l'illégalité de décisions distinctes de la décision d'admission à la retraite du 21 juillet 2014 et à l'indemnisation de chefs de préjudices consistant dans la perte du droit individuel à la formation, la perte de pension résultant du manque de trimestres et la perte d'indemnités de traitement : 4. En premier lieu, la décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. Par suite, la victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation. Elle peut, en outre, avant l'expiration du délai de recours, demander réparation des conséquences dommageables d'autres faits générateurs à condition que le contentieux ait été lié à la date à laquelle le juge statue. En revanche, après l'expiration de ce délai, elle n'est pas recevable à demander réparation des conséquences dommageables de faits générateurs distincts de ceux qu'elle a invoqués dans ce délai. 5. La société La Poste soutient que l'augmentation, devant le tribunal administratif, de la somme demandée en réparation des préjudices allégués par M. A... est irrecevable dès lors qu'elle se rattache à des faits générateurs distincts de celui qu'il avait invoqué dans la réclamation préalable du 23 avril 2018 et qu'elle est constitutive de demandes nouvelles irrecevables. 6. D'une part, il résulte de l'instruction que, dans sa réclamation indemnitaire préalable du 23 avril 2018, de même que dans sa demande introductive d'instance, M. A... a sollicité l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence de l'illégalité de la décision du 21 juillet 2014 prononçant son admission à la retraite d'office pour inaptitude. S'il y évoque également d'autres décisions, telles que le refus d'avancement, l'attribution tardive du congé de longue maladie et le rappel de trop-perçus, ces décisions ne sont évoquées qu'au titre du contexte et les préjudices invoqués n'y sont jamais directement reliés. 7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... a demandé, par un mémoire du 18 mai 2010, l'indemnisation des préjudices nés de la discrimination en raison de son handicap dont il aurait été victime révélée par ces trois décisions. Ces conclusions, présentées en cours d'instance devant le tribunal administratif après l'expiration du délai de recours contentieux, ont été introduites tardivement, sans qu'importe la circonstance que M. A... a formé, le 27 mai 2020, une nouvelle réclamation préalable par laquelle il a demandé expressément l'indemnisation des préjudices nés de ces autres décisions. 8. Par suite, les conclusions tendant à ce que la société La Poste indemnise le préjudice résultant de ces trois décisions, notamment les conclusions ayant pour effet de porter à 12 000 euros le montant du préjudice moral, sont irrecevables. 9. En second lieu, si une fois expiré le délai de deux mois visé au point 4, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur que celui invoqué dans la réclamation préalable, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur. 10. Il n'est fait exception à ce qui est dit au point précédent que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation. 11. Dans ce cas, la victime peut, si le juge administratif est déjà saisi par elle du litige indemnitaire né du refus opposé à sa réclamation, ne pas saisir l'administration d'une nouvelle réclamation et invoquer directement l'existence de ces dommages devant le juge administratif saisi du litige en premier ressort afin que, sous réserve le cas échéant des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle, il y statue par la même décision. 12. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. A... a détaillé et augmenté, en cours d'instance devant le tribunal administratif et après l'expiration du délai de recours contentieux, le montant de ses prétentions indemnitaires et, notamment, du préjudice matériel dont il fait état. Toutefois, les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices consistant dans la perte du droit individuel à la formation, la perte de pension résultant du manque de trimestres et la perte des indemnités de traitement, dont l'existence était connue avant l'introduction du recours contentieux devant le tribunal administratif, se rattachent à des préjudices distincts ou à des chefs de préjudice qui ne se sont pas aggravés depuis la décision de rejet, et sont, par suite, tardives. Dès lors, M. A..., qui n'a pas même évoqué ces chefs de préjudice avant l'expiration du délai de recours contentieux, est irrecevable à en demander l'indemnisation. 13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ces conclusions. Sur le surplus des conclusions indemnitaires : En ce qui concerne les illégalités fautives entachant la décision du 21 juillet 2014 : 14. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance. (...) ". Selon l'article 27 du décret susvisé du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. / Le fonctionnaire qui, à l'expiration de son congé de maladie, refuse sans motif valable lié à son état de santé le ou les postes qui lui sont proposés peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire ". 15. D'autre part, selon l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans sa version applicable au litige : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l'article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. / Il peut être procédé au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'alinéa premier du présent article par la voie du détachement dans un corps de niveau équivalent ou inférieur. Dès qu'il s'est écoulé une période d'un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le corps de détachement ". Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'administration, après avis du médecin de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un emploi de son grade, dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer les fonctions correspondantes ". Selon l'article 2 de ce même décret : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps ". 16. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé. Si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. Il n'en va autrement que si l'état de santé du fonctionnaire le rend totalement inapte à l'exercice de toute fonction. 17. En premier lieu, M. A... soutient que la procédure préalable à sa mise à la retraite d'office est entachée de plusieurs irrégularités tirées de la méconnaissance des articles 7 et 19 du décret susvisé du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaire dès lors qu'aucun comité médical régulièrement constitué n'a précédé la commission de réforme de juillet 2013, qu'il n'a pas été informé de la date de ce comité médical, de la possibilité de se voir communiquer son dossier et des voies de recours ainsi que de la possibilité de faire intervenir le médecin de son choix, que le médecin de prévention n'a pas été consulté préalablement à la séance du comité médical et que la commission de réforme n'a pas été précédée d'une consultation du médecin du travail. Ces moyens visent le comité médical qui s'est réuni le 2 mai 2013 et la commission de réforme qui s'est réunie le 4 juillet 2013. Il résulte toutefois de l'instruction qu'à l'issue de ces deux séances, la société La Poste, qui n'avait alors pris aucune décision quant à l'admission à la retraite de M. A..., a décidé de procéder à une nouvelle instruction de la situation de l'intéressé qui a donné lieu à une nouvelle réunion de la commission de réforme le 12 juin 2014. Seule cette dernière séance est d'ailleurs visée par la décision du 21 juillet 2014 prononçant son admission à la retraite d'office. Dans ces conditions, M. A... ne peut utilement se prévaloir des irrégularités entachant le cas échéant la réunion du comité médical du 2 mai 2013 et celle de la commission de réforme le 4 juillet 2013, alors qu'aucune décision d'admission à la retraite ne peut être regardée comme ayant été prise entre le 4 juillet 2013 et le 21 juillet 2014. 18. En deuxième lieu, M. A... soutient que la société La Poste a entaché sa décision d'une erreur de fait et d'appréciation dès lors qu'il n'était pas devenu totalement et définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions. Toutefois, il ressort des certificats médicaux produits, notamment ceux du médecin du travail, que M. A..., après un grave accident ayant occasionné un traumatisme crânien sévère et ayant nécessité une longue période de rééducation, a été reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions antérieures, compte tenu des conditions d'exercice desdites fonctions et de la dégradation de ses facultés cognitives. Par suite, c'est à bon droit, et sans se contredire, que le tribunal administratif a jugé que M. A... était devenu inapte à l'exercice de ses fonctions, sans que cette inaptitude ne lui interdise néanmoins l'exercice d'autres fonctions, ainsi que cela ressort des pièces médicales proposant un temps partiel thérapeutique et des aménagements de poste. 19. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. / 2. Dans le domaine d'application des traités et sans préjudice de leurs dispositions particulières, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite ". En vertu de l'article 26 de cette Charte : " L'Union reconnaît et respecte le droit des personnes handicapées à bénéficier de mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté ". Selon l'article 5 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail : " Aménagements raisonnables pour les personnes handicapées / Afin de garantir le respect du principe de l'égalité de traitement à l'égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus. Cela signifie que l'employeur prend les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d'accéder à un emploi, de l'exercer ou d'y progresser, ou pour qu'une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l'employeur une charge disproportionnée. Cette charge n'est pas disproportionnée lorsqu'elle est compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée dans l'État membre concerné en faveur des personnes handicapées ". 20. M. A... soutient que les dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions méconnaissent l'article 5 de la directive 2000/78/CE et les articles 21 et 26 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'elles n'imposent pas l'aménagement du poste ou le reclassement de l'agent. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984, ainsi que des dispositions des articles 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 et 27 de la loi du 11 janvier 1984, tels que modifiés par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, que le droit interne prévoit des mesures d'adaptation de poste et de reclassement avant de prononcer la mise à la retraite d'office d'un agent devenu inapte à l'exercice de ses fonctions, ces dernières étant déterminantes dans l'appréciation de l'aptitude de l'agent. Par suite, aucune méconnaissance de ces dispositions du droit de l'Union européenne ne peut être relevée. 21. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la société La Poste aurait cherché à adapter le poste de M. A... avant de l'admettre à la retraite d'office pour inaptitude. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que la décision de mise à la retraite d'office a été prise en méconnaissance des dispositions précitées. 22. En cinquième lieu, M. A... soutient qu'il n'a pas été invité à présenter une demande de reclassement, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 2 du décret du 30 novembre 1984. S'il résulte de l'instruction que M. A... a, à plusieurs reprises, manifesté son souhait de reprendre le travail à mi-temps thérapeutique, ces demandes ne sauraient être regardées comme des demandes de reclassement dans un emploi d'un autre corps. Par suite, il est fondé à soutenir que ces dispositions ont été méconnues, le privant ainsi d'une garantie substantielle. 23. En sixième lieu, la société La Poste soutient avoir effectué, sans succès, des recherches de reclassement pour M. A... et se prévaut à cet égard d'un courrier envoyé le 18 novembre 2013 avec coupon-réponse à 306 antennes de La Poste dans toute la France. Toutefois, d'une part, ce courrier indique que le médecin de contrôle préconise un reclassement " sur un poste protégé à temps partiel : sur des travaux sur documents papiers, sur écran (1/4h toutes les 2 heures), sur des travaux en position assise, sur comptage de CP, sans manutention, en horaires mixtes, sans pression temporelle " sans évoquer " le contrôle des plombages des camions, du trafic " ni la circonstance que les travaux peuvent être réalisés en position assise alternée avec utilisation de la bicyclette pour les déplacements sur la plateforme. D'autre part, si la société La Poste soutient qu'elle a transmis ce courrier à 306 antennes dans toute la France, elle se borne à produire une liste de sites, non datée, sans preuve d'envoi ou accusés de réception, alors qu'aucun coupon-réponse n'a été retourné, même avec des réponses négatives. Enfin, ce courrier, qui ne posait aucune date limite de réponse, aurait été envoyé le 18 novembre 2013, moins d'un mois avant la décision de la commission de reclassement qui s'est réunie le 16 décembre 2013. Dans ces conditions, si, contrairement à ce que soutient M. A..., il résulte des dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions, qu'après avoir constaté l'impossibilité de reclasser un agent devenu physiquement inapte à ses fonctions, l'administration peut l'admettre d'office à la retraite, la société La Poste ne saurait en l'espèce être regardée comme ayant rempli ses obligations de recherche de reclassement au profit de M. A.... 24. En dernier lieu, aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 susvisé : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. / (...) ". En outre, selon l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / La durée de la disponibilité prononcée d'office ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. / Toutefois, si, à l'expiration de la troisième année de disponibilité, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical prévu par la réglementation en vigueur qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions ou faire l'objet d'un reclassement avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement ". 25. Il résulte de ces dispositions, ainsi que des textes cités aux points 14 et 15, que l'agent reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions, ne peut être admis à la retraite d'office pour inaptitude qu'après avoir été reconnu inapte à l'exercice de toute fonction. En l'espèce, il résulte de l'instruction que si M. A... n'était plus apte à exercer ses fonctions d'agent de secteur en plateforme colis, il demeurait apte à l'exercice d'autres fonctions ainsi que cela ressort des divers certificats médicaux, y compris du médecin du travail, préconisant une reprise à temps partiel thérapeutique avec aménagement des tâches. Dans ces conditions, la société La Poste ne pouvait admettre d'office M. A... à la retraite pour inaptitude avant l'expiration du délai de mise en disponibilité d'office prévu par les dispositions précitées. 26. Il résulte de ce qui précède qu'en édictant la décision du 21 juillet 2014, la société La Poste a commis plusieurs illégalités fautives de nature à engager sa responsabilité. En ce qui concerne la réparation des préjudices nés de l'illégalité de la décision du 21 juillet 2014 : 27. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises. 28. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction. 29. En premier lieu, M. A... soutient que la décision du 21 juillet 2014 lui a causé un préjudice moral qu'il a évalué, dans sa demande introductive d'instance, à 10 000 euros. Il fait ainsi valoir que sa mise à la retraite d'office est intervenue dans des conditions vexatoires, a été, compte tenu de la procédure suivie, source d'incertitudes et a eu des retentissements négatifs sur sa santé psychologique alors qu'il espérait reprendre des fonctions dans un environnement professionnel qu'il affectionnait. Par suite, et eu égard aux conditions, rappelées aux points précédents, dans lesquelles la retraite de M. A... a été décidée, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en fixant la somme due par la société La Poste à 8 000 euros, incluant les intérêts et la capitalisation des intérêts. 30. En deuxième lieu, M. A... se prévaut des pertes de revenus résultant de son admission à la retraite d'office dès lors que la pension qu'il perçoit est inférieure au traitement auquel il aurait eu droit s'il avait repris des fonctions. M. A... soutient également que s'il n'avait pas été admis à la retraite d'office, il aurait bénéficié d'un avancement d'échelon qui lui aurait permis de faire progresser son salaire. Toutefois, il résulte de l'instruction que si M. A... n'était pas devenu inapte à toute fonction, son état de santé et l'incapacité permanente partielle de 45 % dont il est affecté ne lui permettaient pas de reprendre des fonctions à temps complet et qu'il était nécessaire de procéder à des aménagements significatifs de son poste de travail ou de rechercher un reclassement, sans qu'il ne soit possible de déterminer dans quelle temporalité ou conditions matérielles cette reprise de fonctions serait intervenue, ni si elle lui aurait permis de bénéficier de l'avancement envisagé. Dans ces conditions, dès lors que la société La Poste a commis une faute en ne recherchant pas, réellement, un aménagement de poste ou un reclassement au profit de M. A... et eu égard aux conditions fixées par le médecin de prévention, notamment d'une reprise à temps partiel thérapeutique, et de son précédent niveau de traitement, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à la somme de 15 000 euros incluant les intérêts et la capitalisation des intérêts. 31. En dernier lieu, M. A... soutient que la décision du 21 juillet 2014, rendue alors qu'il avait atteint l'âge de soixante ans, l'a privé de la possibilité d'obtenir un départ en retraite anticipé pour carrière longue dès lors qu'il ne justifiait que de 159 trimestres sur les 165 nécessaires. Il résulte effectivement de l'instruction que, faute d'avoir été autorisé à reprendre le travail, M. A... a été privé de la possibilité de cotiser les six trimestres manquants. Par suite, M. A... est fondé à demander l'indemnisation de ce poste de préjudice dont il sera fait une juste appréciation en le fixant à la somme de 1 400 euros incluant les intérêts et la capitalisation des intérêts. 32. Il résulte de ce qui précède que la société La Poste doit être condamnée à verser à M. A..., en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'illégalité fautive de la décision du 21 juillet 2014, la somme de 24 400 euros y compris tous intérêts et capitalisation échus à la date du présent arrêt. 33. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la réparation des préjudices nés de l'illégalité de la décision du 21 juillet 2014. Sur les conclusions à fin d'injonction : 34. Il résulte de ce qui précède que le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint à la société La Poste de verser à M. A... la rente annuelle de cotisation retraite payable à terme échu à compter d'avril 2013. Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société La Poste demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société La Poste une somme de 2 000 euros à verser à M. A... sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n°1802618 du 2 février 2021 du tribunal administratif d'Orléans est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. A... tendant à la réparation des préjudices nés de l'illégalité de la décision du 21 juillet 2014. Article 2 : La société La Poste est condamnée à verser à M. A... la somme de 24 400 euros, tous intérêts et capitalisation échus à la date du présent arrêt. Article 3 : La société La Poste versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la société anonyme La Poste. Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente de chambre, M. Camenen, président assesseur, Mme Houllier, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024. La rapporteure, S. HoullierLa présidente, C. Signerin-IcreLa greffière, C. Fourteau La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 21VE01032
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 06/02/2024, 21TL04757, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite du ministre de la justice rejetant sa demande du 25 juin 2019 tendant à la cessation des agissements répétés de harcèlement moral dont elle a été victime, au bénéfice de la protection fonctionnelle à raison de faits allégués de harcèlement moral, à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'infirmité dont elle souffre, à l'affectation au service des rétentions administratives des moyens matériels et humains nécessaires à son bon fonctionnement, et à ce que ses horaires de travail soient en toutes circonstances conformes aux règles applicables en matière de temps de travail, d'enjoindre au ministre de la justice, sous astreinte de 100 euros par jour, de faire en sorte que cessent les agissements répétés de harcèlement moral dont elle est victime, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison des faits allégués de harcèlement moral, de reconnaître l'imputabilité au service de l'infirmité dont elle souffre, d'affecter au service des rétentions administratives les moyens matériels et humains nécessaires à son bon fonctionnement, et de veiller à ce que ses horaires de travail soient en toutes circonstances conformes aux règles applicables en matière de temps de travail et de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°1903640 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2021, sous le n°21MA04757 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04757, et un mémoire, enregistré le 17 avril 2023, qui n'a pas été communiqué, Mme C..., représentée par Me Belaïche, demande à la cour : 1°) d'infirmer le jugement en date du 12 octobre 2021 du tribunal administratif de Nîmes ; 2°) d'annuler la décision implicite du ministre de la justice rejetant sa demande du 25 juin 2019 tendant à la cessation des agissements répétés de harcèlement moral dont elle a été victime, au bénéfice de la protection fonctionnelle à raison de faits allégués de harcèlement moral, à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'infirmité dont elle souffre, à l'affectation au service des rétentions administratives des moyens matériels et humains nécessaires à son bon fonctionnement, et à ce que ses horaires de travail soient en toutes circonstances conformes aux règles applicables en matière de temps de travail ; 3°) d'enjoindre à l'administration, sous astreinte de 100 euros par jour, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison des faits allégués de harcèlement moral et de reconnaître l'imputabilité au service de l'infirmité dont elle souffre ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a subi des agissements constitutifs de harcèlement moral ; par voie de conséquence, l'administration était tenue de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ; - elle est victime d'une discrimination liée au handicap et les dispositions de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 ont, par conséquent, été méconnues ; - contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, elle a adressé à son service une déclaration de maladie professionnelle accompagnée du formulaire précisant les circonstances de cette maladie et des certificats médicaux en indiquant la nature ; la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite et est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'administration était tenue de soumettre sa demande d'imputabilité au service de sa maladie au comité médical ; - l'administration n'a pas mis en œuvre les moyens humains et matériels lui permettant d'assurer ses fonctions dans de bonnes conditions ; - la décision attaquée méconnaît les dispositions du 2° de l'article 2 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires et l'administration n'était pas fondée à refuser que ses horaires soient conformes aux règles applicables en matière de temps de travail. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête de Mme C.... Il fait valoir que la situation décrite ne caractérise pas des faits de harcèlement moral justifiant le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par une ordonnance du 20 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., reconnue travailleuse handicapée, a été recrutée en décembre 2016 en tant que contractuelle par le ministère de la justice. Titularisée dans le grade de greffier des services judiciaires, elle a été affectée le 1er septembre 2018 au service de la rétention et des hospitalisations d'office de la cour d'appel de Nîmes. Mme C... a notamment demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la décision par laquelle la directrice déléguée à l'administration régionale judiciaire du service administratif régional de la cour d'appel a implicitement rejeté sa demande du 25 juin 2019 tendant à la cessation des agissements répétés de harcèlement moral dont elle estimait être victime, au bénéfice de la protection fonctionnelle, à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'infirmité dont elle souffrait, à l'affectation à son service des moyens matériels et humains nécessaires à son bon fonctionnement, et à ce qu'il soit veillé à ce que ses horaires de travail soient en toutes circonstances conformes aux règles applicables en matière de temps de travail. Elle relève appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel ce tribunal a rejeté ses demandes d'annulation et d'injonction sous astreinte. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne le harcèlement moral et le refus du bénéfice de la protection fonctionnelle : 2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable à l'espèce : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause (...)/ IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". 3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 4. Mme C... soutient que le service qui lui a été confié n'était pas gérable avec les moyens dont elle disposait, que les reproches, vétilleux, inconsistants ou absurdes adressés par sa hiérarchie relevaient d'une forme de harcèlement et qu'elle a subi, alors qu'elle n'a pas reçu la formation nécessaire à sa prise de poste et n'a pas été consultée pour la mise en place des plannings d'audience, des faits répétés, additionnés avec les dysfonctionnements des outils de travail et la surcharge de travail imposée, constitutifs de harcèlement moral. 5. Toutefois, Mme C... ne conteste pas avoir bénéficié d'un accompagnement lors de sa prise de fonctions et avoir été conviée aux réunions internes portant sur l'organisation du service des rétentions administratives, ainsi que l'a relevé le tribunal. Si elle allègue d'une surcharge de travail, elle ne conteste pas davantage que l'augmentation de capacité du centre de rétention administrative n'a eu que des effets minimes, pendant la période considérée, sur le nombre de dossiers déposés en appel et l'administration a précisé, dès sa défense de première instance que la charge de travail du service était estimée à 0,30 ETP par l'application " OutilGreff ". Mme C... établit certes avoir effectué un volume conséquent d'heures supplémentaires au début de l'année 2019, mais il ressort des pièces du dossier que ces heures supplémentaires ont été indemnisées ou ont fait l'objet d'une récupération, la requérante ayant en outre été invitée à transmettre les états des autres heures supplémentaires effectuées afin de permettre sa rémunération. 6. Si Mme C... soutient ne pas avoir été consultée pour la mise en place de plannings d'audience et autres modalités de fonctionnement du service, cette circonstance, qui est afférente à l'organisation du service, n'est pas, en elle-même, de nature à faire présumer une situation de harcèlement moral. 7. Il ressort des pièces du dossier que l'activité de Mme C... a été contrôlée par sa hiérarchie, qui lui a adressé des convocations à plusieurs entretiens. Au cours de ceux-ci, des explications lui ont notamment été demandées sur les heures supplémentaires qu'elle a déclarées et des consignes lui ont également été données, notamment quant à la préparation et fixation des audiences, au suivi des dossiers sur l'applicatif, au choix du répertoire de l'intranet à privilégier, à l'archivage des minutes ou encore à la restitution des dossiers au tribunal de grande instance. Enfin, à l'occasion de ces entretiens, des reproches ont pu lui être adressés, notamment quant à l'utilisation d'une " boîte mail " non sécurisée. Si Mme C... estime ces observations ou reproches infondés, il ne ressort pas des pièces du dossier que le contrôle de l'activité de l'intéressée aurait pour autant excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Ni le ton, ni la teneur des comptes-rendus faisant suite aux entretiens qui ont eu lieu les 26 mars, 10 et 30 avril 2019, ne sont de nature à faire présumer un harcèlement comme la posture managériale qui s'évince de ceux-ci. De même, en contrôlant la régularité d'un des arrêts de travail de la requérante, l'administration n'a pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 8. Enfin, si Mme C... fait état des dysfonctionnements d'applications informatiques mises à sa disposition, une telle circonstance, à la supposer établie, ne saurait faire présumer une situation de harcèlement moral. 9. Il résulte de ce qui précède que les éléments avancés par Mme C..., pris isolément ou dans leur ensemble, ne permettent pas de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral en lien avec l'exercice de ses fonctions au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Par voie de conséquence, l'administration était fondée à rejeter implicitement la demande de protection fonctionnelle formée par la requérante. En ce qui concerne la discrimination liée au handicap : 10. Aux termes de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983, alors applicable : " I. - Afin de garantir le respect du principe de l'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de développer un parcours professionnel et d'accéder à des fonctions de niveau supérieur ainsi que de bénéficier d'une formation adaptée à leurs besoins tout au long de leur vie professionnelle, sous réserve que les charges consécutives à la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur (...) ". 11. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été recrutée en décembre 2016 comme contractuelle et qu'après une formation initiale de dix-huit mois à l'école nationale des greffes elle a été titularisée le 19 juin 2018 dans le grade de greffier des services judiciaires. Dans ces conditions, en n'accompagnant pas son affectation au service de la rétention et des hospitalisations d'office à compter du 1er septembre 2018 d'une formation destinée à faciliter sa prise de poste, l'administration ne peut être regardée comme ayant méconnu le droit de l'agent au bénéfice d'une formation adaptée à ses besoins tout au long de sa vie professionnelle résultant des dispositions précitées. Par ailleurs, en se bornant à soutenir qu'elle n'a pas été consultée pour l'organisation du service ou à faire état d'une affectation sur un poste sans horaire fixe alors que tel n'est pas le cas, elle n'établit pas l'absence de prise en compte par l'administration des difficultés générées par son handicap dans l'exercice de ses fonctions. En ce qui concerne l'imputabilité au service de la maladie de Mme C... : 12. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal au point 12 du jugement attaqué. 13. En application de l'article 47-2 du décret susvisé du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congé de maladie des fonctionnaires : " Pour obtenir un congé pour invalidité temporaire imputable au service, le fonctionnaire, ou son ayant-droit, adresse par tout moyen à son administration une déclaration d'accident de service, d'accident de trajet ou de maladie professionnelle accompagnée des pièces nécessaires pour établir ses droits./ La déclaration comporte :/ 1° Un formulaire précisant les circonstances de l'accident ou de la maladie. Un formulaire type est mis en ligne sur le site internet du ministère chargé de la fonction publique et communiqué par l'administration à l'agent à sa demande ;/ 2° Un certificat médical indiquant la nature et le siège des lésions résultant de l'accident ou de la maladie ainsi que, s'il y a lieu, la durée probable de l'incapacité de travail en découlant. ". 14. Pour écarter le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision implicite attaquée, le tribunal a retenu qu'il n'était pas allégué et qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la requérante aurait saisi l'administration d'une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie dans les formes prescrites par les dispositions précitées de l'article 47-2 du décret du 14 mars 1986. La requérante se borne en appel à contester la réalité de ce motif en alléguant avoir adressé à son service une déclaration de maladie professionnelle accompagnée du formulaire précisant les circonstances de cette maladie et des certificats médicaux en indiquant la nature. Toutefois, elle ne produit aucun élément corroborant ses allégations et de nature à établir cet envoi. En ce qui concerne les moyens humains et matériels nécessaires au fonctionnement du service : 15. En se bornant à des considérations générales sur " les carences humaines et matérielles dont souffre la justice ", la requérante ne conteste pas utilement la réponse du tribunal à son argumentation tirée de ce que l'administration n'aurait pas mis en œuvre les moyens humains et matériels lui permettant d'assurer ses fonctions dans de bonnes conditions. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal au point 15 du jugement attaqué. En ce qui concerne le décompte des heures de travail : 16. Mme C... reprend en appel le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article 2 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires, sans critique utile du jugement sur ce point. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal aux points 16 et 17 du jugement attaqué. 17. Par ailleurs, si la requérante invoque également une durée quotidienne de travail à plusieurs reprises excessive, la méconnaissance de temps de pause après six heures de travail ou du droit au repos minimum le 30 avril 2019, les éléments produits ne permettent pas de corroborer ses affirmations alors, au demeurant, que sa hiérarchie a relevé qu'elle ne respectait pas la charte des temps notamment en ne débadgeant pas le midi et/ ou le soir, créant des anomalies dans le logiciel de suivi et obligeant à une veille continuelle. 18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent également qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme C... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente, M. Teulière, premier conseiller, Mme Arquié, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M. M. A... La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21TL04757
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 06/02/2024, 21TL24200, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite de rejet née du silence du président du syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège sur sa demande tendant à la régularisation de sa situation à compter du 28 septembre 2016, d'enjoindre au syndicat de la réintégrer dans ses effectifs sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un délai de 3 mois suivant la notification du jugement à intervenir, d'enjoindre au syndicat de régulariser sa situation et de reconstituer sa carrière sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un délai de 3 mois suivant la notification du jugement à intervenir, d'enjoindre au syndicat de lui verser un demi-traitement à compter du 28 septembre 2016, de condamner le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice matériel et moral ainsi que de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°1900171 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n°21BX04200, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL24200, et un mémoire en réplique, enregistré le 26 avril 2023, qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représenté par Me Denis, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 17 septembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande préalable du 25 septembre 2018 et l'arrêté du 9 février 2017 la plaçant en retraite d'office ; 3°) d'enjoindre au syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège, de la réintégrer dans ses effectifs sous astreinte de 200 euros par jour de retard dont la cour fixera la date d'effet, de lui enjoindre de prendre un nouvel arrêté de placement en congé de longue durée du 28 septembre 2016 au 27 septembre 2019 sous astreinte de 200 euros par jour de retard dont la cour fixera la date d'effet et de lui verser en conséquence le demi-traitement mensuel correspondant avec prise en charge de la part mutuelle au titre des frais de santé, de lui enjoindre de reconstituer sa carrière sous astreinte de 200 euros par jour de retard dont la cour fixera la date d'effet ; 4°) de condamner le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège à lui verser une somme de 5 000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice matériel et moral ; 5°) de mettre à la charge du syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les premiers juges ont commis une erreur de droit en retenant une durée du congé de longue durée de 6 ans dont 3 ans à plein traitement et 3 ans à demi-traitement alors que cette durée est portée à 8 ans dont 5 ans de plein traitement lorsque la maladie à l'origine du congé est imputable au service ; elle n'a pas été rétablie dans ses droits par le syndicat alors qu'elle pouvait prétendre, à la suite du jugement du tribunal du 6 mars 2018, à un nouvel arrêté la plaçant à demi-traitement du 28 septembre 2016 au 27 septembre 2019 ; - en considérant qu'elle n'a jamais contesté son placement en retraite pour invalidité, les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation des faits de l'espèce et une erreur de droit ; l'arrêté du 9 février 2017 ne lui a pas été notifié en sorte qu'aucun délai de contestation ne trouve à s'appliquer ; cet arrêté a été pris en exécution de la décision illégale du syndicat refusant de considérer sa maladie comme imputable au service ; cette position étant illégale ainsi qu'il résulte du jugement du 6 mars 2018, l'arrêté pris sur ce fondement est lui-même illégal ; sa maladie ayant été reconnue imputable au service, tous les actes fondés sur une position contraire, à l'instar de l'arrêté du 9 février 2017, doivent être annulés ; en conséquence, elle devait être replacée dans la situation dans laquelle elle aurait dû être si le syndicat avait initialement reconnu l'imputabilité de sa maladie et elle aurait dû continuer à bénéficier d'un congé de longue durée ; elle a clairement contesté son placement en retraite dans la lettre du 25 septembre 2018 ; - le tribunal ne pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation ou de droit, rejeter sa demande indemnitaire en concluant à l'absence d'illégalité fautive ; il ne peut être considéré que le syndicat était contraint par l'arrêté du 9 février 2017, pris sur une base illégale, et sa décision de ne pas prendre un nouvel arrêté, revenant sur celui du 9 février 2017, est illégale ; le syndicat devra lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2022, le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège, représenté par l'AAAPI Larrouy-Castera et Cadiou, agissant par Me Cadiou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la demande d'annulation de l'arrêté du 9 février 2017, présentée pour la première fois en cause d'appel, est irrecevable ; - à considérer même que le tribunal se serait mépris sur la durée du congé de longue durée auquel avait droit l'intéressée, ce n'est pas le motif qu'il a retenu pour rejeter sa requête ; - Mme A... n'a jamais sollicité, dans sa lettre du 25 septembre 2018, l'annulation de l'arrêté du 9 février 2017 ; une éventuelle contestation de cet acte, par voie d'action ou d'exception, aurait été tardive ; - la demande indemnitaire, au-delà de son caractère infondé, était irrecevable, en l'absence de décision sur la demande indemnitaire préalable à la date du jugement. Par une ordonnance du 30 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Larrouy-Castera, représentant le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., adjoint administratif territorial, recrutée comme secrétaire administrative par le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège le 1er janvier 2010 et placée en arrêt de travail à compter du 28 septembre 2011, a sollicité que sa pathologie soit reconnue comme imputable au service par une lettre du 25 novembre 2011. Par un jugement n°1500531 en date du 6 mars 2018 devenu définitif, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du président du syndicat en date des 21 octobre 2014, 21 octobre 2015 et 25 mai 2016 portant placement en congé de longue durée en tant qu'ils refusaient de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... et lui versaient un demi-traitement et a enjoint à cette autorité de verser à Mme A... son plein traitement sur la période allant du 12 septembre 2014 au 27 septembre 2016. Par un arrêté en date du 28 novembre 2016, le président du syndicat a maintenu la requérante à demi-traitement sur la période postérieure au 27 septembre 2016 dans l'attente de sa mise à la retraite pour invalidité, et, par un arrêté du 9 février 2017, l'a admise à la retraite pour invalidité. Par une lettre en date du 25 septembre 2018, dont le syndicat a accusé réception le 26 septembre 2018, Mme A... a sollicité sa réintégration dans les effectifs du syndicat, la régularisation de sa situation administrative ainsi que le bénéfice des traitements dont elle a été privée depuis le 28 septembre 2016. Cette demande a été implicitement rejetée. Mme A... a alors demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite de rejet de son employeur, d'enjoindre à ce dernier de la réintégrer dans ses effectifs, de régulariser sa situation, de reconstituer sa carrière et de lui verser un demi-traitement à compter du 28 septembre 2016, ainsi que de condamner le syndicat à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement du 17 septembre 2021, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne les fins de non-recevoir : 2. D'une part et ainsi que le fait valoir le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège, la demande d'annulation de l'arrêté du 9 février 2017, est nouvelle en appel, et par suite, irrecevable. 3. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...)/ Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle.(...) ". En l'espèce, à la date du jugement contesté, aucune décision, implicite ou explicite, de l'administration statuant sur la réclamation indemnitaire préalable de Mme A... en date du 19 juillet 2021, n'était encore née. Par suite, le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège est fondé à soutenir que les conclusions indemnitaires de la requête de Mme A... n'étaient pas recevables. En ce qui concerne la décision implicite de rejet opposée à la demande du 25 septembre 2018 de régularisation de la situation de l'agent : 4. Aux termes de l'article 30 du décret susvisé du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / (...) / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. (...) ". Aux termes de l'article 31 de ce décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / (...) / La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales peut, à tout moment, obtenir la communication du dossier complet de l'intéressé, y compris les pièces médicales. Tous renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis au présent titre pourront être communiqués, sur leur demande, aux services administratifs dépendant de l'autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision ainsi qu'à ceux de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / (...) ". Aux termes de l'article 36 de ce décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. ". Aux termes de l'article 39 de ce décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30.(...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire territorial, ayant épuisé ses droits aux congés de maladie, de longue maladie et de longue durée, se trouve définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, il est admis à la retraite, soit d'office, soit à sa demande, après avis de la commission de réforme. 6. Pour contester la décision implicite de rejet de sa demande de régularisation de sa situation, Mme A... persiste à soutenir que sa maladie ayant été reconnue imputable au service par le jugement précité du tribunal administratif de Toulouse du 6 mars 2018, tous les actes fondés sur une position contraire, tel l'arrêté du 9 février 2017 l'admettant à la retraite d'office, sont illégaux et qu'en conséquence, elle aurait dû être replacée dans la situation dans laquelle elle se trouverait si le syndicat avait initialement reconnu, dès l'année 2014, l'imputabilité au service de sa maladie et qu'elle aurait dû continuer, après le 28 septembre 2016, à bénéficier d'un congé de longue durée, dont la durée est portée à huit ans dont cinq ans de plein traitement lorsque, comme en l'espèce, la maladie à l'origine du congé est imputable au service. Toutefois et contrairement à ce qu'elle soutient, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 9 février 2017, qui comportait l'indication des voies et délais de recours, lui a été notifié dès le 22 février suivant et Mme A..., si elle a mentionné, à côté de sa signature, se réserver le droit de le contester, n'établit, par aucun élément, l'avoir effectivement fait par l'exercice d'un recours administratif ou juridictionnel dans le délai de recours de droit commun. Par suite, cet acte est devenu définitif et Mme A... n'était plus, dès lors, recevable à exciper de son illégalité, dans sa demande du 25 septembre 2018 ou à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet en litige. En outre, Mme A..., dans sa lettre du 25 septembre 2018, s'est bornée à indiquer que l'arrêté du 9 février 2017 et sa mise à la retraite ne sont intervenus qu'en raison du refus fautif de l'administration de reconnaître sa maladie comme imputable au service et que sa mise à la retraite ne serait pas intervenue si l'administration avait accepté sa demande de reconnaissance d'imputabilité, sans expressément solliciter l'abrogation ou le retrait de l'arrêté du 9 février 2017. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est, par ailleurs, pas contesté que le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège a entièrement exécuté le jugement précité du 6 mars 2018, lequel avait seulement enjoint à l'administration de rétablir le plein traitement de Mme A... sur la période allant du 12 septembre 2014 au 27 septembre 2016, le président du syndicat a pu, sans commettre d'excès de pouvoir, implicitement refuser de faire droit à la demande de régularisation de la situation de l'agent qui lui était soumise, en considération de sa précédente décision du 9 février 2017 portant mise à la retraite pour invalidité de l'agent, devenue définitive. 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes d'annulation et d'injonction sous astreinte, ni à se plaindre du rejet de sa demande indemnitaire. Par voie de conséquence, ses conclusions d'appel à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent également qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande Mme A... sur ce fondement. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux ayants droit de Mme B... A... et au syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège. Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, M. Teulière, premier conseiller, Mme Arquié, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024. Le rapporteur, T. Teulière La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet de l'Ariège en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°21TL24200
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 06/02/2024, 22MA02792, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 5 décembre 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, d'autre part, d'ordonner une expertise avant dire droit aux fins d'évaluer ses infirmités, enfin, d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer ses droits à pension et de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2003838 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 novembre 2022 et le 20 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Tierny, demande à la Cour : 1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 septembre 2022 ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 5 décembre 2017 ; 3°) d'ordonner une expertise avant dire droit afin d'évaluer ses infirmités, outre l'infirmité psychiatrique ; 4°) d'ordonner le réexamen de ses droits à pension ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision en litige est entachée d'illégalités externes, dès lors qu'elle a été prise sans examen de l'atteinte à son état général ni du trouble psychiatrique dont il souffre, et que les avis du médecin chargé des pensions et de la commission médicale consultative des 16 juin et 6 septembre 2017 ne sont pas motivés, faute de porter sur ces mêmes points ; - la ministre des armées a commis une erreur de fait en s'appuyant sur certaines conclusions d'expertise au détriment d'autres, alors que toutes se contredisent ; - cette contradiction justifie que soit ordonnée une expertise médicale avant dire droit se prononçant sur l'ensemble des troubles fonctionnels et sur l'atteinte à l'état général, ainsi que sur l'infirmité psychiatrique. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que le moyen de l'insuffisance de motivation des avis d'experts est irrecevable, comme l'a jugé le tribunal, et que les autres moyens ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 18 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 novembre 2023, à 12 heures, puis reportée au 21 décembre 2023 à 12 heures, par une ordonnance du 8 novembre 2023. Par une lettre du 8 janvier 2024, la Cour a informé les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen, présenté par le requérant dans son mémoire devant le tribunal le 4 avril 2022, soit après l'expiration du délai de recours contentieux, relevant d'une cause juridique distincte des moyens développés dans sa requête introductive d'instance, et tiré de l'irrégularité de la décision en litige liée à ce que les expertises dont sa demande de pension a fait l'objet n'ont pas tenu compte de l'ensemble des infirmités qu'il dit avoir invoquées. Par une lettre du 8 janvier 2024, la Cour a demandé au ministre des armées, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de communiquer l'intégralité de la demande de pension présentée par M. A..., enregistrée le 15 décembre 2016, ainsi que les pièces qui l'accompagnaient, et toute pièce ou élément de nature à démontrer la réception effective de l'ensemble de la demande ainsi que la date de cette réception. Le 15 janvier 2024, le ministre des armées a produit des pièces en réponse à la demande de la Cour, qui ont été communiquées à M. A.... Par une décision du 27 janvier 2023, M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1939, qui a servi dans l'armée française du 1er décembre 1960 au 1er janvier 1962 en qualité de harki, a demandé le 15 décembre 2016 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre d'infirmités liées selon lui à l'accident de service survenu le 15 décembre 1960. Par une décision du 5 décembre 2017, prise après avis de la commission consultative médicale du 6 septembre 2017 et de la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité du 16 novembre 2017, la ministre des armées a rejeté cette demande. Par un jugement du 27 septembre 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, à la désignation d'un expert et au réexamen de ses droits à pension. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la régularité de la procédure d'instruction de la demande de pension : 2. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 3. Pour écarter le moyen, soulevé par M. A... dans son mémoire du 4 avril 2022, et tiré de l'insuffisante motivation des avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 14 juin 2017 et de la commission consultative médicale du 6 septembre 2017, le tribunal a relevé, au point 3 de son jugement, que ce moyen, qui relève d'une cause juridique distincte de celle des moyens présentés dans sa requête introductive, avait été articulé après l'expiration du délai de recours contentieux. Si M. A... reprend ce moyen en cause d'appel, il ne remet pas en cause le motif du point 3 du jugement qu'il attaque. Son moyen d'appel ne peut, dès lors, qu'être écarté. 4. Par ailleurs, l'argumentation de M. A... consistant, depuis son mémoire du 4 avril 2022, à affirmer, au titre des illégalités externes qui entacheraient selon lui la décision en litige, que les expertises médicales auxquelles sa demande a été soumise n'ont pas porté sur toutes les infirmités qu'il a invoquées, relève elle aussi d'une cause juridique distincte de celle invoquée dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal, qui ne portait que sur le bien-fondé de cette décision et sur ses droits à pension. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du jugement attaqué, une telle argumentation est tardive et doit être écartée comme telle. En ce qui concerne l'objet de la demande de pension : 5. En vertu de l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige, les juridictions des pensions, alors compétentes pour connaître des litiges des pensions militaires d'invalidité, ne peuvent être saisies que d'une décision administrative rejetant une demande de pension. 6. Or, il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du dossier de demande de pension, produit par le ministre des armées en réponse à la mesure d'instruction décidée par la Cour sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, non seulement que M. A... n'avait pas mentionné un syndrome subjectif lié à un traumatisme du crâne, à des troubles de l'anxiété, d'affaissement thymique et du sommeil, dans la demande de pension qu'il a présentée au ministre de la défense le 3 octobre 2016 et qui a été enregistrée le 15 décembre 2016, mais encore qu'il n'avait pas accompagné celle-ci du certificat de son psychiatre du 27 janvier 2016 mentionnant de tels troubles. 7. Il suit de là, d'une part, que faute d'avoir lié le contentieux porté d'abord devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, puis devant le tribunal administratif de Marseille, M. A... n'est pas recevable à demander l'octroi de droits à pension au titre de ces troubles, ainsi que le fait valoir le ministre des armées, et d'autre part, qu'il n'est pas fondé à critiquer la décision litigieuse en soutenant, sur le fondement de l'article L. 10 du code des pensions militaires d'invalidité et de victimes de la guerre, qu'elle aurait été prise sans examen de l'atteinte portée à son état général du fait de cette prétendue infirmité. En ce qui concerne les droits à pension de M. A... : 8. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date de la demande de M. A... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L.4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension: / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples (...) ". Aux termes de l'article L. 10 du même code : " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : / a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ". Aux termes de l'article L. 26 du même code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué. ". 9. Il résulte de l'instruction que M. A..., qui a été blessé le 15 décembre 1960 en Algérie, en récupérant un lot de munitions dans une cache, par une grenade au phosphore déjà dégoupillée, a demandé une pension militaire d'invalidité au titre, d'une part, de séquelles de brûlure au front, d'autre part, de séquelles de brûlure au niveau de la main gauche, et enfin, de séquelles de brûlure au niveau du poignet gauche 10. En premier lieu, si dans son certificat du 3 octobre 2016, le médecin expert en orthopédie et traumatologie, qui a examiné M. A..., a proposé de retenir un taux d'invalidité global de 40%, en constatant l'existence de séquelles esthétiques et fonctionnelles post-traumatiques, il ne résulte ni de ce document, ni de l'avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité du 14 juin 2017 qui a proposé de retenir un taux d'invalidité de 10 % pour la première de ces infirmités mais qui a précisé qu'il n'en résultait que des séquelles minimes sans préjudice esthétique, ni d'aucune autre pièce du dossier d'instance, que les troubles de l'esthétique qui résultent de celles-ci, et qui ne correspondent à aucune des hypothèses visées dans le guide-barème d'indemnisation, se traduiraient par des gênes fonctionnelles propres. Par suite, ainsi que l'ont considéré le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité le 14 juin 2017, la commission consultative médicale le 6 septembre 2017 et la commission de réforme le 16 novembre 2017, et en l'absence de toute contradiction entre les différentes pièces médicales contrairement à ce que soutient M. A..., ce dernier ne peut prétendre à l'allocation d'une pension militaire d'invalidité à raison des seules séquelles esthétiques de ses blessures. Il suit de là également que, en l'absence de troubles fonctionnels liés à ces séquelles de brûlure au front, il ne peut utilement soutenir que le taux d'invalidité à lui attribuer à ce titre aurait dû tenir compte de l'atteinte de l'état général comme le prévoit l'article L. 10 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. 11. En deuxième lieu, bien que dans son certificat du 3 octobre 2016, l'expert en orthopédie et traumatologie ait indiqué, au titre des séquelles de brûlure au niveau de la main gauche, que M. A... présente une amyotrophie totale de la loge thénarienne sur un cals vicieux du premier métacarpe à l'origine d'une dégénérescence arthrosique du pouce gauche, sans pour autant en déduire de gêne fonctionnelle, le médecin conseil auprès du consulat de France à Alger a pour sa part considéré que cette " discrète amyotrophie " au niveau de la paume de la main, et la limitation des mouvements de flexion et d'extension, ne s'accompagnent d'aucun réel retentissement fonctionnel. Ainsi, alors même que ce médecin conseil a proposé d'attribuer au titre de cette infirmité un taux d'invalidité de 10 %, c'est sans commettre d'incohérence quant au droit à l'indemnisation de M. A... que la ministre de la défense, conformément à l'avis du médecin en charge des pensions et aux préconisations du guide-barème en matière de blessures causées aux membres supérieurs, a considéré que cette infirmité, qui ne procure à l'intéressé aucune gêne fonctionnelle sensible et pour laquelle il n'y avait donc pas lieu de tenir compte de l'atteinte de l'état général du militaire, ne peut correspondre à un taux d'invalidité égal ou supérieur à 10 %. M. A... ne peut donc prétendre à ce titre à l'octroi de droits à pension. 12. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, aussi bien du certificat médical du 3 octobre 2016, de l'avis du médecin conseil que de celui du médecin en charge des pensions, que les séquelles de brûlure au niveau du poignet gauche que présente M. A... ne se traduisent par aucune anomalie ou gêne fonctionnelle. Par conséquent, l'instruction ne démontrant pas à ce titre l'existence d'une infirmité et n'exigeant donc pas de tenir compte de l'atteinte de l'état général du militaire, M. A... n'est pas fondé à en réclamer une quelconque indemnisation. 13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise avant dire droit, M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y comprises ses conclusions à fin d'injonction et les prétentions au titre des frais liés au litige. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Tierny et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024. N° 22MA027922
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 3ème chambre, 07/02/2024, 22LY00970, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble : 1°) au besoin après expertise ordonnée avant-dire droit, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 juin 2019 par laquelle le président de la communauté de communes de Bièvre Isère a refusé de reconnaître imputable au service la maladie dont elle souffre ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés successifs qui l'ont placée en congé de maladie ordinaire et en disponibilité d'office pour raison de santé ; 3°) d'enjoindre au président de la communauté de communes de Bièvre Isère, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, de reconnaître imputable au service la maladie dont elle souffre, de la mettre dans une position statutaire conforme et de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 20 juillet 2015 ; 4°) d'enjoindre au président de la communauté de communes de Bièvre Isère de diligenter une convocation chez un médecin agréé pour fixer une date de consolidation et un taux d'invalidité ; 5°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Bièvre Isère une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1905018 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 1er avril 2022, Mme A... D..., représentée par Me Kummer, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 janvier 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 26 juin 2019 par laquelle le président de la communauté de communes de Bièvre Isère a refusé de reconnaître imputable au service la maladie dont elle souffre ; 3°) d'enjoindre au président de la communauté de communes de Bièvre Isère, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de reconnaître imputable au service la maladie dont elle souffre, de la mettre dans une position statutaire conforme et de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 20 juillet 2015 ; 4°) d'annuler les arrêtés successifs qui l'ont placée en congé de maladie ordinaire et en disponibilité d'office pour raison de santé ; 5°) d'enjoindre au président de la communauté de communes de Bièvre Isère de diligenter une convocation chez un médecin agréé pour fixer une date de consolidation et un taux d'invalidité ; 6°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise psychiatrique ; 7°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Bièvre Isère une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le lien direct entre sa pathologie et la situation professionnelle délétère dans laquelle elle s'est trouvée placée entre mai et juillet 2015 ne serait pas établi ; - il n'y a pas d'antécédent antérieur ni d'autre circonstance détachable du service ; - dans l'hypothèse où la cour s'estimerait insuffisamment informée, il conviendrait de procéder à une expertise médicale à confier à un psychiatre afin qu'elle puisse faire valoir ses droits à faire constater que la pathologie dont elle est affectée est imputable au service. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, la communauté de communes de Bièvre Isère, représentée par la SELARL Itinéraires Avocat, agissant par Me Verne, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative Elle soutient que : - les moyens soulevés par Mme B... à l'encontre de la décision du 26 juin 2019 ne sont pas fondés : la pathologie dont souffre la requérante ne présente pas de lien direct avec le service ; en tout état de cause, le comportement de la requérante a été de nature à détacher la pathologie du service ; - les conclusions dirigées contre les arrêtés successifs qui ont placé Mme B... en congé de maladie ordinaire et en disponibilité d'office pour raison de santé sont tardives et donc irrecevables ; - les conclusions de Mme B... tendant à la reconstitution de ses droits sociaux et à rémunération sont irrecevables et infondées ; - une expertise n'est ni utile ni nécessaire. Par ordonnance du 4 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - et les observations de Me Kummer pour Mme B... ainsi que celles de Me Cwiklinski pour la communauté de communes Bièvre Isère. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., éducatrice de jeunes enfants, a été employée par la communauté de communes Bièvre Isère en qualité de directrice de crèche au centre Multi-Accueil " Le Pilotin ", situé à Sillans, d'août 2003 à juillet 2017. Elle a présenté des troubles anxio-dépressifs occasionnant des arrêts de travail ininterrompus à compter du 20 juillet 2015, et a sollicité le 28 septembre 2015 que cette pathologie soit reconnue imputable au service. Par un jugement du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé pour défaut de motivation en droit la décision du 30 janvier 2017 par laquelle le président de la communauté de communes Bièvre Isère avait refusé de reconnaître imputable au service cette maladie et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... dans le délai de deux mois. Dans le cadre de l'injonction de réexamen prononcée par le tribunal administratif de Grenoble, le président de la communauté de communes Bièvre Isère a opposé un nouveau refus d'imputabilité le 26 juin 2019. Mme B... relève appel du jugement du 25 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce nouveau refus d'imputabilité, et les arrêtés successifs qui l'ont placée en congé de maladie ordinaire et en disponibilité d'office pour raison de santé, jusqu'à sa mise à la retraite le 1er juillet 2017. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Mme B... impute ses troubles anxio-dépressifs à la situation professionnelle, selon elle, délétère dans laquelle elle s'est trouvée placée entre mai et juillet 2015, et qui a abouti à " la destitution de ses fonctions de directrice de crèche ". 5. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir été alertée au mois de février 2015, par une psychologue extérieure à la collectivité, de faits de souffrance au travail affectant les agents de la crèche que Mme B... dirigeait, la collectivité a organisé le 11 février 2015 une réunion avec les agents travaillant au sein du multi-accueil Pilotin, puis un audit externe, réalisé par un intervenant extérieur, qui a confirmé l'existence de tensions relationnelles entre Mme B... et son équipe. Les conclusions de l'audit auraient été communiquées oralement à Mme B... au cours d'un entretien qui a eu lieu le 16 juillet 2015, élément déclencheur de sa maladie selon la requérante. Le président de la communauté de communes Bièvre Isère a décidé, dans l'intérêt du service, de changer l'affectation de Mme B..., ce dont elle a été informée par un courrier du 28 août 2015. Par un arrêté du 17 décembre 2015, il l'a affectée sur un poste d'éducateur de jeunes enfants " volant " à compter du 1er janvier 2016. Quand bien même elle a eu le sentiment d'avoir subi une attaque personnelle, comme l'indique l'expertise psychiatrique du 15 septembre 2016 diligentée par la commission de réforme, il ressort du jugement définitif n° 1600635 du tribunal administratif de Grenoble du 27 mars 2018, confirmant la légalité de ce changement d'affectation, que cette décision a été prise dans l'intérêt du service, pour mettre fin au climat délétère qui lui était directement imputable. Ce jugement relève que Mme B... a eu un comportement inadapté, soit à l'égard de certains agents, qui consistait à les contredire publiquement dans leur pratique professionnelle, à les dévaloriser et à entamer leur confiance en eux-mêmes, soit à l'égard de certains parents et d'enfants en faisant des remarques inappropriées, en faisant preuve d'une sévérité excessive à l'endroit de très jeunes enfants ou, au contraire, en les confrontant à un comportement ambivalent pour remettre en cause l'autorité des agents de la crèche. Par suite, et quand-bien même il n'a pas été sanctionné, le comportement de Mme B... constitue la cause déterminante de la dégradation et du caractère conflictuel de ses relations de travail. Il en résulte, alors même qu'elle n'avait pas d'antécédent à sa pathologie, que le syndrome anxio-dépressif dont elle souffre résulte d'un fait personnel conduisant à détacher la survenance de la maladie du service. 6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... ne disposait d'aucun droit pour être placée en congé de maladie imputable au service. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les des arrêtés successifs qui l'ont placée en congé de maladie ordinaire et en disponibilité d'office pour raison de santé devraient être annulés pour ce seul motif et par voie de conséquence. 7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la communauté de communes de Bièvre Isère ni d'ordonner une expertise, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Bièvre Isère, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de ladite communauté de communes présentées au titre de ces mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes de Bièvre Isère présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et à la communauté de communes de Bièvre Isère. Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2024. La rapporteure, Bénédicte LordonnéLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY00970
Cours administrative d'appel
Lyon