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CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 08/04/2025, 23TL01194, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, à titre principal, la décision du 16 octobre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 10 décembre 2019 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui accorder le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux, de surseoir à statuer sur la liquidation de ses droits à pension militaire d'invalidité et d'ordonner avant dire-droit une expertise médicale confiée à un médecin oto-rhino-laryngologiste à des fins d'évaluation de son taux d'invalidité en lien avec ses acouphènes et d'enjoindre, à titre subsidiaire, à l'administration de procéder au versement d'une pension militaire d'invalidité à son profit pour ses deux infirmités à un taux global de 45% et, en tout état de cause, de mettre les entiers dépens de l'instance à la charge de la sous-direction des pensions du ministère des armées et de mettre à la charge de la sous-direction des pensions du ministère des armées la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°2003889 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 16 octobre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité, a enjoint au ministre des armées d'accorder une pension militaire d'invalidité à M. A... au taux de 45% à compter du 19 juillet 2018 pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par un recours et un mémoire, enregistrés le 23 mai 2023 et le 9 octobre 2024, le ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement rendu le 30 mars 2023 ; 2°) de réformer ce jugement en ce qu'il a accordé un taux d'invalidité de 30% pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale " et un taux d'invalidité de 10% pour l'infirmité " acouphènes bilatéraux permanents " portant ainsi le taux d'invalidité global à 45% ; 3°) de dire et juger que l'infirmité " hypoacousie bilatérale " et l'infirmité " acouphènes bilatéraux permanents " ne sont pas imputables au service. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation notamment sur le moyen de défense tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise la commission de recours de l'invalidité en appliquant au litige l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant de la loi n°2018-607 du 13 juillet 2018 ; - il est entaché d'une erreur dans l'application des dispositions sur la présomption d'imputabilité, qui, contrairement à ce qui a été retenu au point 4, relève des dispositions de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et non de l'article L. 121-1 du même code ; - il est entaché d'une erreur de droit dans la mesure où le 3° de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant de la loi n°2018-607 du 13 juillet 2018, n'était pas applicable au litige ; - il est entaché d'une erreur d'appréciation ; - le lien avec le service pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale " n'est pas établi, dans la cadre d'un régime de preuve, sans présomption, M. A... se bornant à faire état, sans autre précision, d'une exposition au bruit lésionnel depuis 1987 ; - c'est à tort que le tribunal a retenu, s'agissant de l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", que l'exclusion de l'aggravation de la maladie professionnelle, en l'occurrence celle du tableau n°42, ne pouvait concerner qu'une pathologie préalablement retenue ; - c'est à tort que le tribunal a retenu l'infirmité " acouphènes bilatéraux permanents ", constatée le 1er avril 2019, et donc postérieurement à sa demande de pension, présentée le 18 juillet 2018 ; au surplus, aucune preuve de l'imputabilité au service de cette infirmité n'est rapportée ; au surplus, la condition relative au délai de prise en charge d'une année figurant dans le tableau n°42 n'est pas remplie ; - il est demandé à la cour de substituer le motif tiré du défaut d'imputabilité au service de chacune des deux infirmités à celui, retenu à tort par ses services puis par la commission de recours de l'invalidité. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2024, M. B... A..., représenté par Me Anav-Arlaud, de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Bénédicte Anav-Arlaud, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué, dans l'hypothèse d'une annulation du jugement, à la confirmation d'une pension militaire d'invalidité à un taux de 45% et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens, ainsi qu'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif est parfaitement fondé ; - d'autres moyens d'annulation peuvent, à titre subsidiaire, être accueillis, à savoir l'incompétence du signataire de la décision de la commission de recours de l'invalidité, l'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi que l'erreur de droit et l'erreur de fait commises dans l'appréciation du bruit lésionnel ; - dans l'hypothèse d'une annulation du jugement contesté, il y aura lieu de retenir que le ministre doit lui accorder une pension militaire d'invalidité au taux de 45% ; - dans l'hypothèse d'une annulation du jugement contesté, il y aura lieu d'ordonner une expertise afin de déterminer le taux d'invalidité lié à ses acouphènes, infirmité qui a été sous-évaluée. Par une ordonnance du 11 octobre 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 12 novembre 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... s'est engagé dans l'armée de l'air, le 6 janvier 1986, y a exercé des fonctions de mécanicien aéronautique et a obtenu, en dernier lieu, le grade d'adjudant-chef, avant d'être radié des contrôles, le 1er décembre 2020. Par une demande, enregistrée le 19 juillet 2018, l'intéressé a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux. Par une décision du 10 décembre 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. L'intéressé a alors formé, le 28 mai 2020, le recours administratif préalable obligatoire, que la commission de recours de l'invalidité a, par une décision du 16 octobre 2020, également rejeté. Par un jugement, rendu le 30 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, annulé la décision du 16 octobre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de pension de M. A... et a, d'autre part, enjoint au ministre des armées d'accorder une pension militaire d'invalidité à M. A... au taux de 45% à compter du 19 juillet 2018 pour les infirmités d'hypoacousie bilatérale et d'acouphènes permanents bilatéraux dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre des armées relève appel de ce jugement. Sur l'office du juge : 2. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. Sur la régularité du jugement : 3. Le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, annulé la décision de la commission de recours d'invalidité au motif qu'en opposant l'aggravation d'une surdité professionnelle dans le cadre de l'instruction d'une première demande de pension militaire d'invalidité présentée par un militaire, cette autorité administrative avait entaché la décision contestée d'une erreur de droit et s'est, d'autre part, prononcé sur le droit à pension de M. A.... 4. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " 5. Si le ministre des armées soutient que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé en l'absence de réponse, par les premiers juges, au moyen de défense tiré de l'erreur de droit qui aurait été également commise par la commission de recours de l'invalidité en déclarant applicable au litige la présomption prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, issu de l'article 54 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, les premiers juges, qui, ainsi qu'il a été dit au point 3, ont annulé la décision de la commission en retenant une autre erreur de droit et, avant de se statuer sur le droit à pension, dans le respect de l'office du juge des pensions militaires d'invalidité, rappelé au point 2, ont retenu l'application de ces dispositions en indiquant que M. A... en remplissait toutes les conditions, et ont ainsi suffisamment motivé leur décision. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour défaut de motivation doit être écarté. 6. D'autre part, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le ministre des armées ne peut donc utilement soutenir que le tribunal administratif de Nîmes aurait commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation en appliquant au litige la présomption prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Sur le bien-fondé du jugement : 7. Le ministre des armées, dans son recours, ne conteste pas le motif d'illégalité retenu par le tribunal administratif de Nîmes et tiré de ce que la commission de recours de l'invalidité, en excluant l'aggravation de la surdité professionnelle dans le cadre d'une première demande de pension, a entaché sa décision d'une erreur de droit. Toutefois, en soutenant que l'imputabilité au service de la maladie professionnelle invoquée n'est pas établie, il sollicite, d'une part, une substitution de motif et soutient, d'autre part, que la présomption prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre n'était pas entrée en vigueur et n'était donc pas applicable. En ce qui concerne l'applicabilité de la présomption d'imputabilité d'une maladie professionnelle à la demande de M. A... : 8. S'il appartient au juge administratif, saisi d'un litige en matière de pensions, de rechercher si des dispositions législatives ou réglementaires intervenues postérieurement au fait générateur à la date duquel les droits à pension de l'intéressé doivent être normalement appréciés sont susceptibles d'affecter ces droits, c'est à la condition que le législateur ait entendu leur donner une telle portée. 9. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code, issu du II de l'article 54 de la loi du loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense : " Est présumée imputable au service : (...) 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; ". Selon l'article L. 121-2-3 de ce code : " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ". 10. Eu égard à l'objet des dispositions du 3° de l'article L. 121-2 code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui est de faire bénéficier les militaires des mêmes droits que ceux dont disposent les agents publics en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires et en l'absence de dispositions prévoyant une application différée, contrairement à celles prévues au 1° de l'article L. 121-2, qui a trait aux pensions militaires d'invalidité en matière de blessures, le législateur a eu pour volonté, ainsi, au demeurant, que les travaux préparatoires de la loi le confirment, que la présomption d'imputabilité au service des maladies contractées dans ou à l'occasion du service qu'elles prévoient soit d'application immédiate. En conséquence et conformément au principe rappelé au point 8, il y a lieu d'appliquer au présent litige le 3° de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa version issue de la loi du 13 juillet 2018 précitée. 11. Si les conditions sont réunies pour que l'intéressé puisse bénéficier du régime de présomption légale d'imputabilité, cette présomption ne peut être écartée que lorsque l'administration apporte une preuve contraire établissant qu'une cause étrangère au service est à l'origine de façon directe et certaine de l'infirmité invoquée ou de son aggravation. Une telle preuve contraire ne saurait également résulter d'une simple hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. En ce qui concerne l'imputabilité au service des infirmités : S'agissant l'infirmité " hypoacousie bilatérale " : 12. D'une part, si le fait générateur du droit à pension de M. A... a eu lieu, le 25 février 2002, date à laquelle sa surdité neurosensorielle a été diagnostiquée, il résulte de ce qui a été dit au point précédent, qu'il peut bénéficier de la présomption d'imputabilité prévue par le 3° de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et qui renvoient au code de la sécurité sociale. 13. D'autre part, selon l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale : " Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. ". Aux termes du tableau n°42 annexé au livre IV du code de la sécurité sociale : " Désignation des maladies : Déficit audiométrique bilatéral par lésion cochléaire irréversible. Ce déficit est évalué par une audiométrie effectuée de trois semaines à un an après cessation de l'exposition aux bruits lésionnels, en cabine insonorisée avec un audiomètre calibré. (...). Aucune aggravation de cette surdité professionnelle ne peut être prise en compte, sauf en cas de nouvelle exposition au bruit lésionnel ". 14. Il résulte de l'instruction que M. A..., qui disposait d'une audition normale avant son engagement dans l'armée de l'air, justifie avoir exercé, et ce, y compris après 2012, les fonctions de mécanicien aux équipements de sécurité sur Mirage 4 et Mirage 2000 de 1987 à 2001, puis celles de mécanicien cellule piste sur Mirage 2000 de 2001 à 2013 impliquant la mise en route de réacteurs, puis de responsable de maintenance vecteur et moteur pour la période de 2014 à 2015, et de chef de ligne avec des fonctions de mécanicien de cellule hydraulique, et donc avoir effectué des travaux mentionnés dans le tableau n°42 des maladies professionnelles précité et notamment les travaux liés à la mise au point, aux essais et à la propulsion des moteurs thermiques ou encore ceux qui ont lieu à proximité des aéronefs. En conséquence, au regard d'une exposition sonore prolongée, compte tenu des travaux exercés, l'imputabilité au service de l'hypoacousie dont souffre M. A... est établie, contrairement à ce que soutient le ministre, qui ne peut utilement soutenir, pour renverser la présomption ainsi instituée, que l'exposition au brut lésionnel n'aurait été qu'exceptionnelle à compter de 2014. S'agissant de l'infirmité " acouphènes permanents bilatéraux " : 15. Compte tenu de ce qui a été dit au point 10, M. A... peut également bénéficier de la présomption prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour les acouphènes permanents, visés également par sa demande de pension, le 19 juillet 2018, qui mentionnait, de façon très large, ses déficiences auditives, et diagnostiquées dans le rapport de l'expertise médicale, ordonnée par la sous-direction des pensions et dont les conclusions ont été remises le 1er avril 2019. En outre, ce même rapport relève la présence d'acouphènes permanents quotidiens sans retenir explicitement une forme bilatérale mais en indiquant que cette déficience est en lien avec l'infirmité auditive principale et doit donner lieu à une majoration du taux d'invalidité de 10%. Il suit de là que l'imputabilité au service doit également être retenue sans que le ministre des armées puisse utilement invoquer la condition tenant au délai d'un an de prise en charge en lien avec une durée d'exposition minimale d'un an, la circonstance que les acouphènes n'ayant été diagnostiqués que dans le rapport remis le 1er avril 2019 n'y faisant pas obstacle dès lors que le lien avec la surdité neurosensorielle, constatée le 25 février 2002, est établi. 16. Il résulte de tout ce qui précède qu'il ne peut être fait droit à la substitution de motif sollicitée en défense tirée de l'absence d'imputabilité au service des infirmités dont est atteint M. A.... En ce qui concerne le taux d'invalidité global : 17. Aux termes de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension est concédée : (...) 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : a) 30 % en cas d'infirmité unique ; b) 40 % en cas d'infirmités multiples. ". Aux termes de l'article L. 125-8 de ce code : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 125-9, dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne une invalidité de 100 %, le taux d'invalidité est calculé ainsi qu'il suit : (...) 4° Quand l'infirmité principale entraîne une invalidité d'au moins 20 %, le taux d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires est majoré de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. ". 18. D'une part, il est constant, ainsi qu'il a été dit au point 7, que l'aggravation de la surdité professionnelle à partir de 2012 a été exclue à tort. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 14, M. A... a continué d'être soumis au bruit lésionnel pour la période postérieure à 2012, contrairement à ce qu'a retenu le médecin-expert chargé des pensions militaires d'invalidité, dans son avis émis du 22 mai 2019. 19. D'autre part, il résulte de l'instruction et notamment du rapport remis le 1er avril 2019 que les taux d'invalidité relatifs à chacune des deux infirmités de M. A... ont été respectivement évalués à 30% et 10%. Ainsi, après application du seuil de droit commun de 40% en cas d'infirmités multiples et des modalités de calcul du taux d'invalidité globale de M. A..., telles que fixées aux articles L. 125-3 et L. 125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, les droits à pension militaire d'invalidité de M. A..., qui n'est pas fondé à soutenir que ses acouphènes, qui ont donné lieu à deux expertises médicales retenant un taux d'invalidité identique, auraient été sous-évalués, doivent être fixés au taux global de 45%. 20. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise relative au taux d'invalidité retenu en ce qui concerne l'infirmité liée aux acouphènes permanents sollicitée, à titre subsidiaire, par l'appelant que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 16 octobre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité avait rejeté la demande de M. A... tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité et a fixé son taux d'invalidité au taux global de 45%. Sur les frais liés au litige : 21. D'une part, en l'absence, dans la présente instance, de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, M. A... n'est pas fondé, en tout état de cause, à en solliciter le remboursement. 22. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Le recours du ministre des armées est rejeté. Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Bentolila, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-DemaretLa greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°23TL01194 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 11/03/2025, 23MA00139, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 16 novembre 2015 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle. Par un jugement n° 1600661 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande Par un arrêt n° 17MA03131 du 18 septembre 2018, la Cour a annulé ce jugement et cet arrêté, a enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de procéder au réexamen de la situation administrative de M. A... ainsi qu'à sa réintégration avec reconstitution de ses droits sociaux et à pension à compter de la date d'effet de l'arrêté portant licenciement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de l'appel. Par un arrêt n° 23MA00139 du 27 juin 2023, la Cour a d'une part, prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat, s'il ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant sa notification, exécuté l'arrêt de la Cour du 18 septembre 2018 lui enjoignant de reconstituer les droits sociaux et à pension de M. A... à compter de la date d'effet de l'arrêté portant licenciement, le 1er octobre 2016, et mettant à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et d'autre part, fixé le taux de cette astreinte à 250 euros par jour. Procédure devant la Cour : Par des mémoires, enregistrés le 12 septembre 2024, le 9 octobre 2024 et le 19 février 2025, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire indique que la somme de 4 213,17 euros a été versée à l'intéressé au titre des frais d'instance et que la reconstitution de ses droits sociaux et à pension, qui ne requiert pas une décision formalisée, a été opérée, au terme de démarches difficiles, en versant à l'organisme compétent la somme de 10 069,89 euros, que reste à payer à cet organisme la somme de 1 202,95 euros et que la question des modalités de la reconstitution présente à juger un litige distinct. Par des mémoires, enregistrés le 13 septembre 2024, le 21 novembre 2024 et le 19 février 2025, M. A..., représenté par Me Journault, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée contre l'Etat, à hauteur de 126 750 euros au 19 février 2025, à la condamnation de l'Etat à lui verser l'intégralité de cette somme à ce titre, au prononcé d'une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêt de la Cour est frappé de pourvoi en ce qu'il limite l'obligation de l'Etat à une réintégration juridique par une reconstitution des droits sociaux de l'intéressé ; - aucune décision formalisant la reconstitution de ses droits sociaux ne lui a été notifiée ; - les mesures dont il est justifié ne portent que sur la période 2016-2019, alors que la reconstitution doit courir jusqu'à l'âge limite de la retraite ; - le retard dans l'exécution ne lui est pas imputable ; - le décompte produit par l'Etat est erroné dès lors qu'il ne tient pas compte de l'évolution de l'indice, de l'évolution des échelons par ancienneté et de l'évolution de la valeur du point d'indice, ni de la part fixe de l'ISOE, du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence, pourtant inclus dans le traitement du salaire mensuel servant d'assiette au calcul des cotisations et donc des droits sociaux y afférents ; - la régularisation opérée ne tient pas compte des droits sociaux ; - ces questions ne présentent pas à juger un litige distinct de la question de la liquidation de l'astreinte. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code rural et de la pêche maritime ; - le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ; - le décret n° 89-406 du 20 juin 1989 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure public, - et les observations de Me Journault, représentant M. A..., et de M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., enseignant en mathématiques au lycée agricole (LEAP) Fontlongue de Miramas, recruté par contrat à durée indéterminée depuis le 1er septembre 2008, a été licencié pour insuffisance professionnelle par arrêté du ministre chargé de l'agriculture du 16 novembre 2015, avec effet au 1er octobre 2016. Par un arrêt rendu le 18 septembre 2018, la Cour, saisie par M. A... d'un appel contre le jugement du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande dirigée contre cet arrêté, a annulé cette décision et ce jugement et a enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de procéder au réexamen de sa situation administrative ainsi qu'à sa réintégration avec reconstitution de ses droits sociaux et à pension à compter de la date d'effet de l'arrêté portant licenciement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de l'appel. Par un arrêt n° 23MA00139 du 27 juin 2023, la Cour a prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat à défaut pour le ministre chargé de l'agriculture de justifier, dans le délai de trois mois suivant la notification de cet arrêt, de mesures propres à reconstituer les droits sociaux et à pension de M. A... à compter de la date d'effet de l'arrêté portant licenciement, le 1er octobre 2016, ainsi que du versement de la somme de 2 000 euros due au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur la liquidation de l'astreinte : 2. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. /Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. /Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ". L'article L. 911-8 de ce code précise que : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. / Cette part est affectée au budget de l'Etat. ". En ce qui concerne l'exécution des arrêts du 18 septembre 2018 et du 27 juin 2023 en ce qu'ils portent sur les frais liés au litige : 3. Pour assurer l'exécution de l'arrêt de la Cour du 27 juin 2023, le ministre chargé de l'agriculture a procédé au versement le 18 juin 2024, sur le compte bancaire de M. A..., de la somme de 4 213,17 euros correspondant aux sommes mises à la charge de l'Etat par cet arrêt ainsi que celui du 18 septembre 2018, augmentées des intérêts au taux légal. L'arrêt de la Cour est, à cet égard, entièrement exécuté. En ce qui concerne l'exécution des arrêts du 18 septembre 2018 et du 27 juin 2023 en ce qu'ils portent sur la reconstitution des droits sociaux et à pension : 4. L'annulation d'une décision évinçant illégalement un agent public implique nécessairement, au titre de la reconstitution de sa carrière, la reconstitution des droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite, qu'il aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à l'administration de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, comme de la part patronale. Cette obligation procède directement de l'annulation prononcée et n'a pas un caractère distinct de l'ensemble de la reconstitution de carrière à laquelle l'employeur est tenu. S'agissant des droits à pension : 5. Pour procéder à la reconstitution des droits à pension de M. A... à compter du 1er octobre 2016, date de prise d'effet de son éviction illégale, le ministre chargé de l'agriculture a versé à l'organisme Malakoff Humanis chargé du recouvrement des cotisations sociales, patronales et salariales, la somme de 10 069,83 euros. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que le calcul de cette somme, qui vise à rétablir M. A... dans ses droits à pension, en procédant à la régularisation des cotisations afférentes à sa période d'éviction, a été opéré au titre de la période du 1er octobre 2016 au 3 juillet 2019, date à laquelle M. A... a refusé de donner suite aux propositions de postes formulées par le bureau de l'enseignement agricole le 25 juin 2019, en prenant pour assiette les seuls traitements de base de l'agent, à l'exclusion d'indemnités et primes de toute nature. 6. D'une part, contrairement à ce que soutient M. A..., l'intervention d'une décision formelle de reconstitution des droits sociaux et à pension n'est pas nécessaire à l'exécution de l'annulation contentieuse de la décision prononçant illégalement l'éviction du service d'un agent public. 7. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 5 de l'arrêt de la Cour du 27 juin 2023, la réintégration juridique de M. A... à compter du 1er octobre 2016, ordonnée par son arrêt du 18 septembre 2018, qui n'a donné lieu à aucune décision formalisée, a été révélée par la proposition de poste qui lui a été faite le 23 juin 2019. Les effets de l'éviction illégale ayant ainsi cessé au plus tôt à cette date, c'est à bon droit que le ministre chargé de l'agriculture a fixé la période de régularisation des cotisations afférentes à la période d'éviction du 1er octobre 2016 au 3 juillet 2019. 8. Enfin, aux termes de l'article 34 du décret du 20 juin 1989 relatif aux contrats liant l'Etat et les personnels enseignants et de documentation des établissements mentionnés à l'article L. 813-8 du code rural, dans sa rédaction applicable au litige: "Les enseignants contractuels ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant : a) Le traitement brut déterminé par référence à l'échelle indiciaire de leur catégorie, compte tenu éventuellement d'une ancienneté calculée dans les conditions prévues à l'article 38 ci-après ;b) Le supplément familial de traitement et l'indemnité de résidence s'il y a lieu ;c) Les autres avantages ou indemnités attribués par l'Etat aux personnels de l'enseignement public rémunérés selon l'échelle indiciaire de référence et exerçant des fonctions d'enseignement. (...)". L'article 39 de ce décret dispose en outre que : " I.- L'Etat supporte les charges sociales incombant à l'employeur qui comportent : a) Les cotisations instituées par le chapitre Ier du titre IV du livre VII du code rural au titre des prestations familiales et de l'assurance vieillesse et, par dérogation aux dispositions de l'article D. 741-35 du code rural et de la pêche maritime, la cotisation prévue à l'article D. 712-38 du code de la sécurité sociale au titre des risques mentionnés à l'article L. 712-9 du code de la sécurité sociale ;b) Les cotisations versées à une institution de retraite complémentaire choisie par l'association ou l'organisme responsable de l'établissement au taux de 4,80 % sur la tranche de rémunération inférieure ou égale au plafond de la sécurité sociale et au taux de 10 % sur la tranche de rémunération supérieure au plafond de la sécurité sociale ". 9. Il résulte de l'instruction, et plus spécialement du décompte des sommes prises en compte par les services du ministère chargé de l'agriculture, et des sommes versées à l'organisme payeur, que sur la période de reconstitution en cause, il a été tenu compte par ces services de l'évolution, à deux reprises, de la valeur du point d'indice, contrairement à ce que soutient M. A.... Celui-ci ne peut pas utilement se plaindre de ce que la régularisation à laquelle a procédé le ministre n'a pas tenu compte sur cette période de l'évolution de l'indice et des échelons d'ancienneté, eu égard aux dispositions applicables à sa situation d'agent contractuel de l'Etat et à celles de son contrat d'engagement qui ne prévoient pas à son bénéfice des droits à l'avancement et au déroulement de carrière. En revanche, il résulte des dispositions combinées des articles 34 et 39 du décret du 20 juin 1989 relatif aux contrats liant l'Etat et les personnels enseignants et de documentation des établissements mentionnés à l'article L. 813-8 du code rural que les cotisations dues par l'Etat au titre de l'assurance vieillesse de ces personnels sont assises, non pas seulement sur les sommes payées aux agents à titre de traitement de base, les dispositions de l'article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne leur étant pas applicables, mais sur l'ensemble de la rémunération perçue. Sur la période de régularisation en cause, M. A... aurait dû percevoir l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves en faveur des personnels enseignants du second degré, le supplément familial de traitement et l'indemnité de résidence, qu'il percevait avant son éviction. La circonstance que la première de ces indemnités n'est pas soumise à retenue pour pension en vertu de l'article 1er du décret du 15 janvier 1993 instituant cet avantage n'est pas de nature à faire obstacle aux modalités de calcul des contributions de l'employeur dues par l'Etat au régime de retraite de ses personnels enseignants fixées par les dispositions particulières du décret du 20 juin 1989. La circonstance, quant à elle, que ces indemnités sont liées à l'exercice effectif des fonctions est sans incidence sur leur prise en compte au titre de la reconstitution des droits sociaux et à pension de M. A..., dès lors que l'exécution de l'annulation de son éviction illégale implique nécessairement qu'il soit réputé s'être trouvé rétroactivement, et pour la période en cause, dans une position comportant accomplissement de services effectifs du point de vue de la législation sur les pensions. 10. Il suit de là que M. A..., dont la contestation sur ce point ne présente pas à juger un litige distinct de l'exécution des arrêts de la Cour du 18 septembre 2018 et du 27 juin 2023, est fondé à soutenir que la reconstitution de ses droits sociaux et à pension à laquelle a procédé le ministre chargé de l'agriculture sur la période du 1er octobre 2016 au 3 juillet 2019, en versant à l'organisme compétent la somme de 10 069,83 euros, n'assure pas une exécution complète de ces arrêts. 11. Il résulte certes des pièces produites par le ministre chargé de l'agriculture le 13 février 2025, en réponse à une mesure d'instruction décidée par la Cour, que ses services ont tenu compte des observations de M. A... énoncées au point précédent et ont saisi l'organisme payeur des prestations sociales de M. A... de nouveaux éléments de calcul, correspondant à une somme supplémentaire à verser à cet organisme de 1 202,95 euros, et dont M. A..., par la seule production d'un tableau récapitulatif établi par ses soins, ne démontre pas le caractère erroné. 12. Mais, à la date du présent arrêt, le ministre n'a pas justifié du paiement effectif de cette somme à l'organisme payeur des prestations sociales de M. A.... S'agissant des autres droits sociaux : 13. Ainsi que l'affirme M. A... dans ses dernières écritures, il ne résulte pas des éléments produits par le ministre chargé de l'agriculture que, conformément à l'injonction qui lui était adressée par l'arrêt du 18 septembre 2018, il ait procédé à la reconstitution des droits sociaux de M. A..., autres que ses droits à pension. Si ni cet arrêt ni M. A... ne précisent la nature de ces droits dont celui-ci a été privé par l'effet de son éviction illégale, pour la période du 1er octobre 2016 au 3 juillet 2019, il résulte des dispositions de l'article 39 du décret du 20 juin 1989 relatif aux contrats liant l'Etat et les personnels enseignants et de documentation des établissements mentionnés à l'article L. 813-8 du code rural, citées au point 8, ainsi que du bulletin de paie de M. A... pour le mois de mars 2015, notamment que la couverture des risques maladie, maternité et invalidité dont bénéficie cette catégorie d'agents est assurée par une cotisation à la charge de l'Etat, à verser à un organisme collecteur. Il suit de là que, faute de justifier du paiement à un tel organisme des parts patronale et salariale de ces cotisations, le ministre chargé de l'agriculture n'a pas exécuté dans cette mesure les arrêts de la Cour du 18 septembre 2018 et du 27 juin 2023, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. A... aurait reçu une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes. 14. Compte tenu des motifs énoncés aux points 12 et 13, il y a donc lieu de procéder à une liquidation provisoire de l'astreinte ordonnée par l'arrêt du 27 juin 2023, notifié le même jour au ministre chargé de l'agriculture. Pour la période du 27 septembre 2023, date d'expiration du délai imparti par cet arrêt pour prendre les mesures d'exécution, au 25 février 2025, date de l'audience, le montant de cette astreinte, au taux de 250 euros par jour s'élève à 129 250 euros. Au cas d'espèce, compte tenu des mesures d'exécution déjà prises par le ministre, il y a lieu de verser à M. A... 5 % de cette somme, soit 6 462,50 euros. 15. Il reviendra au ministre chargé de l'agriculture de justifier de la régularisation des cotisations sociales conforme aux motifs du présent arrêt, énoncés aux points 12 et 13, et il appartiendra à la Cour de se prononcer sur une nouvelle liquidation de l'astreinte, le cas échéant définitive, sans qu'il y ait lieu, au cas présent, de rehausser le taux de celle-ci. Sur les frais liés au litige : 16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de soit 6 462,50 euros. Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire justifiera auprès de la Cour des mesures prises pour assurer la reconstitution complète des droits sociaux de M. A... conformément aux points 12 et 13 du présent arrêt. Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Copie en sera adressée au ministère public près la Cour des comptes en application de l'article R. 921-7 du code de justice administrative. Délibéré après l'audience du 25 février 2025, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025. N° 23MA01392
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 25/03/2025, 24MA00240, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 11 mai 2022 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours dirigé, d'une part, contre la décision du 22 novembre 2021 de la ministre des armées lui concédant une pension militaire d'invalidité à titre temporaire, pour la période du 15 octobre 2019 au 14 octobre 2022, au taux global de 10 % pour l'infirmité " séquelles d'entorses de la cheville droite, traitement chirurgical et algodystrophie secondaire : raideur légère en flexion plantaire avec un secteur fonctionnel conservé, boiterie, cicatrice post-chirurgicale hypoesthésiante ", et, d'autre part, contre la décision du 1er décembre 2021 de la ministre des armées rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles d'entorse de la cheville gauche avec chondropathie tibiale médiale : douleurs externes avec amplitudes articulaires normales, léger tiroir de l'articulation astragalienne ". M. B... A... a également demandé au tribunal d'enjoindre au ministre des armées de fixer le taux d'invalidité de son infirmité " séquelles d'entorses de la cheville droite (...) " au taux de 25% et celui de son infirmité " séquelles d'entorse de la cheville gauche (...) " au taux de 20%, et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 15 octobre 2019 pour la première infirmité et à compter du 11 janvier 2021 pour la seconde infirmité, ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant-dire droit. Par un jugement n° 2204617 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté l'ensemble des demandes de M. A.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 3 février 2024, M. A..., représenté par Me Stark, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2204617 du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) de juger, d'une part, que les séquelles d'entorse de la cheville droite doivent être pensionnées au taux d'invalidité de 20 %, et, d'autre part, que les séquelles d'entorse de la cheville gauche doivent être pensionnées au taux d'invalidité de 10 % ; 3°) de condamner l'administration à établir un nouveau titre de pension et une nouvelle fiche descriptive correspondant à ses infirmités avec effet au jour de l'enregistrement de ses demandes de pensions ; 4°) à titre subsidiaire, de désigner un médecin expert qui aura pour mission de fixer les taux d'invalidité des infirmités en se plaçant aux dates d'enregistrement des demandes ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 950 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que le tribunal ne s'est pas placé à la date d'enregistrement des demandes de pension pour apprécier le taux d'invalidité de ses infirmités, ce dont il a résulté une sous-évaluation de celui-ci ; - en ce qui concerne la cheville droite, le seul certificat médical du 30 septembre 2019 importe puisqu'il a été établi juste avant l'enregistrement de la demande, et il résulte de celui-ci une importante gêne fonctionnelle justifiant un taux d'invalidité de 20 % ; - en ce qui concerne la cheville gauche, les documents essentiels à prendre en compte sont le compte-rendu d'examen radiographique et échographie du 16 juin 2020 et le compte-rendu d'arthroscanner du 6 octobre 2020, dont il résulte une gêne fonctionnelle justifiant un taux d'invalidité de 10 %. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés. Un courrier du 23 octobre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 2 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., engagé le 28 mai 2013 dans la légion étrangère, a été radié des contrôles le 2 février 2023. Le 15 octobre 2019, il a présenté une première demande de pension militaire d'invalidité pour une infirmité à la cheville droite. Le 11 janvier 2021, il a présenté une seconde demande de pension pour une infirmité à la cheville gauche. Par un arrêté ministériel du 22 novembre 2021, une pension militaire d'invalidité temporaire lui a été concédée, pour la période du 15 octobre 2019 au 14 octobre 2022, au taux global de 10% pour l'infirmité " séquelles d'entorses de la cheville droite, traitement chirurgical et algodystrophie secondaire : raideur légère en flexion plantaire avec un secteur fonctionnel conservé, boiterie, cicatrice post-chirurgicale hypoesthésiante ". Et par une décision du 1er décembre 2021, la ministre a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles d'entorse de la cheville gauche avec chondropathie tibiale médiale : douleurs externes avec amplitudes articulaires normales, léger tiroir de l'articulation astragalienne ", au motif que le taux d'invalidité de cette infirmité est inférieur au minimum indemnisable de 10%. Saisie d'un recours de M. A... contre ces décisions, la commission de recours de l'invalidité, par décision du 11 mai 2022, a, d'une part, modifié le libellé de l'infirmité relative à la cheville droite, et, d'autre part, maintenu les taux d'invalidité fixés par l'administration au titre des deux infirmités. Par un jugement du 14 décembre 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que le taux de l'infirmité de la cheville droite soit porté à 25 % et celui de l'infirmité de la cheville gauche à 10 %. 2. En premier lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de droit. 3. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " (...) Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". Selon l'article L. 121-5 de ce code : " La pension est concédée : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) ". Enfin, l'article L. 151-6 dudit code dispose que : " La décision comportant attribution de pension est motivée. Elle fait ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient de l'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 (...). / Elle est accompagnée en outre, d'une évaluation de l'invalidité qui doit être motivée par des raisons médicales et comporter le diagnostic de l'infirmité et sa description complète, faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte à l'état général qui justifie le pourcentage attribué. ". 4. Par ailleurs, en application de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée et cette évaluation doit, en application des termes mêmes de l'article L. 151-6 du même code, tenir compte de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par ces infirmités. 5. En ce qui concerne, d'abord, l'infirmité n° 1, désormais libellée, à la suite de la décision de la commission de recours de l'invalidité, " séquelles d'entorses de la cheville droite, traitement chirurgical et algodystrophie secondaire : raideur légère en flexion plantaire avec un secteur fonctionnel conservé, boiterie, instabilité notable, déficit proprioceptif, léger déficit musculaire, gêne fonctionnelle à la marche, hypoesthésie de la cicatrice chirurgicale ", il résulte de l'instruction que l'expert mandaté par l'administration a estimé, dans ses rapports remis les 5 août et 8 septembre 2021, que le taux d'invalidité devait être fixé à 25 % en raison d'une flexion plantaire limitée à - 10°et d'une flexion dorsale limitée à - 5°par rapport aux amplitudes normales. L'expert a également relevé une raideur au niveau de l'articulation tibio-talienne, la sous-astragalienne étant normale ainsi que la sous-talienne, une cicatrice chirurgicale avec hypoesthésie au niveau de la cicatrice, et sur le plan fonctionnel, l'absence de pratiques d'activités sportives. Toutefois, alors que, pour confirmer le taux de l'invalidité fixé à seulement 10 % par l'administration, la commission de recours de l'invalidité, suivant en cela l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 14 septembre 2021, a relevé que le déficit articulaire ainsi objectivé était minime avec un secteur fonctionnel utile conservé à la marche, et que l'avis précité du 14 septembre 2021 mentionne plus précisément une limitation de la flexion dorsale non significative et une limitation minime de la flexion plantaire, le certificat médical établi le 30 septembre 2019 par le chirurgien orthopédique et arthroscopique consulté par M. A..., seul document établi avant le dépôt de la demande de pension le 15 octobre 2019, qui objective certes une instabilité de l'articulation avec indication opératoire, ne permet pour autant nullement d'établir, en l'absence de toute description quant à la gêne fonctionnelle induite par la pathologie, qu'à la date de cette demande, le taux d'invalidité de la cheville droite était supérieur à 10 %. Au demeurant, à supposer même que les raideurs de l'articulation constatées par le médecin mandaté par l'administration au cours de l'instruction de la demande de pension aient existé dès le 15 octobre 2019, le guide-barème des invalidités produit par le ministre indique, en ce qui concerne le pied, qu'un taux d'invalidité situé entre 10 % et 30 % doit être appliqué, s'agissant de raideurs articulaires, en cas d'angle de mobilité défavorable (pied talus ou équin), situation qui n'est décrite par aucun des documents et certificats médicaux produits dans l'instance. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à demander l'application d'un taux de 25 % en ce qui concerne l'infirmité n° 1 portant sur sa cheville droite. 6. En ce qui concerne, ensuite, l'infirmité n° 2 libellée " séquelles d'entorse de la cheville gauche avec chondropathie tibiale médiale : douleurs externes avec amplitudes articulaires normales, léger tiroir de l'articulation astragalienne ", l'expert mandaté par l'administration a estimé que le taux d'invalidité devait être fixé à 20 % sur un état antérieur de 5 %, résultant d'un traumatisme survenu en service le 26 août 2014 et responsable de laxité et d'instabilité de la cheville, d'une chondropathie tibiale médiale ouverte ulcérative de stade IV objectivée par un arthroscanner du 6 octobre 2020, ainsi que d'un steppage et d'un déficit de l'extenseur du gros orteil. Toutefois, selon ce même médecin, les appuis unipodaux à gauche sont bien tenus, la marche sur les pointes se réalise normalement sans limitation des amplitudes articulaires de la cheville, et les muscles sont cotés à 4 sur une échelle allant de 0 à 5 au niveau de la jambe et de la cheville gauche. De plus, si l'arthroscanner précité évoque des séquelles d'entorse du ligament collatéral avec dilacération partielle d'un des trois faisceaux du ligament latéral externe de façon partielle, il ne mentionne aucune rupture ligamentaire. Dans son avis du 14 septembre 2021, le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité a estimé qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, et alors que, tant le steppage que le déficit du releveur du gros orteil relèvent d'une infirmité distincte et n'ont donc pas à être pris en compte dans l'évaluation, les seules douleurs ressenties par l'agent ne peuvent davantage être prises en compte sans être accompagnées d'un retentissement fonctionnel. Or, alors que les amplitudes articulaires sont normales, le seul compte-rendu d'arthroscopie précité, dépourvu de toute analyse sur les gênes et retentissements fonctionnels des suites de l'entorse survenue le 26 août 2014, ne saurait suffire à établir, contrairement à ce que soutient l'appelant, que le taux d'invalidité de l'infirmité au titre de laquelle il a sollicité une pension était, à la date de sa demande, supérieur à 10 %. 7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Par suite, l'ensemble de ses conclusions doit être rejeté, en ce compris celles formulées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 25 mars 2025. N° 24MA00240 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 18/03/2025, 22VE02512, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les arrêtés du 21 novembre et du 19 décembre 2019 par lesquels la rectrice de l'académie de Versailles a prolongé son placement en congé de maladie ordinaire du 13 juillet au 30 septembre 2019 et du 1er janvier au 30 avril 2020, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Versailles de la placer en congé de maladie imputable au service à plein traitement, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2004509 du 9 septembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2022, Mme A..., représentée par M. B..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler les arrêtés du 21 novembre et du 19 décembre 2019 ; 3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de la placer rétroactivement en congé de maladie imputable au service à plein traitement, dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai ou, à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de ses arrêts de travail ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : Sur la régularité du jugement attaqué : - le tribunal a omis de répondre au moyen tiré du vice de procédure entachant l'avis de la Commission de réforme ; - le tribunal a commis une irrégularité en écartant le moyen tiré du vice de procédure entachant l'avis du Comité médical au motif erroné qu'il n'était pas accompagné de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; - le jugement est irrégulier en ce qu'il a écarté le moyen tiré du défaut de motivation ; - le jugement est irrégulier en ce qu'il a écarté le vice de procédure tiré du défaut de saisine de la Commission de réforme ; - le jugement est irrégulier en ce qu'il a retenu, à tort, que le maintien en congés de maladie ordinaire à demi-traitement n'était pas entaché d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation ; - le jugement est irrégulier en ce qu'il a retenu, à tort, que les dispositions du 2) de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 n'avaient pas été violées ; Sur le bien-fondé du jugement attaqué : - les arrêtés attaqués sont insuffisamment motivés et méconnaissent les dispositions de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - ils sont entachés d'un vice de procédure en ce qu'ils ont été pris sans avoir recueilli préalablement l'avis de la Commission de réforme sur l'imputabilité au service de la prolongation de son arrêt maladie ; - la décision du 21 novembre 2019 vise un avis du Comité médical rendu en violation des règles de procédure qui lui sont applicables, notamment celles prévues par l'article 7 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure en ce qu'elles ont été prises à l'issu d'une procédure irrégulière devant la Commission de réforme en violation de l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - elles sont entachées d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation en ce qu'elles méconnaissent le caractère imputable au service de la prolongation de l'affection dont elle souffre ; - elles sont entachées d'une erreur de droit en ce qu'elles méconnaissent les dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 86-634 du 13 juillet 1983 et de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2023, le recteur de l'académie de Versailles conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que la demande de première instance est irrecevable en raison de sa tardiveté et qu'en tout état de cause, les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pilven - les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique, - et les observations de Me El Badrawi, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., agent titulaire de la fonction publique auprès du rectorat de l'académie de Versailles exerçant les fonctions d'assistante auprès du chef d'établissement du lycée Jean Perrin à Saint-Ouen-l'Aumône, a été victime d'un accident de service le 6 octobre 2016 ayant entraîné une fracture du poignet gauche et une algodystrophie de ses doigts. Elle a été placée, à compter du 7 octobre 2016 et jusqu'au 18 octobre 2018, en congé maladie imputable au service par des arrêtés successifs. Le 18 octobre 2018, son état de santé a été déclaré consolidé à la suite d'une expertise médicale. Mme A... a, dès lors, été placée en congé de maladie ordinaire. Par un courrier du 19 septembre 2019, Mme A... a demandé à être placée en congé spécial de longue maladie en raison de problèmes de santé imputables à l'accident de service du 6 octobre 2016. Par un arrêté en date du 21 novembre 2019 et deux arrêtés du 19 décembre 2019, la rectrice de l'académie de Versailles a prolongé son congé de maladie ordinaire à demi-traitement du 13 juillet au 30 septembre 2019, à plein traitement du 1er janvier au 18 janvier 2020 et à demi-traitement du 19 janvier au 30 avril 2020. Mme A... relève appel du jugement du 9 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés des 21 novembre et 19 décembre 2019. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la tardiveté de la demande de première instance : 2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Le rectorat de l'académie de Versailles, qui ne produit pas, malgré une mesure d'instruction en ce sens, les accusés de réception de la notification à l'intéressée des arrêtés attaqués, n'établit pas le point de départ du délai de recours contentieux. Par suite, le recteur de l'académie de Versailles n'est pas fondé à soutenir que la demande de première instance serait tardive. En ce qui concerne la légalité des décisions attaquées : 3. D'une part, aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie, de longue maladie et de longue durée et de la réintégration à l'issue de ces congés. Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : 1. La prolongation des congés de maladie au-delà de six mois consécutifs ; 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée ; 3. Le renouvellement des congés de longue maladie et de longue durée ; 4. La réintégration après douze mois consécutifs de congé de maladie ou à l'issue d'un congé de longue maladie ou de longue durée ; 5. L'aménagement des conditions de travail du fonctionnaire après congé ou disponibilité ; 6. La mise en disponibilité d'office pour raison de santé et son renouvellement ; 7. Le reclassement dans un autre emploi à la suite d'une modification de l'état physique du fonctionnaire, ainsi que dans tous les autres cas prévus par des textes réglementaires (...) Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur (...) ". 4. Mme A... soutient que l'avis rendu par le Comité médical le 4 juillet 2019, visé par l'arrêté du 21 novembre 2019, l'a été au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le secrétariat du comité ne l'a pas informée de ses droits garantis par l'article 7 du décret du 14 mars 1986. Si le rectorat de l'académie de Versailles produit un courrier du 9 juillet 2019 informant la requérante des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... a bien été informée de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix. Mme A... doit être regardée comme ayant été privée d'une garantie, cette irrégularité étant de nature à exercer une influence sur le sens de la décision attaquée. Par suite, elle est fondée à soutenir que la procédure est entachée d'irrégularité et à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2019. 5. D'autre part, aux termes de l'article 13 du même décret du 14 mars 1986, " La commission de réforme est consultée notamment sur : 1. L'octroi du congé de maladie ou de longue maladie susceptible d'être accordé en application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; 2. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée dans les conditions prévues au titre VI bis ; 3. L'octroi du congé susceptible d'être accordé aux fonctionnaires réformés de guerre en application de l'article 41 de la loi du 19 mars 1928 susvisée ; 4. La reconnaissance et la détermination du taux de l'invalidité temporaire ouvrant droit au bénéfice de l'allocation d'invalidité temporaire prévue à l'article 8 bis du décret du 26 octobre 1947 modifié susvisé ; 5. La réalité des infirmités résultant d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, la preuve de leur imputabilité au service et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, en vue de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité instituée à l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; 6. L'application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite. 7. L'application, s'il y a lieu, des dispositions réglementaires relatives à la mise en disponibilité d'office pour raison de santé ". Aux termes de l'article 19 de ce même décret : " (...)Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix (...)". 6. Mme A... soutient que l'avis rendu par la Commission de réforme le 17 octobre 2019 l'a été au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le secrétariat du comité ne l'a pas informée de ses droits garantis par l'article 19 du décret du 14 mars 1986. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... a bien été informée de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité d'être entendue par la commission de réforme, de faire entendre le médecin ou la personne de son choix. Mme A... doit être regardée comme ayant été privée d'une garantie, cette irrégularité étant de nature à exercer une influence sur le sens des décisions attaquées. Par suite, elle est fondée à soutenir que la procédure est entachée d'irrégularité et à demander, pour ce motif, l'annulation des arrêtés attaqués. 7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ou d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement et les décisions en litige. Sur les conclusions à fin d'injonction : 8. Eu égard au motif d'annulation, il y a lieu d'enjoindre au rectorat de l'académie de Versailles de se prononcer, à la suite d'une nouvelle séance de la Commission de réforme et d'une nouvelle séance du Comité médical départemental, sur la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2004509 du 9 septembre 2022 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et les trois arrêtés du 21 novembre et du 19 décembre 2019 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au rectorat de l'académie de Versailles de statuer à nouveau sur la demande de reconnaissance d'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A..., après consultation de la Commission de réforme et du Comité médical, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté. Article 5 : le présent arrêt sera notifié à Mme A... et au ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Copie en sera adressée au rectorat de l'académie de Versailles. Délibéré après l'audience du 4 mars 2025, à laquelle siégeaient : M. Etienvre, président de chambre, M. Pilven, président assesseur, Mme Pham, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025. Le rapporteur, J-E. PilvenLe président, F. EtienvreLa greffière, F. Petit-Galland La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 22VE02512002
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 03/04/2025, 22BX00843, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Bordeaux, qui a transmis sa requête au tribunal administratif de Bordeaux, d'organiser une expertise avant dire droit, d'annuler la décision du 17 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, et d'enjoindre à l'administration de lui concéder une pension au taux de 60 % pour l'infirmité de syndrome pyramidal dont il souffre avec perte de sensibilité du membre supérieur droit. Par un jugement n° 1905573 du 4 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par un arrêt avant-dire droit du 4 avril 2024, la cour a ordonné une expertise. Le rapport d'expertise a été enregistré le 9 septembre 2024. Par un mémoire enregistré le 8 novembre 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - contrairement à ce qu'indique l'expert, les premiers signes de la maladie sont apparus au niveau du membre inférieur droit avant l'accident survenu le 30 septembre 2013, comme le montre le courrier d'un médecin de l'hôpital Kaia de Kaboul du 28 novembre 2013 indiquant que depuis début septembre 2013, M. C... présentait un début de boiterie douloureuse, une trépidation épileptoïde de la cheville droite ayant alors été mise en évidence ; - il ne ressort pas du rapport circonstancié que les douleurs survenues le 30 septembre 2013 seraient consécutives à un " véritable traumatisme " ; en l'absence de choc particulier, un geste ou une manœuvre sportive ne sauraient être considérés comme un traumatisme ; - en indiquant que la survenue de symptômes n'était pas certaine en l'absence de traumatisme et que des symptômes survenus sans traumatisme auraient pu être bénins, l'expert émet des hypothèses et non des certitudes ; - la circonstance que l'accident de service a pu précipiter, révéler ou favoriser l'évolution de l'affection imputable au service ne peut être retenue au titre de la preuve ; le taux de 60 % retenu par l'expert est étranger au service. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2022. Par ordonnance du 8 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 janvier 2025. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Monsieur C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., engagé dans l'armée de terre le 1er mai 1995 et affecté depuis 1997 au 13ème régiment de dragons parachutistes, a présenté brutalement des cervicalgies et des paresthésies du membre supérieur droit le 30 septembre 2013, lors d'une séance de sport programmée, alors qu'il se trouvait en mission en Afghanistan. Un syndrome pyramidal a été diagnostiqué fin octobre 2013 à l'hôpital français Kaïa de Kaboul. A son retour en France, M. C... a été pris en charge à l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué, où une IRM a permis de diagnostiquer une myélopathie cervicarthrosique sur un canal cervical étroit constitutionnel, avec un hypersignal intramédullaire en C5-C6. Une décompression médullaire par laminoplastie C3-C7 avec ostéosynthèse a été réalisée le 12 mars 2014, ce qui a permis une régression des signes neurologiques, mais M. C... a conservé comme séquelles un syndrome pyramidal caractérisé notamment par des tremblements des membres inférieurs et une perte de sensibilité de la main droite. Le 15 janvier 2015, il a sollicité à ce titre une pension militaire d'invalidité, et la ministre des armées a rejeté sa demande par une décision du 17 décembre 2018. M. C... a relevé appel du jugement du 4 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. Par un arrêt avant dire droit du 4 avril 2024, la cour a reconnu l'existence d'un accident de service et ordonné une expertise médicale. L'expert a déposé son rapport le 9 septembre 2024. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande : " Ouvrent droit à pension : / (...) / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / (...). " Aux termes de l'article L 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) " Aux termes de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage. " Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine consécutive à un fait précis de service. 3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport circonstancié du 31 janvier 2014, que le 30 septembre 2013, M. C... a ressenti brutalement des douleurs cervicales et des fourmillements du membre supérieur droit lors d'un match de volley-ball organisé dans le cadre du service, et qu'une faiblesse des membres est survenue au décours immédiat de cet épisode. L'expert missionné par la cour confirme les conclusions de l'expert désigné par l'administration, selon lesquelles le traumatisme cervical survenu lors du match de volley-ball a déclenché une myélopathie cervicarthrosique préexistante, jusqu'alors asymptomatique. Si le rapport circonstancié ne précise pas que les symptômes sont survenus à la réception d'un saut (smash), l'existence de ce choc cervical traumatique, mentionné dans des lettres de l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué du 9 décembre 2013 et du centre médical des armées de Bordeaux du 26 novembre 2024, n'est pas sérieusement contestée. Le courrier d'un médecin de l'hôpital français de Kaboul du 28 novembre 2013 adressant M. C... à un confrère pour l'exploration d'un syndrome tétrapyramidal apparu depuis deux mois, c'est-à-dire depuis l'accident de service du 30 septembre 2013, faisait certes état d'une trépidation épileptoïde de la cheville droite constatée lors d'une consultation de septembre 2013 antérieure à l'accident pour une boiterie douloureuse du genou droit en lien avec un traumatisme rotulien ancien. Toutefois, cette trépidation n'était pas comparable aux symptômes, constatés postérieurement à l'accident, de franc syndrome pyramidal, caractérisé d'une part par une trépidation épileptoïde inépuisable bilatérale des membres inférieurs prédominant à droite avec des réflexes ostéotendineux vifs diffusés, polycinétiques et un signe de Babinski gauche, et d'autre part, par une atteinte des membres supérieurs avec une hypoesthésie du bord cubital de la main droite et un signe de Hoffman bilatéral. Selon l'expert missionné par la cour, la myélopathie cervicarthrosique asymptomatique préexistante constituait un facteur de risque de développement ultérieur de symptômes radiculaires et médullaires, et probablement un facteur de fragilité en cas de traumatisme cervical, mais la survenue de symptômes en l'absence de traumatisme n'était absolument pas certaine, dès lors que certaines myélopathies radiologiquement visibles restent parfaitement asymptomatiques. L'expert relève en outre que d'éventuels symptômes auraient pu être bénins, ce qui était le cas de la trépidation de la cheville droite constatée avant l'accident, en l'absence de tout élément faisant état d'une gêne pour l'intéressé ou d'une inquiétude du médecin qui l'a examiné avant l'accident. L'expert en conclut que malgré l'état antérieur asymptomatique de M. C..., les troubles neurologiques dont il souffre désormais sont totalement imputables à l'accident survenu le 30 septembre 2013. Ainsi, dès lors que la filiation entre cet accident de service et l'aggravation de la myélopathie cervicarthrosique préexistante est établie, le ministre des armées ne saurait reprocher à l'expert de s'être fondé sur des hypothèses et non sur des certitudes pour retenir une imputabilité totale des séquelles à cet accident. En outre, le taux d'invalidité de 60 % retenu par les deux expertises n'est pas contesté. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a refusé d'annuler la décision de la ministre des armées du 17 décembre 2018, et il y a lieu d'enjoindre au ministre des armées de lui concéder, à compter du 15 janvier 2015, un droit à pension au taux de 60 % au titre de l'infirmité " séquelles de blessure aux cervicales - syndrome pyramidal - troubles sensitifs du cubital de la main droite ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. 4. Les frais de l'expertise ordonnée par la cour, liquidés et taxés à la somme de 1 800 euros par une ordonnance du président de la cour du 24 septembre 2024, doivent être mis à la charge de l'Etat. 5. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Moumni. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1905573 du 4 janvier 2022 et la décision de la ministre des armées du 17 décembre 2018 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de concéder à M. C..., à compter du 15 janvier 2015, un droit à pension au taux de 60 % au titre de l'infirmité " séquelles de blessure aux cervicales - syndrome pyramidal - troubles sensitifs du cubital de la main droite ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par la cour, liquidés et taxés à la somme de 1 800 euros par une ordonnance du président de la cour du 24 septembre 2024, sont mis à la charge de l'Etat. Article 4 : L'Etat versera à Me Moumni une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre des armées et à Me Moumni. Une copie en sera adressée pour information au docteur A..., expert. Délibéré après l'audience du 11 mars 2025 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Sabrina Ladoire, présidente-assesseure, M. Antoine Rives, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025. La rapporteure, Sabrina B... La présidente, Catherine GiraultLe greffier, Fabrice Benoit La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22BX00843
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 08/04/2025, 23TL00920, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de reconnaître l'accident de travail dont il a été victime, le 12 janvier 2019, comme étant imputable au service, d'enjoindre à l'Etat de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 12 janvier 2019 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°2106570 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Betrom, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement n°2106570, rendu le 31 mars 2023 ; 2°) d'annuler, en conséquence, la décision de rejet implicite née du silence gardé par l'administration sur la demande de reconnaissance d'accident de service adressée le 2 septembre 2021 ; 3°) d'enjoindre à l'administration de le placer en accident de service compter du 12 janvier 2019 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a inversé la charge de la preuve et a remis en cause la présomption d'imputabilité instituée par le législateur ; - les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires lui sont applicables ; - ayant ressenti une vive douleur à la poitrine et un engourdissement de la main gauche sur son lieu de travail, il a bien subi, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, un accident de service. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 10 octobre 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 12 novembre 2024. Par un avis adressé le 13 mars 2025, la cour a informé les parties, qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le champ d'application de la loi a été méconnu, en raison de l'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 à un fonctionnaire dont les droits en matière d'imputabilité au service ont été constitués, le 12 janvier 2019, date à laquelle un infarctus du myocarde lui a été diagnostiqué, soit avant le décret n°2019-122 du 21 février 2019, entré en vigueur le 24 février 2019, et, en conséquence, de ce que la cour était susceptible de substituer d'office aux dispositions précitées, au regard du même pouvoir d'appréciation de l'autorité administrative, celles de l'article 34 de de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 applicables à cette date. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n°2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., surveillant brigadier au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), a été victime d'un infarctus du myocarde sur son lieu de travail, le 12 janvier 2019. Par un courrier du 2 septembre 2021, il a adressé au garde des sceaux, ministre de la justice, une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident, avec placement en congé pour invalidité temporaire imputable au service, demande qui a été implicitement rejetée. M. A... relève appel du jugement du 31 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de cette décision implicite de rejet. Sur la régularité du jugement : 2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. A... ne peut utilement soutenir, pour contester la régularité du jugement, que le tribunal aurait inversé la charge de la preuve en matière d'imputabilité au service de l'accident qu'il aurait subi. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la base légale du refus implicite de rejet opposé à la demande d'imputabilité au service : 3. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. 4. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable avant sa modification par le II de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 5. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance précitée du 19 janvier 2017, en vigueur depuis le 21 janvier 2017 et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article (...) / II.-Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) / VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". 6. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc applicables, s'agissant de la fonction publique de l'Etat, que depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret susvisé du 21 février 2019. Il en résulte que les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 21 février 2019, soit le 24 février 2019. 7. Les droits des agents en matière d'accident de service étant constitués à la date à laquelle celui-ci s'est produit, soit en l'espèce le 12 janvier 2019, la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de M. A... était exclusivement régie par les dispositions issues de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat citées au point 4. 8. Il ressort des pièces du dossier et notamment des écritures en défense du garde des sceaux, ministre de la justice, que, pour rejeter la demande de M. A..., l'autorité administrative s'est à tort fondée sur les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 non encore entrées en vigueur à la date de l'infarctus du myocarde dont il a été victime. Toutefois, le pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité administrative en vertu des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 est le même que celui dont l'investissent les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et les garanties dont sont assortis ces textes étant similaires. Dans ces conditions, et ainsi qu'en ont été informées les parties, il y a lieu de substituer les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 à celles de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. 9. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 à 8, M. A... ne peut utilement solliciter le bénéfice de l'application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. En ce qui concerne l'imputabilité au service : 10. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service, pour l'application de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. 11. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi de faits relatifs à un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, de rechercher si l'accident présente un lien direct avec le service. 12. S'il est constant que M. A... a été victime, le 12 janvier 2019, d'un infarctus survenu sur son lieu de travail et pendant ses heures de service, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance comme des pièces produites en appel et il n'est, au demeurant, pas allégué que ce malaise trouverait son origine dans les conditions d'exercice de ses fonctions, que ce soit le jour de l'accident ou de manière plus générale. Dans ces conditions, l'infarctus dont a été victime M. A..., le 12 janvier 2019, ne saurait être regardé comme imputable au service. En conséquence, c'est sans erreur d'appréciation que le garde des sceaux, ministre de la justice a implicitement rejeté la demande de reconnaissance d'imputabilité présentée par l'agent. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Montpellier a, par le jugement contesté, rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite refusant l'imputabilité au service de l'infarctus subi le 12 janvier 2019. Sur les conclusions à fin d'injonction : 14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'appelle aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. En conséquence, les conclusions que ce dernier présente tendant à ce qu'il soit enjoint à l'autorité administrative de le placer en accident de service compter du 12 janvier 2019 ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-DemaretLa greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°23TL00920 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 28/03/2025, 23VE02648, Inédit au recueil Lebon
Vu les autres pièces du dossier. La clôture de l'instruction a été fixée au 9 octobre 2024. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Mornet, - et les conclusions de M. Frémont, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 8 juin 1939, s'est engagé dans l'armée de l'air française, au sein de laquelle il était pilote d'avion. Il a été victime, le 12 octobre 1964, alors qu'il devait effectuer une mission de reconnaissance côtière " hors guerre ", de l'écrasement au sol de son avion au décollage, sur la piste de l'aéroport de Tulear, à Madagascar. Extrait de l'avion en feu, il a été évacué le 18 octobre 1964 vers l'hôpital de Percy, à Clamart. Il a notamment subi de graves brûlures thermiques oculaires, dont il a conservé des séquelles, avec une baisse de l'acuité visuelle. Il a été radié des cadres au 31 juillet 1980, et une pension militaire d'invalidité lui a été attribuée, au taux global de 95 %, pour six infirmités dont celle relative à ces séquelles. 2. M. B... a été opéré, le 17 mai 2018, pour une cataracte à l'œil gauche, et les suites ont été marquées par l'apparition d'un œdème maculaire. Il est également atteint de cataracte à l'œil droit. Estimant que les blessures liées au service, subies en 1964, ont ainsi connu une aggravation, il a sollicité la révision de sa pension le 6 janvier 2020. Un expert ophtalmologue a rendu son rapport sur cette demande le 25 juillet 2020, et le ministre des armées lui a concédé, par un arrêté du 23 novembre 2020, une pension militaire d'invalidité au taux global de 95 %, à compter du 6 janvier 2020, maintenant la situation antérieure. L'intéressé a contesté cette décision devant la commission des recours de l'invalidité, en application des dispositions de l'article L. 711-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par une décision du 22 septembre 2021, la commission a rejeté son recours. M. B... demande à la cour d'annuler le jugement du 6 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, qui s'est substituée à celle du ministre, et à ce qu'une mesure d'expertise soit ordonnée. 3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L. 121-2 de ce code : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 151-2 dudit code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle. (...) ". Et aux termes de l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". 4. Il résulte des dispositions précitées que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, lesdites dispositions font obstacle à cette révision, l'aggravation devant alors être regardée comme étant due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. Dès lors, au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle. 5. M. B... soutient que l'apparition des cataractes bilatérales dont il est atteint a été causée par l'état fragilisé de ses yeux depuis l'accident dont il a été victime en 1964, dont les séquelles ont donné lieu à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise médicale réalisée par un médecin ophtalmologue le 25 juillet 2020, que la part non imputable au service des opacifications cornéennes est de 67 %, ce constat ayant été confirmé par l'avis rendu par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité le 2 octobre 2020. Alors qu'il résulte au demeurant des données de l'Assurance maladie, reprise en défense par le ministre des armées et non contestée par le requérant, que la cataracte est une maladie touchant plus de 20 % de la population après 65 ans et plus de 60 % des personnes après 85 ans, M. B... présente ainsi une pathologie liée à l'âge, évoluant pour son propre compte, distincte de l'affection pensionnée, celle-ci ne l'ayant pas causée de manière directe et déterminante. La circonstance que le médecin chargé de l'expertise du 25 juillet 2020 aurait relevé, à tort selon lui, qu'il s'était " présenté à l'expertise sans l'aide d'une tierce personne avec une stratégie d'environnement analytique de l'espace visuel ", est sans incidence à cet égard. M. B..., qui joint à sa requête des articles généraux de langue anglaise, ne produit aucun autre document, notamment médical, qui serait de nature à remettre en cause l'appréciation portée par la commission des recours de l'invalidité, ou à rendre utile la réalisation d'une nouvelle mesure d'expertise. 6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande, et que l'ensemble des conclusions de sa requête d'appel, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent par suite être rejetées. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient : - M. Even, premier vice-président, président de chambre, - Mme Mornet, présidente assesseure, - M. Cozic, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2025. La rapporteure, G. MornetLe président, B. Even La greffière, S. de Sousa La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 23VE02648
Cours administrative d'appel
Versailles
Conseil d'État, 9ème chambre, 02/04/2025, 493180, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2020 par lequel le ministre de l'économie, des finances et de la relance lui a concédé une pension de retraite en tant qu'il révèle le refus de lui verser une rente viagère pour invalidité imputable au service prévue à l'article 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, d'enjoindre à l'Etat de lui octroyer, à la date de sa mise à la retraite, une pension augmentée de la rente viagère d'invalidité et de le condamner à lui verser les intérêts moratoires correspondant au retard à lui verser la différence entre la pension ainsi majorée et celle initialement octroyée. Par une ordonnance du 6 mai 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon a transmis sa demande au tribunal administratif d'Orléans. Par un jugement n° 2101789 du 6 février 2024, ce tribunal a rejeté cette demande. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 avril et 8 juillet 2024 et le 3 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Benoît Chatard, auditeur, - les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., technicienne de 2ème classe au sein de l'administration pénitentiaire, a été victime le 1er mars 2011 d'un accident reconnu imputable au service. Placée en congé de longue maladie à compter du 23 janvier 2012 puis en congé de longue durée à compter du 31 août 2013, elle a présenté le 20 juin 2019 une demande de mise à la retraite pour invalidité, sur laquelle, au vu de l'expertise réalisée le 17 juillet 2019 par laquelle le médecin expert l'a déclarée inapte de manière totale et définitive à ses fonctions et à toutes fonctions et a fixé son taux d'invalidité à 40 %, la commission de réforme réunie le 20 janvier 2020 a émis un avis favorable. En exécution d'un arrêté du 5 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a émis un titre de pension concédant et liquidant sa pension de retraite sur le fondement de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, pour invalidité non imputable au service. Mme B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 6 février 2024 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de pension du 5 octobre 2020 en tant qu'il révèle le refus de lui octroyer une rente viagère pour invalidité imputable au service. 2. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service (...) et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation (...) sur sa demande (...). / L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code (...) ". Aux termes de l'article L. 28 du même code : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies à l'article L. 30 ter, avec la pension rémunérant les services. / (...) / Le montant de la rente d'invalidité est fixé à la fraction du traitement ou de la solde de base définis à l'article L. 15 égale au pourcentage d'invalidité (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes de l'article R. 38 du même code : " Le bénéfice de la rente viagère d'invalidité prévue à l'article L. 28 est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité surviennent avant la limite d'âge et sont imputables à des blessures ou maladies résultant par origine ou aggravation d'un fait précis et déterminé de service ou de l'une des autres circonstances énumérées à l'article L. 27 ". 3. Il résulte de ces dispositions que le droit pour un fonctionnaire de bénéficier de la rente viagère d'invalidité prévue par l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite est subordonné à la condition que les blessures ou maladies contractées ou aggravées en service aient été de nature à entraîner, à elles seules ou non, la mise à la retraite de l'intéressé. 4. Il ressort des termes du jugement attaqué qu'alors qu'il était saisi du moyen tiré de ce que l'invalidité ayant justifié la mise à la retraite de la requérante était imputable au moins partiellement au service et qu'en outre le ministre chargé des pensions avait indiqué avoir demandé au ministère employeur de la requérante de chiffrer le taux d'invalidité propre aux séquelles de l'accident survenu en service, seul susceptible de donner lieu à une rente viagère d'invalidité, le tribunal administratif, après avoir relevé les contradictions existant entre les expertises médicales rendues successivement au sujet de la requérante, en a déduit qu'il n'était pas établi que le refus d'une rente viagère d'invalidité fût entaché d'une erreur d'appréciation. En statuant ainsi, sans rechercher, au besoin en faisant usage de ses pouvoirs d'instruction, si l'invalidité en cause était au moins partiellement imputable au service, le tribunal a commis une erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à payer à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 6 février 2024 du tribunal administratif d'Orléans est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif d'Orléans. Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Benoît Chatard, auditeur-rapporteur. Rendu le 2 avril 2025. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi Le rapporteur : Signé : M. Benoît Chatard Le secrétaire : Signé : M. Brian Bouquet La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2025:493180.20250402
Conseil d'Etat
CAA de LYON, 7ème chambre, 03/04/2025, 22LY03443, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement l'Etat et le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à lui verser la somme de 320 500 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'accident de service dont elle a été victime. Par un jugement n° 2000526, 2100376 du 29 septembre 2022, le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme A... une indemnité de 134 000 euros, de laquelle doit être déduite la somme de 80 000 euros de provision accordés par le juge des référés, mis à la charge définitive du SIVOS les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 240 euros, et a condamné le SIVOS à garantir l'Etat à hauteur de 100 % des 134 000 euros. Procédure devant la cour I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 novembre 2022 et le 6 juin 2023 sous le n° 22LY03443, le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges, représenté par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat ou de Mme A... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la matérialité des faits n'est pas établie ; - il ne peut être retenu un défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Par un mémoire enregistré le 11 mai 2023, le recteur de l'académie de Bourgogne Franche-Comté conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les éléments du dossier démontrent suffisamment la matérialité des faits et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Par un courrier du 7 février 2025, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrégularité du jugement en tant que le tribunal n'a pas appelé en la cause la caisse de sécurité sociale à laquelle Mme A... était affiliée. Par une ordonnance du 19 février 2025, l'instruction a été close au 6 mars 2025. La MGEN Côte-d'Or a présenté un mémoire, enregistré le 18 mars 2025, qui n'a pas été communiqué. II. Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 novembre 2022 et le 27 juin 2023, sous le n° 22LY03461, Mme A..., représentée par la SCP Clemang, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il limite le montant de la réparation à 134 000 euros ; 2°) de condamner solidairement l'Etat et le SIVOS à lui verser 20 500 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, 80 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, 150 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, 5 000 euros au titre de son préjudice esthétique, 15 000 euros au titre des souffrances endurées, avec les intérêts capitalisés à compter du mois de septembre 2022 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat et du SIVOS la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la matérialité des faits est suffisamment établie par les pièces du dossier ; - le lien de causalité direct et certain entre le dommage et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage est établi ; - l'accident du 17 septembre 2015 a été à l'origine d'un traumatisme crânien, puis d'un décollement postérieur du vitré de l'œil droit, à l'origine d'une baisse de l'acuité visuelle ainsi que de séquelles neurocognitives et psychiatriques et d'un déficit de l'épaule gauche chez une gauchère ; elle ne présentait aucun état préalable ; - son préjudice d'agrément est constitué, dès lors que, grande lectrice auparavant, elle ne peut plus lire que dix minutes d'affilée, qu'elle ne peut plus s'adonner à ses activités de jardinage sans l'aide de ses proches, qu'elle ne peut plus pratiquer le piano à défaut de pouvoir lire les partitions, qu'elle ne peut plus pratiquer le vélo, ni le ski, ni la randonnée, ni le canoë kayak ; ce préjudice sera justement réparé par un montant de 80 000 euros ; - le déficit fonctionnel temporaire a été évalué à 60 % ; il devait lui être accordé un montant fixé à au moins 500 euros par mois en moyenne basse, au regard du barème des cours d'appel et de la jurisprudence de la juridiction administrative ; le montant alloué doit être réévalué à la somme de 20 500 euros ; - le déficit fonctionnel permanent, évalué à 59,5 %, doit être réévalué à 150 000 euros, en fixant un point d'indice à 2 920 euros au regard du barème des cours d'appel pour une femme de cet âge ; - les souffrances évaluées à 4 sur une échelle de 1 à 7 par les experts, seront justement réévaluées à 15 000 euros ; - le préjudice esthétique, évalué à 2 sur une échelle de 1 à 7 par les experts, est constitué par le handicap qu'elle présente et par une importante prise de poids en lien avec les traitements ; il sera justement réévalué à la somme de 5 000 euros. Par des mémoires enregistrés les 11 mai et 19 juin 2023, le recteur de l'académie de Bourgogne-Franche-Comté conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - le lien de causalité direct et certain entre le dommage et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage est établi, ce dont atteste le certificat médical établi par le médecin traitant de Mme A... le 18 septembre 2015 ; - Mme A... ne justifie pas du préjudice d'agrément dont elle se prévaut, faute de démontrer l'effectivité de la pratique régulière d'une activité qui serait désormais entravée ou empêchée par les photographies et attestations produites ; la pratique occasionnelle d'activités est déjà indemnisée par le déficit fonctionnel permanent ; à considérer ce préjudice comme constitué, il ne pourrait donner lieu qu'à une fraction, évaluée entre 5 et 10 %, du déficit fonctionnel permanent, soit un montant entre 5 750 et 23 000 euros, également limitée à une fourchette entre 7 500 et 30 000 euros en tenant compte du montant, surévalué, demandé par la requérante au titre de son déficit fonctionnel permanent ; - le déficit fonctionnel temporaire a été justement évalué, au regard du barème de l'ONIAM et du taux retenu par les experts, pour une durée de 41 mois ; - le déficit fonctionnel permanent a été justement apprécié par les premiers juges au regard du barème de l'ONIAM ; - les souffrances endurées, évaluées à 4 sur une échelle de 7 par les experts, sont justement indemnisées par le montant fixé à 8 000 euros par les premiers juges, qui ont retenu la fourchette haute du barème de l'ONIAM ; - le préjudice esthétique, évalué à 2 sur une échelle de 7, a également été justement réparé par les premiers juges, qui là encore ont appliqué la fourchette haute du barème ONIAM. Par un mémoire enregistré le 6 juin 2023, le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'annuler le jugement, ainsi que de mettre à la charge de l'Etat ou de Mme A... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la matérialité des faits n'est pas établie ; - il ne peut être retenu un défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Par un courrier du 7 février 2025, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrégularité du jugement en tant que le tribunal n'a pas appelé en la cause la caisse de sécurité sociale à laquelle Mme A... était affiliée. La requête a été communiquée à la MGEN section de la Côte-d'Or, caisse de sécurité sociale de Mme A..., qui n'a pas présenté d'observations. Par une ordonnance du 13 février 2025, l'instruction a été close au 27 février 2025. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'éducation ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code des pensions civiles et militaires de l'Etat ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boffy, première conseillère, - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public, - et les observations de Me Buvat, représentant le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges ; Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., professeure des écoles, a été victime le 17 septembre 2015 d'un accident alors qu'elle était en salle de classe à l'école élémentaire de Noiron-sous-Gevrey, un tableau s'étant détaché du mur et lui ayant occasionné un grave traumatisme au crâne ainsi qu'à l'épaule gauche. Par arrêté de la rectrice de l'académie de Dijon du 19 octobre 2015 cet accident a été reconnu imputable au service. A la demande de Mme A..., une expertise médicale a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, dont le rapport a été déposé le 1er août 2019. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement l'Etat et le syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à lui verser la somme de 320 500 euros en réparation des préjudices consécutifs à cet accident. Par un jugement du 29 septembre 2022, le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme A... une indemnité de 134 000 euros, de laquelle doit être déduite la somme de 80 000 euros de provision accordés par le juge des référés, mis à la charge définitive du SIVOS les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 240 euros, et a condamné le SIVOS à garantir l'Etat à hauteur de 100 % des 134 000 euros. Sous la requête n° 22LY03443, le SIVOS doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à garantir intégralement l'Etat. Sous la requête n° 22LY03461, Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il limite le montant de la réparation à 134 000 euros. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément. De même, en cas d'accident suivi de mort, la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit leur demeure acquise (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) " ; 3. Faute d'avoir d'office mis en cause la MGEN, section de la Côte-d'Or, à laquelle est affiliée Mme A..., pour qu'elle exerce l'action mentionnée ci-dessus, le tribunal, qui a méconnu la portée des dispositions précitées, a entaché le jugement attaqué d'irrégularité. Il y a donc lieu, dans la limite des conclusions dont la cour est saisie en appel, d'annuler ce jugement, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les moyens de première instance et d'appel présentés par le SIVOS et par Mme A.... Sur la responsabilité de l'Etat : 4. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 5. Lorsqu'un fonctionnaire, victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, impute les préjudices qu'il estime avoir subis non seulement à la collectivité publique qui l'emploie, mais aussi à une autre collectivité publique, notamment en raison du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public dont elle a la charge, et qu'il choisit de rechercher simultanément la responsabilité de ces deux collectivités publiques en demandant qu'elles soient solidairement condamnées à réparer l'intégralité de ses préjudices, il appartient au juge administratif, d'une part, de déterminer la réparation à laquelle a droit le fonctionnaire en application des règles exposées au point précédent et de la mettre à la charge de la collectivité employeur et, d'autre part, de mettre à la charge de l'autre collectivité publique, s'il n'a pas été mis à la charge de l'employeur et s'il estime que sa responsabilité est engagée, le complément d'indemnité nécessaire pour permettre la réparation intégrale des préjudices subis. 6. Il incombe également au juge, si la collectivité employeur soutient qu'une partie de la réparation financière mise à sa charge en application des règles exposées au point précédent doit être supportée par l'autre collectivité publique mise en cause, de déterminer si celle-ci doit la garantir et, dans l'affirmative, pour quel montant. 7. En l'espèce, la responsabilité du rectorat de l'académie de Bourgogne-Franche-Comté, qui n'a pas présenté de conclusions d'appel ni contesté en première instance que Mme A... avait été victime d'un accident de service le 17 septembre 2015, est engagée pour risque. Sur les préjudices de Mme A... : En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : 8. Mme A... a été placée en congé de maladie à plein traitement depuis son accident, ce temps de congé étant pris en compte au titre de ses droits à pension et de son avancement. Elle n'a donc subi aucune perte de rémunération liée à son emploi de professeure des écoles. Elle n'établit pas davantage qu'elle aurait été privée de possibilités de promotion du fait de son accident. Il s'ensuit que ses conclusions tendant à l'indemnisation d'un préjudice professionnel doivent être rejetées. En ce qui concerne les préjudices temporaires : 9. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le déficit fonctionnel temporaire dont a été atteinte Mme A... durant la période allant du jour de l'accident à sa date de consolidation, soit du 17 septembre 2015 au 20 février 2019, peut être évalué à 60 %. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à 9 000 euros. 10. En second lieu, Mme A... a enduré des souffrances, fixées par les experts à 4 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 8 000 euros. En ce qui concerne les préjudices permanents : 11. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme A... subit un déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident de 59,5 %. Il y a lieu, compte tenu de son âge à la date de la consolidation de son état de santé, d'indemniser ce préjudice à hauteur de 140 000 euros. 12. En deuxième lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique de la requérante, évalué par les experts à 2 sur une échelle de 1 à 7, en lui allouant une indemnité de 2 000 euros. 13. En dernier lieu, Mme A... demande une somme de 80 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, dont l'expertise reconnaît l'existence, mais sans autre précision. Elle se prévaut d'activités antérieures de cyclisme, randonnée et ski, sans en justifier suffisamment. En revanche, et comme elle le démontre, l'état de son épaule et ses difficultés visuelles l'empêchent de s'adonner normalement à ses activités de jardinage, de couture et de lecture, avec une importante propension à la fatigue. Il sera fait une juste réparation de son préjudice d'agrément en lui accordant à ce titre une somme de 7 000 euros. 14. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 166 000 euros en réparation des préjudices de Mme A..., dont doit être déduite la provision de 80 000 euros qui lui a déjà été versée. Sur l'appel en garantie du SIVOS : En ce qui concerne l'exception de prescription : 15. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Et aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; (...) ". 16. Il résulte de l'instruction que l'accident dont Mme A... a été victime a eu lieu le 17 septembre 2015. Le délai de prescription contre cet accident, qui a commencé à courir le 1er janvier 2016, a été interrompu par la requête en référé expertise présentée par Mme A... le 7 juin 2018, et n'a recommencé à courir que le 1er janvier 2020, avant d'être à nouveau interrompu. Ainsi, quand bien même le SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Briondon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges n'était pas partie à l'instance de référé-expertise, l'exception tirée de la prescription de la créance de Mme A... ne peut qu'être écartée. En ce qui concerne le défaut d'entretien normal de l'ouvrage : 17. Aux termes de l'article L. 212-4 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " La commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement, à l'exception des droits dus en contrepartie de la reproduction par reprographie à usage pédagogique d'œuvres protégées. ". 18. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve, d'une part, de la réalité de ses préjudices, et, d'autre part, de l'existence d'un lien de causalité direct entre cet ouvrage et le dommage qu'il a subi. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure. 19. Le SIVOS, auquel la commune de Noiron-sur-Gevrey a transféré sa compétence en matière d'équipement et de fonctionnement des écoles publiques, conteste la matérialité des faits survenus le 17 septembre 2015 à l'origine des préjudices dont Mme A... s'est prévalue devant le tribunal. Le SIVOS oppose que l'accident n'a été constaté par aucun témoin direct, et que les témoignages de personnels en poste à l'école ne font état ni de la présence de Mme A... ni de la moindre anomalie le jour de l'accident. Il résulte cependant de l'instruction que Mme A..., enseignante au sein du réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), avait un emploi du temps variable, distinct de celui s'appliquant habituellement aux autres enseignants, et qu'elle n'était pas nécessairement connue de tous les agents de l'école. Par ailleurs, à l'exception d'une erreur de date dans un échange par mail, qui indique le 18 septembre au lieu du 17 septembre 2015, son récit, cohérent, n'a pas varié, comme le montrent notamment le témoignage de sa sœur, l'attestation de la directrice de l'école à laquelle elle a rapporté l'accident dès le lendemain matin ainsi que les différents mails et la déclaration d'accident de service renseignée le 29 septembre 2015. Il en ressort que Mme A... a déclaré qu'elle était seule le 17 septembre 2015 à 11 heures 15 dans la salle où a eu lieu l'accident et qu'elle était en train de procéder à un affichage quand le volet gauche du tableau a basculé, la blessant à la tête et à l'épaule. Elle indique avoir brièvement perdu connaissance puis, à son réveil, s'être rendue chez sa sœur, qui habite à proximité, et le lendemain chez son médecin traitant qui l'a placée en arrêt de travail. Le certificat médical établi par ce dernier le 18 septembre 2015 fait état d'un " traumatisme (écrasée par un tableau) " et d'une " entorse cervicale, + traumatisme crânien + traumatisme épaule G + omoplate G. ". Par ailleurs, l'agent d'entretien atteste avoir retrouvé ce volet au sol le 17 septembre au soir, descellé de son support, alors que le lendemain matin la directrice a constaté que l'intéressée portait une minerve. Rien dans les productions du SIVOS ne permet d'établir que la description, précise et crédible, que l'intéressée a faite de l'accident serait mensongère, ni que l'intéressée aurait une part de responsabilité dans la survenue de cet accident. Ainsi, le SIVOS n'est pas fondé à soutenir que l'existence d'un lien de causalité entre le dommage subi par Mme A... et l'ouvrage public dont elle était usagère ne serait pas avéré. 20. Par ailleurs, pour justifier du bon entretien de l'ouvrage, le SIVOS produit des attestations de son président et d'un de ses agents techniques qui affirment que le tableau était parfaitement fixé. Elles ne permettent toutefois pas de connaître la date à laquelle ce constat a été réalisé. Si le SIVOS indique que tous les tableaux de l'école ont été vérifiés, mais après l'accident, et que l'assistant de prévention des circonscriptions du Grand Dijon, lors de sa visite de l'établissement le 14 mars 2014, n'a relevé aucune défaillance particulière de ce matériel, la fiche établie par la suite relève certaines vétustés au sein de l'école, dont une moquette murale qui se décolle, sans que soit spécialement remis en cause le fait que le tableau était ancré sur un mur revêtu d'une moquette murale, qui plus est vieillissante, par seulement quatre vis alors que son dispositif de fixation en prévoit huit, et que les simples chevilles cylindriques entourant les vis étaient dépourvues de tout système anti arrachement. Les photographies produites montrent un orifice au mur, qui présente des éléments de dégradation. Si aucun débris de plâtre ou élément de fixation, au demeurant pour partie encore fichés dans le volet, n'ont été retrouvés au sol, et si le bureau, dont rien n'indique d'ailleurs qu'il aurait été sur la trajectoire de chute, n'a pas été dégradé, de telles circonstances ne sauraient suffire pour conclure à l'absence de chute de cet élément. Faute d'autres explications à la chute du tableau qu'une installation et une maintenance non conformes aux règles de l'art, le SIVOS, auquel il appartenait de prévenir le danger en prenant toutes les précautions nécessaires, notamment en s'assurant qu'il était correctement fixé, de surcroît dans un lieu fréquenté quotidiennement par de jeunes enfants et leurs enseignants, ne peut dès lors être regardé comme justifiant d'un entretien normal de l'ouvrage. 21. Il résulte de ce qui précède que le SIVOS a manqué à son obligation d'entretien normal des installations dont il est maître d'ouvrage. Eu égard au caractère exclusif de ce manquement dans la survenue de l'accident dont a été victime Mme A..., il y a lieu de condamner le SIVOS à garantir l'Etat à hauteur de 100 % de la somme de 166 000 euros mise à sa charge par le présent arrêt. Sur les intérêts et leur capitalisation : 22. Les intérêts et leur capitalisation ont été demandés pour la première fois en appel le 28 novembre 2022. Mme A... ayant présenté une demande indemnitaire préalable reçue par le ministre de l'éducation nationale le 30 août 2019, la somme ci-dessus portera intérêts à compter de cette dernière date. Les intérêts seront capitalisés à compter du 28 novembre 2022, dès lors qu'à cette date ils étaient dus au moins pour une année entière, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Sur les frais liés au litige : 23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat les sommes au titre des frais exposés par Mme A... d'une part et le SIVOS d'autre part et non compris dans les dépens. 24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A... qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au SIVOS la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 25. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du SIVOS la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 septembre 2022, en tant qu'il a condamné le SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à garantir intégralement l'Etat et fixé le montant de la réparation due à Mme A... à 134 000 euros, est annulé. Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A... la somme de 166 000 euros en réparation de ses préjudices, dont doit être déduite la provision de 80 000 euros déjà accordée. Cette somme portera intérêts à compter du 30 août 2019. Les intérêts seront capitalisés à compter du 28 novembre 2022 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Article 3 : L'Etat sera garanti par le SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges à hauteur de 100 % de la somme de 166 000 euros, y compris les intérêts et leur capitalisation. Article 4: Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 5 : Les conclusions du SIVOS de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges et le surplus de celles présentées par Mme A... sont rejetés. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au recteur de l'académie de Bourgogne-Franche-Comté, au syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) de Noiron-sous-Gevrey, Broindon, Epernay-sous-Gevrey et Savouges, à la MGEN, section de la Côte d'Or, et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient : M. Picard, président de chambre, Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, Mme Boffy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025. La rapporteure, I. BoffyLe président, V.-M. Picard La greffière, M. C... La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, 2 N° 22LY03443, 22LY03461 ar
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANCY, 5ème chambre, 22/04/2025, 24NC00632, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes formées les 3 août 2001, 14 février 2002 et 16 juin 2002 tendant à son admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité au taux de 83, 20 % et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ainsi que d'une pension civile d'invalidité au taux de 50 % complétée de la majoration spéciale définitive au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne et des rappels ou arrérages dus à compter du 25 janvier 2002, ces conclusions en annulation étant assorties de conclusions à fin d'injonction et de conclusions à fin d'indemnité. Par un jugement n° 1604215 du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 19NC02326 du 31 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de M. B... dirigée contre ce jugement du 3 mai 2019. Par une décision n° 462067 du 12 mars 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. B..., annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy et renvoyé l'affaire devant la même cour. Procédure devant la cour : Productions présentées avant le renvoi : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 juillet 2019, 21 février et 26 juin 2020 et 15 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Welzer, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 mai 2019 ; 2°) d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes formées les 3 août 2001, 14 février et 16 juin 2002 tendant à son admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité au taux de 83, 20 % et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ainsi que d'une pension civile d'invalidité au taux de 50 % complétée de la majoration spéciale définitive au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne et des rappels ou arrérages dus à compter du 25 janvier 2002 ; 3°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande d'indemnité qui a été réévaluée à 200 000 euros, augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation administrative par l'administration, en réparation des préjudices moraux, psychologiques et financiers et d'autres natures consécutifs aux décisions illégales de l'administration de refuser irrégulièrement de l'admettre à la retraite le 25 janvier 2002 pour incapacité permanente d'exercer ses fonctions et autre travail, de lui attribuer une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension civile d'invalidité, et de lui attribuer la majoration spéciale au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne ; 4°) d'annuler par voie de conséquence la décision du 27 octobre 2006 prononçant sa radiation des cadres à compter du 9 février 2002 ; 5°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le radier des cadres pour admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité dans les conditions qu'il demande ; 6°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et au ministre de l'action et des comptes publics de lui attribuer une pension d'invalidité au taux de 50 % de son dernier traitement, une rente viagère d'invalidité au taux de 83, 20 % et la majoration spéciale au titre de l'assistance d'une tierce personne, ainsi que le versement des arrérages estimés à 400 000 euros pour la période à compter du 25 janvier 2002, revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation ; 7°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation par l'administration en réparation des troubles moraux, psychologiques, et financiers ; 8°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Sur la régularité du jugement : - le jugement méconnaît le principe du contradictoire faute pour le tribunal d'avoir sollicité auprès du ministère de l'intérieur des justificatifs à l'appui de ses allégations erronées ; - le jugement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; Sur le bien-fondé du jugement : - sa requête est recevable, l'autorité de la chose jugée n'y faisant pas obstacle ; - en raison de son incapacité permanente à l'exercice de ses fonctions au 25 janvier 2002, les décisions attaquées méconnaissent les dispositions des articles L. 24-2°, L. 27, L. 28 et L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sans qu'il y ait lieu de rechercher une aggravation de son état postérieurement à l'avis du comité médical supérieur de juin 2001 ; - il est fondé à demander la majoration au titre de l'assistance d'une tierce personne à compter du 25 janvier 2002 en application de l'article R. 43 du code des pensions civiles et militaires ; - l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires ne lui est pas opposable puisqu'il n'a pas sollicité la révision de sa pension civile de retraite sur le fondement des articles L. 4-1° et L. 25-1° du code des pensions civiles et militaires mais sur le fondement des articles L. 24-12°, L. 27, L. 28 et L.30 ; - les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure, faute pour la commission de réforme d'avoir été saisie conformément aux dispositions de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 ; - l'illégalité des décisions attaquées constitue une faute de l'Etat justifiant une indemnité de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants jusqu'à ce que l'administration régularise sa situation par sa mise à la retraite à la date du 25 janvier 2002 pour invalidité imputable au service, avec l'attribution d'une rente viagère d'invalidité sur la base de son taux d'invalidité de 83, 20 % et de son traitement au 10ème échelon cumulable avec une pension au taux de 50 % sur le 10ème échelon rémunérant ses services de sous-brigadier de police avec majoration spéciale et son renouvellement au titre de l'assistance d'une tierce personne, le versement des arrérages estimés à 400 000 euros à compter du 25 janvier 2002 revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et que les éléments dont il se prévaut ne sont pas de nature à remettre en cause l'autorité de la chose jugée le 3 décembre 2009 par la cour administrative d'appel de Nancy dans l'arrêt n° 08NC01777 et les 16 juillet 2012 et 24 septembre 2015 par le tribunal administratif de Strasbourg dans les jugements n° 092821-1102410 et n° 1203220. Productions présentées après le renvoi : Par des mémoires enregistrés les 13 mai 2024, 22 mai 2024 et un dernier mémoire non communiqué le 8 août 2024, M. B..., représenté par la SCP Gadiou, Chevallier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2019 ; 2°) d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes formées les 3 août 2001, 14 février 2002 et 16 juin 2002 tendant à son admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité au taux de 83, 20 % et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ainsi que d'une pension civile d'invalidité au taux de 50 % complétée de la majoration spéciale définitive au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne et des rappels ou arrérages dus à compter du 25 janvier 2002 ; 3°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande d'indemnité qui a été réévaluée à 200 000 euros, augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation administrative par l'administration en réparation des préjudices moraux, psychologiques et financiers et d'autres natures consécutifs aux décisions illégales de l'administration de refuser irrégulièrement de l'admettre à la retraite le 25 janvier 2002 pour incapacité permanente d'exercer ses fonctions et autre travail, de lui attribuer une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension civile d'invalidité, et de lui attribuer la majoration spéciale au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne ; 4°) d'annuler par voie de conséquence la décision du 27 octobre 2006 prononçant sa radiation des cadres à compter du 9 février 2002 ; 5°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le radier des cadres pour admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité dans les conditions qu'il demande ; 6°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et au ministre de l'action et des comptes publics de lui attribuer une pension d'invalidité au taux de 50 % de son dernier traitement, une rente viagère d'invalidité au taux de 83, 20 % et la majoration spéciale au titre de l'assistance d'une tierce personne, ainsi que le versement des arrérages estimés à 400 000 euros pour la période à compter du 25 janvier 2002, revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation ; 7°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation par l'administration en réparation des troubles moraux, psychologiques, et financiers ; 8°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 840 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal a modifié la nature de ses demandes et ses conclusions ; - le tribunal s'est fondé sur des faits matériellement inexacts dès lors que le ministre de l'intérieur n'a pas produit les courriers de convocation de l'administration pour des examens médicaux en recommandé avec accusé de réception ; - l'avis du comité médical du 18 janvier 2000 est irrégulier en tant qu'il a été émis au terme d'une procédure méconnaissant les dispositions du 2ème alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et des articles 7, 25 ou 41 du décret du 14 mars 1986 ; - la procédure suivie par le comité médical est irrégulière pour violation des droits de la défense ; - c'est par un détournement de procédure que l'administration a saisi le comité médical ; - cet avis du 18 janvier 2000 a été rendu par une composition irrégulière méconnaissant les articles 5,6 et 7 du décret du 14 mars 1986 ; - cet avis est insuffisamment motivé ; - il présente une incapacité permanente et définitive à exercer ses fonctions et tout autre travail depuis 1999 et son état est incompatible avec un reclassement dans un autre emploi ; - l'article 25 du décret du 14 mars 1986 est inapplicable à sa situation et en raison de son incapacité permanente à l'exercice de ses fonctions au 25 janvier 2002, les décisions attaquées méconnaissent les dispositions des articles L. 24-2°, L. 27, L. 28 et L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; - les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure, faute pour la commission de réforme d'avoir été saisie conformément aux dispositions de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 ; - l'illégalité des décisions attaquées constitue une faute de l'Etat justifiant une indemnité de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants jusqu'à ce que l'administration régularise sa situation par sa mise à la retraite à la date du 25 janvier 2002 pour invalidité imputable au service, avec l'attribution d'une rente viagère d'invalidité sur la base de son taux d'invalidité de 83, 20 % et de son traitement au 10ème échelon cumulable avec une pension au taux de 50 % sur le 10ème échelon rémunérant ses services de sous-brigadier de police avec majoration spéciale et son renouvellement au titre de l'assistance d'une tierce personne, le versement des arrérages estimés à 400 000 euros à compter du 25 janvier 2002 revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002. Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les conclusions à fin d'annulation sont tardives, que l'autorité de la chose jugée s'oppose à ce qu'il soit fait droit aux conclusions à fin d'annulation et que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Le ministre de l'action et des comptes publics a été informé de la reprise d'instance et n'a pas produit. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 16 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Peton, - et les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique. Une note en délibéré, enregistrée le 25 mars 2025, a été présentée par M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... exerçait les fonctions de sous-brigadier de la police nationale. Il a été victime les 27 août 1983, 5 octobre 1987 et 11 mai 1992 d'accidents reconnus imputables au service. Par un arrêté du 20 octobre 1997, le ministre chargé des finances lui a accordé une allocation temporaire d'invalidité au taux de 17 % pour la période du 29 décembre 1993 au 28 décembre 1998 en raison de ces deux derniers accidents en application de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Le 19 octobre 1998, M. B... a subi une chute qui a été également reconnue comme imputable au service. Par un courrier du 13 décembre 1999, l'administration a indiqué à M. B... que le médecin inspecteur régional l'avait reconnu apte à reprendre ses fonctions dès le 25 novembre 1999 dans un poste administratif et lui a prescrit de rejoindre son poste immédiatement. Sur saisine de M. B..., le comité médical départemental a, par un avis du 18 janvier 2000, confirmé son aptitude à reprendre ses fonctions à compter du 25 novembre 1999. Cette décision a été validée par le comité médical supérieur par un avis du 26 juin 2001. En dépit des mises en demeure de reprendre son poste sous peine de radiation des cadres des 16 et 31 juillet 2001, M. B... a maintenu sa position en arrêt de travail. Le médecin agréé n'a pas constaté d'aggravation de son état de santé lors de l'analyse de l'état de santé de l'intéressé le 6 septembre 2001. Malgré une ultime mise en demeure du préfet du 29 janvier 2002 restée vaine, le ministre de l'intérieur l'a radié des cadres de la police nationale pour abandon de poste par une décision du 25 avril 2002. Cette décision ayant été annulée par arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 4 mai 2006, le ministre a pris une nouvelle décision le 27 octobre 2006 radiant M. B... des cadres de la police nationale pour abandon de poste à compter du 9 février 2002. Par un arrêt devenu définitif du 3 décembre 2009, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de M. B... relevant appel du jugement du 30 septembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 27 octobre 2006 et de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours gracieux du 10 février 2007. Par des courriers des 3 août 2001, 14 février 2002, 16 juin 2002, 22 novembre 2002, 16 novembre 2006 et 5 octobre 2010, M. B... a demandé au ministre de l'intérieur de lui octroyer une pension civile d'invalidité à un taux de 50 % à compter du 25 janvier 2002 accompagnée d'une rente viagère d'invalidité et de la majoration pour tierce personne avec demande des arrérages estimés à 400 000 euros. Par un second courrier du 16 juin 2002, M. B... a également demandé une indemnité par mois de retard de 870 euros assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation. Enfin, le 27 juin 2016, M. B... a demandé à l'administration de lui verser une indemnité de 150 510 euros en réparation de ses préjudices matériels et moraux au titre de la période du 25 janvier 2002 au 30 juin 2016. Ces demandes ont donné lieu à des décisions implicites de rejet. M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes des 3 août 2001, 14 février et 16 juin 2002 et d'annuler, par voie de conséquence, la décision du 27 octobre 2006 prononçant sa radiation des cadres à compter du 9 février 2002. Par un jugement du 3 mai 2019, le tribunal a rejeté l'ensemble de ces demandes d'annulation, ainsi que les conclusions indemnitaires et celles à fin d'injonction. Par un arrêt du 31 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel relevé par M. B... contre ce jugement. Sur pourvoi introduit par M. B..., le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant cette même cour. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, M. B... ne saurait soutenir que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'erreur d'appréciation dès lors que cette critique des motifs du jugement est étrangère à sa régularité. 3. En deuxième lieu, l'article R. 611-10 du code de justice administrative dispose que : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige ". La mise en œuvre de ce pouvoir d'instruction constitue un pouvoir propre du juge. 4. Contrairement à ce que soutient M. B..., en s'abstenant d'ordonner à l'administration de communiquer les courriers de convocation à des examens médicaux, le tribunal, qui apprécie l'utilité d'une mesure d'instruction, y compris lorsqu'elle est sollicitée par l'une des parties, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité. 5. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif aurait modifié la nature des demandes de la requête de M. B..., ni qu'il aurait statué en-deçà ou au-delà des conclusions dont étaient saisis les premiers juges. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne l'exception de chose jugée opposée par le ministre de l'intérieur aux conclusions en annulation : 6. Aux termes de l'article 1355 du code civil : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ". L'autorité de la chose jugée d'une décision juridictionnelle, qui s'attache au dispositif de cette décision et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, est subordonnée à la triple identité de parties, d'objet et de cause. 7. En premier lieu, par une demande enregistrée sous le n° 1203220, M. B... avait demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites de rejet de ses demandes du 14 février 2002, du 22 novembre 2002, du 16 novembre 2006 et du 5 octobre 2010 par lesquelles le ministre de l'intérieur a refusé de le radier des cadres de la police nationale pour invalidité à compter du 25 janvier 2002, de l'admettre en retraite d'office en lui accordant une pension à un taux de 50 % et de lui attribuer une rente d'invalidité. Le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 24 septembre 2015 devenu définitif. Cette demande du 14 février 2002, qui réitérait la demande du 3 août 2001, avait le même objet que cette dernière. La demande du 16 juin 2002 réitérait celle du 14 février 2002 et avait, par suite, le même objet que celui de cette dernière et de celle du 3 août 2001. Par conséquent, la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg à l'appui de sa requête n° 1604215 rejetée, comme mal fondée, par le jugement du 3 mai 2019, puis devant la cour dans le cadre de la présente instance, demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, des décisions implicites de rejet de ses demandes des 3 août 2001, 14 février 2002 et 16 juin 2002, a le même objet que les conclusions à fin d'annulation, pour excès de pouvoir, rejetées par le précédent jugement n° 1203220 du 24 septembre 2015. Les conclusions à fin d'annulation, pour excès de pouvoir, rejetées par le jugement du 3 mai 2019 sont fondées sur des moyens reposant sur la même cause juridique que celles rejetées par le jugement du 24 septembre 2015. L'autorité de la chose jugée s'attachant à ce dernier jugement, par suite de la triple identité de parties, d'objet et de cause, fait, dès lors, obstacle à ce que les prétentions de M. B... soient accueillies. Il en résulte que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que cette autorité fait obstacle à ce que M. B... demande à nouveau l'annulation des décisions par lesquelles le ministre a implicitement rejeté ses demandes tendant à son admission à la retraite pour invalidité et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité et d'une pension civile d'invalidité, assortie d'une majoration pour tierce personne. 8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, par un jugement du 30 septembre 2008, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision du 27 octobre 2006 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a radié des cadres de la police nationale à compter du 9 février 2002 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un arrêt, définitif, du 3 décembre 2009, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête dirigée par M. B... contre ce jugement. Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Strasbourg et tendant à l'annulation, serait-ce par voie de conséquence, de cette décision du 27 octobre 2006, réitérées devant la cour à l'occasion de la présente instance, ont le même objet que celles ainsi rejetées par ce jugement du 30 septembre 2008. Ces conclusions reposent sur des moyens relevant d'une même cause juridique déjà soulevée dans l'instance ayant donné lieu à ce jugement. Dès lors, l'autorité s'attachant à ce dernier fait obstacle à ce qu'il soit fait droit à ces conclusions tendant à l'annulation, par voie de conséquence, de cette décision du 27 octobre 2006. 9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation, d'une part, des décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur les demandes de M. B... des 3 août 2001, 14 février 2002 et 16 juin 2002 et, d'autre part, de la décision du 27 octobre 2006 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, il ne saurait être fait droit aux conclusions à fin d'injonction dont elles sont assorties. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : 10. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 11. La circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques encourus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. 12. M. B... demande à la cour de condamner l'Etat à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation de troubles moraux, psychologiques et financiers. Il n'apporte toutefois aucun élément permettant à la cour d'évaluer le préjudice financier dont il se prévaut et ne justifie d'aucun préjudice psychologique ni moral. Par conséquent, ses conclusions indemnitaires ne peuvent être accueillies. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté l'ensemble de ses demandes. Sur les frais liés au litige : 14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient : - M. Durup de Baleine, président, - M. Barlerin, premier conseiller, - Mme Peton, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2025. La rapporteure, Signé : N. PetonLe président, Signé : A. Durup de Baleine Le greffier, Signé : A. Betti La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier, A. Betti N° 24NC00632 2
Cours administrative d'appel
Nancy