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Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre , 26/05/2011, 10PA01799, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2010, présentée pour M. Robert A, demeurant ... et M. Bernard A, demeurant ..., par Me Archambault ; les consorts A demandent à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 0704528/7-2 en date du 12 février 2010 par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) à leur verser la somme de 400 000 euros (soit 200 000 euros chacun) en réparation du préjudice subi par leurs frère et soeur, du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation, d'autre part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à leur verser la somme de 50 000 euros chacun au titre du préjudice qu'ils ont subi ; 2°) de se déclarer compétente à l'égard de la SNCF ; 3°) de condamner solidairement l'Etat et la SNCF à leur verser, en leur qualité d'ayant droit, la somme de 200 000 euros chacun au titre du préjudice subi par leurs frère et soeur du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation ; 4°) de condamner solidairement l'Etat et la SNCF à leur verser une somme de 50 000 euros chacun au titre de leur préjudice propre ; 5°) à titre subsidiaire, de constater la violation par l'Etat des engagements pris au nom de l'Etat par le Président de la République le 16 juillet 1995, de constater le caractère fautif de cette violation, de constater la responsabilité de l'Etat et l'obliger à indemniser les requérants de la violation des engagements ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat et la SNCF, solidairement, la somme de 15 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ................................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ; Vu l'avis rendu par l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat le 16 février 2009 ; Vu la décision de la cour européenne des droits de l'homme (cinquième section) du 24 novembre 2009, n° 49637 et suivants, rendue dans les affaires J.H. et autres contre la France ; Vu la Constitution, notamment son Préambule ; Vu le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et le protocole signé à Berlin le 6 octobre 1945 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ; Vu l'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialistes ; Vu l'accord du 18 janvier 2001 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique relatif à l'indemnisation de certaines spoliations intervenues pendant la seconde guerre mondiale (ensemble trois annexes et un échange de notes), ainsi que les accords sous forme d'échanges de lettres en date des 7 et 10 août 2001, 30 et 31 mai 2002, 2 février 2005 et 21 février 2006 qui l'ont interprété ou modifié ; Vu le code pénal ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle, ensemble les ordonnances du 14 novembre 1944, 21 avril 1945 et 9 juin 1945 prises pour son application ; Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ; Vu l'ordonnance du 16 octobre 1944 relative à la restitution par l'administration des domaines de certains biens mis sous séquestre ; Vu l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés ; Vu l'ordonnance n° 45-948 du 11 mai 1945 modifiée par l'ordonnance n° 45-2413 du 18 octobre 1945, réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, ensemble ses décrets d'application n° 45-1105 du 30 mai 1945, n° 45-1447 du 29 juin 1945 et n° 46-1242 du 27 mai 1946 ; Vu la loi n° 46-1117 du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de guerre, ensemble son décret d'application n° 47-1249 du 7 juillet 1947 ; Vu la loi n° 48-978 du 16 juin 1948 portant aménagements fiscaux, notamment son article 44 ; Vu la loi n° 48-1404 du 9 septembre 1948 définissant le statut et les droits des déportés et internés politiques, ensemble son décret d'application n° 50-325 du 1er mars 1950 ; Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ; Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, notamment son article 106 ; Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, notamment son article 112 ; Vu le décret n° 61-971 du 29 août 1961 portant répartition de l'indemnité prévue en application de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne, en faveur des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécutions national-socialistes ; Vu le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une Commission pour l'indemnisation des victimes des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ; Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ; Vu le décret du 26 décembre 2000 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2011 : - le rapport de Mme Folscheid, rapporteur, - les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public, - et les observations de Me Poitvin, pour la SNCF ; Considérant que, par courriers recommandés en date du 29 décembre 2006, les consorts A ont saisi le directeur général de la SNCF et le préfet de Paris d'une demande préalable d'indemnisation, d'une part, des préjudices subis du fait des conditions inhumaines dans lesquelles leurs frère et soeur ont été transportés vers le camp d'internement de Drancy où ils sont décédés en 1943, d'autre part, des préjudices dont ils ont eux-mêmes été directement victimes ; que ces courriers sont restés sans réponse de la part de la SNCF et des services de l'Etat ; que les consorts A relèvent appel de l'ordonnance du 12 février 2010 par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à leur verser la somme de 400 000 euros (soit 200 000 euros chacun) en réparation du préjudice subi par leurs frère et soeur, du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation, d'autre part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à leur verser à chacun la somme de 50 000 euros au titre du préjudice qu'ils ont personnellement subi ; Sur les conclusions dirigées contre la SNCF : Considérant que le juge administratif n'est compétent pour connaître de conclusions tendant à mettre en jeu la responsabilité quasi-délictuelle d'une personne morale de droit privé que si le dommage se rattache à l'exercice par cette dernière de prérogatives qui lui ont été conférées pour l'exécution de la mission de service public dont elle a été investie ou dans les cas où cette personne a agi à la place de l'Etat ; Considérant que, eu égard aux conditions dans lesquelles ont été effectués entre 1940 et 1944 les transports des personnes victimes de persécutions antisémites depuis les gares proches des centres de détention administrative jusqu'aux gares desservant les camps de transit puis, à partir de ceux-ci et jusqu'aux frontières françaises, vers les camps de concentration, la SNCF ne peut être regardée comme ayant disposé d'autonomie dans l'organisation de ces transports et comme ayant eu recours, pour effectuer ceux-ci, à des prérogatives de puissance publique dont l'exercice serait à l'origine des dommages considérés ; que la SNCF ne peut davantage être regardée comme ayant reçu mandat de l'Etat pour exécuter aux lieu et place de celui-ci la déportation des victimes ; qu'enfin, les agissements par lesquels l'Etat a contribué à la mise en oeuvre de la déportation ne peuvent être assimilés à des opérations de police administrative, auxquelles la SNCF aurait participé ; qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la SNCF dans les transports ferroviaires ayant précédé ou permis la déportation ne peut être recherchée devant le juge administratif ; que, par suite, les consorts A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a jugé que leurs conclusions à fin de condamnation de la SNCF doivent être rejetées, comme ayant été portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; Sur les conclusions dirigées contre l'Etat : En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat et la compétence de la juridiction administrative pour en connaître : Considérant que l'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental a expressément constaté la nullité de tous les actes de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif ; que ces dispositions n'ont pu avoir pour effet de créer un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements commis par les autorités et services de l'Etat dans l'application de ces actes ; que, tout au contraire, en sanctionnant l'illégalité manifeste de ces actes qui, en méconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine tels qu'ils sont consacrés par le droit public français, ont établi ou appliqué une telle discrimination, les dispositions de l'ordonnance du 9 août 1944 ont nécessairement admis que les agissements d'une exceptionnelle gravité auxquels ces actes ont donné lieu avaient le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il en résulte que cette responsabilité est engagée en raison des dommages causés par les agissements qui, ne résultant pas d'une contrainte directe de l'occupant, ont permis ou facilité la déportation, à partir de la France, de personnes victimes de persécutions antisémites ; qu'il en va notamment ainsi des arrestations, internements et convoiement à destination des camps de transit qui ont été la première étape de la déportation de ces personnes vers des camps de concentration dans lesquels la plupart d'entre elles ont été exterminées ; que le juge administratif est compétent pour connaître des actions en réparation engagées contre l'Etat à raison de ces agissements ; En ce qui concerne le préjudice : Considérant que le préjudice né des fautes ainsi commises par l'Etat français est incommensurable ; qu'il est fait de la somme des préjudices individuels d'une extrême gravité, physiques, moraux et matériels, subis par les déportés et par leurs proches ; qu'il comprend encore une dimension générale et universelle, dès lors que, par les actes et agissements qui ont contribué à la déportation de 76 000 juifs de France, dont 11 000 enfants, l'Etat a violé, alors même qu'il lui appartenait d'en être le garant, les valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice : Considérant que les consorts A ont estimé à 400 000 euros le préjudice subi par leurs deux frère et soeur du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation, et à 50 000 euros chacun le préjudice individuel qu'ils ont eux-mêmes subi ; qu'ils font valoir que s'ils ont bénéficié, à l'exception de tout autre dispositif d'indemnisation, des dispositions du décret du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites pour un montant de 27 440, 82 euros, cette mesure n'a pas permis la réparation intégrale du préjudice subi par leur fratrie et par eux-mêmes ; Considérant, d'une part, que, si la mise en cause de la responsabilité de l'Etat a été rendue possible par la reconnaissance solennelle de celle-ci par le Président de la République, le 16 juillet 1995, au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation, puis par les décisions de justice prises en ce sens, plus de cinquante ans après les faits, par les juridictions françaises, cette reconnaissance n'a pas altéré la nature et l'étendue des préjudices dont les consorts A demandent réparation ; Considérant, d'autre part, que, eu égard au caractère en tous points exceptionnel des préjudices nés des actes et agissements antisémites de l'Etat pendant l'occupation, il est impossible de rétablir, de quelque manière que ce soit, l'équilibre détruit par le dommage et de parvenir à la réparation intégrale des préjudices subis par les requérants et par leurs frère et soeur ; Considérant, cependant, que, pour compenser les préjudices individuels matériels et moraux subis par les victimes de la déportation et par leurs ayants droit, l'Etat a pris une série de mesures, telles que des pensions, des indemnités, des aides ou des mesures de réparation ; que bien qu'elles aient procédé d'une démarche très graduelle et reposé sur des bases largement forfaitaires, ces mesures sont comparables tant par leur nature que dans leur montant, à celles adoptées par les autres Etats européens dont les autorités ont commis de semblables agissements ; que, par ailleurs, la réparation des souffrances exceptionnelles endurées par les personnes victimes des persécutions antisémites ne pouvait se borner à des mesures d'ordre financier, la dimension incommensurable du préjudice abolissant le principe de la réparation par équivalence, dissipant l'idée qu'un tel préjudice puisse être annihilé ou simplement éteint par la voie purement indemnitaire ; qu'une telle oeuvre de réparation appelait la reconnaissance solennelle du préjudice collectivement subi par ces personnes, du rôle joué par l'Etat dans leur déportation ainsi que du souvenir que doivent à jamais laisser, dans la mémoire de la nation, leurs souffrances et celles de leurs familles ; que cette reconnaissance a été accomplie par un ensemble d'actes et d'initiatives des autorités publiques françaises et successivement, par l'adoption par le Parlement de la loi du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, tels qu'ils avaient été définis par la charte du Tribunal international de Nuremberg, par la reconnaissance solennelle par le Président de la République, le 16 juillet 1995, lors de la cérémonie commémorant la grande rafle du Vélodrome d'hiver des 16 et 17 juillet 1942, de la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation des personnes que la législation de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français avait considérées comme juives, par la reconnaissance d'utilité publique le 26 décembre 2000 de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, actes rejoints par la publication au Journal officiel de la République française de l'avis rendu par le Conseil d'Etat le 16 février 2009 ; Considérant que, prises dans leur ensemble, ces dispositions doivent être regardées comme ayant permis, autant qu'il est possible, la réparation, dans le respect des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que par l'article 1 de son premier protocole additionnel, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu la cour européenne des droits de l'homme dans sa décision susvisée du 24 novembre 2009, des préjudices de toute nature causés aux consorts A et à leurs frère et soeur par les actions de l'Etat qui ont concouru à la déportation ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à l'imprescriptibilité, que les consorts A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; D E C I D E : Article 1er : La requête des consorts A est rejetée. '' '' '' '' 5 N° 10PA03855 2 N° 10PA01799
Cours administrative d'appel
Paris
Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre , 26/05/2011, 10PA02665, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2010, présentée pour M. Victor A, demeurant ..., par Me Amalric-Zermati ; M. A demande à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 0702637/7-2 en date du 29 mars 2010 par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi par ses mère, grand-mère, soeurs et cousines du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation ainsi que du préjudice qu'il a lui-même subi ; 2°) de se déclarer compétente à l'égard de la SNCF ; 3°) de condamner solidairement l'Etat et la SNCF à lui verser la somme de 200 000 euros au titre du préjudice qu'il a subi ; 4°) à titre subsidiaire, de constater la violation par l'Etat des engagements pris au nom de l'Etat par le Président de la République le 16 juillet 1995, de constater le caractère fautif de cette violation, de constater la responsabilité de l'Etat et l'obliger à indemniser le requérant de la violation des engagements ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SNCF, solidairement, la somme de 15 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; .................................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ; Vu l'avis rendu par l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat le 16 février 2009 ; Vu la décision de la cour européenne des droits de l'homme (cinquième section) du 24 novembre 2009, n° 49637 et suivants, rendue dans les affaires J.H. et autres contre la France ; Vu la Constitution, notamment son Préambule ; Vu le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et le protocole signé à Berlin le 6 octobre 1945 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ; Vu l'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialistes ; Vu l'accord du 18 janvier 2001 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique relatif à l'indemnisation de certaines spoliations intervenues pendant la seconde guerre mondiale (ensemble trois annexes et un échange de notes), ainsi que les accords sous forme d'échanges de lettres en date des 7 et 10 août 2001, 30 et 31 mai 2002, 2 février 2005 et 21 février 2006 qui l'ont interprété ou modifié ; Vu le code pénal ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle, ensemble les ordonnances du 14 novembre 1944, 21 avril 1945 et 9 juin 1945 prises pour son application ; Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ; Vu l'ordonnance du 16 octobre 1944 relative à la restitution par l'administration des domaines de certains biens mis sous séquestre : Vu l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés ; Vu l'ordonnance n° 45-948 du 11 mai 1945 modifiée par l'ordonnance n° 45-2413 du 18 octobre 1945, réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, ensemble ses décrets d'application n° 45-1105 du 30 mai 1945, n° 45-1447 du 29 juin 1945 et n° 46-1242 du 27 mai 1946 ; Vu la loi n° 46-1117 du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de guerre, ensemble son décret d'application n° 47-1249 du 7 juillet 1947 ; Vu la loi n° 48-978 du 16 juin 1948 portant aménagements fiscaux, notamment son article 44 ; Vu la loi n° 48-1404 du 9 septembre 1948 définissant le statut et les droits des déportés et internés politiques, ensemble son décret d'application n° 50-325 du 1er mars 1950 ; Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ; Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, notamment son article 106 ; Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, notamment son article 112 ; Vu le décret n° 61-971 du 29 août 1961 portant répartition de l'indemnité prévue en application de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne, en faveur des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécutions national-socialistes ; Vu le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une Commission pour l'indemnisation des victimes des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ; Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ; Vu le décret du 26 décembre 2000 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2011 : - le rapport de Mme Folscheid, rapporteur, - les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public, - et les observations de Me Poitvin, pour la SNCF ; Considérant que, par courriers recommandés en date du 9 février 2007, M. A a saisi la SNCF et le préfet de Paris d'une demande préalable d'indemnisation du préjudice subi par sa mère, sa grand-mère, ses deux soeurs et ses deux cousines du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation ainsi que du préjudice dont il a lui-même été directement victime à raison des séquelles psychologiques provoquées par l'arrestation puis la déportation des membres de sa famille ; que ces courriers sont restés sans réponse de la part de la SNCF et des services de l'Etat ; que M. A relève appel de l'ordonnance du 29 mars 2010 par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi par les membres de sa famille et par lui-même ; Sur les conclusions dirigées contre la SNCF : Considérant que le juge administratif n'est compétent pour connaître de conclusions tendant à mettre en jeu la responsabilité quasi-délictuelle d'une personne morale de droit privé que si le dommage se rattache à l'exercice par cette dernière de prérogatives qui lui ont été conférées pour l'exécution de la mission de service public dont elle a été investie ou dans les cas où cette personne a agi à la place de l'Etat ; Considérant que, eu égard aux conditions dans lesquelles ont été effectués entre 1940 et 1944 les transports des personnes victimes de persécutions antisémites depuis les gares proches des centres de détention administrative jusqu'aux gares desservant les camps de transit puis, à partir de ceux-ci et jusqu'aux frontières françaises, vers les camps de concentration, la SNCF ne peut être regardée comme ayant disposé d'autonomie dans l'organisation de ces transports et comme ayant eu recours, pour effectuer ceux-ci, à des prérogatives de puissance publique dont l'exercice serait à l'origine des dommages considérés ; que la SNCF ne peut davantage être regardée comme ayant reçu mandat de l'Etat pour exécuter aux lieu et place de celui-ci la déportation des victimes ; qu'enfin, les agissements par lesquels l'Etat a contribué à la mise en oeuvre de la déportation ne peuvent être assimilés à des opérations de police administrative, auxquelles la SNCF aurait participé ; qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la SNCF dans les transports ferroviaires ayant précédé ou permis la déportation ne peut être recherchée devant le juge administratif ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a jugé que leurs conclusions à fin de condamnation de la SNCF doivent être rejetées, comme ayant été portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; Sur les conclusions dirigées contre l'Etat : En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat et la compétence de la juridiction administrative pour en connaître : Considérant que l'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental a expressément constaté la nullité de tous les actes de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif ; que ces dispositions n'ont pu avoir pour effet de créer un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements commis par les autorités et services de l'Etat dans l'application de ces actes ; que, tout au contraire, en sanctionnant l'illégalité manifeste de ces actes qui, en méconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine tels qu'ils sont consacrés par le droit public français, ont établi ou appliqué une telle discrimination, les dispositions de l'ordonnance du 9 août 1944 ont nécessairement admis que les agissements d'une exceptionnelle gravité auxquels ces actes ont donné lieu avaient le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il en résulte que cette responsabilité est engagée en raison des dommages causés par les agissements qui, ne résultant pas d'une contrainte directe de l'occupant, ont permis ou facilité la déportation, à partir de la France, de personnes victimes de persécutions antisémites ; qu'il en va notamment ainsi des arrestations, internements et convoiement à destination des camps de transit qui ont été la première étape de la déportation de ces personnes vers des camps de concentration dans lesquels la plupart d'entre elles ont été exterminées ; que le juge administratif est compétent pour connaître des actions en réparation engagées contre l'Etat à raison de ces agissements ; En ce qui concerne le préjudice : Considérant que le préjudice né des fautes ainsi commises par l'Etat français est incommensurable ; qu'il est fait de la somme des préjudices individuels d'une extrême gravité, physiques, moraux et matériels, subis par les déportés et par leurs proches ; qu'il comprend encore une dimension générale et universelle, dès lors que, par les actes et agissements qui ont contribué à la déportation de 76 000 juifs de France, dont 11 000 enfants, l'Etat a violé, alors même qu'il lui appartenait d'en être le garant, les valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice : Considérant que M. A a estimé à 200 000 euros les préjudices subis tant par les membres de sa famille du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation que par lui-même ; qu'il fait valoir qu'il n'a pas bénéficié du dispositif d'indemnisation prévu par les dispositions du décret du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et que les indemnisations forfaitaires évoquées par le tribunal administratif de Paris n'ont pas permis la réparation intégrale du préjudice subi par sa famille et par lui-même ; Considérant, d'une part, que, si la mise en cause de la responsabilité de l'Etat a été rendue possible par la reconnaissance solennelle de celle-ci par le Président de la République, le 16 juillet 1995, au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation, puis par les décisions de justice prises en ce sens, plus de cinquante ans après les faits, par les juridictions françaises, cette reconnaissance n'a pas altéré la nature et l'étendue des préjudices dont M. A demande réparation ; Considérant, d'autre part, que, eu égard au caractère en tous points exceptionnel des préjudices nés des actes et agissements antisémites de l'Etat pendant l'occupation, il est impossible de rétablir, de quelque manière que ce soit, l'équilibre détruit par le dommage et de parvenir à la réparation intégrale des préjudices subis par les requérants et par leurs parents ; Considérant, cependant, que, pour compenser les préjudices individuels matériels et moraux subis par les victimes de la déportation et par leurs ayants droit, l'Etat a pris une série de mesures, telles que des pensions, des indemnités, des aides ou des mesures de réparation ; que bien qu'elles aient procédé d'une démarche très graduelle et reposé sur des bases largement forfaitaires, ces mesures sont comparables tant par leur nature que dans leur montant, à celles adoptées par les autres Etats européens dont les autorités ont commis de semblables agissements ; que, par ailleurs, la réparation des souffrances exceptionnelles endurées par les personnes victimes des persécutions antisémites ne pouvait se borner à des mesures d'ordre financier, la dimension incommensurable du préjudice abolissant le principe de la réparation par équivalence, dissipant l'idée qu'un tel préjudice puisse être annihilé ou simplement éteint par la voie purement indemnitaire ; qu'une telle oeuvre de réparation appelait la reconnaissance solennelle du préjudice collectivement subi par ces personnes, du rôle joué par l'Etat dans leur déportation ainsi que du souvenir que doivent à jamais laisser, dans la mémoire de la nation, leurs souffrances et celles de leurs familles ; que cette reconnaissance a été accomplie par un ensemble d'actes et d'initiatives des autorités publiques françaises et successivement, par l'adoption par le Parlement de la loi du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, tels qu'ils avaient été définis par la charte du Tribunal international de Nuremberg, par la reconnaissance solennelle par le Président de la République, le 16 juillet 1995, lors de la cérémonie commémorant la grande rafle du Vélodrome d'hiver des 16 et 17 juillet 1942, de la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation des personnes que la législation de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français avait considérées comme juives, par la reconnaissance d'utilité publique le 26 décembre 2000 de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, actes rejoints par la publication au Journal officiel de la République française de l'avis rendu par le Conseil d'Etat le 16 février 2009 ; Considérant que, prises dans leur ensemble, ces dispositions doivent être regardées comme ayant permis, autant qu'il est possible, la réparation, dans le respect des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que par l'article 1 de son premier protocole additionnel, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu la cour européenne des droits de l'homme dans sa décision susvisée du 24 novembre 2009, des préjudices de toute nature causés à M. A et à sa famille par les actions de l'Etat qui ont concouru à la déportation ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à l'imprescriptibilité, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A est rejetée. '' '' '' '' 5 N° 10PA03855 2 N° 10PA02665
Cours administrative d'appel
Paris
Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre , 26/05/2011, 09PA05651,10PA04066, Inédit au recueil Lebon
Vu, I, sous le n° 09PA05651, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 septembre 2009 et 24 novembre 2009, présentés pour Mme Rebia veuve et M. Cheikh , demeurant ..., par la SCP Lyon-Caen-Fabiani-Thiriez ; Mme veuve et M. demandent à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 0301227/5-2 en date du 5 septembre 2008 par laquelle le vice-président de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du Premier ministre rejetant leur demande présentée le 3 février 2002 en vue de la revalorisation de la pension de retraite et de la retraite du combattant dont était titulaire M. Mohamed , leur mari et père ; à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique de leur verser en leur qualité d'héritiers, les arrérages dus jusqu'à la date du décès de M. , survenu le 20 mars 1993 et d'assortir le versement des arrérages des intérêts moratoires capitalisés ; d'enjoindre aux ministres compétents d'accorder à Mme Rebia veuve la réversion des avantages que percevait son époux, revalorisés et assortis des intérêts capitalisés ; à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 50 000 euros au titre des dommages et intérêts à raison de la résistance de l'Etat ; de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 2°) d'annuler la décision implicite précitée du Premier ministre ; 3°) d'enjoindre aux ministres compétents de leur verser, en leur qualité d'héritiers, les arrérages des pensions servies jusqu'à la date du décès de M. , survenu le 20 mars 1993, avec les intérêts de droit et la capitalisation, ainsi que d'accorder à Mme Rebia veuve la réversion des avantages que percevait son époux, revalorisés et assortis des intérêts capitalisés ; 4°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 50 000 euros au titre des dommages et intérêts à raison de la résistance de l'Etat ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à la SCP Lyon-Caen-Fabiani-Thiriez qui s'engage à renoncer en cas de condamnation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ; .................................................................................................................... Vu, II, sous le n° 10PA04066, la requête enregistrée au greffe du Conseil d'Etat le 3 mars 2009 et le 9 août 2010 au greffe de la Cour, présentée par Mme Rebia veuve et M. Cheikh , demeurant ... ; Mme veuve et M. demandent à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 0301227/5-2 en date du 5 septembre 2008 par laquelle le vice-président de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du Premier ministre rejetant leur demande en date du 3 février 2002 de revalorisation de la pension de retraite et de la retraite du combattant dont était titulaire M. Mohamed , leur mari et père ; à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique de leur verser en leur qualité d'héritiers, les arrérages dus jusqu'à la date du décès de M. , survenu le 20 mars 1993 et d'assortir le versement des arrérages des intérêts moratoires capitalisés ; d'enjoindre aux ministres compétents d'accorder à Mme veuve la réversion des avantages que percevait son époux, revalorisés et assortis des intérêts capitalisés ; à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 50 000 euros au titre des dommages et intérêts à raison de la résistance de l'Etat ; de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 2°) d'annuler la décision implicite précitée du Premier ministre ; 3°) d'enjoindre au Premier ministre, au besoin sous astreinte, sur le fondement des articles L. 911-1 du code de justice administrative de faire droit à leurs demandes ou, en tout état de cause, de procéder au réexamen de celle-ci ; 4°) d'enjoindre au Premier ministre de procéder à la revalorisation de leur pension et au versement des arrérages de cette pension actualisés au taux légal ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ..................................................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; Vu la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2011 : - le rapport de Mme Julliard, rapporteur, - les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public, - et les observations de Me Laffargue, pour les consorts ; Considérant que, sous le n° 09PA05651 et sous le n° 10PA04066, Mme veuve et M. demandent l'annulation de la même ordonnance et que ces requêtes, présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ; Considérant que Mme veuve et M. relèvent appel de l'ordonnance du 5 septembre 2008 par laquelle le vice-président de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du Premier ministre rejetant leur demande du 3 février 2002 aux fins de revalorisation de la pension de retraite et de la retraite du combattant dont était titulaire M. Mohamed , leur mari et père, à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique de leur verser, en leur qualité d'héritiers, les arrérages dus jusqu'à la date du décès de M. , survenu le 20 mars 1993 et d'assortir le versement des arrérages des intérêts moratoires capitalisés, d'enjoindre aux ministres compétents d'accorder à Mme veuve la réversion des avantages que percevait son époux, revalorisés et assortis des intérêts capitalisés, à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 50 000 euros au titre des dommages et intérêts à raison de la résistance de l'Etat, enfin à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Sur la compétence de la Cour : Considérant que, si dans son mémoire en défense enregistré le 7 avril 2011, le ministre de la défense et des anciens combattants soutient que le recours contre l'ordonnance attaquée devait être porté devant le Conseil d'Etat, les conclusions indemnitaires de la requête n'ayant pas donné lieu à une évaluation chiffrée en première instance, par l'ordonnance susvisée du 4 août 2010, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a décidé de renvoyer la requête de Mme veuve et M. devant la Cour de céans ; que cette fin de non recevoir ne peut qu'être rejetée ; Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : (...) Les présidents des formations de jugement peuvent, par ordonnance : (...) 6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'Etat en application de l'article L. 113-1 ; Considérant que la demande de Mme veuve et M. , respectivement veuve et fils de M. , tendait à l'annulation de la décision implicite du Premier ministre rejetant leur demande présentée le 3 février 2002 aux fins de revalorisation de la pension de retraite et de la retraite du combattant dont était titulaire M. , à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique de leur verser, en leur qualité d'héritiers, les arrérages dus jusqu'à la date du décès de M. et d'accorder à Mme veuve la réversion des avantages que percevait son époux, revalorisés et assortis des intérêts capitalisés ; que ces demandes, au soutien desquelles les requérants faisaient notamment valoir la date et la durée du mariage de Mme avec feu M. ainsi que la naissance de leurs enfants, au regard des conditions d'attribution de la pension de réversion, appelaient de la part du premier juge, une appréciation des faits ; qu'ainsi, le vice-président de la 5ème de la section du Tribunal administratif de Paris ne pouvait régulièrement y statuer par une ordonnance prise sur le fondement des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme veuve et M. sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme veuve et M. devant le tribunal administratif ; Sur la fin de non recevoir opposée aux conclusions présentées par les consorts relatives à la pension militaire de retraite et à la pension du combattant : Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 255 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Il est institué pour tout titulaire de la carte du combattant, remplissant les conditions de l'article L. 256 ou de l'article L. 256 bis, une retraite cumulable avec la retraite qu'il aura pu s'assurer par ses versements personnels (...). Cette retraite annuelle, qui n'est pas réversible, est accordée en témoignage de la reconnaissance nationale ; qu'il résulte de ces dispositions, qu'au moment du décès du bénéficiaire de la retraite du combattant, ses ayants droit ne sauraient prétendre à la réversion de cette prestation mais peuvent seulement percevoir éventuellement une somme correspondant aux arrérages de la retraite du combattant qui resteraient encore dus à la date du décès ; Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite : La pension est une allocation pécuniaire, personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires (...). ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en raison du caractère personnel d'une pension de retraite, celle-ci n'est due qu'au titulaire du droit à pension qui en fait la demande ; que ce droit ne constitue ainsi pas une créance qui pourrait être regardée comme un bien transmis aux héritiers lors du décès de ce bénéficiaire, hors le cas où ce dernier s'est prévalu de ce droit avant son décès, sans qu'un refus définitif ne lui ait été opposé ; que, par suite, si le décès du titulaire du droit à pension a normalement pour effet l'extinction définitive de ce droit qui était ouvert à son bénéfice exclusif, ses héritiers ne pouvant se prévaloir de ce droit, sauf pour obtenir le cas échéant une pension de réversion, il en va autrement dans l'hypothèse où le titulaire du droit a réclamé de son vivant, en saisissant l'administration ou en engageant une action contentieuse, la concession ou la revalorisation de sa pension, et qu'il n'a pas été statué définitivement sur sa demande ; Considérant qu'il n'est pas allégué que M. aurait présenté avant son décès, de demande tendant à la revalorisation de ses pensions de retraite ; que, par suite, ni sa veuve ni son fils ne justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir en vue de la revalorisation de ces pensions, qui étaient personnellement servies à M. , et au paiement des arrérages correspondants ; Sur les conclusions présentées par Mme veuve relatives à la pension de réversion : Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'introduction de la présente instance, une pension de réversion a été concédée à Mme veuve avec ouverture du droit à la date du décès de son époux, assortie d'un rappel d'arrérages à compter du 1er janvier 1998 ; qu'ainsi ses conclusions relatives au versement de ladite pension sont, dans cette mesure, devenues sans objet ; Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite : Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la quatrième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux quatre années antérieures ; que Mme veuve produit à l'appui des conclusions relatives à la pension de réversion, un courrier en date du 11 octobre 1993 par lequel le ministère de la défense rejette une demande de pension de réversion du chef de son mari le soldat Mohamed décédé le 24 mars 1993 présentée le 20 mai 1993 par Mme Mohamed , née Rebia le 20 juillet 1943 à ... ; que si le ministre de la défense et des anciens combattants fait valoir le caractère non probant de ce courrier en raison de la différence du nom de jeune fille qui y figure avec celui de la requérante, il résulte de l'instruction, notamment des documents d'état civil produits devant la Cour, que le courrier du 11 octobre 1993 émane bien de Mme veuve ; qu'il en résulte que cette dernière a droit au versement de la pension sollicitée à compter du 25 mars 1993, soit le lendemain du décès de son époux, sans qu'y fassent obstacle les dispositions précitées de l'article L. 53 du même code ; Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à verser la somme de 50 000 euros au titre des dommages et intérêts : Considérant que les requérants ne justifient pas d'un préjudice distinct du non versement de la pension de réversion et des intérêts de retard ; que le présent arrêt fait droit à leurs demandes sur ces deux points ; qu'ainsi, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées ; Sur les conclusions aux fins d'injonction : Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat verse à Mme veuve le rappel des arrérages de la pension militaire de réversion qui lui sont dus pour la période du 25 mars 1993 au 31 décembre 1997, assortis des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande, le 20 mai 1993 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 3 février 2002 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire également droit à cette demande ; Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; Considérant que Mme veuve a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme veuve renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de condamner l'Etat à payer à la SCP Lyon-Caen, Thiriez la somme de 2 000 euros ; qu'il y a lieu, en revanche, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. ; D E C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes des consorts tendant au versement à Mme d'une pension de réversion au titre de la pension militaire de son époux pour la période postérieure au 1er janvier 1998. Article 2 : L'ordonnance du 5 septembre 2008 du vice-président de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris, ensemble la décision implicite du Premier ministre rejetant la demande de Mme veuve tendant à l'octroi d'une pension militaire de réversion à compter du 25 mars 1993, sont annulées. Article 3 : Il est enjoint au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat de verser à Mme veuve le rappel des arrérages de la pension militaire de réversion à compter du 25 mars 1993 jusqu'au 31 décembre 1997, portant intérêt au taux légal à compter du 20 mai 1993. Les intérêts échus à la date du 3 février 2002, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Le ministre tiendra le greffe de la Cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction. Article 4 : L'Etat versera à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme veuve , une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts est rejeté. '' '' '' '' 5 N° 10PA03855 2 Nos 09PA05651, 10PA04066
Cours administrative d'appel
Paris
Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre , 26/05/2011, 10PA02664, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2010, présentée pour M. Georges A, demeurant ..., par Me Amalric-Zermati ; M. A demande à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 0705379/7-2 en date du 29 mars 2010 par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi par son père du fait de son arrestation, de son internement et de sa déportation ainsi que du préjudice qu'il a lui-même subi ; 2°) de se déclarer compétente à l'égard de la SNCF ; 3°) de condamner solidairement l'Etat et la SNCF à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du préjudice qu'il a subi ; 4°) à titre subsidiaire, de constater la violation par l'Etat des engagements pris au nom de l'Etat par le Président de la République le 16 juillet 1995, de constater le caractère fautif de cette violation, de constater la responsabilité de l'Etat et l'obliger à indemniser le requérant de la violation des engagements ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat et la SNCF, solidairement, la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; .................................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ; Vu l'avis rendu par l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat le 16 février 2009 ; Vu la décision de la cour européenne des droits de l'homme (cinquième section) du 24 novembre 2009, n° 49637 et suivants, rendue dans les affaires J.H. et autres contre la France ; Vu la Constitution, notamment son Préambule ; Vu le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et le protocole signé à Berlin le 6 octobre 1945 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ; Vu l'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialistes ; Vu l'accord du 18 janvier 2001 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique relatif à l'indemnisation de certaines spoliations intervenues pendant la seconde guerre mondiale (ensemble trois annexes et un échange de notes), ainsi que les accords sous forme d'échanges de lettres en date des 7 et 10 août 2001, 30 et 31 mai 2002, 2 février 2005 et 21 février 2006 qui l'ont interprété ou modifié ; Vu le code pénal ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle, ensemble les ordonnances du 14 novembre 1944, 21 avril 1945 et 9 juin 1945 prises pour son application ; Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ; Vu l'ordonnance du 16 octobre 1944 relative à la restitution par l'administration des domaines de certains biens mis sous séquestre ; Vu l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés ; Vu l'ordonnance n° 45-948 du 11 mai 1945 modifiée par l'ordonnance n° 45-2413 du 18 octobre 1945, réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, ensemble ses décrets d'application n° 45-1105 du 30 mai 1945, n° 45-1447 du 29 juin 1945 et n° 46-1242 du 27 mai 1946 ; Vu la loi n° 46-1117 du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de guerre, ensemble son décret d'application n° 47-1249 du 7 juillet 1947 ; Vu la loi n° 48-978 du 16 juin 1948 portant aménagements fiscaux, notamment son article 44 ; Vu la loi n° 48-1404 du 9 septembre 1948 définissant le statut et les droits des déportés et internés politiques, ensemble son décret d'application n° 50-325 du 1er mars 1950 ; Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ; Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, notamment son article 106 ; Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, notamment son article 112 ; Vu le décret n° 61-971 du 29 août 1961 portant répartition de l'indemnité prévue en application de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne, en faveur des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécutions national-socialistes ; Vu le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une Commission pour l'indemnisation des victimes des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ; Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ; Vu le décret du 26 décembre 2000 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2011 : - le rapport de Mme Folscheid, rapporteur, - les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public, - et les observations de Me Poitvin, pour la SNCF ; Considérant que M. A relève appel de l'ordonnance du 29 mars 2010 par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté par demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi par son père du fait de son arrestation, de son internement et de sa déportation ainsi que du préjudice qu'il a lui-même subi à raison des séquelles psychologiques provoquées par l'arrestation puis la déportation de son père ; Sur les conclusions dirigées contre la SNCF : Considérant que le juge administratif n'est compétent pour connaître de conclusions tendant à mettre en jeu la responsabilité quasi-délictuelle d'une personne morale de droit privé que si le dommage se rattache à l'exercice par cette dernière de prérogatives qui lui ont été conférées pour l'exécution de la mission de service public dont elle a été investie ou dans les cas où cette personne a agi à la place de l'Etat ; Considérant que, eu égard aux conditions dans lesquelles ont été effectués entre 1940 et 1944 les transports des personnes victimes de persécutions antisémites depuis les gares proches des centres de détention administrative jusqu'aux gares desservant les camps de transit puis, à partir de ceux-ci et jusqu'aux frontières françaises, vers les camps de concentration, la SNCF ne peut être regardée comme ayant disposé d'autonomie dans l'organisation de ces transports et comme ayant eu recours, pour effectuer ceux-ci, à des prérogatives de puissance publique dont l'exercice serait à l'origine des dommages considérés ; que la SNCF ne peut davantage être regardée comme ayant reçu mandat de l'Etat pour exécuter aux lieu et place de celui-ci la déportation des victimes ; qu'enfin, les agissements par lesquels l'Etat a contribué à la mise en oeuvre de la déportation ne peuvent être assimilés à des opérations de police administrative, auxquelles la SNCF aurait participé ; qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la SNCF dans les transports ferroviaires ayant précédé ou permis la déportation ne peut être recherchée devant le juge administratif ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a jugé que ses conclusions à fin de condamnation de la SNCF doivent être rejetées, comme ayant été portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; Sur les conclusions dirigées contre l'Etat : En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat et la compétence de la juridiction administrative pour en connaître : Considérant que l'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental a expressément constaté la nullité de tous les actes de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif ; que ces dispositions n'ont pu avoir pour effet de créer un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements commis par les autorités et services de l'Etat dans l'application de ces actes ; que, tout au contraire, en sanctionnant l'illégalité manifeste de ces actes qui, en méconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine tels qu'ils sont consacrés par le droit public français, ont établi ou appliqué une telle discrimination, les dispositions de l'ordonnance du 9 août 1944 ont nécessairement admis que les agissements d'une exceptionnelle gravité auxquels ces actes ont donné lieu avaient le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il en résulte que cette responsabilité est engagée en raison des dommages causés par les agissements qui, ne résultant pas d'une contrainte directe de l'occupant, ont permis ou facilité la déportation, à partir de la France, de personnes victimes de persécutions antisémites ; qu'il en va notamment ainsi des arrestations, internements et convoiement à destination des camps de transit qui ont été la première étape de la déportation de ces personnes vers des camps de concentration dans lesquels la plupart d'entre elles ont été exterminées ; que le juge administratif est compétent pour connaître des actions en réparation engagées contre l'Etat à raison de ces agissements ; En ce qui concerne le préjudice : Considérant que le préjudice né des fautes ainsi commises par l'Etat français est incommensurable ; qu'il est fait de la somme des préjudices individuels d'une extrême gravité, physiques, moraux et matériels, subis par les déportés et par leurs proches ; qu'il comprend encore une dimension générale et universelle, dès lors que, par les actes et agissements qui ont contribué à la déportation de 76 000 juifs de France, dont 11 000 enfants, l'Etat a violé, alors même qu'il lui appartenait d'en être le garant, les valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice : Considérant que M. A a estimé à 50 000 euros les préjudices subis tant par son père du fait de son arrestation, de son internement et de sa déportation que par lui-même ; qu'il fait valoir qu'il n'a pas bénéficié du dispositif d'indemnisation prévu par les dispositions du décret du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et que les indemnisations forfaitaires évoquées par le Tribunal administratif de Paris n'ont pas permis la réparation intégrale du préjudice subi par son père et par lui-même ; Considérant, d'une part, que, si la mise en cause de la responsabilité de l'Etat a été rendue possible par la reconnaissance solennelle de celle-ci par le Président de la République, le 16 juillet 1995, au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation, puis par les décisions de justice prises en ce sens, plus de cinquante ans après les faits, par les juridictions françaises, cette reconnaissance n'a pas altéré la nature et l'étendue des préjudices dont M. A demande réparation ; Considérant, d'autre part, que, eu égard au caractère en tous points exceptionnel des préjudices nés des actes et agissements antisémites de l'Etat pendant l'occupation, il est impossible de rétablir, de quelque manière que ce soit, l'équilibre détruit par le dommage et de parvenir à la réparation intégrale des préjudices subis par les requérants et par leurs parents ; Considérant, cependant, que, pour compenser les préjudices individuels matériels et moraux subis par les victimes de la déportation et par leurs ayants droit, l'Etat a pris une série de mesures, telles que des pensions, des indemnités, des aides ou des mesures de réparation ; que bien qu'elles aient procédé d'une démarche très graduelle et reposé sur des bases largement forfaitaires, ces mesures sont comparables tant par leur nature que dans leur montant, à celles adoptées par les autres Etats européens dont les autorités ont commis de semblables agissements ; que, par ailleurs, la réparation des souffrances exceptionnelles endurées par les personnes victimes des persécutions antisémites ne pouvait se borner à des mesures d'ordre financier, la dimension incommensurable du préjudice abolissant le principe de la réparation par équivalence, dissipant l'idée qu'un tel préjudice puisse être annihilé ou simplement éteint par la voie purement indemnitaire ; qu'une telle oeuvre de réparation appelait la reconnaissance solennelle du préjudice collectivement subi par ces personnes, du rôle joué par l'Etat dans leur déportation ainsi que du souvenir que doivent à jamais laisser, dans la mémoire de la nation, leurs souffrances et celles de leurs familles ; que cette reconnaissance a été accomplie par un ensemble d'actes et d'initiatives des autorités publiques françaises et successivement, par l'adoption par le Parlement de la loi du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, tels qu'ils avaient été définis par la charte du tribunal international de Nuremberg, par la reconnaissance solennelle par le Président de la République, le 16 juillet 1995, lors de la cérémonie commémorant la grande rafle du Vélodrome d'hiver des 16 et 17 juillet 1942, de la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation des personnes que la législation de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français avait considérées comme juives, par la reconnaissance d'utilité publique le 26 décembre 2000 de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, actes rejoints par la publication au Journal officiel de la République française de l'avis rendu par le Conseil d'Etat le 16 février 2009 ; Considérant que, prises dans leur ensemble, ces dispositions doivent être regardées comme ayant permis, autant qu'il est possible, la réparation, dans le respect des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que par l'article 1 de son premier protocole additionnel, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu la cour européenne des droits de l'homme dans sa décision susvisée du 24 novembre 2009, des préjudices de toute nature causés à M. A et à son père par les actions de l'Etat qui ont concouru à la déportation ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à l'imprescriptibilité, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A est rejetée. '' '' '' '' 5 N° 10PA03855 2 N° 10PA02664
Cours administrative d'appel
Paris
Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 01/06/2011, 339952, Inédit au recueil Lebon
Vu le pourvoi, enregistré le 26 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 0800959 en date du 1er avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Limoges a, à la demande de M. Alfred A, annulé la décision du 12 juin 2008, par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté son recours dirigé contre la fixation à 29 % de sa rente viagère d'invalidité ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; Vu le décret n° 68-756 du 13 août 1968 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Francis Girault, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. Alfred A, - les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. Alfred A ;Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, ancien maitre-ouvrier des établissements de l'éducation nationale, a été radié des cadres pour invalidité le 1er septembre 2006 après avoir été victime en 1980 puis en 2004 d'accidents imputables au service ; qu'il bénéficie au titre de l'accident survenu en 2004 d'une rente viagère d'invalidité définie par l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite attribuée par décision du 21 août 2006 à laquelle s'ajoutent d'une part la pension de retraite dont il est devenu titulaire et d'autre part l'allocation d'invalidité accordée au titre de l'accident de 1980 ; qu'à sa demande, le tribunal administratif de Limoges a annulé, par jugement en date du 1er avril 2010, la décision du 12 juin 2008 par laquelle l'administration a rejeté sa demande de révision du taux de la rente viagère qui lui a été attribuée le 21 août 2006 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT se pourvoit à l'encontre de ce jugement ; Considérant qu'aux termes du chapitre préliminaire servant à l'application du barème indicatif annexé au décret du 13 août 1968 pris en application de l'article L. 28 (3ème alinéa) de la loi du 26 décembre 1964 portant réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite, devant servir à la détermination du pourcentage de l'invalidité résultant de l'exercice des fonctions, il y a lieu, lorsque des infirmités simultanées résultent d'un même événement intéressant des organes ou membres différents et de fonctions distinctes, les infirmités étant classées dans l'ordre décroissant de leur taux, de décompter la première d'après celui du barème et chacune des suivantes proportionnellement à la capacité restante du fonctionnaire telle qu'elle apparaît après chaque opération partielle ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'accident dont M. A a été victime en 2004 est indépendant de celui survenu en 1980 et que l'événement en cause a entraîné pour l'intéressé des troubles rhumatologiques et un traumatisme crânien qui constituent des infirmités simultanées intéressant des organes différents et des fonctions distinctes ; que le tribunal administratif en jugeant que l'administration, pour calculer la rente viagère d'invalidité relative à 2004, devait imputer le taux global d'invalidité de 37 % (27 % au titre des troubles rhumatologiques et 10 % issus du traumatisme crânien) à la capacité restante de M. A après l'accident de 1980 a méconnu la méthode de calcul dite de la validité restante résultant du texte ci-dessus rappelé applicable à M. A ; qu'ainsi les premiers juges ont commis une erreur de droit ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est par suite fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ; Sur les conclusions dirigées contre l'avis de la commission de réforme et contre l'expertise du Dr Croguennec : Considérant que l'expertise diligentée par le Dr Croguennec, à la demande de la commission de réforme de la Corrèze, et l'avis rendu par ladite commission de réforme lors de sa réunion du 5 avril 2007 ne lient pas l'autorité administrative à laquelle appartient le pouvoir de décision ; qu'ils ne constituent donc pas des décisions et sont par suite insusceptibles de recours ; qu'il s'ensuit que les conclusions susvisées de M. A sont irrecevables et doivent être rejetées ; Sur les conclusions dirigées contre la décision du 12 juin 2008 : Considérant qu'aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article ; qu'aux termes de l'article 7 du décret du 6 octobre 1960 : Si la radiation des cadres est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 27 du code des pensions pour aggravation de l'invalidité ayant ouvert droit à l'allocation temporaire, celle-ci est remplacée par la rente d'invalidité prévue à l'article L. 28 dudit code. Le taux d'invalidité à prendre en considération pour le calcul de cette rente est apprécié au jour de la radiation des cadres. / Lorsque la radiation des cadres résulte d'une invalidité imputable au service, mais indépendante de l'infirmité qui a ouvert droit à l'allocation temporaire, celle-ci est maintenue dans les conditions fixées à l'article 5 ou, le cas échéant, au deuxième alinéa de l'article 6 ci-dessus. Dans cette éventualité, la rente d'invalidité prévue à l'article L. 28 du code des pensions ne rémunère que la nouvelle invalidité, appréciée par rapport à la validité restante de l'agent ; Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'après un premier accident de service en janvier 1980, M. A restait atteint d'une invalidité de 18 % ; qu'il est constant que ce n'est pas l'aggravation de cette première invalidité qui a conduit, en septembre 2006, à sa radiation des cadres pour invalidité imputable au service ; que dès lors, en application des dispositions précitées de l'article 7 du décret du 6 octobre 1960, la rente viagère d'invalidité, qui a été attribuée à M. A du fait de son incapacité permanente de continuer le service en raison d'un second accident du 21 septembre 2004, indépendant du premier accident de service, ne pouvait rémunérer que les séquelles résultant de ce second accident et non l'invalidité résultant de l'accident de service de janvier 1980 ; que c'est donc à bon droit que le ministre de l'éducation nationale n'a pas retenu le taux d'invalidité de 18 % affectant M. A en conséquence du premier accident de service ; Considérant, d'autre part, comme il a été dit, que lorsque des infirmités simultanées résultent d'un même événement intéressant des organes ou membres différents et de fonctions distinctes, il y a lieu après avoir classé les infirmités dans l'ordre décroissant de leur taux, d'appliquer la règle de la validité restante ; que cette règle conduit à imputer successivement les taux d'invalidité de 27 % au titre des troubles rhumatologiques et de 10 % au titre des troubles dus au traumatisme crânien aux capacités restantes de M. A ; qu'en procédant ainsi le taux de rente viagère d'invalidité s'établit à 29 % correspondant à celui fixé par l'administration ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise demandée, que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision en date du 12 juin 2008 par laquelle l'administration a rejeté sa demande de révision du taux de la rente viagère qui lui a été attribuée le 21 août 2006 ;D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement en date du 1er avril 2010 du tribunal administratif de Limoges est annulé. Article 2 : La demande de M. A présentée devant le tribunal administratif de Limoges est rejetée. Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. Alfred A.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 27/05/2011, 342238
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 août et 3 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Renée A épouse B, demeurant ... ; Mme B demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement n° 0800344 du 3 juin 2010 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 novembre 2007 par laquelle le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, agissant en qualité de gestionnaire de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), a rejeté sa demande de mise à la retraite avec jouissance immédiate de ses droits à pension à compter du 1er décembre 2007 ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la Caisse des dépôts et consignations le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ; Vu le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Laure Bédier, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme B et de la SCP Odent, Poulet, avocat de la Caisse des dépôts et consignations, - les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme B et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la Caisse des dépôts et consignations ;Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, rendu applicable aux fonctionnaires hospitaliers par l'article 40 de la loi du 21 août 2003, dans sa rédaction applicable à la situation de Mme B : La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...). ; que, selon les dispositions, alors en vigueur, du I de l'article R. 37 du même code, pris pour l'application de l'article L. 24 et rendu applicable aux fonctionnaires hospitaliers par l'article 25 du décret du 26 décembre 2003 : L'interruption d'activité prévue au premier alinéa du 3° du I (...) de l'article L. 24 doit avoir eu une durée continue au moins égale à deux mois et être intervenue alors que le fonctionnaire ou le militaire était affilié à un régime de retraite obligatoire. / Cette interruption d'activité doit avoir eu lieu pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l'adoption et le dernier jour du trente-sixième mois suivant la naissance ou l'adoption. ; qu'en vertu du dernier alinéa du I de l'article R. 37, pour certains enfants énumérés au II de l'article L. 18 du même code, dont ceux du conjoint issus d'un mariage précédent, que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III du cet article, l'interruption ou la réduction d'activité doit intervenir soit avant leur seizième anniversaire, soit avant l'âge où ils ont cessé d'être à charge au sens des articles L. 512-3 et R. 512-2 à R. 512-3 du code de la sécurité sociale. ; Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, d'une part, que le fait d'interrompre son activité pendant au moins deux mois afin de s'occuper des enfants de son conjoint issus d'un précédent mariage de ce dernier et accueillis ensemble dans ce nouveau foyer ouvre droit, pour chacun de ces enfants, au bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que le congé de deux mois ait été pris de façon globale pour l'ensemble de ces enfants, d'autre part, que l'excédent d'au moins deux mois, au-delà de deux mois, d'une période d'interruption d'activité prise au titre d'un enfant peut être pris en compte au titre d'un autre enfant du foyer ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'après avoir relevé que Mme B avait élevé les deux enfants issus du premier mariage de son conjoint et interrompu son activité pendant quatre mois à l'occasion de la naissance de l'enfant qu'elle a eu avec ce dernier, le tribunal administratif d'Orléans a commis une erreur de droit en jugeant qu'elle ne pouvait prétendre à la mise à la retraite avec jouissance immédiate de ses droits à pension, au motif qu'elle n'établissait pas avoir interrompu en outre son activité pour une période de deux mois pour chacun des deux enfants de son conjoint ; que, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme B est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations le versement à Mme B de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 3 juin 2010 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif d'Orléans. Article 3 : La Caisse des dépôts et consignations versera à Mme B la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Renée A épouse B et à la Caisse des dépôts et consignations. Copie en sera adressée au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
Conseil d'Etat
Conseil d'État, Assemblée, 13/05/2011, 316734, Publié au recueil Lebon
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juin et 1er septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Hadda A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement n° 0502427 du 13 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 23 mai 2005 rejetant sa demande de réversion de la pension militaire de retraite de son époux décédé le 12 février 1992, au paiement des arrérages en qualité de veuve depuis le mois de juillet 1992 et des arrérages pour son fils El Mustapha en qualité d'orphelin de la date du décès de son père jusqu'à la date de sa majorité, enfin à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense de procéder au versement de la pension de réversion dans un délai d'un mois suivant la date de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de la SCP Richard, la somme de 3 000 euros en application des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution et, notamment, ses articles 61-1 et 62 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 de finances pour 1960 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ; Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; Vu la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel ; Vu la décision n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011 du Conseil constitutionnel ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Christian Fournier, Maître des requêtes, - les observations de la SCP Richard, avocat de Mme A, - les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public, La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Richard, avocat de Mme A ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, ressortissant marocain ayant servi dans l'armée française du 14 janvier 1938 au 13 janvier 1953, a été admis par arrêté du 14 février 1953 au bénéfice d'une pension militaire de retraite, qui a été transformée en indemnité personnelle et viagère en application des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 de finances pour 1960 ; qu'il a épousé le 14 juin 1956 Mlle Hadda B, ressortissante marocaine ; que sept enfants sont nés de ce mariage ; que Mme A se pourvoit en cassation contre le jugement du 13 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant, en premier lieu, à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 23 mai 2005 rejetant sa demande de réversion de la pension militaire de retraite du chef de son époux décédé le 12 février 1992 avec paiement des arrérages depuis le mois de juillet 1992 et sa demande d'arrérages pour son fils El Mustapha, en qualité d'orphelin, de la date du décès de son père jusqu'à la date de sa majorité et, en second lieu, à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense, sous astreinte, de procéder au versement de la pension de réversion ; Sur le jugement en tant qu'il statue sur le droit à pension de veuve de Mme A : Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation. " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de son article 62 : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause " ; qu'enfin, aux termes du troisième alinéa du même article : " Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. " ; Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 62 de la Constitution qu'une disposition législative déclarée contraire à la Constitution sur le fondement de l'article 61-1 n'est pas annulée rétroactivement mais abrogée pour l'avenir à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que, par sa décision n° 2010-108 QPC en date du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a jugé que " si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration " ; Considérant que, lorsque le Conseil constitutionnel, après avoir abrogé une disposition déclarée inconstitutionnelle, use du pouvoir que lui confèrent les dispositions précitées, soit de déterminer lui-même les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause, soit de décider que le législateur aura à prévoir une application aux instances en cours des dispositions qu'il aura prises pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il appartient au juge, saisi d'un litige relatif aux effets produits par la disposition déclarée inconstitutionnelle, de les remettre en cause en écartant, pour la solution de ce litige, le cas échéant d'office, cette disposition, dans les conditions et limites fixées par le Conseil constitutionnel ou le législateur ; Considérant que, par sa décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, à l'exception de celles de son paragraphe VII ; qu'il a jugé que : " afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, l'abrogation des dispositions précitées prendra effet à compter du 1er janvier 2011 ; afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'au 1er janvier 2011 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision " ; Considérant que, à la suite de cette décision, l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a défini de nouvelles dispositions pour le calcul des pensions militaires d'invalidité, des pensions civiles et militaires de retraite et des retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France et abrogé plusieurs dispositions législatives, notamment celles de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 portant loi de finances pour 1960 ; que, par ailleurs, son paragraphe VI prévoit que " le présent article est applicable aux instances en cours à la date du 28 mai 2010, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l'administration de la demande qui est à l'origine de ces instances " ; qu'enfin, aux termes du XI du même article : " Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2011 " ; Considérant que, comme il a été dit, le Conseil constitutionnel a jugé qu'il appartenait au législateur de prévoir une application aux instances en cours à la date de sa décision des dispositions qu'il adopterait en vue de remédier à l'inconstitutionnalité constatée ; que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 ne se borne pas à déterminer les règles de calcul des pensions servies aux personnes qu'il mentionne, mais abroge aussi des dispositions qui définissent, notamment, les conditions dans lesquelles est ouvert le droit à une pension de réversion ; qu'ainsi, alors même qu'il mentionne seulement la " révision des pensions ", le paragraphe VI de l'article 211 précité doit être regardé comme s'appliquant aussi aux demandes de pension de réversion ; Considérant que, pour statuer sur la demande de pension de réversion présentée par Mme A par le jugement attaqué du 13 décembre 2006, le tribunal administratif de Poitiers s'est exclusivement fondé sur les dispositions de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 et sur celles de l'article 71 de la loi de finances pour 1960 ; qu'afin de préserver l'effet utile de la décision précitée du Conseil constitutionnel à la solution de l'instance ouverte par la demande de Mme A, en permettant au juge du fond de remettre en cause, dans les conditions et limites définies par le paragraphe VI de l'article 211 de la loi de finances pour 2011, les effets produits par les dispositions mentionnées ci-dessus, il incombe au juge de cassation, après avoir sursis à statuer comme l'y invitait la décision du Conseil constitutionnel, d'annuler, sans qu'il soit besoin pour lui d'examiner les moyens du pourvoi dont il est saisi, le jugement attaqué ; Sur le jugement en tant qu'il statue sur la pension d'orphelin du fils de Mme A : Considérant qu'aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) La demande de régularisation mentionne qu'à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 " ; Considérant qu'eu égard au lien de parenté existant entre Mme A et son fils El Mustapha, le tribunal administratif ne pouvait rejeter comme irrecevables les conclusions que Mme A a présentées aux fins d'obtenir, au bénéfice de son fils, le paiement des arrérages de pension d'orphelin de la date du décès de son père jusqu'à la date de sa majorité, au motif que l'intéressée ne justifiait d'aucun intérêt lui donnant qualité pour agir, sans l'avoir préalablement invitée à régulariser cette demande en la faisant signer par son fils majeur ; que Mme A est, par suite, fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ; Sur le droit à pension de réversion de Mme A : Sur la période postérieure au 11 juin 2004 : Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 et celles de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002, qui définissaient, à la date de la décision attaquée, les conditions dans lesquelles un droit à pension de réversion était ouvert à la veuve d'un ayant droit étranger, ont été abrogées à compter du 1er janvier 2011, les premières par l'article 211 de la loi de finances pour 2011, les secondes par la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010 ; qu'en application du VI de l'article 211 de la loi de finances pour 2011, dont la portée a été précisée ci-dessus, il y a lieu d'écarter ces dispositions législatives pour statuer sur le droit à pension de réversion de Mme A à compter de la date de réception de sa demande par l'administration, soit à compter du 11 juin 2004 ; Considérant, d'une part, que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 n'ayant substitué aucune disposition nouvelle à celles qui doivent ainsi être écartées pour définir les conditions dans lesquelles un droit à pension de réversion est ouvert à la veuve d'un ayant droit étranger, il y a lieu de faire application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite relatives aux pensions des ayants cause applicables à la date du décès de l'ayant droit ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction en vigueur le 12 février 1992 : " Sont applicables aux ayants cause des militaires dont les droits se trouvent régis par le présent code les dispositions du chapitre Ier du présent titre, à l'exception de celles visées au premier alinéa, a et b, de l'article L. 39, qui sont remplacées par les dispositions suivantes : / Le droit à pension de veuve est subordonné à la condition : / a) Que depuis la date du mariage jusqu'à celle de la cessation de l'activité du mari, celui-ci ait accompli deux années au moins de services valables pour la retraite, sauf si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage antérieur à ladite cessation, lorsque le mari a obtenu ou pouvait obtenir la pension prévue à l'article L. 6 (1°) (...) " ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite, rendu applicable aux ayants causes des militaires par l'article L. 47 du même code : " Nonobstant les conditions d'antériorité prévues ci-dessus, le droit à pension de veuve est reconnu : / 1° Si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage ; 2° Ou si le mariage, antérieur ou postérieur à la cessation d'activité, a duré au moins quatre années. " ; qu'il résulte de l'instruction que Mme A remplit les conditions ainsi prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite pour l'obtention d'une pension de veuve ; que sa demande de versement d'une pension de réversion du chef de son mari décédé a été reçue par l'administration le 11 juin 2004 ; qu'elle est donc fondée à demander à bénéficier d'une telle pension à compter de cette date ; Considérant, d'autre part, que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 prévoit de nouvelles règles pour le calcul du montant des pensions des personnes qu'il mentionne ; que ces règles sont applicables pour le calcul de la pension de Mme A ; Considérant, dès lors, que la décision du ministre du 23 mai 2005 doit être annulée en tant qu'elle refuse à Mme A l'attribution d'une pension de veuve à compter du 11 juin 2004 dans des conditions conformes aux motifs énoncés ci-dessus ; Sur la période antérieure au 11 juin 2004 : Considérant que, dans l'exercice du contrôle de conformité des lois à la Constitution qui lui incombe selon la procédure définie à l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a le pouvoir d'abroger les dispositions législatives contraires à la Constitution ; que les juridictions administratives et judiciaires, à qui incombe le contrôle de la compatibilité des lois avec le droit de l'Union européenne ou les engagements internationaux de la France, peuvent déclarer que des dispositions législatives incompatibles avec le droit de l'Union ou ces engagements sont inapplicables au litige qu'elles ont à trancher ; qu'il appartient, par suite, au juge du litige, s'il n'a pas fait droit à l'ensemble des conclusions du requérant en tirant les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité d'une disposition législative prononcée par le Conseil constitutionnel, d'examiner, dans l'hypothèse où un moyen en ce sens est soulevé devant lui, s'il doit, pour statuer sur les conclusions qu'il n'a pas déjà accueillies, écarter la disposition législative en cause du fait de son incompatibilité avec une stipulation conventionnelle ou, le cas échéant, une règle du droit de l'Union européenne dont la méconnaissance n'aurait pas été préalablement sanctionnée ; Considérant qu'à cette fin, lorsqu'est en litige une décision refusant au requérant l'attribution d'un droit auquel il prétend et qu'est invoquée l'incompatibilité de la disposition sur le fondement de laquelle le refus lui a été opposé avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, il incombe au juge, en premier lieu, d'examiner si le requérant peut être regardé comme se prévalant d'un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel et, en second lieu, quand tel est le cas, si la disposition législative critiquée doit être écartée comme portant atteinte à ce bien de façon discriminatoire et, par suite, comme étant incompatible avec les stipulations de l'article 14 de la convention ; En ce qui concerne le droit à pension de réversion : Considérant qu'aux termes du I de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 : " A compter du 1er janvier 1961, les pensions, rentes ou allocations viagères imputées sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics dont sont titulaires les nationaux des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté, ou ayant été placés sous le protectorat ou la tutelle de la France, seront remplacées, pendant la durée normale de leur jouissance personnelle, par des indemnités annuelles en francs, calculées sur la base des tarifs en vigueur pour lesdites allocations ou pensions, à la date de leur transformation " ; qu'aux termes du I de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002 : " Les prestations servies en application des articles (...) 71 de la loi de finances pour 1960 (...) sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants. " ; qu'aux termes du VI du même article : " Les prestations servies en application des textes visés au I peuvent faire l'objet, à compter du 1er janvier 2002 et sur demande, d'une réversion. L'application du droit des pensions aux intéressés et la situation de famille sont appréciées à la date d'effet des dispositions visées au I pour chaque Etat concerné " ; Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le droit à la réversion d'une pension militaire de retraite versée à un ressortissant marocain en application du I de l'article 71 de la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 s'apprécie au regard de la réglementation en vigueur le 1er janvier 1961, et non au regard de la réglementation applicable à la date du décès de l'ayant droit ; qu'à la date du 1er janvier 1961, l'article L. 64 du code des pensions civiles et militaires de retraite excluait du droit à pension de réversion les veuves dont le mariage avait été célébré postérieurement à la cessation d'activité du conjoint titulaire de la pension, sans tenir compte de ce que des enfants seraient issus du mariage ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a cessé son activité dans l'armée française le 13 janvier 1953 et que son mariage avec la requérante a eu lieu le 14 juin 1956 ; que, ce mariage étant postérieur à la radiation des contrôles de l'armée active de son époux décédé, Mme A, sa veuve, ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 64 du code des pensions civiles et militaires de retraite en vigueur le 1er janvier 1961 pour bénéficier d'une pension militaire de réversion ; Considérant, toutefois, que Mme A soutient que les dispositions du VI de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, en ce qu'elles instaurent une discrimination fondée sur la nationalité en appliquant aux veuves de militaires étrangers les dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite en vigueur à la date d'indépendance de leur pays, quand les veuves de militaires français se voient appliquer les dispositions de ce code en vigueur à la date du décès du militaire ; Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; Considérant, d'une part, que le code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit que la pension servie à un ayant droit est, en principe, réversible, notamment au profit de sa veuve ; que, ainsi qu'il a été dit, Mme A est, depuis le 12 février 1992, veuve d'un militaire titulaire d'une pension concédée en application de ce code ; que, par suite, si la loi applicable exclut pour elle, sur le seul fondement d'un critère relatif à la nationalité du titulaire de la pension, le bénéfice d'une pension de réversion, Mme A, qui remplit la condition d'être veuve d'un titulaire d'une pension, peut se prévaloir d'un droit patrimonial, qui doit être regardé comme un bien au sens des stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et peut demander au juge d'écarter l'application des dispositions du VI de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 en invoquant leur incompatibilité avec les stipulations de l'article 14 de la convention ; Considérant, d'autre part, qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; que les pensions de retraite constituent, pour les militaires et agents publics, une allocation pécuniaire destinée à leur assurer, ou à assurer à leurs ayants cause, des conditions matérielles de vie en rapport avec la dignité des fonctions précédemment exercées par ces militaires et agents ; que la différence de situation existant entre des ayants cause d'anciens militaires et agents publics de la France, selon que ceux-ci ont la nationalité française ou sont ressortissants d'Etats devenus indépendants, ne justifie pas, eu égard à l'objet des pensions de réversion, une différence de traitement ; que cette différence de traitement ne peut être regardée comme reposant sur un critère en rapport avec l'objectif de la loi du 30 décembre 2002 ; que les dispositions du VI de l'article 68 de cette loi étant, de ce fait, incompatibles avec les stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le ministre de la défense devait examiner les droits à pension de Mme A au regard du droit applicable non le 1er janvier 1961, mais à la date du décès de M. A, soit le 12 février 1992 ; qu'à cette date, ainsi qu'il été dit, Mme A remplissait les conditions prévues par le code des pensions civiles et militaires pour l'obtention d'une pension de veuve ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, en l'absence de moyen soulevé par le ministre chargé du budget opposant à l'intéressée la prescription prévue par l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite, Mme A a droit, pour l'ensemble de la période comprise entre le 12 février 1992, date du décès de son mari, et le 11 juin 2004, à une pension de réversion ; En ce qui concerne le taux de la pension de réversion : Considérant qu'aux termes du IV de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 : " Sous les réserves mentionnées au deuxième alinéa du présent IV (....), les dispositions des II et III sont applicables à compter du 1er janvier 1999./ Ce dispositif spécifique s'applique sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des contentieux contestant le caractère discriminatoire des textes visés au I, présentés devant les tribunaux avant le 1er novembre 2002 " ; Considérant qu'il résulte des dispositions du second alinéa du IV précité que, pour la période comprise entre le 1er janvier 1999 et le 11 juin 2004, Mme A, qui n'a engagé aucun contentieux contestant le caractère discriminatoire des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2002, le 5 novembre 2003, ne peut prétendre, conformément aux dispositions du premier alinéa du même IV, qu'à une pension calculée en application des dispositions des I et II de l'article 68 ; qu'en revanche, pour la période comprise entre le 12 février 1992 et le 31 décembre 1998, elle peut, contrairement à ce que soutient le ministre, sans qu'y fassent obstacle les dispositions du second alinéa du IV, demander au juge d'écarter l'application des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 ; que ces dernières dispositions, qui créent une différence de traitement, en raison de leur seule nationalité, entre les titulaires de pensions, en interdisant toute revalorisation, à compter de la date qu'elles fixent, pour les seules pensions de militaires qui n'ont pas la nationalité française, sans que le critère de nationalité puisse être regardé comme un critère objectif et rationnel en rapport avec les buts de la loi, sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que Mme A a ainsi droit, pour cette période, à une pension d'un montant calculé en application des règles de droit commun du code des pensions civiles et militaires de retraite ; Sur le droit à pension d'orphelin du fils de Mme A : Considérant que Mme A a présenté des conclusions aux fins d'obtenir le paiement des arrérages au bénéfice de son fils El Mustapha, en qualité d'orphelin, de la date du décès de son père jusqu'à la date de sa majorité ; qu'en réponse à la demande de régularisation qui lui a été adressée par le Conseil d'Etat, M. El Mustapha A a produit un mémoire par lequel il déclare reprendre à son compte les conclusions et moyens développés en son nom par sa mère ; Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 et de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 que le droit à la réversion d'une pension militaire de retraite versée à un ressortissant marocain s'apprécie au regard de la situation de famille des intéressés et de la réglementation en vigueur le 1er janvier 1961, et non au regard de la situation de famille et de la réglementation applicable à la date du décès de l'ayant droit ; qu'au 1er janvier 1961, l'article L. 57 du code des pensions civiles et militaires de retraite subordonnait le droit à pension d'orphelin à la condition que la mise à la retraite ou la radiation des cadres du père soit postérieure, pour les enfants légitimes, au mariage dont ils sont issus ou à leur conception ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. El Mustapha A est né le 9 juin 1973 d'un mariage postérieur à la date de radiation des contrôles de l'armée active de son père ; que, dès lors, M. El Mustapha A ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 et de l'article L. 57 du code des pensions civiles et militaires de retraite pour bénéficier d'une pension militaire d'orphelin ; Considérant, toutefois, que M. A soutient que les dispositions du VI de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, en ce qu'elles instaurent une discrimination fondée sur la nationalité en appliquant aux orphelins de militaires étrangers les dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite en vigueur à la date d'indépendance de leur pays, alors que les orphelins de militaires français se voient appliquer les dispositions de ce code en vigueur à la date du décès du militaire ; Considérant, d'une part, que le code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit que la pension servie à un ayant droit est, en principe, réversible, notamment au profit de ses orphelins ; que, ainsi qu'il a été dit, M El Mustapha A est, depuis le 12 février 1992, orphelin d'un militaire titulaire d'une pension concédée en application de ce code ; que, par suite, si la loi applicable exclut pour lui, sur le seul fondement d'un critère relatif à la nationalité du titulaire de la pension, le bénéfice d'une pension de réversion, M. A, qui remplit la condition d'être orphelin d'un titulaire d'une pension, peut se prévaloir d'un droit patrimonial qui doit être regardé comme un bien au sens des stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et peut demander au juge d'écarter l'application des dispositions de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 en invoquant leur incompatibilité avec les stipulations de l'article 14 de la convention ; Considérant, d'autre part, que les dispositions du VI de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 sont, pour les motifs qui ont été précédemment indiqués, incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, en ce qu'elles instaurent une discrimination fondée sur la nationalité en prévoyant que la situation de famille des intéressés doit être appréciée au 1er janvier 1961 et en appliquant aux orphelins de militaires étrangers les dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite en vigueur à la date d'indépendance de leur pays, alors que le droit des orphelins de militaires français est apprécié au regard de leur situation à la date du décès de leur père ; que les droits à pension d'orphelin de M. El Mustapha A doivent donc être examinés, au regard de sa situation de famille et du droit applicable non au 1er janvier 1961, mais à la date du décès de M. A, soit le 12 février 1992 ; qu'à cette date, M. El Mustapha A remplissait les conditions prévues par le code des pensions civiles et militaires pour l'obtention d'une pension d'orphelin ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, en l'absence de moyen soulevé par le ministre chargé du budget opposant à l'intéressé la prescription prévue par l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite, M. El Mustapha A a droit à une pension d'orphelin pour la période comprise entre le 12 février 1992, date du décès de son père, et le 9 juin 1994, date de son vingt-et-unième anniversaire ; Considérant que, pour cette période, M. El Mustapha A peut, contrairement à ce que soutient le ministre, sans qu'y fassent obstacle les dispositions du second alinéa du IV, demander au juge d'écarter l'application des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 ; que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces dispositions sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, M. El Mustapha A a droit à une pension d'un montant calculé en application des règles de droit commun du code des pensions civiles et militaires de retraite ; Sur les conclusions à fin d'injonction : Considérant que le contentieux des pensions est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige qu'il lui appartient de fixer ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, sans qu'il soit besoin de prononcer l'astreinte demandée, d'enjoindre aux ministres chargés de la défense et du budget de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la liquidation des pensions de veuve et d'orphelin auxquelles Mme A et M. El Mustapha A ont droit ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que la SCP Richard demande à ce titre, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 13 décembre 2006 du tribunal administratif de Poitiers est annulé. Article 2 : La décision du ministre de la défense du 23 mai 2005 est annulée. Article 3 : L'Etat versera à Mme A une pension de réversion du chef de son époux à compter du 12 février 1992 dans les conditions fixées par la présente décision. Article 4 : L'Etat versera à M. El Mustapha A une pension d'orphelin à compter du 12 février 1992 dans les conditions fixées par la présente décision. Article 5 : Il est enjoint aux ministres de chargés de la défense et du budget de procéder, dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à la liquidation de la pension de veuve et de la pension d'orphelin auxquelles Mme A et M. El Mustapha A ont droit. Article 6 : L'Etat versera à la SCP Richard, avocat de Mme A et de M. El Mustapha A, une somme de 3 000 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme Hadda A, à M. El Mustapha A, au ministre de la défense et des anciens combattants et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.ECLI:FR:CEASS:2011:316734.20110513
Conseil d'Etat
Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre , 26/05/2011, 10PA01800, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2010, présentée pour Mme Evelyne A, demeurant ... et M. Alain A, demeurant ... en leur qualité d'ayants droit de Mme Héné C, par Me Archambault ; les consorts A demandent à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 0707532/7-2 en date du 12 février 2010 par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme Héné C née D tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) à lui verser la somme de 800 000 euros en réparation du préjudice subi par sa grand-mère, ses parents et son frère, du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation, d'autre part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du préjudice qu'elle a subi ; 2°) de se déclarer compétente à l'égard de la SNCF ; 3°) de condamner solidairement l'Etat et la SNCF à leur verser, en leur qualité d'ayants droit, la somme globale de 800 000 euros au titre de préjudice subi par la grand-mère, les parents et le frère de leur mère, Mme Héné C, du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation ; 4°) de condamner solidairement l'Etat et la SNCF à leur verser une somme globale de 50 000 euros au titre du préjudice subi par Mme Héné C ; 5°) à titre subsidiaire, de constater la violation par l'Etat des engagements pris au nom de l'Etat par le Président de la République le 16 juillet 1995, de constater le caractère fautif de cette violation, de constater la responsabilité de l'Etat et l'obliger à indemniser les requérants de la violation des engagements ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat et la SNCF, solidairement, la somme totale de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; .................................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ; Vu l'avis rendu par l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat le 16 février 2009 ; Vu la décision de la cour européenne des droits de l'homme (cinquième section) du 24 novembre 2009, n° 49637 et suivants, rendue dans les affaires J.H. et autres contre la France ; Vu la Constitution, notamment son Préambule ; Vu le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et le protocole signé à Berlin le 6 octobre 1945 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ; Vu l'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialistes ; Vu l'accord du 18 janvier 2001 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique relatif à l'indemnisation de certaines spoliations intervenues pendant la seconde guerre mondiale (ensemble trois annexes et un échange de notes), ainsi que les accords sous forme d'échanges de lettres en date des 7 et 10 août 2001, 30 et 31 mai 2002, 2 février 2005 et 21 février 2006 qui l'ont interprété ou modifié ; Vu le code pénal ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle, ensemble les ordonnances du 14 novembre 1944, 21 avril 1945 et 9 juin 1945 prises pour son application ; Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ; Vu l'ordonnance du 16 octobre 1944 relative à la restitution par l'administration des domaines de certains biens mis sous séquestre ; Vu l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés ; Vu l'ordonnance n° 45-948 du 11 mai 1945 modifiée par l'ordonnance n° 45-2413 du 18 octobre 1945, réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, ensemble ses décrets d'application n° 45-1105 du 30 mai 1945, n° 45-1447 du 29 juin 1945 et n° 46-1242 du 27 mai 1946 ; Vu la loi n° 46-1117 du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de guerre, ensemble son décret d'application n° 47-1249 du 7 juillet 1947 ; Vu la loi n° 48-978 du 16 juin 1948 portant aménagements fiscaux, notamment son article 44 ; Vu la loi n° 48-1404 du 9 septembre 1948 définissant le statut et les droits des déportés et internés politiques, ensemble son décret d'application n° 50-325 du 1er mars 1950 ; Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ; Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, notamment son article 106 ; Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, notamment son article 112 ; Vu le décret n° 61-971 du 29 août 1961 portant répartition de l'indemnité prévue en application de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne, en faveur des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécutions national-socialistes ; Vu le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une Commission pour l'indemnisation des victimes des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ; Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ; Vu le décret du 26 décembre 2000 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2011 : - le rapport de Mme Folscheid, rapporteur, - les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public, - et les observations de Me Poitvin, pour la SNCF ; Considérant que, par courriers recommandés en date du 28 août 2006 et 6 février 2007, Mme Héné C a saisi la présidente de la SNCF et le préfet de Paris d'une demande préalable d'indemnisation, d'une part, des préjudices subis du fait des conditions inhumaines dans lesquelles sa grand-mère, ses parents et son frère ont été transportés vers un camp d'internement puis déportés à Auschwitz, d'autre part, des préjudices dont elle a elle-même été directement victime à raison des séquelles psychologiques provoquées par l'arrestation puis la déportation de sa famille ; que ces courriers sont restés sans réponse de la part de la SNCF et des services de l'Etat ; que les consorts A, en leur qualité d'ayants droit de Mme Héné C leur mère, décédée le 27 août 2009, relèvent appel de l'ordonnance du 12 février 2010 par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande Mme Héné C tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à lui verser la somme de 800 000 euros en réparation du préjudice subi par sa grand-mère, ses parents et son frère, du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation, d'autre part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du préjudice qu'elle a personnellement subi ; Sur les conclusions dirigées contre la SNCF : Considérant que le juge administratif n'est compétent pour connaître de conclusions tendant à mettre en jeu la responsabilité quasi-délictuelle d'une personne morale de droit privé que si le dommage se rattache à l'exercice par cette dernière de prérogatives qui lui ont été conférées pour l'exécution de la mission de service public dont elle a été investie ou dans les cas où cette personne a agi à la place de l'Etat ; Considérant que, eu égard aux conditions dans lesquelles ont été effectués entre 1940 et 1944 les transports des personnes victimes de persécutions antisémites depuis les gares proches des centres de détention administrative jusqu'aux gares desservant les camps de transit puis, à partir de ceux-ci et jusqu'aux frontières françaises, vers les camps de concentration, la SNCF ne peut être regardée comme ayant disposé d'autonomie dans l'organisation de ces transports et comme ayant eu recours, pour effectuer ceux-ci, à des prérogatives de puissance publique dont l'exercice serait à l'origine des dommages considérés ; que la SNCF ne peut davantage être regardée comme ayant reçu mandat de l'Etat pour exécuter aux lieu et place de celui-ci la déportation des victimes ; qu'enfin, les agissements par lesquels l'Etat a contribué à la mise en oeuvre de la déportation ne peuvent être assimilés à des opérations de police administrative, auxquelles la SNCF aurait participé ; qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la SNCF dans les transports ferroviaires ayant précédé ou permis la déportation ne peut être recherchée devant le juge administratif ; que, par suite, les consorts A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a jugé que les conclusions de Mme Héné C à fin de condamnation de la SNCF doivent être rejetées, comme ayant été portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; Sur les conclusions dirigées contre l'Etat : En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat et la compétence de la juridiction administrative pour en connaître : Considérant que l'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental a expressément constaté la nullité de tous les actes de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif ; que ces dispositions n'ont pu avoir pour effet de créer un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements commis par les autorités et services de l'Etat dans l'application de ces actes ; que, tout au contraire, en sanctionnant l'illégalité manifeste de ces actes qui, en méconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine tels qu'ils sont consacrés par le droit public français, ont établi ou appliqué une telle discrimination, les dispositions de l'ordonnance du 9 août 1944 ont nécessairement admis que les agissements d'une exceptionnelle gravité auxquels ces actes ont donné lieu avaient le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il en résulte que cette responsabilité est engagée en raison des dommages causés par les agissements qui, ne résultant pas d'une contrainte directe de l'occupant, ont permis ou facilité la déportation, à partir de la France, de personnes victimes de persécutions antisémites ; qu'il en va notamment ainsi des arrestations, internements et convoiement à destination des camps de transit qui ont été la première étape de la déportation de ces personnes vers des camps de concentration dans lesquels la plupart d'entre elles ont été exterminées ; que le juge administratif est compétent pour connaître des actions en réparation engagées contre l'Etat à raison de ces agissements ; En ce qui concerne le préjudice : Considérant que le préjudice né des fautes ainsi commises par l'Etat français est incommensurable ; qu'il est fait de la somme des préjudices individuels d'une extrême gravité, physiques, moraux et matériels, subis par les déportés et par leurs proches ; qu'il comprend encore une dimension générale et universelle, dès lors que, par les actes et agissements qui ont contribué à la déportation de 76 000 juifs de France, dont 11 000 enfants, l'Etat a violé, alors même qu'il lui appartenait d'en être le garant, les valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice : Considérant que Mme Héné C a estimé à 800 000 euros le préjudice subi par sa grand-mère, ses parents et son frère, du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation, et à 50 000 euros le préjudice individuel qu'elle a elle-même subi ; que les consorts A font valoir que si Mme Héné C a bénéficié, à l'exception de tout autre dispositif d'indemnisation, des dispositions du décret du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites pour un montant de 27 440, 82 euros, cette mesure n'a pas permis la réparation intégrale du préjudice subi par sa famille et par elle-même ; Considérant, d'une part, que, si la mise en cause de la responsabilité de l'Etat a été rendue possible par la reconnaissance solennelle de celle-ci par le Président de la République, le 16 juillet 1995, au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation, puis par les décisions de justice prises en ce sens, plus de cinquante ans après les faits, par les juridictions françaises, cette reconnaissance n'a pas altéré la nature et l'étendue des préjudices dont les consorts A demandent réparation ; Considérant, d'autre part, que, eu égard au caractère en tous points exceptionnel des préjudices nés des actes et agissements antisémites de l'Etat pendant l'occupation, il est impossible de rétablir, de quelque manière que ce soit, l'équilibre détruit par le dommage et de parvenir à la réparation intégrale des préjudices subis par Mme Héné C et par sa famille ; Considérant, cependant, que, pour compenser les préjudices individuels matériels et moraux subis par les victimes de la déportation et par leurs ayants droit, l'Etat a pris une série de mesures, telles que des pensions, des indemnités, des aides ou des mesures de réparation ; que bien qu'elles aient procédé d'une démarche très graduelle et reposé sur des bases largement forfaitaires, ces mesures sont comparables tant par leur nature que dans leur montant, à celles adoptées par les autres Etats européens dont les autorités ont commis de semblables agissements ; que, par ailleurs, la réparation des souffrances exceptionnelles endurées par les personnes victimes des persécutions antisémites ne pouvait se borner à des mesures d'ordre financier, la dimension incommensurable du préjudice abolissant le principe de la réparation par équivalence, dissipant l'idée qu'un tel préjudice puisse être annihilé ou simplement éteint par la voie purement indemnitaire ; qu'une telle oeuvre de réparation appelait la reconnaissance solennelle du préjudice collectivement subi par ces personnes, du rôle joué par l'Etat dans leur déportation ainsi que du souvenir que doivent à jamais laisser, dans la mémoire de la nation, leurs souffrances et celles de leurs familles ; que cette reconnaissance a été accomplie par un ensemble d'actes et d'initiatives des autorités publiques françaises et successivement, par l'adoption par le Parlement de la loi du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, tels qu'ils avaient été définis par la charte du Tribunal international de Nuremberg, par la reconnaissance solennelle par le Président de la République, le 16 juillet 1995, lors de la cérémonie commémorant la grande rafle du Vélodrome d'hiver des 16 et 17 juillet 1942, de la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation des personnes que la législation de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français avait considérées comme juives, par la reconnaissance d'utilité publique le 26 décembre 2000 de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, actes rejoints par la publication au Journal officiel de la République française de l'avis rendu par le Conseil d'Etat le 16 février 2009 ; Considérant que, prises dans leur ensemble, ces dispositions doivent être regardées comme ayant permis, autant qu'il est possible, la réparation, dans le respect des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que par l'article 1 de son premier protocole additionnel, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu la cour européenne des droits de l'homme dans sa décision susvisée du 24 novembre 2009, des préjudices de toute nature causés à Mme Héné C et à sa famille par les actions de l'Etat qui ont concouru à la déportation ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à l'imprescriptibilité, que les consorts A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme Héné C ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; D E C I D E : Article 1er : La requête des consorts A est rejetée. '' '' '' '' 5 N° 10PA03855 2 N° 10PA01800
Cours administrative d'appel
Paris
Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre , 26/05/2011, 10PA01797, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2010, présentée pour Mme Elka divorcée , demeurant ... et Mme Rose Liliane épouse , demeurant ..., par Me Archambault ; Mme divorcée et Mme épouse demandent à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 0707487/7-2 en date du 12 février 2010 par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) à verser à Mme divorcée la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi par sa mère, du fait de son arrestation, de son internement et de sa déportation, d'autre part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à verser la somme de 100 000 euros à Mme divorcée et la somme de 30 000 euros à Mme épouse au titre du préjudice qu'elles ont subi ; 2°) de se déclarer compétente à l'égard de la SNCF ; 3°) de condamner solidairement l'Etat et la SNCF à verser à Mme divorcée la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi par sa mère, du fait de son arrestation, de son internement et de sa déportation ; 4°) de condamner solidairement l'Etat et la SNCF à verser la somme de 100 000 euros à Mme divorcée et la somme de 30 000 euros à Mme épouse au titre du préjudice qu'elles ont subi ; 5°) à titre subsidiaire, de constater la violation par l'Etat des engagements pris au nom de l'Etat par le Président de la République le 16 juillet 1995, de constater le caractère fautif de cette violation, de constater la responsabilité de l'Etat et l'obliger à indemniser les requérants de la violation des engagements ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat et la SNCF, solidairement, la somme totale de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ................................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ; Vu l'avis rendu par l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat le 16 février 2009 ; Vu la décision de la cour européenne des droits de l'homme (cinquième section) du 24 novembre 2009, n° 49637 et suivants, rendue dans les affaires J.H. et autres contre la France ; Vu la Constitution, notamment son Préambule ; Vu le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et le protocole signé à Berlin le 6 octobre 1945 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ; Vu l'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialistes ; Vu l'accord du 18 janvier 2001 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique relatif à l'indemnisation de certaines spoliations intervenues pendant la seconde guerre mondiale (ensemble trois annexes et un échange de notes), ainsi que les accords sous forme d'échanges de lettres en date des 7 et 10 août 2001, 30 et 31 mai 2002, 2 février 2005 et 21 février 2006 qui l'ont interprété ou modifié ; Vu le code pénal ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle, ensemble les ordonnances du 14 novembre 1944, 21 avril 1945 et 9 juin 1945 prises pour son application ; Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ; Vu l'ordonnance du 16 octobre 1944 relative à la restitution par l'administration des domaines de certains biens mis sous séquestre ; Vu l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés ; Vu l'ordonnance n° 45-948 du 11 mai 1945 modifiée par l'ordonnance n° 45-2413 du 18 octobre 1945, réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, ensemble ses décrets d'application n° 45-1105 du 30 mai 1945, n° 45-1447 du 29 juin 1945 et n° 46-1242 du 27 mai 1946 ; Vu la loi n° 46-1117 du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de guerre, ensemble son décret d'application n° 47-1249 du 7 juillet 1947 ; Vu la loi n° 48-978 du 16 juin 1948 portant aménagements fiscaux, notamment son article 44 ; Vu la loi n° 48-1404 du 9 septembre 1948 définissant le statut et les droits des déportés et internés politiques, ensemble son décret d'application n° 50-325 du 1er mars 1950 ; Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ; Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, notamment son article 106 ; Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, notamment son article 112 ; Vu le décret n° 61-971 du 29 août 1961 portant répartition de l'indemnité prévue en application de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne, en faveur des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécutions national-socialistes ; Vu le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une Commission pour l'indemnisation des victimes des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ; Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ; Vu le décret du 26 décembre 2000 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2011 : - le rapport de Mme Folscheid, rapporteur, - les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public, - et les observations de Me Poitvin, pour la SNCF ; Considérant que, par courriers recommandés en date du 30 août 2006 renouvelés le 14 décembre 2006, Mme divorcée et Mme épouse ont saisi la SNCF et le préfet de Paris d'une demande préalable d'indemnisation, d'une part, des préjudices subis du fait des conditions inhumaines dans lesquelles plusieurs membres de leur famille ont été transportés vers un camp d'internement puis déportés à Auschwitz, d'autre part, des préjudices dont elles ont elles-mêmes été directement victimes à raison des séquelles psychologiques provoquées par l'arrestation puis la déportation de leurs parents ; que ces courriers sont restés sans réponse de la part de la SNCF et des services de l'Etat ; que les requérantes relèvent appel de l'ordonnance du 12 février 2010 par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à verser à Mme divorcée la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi par sa mère, du fait de son arrestation, de son internement et de sa déportation, d'autre part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à verser la somme de 100 000 euros à Mme divorcée et la somme de 30 000 euros à Mme épouse au titre du préjudice qu'elles ont subi ; Sur les conclusions dirigées contre la SNCF : Considérant que le juge administratif n'est compétent pour connaître de conclusions tendant à mettre en jeu la responsabilité quasi-délictuelle d'une personne morale de droit privé que si le dommage se rattache à l'exercice par cette dernière de prérogatives qui lui ont été conférées pour l'exécution de la mission de service public dont elle a été investie ou dans les cas où cette personne a agi à la place de l'Etat ; Considérant que, eu égard aux conditions dans lesquelles ont été effectués entre 1940 et 1944 les transports des personnes victimes de persécutions antisémites depuis les gares proches des centres de détention administrative jusqu'aux gares desservant les camps de transit puis, à partir de ceux-ci et jusqu'aux frontières françaises, vers les camps de concentration, la SNCF ne peut être regardée comme ayant disposé d'autonomie dans l'organisation de ces transports et comme ayant eu recours, pour effectuer ceux-ci, à des prérogatives de puissance publique dont l'exercice serait à l'origine des dommages considérés ; que la SNCF ne peut davantage être regardée comme ayant reçu mandat de l'Etat pour exécuter aux lieu et place de celui-ci la déportation des victimes ; qu'enfin, les agissements par lesquels l'Etat a contribué à la mise en oeuvre de la déportation ne peuvent être assimilés à des opérations de police administrative, auxquelles la SNCF aurait participé ; qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la SNCF dans les transports ferroviaires ayant précédé ou permis la déportation ne peut être recherchée devant le juge administratif ; que, par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a jugé que leurs conclusions à fin de condamnation de la SNCF doivent être rejetées, comme ayant été portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; Sur les conclusions dirigées contre l'Etat : En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat et la compétence de la juridiction administrative pour en connaître : Considérant que l'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental a expressément constaté la nullité de tous les actes de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif ; que ces dispositions n'ont pu avoir pour effet de créer un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements commis par les autorités et services de l'Etat dans l'application de ces actes ; que, tout au contraire, en sanctionnant l'illégalité manifeste de ces actes qui, en méconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine tels qu'ils sont consacrés par le droit public français, ont établi ou appliqué une telle discrimination, les dispositions de l'ordonnance du 9 août 1944 ont nécessairement admis que les agissements d'une exceptionnelle gravité auxquels ces actes ont donné lieu avaient le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il en résulte que cette responsabilité est engagée en raison des dommages causés par les agissements qui, ne résultant pas d'une contrainte directe de l'occupant, ont permis ou facilité la déportation, à partir de la France, de personnes victimes de persécutions antisémites ; qu'il en va notamment ainsi des arrestations, internements et convoiement à destination des camps de transit qui ont été la première étape de la déportation de ces personnes vers des camps de concentration dans lesquels la plupart d'entre elles ont été exterminées ; que le juge administratif est compétent pour connaître des actions en réparation engagées contre l'Etat à raison de ces agissements ; En ce qui concerne le préjudice : Considérant que le préjudice né des fautes ainsi commises par l'Etat français est incommensurable ; qu'il est fait de la somme des préjudices individuels d'une extrême gravité, physiques, moraux et matériels, subis par les déportés et par leurs proches ; qu'il comprend encore une dimension générale et universelle, dès lors que, par les actes et agissements qui ont contribué à la déportation de 76 000 juifs de France, dont 11 000 enfants, l'Etat a violé, alors même qu'il lui appartenait d'en être le garant, les valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice : Considérant que les requérantes ont estimé à 100 000 euros le préjudice subi par leur mère et grand-mère du fait de son arrestation, de son internement et de sa déportation, et fixé à 100 000 euros pour Mme divorcée et à 30 000 euros pour Mme épouse le préjudice individuel qu'elles ont elles-mêmes subi ; qu'elles font valoir qu'elles n'ont pas bénéficié du dispositif d'indemnisation prévu par les dispositions du décret du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et que les indemnisations forfaitaires évoquées par le Tribunal administratif de Paris n'ont pas permis la réparation intégrale du préjudice subi par leur mère et grand-mère et par elles-mêmes ; Considérant, d'une part, que, si la mise en cause de la responsabilité de l'Etat a été rendue possible par la reconnaissance solennelle de celle-ci par le Président de la République, le 16 juillet 1995, au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation, puis par les décisions de justice prises en ce sens, plus de cinquante ans après les faits, par les juridictions françaises, cette reconnaissance n'a pas altéré la nature et l'étendue des préjudices dont les requérantes demandent réparation ; Considérant, d'autre part, que, eu égard au caractère en tous points exceptionnel des préjudices nés des actes et agissements antisémites de l'Etat pendant l'occupation, il est impossible de rétablir, de quelque manière que ce soit, l'équilibre détruit par le dommage et de parvenir à la réparation intégrale des préjudices subis par les requérantes et leur parente ; Considérant, cependant, que, pour compenser les préjudices individuels matériels et moraux subis par les victimes de la déportation et par leurs ayants-droit, l'Etat a pris une série de mesures, telles que des pensions, des indemnités, des aides ou des mesures de réparation ; que bien qu'elles aient procédé d'une démarche très graduelle et reposé sur des bases largement forfaitaires, ces mesures sont comparables tant par leur nature que dans leur montant, à celles adoptées par les autres Etats européens dont les autorités ont commis de semblables agissements ; que, par ailleurs, la réparation des souffrances exceptionnelles endurées par les personnes victimes des persécutions antisémites ne pouvait se borner à des mesures d'ordre financier, la dimension incommensurable du préjudice abolissant le principe de la réparation par équivalence, dissipant l'idée qu'un tel préjudice puisse être annihilé ou simplement éteint par la voie purement indemnitaire ; qu'une telle oeuvre de réparation appelait la reconnaissance solennelle du préjudice collectivement subi par ces personnes, du rôle joué par l'Etat dans leur déportation ainsi que du souvenir que doivent à jamais laisser, dans la mémoire de la nation, leurs souffrances et celles de leurs familles ; que cette reconnaissance a été accomplie par un ensemble d'actes et d'initiatives des autorités publiques françaises et successivement, par l'adoption par le Parlement de la loi du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, tels qu'ils avaient été définis par la charte du Tribunal international de Nuremberg, par la reconnaissance solennelle par le Président de la République, le 16 juillet 1995, lors de la cérémonie commémorant la grande rafle du Vélodrome d'hiver des 16 et 17 juillet 1942, de la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation des personnes que la législation de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français avait considérées comme juives, par la reconnaissance d'utilité publique le 26 décembre 2000 de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, actes rejoints par la publication au Journal officiel de la République française de l'avis rendu par le Conseil d'Etat le 16 février 2009 ; Considérant que, prises dans leur ensemble, ces dispositions doivent être regardées comme ayant permis, autant qu'il est possible, la réparation, dans le respect des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que par l'article 1 de son premier protocole additionnel, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu la cour européenne des droits de l'homme dans sa décision susvisée du 24 novembre 2009, des préjudices de toute nature causés à Mme divorcée et Mme épouse et à leur parente par les actions de l'Etat qui ont concouru à la déportation ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à l'imprescriptibilité, que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme divorcée et Mme épouse est rejetée. '' '' '' '' 5 N° 10PA03855 2 N° 10PA01797
Cours administrative d'appel
Paris
Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre , 26/05/2011, 10PA01798, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2010, présentée pour M. Nathan A, demeurant ... et M. Elie A, demeurant ..., par Me Archambault ; les consorts A demandent à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 0700499/7-2 en date du 12 février 2010 par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) à leur verser la somme de 400 000 euros (soit 200 000 euros chacun) en réparation du préjudice subi par leurs parents, du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation, d'autre part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à leur verser la somme de 50 000 euros chacun au titre du préjudice qu'ils ont subi ; 2°) de se déclarer compétente à l'égard de la SNCF ; 3°) de condamner solidairement l'Etat et la SNCF à leur verser, en leur qualité d'ayants droit, la somme de 200 000 euros chacun au titre du préjudice subi par leurs parents du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation ; 4°) de condamner solidairement l'Etat et la SNCF à leur verser une somme de 50 000 euros chacun au titre de leur préjudice propre ; 5°) à titre subsidiaire, de constater la violation par l'Etat des engagements pris au nom de l'Etat par le Président de la République le 16 juillet 1995, de constater le caractère fautif de cette violation, de constater la responsabilité de l'Etat et l'obliger à indemniser les requérants de la violation des engagements ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat et la SNCF, solidairement, la somme de 20 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ................................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ; Vu l'avis rendu par l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat le 16 février 2009 ; Vu la décision de la cour européenne des droits de l'homme (cinquième section) du 24 novembre 2009, n° 49637 et suivants, rendue dans les affaires J.H. et autres contre la France ; Vu la Constitution, notamment son Préambule ; Vu le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et le protocole signé à Berlin le 6 octobre 1945 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ; Vu l'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialistes ; Vu l'accord du 18 janvier 2001 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique relatif à l'indemnisation de certaines spoliations intervenues pendant la seconde guerre mondiale (ensemble trois annexes et un échange de notes), ainsi que les accords sous forme d'échanges de lettres en date des 7 et 10 août 2001, 30 et 31 mai 2002, 2 février 2005 et 21 février 2006 qui l'ont interprété ou modifié ; Vu le code pénal ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle, ensemble les ordonnances du 14 novembre 1944, 21 avril 1945 et 9 juin 1945 prises pour son application ; Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ; Vu l'ordonnance du 16 octobre 1944 relative à la restitution par l'administration des domaines de certains biens mis sous séquestre ; Vu l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés ; Vu l'ordonnance n° 45-948 du 11 mai 1945 modifiée par l'ordonnance n°45-2413 du 18 octobre 1945, réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, ensemble ses décrets d'application n° 45-1105 du 30 mai 1945, n° 45-1447 du 29 juin 1945 et n° 46-1242 du 27 mai 1946 ; Vu la loi n° 46-1117 du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de guerre, ensemble son décret d'application n° 47-1249 du 7 juillet 1947 ; Vu la loi n° 48-978 du 16 juin 1948 portant aménagements fiscaux, notamment son article 44 ; Vu la loi n° 48-1404 du 9 septembre 1948 définissant le statut et les droits des déportés et internés politiques, ensemble son décret d'application n° 50-325 du 1er mars 1950 ; Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ; Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, notamment son article 106 ; Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, notamment son article 112 ; Vu le décret n° 61-971 du 29 août 1961 portant répartition de l'indemnité prévue en application de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne, en faveur des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécutions national-socialistes ; Vu le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une Commission pour l'indemnisation des victimes des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ; Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ; Vu le décret du 26 décembre 2000 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2011 : - le rapport de Mme Folscheid, rapporteur, - les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public, - et les observations de Me Poitvin, pour la SNCF ; Considérant que, par courriers recommandés en date du 7 novembre 2006, les consorts A ont saisi le directeur général de la SNCF et le préfet de Paris d'une demande préalable d'indemnisation, d'une part, des préjudices subis du fait des conditions inhumaines dans lesquelles leurs parents ont été transportés vers le camp d'internement de Drancy où ils sont décédés en 1943, d'autre part, des préjudices dont ils ont eux-mêmes été directement victimes à raison des séquelles psychologiques provoquées par l'arrestation puis la déportation de leurs parents ; que ces courriers sont restés sans réponse de la part de la SNCF et des services de l'Etat ; que les consorts A relèvent appel de l'ordonnance du 12 février 2010 par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à leur verser la somme de 400 000 euros (soit 200 000 euros chacun) en réparation du préjudice subi par leurs parents, du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation, d'autre part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SNCF à leur verser à chacun la somme de 50 000 euros au titre du préjudice qu'ils ont personnellement subi ; Sur les conclusions dirigées contre la SNCF : Considérant que le juge administratif n'est compétent pour connaître de conclusions tendant à mettre en jeu la responsabilité quasi-délictuelle d'une personne morale de droit privé que si le dommage se rattache à l'exercice par cette dernière de prérogatives qui lui ont été conférées pour l'exécution de la mission de service public dont elle a été investie ou dans les cas où cette personne a agi à la place de l'Etat ; Considérant que, eu égard aux conditions dans lesquelles ont été effectués entre 1940 et 1944 les transports des personnes victimes de persécutions antisémites depuis les gares proches des centres de détention administrative jusqu'aux gares desservant les camps de transit puis, à partir de ceux-ci et jusqu'aux frontières françaises, vers les camps de concentration, la SNCF ne peut être regardée comme ayant disposé d'autonomie dans l'organisation de ces transports et comme ayant eu recours, pour effectuer ceux-ci, à des prérogatives de puissance publique dont l'exercice serait à l'origine des dommages considérés ; que la SNCF ne peut davantage être regardée comme ayant reçu mandat de l'Etat pour exécuter aux lieu et place de celui-ci la déportation des victimes ; qu'enfin, les agissements par lesquels l'Etat a contribué à la mise en oeuvre de la déportation ne peuvent être assimilés à des opérations de police administrative, auxquelles la SNCF aurait participé ; qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la SNCF dans les transports ferroviaires ayant précédé ou permis la déportation ne peut être recherchée devant le juge administratif ; que, par suite, les consorts A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a jugé que leurs conclusions à fin de condamnation de la SNCF doivent être rejetées, comme ayant été portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; Sur les conclusions dirigées contre l'Etat : En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat et la compétence de la juridiction administrative pour en connaître : Considérant que l'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental a expressément constaté la nullité de tous les actes de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif ; que ces dispositions n'ont pu avoir pour effet de créer un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements commis par les autorités et services de l'Etat dans l'application de ces actes ; que, tout au contraire, en sanctionnant l'illégalité manifeste de ces actes qui, en méconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine tels qu'ils sont consacrés par le droit public français, ont établi ou appliqué une telle discrimination, les dispositions de l'ordonnance du 9 août 1944 ont nécessairement admis que les agissements d'une exceptionnelle gravité auxquels ces actes ont donné lieu avaient le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il en résulte que cette responsabilité est engagée en raison des dommages causés par les agissements qui, ne résultant pas d'une contrainte directe de l'occupant, ont permis ou facilité la déportation, à partir de la France, de personnes victimes de persécutions antisémites ; qu'il en va notamment ainsi des arrestations, internements et convoiement à destination des camps de transit qui ont été la première étape de la déportation de ces personnes vers des camps de concentration dans lesquels la plupart d'entre elles ont été exterminées ; que le juge administratif est compétent pour connaître des actions en réparation engagées contre l'Etat à raison de ces agissements ; En ce qui concerne le préjudice : Considérant que le préjudice né des fautes ainsi commises par l'Etat français est incommensurable ; qu'il est fait de la somme des préjudices individuels d'une extrême gravité, physiques, moraux et matériels, subis par les déportés et par leurs proches ; qu'il comprend encore une dimension générale et universelle, dès lors que, par les actes et agissements qui ont contribué à la déportation de 76 000 juifs de France, dont 11 000 enfants, l'Etat a violé, alors même qu'il lui appartenait d'en être le garant, les valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice : Considérant que les consorts A ont estimé à 400 000 euros le préjudice subi par leurs parents du fait de leur arrestation, de leur internement et de leur déportation, et à 50 000 euros chacun le préjudice individuel qu'ils ont eux-mêmes subi ; qu'ils font valoir que s'ils ont bénéficié, à l'exception de tout autre dispositif d'indemnisation, des dispositions du décret du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites pour un montant de 27 440, 82 euros, cette mesure n'a pas permis la réparation intégrale du préjudice subi par leurs parents et par eux-mêmes ; Considérant, d'une part, que, si la mise en cause de la responsabilité de l'Etat a été rendue possible par la reconnaissance solennelle de celle-ci par le Président de la République, le 16 juillet 1995, au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation, puis par les décisions de justice prises en ce sens, plus de cinquante ans après les faits, par les juridictions françaises, cette reconnaissance n'a pas altéré la nature et l'étendue des préjudices dont les consorts A demandent réparation ; Considérant, d'autre part, que, eu égard au caractère en tous points exceptionnel des préjudices nés des actes et agissements antisémites de l'Etat pendant l'occupation, il est impossible de rétablir, de quelque manière que ce soit, l'équilibre détruit par le dommage et de parvenir à la réparation intégrale des préjudices subis par les requérants et par leurs parents ; Considérant, cependant, que, pour compenser les préjudices individuels matériels et moraux subis par les victimes de la déportation et par leurs ayants droit, l'Etat a pris une série de mesures, telles que des pensions, des indemnités, des aides ou des mesures de réparation ; que bien qu'elles aient procédé d'une démarche très graduelle et reposé sur des bases largement forfaitaires, ces mesures sont comparables tant par leur nature que dans leur montant, à celles adoptées par les autres Etats européens dont les autorités ont commis de semblables agissements ; que, par ailleurs, la réparation des souffrances exceptionnelles endurées par les personnes victimes des persécutions antisémites ne pouvait se borner à des mesures d'ordre financier, la dimension incommensurable du préjudice abolissant le principe de la réparation par équivalence, dissipant l'idée qu'un tel préjudice puisse être annihilé ou simplement éteint par la voie purement indemnitaire ; qu'une telle oeuvre de réparation appelait la reconnaissance solennelle du préjudice collectivement subi par ces personnes, du rôle joué par l'Etat dans leur déportation ainsi que du souvenir que doivent à jamais laisser, dans la mémoire de la nation, leurs souffrances et celles de leurs familles ; que cette reconnaissance a été accomplie par un ensemble d'actes et d'initiatives des autorités publiques françaises et successivement, par l'adoption par le Parlement de la loi du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, tels qu'ils avaient été définis par la charte du Tribunal international de Nuremberg, par la reconnaissance solennelle par le Président de la République, le 16 juillet 1995, lors de la cérémonie commémorant la grande rafle du Vélodrome d'hiver des 16 et 17 juillet 1942, de la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation des personnes que la législation de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français avait considérées comme juives, par la reconnaissance d'utilité publique le 26 décembre 2000 de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, actes rejoints par la publication au Journal officiel de la République française de l'avis rendu par le Conseil d'Etat le 16 février 2009 ; Considérant que, prises dans leur ensemble, ces dispositions doivent être regardées comme ayant permis, autant qu'il est possible, la réparation, dans le respect des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que par l'article 1 de son premier protocole additionnel, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu la cour européenne des droits de l'homme dans sa décision susvisée du 24 novembre 2009, des préjudices de toute nature causés aux consorts A et à leurs parents, par les actions de l'Etat qui ont concouru à la déportation ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à l'imprescriptibilité, que les consorts A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; D E C I D E : Article 1er : La requête des consorts A est rejetée. '' '' '' '' 5 N° 10PA03855 2 N° 10PA01798
Cours administrative d'appel
Paris