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CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 29/12/2021, 19BX04892, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal des pensions de Bordeaux d'annuler la décision du 19 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité d'hépatite C chronique, et de fixer le taux de sa pension à 40 %. Par un jugement du 16 octobre 2019, le tribunal a annulé la décision du 19 décembre 2018 et a enjoint à l'Etat de porter le taux de la pension à 40 % à compter du 10 octobre 2016. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 16 décembre 2019 et un mémoire enregistré le 9 octobre 2020, la ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement. Elle soutient que : - le jugement n'est pas motivé en droit, ce qui l'entache d'irrégularité ; - les malaises et chutes allégués ont partiellement pour origine un éthylisme chronique important non imputable au service, et l'expert conclut que le pronostic semble plus lié à l'état général précaire qu'à la cirrhose ; eu égard à la disparition de la charge virale à la fin de l'année 2016 et en l'absence de signe clinique d'aggravation, c'est à tort que le tribunal a fait droit à la demande de M. C... en lui accordant un droit supplémentaire à pension de 10 % ; - elle ne peut valider la proposition de l'expert dont l'analyse ne fait ressortir aucun élément médical objectif permettant de caractériser une aggravation par rapport à la précédente expertise qu'il avait réalisée le 6 avril 2010 ; le médecin chargé des pensions militaires ne confirme pas l'aggravation en l'absence de description de l'état de l'intéressé et en raison de l'éthylisme chronique important décrit lors d'une instance antérieure ; la commission consultative a également constaté l'absence d'aggravation en raison de la disparition de la charge virale et d'un éthylisme chronique massif et ancien ; les expertises des 8 août 2014 et 6 avril 2010, ainsi que l'attestation du 15 juillet 2009, établissent que l'éthylisme a contribué à produire des effets néfastes sur l'état de santé de M. C.... Par des mémoires en défense enregistrés le 1er mai 2020 et le 11 février 2021, M. C..., représenté par Me Davous, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il fait valoir que : - le jugement est suffisamment motivé, et à titre subsidiaire, la cour pourra régler le litige par la voie de l'évocation ; - l'aggravation de sa pathologie ressort des différents documents médicaux produits, notamment du rapport d'expertise du 25 mai 2018 ; le traitement qu'il a suivi à la fin de l'année 2016 et au début de l'année 2017 et le certificat médical du 30 août 2016 démontrent l'existence d'une aggravation ; - aucun éthylisme ne peut lui être reproché à la date de la demande de révision de sa pension. M. C... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2020. Vu : - les autres pièces du dossier. - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique, Considérant ce qui suit : 1. M. C... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux de 30 % par arrêté du 21 juin 2010, avec jouissance à compter du 26 mars 2010, pour l'infirmité d'hépatite C chronique contractée lors d'une vaccination le 7 juillet 1979 dans le cadre de son service national. Le 10 octobre 2016, il a sollicité la révision de cette pension pour aggravation, ainsi que le bénéfice des dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre relatives à l'allocation pour tierce personne. Par une décision du 19 décembre 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 16 octobre 2019, le tribunal des pensions de Bordeaux, saisi par M. C..., a pris acte du désistement de ce dernier relatif à la demande présentée au titre de l'article L. 18, a annulé la décision rejetant la demande de révision de la pension au titre de l'aggravation de l'infirmité d'hépatite C chronique, et a enjoint à l'Etat de porter le taux de la pension à 40 % à compter du 10 octobre 2016. La ministre des armées relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 2. Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application. En l'espèce, le jugement attaqué, qui ne fait référence à aucune disposition législative ou réglementaire, ne comporte aucune motivation en droit. Par suite, il est irrégulier et doit être annulé en tant qu'il a statué sur la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. C.... 3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal des pensions militaires de la Gironde. Sur la légalité de la décision de rejet de la demande de révision de la pension de M. C... : 4. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre applicable à la date de la demande : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " 5. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise réalisée le 6 avril 2010, que le taux de 30 % de la pension concédée à titre définitif par arrêté du 21 juin 2010 correspondait à une hépatite C chronique de type 1B active avec une charge virale élevée, que le dernier contrôle échographique montrait alors un aspect d'hépatomégalie hyperéchogène sans image nodulaire ni signe évocateur d'une hypertension portale, et que le patient, dont l'examen clinique était normal, était sans doléance digestive particulière en dehors d'une asthénie survenant par poussées intermittentes. L'expert avait cependant signalé une comorbidité avec une exogénose rendant compte en partie des perturbations biologiques hépatiques, notamment de la cytolyse, de l'élévation des Gamma GT et de la ferritinémie élevée, et relevé que le bilan biologique réalisé en janvier 2010, au décours de trois mois d'arrêt de toute boisson alcoolisée, retrouvait une normalisation des transaminases et des Gamma GT, ainsi qu'une baisse de la ferritinémie. Une expertise ultérieure, réalisée le 8 août 2014 en vue de la reconnaissance d'un droit à pension pour des troubles psychologiques, a conclu que l'altération psychologique était liée à des troubles de la personnalité aggravés par un alcoolisme chronique. Lors de l'expertise réalisée le 25 août 2018 pour l'évaluation de l'aggravation de l'infirmité pensionnée, M. C..., dont l'hépatite C chronique avait évolué en 2016 au stade F4 de cirrhose, et qui avait bénéficié fin 2016 et début 2017 d'un traitement antiviral ayant permis de rendre les charges virales négatives, se plaignait d'une asthénie majeure et de malaises avec chutes, et présentait une hyperferritinémie nécessitant la réalisation de saignées. L'expert a conclu que le pronostic d'évolution de l'état de santé de l'intéressé semblait davantage lié à un état général précaire qu'à la cirrhose qui devrait régresser grâce à la thérapie antivirale C. Si M. C... fait valoir qu'aucun éthylisme ne pouvait lui être reproché à la date de la demande de révision de sa pension, soit le 10 octobre 2016, d'une part, il n'apporte aucun commencement de preuve du sevrage allégué au-delà de la brève période de trois mois à la fin de l'année 2009 mentionnée par l'expertise réalisée en 2010, et d'autre part, l'état général précaire dont l'expert a tenu compte le 25 août 2018 pour porter le taux d'invalidité de 30 % à 40 % est imputable, au moins partiellement, à un éthylisme dont les pièces produites par la ministre des armées établissent le caractère massif et ancien. Par suite, l'aggravation de l'infirmité pensionnée en lien avec la maladie originelle est nécessairement inférieure à 10 %, et n'ouvre donc pas droit à une révision de la pension. Il s'ensuit que la demande présentée par M. C... devant le tribunal des pensions de Bordeaux doit être rejetée. Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige : 6. M. C..., qui est la partie perdante dans la présente instance, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions de Bordeaux du 16 octobre 2019 est annulé en tant qu'il a statué sur la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. C.... Article 2 : La demande de révision pour aggravation de la pension militaire d'invalidité de M. C... présentée devant tribunal des pensions de Bordeaux et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... C.... Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, président, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Nathalie Gay, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2021. La rapporteure, Anne B... La présidente, Catherine GiraultLe greffier, Fabrice Benoit La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 5 N° 19BX04892
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de LYON, 7ème chambre, 06/01/2022, 19LY04408, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, le cas échéant après une mesure d'expertise psychiatrique en vue d'évaluer son taux d'invalidité permanente partielle en lien avec l'accident de service du 6 juin 2014, d'annuler la décision du 11 juillet 2017 par laquelle le maire de Clermont-Ferrand l'a placée en congé de maladie ordinaire du 30 mars au 31 juillet 2017, après avoir fixé au 29 mars 2017 la date de consolidation de son état de santé. Par un jugement n° 1701842 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Clermont--Ferrand a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 1er septembre 2020, Mme B..., représentée par Me Giraudet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 3 octobre 2019 et de faire droit à ses demandes présentées devant le tribunal administratif ; 2°) de mettre à la charge de la commune de Clermont-Ferrand une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa demande de première instance était recevable ; la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée ; - le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que le tribunal a écarté sa contestation de l'avis du médecin agréé portant sur la date de consolidation ; - les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ; - la commune n'apporte pas la preuve de l'information du médecin de prévention lors de la saisine de la commission de réforme en méconnaissance de l'article 27 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ; le défaut de rapport de ce médecin dans le dossier examiné par la commission entache l'avis de cette dernière d'irrégularité substantielle en la privant d'une garantie ; - elle établit le lien entre l'accident de service et son état de santé, qui n'était pas consolidé, à la date de la décision en litige ; - il n'existait aucun état de santé antérieur qui aurait déterminé à lui seul son incapacité professionnelle ; - le taux de 15 % d'invalidité partielle permanente est entaché d'erreur d'appréciation. Par un mémoire enregistré le 13 février 2020, la commune de Clermont-Ferrand, représentée par Me Bonicel-Bonnefoi, conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que la demande de première instance était irrecevable en raison de sa tardiveté et qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé. Par décision du 11 décembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande de Mme B.... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le décret n° 2001-99 du 31 janvier 2001 ; - le décret n° 87-02 du 30 juillet 1987 modifié ; - le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ; - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; - et les observations de Me Lambert, pour la commune de Clermont-Ferrand ; Considérant ce qui suit : 1. Recrutée initialement par contrat le 13 janvier 1999 par la commune de Clermont--Ferrand, Mme A... B... est agent administratif titulaire depuis le 1er mai 2004 et affectée, depuis mai 2003, dans des fonctions d'accueil et de secrétariat au centre socio-culturel du Château des Vergnes. Après un premier accident de nature similaire en 2004 et la prise en charge d'une pathologie lourde qui l'a écartée du service entre 2012 et 2014, elle a subi le 6 juin 2014 la manifestation aiguë d'un syndrome anxio-dépressif et de troubles neuropsychologiques dont le contexte professionnel a conduit l'administration, au vu d'expertises psychiatriques, à l'imputer, avec les interruptions de travail qui ont suivi, au service. Sur avis de la commission de réforme en date du 4 juillet 2017, statuant au vu d'un rapport médical du 10 avril précédent, constatant l'inaptitude temporaire de l'intéressée, défavorable à la prise en charge au titre de l'accident de service des soins et arrêts de travail postérieurs au 29 mars 2017, la date de consolidation étant fixée à cette date avec un taux d'incapacité partielle permanente de 15 %, le maire de la commune de Clermont-Ferrand a placé Mme B... en position de congé de maladie ordinaire à compter du 29 mars 2017 par une décision du 11 juillet 2017. Il s'ensuit que cette décision doit, en ce qu'elle place l'intéressée en congé de maladie ordinaire à l'issue de cette procédure, être regardée comme révélant une décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Mme B... demande à la cour l'annulation du jugement du 3 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à ce que, après le cas échéant une expertise, le taux de son incapacité soit augmenté, et qu'il soit fait droit à ses demandes de première instance. Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de Mme B... : Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation en mentionnant, pour écarter le moyen tiré de l'erreur d'appréciation de l'administration dans la détermination de la date de sa consolidation, que les documents produits par Mme B..., dont sont d'ailleurs mentionnées des citations dans les motifs aux points 4 et 5 du jugement, étaient insuffisants pour infirmer l'avis porté par le médecin agréé. Ainsi, alors que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par Mme B... à l'appui de son moyen tiré de l'erreur d'appréciation, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement doit être écarté. 3. En deuxième lieu, si Mme B... reproche aux premiers juges d'avoir commis une erreur d'appréciation et de lecture des pièces du dossier, une telle circonstance n'est en tout état de cause pas de nature à affecter la régularité du jugement, mais seulement son bien-fondé. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. En premier lieu, si l'article 27 du décret du 28 mai 1982 susvisé dispose que " le médecin de prévention est informé par l'administration dans les plus brefs délais de chaque accident de service ", c'est à la condition que soit survenu, en service ou à l'occasion du service, un fait précis qui permette à l'administration d'en décrire les circonstances et au médecin de prévention de prescrire les mesures propres à prévenir ou à atténuer les risques ainsi mis en évidence dans le milieu du travail. Tel n'est manifestement pas le cas s'agissant, après une période d'éloignement du service, de la détermination, ensuite d'un accident survenu le 6 juin 2014, du maintien à compter du 29 mars 2017 de l'imputabilité au service d'une pathologie et de la consolidation de cette dernière lors du renouvellement d'un congé de maladie. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit également être écarté comme inopérant. 5. En deuxième lieu, sans en tout état de cause que la régularité de la signature de l'autorité portée sur le bordereau de transmission du rapport du médecin de prévention au secrétariat de la commission de réforme ait une incidence sur la preuve de l'existence de cette transmission, Mme B..., nonobstant l'absence, regrettable, de mention de ce rapport dans le procès-verbal de la séance de la commission de réforme du 4 juillet 2017, n'établit pas l'ineffectivité de la mise à disposition dudit rapport aux membres de la commission attestée par ce bordereau, produit à l'instance en défense par la commune de Clermont-Ferrand. Dès lors, le moyen tiré de l'atteinte aux garanties offertes à Mme B... par la procédure devant la commission de réforme manque en fait et doit être écarté. 6. En dernier lieu, c'est à bon droit, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, que les premiers juges ont écarté les moyens tirés de l'erreur d'appréciation de l'état de santé antérieur de l'intéressée au regard de l'imputabilité au service de sa pathologie à la date de la décision en litige et de la détermination de la date de sa consolidation, et de l'évaluation du taux de l'invalidité partielle permanente de Mme B..., dont les certificats médicaux nouveaux produits en appel, portant sur des circonstances de fait postérieures à la décision du 11 juillet 2017, ne sont pas susceptibles de remettre en cause les éléments sur lesquels s'est fondé le tribunal pour apprécier la légalité sur ces points de la décision en litige. 7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance ni d'ordonner une expertise, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 11 juillet 2017 la plaçant en congé de maladie ordinaire à compter de la date de sa consolidation au 29 mars 2017, l'informant de la fixation à 15 % du taux de son invalidité partielle permanente, et ayant implicitement pour effet de refuser l'imputabilité de sa pathologie au service à compter de cette date. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Clermont-Ferrand, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés à l'occasion du litige par la commune de Clermont-Ferrand. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par la commune de Clermont-Ferrand au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Clermont-Ferrand tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Clermont--Ferrand. Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2022. N° 19LY04408 el
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 24/12/2021, 19MA04808, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille d'annuler la décision en date du 6 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice d'une pension militaire d'orpheline majeure infirme, du chef de son père, et de lui accorder cette pension. Par un jugement n° 18/00036 du 11 octobre 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête et le mémoire présentés par Mme A..., enregistrés à son greffe les 9 janvier et 17 juin 2019. Par cette requête et ce mémoire, Mme A..., représentée par Me Ettori, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille du 11 octobre 2018 ; 2°) avant dire droit, de désigner un expert médical pour l'examiner en Algérie et se prononcer sur l'impossibilité pour elle de gagner sa vie, liée à son infirmité permanente ; 3°) d'annuler la décision en date du 6 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice de la pension militaire d'orpheline majeure infirme, du chef de son père ; 4°) de lui accorder cette pension, à compter du 23 mars 2011, date de sa demande, ainsi que les arrérages de la pension sur trois années ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me Ettori, la somme de 2 000 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - la pathologie dont elle souffre est incurable et l'empêche d'occuper un emploi, ainsi que le montrent les certificats médicaux produits ; - le médecin expert qui l'a examinée à l'ambassade de France à Alger n'est pas un spécialiste de cette pathologie ; - son état de santé, justifiant un taux d'invalidité de 60%, confirmé par les certificats médicaux versés au dossier et faisant obstacle à l'exercice d'un métier, contredit les affirmations du compte rendu administratif sur lequel s'appuie la ministre en défense et qui invoque à tort le respect par elle de coutumes locales ; - elle n'a d'ailleurs jamais travaillé et ne justifie d'aucune ressource propre, compte tenu notamment de son instance de divorce. Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 mars et 12 juillet 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 mars 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Ury, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., de nationalité algérienne, fille d'un militaire de carrière décédé le 16 août 1990, a sollicité auprès du ministre de la défense, le 23 mars 2011, le bénéfice d'une pension d'orphelin majeur infirme. Cette demande a été rejetée par décision de la ministre des armées du 6 octobre 2017. Par jugement du 11 octobre 2018, dont Mme A... relève régulièrement appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à l'octroi de cette pension. 2. Aux termes de l'article L. 57 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur au jour du dépôt de la demande de pension de Mme A... : " Les orphelins, les enfants adoptifs et les enfants de conjoints survivants, bénéficiaires du présent code, atteints d'une infirmité incurable ne leur permettant pas de gagner un salaire dont le montant est fixé par décret, conservent, soit après l'âge de vingt et un ans, soit après l'âge de dix-huit ans, le bénéfice de la pension dont ils sont titulaires ou de la majoration à laquelle ils ont droit, sauf dans le cas où ils pourraient être hospitalisés aux frais de l'Etat ". 3. L'ouverture du droit à l'avantage que prévoient les dispositions législatives précitées est subordonnée à la condition que le demandeur, appartenant à l'une des catégories énumérées, soit atteint, à la date à laquelle, selon le cas, il est devenu majeur, ou à dix-huit ans révolus, d'une infirmité présentant le double caractère d'être incurable et de mettre l'intéressé dans l'impossibilité de gagner sa vie. Le taux d'invalidité ne constitue pas en lui-même un critère permettant d'apprécier l'ouverture de ce droit à pension. 4. Il résulte de l'instruction qu'au cours d'un entretien avec une conseillère administrative et sociale de l'ambassade de France d'Alger, tenu le 1er avril 2014 pour l'instruction de sa demande, dont les indications du compte rendu joint au dossier d'instance ne sont pas arguées de faux et font foi jusqu'à preuve du contraire, Mme A... a déclaré ne pas travailler au décès de son père, non pas en raison de son état de santé, mais du fait de l'opposition de son frère, également opposé à la poursuite de ses études. Si l'ensemble des certificats médicaux établis à compter du 23 avril 2013, ainsi d'ailleurs que l'avis de la commission consultative médicale du 24 novembre 2014, démontre que la polyarthrite rhumatoïde invalidante avec lombalgies chroniques dont souffre la requérante constitue, depuis 1975, une infirmité permanente et incurable, ni ces pièces ni aucune autre du dossier, qui ne sont pas contemporaines de l'acquisition de sa majorité, pas même les certificats d'un rhumatologue des 23 avril 2013 et 25 novembre 2018 et d'un médecin de rééducation du 17 décembre 2018, ne permettent de considérer que, du fait de cette infirmité, et malgré le taux d'invalidité de 60 % retenu de ce chef, elle se trouvait dans l'impossibilité de gagner sa vie à la date à laquelle elle est devenue majeure ou à ses dix-huit ans révolus. La circonstance que l'intéressée a été à la charge de son père jusqu'à son décès, que mariée en 1996, elle n'a jamais exercé de métier, ainsi que le montrent les attestations de non-affiliation aux caisses algériennes de sécurité sociale dont elle se prévaut, et qu'elle est en instance de divorce et ce faisant dépourvue de toute ressource, demeure, compte tenu des dispositions de l'article L. 57 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, sans incidence sur ses droits à pension. Ainsi, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin de versement des arrérages de pension et ses prétentions relatives aux frais d'instance. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2: Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Ettori et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 décembre 2021, où siégeaient : - M. Revert, président, - Mme Marchessaux, première conseillère, - Mme Renault, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2021. N° 19MA048084
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 7ème chambre, 29/12/2021, 449127, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, le courrier du 10 mai 2019 par lequel le directeur des services de retraite de l'Etat a retenu pour le traitement de son allocation temporaire d'invalidité un pourcentage d'invalidité permanente partielle de 15% pour les troubles neurologiques pour la période du 3 mars 2008 au 2 mars 2013, d'autre part, l'arrêté du 13 mai 2019 du ministre de l'action et des comptes publics sur lequel le directeur des services de retraite de l'Etat s'est fondé et d'enjoindre au directeur des services de retraite de l'Etat et au ministre de l'éducation nationale de retenir un taux d'invalidité permanente partielle de 40% pour les troubles neurologiques pour la période du 3 mars 2008 au 2 mars 2013. Par un jugement n°1901318 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 13 mai 2019 en tant qu'il rétroagit antérieurement au 2 mars 2013 et rejeté le surplus de sa demande. Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 janvier et 21 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement et de rejeter le pourvoi incident de M. B.... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Audrey Prince, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de M. B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B..., professeur en sciences physiques, a été victime, le 22 mai 2006, d'un accident de circulation reconnu imputable au service. Par arrêté du 13 mai 2019, une allocation temporaire d'invalidité lui a été attribuée pour la période du 3 mars 2008 au 2 mars 2013 sur le fondement d'un taux d'invalidité de 32%. M. B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler cet arrêté en tant qu'il limite à 15% son taux d'incapacité permanente partielle au titre des troubles neurologiques et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de fixer ce taux à 40% pour la période comprise entre le 3 mars 2008 et le 2 mars 2013. Par un jugement du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a annulé cet arrêté en tant qu'il rétroagit antérieurement au 2 mars 2013 et a rejeté le surplus de la demande de M. B.... Le ministre de l'économie des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre ce jugement. Par la voie du pourvoi incident, M. B... demande son annulation en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. Sur le pourvoi principal : 2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité ". Aux termes de l'article 5 du décret du 6 octobre 1960 susvisé : " L'allocation temporaire d'invalidité est accordée pour une période de cinq ans. A l'expiration de cette période, les droits du fonctionnaire font l'objet d'un nouvel examen (...) et l'allocation est attribuée sans limitation de durée (...) sur la base du nouveau taux d'invalidité constaté ou, le cas échéant supprimée ". 3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'arrêté litigieux du 13 mai 2019 attribue une allocation temporaire d'invalidité à M. B... pour une période provisoire et limitée du 3 mars 2008 au 2 mars 2013 au titre d'un premier droit sur le fondement des dispositions de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 et du décret du 6 octobre 1960. Si M. B... a été informé le 11 septembre 2009 par le recteur de l'académie de Strasbourg que des médecins agréés et la commission de réforme avaient estimé que son taux d'invalidité permanente partielle était supérieur à 10% et atteignait notamment 40% pour les troubles neurologiques et qu'il pouvait prétendre à une allocation temporaire d'invalidité et que, par un courrier du 14 septembre 2009, M. B... a présenté une demande d'attribution de cette allocation, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'une allocation temporaire d'invalidité lui aurait été accordée avant l'arrêté litigieux du 13 mai 2019. Par suite, en estimant que ce dernier arrêté avait pour objet de fixer une nouvelle allocation temporaire d'invalidité à la suite de la révision quinquennale d'une précédente l'allocation temporaire d'activité, le tribunal administratif de Limoges a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. 4. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. Sur le pourvoi incident de M. B...: 5. Les conclusions du pourvoi incident de M. B... étant dirigées contre le jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, l'annulation prononcée ci-dessus les prive de leur objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer. Sur les frais de l'instance : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre de ces dispositions.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 3 décembre 2020 du tribunal administratif de Limoges est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Limoges. Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi incident de M. B.... Article 4 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. A... B.... Délibéré à l'issue de la séance du 15 décembre 2021 où siégeaient : M. Gilles Pellissier, assesseur, présidant ; M. Benoît Bohnert, conseiller d'Etat et Mme Audrey Prince, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 29 décembre 2021. Le président : Signé : M. Gilles Pellissier La rapporteure : Signé : Mme Audrey Prince La secrétaire : Signé : Mme D... C...ECLI:FR:CECHS:2021:449127.20211229
Conseil d'Etat
CAA de PARIS, 8ème chambre, 22/12/2021, 19PA03704, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. L... G... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 17 août 2016 rejetant sa demande du 12 février 2015 de révision de sa pension militaire d'invalidité pour les infirmités " 1- hypoacousie bilatérale ", " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre ", " 3- syndrome subjectif des traumatisés crâniens ", de reconnaissance d'une nouvelle infirmité " sciatalgie gauche " et le bénéfice des dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par jugement n° 16/00035 du 12 juillet 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a reconnu à M. G... une aggravation de ses infirmités " hypoacousie bilatérale " avec un taux d'invalidité de 100 % et " syndrome psycho-traumatique de guerre " avec un taux d'invalidité de 60 % et a annulé la décision du 17 août 2016 du ministre de la défense dans cette mesure. Procédure devant la Cour : La Cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête présentée par la ministre des armées enregistrée à son greffe le 13 septembre 2019. Par cette requête enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 19PA03704 le 1er novembre 2019 et un mémoire enregistré le 16 novembre 2020, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 16/00035 du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) de confirmer la décision du ministre de la défense du 17 août 2016 ; 3°) de rejeter l'appel incident de M. G.... Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne fait aucune mention des textes dont il fait application s'agissant de l'aggravation ; - le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a décidé que " toute note en délibéré sera écartée des débats " et n'a ainsi pas examiné le contenu de la note en délibéré qu'elle a produite le 5 juillet 2019 en méconnaissance des dispositions de l'article R. 731-3 du code de justice administrative ; - à la date de la demande de révision de la pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " 1- hypoacousie bilatérale ", il n'y avait aucune aggravation contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, qui s'est fondé sur une évolution postérieure de l'état de santé de M. G... entachant le jugement attaqué d'une appréciation erronée des éléments du dossier et d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 6 et L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation et ont dénaturé les pièces du dossier médical en reprenant le contenu de l'expertise du professeur Peretti qui ne pouvait pas regrouper deux infirmités décrites distinctement dans le guide-barème et globaliser leur taux, cette expertise, de plus, ne mettant pas en évidence une réelle aggravation des infirmités étudiées ; - s'agissant de l'infirmité " sciatalgie gauche ", l'absence de taux indemnisable est un motif suffisant pour rejeter la demande de pension pour cette infirmité et le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a, à juste titre, rejeté le 12 juillet 2019 une nouvelle demande d'expertise, s'estimant suffisamment informé par les deux précédentes expertises concordantes et la demande d'une nouvelle expertise pour une infirmité considérée comme inexistante ne semble pas justifiée ; - s'agissant du bénéfice de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, à la date de la demande de pension, la nécessité pour M. G... du recours à l'aide constante d'une tierce personne pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie courante n'est pas établie. Par un mémoire en défense et en appel incident, des pièces et un mémoire en reprise d'instance enregistrés les 4 septembre 2020, 18 août et 1er décembre 2021, Mme I... G... et M. F... G..., en leur qualité d'ayants droit de M. L... G..., décédé en cours d'instance, représentés par Me Fried, demandent à la Cour dans le dernier état de leurs écritures : 1°) de rejeter la requête de la ministre des armées ; A titre principal : 2°) de confirmer le jugement du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris en tant qu'il a reconnu à M. L... G... une aggravation des infirmités exclusivement imputables au service d'" hypoacousie bilatérale " et lui a accordé un taux d'invalidité de 100 % et de " syndrome psycho-traumatique de guerre " et lui a accordé un taux d'invalidité de 60 % et a annulé la décision du 17 août 2016 du ministre de la défense dans cette mesure ; 3°) d'annuler le jugement du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris en tant qu'il a rejeté la demande de M. G... tendant au bénéfice de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; A titre subsidiaire : 4°) de confirmer le jugement du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris en tant qu'il a considéré la requête de M. G... comme recevable et mis à la charge de l'Etat les dépens et le versement de la somme de 2 400 euros à son conseil au titre des frais liés à l'instance ; 5°) sur l'infirmité " sciatalgie gauche " de reconnaître que l'infirmité de M. G... est imputable au service et de lui attribuer à ce titre un taux d'invalidité de 35 % ; 6°) de lui reconnaître la nécessité d'avoir recours à l'assistance constante d'une tierce personne ; 7°) de mettre à la charge de l'État les dépens ; 8°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice. Ils soutiennent que : - la requête est suffisamment motivée ; - c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la note en délibéré de la ministre des armées le 27 juin 2019 sur le fondement de l'article R. 731-16 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - s'agissant de l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", l'aggravation est établie et est en relation avec l'accident en service initial ; - s'agissant des infirmités " syndrome psycho-traumatique de guerre " et " syndrome subjectif des traumatisés crâniens ", l'aggravation est établie et est en relation avec l'accident en service initial et le taux d'invalidité à retenir pour l'infirmité " syndrome psycho-traumatique de guerre " est de 60 % ; - s'agissant de l'infirmité " sciatalgie gauche ", l'expertise du docteur D... comporte des contradictions et des carences et est contredite par les analyses et les conclusions de deux médecins, les docteurs B... et K..., rhumatologues spécialisés dans le domaine médical, permettant d'apprécier l'existence ou non d'une sciatalgie, ce qui implique, en application de l'article R. 731-15 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la désignation d'un médecin surexpert rhumatologue pour effectuer une nouvelle expertise ou à défaut de retenir que cette infirmité est imputable au service et que son taux d'invalidité est fixé à 35 % ; - l'état de santé de M. G... justifie l'allocation pour tierce personne prévue par les dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 23 décembre 2019. Par un courrier enregistré le 18 août 2021, la Cour a été informée du décès de M. L... G... survenu le 10 juin 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Fried, avocat de M. G.... Considérant ce qui suit : 1. M. L... G..., né le 29 juin 1928, s'était engagé volontairement pour servir dans l'armée de terre pour la première fois le 30 septembre 1948, puis pour participer aux campagnes d'Indochine et de Tunisie - Maroc et Algérie. Il a été rayé des contrôles le 30 septembre 1965. Par arrêté du 19 juillet 2010, lui a été attribuée en dernier lieu une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 100 % au titre des infirmités liées à une blessure reçue à l'occasion du service le 1er septembre 1962, " 1- hypoacousie bilatérale. Perte auditive moyenne oreille droite : 85 décibels Perte auditive moyenne oreille gauche : 72 décibels " au taux de 80 %, " 3- syndrome subjectif des traumatisés crâniens, céphalées, (...) " au taux de 30 %, " 4- acouphènes permanents aigus " au taux de 15 %, " 5- vertiges. Hyporéflexie vestibulaire bilatérale et symétrique " au taux de 10 % et au titre d'une blessure imputable à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie ou au Maroc, " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre (...) " au taux de 35 %. Par demande enregistrée le 12 février 2015, il a sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses infirmités pensionnées " 1- hypoacousie bilatérale ", " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre ", " 3- syndrome subjectif des traumatisés crâniens ", la reconnaissance d'une nouvelle infirmité " sciatalgie gauche " et le bénéfice des dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par décision du 17 août 2016, le ministre de la défense a rejeté la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. G... pour absence d'aggravation des infirmités 1, 2 et 3, de reconnaissance de la nouvelle infirmité " sciatalgie gauche ", laquelle a été considérée comme inexistante, et le bénéfice de l'allocation pour tierce personne dès lors que la nécessité d'une assistance constante n'a pas été établie. M. G... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'un recours contre cette décision. Une expertise a été ordonnée qui a été confiée aux docteurs D... et J... et au professeur Peretti, lesquels ont rendu leur rapport respectivement les 2 juillet, 19 février et 30 mars 2018. Par jugement du 12 juillet 2019, dont relèvent appel la ministre des armées et M. G... et ses ayants droit par la voie de l'appel incident, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du 17 août 2016 du ministre de la défense en tant qu'elle n'avait pas reconnu une aggravation des infirmités " 1- hypoacousie bilatérale " et " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre " et lui a accordé au titre de ces indemnités respectivement les taux d'invalidité de 100 % et de 60 %. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article R. 731-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors en vigueur : " La procédure devant les juridictions des pensions est régie par les dispositions du présent code, par celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions du présent code renvoient expressément et, dans le silence du présent code, par les règles générales de procédure applicables aux juridictions administratives ". Selon les dispositions de l'article R. 731-16 du même code alors en vigueur : " Huit jours avant la date fixée pour l'audience, l'instruction est close et les parties sont avisées que l'affaire est en état d'être jugée ". 3. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré ". Selon les dispositions de l'article R. 731-3 du même code : " Postérieurement au prononcé des conclusions du rapporteur public, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré ". 4. Le tribunal des pensions militaires d'invalidité était tenu de faire application, comme toute juridiction administrative, des règles générales relatives à toutes les productions postérieures à la clôture de l'instruction. S'il lui appartenait, dans tous les cas, de prendre connaissance des notes en délibéré et de les viser, il n'avait l'obligation d'en tenir compte que si ces documents contenaient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoquait n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et qu'il n'aurait pu ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou qu'il aurait dû relever d'office. Dans cette hypothèse, il devait soumettre ces notes en délibéré au débat contradictoire en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure. 5. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'audience tenue le 21 juin 2019, par un envoi du 27 juin 2019, reçu au greffe du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris le 5 juillet 2019, la ministre des armées a présenté une note en délibéré. Dans son jugement du 12 juillet 2019, le tribunal a énoncé que la ministre des armées avait fait parvenir au tribunal une note en délibéré " après l'audience et donc la clôture des débats " et décidé que " toute note en délibéré sera écartée des débats ". Il suit de là que le tribunal n'a pas examiné le contenu de la note en délibéré en méconnaissance des règles générales applicables aux juridictions administratives relatives à toutes les productions postérieures à la clôture de l'instruction. La ministre des armées est, par suite, fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête relatif à la régularité du jugement, que le jugement du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. G.... Sur le droit de M. G... à bénéficier d'une révision de sa pension militaire d'invalidité et à la reconnaissance d'une nouvelle infirmité : 7. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur le 12 février 2015, date de la demande de bénéfice de la pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Selon l'article L. 3 du même code alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2, L. 3 et L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité préexistante ou concomitante au service et vaut pour toutes les affections y compris celles de nature psychologique. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service. 8. D'autre part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de révision de la pension : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. Il appartient aux juges du fond de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former leur conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité ou de l'aggravation de l'infirmité doit être regardée comme établie. S'agissant de l'infirmité " 1- hypoacousie bilatérale " : 9. Il résulte de l'instruction que M. G... bénéficiait d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 80 % au titre de l'infirmité " 1- hypoacousie bilatérale. Perte auditive moyenne oreille droite : 85 décibels ; Perte auditive moyenne oreille gauche : 72 décibels " attribuée en dernier lieu par arrêté du 19 juillet 2010 et qui a été reconnue imputable à une blessure reçue à l'occasion du service le 1er septembre 1962. Le 12 février 2015, il a demandé la révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité. 10. Dans son rapport d'expertise, le docteur J... fait référence aux audiogrammes réalisés le 20 mai 2015 par le docteur C..., qui font ressortir une audiométrie tonale correspondant à un déficit perceptif bilatéral avec une perte moyenne calculée selon la formule de Fournier de 81,25 dB du côté droit et 78,75 dB du côté gauche, et le 23 septembre 2015 par le docteur H..., qui relève une perte de 72,5 dB du côté droit et de 80 dB du côté gauche et précise que l'examen est réalisé avec difficulté. Après avoir indiqué que ces tests audiométriques sont purement subjectifs et contiennent nécessairement dans l'appréciation de leurs résultats une marge d'erreur, le docteur J... précise que la comparaison des deux tests précités ne fait pas apparaître une variation significative par rapport aux déficits antérieurs mesurés et conclut à l'absence d'aggravation. Ensuite, s'il relève un déficit audiométrique de 82,25 dB du côté droit et de 83,75 dB du côté gauche le 30 mai 2018, jour de l'examen de M. G..., ces données ne peuvent être prises en compte pour évaluer l'aggravation de son infirmité dès lors que seuls peuvent être retenus les éléments médicaux existant à la date de la demande de révision de la pension militaire d'invalidité, soit en l'espèce le 12 février 2015. 11. Si M. G..., dans son appel incident, conteste les données retenues par le docteur J... du test audiométrique réalisé par le docteur C... et se prévaut, quant à lui, en se basant sur cet examen, d'une perte auditive moyenne à l'oreille droite de 84 dB et à l'oreille gauche de 85 dB et du commentaire de ce médecin indiquant " importante surdité de perception Vocale en rapport. Absence de réflexe stapédien à gauche ", il résulte de l'instruction que, selon le guide barème des invalidités du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, cette perte auditive doit être calculée selon la formule de Fournier. Or, l'application de cette formule aux données relevées par l'audiogramme du 20 mai 2015 conduit effectivement, comme l'oppose la ministre des armées, à relever une perte auditive moyenne de 81,25 dB du côté droit et 78,75 dB du côté gauche alors qu'au moment de l'attribution par l'arrêté du 19 juillet 2010 du taux de 80 % d'invalidité pour son infirmité " 1- hypoacousie bilatérale ", M. G... avait déjà une perte auditive moyenne oreille droite de 85 décibels et gauche de 72 décibels. 12. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la comparaison des données de perte auditive moyenne relevées pour chaque oreille en 2015 avec celles qui avaient déjà été retenues en 2010 ne permet pas d'établir l'existence d'une modification significative de ce déficit auditif et par conséquent une aggravation de l'infirmité " 1- hypoacousie bilatérale " dont souffrait M. G.... Par suite, la demande de révision de la pension militaire d'invalidité dont M. G... bénéficiait au titre de cette infirmité est rejetée. S'agissant des infirmités " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre " et " 3- syndrome subjectif des traumatisés crâniens " : 13. Il résulte de l'instruction que M. G... bénéficiait d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 35 % au titre de l'infirmité " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre (...) " liée à une blessure imputable à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie ou au Maroc et au taux de 30 % pour l'infirmité " 3- syndrome subjectif des traumatisés crâniens, céphalées, (...) " reconnue imputable à une blessure reçue à l'occasion du service le 1er septembre 1962. Le 12 février 2015, il a demandé la révision de sa pension pour aggravation de ces infirmités. 14. M. G..., dans son appel incident, se prévaut de deux certificats médicaux établis par les docteurs Olivier le 20 novembre 2014 et Lahutte le 13 novembre 2017. Toutefois, aucun des deux certificats ne fait de comparaison entre les symptômes antérieurs et actuels qui permettrait d'apprécier l'ampleur de l'aggravation alléguée. Par ailleurs, le premier se borne à indiquer que " M. G... me rapporte avoir subi une aggravation des symptômes liés à son syndrome psycho-traumatique de guerre (...), à savoir des cauchemars nocturnes avec des phénomènes de reviviscence, une irritabilité diurne conséquence de son sommeil non réparateur avec des phénomènes de " sauts d'humeur " " et le second mentionne que l'intéressé s'est plaint d'une augmentation de fréquence, d'intensité et de pénibilité du vécu, de l'existence de cauchemars de répétition traumatique et rapporte une altération de la qualité relationnelle et il conclut que " l'aggravation qui nous est présentée invite à prendre en considération la demande de réévaluation formulée par l'intéressé ". Le docteur E... A..., expert pour l'armée, n'a pas relevé le 4 août 2015 d'évolution de la symptomatologie en comparaison de la précédente expertise réalisée en 2008. Enfin, si le professeur Peretti a conclu dans son rapport d'expertise du 30 mars 2018 à " un taux d'invalidité de 60 % pour le syndrome des traumatisés crâniens et pour le syndrome psycho-traumatique de guerre compliqué de dépression sévère en relation avec le service ", il a regroupé ces deux infirmités, qui ne peuvent être qu'évaluées séparément dès lors qu'elles font l'objet de deux descriptions distinctes dans le guide barème des invalidités. Par ailleurs, cette expertise ne contient pas davantage d'éléments de comparaison entre son état antérieur et celui qui était le sien à la date de sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Si le professeur Peretti mentionne que les éléments dépressifs ont été nettement aggravés en 2017, cette circonstance, qui est postérieure à la date de la demande de révision de la pension, ne peut être prise en compte. 15. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction qu'aucun des éléments produits ne permet d'établir qu'il existerait une aggravation des infirmités " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre " et " 3- syndrome subjectif des traumatisés crâniens " qui justifierait la révision de la pension militaire d'invalidité allouée à ce titre. S'agissant de l'infirmité " sciatalgie gauche " : 16. Il résulte de l'instruction que M. G... a sollicité le 12 février 2015 la reconnaissance d'une nouvelle infirmité, à savoir une " sciatalgie gauche ". Il produit un certificat médical établi par le docteur B... le 5 février 2015, qui mentionne qu'il présente " une sciatalgie gauche chronique, de rythme permanent, exacerbée par les changements de position et nécessitant la prise d'antalgiques de façon quotidienne " et précise dans le courrier adressé à son médecin généraliste qu'il " n'est pas gêné actuellement par sa sciatique " et qu'il n'est pas proposé " de prise en charge plus spécifique pour sa sciatique car il n'a pas de plainte ce jour ". M. G... a produit également un certificat médical établi le 15 juillet 2020 par le docteur K..., qui mentionne la même pathologie de sciatalgie gauche chronique et fait référence à des examens postérieurs à la date de la demande de reconnaissance de cette infirmité, qui ne peuvent par conséquent être pris en compte. Par ailleurs, lors de son examen le 4 août 2015, le docteur E... A... a constaté que M. G... n'avait " pas de sciatique gauche, pas de [signe de] Lasègue, pas de réel syndrome rachidien lombaire, mollet gauche souple " et a conclu à l'absence de " sciatalgie chronique gauche ". Cette constatation est corroborée par le rapport d'expertise du docteur D..., qui a conclu le 27 juin 2018 à l'absence de manifestations fonctionnelles et à l'inexistence de l'infirmité " sciatalgie gauche ". 17. Par suite, il résulte de l'instruction qu'il n'est pas établi, par les pièces produites, que l'infirmité " sciatalgie gauche " ouvrait droit à M. G... le 12 février 2015, date de demande de reconnaissance de cette nouvelle infirmité, au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité à ce titre. Sur la demande de majoration pour assistance par tierce personne : 18. Aux termes de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version alors applicable : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie ont droit à l'hospitalisation, s'ils la réclament. En ce cas, les frais de cette hospitalisation sont prélevés sur la pension qui leur est concédée. S'ils ne reçoivent pas ou s'ils cessent de recevoir cette hospitalisation et si, vivant chez eux, ils sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ils ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les infirmités qui doivent être prises en considération pour apprécier si un invalide remplit les conditions spéciales d'invalidité auxquelles le bénéfice de l'hospitalisation ou de la majoration est subordonné sont exclusivement celles qui ouvrent droit à pension au profit de l'intéressé. 19. Si M. G..., dans son appel incident, s'est prévalu des conclusions des docteurs B... et K... selon lesquelles " son état polypathologique est responsable d'une impotence fonctionnelle invalidante pouvant justifier la prescription d'une tierce personne ", il ne ressort pas des certificats médicaux qu'ils ont rédigés que cette impotence fonctionnelle serait liée à l'une des cinq infirmités qui ont ouvert droit à pension au profit de l'intéressé pour l'application de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par ailleurs, la circonstance qu'il présente un état polypathologique n'est pas, à elle seule, de nature à établir que les infirmités pour lesquelles il bénéficiait d'une pension militaire d'invalidité sont responsables le 12 février 2015 d'une impotence fonctionnelle invalidante qui justifie la prescription d'une tierce personne. Par suite, le moyen tiré de ce que l'état de santé de M. G... justifiait l'allocation pour tierce personne prévue par les dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre doit être écarté. 20. Il suit de là que l'ensemble des moyens de M. G... et ses ayants droit dirigés contre la décision du 17 août 2016 du ministre de la défense doivent être écartés et que, par suite, ils ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision contestée. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par ses ayants droit tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais d'expertise : 21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des ayants droit de M. G... les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 16/00035 du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Article 2 : La demande de première instance de M. G... ainsi que ses conclusions d'appel incident et celles de ses ayants droit sont rejetés. Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris sont mis à la charge solidairement de Mme I... G... et de M. F... G..., ayants droit de M. G.... Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... G... et M. F... G..., ayants droit de M. M... F... G..., et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19PA03704
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 22/12/2021, 19BX03402, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Pau la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014. Par un jugement n° 1701272 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 21 août 2019, et deux mémoires en réplique, enregistrés le 23 juin 2020 et le 31 août 2021, M. et Mme B..., représentés par Me David, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2019 du tribunal administratif de Pau ; 2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 ; 3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'administration a outrepassé son pouvoir général de contrôle au titre de l'article L. 10 du livre de procédures fiscales en exerçant un début d'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, entachant d'irrégularité la procédure d'imposition ; - l'administration a également entaché d'irrégularité la procédure d'imposition en opérant des rehaussements de revenus fonciers à l'aide de documents trouvant leur origine dans la vérification de la comptabilité de la société AFUR ; - la procédure est de même irrégulière en ce que la proposition de rectification était erronée quant au montant des pénalités appliquées ; - la pension d'invalidité pour accident du travail de 40 % de M. B... lui permet de se voir attribuer une demi-part fiscale supplémentaire ; - la somme de 9 589,24 euros perçue par M. B... ne peut être qualifiée de rente et, à supposer que tel soit le cas, ne peut être soumise une deuxième fois aux prélèvements sociaux ; - les sommes versées à Mme B... correspondent à des prestations d'arrêt de travail complémentaires liées au handicap dont elle est atteinte et ne sont dès lors pas soumises à déclaration au titre de l'article 80 quinquies du code général des impôts. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2020, et un mémoire en réplique, enregistré le 26 novembre 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur, - et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M et Mme B... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces des revenus qu'ils avaient déclarés au titre des années 2013 et 2014. Par proposition de rectification du 11 mars 2016, l'administration fiscale les a informés de ce qu'elle envisageait de procéder à des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux à raison notamment d'omission de déclarations de rentes ainsi que de la remise en cause d'une majoration du quotient familial. Les époux B... relèvent appel du jugement du 25 juin 2019, par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 2. En premier lieu et aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances (...) À cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés ". Et aux termes de l'article L. 12 du même livre : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. À l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal ". Il résulte de ces dispositions que ne constitue pas un examen contradictoire de situation fiscale personnelle un contrôle qui n'a pas pour objet de vérifier la cohérence entre les revenus du contribuable et son patrimoine, sa trésorerie et son train de vie. 3. Les requérants reprennent, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, le moyen invoqué en première instance tiré de ce que l'administration a outrepassé son pouvoir général de contrôle au titre de l'article L. 10 du livre de procédures fiscales en exerçant un début d'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle. Ils n'apportent aucun élément de droit ou de fait nouveau, ni aucune pièce nouvelle à l'appui de ce moyen auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu, en estimant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait été au-delà d'un contrôle sur pièces et aurait procédé à un contrôle de cohérence entre les revenus et les autres caractéristiques patrimoniales du contribuable contrôlé. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges. 4. En deuxième lieu, si c'est à juste titre que les requérants indiquent qu'aucune procédure de vérification de comptabilité n'étant prévue par le code général des impôts en matière de revenus fonciers, doivent être regardés comme irréguliers des redressements apportés aux revenus fonciers déclarés par un contribuable, lorsqu'ils sont fondés sur des documents recueillis au cours de la vérification de la comptabilité tenue par l'intéressé dans le cadre de son activité professionnelle, il résulte toutefois de l'article L. 10 du livre de procédures fiscales précité que lorsque le service des impôts entreprend la vérification de la comptabilité d'un contribuable, il peut opérer des redressements sur les différents revenus de l'intéressé, autres que ses revenus professionnels, à partir de documents figurant dans le dossier du contribuable détenu par le service, ou obtenus à la suite de demandes de renseignements, d'éclaircissements ou de justifications ou encore des conséquences tirées de la vérification de comptabilité. 5. Il résulte des pièces du dossier que l'administration a opéré des redressements sur les revenus fonciers des époux B... au titre des années 2013 et 2014 à partir des documents figurant dans le dossier détenu par le service et obtenus à la suite d'une demande de renseignements, d'éclaircissements ou de justifications par lettre du 17 février 2016 tenant notamment aux informations portées sur les déclarations de revenus déposées au titre des années contrôlées. Les époux B... ne sont donc pas fondés à soutenir que les rehaussements portant sur les revenus fonciers au titre des années 2013 et 2014 trouvent leur origine dans des documents recueillis au cours de la vérification de la comptabilité de la société AFUR. Par suite, ce moyen doit être écarté. 6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre de procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " À l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu, d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, n'est pas tenue d'indiquer dans la proposition de rectification le montant des pénalités appliquées. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure faisant suite à une erreur quant à la liquidation des pénalités dans la proposition de rectification du 11 mars 2016, doit être écarté, en tout état de cause. Sur le bien-fondé de l'imposition : 7. En premier lieu et aux termes des dispositions de l'article 194 du code général des impôts : " I. Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 193 est déterminé conformément aux dispositions suivantes : / (...) Marié sans enfant à charge : 2 (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 195 du même code : " 1. Par dérogation aux dispositions qui précèdent, le revenu imposable des contribuables célibataires, divorcés ou veufs n'ayant pas d'enfant à leur charge, exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, est divisé par 1,5 lorsque ces contribuables : (...) / c. Sont titulaires, soit pour une invalidité de 40 % ou au-dessus, soit à titre de veuve, d'une pension prévue par les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre reproduisant celles des lois des 31 mars et 24 juin 1919 ; / d. Sont titulaires d'une pension d'invalidité pour accident du travail de 40 % ou au-dessus ; / d bis. Sont titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles ; (...) / 3. Le quotient familial prévu à l'article 194 est augmenté d'une demi-part pour les contribuables mariés, lorsque l'un ou l'autre des conjoints remplit l'une des conditions fixées aux c, d et d bis du 1. (...) ". 8. Il résulte des pièces du dossier que M. B... a perçu, à compter du 1er juillet 2009, et notamment au titre des années 2013 à 2014 faisant l'objet du litige, une pension de retraite du Régime social des indépendants au titre de l'inaptitude au travail, après avoir été titulaire, depuis le 1er aout 2008, d'une pension d'invalidité à la suite d'un accident du travail survenu le 2 mai 2006. Toutefois, alors que M. et Mme B... ont souscrit leur déclaration de revenus au titre des années en litige en ayant indiqué être tous deux titulaires d'une pension d'invalidité d'au moins 40 % ou d'une carte d'invalidité d'au moins 80 %, ils ne démontrent pas que M. B... soit titulaire d'une pension d'invalidité pour accident du travail supérieure ou égale à 40 %, dès lors qu'ils n'apportent en appel, en sus d'une décision prise par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel datant du 1er septembre 1978 et d'une expertise médicale permettant de constater que le requérant a été victime d'un accident du travail le 2 mai 2006 dont le taux d'incapacité permanente en lien avec cet accident a été estimé par cet expert à 20 %, qu'une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, réunie le 20 octobre 2011, qui lui a reconnu un taux d'incapacité inférieure à 50 %, sans qu'il puisse être démontré un taux supérieur ou égal à 40 %. Ils ne peuvent, par suite et dans la mesure où ils ne justifient ni même n'allèguent que M. B... serait titulaire de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles, prétendre à la majoration du quotient familial prévue par les dispositions combinées des articles 194 et 195 du code général des impôts. Ce moyen doit donc être écarté. 9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. Il en est de même des prestations de retraite servies sous forme de capital ". L'article 158 du même code prévoit : " (...) 5. / a. Les revenus provenant de traitements publics et privés, indemnités, émoluments, salaires et pensions ainsi que de rentes viagères autres que celles mentionnées au 6 sont déterminés conformément aux dispositions des articles 79 à 90. (...) / b quinquies. Sous réserve de l'application du 6° bis de l'article 120, le a est applicable aux prestations de retraite versées sous forme de capital (...). Le bénéficiaire peut toutefois demander le bénéfice des dispositions du II de l'article 163 bis (...) ". Selon le II de l'article 163 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige: " Les prestations de retraite versées sous forme de capital imposables conformément au b quinquies du 5 de l'article 158 peuvent, sur demande expresse et irrévocable du bénéficiaire, être soumises à un prélèvement au taux de 7,5 % qui libère les revenus auxquels il s'applique de l'impôt sur le revenu. Ce prélèvement est assis sur le montant du capital diminué d'un abattement de 10 %. ". 10. Il résulte de ces dispositions que lors de la clôture d'un plan d'épargne retraite de type " Madelin " par rente unique, cette dernière peut, sur demande expresse et irrévocable du contribuable, être soumis à un prélèvement forfaitaire de 7,5 % libératoire de l'impôt sur le revenu. Ce prélèvement est calculé sur le montant du capital perçu avant déduction des cotisations ou contributions prélevées sur la pension, diminué d'un abattement de 10 % qui n'est pas plafonné. 11. Il résulte de l'instruction que M. B... a perçu une rente unique d'un montant brut de 9 589,24 euros du groupement d'intérêt économique Bnp Paribas Cardif, à la suite de sa demande de mise en place d'une rente dans le cadre de la sortie de son plan d'épargne retraite de type " Madelin ". Ainsi que l'a relevé le tribunal et alors que le courrier que leur a adressé Bnp Paribas Cardif le 31 juillet 2014 mentionne que cette somme revêt le caractère d'une rente, que, de plus, les époux B... l'ont déclarée à titre de rente et que le bulletin de recoupement " tiers déclarant " précise qu'elle relève de la catégorie des pensions et retraite, les appelants n'apportent aucun élément, notamment copie de contrat justifiant la nature et la cause de ce versement, permettant de démontrer, comme il le leur incombe, que cette somme leur aurait été versée dans le cadre d'un rachat partiel de contrat d'assurance-vie. Par suite, ce moyen doit être écarté. De plus et contrairement à ce qu'ils soutiennent, la somme précitée n'a subi aucune double imposition aux prélèvements sociaux, seul l'impôt sur le revenu étant en cause en l'occurrence. 12. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 79 du même code : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". Et aux termes de l'article 80 quinquies du même code : " Les indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale et de la mutualité sociale agricole ou pour leur compte, sont soumises à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires, à l'exclusion de la fraction des indemnités allouées aux victimes d'accidents du travail exonérée en application du 8° de l'article 81 et des indemnités qui sont allouées à des personnes atteintes d'une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse ". L'exonération prévue par cette dernière disposition ne s'applique qu'aux indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale ou pour leur compte, et non aux indemnités complémentaires versées par des organismes de prévoyance en application d'un contrat de groupe souscrit par l'employeur, qui ont le caractère de revenus de remplacement imposables au sens de l'article 79 précité du code général des impôts. 13. Il résulte de l'instruction que Mme B... a perçu, en 2013 et 2014, diverses sommes qui lui ont été versées, non par les organismes de sécurité sociale visés à l'article 80 quinquies précité, mais par les sociétés Groupama Gan Vie et Assurance-Crédit Mutuel Vie au titre d'indemnités complémentaires. Les requérants ne produisent aucun élément de nature à établir que ces indemnités ont été versées pour le compte d'organismes de sécurité sociale. C'est, dès lors, à bon droit que l'administration a, en application de l'article 79 précité, imposé les sommes dont il s'agit dans la catégorie des traitements et salaires, pensions et rentes viagères. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest. Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021 à laquelle siégeaient : M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur, Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure, Mme Gay, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2021. La présidente-assesseure, Frédérique Munoz-Pauziès Le président-rapporteur, Éric Rey-Bèthbéder La greffière, Angélique Bonkoungou La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N°19BX03402
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de PARIS, 8ème chambre, 22/12/2021, 19PA03690, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 17 août 2015 rejetant sa demande du 21 juillet 2014 tendant au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " décompensation psychotique amendée par la thérapeutique ". Par un jugement n° 15/00027 du 14 septembre 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : La Cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête présentée par M. A... le 5 novembre 2018 et un mémoire en défense présenté par la ministre des armées enregistré à son greffe le 23 mai 2019. Par cette requête et un mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour sous le n° 19PA03690 les 1er novembre 2019 et 7 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Rouanet, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 15/00027 du 14 septembre 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) d'annuler la décision du ministre de la défense du 17 août 2015 ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " décompensation psychotique amendée par la thérapeutique " avec un taux d'invalidité de 60 % à compter de la date d'enregistrement de la demande, soit le 21 juillet 2014. Il soutient qu'il existe un lien de causalité entre le service et son infirmité entraînant un taux d'invalidité de 60 %. Par ce mémoire en défense et un second mémoire enregistrés au greffe de la Cour les 1er novembre 2019 et 1er septembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. A.... Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 30 avril 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 29 novembre 1986, a été incorporé le 10 mai 2010 à Mailly-le-Camp et a fait l'objet d'une réforme définitive pour infirmité à compter du 1er juin 2011. Le 22 juillet 2014, il a sollicité l'attribution d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " décompensation psychotique amendée par la thérapeutique ", demande qui a été rejetée par décision du ministre de la défense du 17 août 2015 au motif que la preuve d'imputabilité n'est pas établie en l'absence de fait de service légalement constaté et que la présomption d'imputabilité ne peut s'appliquer, l'infirmité invoquée n'ayant pas été constatée pendant une période ouvrant droit à ce bénéfice. Par jugement n° 15/00027 du 14 septembre 2018, dont M. A... relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté le recours formé contre cette décision. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur au 22 juillet 2014, date de la demande de bénéfice de la pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Selon l'article L. 3 du même code alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. (...) ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2, L. 3 et L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité préexistante ou concomitante au service et vaut pour toutes les affections y compris celles de nature psychologique. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service. 3. Il n'est ni soutenu ni allégué que l'infirmité dont M. A... se prévaut aurait fait l'objet d'une inscription au registre des constatations d'une blessure ou d'une maladie survenue pendant le service dans les délais prévus par les dispositions précitées de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Dès lors, la présomption légale d'imputabilité ne peut s'appliquer en l'espèce à la situation de l'intéressé à qui il appartient, par suite, d'apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. 4. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise médicale du 18 mai 2015 du professeur Bazot, qui a examiné M. A... dans le cadre de sa demande de pension, et du rapport d'expertise du 13 juillet 2017 du professeur Peretti, diligenté par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, que M. A... est atteint, selon le premier expert, d'une décompensation psychotique amendée par la thérapeutique, avec un taux global de 60 %, antérieur ou étranger au service et, selon le second expert, d'une décompensation délirante paranoïde avec hallucinations auditives à type de dialogue hallucinatoire, avec un taux de 60 % en relation avec le service. 5. Pour le professeur Bazot, " le dossier ne comporte aucun élément en faveur de l'imputabilité de cette affection chez ce sujet classé P=0 lors de son incorporation, P=1 à la fin de la période probatoire (pas de rapport circonstancié) ". Son expertise ne rapporte aucun fait lié au service. Selon le professeur Peretti, les antécédents psychiatriques personnels et psycho-traumatiques de M. A... ne révèlent rien de significatif, aucun traumatisme crânien, aucune perte de connaissance, fracture du crâne ni épilepsie. Il note que l'examen de sa personnalité révèle un homme avec des crises anxieuses, des idées suicidaires épisodiques, un tempérament colérique et un abaissement du seuil de passage à l'acte violent, un déficit de contrôle pulsionnel, des troubles du sommeil et une humeur dépressive en relation avec une douleur de la hanche gauche sans troubles du caractère. Il souligne que les troubles neurophysiologiques sont apparus après des sessions d'entraînement sous la pluie en 2010. L'expert conclut que " l'imputabilité au service de cet état mental est établie par l'absence d'antériorité pathologique chez M. A... avant le service, la période d'apparition du trouble est concomitante à la période des entraînements militaires ". 6. M. A... soutient qu'après l'arrivée dans sa compagnie à la suite de ses classes, en septembre 2010, il a rapidement subi une grande pression de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Il indique que lorsqu'il semblait être fatigué ou en retrait, il avait le droit à des réflexions déplaisantes et que dans la compagnie, tous avaient une chambre sauf lui. Il ajoute que pendant la période sur le terrain, il avait le droit systématiquement au tour de garde entre 2 h et 4 h du matin alors qu'il devait, ensuite, se lever à 6 h pour faire sa journée complète et que devant son épuisement physique et psychologique, il n'avait droit de la part de ses supérieurs qu'au " mépris et aux réflexions désagréables et vexantes " et que les " reproches étaient quotidiens, démoralisants et rabaissants ". De plus, sur le terrain de tir, pendant qu'il apprenait à tirer, un caporal lui donnait des coups de pied par derrière pour qu'il rate ses tirs et suite à une provocation d'un autre soldat, il a été le seul à être sanctionné à des travaux d'intérêt général pendant plusieurs heures consistant à faire le nettoyage d'un bâtiment de trois étages. Il fait valoir que le week-end précédent le 17 janvier 2011, date de la cérémonie de remise du grade de 1ère classe aux soldats de sa compagnie, il a commencé à se sentir mal et a attendu, comme le lui avait suggéré son adjudant-chef, pour consulter les médecins du régiment plutôt que l'hôpital public. Son état ayant empiré après cette cérémonie, il a été pris en charge successivement le 17 janvier 2011 à l'hôpital de Troyes, le 19 janvier 2011 au centre hospitalier régional de Metz-Thionville, puis du 20 janvier au 7 février 2011 à l'hôpital d'instruction des armées Legouest à Metz pour " un mutisme évoluant depuis le 17 janvier 2011 " sans antécédent médical connu. M. A... soutient que sa souffrance psychotique est liée à la période passée en tant qu'engagé volontaire dans l'armée de terre, suite aux pressions et au harcèlement moral qu'il a subis et que les " faits déclenchants sont sa nomination au grade de 1ère classe et le comportement de ses gradés exigeant de lui plus que des autres et ayant la parole facile pour lui rappeler qu'il peut rentrer chez lui ". 7. Toutefois, en l'absence de tout rapport circonstancié, de toute pièce venant à l'appui des déclarations de M. A... sur les faits de harcèlement qu'il relate et de toute mention dans le livret médical ou dans un compte rendu ou une expertise médicale relative à des circonstances professionnelles, et alors que le professeur Peretti se borne à retranscrire les déclarations de ce dernier selon lesquelles ses troubles neurophysiologiques sont apparus après des sessions d'entraînement sous la pluie en 2010, le requérant ne peut être regardé comme établissant que l'affection dont il est atteint trouve son origine dans un fait précis ou des circonstances particulières de service. Ni l'absence d'antériorité pathologique avant le service, ni la concomitance entre la période d'apparition du trouble et celle des entraînements militaires, relevées par le professeur Peretti, dont les conclusions ne lient pas le juge auquel il appartient de prendre en considération l'ensemble des éléments produits par les parties, ne sont de nature à établir la preuve que l'affection de M. A... est imputable au service. Dans ces conditions, la preuve, exigée par les articles L. 2, L. 3 et L. 4 précités du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, de l'imputabilité à un fait précis ou à des circonstances particulières de service de l'affection pour laquelle M. A... a formé une demande de pension n'est pas rapportée. 8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 17 août 2015 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " décompensation psychotique amendée par la thérapeutique ". Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19PA03690
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 24/12/2021, 19MA05144, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Bastia d'annuler la décision du 28 novembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté ses demandes de révision de pension militaire d'invalidité pour aggravation des infirmités dites " lombalgies chroniques " et " névrose traumatique de guerre ". Par un jugement n° 17/00006 du 17 septembre 2018, le tribunal des pensions de Bastia a annulé la décision ministérielle du 28 novembre 2016 et a fait droit à la demande de révision de pension militaire d'invalidité de M. B..., à compter du 10 avril 2014, pour aggravation de l'infirmité dite " lombalgies chroniques ", au taux de 50 % et pour aggravation de l'infirmité dite " névrose post-traumatique de guerre " au taux de 95 %. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions militaires de Bastia a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, le recours présenté par le ministre de la défense, et son mémoire complémentaire, enregistrés à son greffe le 16 octobre 2018 et le 11 juillet 2019. Par ce recours et ce mémoire, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Bastia du 17 septembre 2018 en tant qu'il a retenu un taux d'invalidité de 95 % au titre de l'aggravation de l'infirmité dite " névrose post-traumatique de guerre " pour faire droit à la demande de révision de pension de M. B... ; 2°) de rejeter la demande de M. B... dans cette mesure. La ministre soutient que : - en estimant que l'anhédonie dont souffre le demandeur n'apparaissait pas lors de sa précédente demande de pension et qu'elle constitue une aggravation de son syndrome de névrose post-traumatique de guerre, le tribunal a dénaturé les conclusions de l'expert qui s'est prononcé sur sa demande de révision, et celles de l'expert qui s'est prononcé pour les besoins de la précédente demande, dont la comparaison ne fait apparaître aucune aggravation de l'infirmité ; - en outre cette infirmité, qui ne se traduit pas par une détérioration de type démentiel, ne correspond pas au taux de 95 % dans les prévisions du guide-barème mais bien un taux d'invalidité de 80 %, conformément aux articles L. 9 et L. 10 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - une expertise judiciaire ne serait pas utile pour trancher cette question. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2019, M. B..., représenté par Me Eon, conclut au rejet du recours et à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat. Il fait valoir que : - la ministre ne remet pas en cause le jugement en ce qu'il a fait droit à sa demande de révision pour aggravation des lombalgies chroniques au taux de 50 % ; - l'expert, qui avait connaissance des précédentes expertises et de l'entier dossier du demandeur, a estimé à bon droit que le syndrome dépressif s'était aggravé par la survenance d'une anhédonie, non diagnostiquée en 2010 ; - il est prêt à se soumettre à une expertise judiciaire, le cas échéant. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 novembre 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Ury, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., sous-officier, rayé des contrôles le 10 juillet 1970, a demandé les 10 avril 2014 et 12 février 2015 la révision de sa pension militaire d'invalidité, respectivement pour aggravation de l'infirmité dite " lombalgies chroniques " et pour aggravation de l'infirmité dite " névrose traumatique de guerre ". Par décision du 28 novembre 2016, le ministre de la défense a refusé de faire droit à cette demande. Par jugement du 17 septembre 2018, le tribunal des pensions de Bastia a annulé cette décision et jugé que M. B... avait droit à la révision de sa pension militaire d'invalidité, à compter du 10 avril 2014, pour aggravation de la névrose traumatique de guerre, suivant le taux d'invalidité de 95 %, et pour aggravation des lombalgies chroniques, au taux d'invalidité de 50 %. Par son recours et son mémoire complémentaire, la ministre des armées doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de révision de pension de M. B... pour aggravation de la première de ces infirmités, au 95 %, à compter du 10 avril 2014, et annulé dans cette mesure la décision de rejet du 28 novembre 2016. Sur le cadre juridique applicable : 2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B..., le 12 février 2015 : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". En vertu des dispositions de l'article L. 6 du même code, l'évolution des infirmités pensionnées s'apprécie sur une période comprise entre la date initiale d'octroi de la pension et celle de dépôt de la demande de révision. Lorsque la pension accordée au titre d'une infirmité a été révisée pour aggravation de cette infirmité et qu'est présentée une nouvelle demande de révision pour aggravation de la même infirmité, l'évolution de celle-ci s'apprécie sur une période comprise entre la date d'octroi de la pension révisée et celle du dépôt de la nouvelle demande de révision. 3. Il résulte de l'instruction que M. B... avait présenté le 19 octobre 2009 une première demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, au motif de l'aggravation de l'infirmité dénommée " névrose traumatique de guerre avec éléments anxio-dépressifs et repli social ", rejetée le 21 mai 2012, et que c'est par jugement du tribunal des pensions de Bastia du 15 juillet 2013 qu'il a été fait droit à cette demande, au taux de 80 %, à compter du 19 octobre 2009. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que, afin d'apprécier les droits à pension de l'intéressé sur sa demande de révision présentée le 12 février 2015, pour aggravation de cette infirmité, il revient au juge des pensions d'apprécier l'évolution de celle-ci sur la période comprise entre le 15 juillet 2013 et le 12 février 2015, notamment en comparant les diagnostics établis antérieurement à sa demande. Sur les droits à pension de M. B... : 4. Au soutien de sa demande de révision de sa pension, M. B... a produit un certificat de son psychiatre établi le 9 février 2015 concluant à l'aggravation de sa névrose traumatique de guerre avec une exacerbation " des syndromes de répétition nocturnes et diurnes, un retrait social et familial, une anxiété importante, une perte de l'élan vital, une anhédonie, des perturbations de caractère des troubles cognitifs massifs prédominants sur l'attention, la concentration et la mémoire immédiate " ainsi que " une perte d'intérêt pour les activités plaisantes, des ruminations mentales douloureuses et des perturbations relationnelles ". Dans son rapport du 21 juillet 2015, le médecin expert, qui conclut également à une aggravation de cette infirmité, relève à cette fin chez l'intéressé une anhédonie avec troubles des fonctions supérieures, sans état de détérioration de type démentiel cliniquement observable, un syndrome de reviviscence diurne et nocturne, des troubles caractériels avec perte d'intérêt, péjoration existentielle et ruminations mentales centrées sur les événements de guerre revécus. 5. Certes, contrairement à ce que prétend la ministre, la comparaison de ces éléments de constat et d'appréciation d'ordre médical, et de ceux contenus dans le rapport d'expertise psychiatrique établi le 16 mars 2010 pour l'instruction de sa précédente demande de révision de pension, après une hospitalisation de M. B... de deux jours en février 2009 pour troubles mnésiques et troubles de l'humeur, et constitutif du rapport médical le plus récent à la date de la demande en cause, peut être considérée comme montrant une aggravation de la névrose dont il souffre par apparition d'un anhédonie définie cliniquement comme une insensibilité au plaisir, bien que certaines manifestations de cette affection aient été relevées dès le 16 mars 2010 et que des symptômes alors décrits ne figurent pas dans la description livrée dans le rapport du 21 juillet 2015. 6. Toutefois, aux termes de l'article L. 9 de ce même code : " (...) / Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur. / Pour l'application du présent article, un décret (...), détermine les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité. / (...) ". L'article L. 10 précise que : " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : / a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général ". Aux termes du chapitre III du guide barème annexé au décret du 10 janvier 1992 : " L'attribution des pourcentages d'invalidité en matière de troubles psychiques présente d'importantes difficultés de mesure. En général, il est possible de quantifier (par des échelles à intervalles ou ordinales relativement rigoureuses) un degré d'invalidité dans le domaine somatobiologique proprement dit où l'expert s'appuie sur la notion d'intégrité physique (anatomique, physiologique et fonctionnelle). (...). En matière de troubles psychiques, ces pourcentages seront utilisés comme un code. Les éléments de celui-ci constituent une échelle nominale, dont les différents termes reçoivent à la fois une définition précise et explicite, s'appuyant sur des critères simples et généraux définissant le niveau d'altération du fonctionnement existentiel. Dans cette échelle, en pratique expertale, on peut distinguer six niveaux de troubles de fonctionnement décelables, qui seront évalués comme suit : / - absence de troubles décelables : 0 p. 100 ; / - troubles légers : 20 p. 100 ; / - troubles modérés : 40 p. 100 ; / - troubles intenses : 60 p. 100 ; / - troubles très intenses : 80 p. 100 ; / - déstructuration psychique totale avec perte de toute capacité existentielle propre, nécessitant une assistance de la société : 100 p. 100 ". 7. Il ne résulte ni de la comparaison des rapports d'expertise médicale cités au point 4, ni des autres pièces du dossier, que sur la période comprise entre le 15 juillet 2013 et le 12 février 2015, l'intéressé présenterait des signes objectifs ou cliniques susceptibles d'établir une aggravation significative de son infirmité. D'ailleurs, alors que le rapport d'expertise du 21 juillet 2015 indique que l'anhédonie dont souffre désormais l'intéressé, avec troubles des fonctions supérieures, ne s'accompagne pas d'une détérioration de type démentiel cliniquement observable, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est du reste pas allégué par l'intimé que l'aggravation de ses troubles psychiques, dont l'invalidité d'un degré de 80% correspond dans l'échelle préconisée par le guide-barème à des troubles très intenses, se serait traduite, sur la période de référence, par une altération totale ou quasi-totale du fonctionnement existentiel ou par une destruction psychique nécessitant l'assistance de la société ou, à tout le moins, d'une tierce personne, justifiant un taux d'invalidité supplémentaire supérieur à 10% et ainsi susceptible d'emporter la révision de sa pension sur le fondement de l'article 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler sa décision du 26 novembre 2018, le tribunal des pensions de Bastia a considéré que l'aggravation de la névrose traumatique de guerre de M. B... ouvrait droit à la révision de sa pension militaire d'invalidité au taux de 95%, à compter du 10 avril 2014. Il suit de là que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a fait droit à cette demande de révision, et en tant qu'il a annulé la décision du 26 novembre 2018 rejetant cette demande. 8. La présente instance, non plus que la première instance, n'ayant donné lieu à dépens, les conclusions y afférentes ne peuvent qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 17/00006 du 17 décembre 2018 du tribunal des pensions de Bastia est annulé en tant qu'il a fait droit à la demande de révision de pension militaire d'invalidité de M. B... pour aggravation de l'infirmité dite " névrose traumatique de guerre " à compter du 10 avril 2014, et en tant qu'il a annulé la décision du ministre de la défense du 28 novembre 2016 rejetant cette demande. Article 2 : La demande de M. B... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité dite " névrose traumatique de guerre " à compter du 10 avril 2014 est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 21 décembre 2021, où siégeaient : - M. Revert, président, - Mme Marchessaux, première conseillère, - Mme Renault, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2021. N° 19MA051442
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 8ème chambre, 22/12/2021, 19PA03697, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. Bernard B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision de la ministre des armées du 17 novembre 2017 rejetant sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " séquelles douloureuses d'un traumatisme lombaire avec fracture de L2 et traumatisme de L5-S1, lombalgies irradiantes vers les territoires des nerfs sciatiques, raideur nette du segment lombo-sacré, extension quasi nulle, antéflexion distance doigt sol 30 cm - radio : pincement L5-S1 discopathies, arthrose ". Par un jugement n° 17/00031 du 24 mai 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête présentée par M. B... enregistrée à son greffe le 22 juillet 2019. Par cette requête enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 19PA03697 le 1er novembre 2019 , M. B..., représenté par Me Dakessian, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 17/00031 du 24 mai 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 17 novembre 2017 ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées d'établir un nouveau titre de pension pour l'infirmité " séquelles douloureuses d'un traumatisme lombaire ayant entrainé une fracture de L2, avec traumatisme de L5 - S1 - allégation d'algies nocturnes : 15 %, lombalgies irradiantes vers les territoires des nerfs sciatiques, raideur nette du segment lombo-sacré, extension quasi nulle, antéflexion distance doigt sol : 30 cm, Radio : Pincement L5-S1, discopathies, arthrose " avec un taux d'invalidité de 60 % à compter de la date d'enregistrement de la demande, soit le 29 avril 2016 ; 4°) à titre subsidiaire, de désigner un expert judiciaire avec pour mission de se faire communiquer l'intégralité de son dossier, de fixer un rendez-vous d'expertise aux parties, de préciser de manière complète le diagnostic de l'infirmité litigieuse, de fixer le taux d'invalidité en se plaçant à la date d'enregistrement de la demande administrative, soit le 29 avril 2016 ; 5°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en imposant au demandeur de justifier d'un suivi médical et en lui reprochant de ne pas avoir apporté d'éléments médicaux suffisants, condition non prévue par la loi ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; - il méconnaît les dispositions de l'article L. 154-1 (anciennement L. 29) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. B... et à la confirmation du jugement n° 17/00031 du 24 mai 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 9 juin 2020. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Le 14 avril 1971, M. Bernard B..., né le 13 juin 1952, a été victime dans le cadre de la préparation militaire parachutiste d'un accident de service lors d'une mauvaise réception au sol après un saut en parachute. Il a bénéficié d'une pension militaire d'invalidité à compter du 24 février 1975 au titre de l'infirmité " séquelles douloureuses d'un traumatisme lombaire ayant entrainé une fracture de L2, avec traumatisme de L5 - S1 - allégation d'algies nocturnes : 15 % ", puis au taux de 35 % à titre définitif depuis le 19 octobre 1982 pour l'infirmité " séquelles douloureuses d'un traumatisme lombaire avec fracture de L2 et trauma de L5-S1, lombalgies irradiantes vers les territoires des nerfs sciatiques, raideur nette du segment lombo-sacré, extension quasi nulle, antéflexion DDS 30 cm - radio : pincement L5-S1 discopathies, arthrose ". Le 29 avril 2016, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation. La ministre des armées a, par décision du 17 novembre 2017, rejeté sa demande au motif qu'aucune aggravation n'a été constatée. Par jugement n° 17/00031 du 24 mai 2019, dont M. B... relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté le recours formé contre cette décision. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. A supposer que M. B... ait entendu soutenir que les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 154-1 (anciennement L. 29) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ces critiques, qui portent sur le bien-fondé de l'appréciation portée par les premiers juges, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de révision de la pension : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. 4. En premier lieu, dès lors qu'il appartient aux juges du fond, faisant usage de leur pouvoir souverain d'appréciation, de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former leur conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité ou de l'aggravation de l'infirmité doit être regardée comme établie en motivant expressément leur décision sur ce point en mentionnant les éléments sur lesquels ils se fondent, le jugement du 24 mai 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris qui mentionne qu'il " appartient à M. B... d'apporter au tribunal un minimum d'éléments médicaux permettant de contester les conclusions du docteur A... ", qu'il " ne produit aucun document probant, il n'apporte pas les éléments d'un suivi médical conséquent " n'ajoute pas, contrairement à ce que soutient le requérant, une condition non prévue par la loi mais constate seulement dans le cadre de la dialectique de la preuve que les éléments produits par ce dernier sont insuffisants. Dès lors, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une erreur de droit pour ce motif. 5. En second lieu, il résulte de l'instruction que dans son rapport établi le 12 août 2017, le docteur A..., médecin mandaté par l'administration, a examiné M. B... et les comptes rendus des radiographies du rachis du 27 février 2014 mentionnant " une anomalie statique en L2-L3 et une arthrose interarticulaire postérieure plus marquée en L5-S1 et L4-L5 à gauche ", du 18 février 2016 mentionnant " tassement post-traumatique en L2-L3, discopathies étagées en T12-L2, L1-L2, L2-L3 et L5-S1 " et de l'IRM du rachis lombaire du 25 mars 2016 précisant " pas de CLE, à aucun niveau (...), saillies discales dégénératives étagées en L2-L3, L3-L4, L4-L5 (importante), L5-S1 (modérée) ". Il a ensuite relevé l'absence d'éléments cliniques nouveaux en comparaison de l'expertise précédente réalisée en 2007 par le docteur C.... Il a ajouté que les séquelles consolidées de la fracture L2 sont d'aspect radiologique inchangé, que les discopathies dégénératives étagées sont lentement évolutives liées à l'âge et dorénavant plus marquées en L4-L5 sur l'IRM de 2016 et que la discopathie antérieurement relevée L5-S1 reste modérée. Il conclut à l'absence d'aggravation objective de l'infirmité pour laquelle M. B... bénéficie déjà d'une pension militaire d'invalidité et par suite au maintien du taux de 35 % ainsi qu'à la présence de " saillies discales dégénératives lombaires représentant un taux de 10 % à titre documentaire sans relation directe et déterminante avec le traumatisme de 1971 " et un IMC de 30. 6. D'une part, le médecin traitant de M. B... mentionne dans le certificat médical établi le 13 avril 2016 " une nette aggravation des lombalgies qui occasionnent une gêne importante dans la vie au quotidien, [que] les radiographies et l'IRM témoignent de cette aggravation et [que] le taux d'invalidité fixé en 1982 à 35 %, doit, de ce fait être réévalué ". D'autre part, il ressort de l'examen de M. B... réalisé par les deux médecins mandatés par l'administration les 12 août 2017 et 3 avril 2007 que la comparaison des signes fonctionnels de son infirmité sont quasiment similaires à l'exception de l'apparition d'une contracture paralombaire et un Shöber à +2 alors qu'il était à 9,5-12 en 2007 tandis que la distance doigt-sol est identique à 40 cm ainsi que le signe de Lasègue à 70° et que les réflexes ostéotendineux sont bien perçus et symétriques et ils ont enfin relevé des " saillies discales dégénératives étagées en L2-L3, L3-L4, L4-L5 " importantes et en L5-S1 modérées. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'infirmité pour laquelle M. B... bénéficie d'une pension militaire d'invalidité depuis le 24 février 1975 concerne des " séquelles douloureuses d'un traumatisme lombaire ayant entrainé une fracture de L2, avec traumatisme de L5 - S1 (...) ", alors que les comptes rendus précités des radiographies réalisées en 2016 font état de séquelles consolidées de la fracture en L2 d'aspect inchangé et d'une discopathie antérieurement relevée en L5-S1 restant modérée, montrant ainsi l'absence d'évolution des séquelles présentes sur les disques L2 et L5-S1 de l'accident dont il a été victime le 14 avril 1971. Ainsi, les saillies discales importantes au niveau de L2-L3, L3-L4 et L4-L5, qui sont de localisation différente de celles liées à cet accident, ne peuvent pas être regardées comme imputables à l'infirmité pour laquelle M. B... bénéficie d'une pension militaire d'invalidité. 7. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, conformément aux dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dès lors que les éléments médicaux produits de part et d'autre montrent, par comparaison avec son état antérieur, l'absence d'aggravation de l'infirmité pour laquelle M. B... bénéficie déjà d'une pension militaire d'invalidité et dont il demande la révision et qu'il n'est pas établi que l'aggravation des saillies discales dont il souffre au niveau de L2-L3, L3-L5 et L4-L5 serait exclusivement imputable à la blessure constitutive de l'infirmité reconnue suite à l'accident, dont il a été victime le 14 avril 1971, M. B... n'a pas droit à la révision de la pension militaire d'invalidité dont il bénéficie au taux de 35 % à titre définitif depuis le 19 octobre 1982 pour l'infirmité " séquelles douloureuses d'un traumatisme lombaire avec fracture de L2 et trauma de L5-S1, lombalgies irradiantes vers les territoires des nerfs sciatiques, raideur nette du segment lombo-sacré, extension quasi nulle, antéflexion DDS 30 cm - radio : pincement L5-S1 discopathies, arthrose ". Il s'ensuit que la décision de la ministre des armées du 17 novembre 2017 ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 17 novembre 2017 rejetant la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bernard B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19PA03697
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de PARIS, 8ème chambre, 22/12/2021, 19PA03670, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... E... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 27 janvier 2015 rejetant la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité déposée le 21 mars 2013 pour son infirmité " séquelles de fractures ouvertes de la jambe droite par engin explosif ". Par un jugement n° 15/00008 du 9 mars 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : La Cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, enregistrés à son greffe la requête et un mémoire complémentaire présentés par M. E... les 20 avril 2018 et 27 septembre 2019 et le mémoire en défense présenté par la ministre des armées le 22 février 2019. Par cette requête et ce mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour sous le n° 19PA03670 le 1er novembre 2019, M. E..., représenté par Me Grès, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 15/00008 du 9 mars 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) d'annuler la décision du ministre de la défense du 27 janvier 2015 ; 3°) d'ordonner à la ministre des armées de le rétablir dans ses droits. Il soutient que les éléments médicaux produits permettent d'accueillir la demande d'aggravation pour sa seconde infirmité pensionnée à la date de sa demande, soit le 21 mars 2013. Par ce mémoire en défense et des pièces enregistrés au greffe de la Cour les 1er novembre 2019 et 15 novembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. E... et à la confirmation de la décision du ministre de la défense du 27 janvier 2015. M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 19 juin 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... E..., né le 10 décembre 1939, a été incorporé le 7 mars 1959 et rayé des contrôles le 11 mars 1962. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive concédée par arrêté du 6 février 2006, au taux global de 55 %, pour les infirmités " 1 - séquelles de section du paquet vasculo nerveux tibial postérieur droit : troubles dysesthésiques, douleurs pédieuses avec périmètre de marche à 10 minutes, pouls distaux inexistantes sur un pied froid - doppler artériel/absence de sténose proximale " avec un taux d'invalidité de 35 % " et " 2° - séquelles de fracture ouverte de la jambe droite par engin explosif : consolidation clinique et radiologique, raccourcissement de 1 cm avec récurvatum de 10°, gêne à la marche " avec un taux de 20 %. Ces deux infirmités ont fait l'objet d'un rapport dans le registre de constatation le 7 février 1961 qui mentionne que les blessures reçues sont survenues à l'occasion du service le 24 janvier 1961 pendant la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie ou au Maroc. Le 21 mars 2013, M. E... a sollicité la révision de sa pension pour aggravation de sa deuxième infirmité et le ministre de la défense lui a opposé un refus le 27 janvier 2015 au motif que le taux de son infirmité ne s'est pas accru du minimum de 10 % exigé pour être pris en compte. M. E... a formé un recours contre cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris lequel a ordonné une mesure d'expertise, confiée au docteur B..., qui a rendu son rapport le 3 mai 2017. Par jugement n° 15/00008 du 9 mars 2018, dont M. E... relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande. 2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de révision de la pension : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Il appartient aux juges du fond, faisant usage de leur pouvoir souverain d'appréciation, de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former leur conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité ou de l'aggravation de l'infirmité doit être regardée comme établie en motivant expressément leur décision sur ce point en mentionnant les éléments sur lesquels ils se fondent. 3. Il résulte de l'instruction que M. E... bénéficie depuis l'arrêté du 6 février 2006 d'une pension militaire d'invalidité définitive notamment pour l'infirmité " 2° - séquelles de fracture ouverte de la jambe droite par engin explosif : consolidation clinique et radiologique, raccourcissement de 1 cm avec récurvatum de 10°, gêne à la marche " pour laquelle un taux d'invalidité de 20 % a été retenu. Le 21 mars 2013, il a demandé la révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité. 4. Lors de son examen réalisé le 27 février 2014, le docteur A..., mandaté par l'administration, a relevé que les doléances de M. E..., à savoir des douleurs de la cheville droite irradiant vers le genou et la hanche à la marche, des douleurs à gauche mais moins intenses, des douleurs diminuant au repos sans s'arrêter, la prise de doliprane pour calmer les douleurs et des douleurs quotidiennes, parfois nocturnes, entrent dans le cadre de la première infirmité et correspondent toujours à un taux d'invalidité de 35 % qui reste inchangé. Il a, par ailleurs, indiqué que l'examen médical avait révélé l'existence d'un élément nouveau par rapport à l'expertise antérieure du docteur D..., à savoir une image lacunaire radiologique localisée au niveau fracturaire associée à une déminéralisation importante justifiant que le taux d'invalidité au titre de l'infirmité " 2° - séquelles de fracture ouverte de la jambe droite par engin explosif (...) " soit porté de 20 % à 25 %, correspondant, par suite, à une aggravation inférieure à 10 % par rapport au pourcentage antérieur. Dans son rapport établi le 3 mai 2017, le docteur B..., expert désigné par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, a relevé, lors de son examen réalisé le 16 février 2017, " une légère diminution de la flexion plantaire au niveau de la cheville et des freinages de la sousastragalienne et de la médio-tarsienne " ainsi qu'une " rétraction des orteils avec tendance à l'avant-pied rond ". Il considère qu'au vu de cet examen clinique, " aucun élément ne permet de modifier les conclusions du docteur A..., sachant que les douleurs et les gênes fonctionnelles sont intriquées entre les séquelles purement orthopédiques et les séquelles vasculaires " et que " le retentissement douloureux sera majoré dans le temps du fait du vieillissement ". Il conclut que le 21 mars 2013, date la demande de révision de la pension au titre de la seconde infirmité dont souffre M. E..., une aggravation de 5 % est constatée due à une légère accentuation des gênes fonctionnelles de la marche. 5. Si M. E... conteste les conclusions des deux experts précités en se prévalant de la déformation du pied entraînant un appui rétro-capital " avant-pied rond avec une légère rétraction des orteils " et du varus de l'arrière-pied dont il souffre, qui constituent selon lui des aggravations à prendre en compte, il ne résulte pas de l'instruction que ces éléments seraient apparus avant le compte rendu de consultation orthopédique du 21 octobre 2016, lequel est postérieur au 21 mars 2013, date de dépôt de la demande de révision de la pension pour aggravation, et ne saurait ainsi être pris en compte pour cette appréciation dès lors que l'expertise précitée réalisée par le docteur A... à la date la plus proche de cette demande ne révèle pas de telles constatations médicales. Par ailleurs, s'il se prévaut du certificat médical établi le 7 décembre 2012 par le docteur F... constatant une nette aggravation de son état et une marche devenue quasiment inenvisageable, il ne résulte pas de l'instruction que ces éléments n'auraient pas été pris en compte par les experts précités lors de l'examen médical de l'intéressé et ils sont insuffisants pour établir que l'aggravation serait supérieure aux 5 % proposés par ces derniers. Enfin, si M. E... soutient que le docteur A... n'a pas, dans ses conclusions, suffisamment pris en considération l'amyotrophie du mollet droit qui résulte de l'examen clinique comparatif de la mensuration des deux jambes ainsi que les genoux constatés comme étant froids, il n'apporte là encore aucun élément susceptible d'établir que ces circonstances sont de nature à remettre en cause le taux d'aggravation de 5 % retenu par les deux experts précités à la date du 21 mars 2013. Dans ces conditions, M. E... n'établit pas qu'au 21 mars 2013, date de la demande de révision de sa pension pour l'infirmité " 2° - séquelles de fracture ouverte de la jambe droite par engin explosif (...) ", le taux d'invalidité s'était aggravé d'au moins 10 %. 6. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 27 janvier 2015 rejetant la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. E... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19PA03670
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