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CAA de PARIS, 8ème chambre, 22/12/2021, 19PA03691, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... D... veuve C... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 4 février 2016 rejetant sa demande du 4 décembre 2015 de pension militaire d'invalidité en qualité de veuve de M. C... qui était titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 70 % pour les infirmités " 1°) séquelles de fracture du fémur droit, vaste semis de petits fragments métalliques et arésie cubitale partielle ; 2°) séquelles de fracture de la diaphyse cubitale, pseudarthrose 3°) arésie cubitale partielle ". Par un jugement n° 17/00017 du 29 mars 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 4 février 2016 et a reconnu le droit de Mme D... de percevoir une pension militaire d'invalidité en qualité de conjoint survivant. Procédure devant la Cour : La Cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête présentée par la ministre des armées enregistrée à son greffe le 23 mai 2019. Par cette requête enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 19PA03691 le 1er novembre 2019 et des mémoires enregistrés les 20 janvier et 22 juillet 2021, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 17/00017 du 29 mars 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) de confirmer la décision du ministre de la défense du 4 février 2016. Elle soutient que : - à titre principal, la demande introduite par Mme D... le 26 juin 2017 est tardive dès lors que le délai de 6 mois prévu par l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, qui était mentionné sur la décision de rejet du 4 février 2016, laquelle lui a été transmise à l'adresse indiquée par elle-même sur sa demande de pension était expirée au moment du dépôt de sa requête ; - subsidiairement, les premiers juges se sont fondés à tort sur les dispositions de l'article L. 141-1 (ancien article L. 43-3°) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui concernent les conjoints survivants des militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % ou en possession de droit à cette pension ; - l'époux de Mme D... avait sollicité le 28 octobre 1963 auprès de l'administration des anciens combattants et victimes de guerre la régularisation de sa situation financière en tant que victime civile des événements de la guerre d'Algérie et par arrêté du 4 juillet 1972, une pension militaire d'invalidité lui avait été concédée à ce titre ; le jugement attaqué ne pouvait pas remettre en cause cette qualité alors que cette pension militaire d'invalidité concédée en qualité de victime civile n'a jamais été contestée et est ainsi revêtue de l'autorité de la chose décidée ; - celui-ci avait la qualité de victime civile et non de militaire pour l'application de l'article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 ; - il était titulaire d'une pension militaire d'invalidité en tant que victime civile depuis le 28 octobre 1963 au taux de 70 % et il relevait ainsi des dispositions des articles L. 209 et L. 45 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre qui n'ouvrent droit, en cas de décès de la victime, à une pension militaire d'invalidité pour le conjoint survivant que si le taux d'invalidité était d'au moins 85 %, condition non remplie en l'espèce, ou si le rapport médico-légal du médecin qui a soigné l'ancien militaire pendant sa dernière maladie fait ressortir de façon précise la relation de cause à effet entre le décès et la blessure reçue ou la maladie contractée ou aggravée en service, ce qui n'est pas non plus le cas en l'espèce, M. C... étant décédé des suites d'un cancer sans rapport avec ses infirmités pensionnées. Par des mémoires enregistrés les 1er décembre 2020 et 1er mai 2021, Mme D..., représentée par Me Gozlan, conclut : 1°) au rejet de la requête de la ministre des armées ; 2°) à la confirmation du jugement n° 17/00017 du 29 mars 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 3°) à ce que lui soit allouée une pension de réversion à compter du 4 décembre 2015 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Elle soutient que : - sa demande devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris n'est pas tardive dès lors que la signature figurant sur l'accusé de réception postal de l'enveloppe contenant la décision du ministre de la défense du 4 février 2016 n'est pas la sienne, mais celle d'un mandataire qui n'a indiqué ni son nom ni son prénom, qu'elle n'a pas de domicile fixe et vit par intermittence chez chacun de ses enfants ; - la ministre des armées n'établit pas qu'elle a été destinataire de la décision de rejet contestée ; - son époux n'a pas formulé lui-même une demande de pension, laquelle a été faite pour lui par l'ambassade de France ; - le moyen tiré de l'autorité de la chose décidée de la décision de rejet de 2003 est inopérant dès lors que le rejet de sa demande est lié à l'absence de détention de la nationalité française, ce qui est un motif discriminatoire et contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; ainsi ces motifs sont inconstitutionnels, inconventionnels et erronés et l'administration ne peut opposer utilement l'autorité de la chose décidée ; - en application de l'article L. 154-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il est possible de remettre en cause la décision de rejet de l'administration dès lors que le militaire peut justifier que l'administration s'est fondée sur des éléments erronés, ce qui est le cas en l'espèce ; - elle a droit au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en application de l'article L. 141-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dès lors que son époux était un militaire et non un civil, qu'il était titulaire d'une pension définitive correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % et peu importe qu'il ait bénéficié d'une pension civile ou militaire, ce qui conduirait l'administration à imposer une condition non prévue par la loi ; - le refus de lui reconnaître le statut de veuve de guerre méconnaît l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 30 août 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de Me Gozlan, avocat de Mme D.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... D... veuve C... a demandé au ministre de la défense le 4 décembre 2015 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en sa qualité de veuve de M. C.... Son époux, décédé le 11 novembre 2002, était titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 70 % concédée pour les infirmités " 1°) séquelles de fracture du fémur droit, vaste semis de petits fragments métalliques et arésie cubitale partielle ; 2°) séquelles de fracture de la diaphyse cubitale, pseudarthrose 3°) arésie cubitale partielle " en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie. Par décision du 4 février 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande. Mme D... a déposé le 26 juin 2017 une requête devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement n° 17/00017 du 29 mars 2019, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 4 février 2016 et a reconnu le droit de Mme D... de percevoir une pension militaire d'invalidité en qualité de conjoint survivant. 2. Lorsque le destinataire d'une décision administrative soutient que l'avis de réception d'un pli recommandé portant notification de cette décision à l'adresse qu'il avait lui-même indiqué à l'administration n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli en cause. 3. Aux termes de l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable à la date de la notification de la décision attaquée : " Sous réserve du cas des recours en révision prévus par l'article L. 154-4, les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre premier et des titres I, II et III du livre II du présent code sont susceptibles, dans le délai de six mois à compter de leur notification, de recours devant le tribunal des pensions. (...) ". 4. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que la décision du ministre de la défense du 4 février 2016 rejetant la demande de pension militaire d'invalidité de Mme D... en qualité de veuve de M. C... a été notifiée le 10 février 2016 au domicile d'un des enfants de l'intéressée correspondant à l'adresse qu'elle avait indiquée dans sa demande de pension militaire d'invalidité. Si Mme D... soutient que la signature figurant sur l'avis de réception postal de l'enveloppe contenant cette décision n'est pas la sienne, elle n'établit pas, pour autant, que le mandataire ayant apposé sa signature sur ledit accusé de réception postal, qui certes n'a indiqué ni son nom ni son prénom, n'avait pas qualité pour recevoir le pli qui lui était destiné en se bornant à soutenir qu'elle n'a pas de domicile fixe et qu'elle vit par intermittence chez chacun de ses enfants. A... s'ensuit que le délai de recours expirait le 11 août 2016. Ainsi, la requête enregistrée et parvenue au greffe du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris le 26 juin 2017 a été présentée après l'expiration du délai précité de recours contentieux de six mois et était tardive. Dès lors, les premiers juges ont considéré à tort que la requête déposée par Mme D... n'était pas tardive et, par suite, la fin de non-recevoir opposée en ce sens par la ministre des armées doit être accueillie. 5. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 4 février 2016 et a reconnu le droit de Mme D... de percevoir une pension militaire d'invalidité en qualité de conjoint survivant. Il y a lieu par suite de rejeter la demande de Mme D... présentée devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris et ses conclusions devant la Cour. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du 29 mars 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Article 2 : La demande de Mme D... formée devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 4 février 2016 et ses conclusions devant la Cour sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... veuve C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19PA03691
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 23/12/2021, 19BX03901, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Toulouse d'annuler la décision du 12 janvier 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de " subluxation rotulienne, gonalgie récurrente gauche ". Par un jugement du 16 avril 2019, le tribunal a annulé cette décision et a enjoint à la ministre de liquider la pension d'invalidité de M. A... C... au taux de 10 % avec effet à compter du 20 mai 2016. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 mai 2019, et un mémoire enregistré le 19 janvier 2021, la ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement. Elle soutient que : - le jugement, qui se borne à décrire l'instruction de la demande, n'est pas motivé au sens de l'article L. 26 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le tribunal a retenu un taux imputable au service de 10 % en se fondant à tort sur une expertise réalisée le 18 décembre 2012 par le médecin chef du centre médical des armées de Montauban, laquelle a fait application, pour une transaction portant sur des préjudices distincts de ceux qui font l'objet de la demande de pension, du barème de droit commun des accidents du travail, et non de celui prévu par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la proposition d'un taux de 10 % par l'expertise réalisée le 28 septembre 2017 n'a pas été suivie car M. A... C... avait un antécédent déclaré de maladie d'Osgood Schlatter, souffrance de l'insertion basse du ligament rotulien au niveau de la tubérosité tibiale antérieure, et un antécédent non déclaré d'entorse grave du genou gauche ; il a présenté à l'occasion du service une gonalgie avec sensation de pseudo blocage lors d'une séance de " techniques d'interventions opérationnelles rapprochées " le 24 mars 2009 ; cette symptomatologie était progressive dès lors que l'intéressé n'a consulté que le lendemain ; l'examen clinique du 25 mars 2009 est concordant avec un phénomène inflammatoire chronique de la rotule en lien avec une dysplasie du bord médial de la rotule, confirmée à l'IRM du 11 avril 2009 ; l'imagerie a montré que la rupture du ligament croisé antérieur était ancienne de par l'aspect du tendon et l'absence d'épanchement intra-articulaire ; cette lésion, prédominante dans la symptomatologie fonctionnelle, est en lien avec l'antécédent d'entorse grave du genou ; ainsi, le taux global de 15 % doit être réparti à raison de 10 % en lien avec l'antécédent d'entorse grave du genou et 5 % en lien avec le service lors de la subluxation de rotule sur dysplasie médiale. Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2020, M. A... C..., représenté par la SCP Pujol-Gros, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - aucun autre accident n'étant susceptible d'avoir aggravé sa situation, le taux de 10 % imputable au service évalué par l'experte doit être retenu ; - comme l'a relevé le jugement, ce taux est en cohérence avec une expertise réalisée le 18 décembre 2012 par le médecin chef du centre médical des armées de Montauban, et la ministre ne démontre pas l'existence alléguée d'une confusion entre les régimes applicables aux accidents du travail et aux pensions militaires d'invalidité. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., qui a servi en qualité de soldat de première classe au sein des forces d'action terrestre de la 11ème brigade parachutiste et a été rayé des contrôles le 26 octobre 2010, a présenté le 20 mai 2016 une demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de " subluxation rotulienne, gonalgie récurrente gauche " attribuée à un traumatisme survenu lors d'un parcours d'obstacles le 24 mars 2009. L'expertise médicale réalisée le 28 septembre 2017 a retenu un taux global d'invalidité de 15 %, dont 5 % étranger au service et 10 % à retenir. Par une décision du 12 janvier 2018, la ministre des armées a rejeté la demande de M. A... C... au motif que les séquelles de l'accident du 24 mars 2009 entraînaient un degré d'invalidité inférieur au taux minimum requis de 10 %. La ministre relève appel du jugement du 16 avril 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de Toulouse a annulé cette décision et lui a enjoint de liquider la pension d'invalidité de M. A... C... au taux de 10 % avec effet à compter du 20 mai 2016. La procédure a été transmise à la cour administrative d'appel de Bordeaux en application de la loi du 13 juillet 2018 susvisée. Sur la régularité du jugement : 2. Contrairement à ce que soutient la ministre des armées, le jugement ne se borne pas à décrire l'instruction de la demande, mais cite les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dont il fait application, et indique les motifs pour lesquels il retient un droit à une pension d'invalidité au taux de 10 %. Il est ainsi suffisamment motivé. Pour contester sa régularité, la ministre ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 26 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, abrogées à la date du jugement. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). " 4. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal se serait à tort fondé sur une expertise du 18 décembre 2012 faisant application du barème de droit commun des accidents du travail ne peut qu'être écarté dès lors que le jugement ne mentionne cette expertise qu'en tant qu'elle corrobore le taux de 10 % imputable au service retenu par celle du 28 septembre 2017, laquelle fait application du barème prévu par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 5. En second lieu, selon le rapport établi le 2 avril 2009 par le commandant de formation, M. A... C... a subi le 24 mars 2009 un traumatisme du genou gauche en percutant celui-ci sur un obstacle du parcours collectif. Si la fiche médicale de consultation du 25 mars 2009 mentionne des gonalgies gauches diffuses évoluant depuis quelques jours et une notion d'entorse grave avant l'engagement, elle fait état d'un " Lachman + " (signe d'une rupture du ligament croisé antérieur) en relation avec le choc rotulien et conclut que le syndrome rotulien a été décompensé sur une probable lésion du pivot central. Les constatations médicales contemporaines de l'accident concordent ainsi avec l'expertise réalisée le 28 septembre 2017, laquelle conclut à une rupture du ligament croisé antérieur post traumatique avec décompensation d'une dysplasie trochléenne amyotrophe. Dès lors que la blessure reçue en service le 24 mars 2009 a décompensé la pathologie congénitale, alors que le certificat d'aptitude avait fait état de gonalgies de croissance sans séquelle, la ministre n'est pas fondée à contester la répartition, retenue par l'experte et par le tribunal, du taux d'invalidité de 15 % entre 10 % imputable au service et 5 % résultant de l'état antérieur. 6. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Toulouse a annulé sa décision du 12 janvier 2018 et lui a enjoint de liquider la pension d'invalidité de M. A... C... au taux de 10 % avec effet à compter du 20 mai 2016. Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige : 7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à M. A... C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. D... A... C.... Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, M. Nicolas Normand, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2021. La rapporteure, Anne B... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 3 N° 19BX03901
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de PARIS, 8ème chambre, 22/12/2021, 19PA03692, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision de la ministre des armées du 27 avril 2017 rejetant sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour l'aggravation de l'infirmité " lombalgie-discarthrose L4-L5 ". Par un jugement n° 17/00021 du 12 avril 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a déclaré recevable la requête de M. C... et a ordonné avant-dire droit une mesure d'expertise confiée au docteur B.... Procédure devant la Cour : La Cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête présentée par la ministre des armées enregistrée à son greffe le 20 juin 2019. Par cette requête enregistrée au greffe de la Cour le 22 novembre 2019 sous le n° 19PA03692 et un mémoire complémentaire enregistré le 20 juillet 2020, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 17/00021 du 12 avril 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) de rejeter la requête de première instance de M. C... ; 3°) de confirmer la décision de la ministre des armées du 27 avril 2017. Elle soutient que le jugement attaqué méconnait les dispositions de l'article R. 731-3 (ancien article R. 57) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en application desquelles la requête de M. C... enregistrée le 7 août 2017 est irrecevable pour défaut de motivation dès lors que l'existence du mémoire daté du 16 novembre 2017 n'est pas établie et que le mémoire du 21 janvier 2019, parvenu au-delà du délai contentieux, est irrecevable comme tardif. La requête a été transmise à M. C... qui n'a pas produit d'observations. Par ordonnance du 2 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2021 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique, - et les observations de M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., né le 10 décembre 1939, a servi dans l'armée de terre du 1er janvier 1960 au 3 septembre 1964. Une pension militaire d'invalidité lui a été concédée à titre définitif à compter du 28 juillet 1998 en dernier lieu au taux de 50 % par arrêté du 13 avril 2004 pour l'infirmité " lombalgie-discarthrose L4-L5 " liée à un traumatisme lors d'un saut en parachute survenu le 7 août 1963. Le 30 novembre 2015, il a sollicité une révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité. Par décision du 27 avril 2017, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif qu'aucune aggravation de la pathologie n'a été constatée. Par un recours enregistré le 7 août 2017, M. C... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'un recours contre cette décision. Par un jugement n° 17/00021 du 12 avril 2019 reçu le 19 avril 2019, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal a déclaré recevable la requête de M. C... et a ordonné avant-dire droit une mesure d'expertise confiée au docteur B.... 2. Aux termes des dispositions de l'article R. 731-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur, " La procédure devant les juridictions des pensions est régie par les dispositions du présent code, par celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions du présent code renvoient expressément et, dans le silence du présent code, par les règles générales de procédure applicables aux juridictions administratives ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 731-2 du même code, alors en vigueur : " Sous réserve du cas des recours en révision prévus par l'article L. 154-4, les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre premier et des titres I, II et III du livre II du présent code sont susceptibles, dans le délai de six mois à compter de leur notification, de recours devant le tribunal des pensions. (...) ". Selon l'article R. 731-3 du même code alors en vigueur : " Le tribunal est saisi d'une requête remise au greffe ou adressée au greffe par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. / Cette requête doit indiquer les nom, prénoms, profession et domicile du demandeur. Elle précise l'objet de la demande et les moyens invoqués sous peine d'irrecevabilité (...) ". Il résulte de ces dispositions que la requête doit contenir l'énoncé des conclusions et moyens soumis au juge et qu'un défaut de motivation ne peut être régularisé par la présentation d'un mémoire motivé que dans le délai du recours. 3. Il ressort du dossier de première instance que si la requête de M. C... déposée le 7 août 2017 n'était pas motivée, un mémoire complémentaire, enregistré le 16 novembre 2017, a été produit par son conseil qui expose des conclusions et des moyens tant de légalité externe qu'interne contre la décision du 27 avril 2017 du ministre de la défense. Il résulte de l'instruction, comme en atteste l'avis de réception postal produit par la ministre, que cette décision a été notifiée à M. C... par envoi recommandé avec accusé de réception le 1er juin 2017. Ainsi, le mémoire enregistré le 16 novembre 2017, lequel a été communiqué à la ministre des armées par la Cour, a été produit dans le délai de recours contentieux de six mois prévu par l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées tirée de l'irrecevabilité de la demande présentée par M. C... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris doit être écartée. 4. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a déclaré recevable la requête de M. C... et ordonné avant-dire droit une mesure d'expertise confiée au docteur B.... DÉCIDE : Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre des armées. Copie en sera adressée au tribunal administratif de Paris. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19PA03692
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/12/2021, 20MA03277, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C... a demandé au tribunal départemental des pensions du Gard, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Nîmes, d'annuler la décision du 3 août 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour infirmité nouvelle, et de faire droit à sa demande de révision de pension. Par un jugement n° 1903702 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande et a mis à la charge définitive de l'Etat les frais et honoraires de l'expertise prescrite le 8 mars 2019. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 août 2020 et les 1er et 20 septembre 2021, M. C..., représenté par Me Mattler, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 juin 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande ; 2°) d'annuler la décision du 3 août 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité ; 3°) de lui accorder le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 10 %, à compter du 1er décembre 2016, et de le renvoyer devant l'autorité compétente pour la mise en œuvre des dispositions financières liées à cette pension ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise médicale. Il soutient que : - le jugement qui lui a été notifié n'est pas signé du président de la formation de jugement ni de ses membres et il appartient à la Cour de s'assurer que la minute le soit régulièrement ; - il n'est pas établi que le signataire de la décision en litige ait bien reçu délégation régulière à cet effet, c'est-à-dire suffisamment précise, y compris au vu de la délégation produite par la ministre en cours d'instance, le contenu des matières déléguées posant difficulté dès lors que l'arrêté portant organisation de la direction des ressources humaines du ministère a été abrogé le 1er juillet 2020, et le pouvoir de délégation de la ministre n'étant pas avéré ; - comme le montrent un certificat médical de son médecin traitant et le rapport d'expertise médicale du 20 juin 2019, ses douleurs dorsales sont à l'origine pour lui d'une gêne fonctionnelle indemnisable au taux d'invalidité de 10 % ; - c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande de révision de pension au titre de l'infirmité nouvelle, au seul motif que l'accident de la circulation du 10 septembre 1998, survenu en service, et auquel est imputable cette infirmité, n'a pas en son temps donné lieu à pension, aucune prescription n'étant posée par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour former une demande, alors que cet accident n'a pu qu'aggraver les séquelles de l'accident de service du 3 novembre 1980, ce qui explique qu'il ait présenté une demande de révision, et non une nouvelle demande de pension ; - contrairement à ce qu'affirme la ministre en défense, le rapport d'expertise médicale démontre la filiation de soins en lien avec les séquelles de ce traumatisme depuis 1998, même si avant son retour à la vie civile, les traitements et soins dispensés par les médecins militaires n'ont pas été consignés dans son livret militaire ; - les sauts en parachute qu'il a effectués à répétition de 1979 à 1993 ont aggravé les blessures causées par les deux accidents de service de 1980 et de 1998 ; - la jurisprudence sur les conditions générales de service ne fait pas obstacle aux préconisations du guide-barème qui prévoient, par exception, l'indemnisation des lésions traumatiques latentes et des lésions non traumatiques en ce qui concerne les maux de dos. Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 août 2021 et 9 septembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête, en soutenant, dans le dernier état de ses écritures, que les moyens qui y sont développés ne sont pas fondés. Par ordonnance du 3 août 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2021, à 12 heures, puis reportée au 30 septembre 2021, à 12 heures, par ordonnance du 1er septembre 2021. Un mémoire a été présenté le 2 décembre 2021 par la ministre des armées, qui n'a pas été communiqué. Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ; - l'avis n° 451980 du Conseil d'Etat du 9 juillet 2021 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de M. Ury, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., caporal-chef de la Légion étrangère, rayé des contrôles le 17 juillet 2001 et bénéficiaire d'une pension militaire d'invalidité concédée le 3 août 2015, a demandé le 1er décembre 2016 la révision de sa pension au titre de l'infirmité nouvelle de type " douleurs cervico-dorso-lombaires ". Par décision du 3 août 2017, la ministre des armées a rejeté cette demande. Par jugement du 30 juin 2020, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes, après jugement avant dire droit du tribunal départemental des pensions du Gard du 8 mars 2019 et rapport d'expertise du 20 juin 2019, a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision et d'autre part à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au taux de 10 %. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le droit applicable : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction alors applicable : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve d'une relation certaine, directe et déterminante entre les troubles qu'il invoque et un fait ou des circonstances particulières de service. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires soumis à des contraintes identiques. 3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version alors applicable : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) /3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples ". Aux termes de l'article L. 9 du même code: " (...) Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ". Aux termes de l'article L. 14 du même code: " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. ". 4. Enfin, l'article L. 26 de ce code dispose que : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ". En ce qui concerne les droits à pension : 5. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du rapport d'expertise établi le 20 juin 2019 sur jugement avant dire droit du tribunal départemental des pensions militaires d'invalidité du Gard, que l'infirmité au titre de laquelle M. C... a demandé la révision de sa pension militaire d'invalidité correspond à une pathologie de type rachidien et se traduit par des douleurs cervico-dorso-lombaires ainsi que par une gêne fonctionnelle. Selon ce rapport qui propose un taux d'invalidité de 10 % au vu des éléments d'appréciation du guide-barème, cette infirmité trouve son origine, à raison d'une proportion d'un tiers chacun, dans trois faits de service différents que sont, d'abord, une mauvaise réception après un saut en parachute effectué le 3 novembre 1980, dont M. C... a conservé une " désaxation " de l'arrière-pied droit, une arthrose tibio-tarsienne ainsi qu'une légère boiterie, ensuite un accident de la circulation survenu en mission le 10 septembre 1998, dont l'intéressé tire une entorse cervicale ayant évolué en arthrose cervicale et, enfin, les 218 sauts en parachute réalisés par l'intéressé entre 1979 et 1993, engendrant des pincements discaux avec arthrose diffuse cervicale et lombaire. 6. Le rapport d'expertise précité, que la ministre des armées ne remet pas en cause, montre d'abord que l'infirmité nouvelle est, pour partie, à raison du tiers du rapport de causalité déterminé par l'expert, en relation directe et certaine avec le premier accident de service, au titre duquel d'ailleurs M. C... est déjà pensionné au taux de 20%, et à l'origine pour ce dernier, selon l'expert, de répercussions au niveau de la sphère rachidienne, par lésions arthrosiques tant cervicales que lombaires. Il y a donc lieu de juger que M. C... rapporte la preuve d'une relation certaine et directe entre les troubles qu'il invoque et l'accident de service du 3 novembre 1980. 7. Il résulte en outre de ce rapport d'expertise, ainsi que d'un rapport circonstancié du 18 octobre 1998, que M. C... a pu valablement produire pour la première fois au soutien de son recours devant le tribunal, et il n'est du reste pas sérieusement contesté par la ministre des armées, que malgré le délai qui sépare l'accident de circulation du 10 septembre 1998, constitutif d'un fait précis de service, et la demande de révision de pension pour infirmité nouvelle, il est établi une filiation médicale, directe et certaine, entre les séquelles tirées de cet accident, liées à une arthrose cervicale, et les douleurs cervico-dorso-lombaires au titre desquelles sa demande de révision est formulée. Ce rapport, contre les motifs et conclusions duquel la ministre ne livre aucune pièce médicale contraire, la demande de révision de pension de M. C... n'ayant été soumise, qui plus est, à aucun médecin expert avant la prise de la décision en litige, propose de considérer que cet accident de service constitue la deuxième cause, directe et certaine, de l'affection cervico-dorso-lombaire dont il souffre, à raison du tiers du rapport de causalité. Ainsi M. C... est fondé à soutenir qu'il établit l'existence d'une relation directe et certaine entre son infirmité et l'accident de service du 10 septembre 1998. 8. Certes et en revanche, si le rapport d'expertise du 20 juin 2019 considère que les 218 sauts en parachute effectués par M. C... entre 1979 et 1993 ont favorisé l'apparition de sa pathologie de type rachidien cervico-dorso-lombaire, il ne résulte ni de ce document ni d'aucune autre pièce du dossier, ni même du guide-barème, dont les préconisations ne portent pas sur l'imputabilité au service des infirmités, que cette affection peut être à ce titre rattachée à une circonstance précise de service, les multiples sauts en parachute réalisés par l'intéressé dans le cadre des conditions générales de service auxquelles il était exposé au sein de son unité, ne pouvant être retenus à ce titre, en l'absence de circonstances particulières permettant de leur imputer l'affection invoquée. 9. Dans ces conditions, néanmoins, les éléments de l'instruction, et spécialement le rapport d'expertise du 20 juin 2019, montre que les deux accidents de service subis par M. C... le 3 novembre 1980 et le 10 septembre 1998 ont été la cause déterminante des troubles cervico-dorso-lombaires qu'il invoque et dont le taux d'invalidité de 10 % retenu par l'expert n'est contesté par aucune des parties à l'instance. Il est par conséquent fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande et que, par la décision en litige, la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour défaut d'imputabilité au service de son infirmité nouvelle. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et cette décision. 10. Il résulte tout ce qui précède que M. C... a droit à la révision de sa pension militaire d'invalidité, du fait de l'apparition de l'infirmité dite " douleurs cervico-dorso-lombaire ", par l'octroi, à compter du 1er décembre 2016, date de dépôt de sa demande de révision de pension, d'un taux d'invalidité de 10 %. Sa pension sera révisée suivant les modalités de calcul posées à l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, citées au point 3. Sur les frais et honoraires de l'expertise : 11. Il résulte de ce qui précède que les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le jugement du tribunal départemental des pensions du Gard du 8 mars 2019, doivent être laissés à la charge de l'État. Sur les frais du litige : 12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. La présente instance n'ayant pas donné lieu à dépens, les conclusions présentées à ce titre doivent quant à elles être rejetées. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1903702 du tribunal administratif de Nîmes du 30 juin 2020 et la décision de la ministre des armées du 3 août 2017 sont annulés. Article 2 : M. C... a droit à la révision de sa pension militaire d'invalidité au taux de 10 % pour l'apparition de l'infirmité dite " douleurs cervico-dorso-lombaires " à compter du 1er décembre 2016. Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le jugement du tribunal départemental des pensions du Gard du 8 mars 2019 sont mis à la charge de l'Etat. Article 4 : L'Etat versera à M. C... une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5: Le présent arrêt sera notifié à M. C... et à la ministre des armées. Copie en sera adressé à l'expert, le docteur B... A.... Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - Mme Renault, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2021. N° 20MA032777
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/12/2021, 20NT02100, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner La Poste à lui verser la somme globale de 160 000 euros en réparation de ses préjudices résultant de son absence de reclassement avant sa mise à la retraite pour invalidité. Par un jugement n° 1703260 du 31 mars 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 17 juillet 2020, Mme A..., représentée par Me Salquain, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 mars 2020 ; 2°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 160 000 euros ; 3°) de mettre à la charge de La Poste le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen tiré du défaut de recherche de reclassement sur un emploi relevant d'un autre corps ou cadre d'emploi d'une autre administration ; - la Poste a commis une faute en ne recherchant pas un poste de reclassement dans un service de l'Etat ; - la Poste a méconnu la liberté de travail reconnue tant par le décret des 2 et 17 mars 1791 que par l'article 5 du préambule de la Constitution de 1946 ; - elle a droit à une indemnisation qui ne pourra être inférieure au salaire qu'elle aurait dû percevoir sur la base du barème de la fonction publique jusqu'à l'âge légal de départ à la retraite ainsi qu'une indemnisation de la perte de ses droits à pension ; - son préjudice moral sera évalué à la somme de 10 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2021, La Poste, représentée par Me Bellanger, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le point 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; - l'ordonnance n° 2020-1447 du 25 novembre 2020 ; - la loi du 17 mars 1791 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le décret des 2 et 17 mars 1791 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public, - et les observations de Me Cortes, substituant Me Bellanger, représentant La Poste. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., agent technique et de gestion à La Poste, a été victime le 10 septembre 1999, d'un braquage au bureau de poste d'Orly Les Saules où elle exerçait les fonctions de guichetière. L'intéressée, qui a développé un syndrome post-traumatique sévère reconnu imputable au service, a bénéficié de plusieurs mutations sans amélioration de son état de santé avant d'être placée en congé de longue maladie. Par une décision du 6 juillet 2012, Mme A... a été mise à la retraite pour invalidité avec un taux de 20%, laquelle a pris effet au 1er mai 2013. Après le rejet de sa réclamation préalable présentée le 14 décembre 2016, l'intéressée a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation de La Poste à lui verser la somme globale de 160 000 euros en réparation de ses préjudices résultant de son absence de reclassement avant sa mise à la retraite pour invalidité. Elle relève appel du jugement du 31 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si Mme A... soutient que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen tiré du défaut de recherche de reclassement au sein d'une autre administration, les premiers juges ont indiqué au point 3 du jugement attaqué que l'obligation de son employeur était circonscrite au " groupe La Poste ". Par suite, le moyen manque en fait et ne peut qu'être écarté. Sur la responsabilité de La Poste : 3. D'une part, aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : " Les personnels de La Poste (...) sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 (...) et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (...) ". 4. D'autre part, aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service (...) et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article. ". Aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction antérieure notamment à l'ordonnance du 25 novembre 2020 : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes (...) ". 5. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement ou sa mise à la retraite pour invalidité. 6. Il résulte de l'instruction que dans son rapport du 13 février 2012, le docteur D... désigné en qualité d'expert a estimé que Mme A... présentait depuis plus de dix ans une symptomatologie post-traumatique extrêmement sévère avec une atteinte de l'humeur, évoluant vers une sinistrose revendicatrice et un sentiment de colère constant envers son employeur. Il a ajouté que cet état était la conséquence certaine, exclusive et directe de l'accident de service dont elle avait été victime et qu'il la rendait inapte de façon définitive à tout emploi à la Poste. Dans son avis du 7 juin 2012 la commission de reclassement a confirmé l'impossibilité de tout reclassement de l'intéressée. Le docteur B..., médecin du travail à la Poste, a émis le 1er juin 2012 un avis concordant à l'attention des membres de la commission de réforme en indiquant que tout emploi de l'intéressée à La Poste apparaissait définitivement préjudiciable à l'équilibre de son état de santé. S'il a ajouté qu'afin de préserver l'avenir professionnel de l'intéressée, qui était alors âgée de 45 ans, il lui semblait important que " la Poste puisse tout mettre en œuvre pour l'accompagner dans ses souhaits professionnels ", à cette date, aucune disposition n'imposait à l'employeur d'aider au reclassement professionnel de son agent en dehors de son administration d'origine. Les dispositions de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 dans leur rédaction issue de l'article 10 de l'ordonnance du 25 novembre 2020 portant diverses mesures en matière de santé et de famille dans la fonction publique, qui prévoit qu'un fonctionnaire inapte à ses fonctions peut être reclassé dans toute administration ou établissement public lorsqu'aucun poste n'est disponible dans son administration d'origine, ne sont en effet entrées en vigueur que le 27 novembre 2020, soit plus de 7 ans après l'admission à la retraite de Mme A.... En outre, la requérante indique elle-même qu'elle a été mutée en févier 2000 au centre de transbordement d'Orly-Siena où elle a présenté un syndrome post-agression puis dans la région Bretagne sans amélioration et que le 31 juillet 2014, elle a été hospitalisée aux urgences du service médico-psychologique du centre hospitalier universitaire de Nantes, à la suite d'un entretien avec son employeur, dans le cadre d'une tentative de médiation. Il suit de là que Mme A... était définitivement inapte à tout emploi à la Poste. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que son employeur n'aurait pas respecté son obligation de recherche de reclassement. 7. Enfin, Mme A... entend rechercher la responsabilité de la Poste en invoquant la violation de la liberté de travailler protégée par le décret des 2 et 17 mars 1791 et le Préambule de la Constitution de 1946. Toutefois, la circonstance qu'elle a été placée à la retraite d'office pour invalidité, ne fait pas obstacle à ce qu'elle exerce certaines activités professionnelles rémunérées qui seraient compatibles avec son état de santé. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut dès lors, et en tout état de cause, qu'être écarté. 8. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... E... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... le versement à La Poste de la somme qu'elle sollicite au titre des mêmes frais. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de La Poste tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à La Poste. Délibéré après l'audience du 3 décembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Coiffet, président, - Mme Gélard, première conseillère, - Mme Malingue, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2021. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. COIFFET La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 5 N° 20NT02100
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 22/12/2021, 19BX02048, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision, du 13 juillet 2016, par laquelle le maire de la commune de Châteauponsac a rejeté sa demande d'indemnisation et de condamner cette commune à lui verser une somme globale de soixante-treize mille cent quatre-vingt-six euros et quatre-vingt-neuf centimes (73 186, 89 euros) en réparation du préjudice subi. Par un jugement n° 1601208 du 22 mars 2019, le tribunal administratif de Limoges a condamné la commune de Châteauponsac à verser à Mme A... une somme de 52 000 euros en réparation du préjudice subi. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 21 mai 2019, la commune de Châteauponsac, représentée par Me Delpuech, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 22 mars 2019 du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a accordé à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral et l'a indemnisée au titre du préjudice financier qu'elle aurait subi du fait de la minoration de sa pension de retraite ; 2°) de rejeter la demande de Mme A... tendant à la réparation de son préjudice moral et d'un préjudice financier lié à la minoration de sa pension de retraite. Elle soutient que : - le tribunal administratif n'a pas motivé sa décision d'accorder 2 000 euros à la requérante au titre du préjudice moral ; - le préjudice moral subi par Mme A... n'est pas établi ; - le préjudice qui serait résulté, pour l'intéressée, de la perte d'une chance de recevoir une pension de retraite d'un montant supérieur à celle qu'elle perçoit n'est pas davantage établi. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code des pensions civiles et militaires de retraites ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B... C..., - les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme D... A... a été recrutée en qualité d'agent d'entretien par la commune de Châteauponsac (Haute-Vienne) en mai 2003 et titularisée dans le cadre d'emploi des adjoints techniques territoriaux en juin 2004. Lors d'une visite médicale consécutive à un arrêt de travail, le médecin du travail a estimé, en mars 2012, que Mme A... était définitivement inapte à son poste de travail et devait être reclassée sur un poste administratif, avec un plan de formation. En avril 2012, le comité médical départemental de la Haute-Vienne a émis un avis dans le même sens, tendant à la reprise de l'agent à temps complet après reclassement sur un poste administratif. Par une décision du 19 juin 2014, le maire de la commune de Châteauponsac a rejeté la candidature de Mme A... à un poste d'adjoint administratif de 2ème classe, au motif qu'elle ne présentait aucun des critères requis pour occuper ce poste. Par un jugement n° 1401517 du 3 mars 2016 devenu définitif, le tribunal administratif de Limoges a annulé cette décision du 19 juin 2014 au motif que la commune de Châteauponsac avait méconnu son obligation de reclassement. Mme A... ayant été admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 20 mai 2015, a présenté, le 18 mai 2016, une demande indemnitaire préalable auprès de la commune de Châteauponsac, portant sur un montant total de 73 186,89 euros. Cette demande a été rejetée le 13 juillet 2016. La commune de Châteauponsac relève appel du jugement du 22 mars 2019 du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a accordé à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral et l'a indemnisée au titre du préjudice financier qu'elle aurait subi du fait de la minoration de sa pension de retraite. 2. La commune de Châteauponsac ne conteste pas l'illégalité de la décision du maire du 19 juin 2014 ayant rejeté la candidature de Mme A... à un poste d'adjoint administratif de 2ème classe, prononcée par le tribunal administratif de Limoges, par le jugement n° 1401517 du 3 mars 2016, devenu définitif. Comme l'a relevé le tribunal administratif, l'illégalité de cette décision est de nature à engager la responsabilité de la commune, l'intéressée ayant droit à la réparation intégrale des préjudices qui en sont la conséquence directe et certaine. 3. En premier lieu, Mme A..., dans sa demande introductive devant le tribunal administratif, a évalué le préjudice qui serait résulté de la minoration de la pension de retraite qu'elle perçoit, à la somme de 46 716 euros brut, correspondant à la perte de 204 euros de pension par mois pendant une durée de dix-neuf ans. 4. Comme le faire valoir la commune, il ressort de l'estimation indicative globale de la retraite pouvant être perçue par Mme A... que la date du taux plein était, dans son cas, le 1er janvier 2016, à l'âge de 63 ans, en ce qui concerne la pension versée par la Caisse régionale de Crédit agricole de Toulouse de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et le 1er décembre 2017, à l'âge de 65 ans, s'agissant de la pension versée par la Caisse régionale de Crédit agricole de Toulouse d'assurance vieillesse (CNAV), la pension versée par la première représentant entre 86 % et 92 % de la pension totale due à l'intéressée, selon l'âge de son départ en retraite. Il est constant que Mme A..., qui est née le 6 février 1952, a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 20 mai 2015, alors qu'elle était âgée de 63 ans et trois mois. Il ressort par ailleurs d'une étude produite par la commune que, pour ce qui concerne les femmes exerçant dans la fonction publique territoriale, l'âge moyen de départ à la retraite s'établissait, en 2017, à 63,4 ans. Enfin, si l'intéressée fait valoir qu'elle aurait perçu une pension de retraite mensuelle d'un montant de 769 euros brut si elle avait travaillé jusqu'à l'âge de 65 ans et 9 mois, il ressort de ses propres déclarations qu'elle percevait, à la date de sa demande de première instance, une " pension CNRACL " de 565 euros brut mensuel, soit un montant significativement supérieur au montant de 376 euros, valeur estimée le 1er janvier 2016 de la " pension CNRACL " en cas de mise en retraite à 63 ans et 9 mois, et de 404 euros, valeur estimée le 1er janvier 2017 de la " pension CNRACL " en cas de mise en retraite à 64 ans et 9 mois. 5. Mme A..., dont l'état de santé a par ailleurs justifié l'octroi d'un congé de longue maladie, la déclaration d'inaptitude définitive au poste d'agent d'entretien à compter du mois de mars 2012, ainsi que la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé sur la période du 1er août 2011 au 31 juillet 2016, n'a donné, en première instance comme en appel, aucune indication sur la nature des problèmes de santé dont elle souffre ni sur son aptitude à travailler en qualité d'agent administratif jusqu'à l'âge de 65 ans et 9 mois. Dans ces conditions, à supposer même que le poste d'adjoint administratif de 2ème classe sur lequel elle a postulé lui aurait été proposé à compter du 1er juin 2014, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été en mesure de l'occuper après la date de sa mise à la retraite, voire jusqu'à l'âge de 65 ans et 9 mois, et qu'elle aurait pu de ce fait prétendre à une pension mensuelle d'un montant supérieur à celui qui lui a effectivement été versé depuis le 20 mai 2015, date de sa mise à la retraite. 6. Le tribunal administratif a accordé à Mme A... la somme globale de 50 000 euros au titre de préjudice matériel qu'elle aurait subi du fait de la perte de chance très sérieuse d'être reclassée et de poursuivre son activité professionnelle jusqu'à l'âge de 65 ans et neuf mois, ce préjudice étant constitué tant des pertes de traitements occasionnées de ce fait que de la minoration de sa pension de retraite en étant résultée. Dans sa requête d'appel, la commune ne conteste pas le montant de 21 470,89 euros obtenu par Mme A... au titre du préjudice financier lié à la perte de traitements. Il convient dès lors de ne réformer le jugement qu'en tant qu'il a mis à la charge de cette collectivité, au titre du préjudice financier subi par l'intimée, une somme excédant 21 470,89 euros, soit la somme de 30 529,11 euros. 7. En second lieu, il résulte du jugement précité du tribunal administratif de Limoges, devenu définitif, qu'en rejetant, par sa décision précédemment mentionnée du 19 juin 2014, la candidature de Mme A... sur un poste d'adjoint administratif de 2ème classe, le maire de la commune a méconnu l'obligation de reclassement incombant à celle-ci. Le tribunal administratif de Limoges, qui n'a pas insuffisamment motivé son jugement sur ce point, a fait une juste évaluation du préjudice moral subi à ce titre par Mme A... en le fixant à la somme de 2 000 euros. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Châteauponsac est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges l'a condamnée à verser à Mme A... une somme excédant 21 470,89 euros, soit la somme de 30 529,11 euros au titre du préjudice matériel subi par cette dernière du fait de l'illégalité de la décision 19 juin 2014 ayant rejeté sa candidature à un poste d'adjoint administratif de 2ème classe. Le jugement attaqué sera réformé dans cette mesure. DECIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges n° 1601208 du 22 mars 2019 est réformé en ce qu'il a condamné la commune de Châteauponsac à verser à Mme A... une somme excédant 21 470,89 euros, soit la somme de 30 529,11 euros, au titre du préjudice matériel subi par cette dernière du fait de l'illégalité de la décision 19 juin 2014. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Châteauponsac et à Mme D... A.... Délibéré après l'audience du 13 décembre 2021 à laquelle siégeaient : Mme Karine Butéri, présidente, Mme Sylvie Cherrier, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2021. La rapporteure, Sylvie C... La présidente, Karine Butéri La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 No 19BX02048
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de PARIS, 8ème chambre, 22/12/2021, 19PA03888, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision de la ministre des armées du 14 juin 2018 rejetant sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité nouvelle " discopathies dégénératives des quatre derniers étages lombaires avec canal lombaire étroit L4-L5 par arthrose interapophysaire postérieure : lombalgies avec sciatique tronquée, raideur rachidienne légère, pas de trouble neurologique ". Par un jugement n° 18/00028 du 27 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a déclaré recevable la requête de M. B... et a ordonné, avant-dire droit, une mesure d'expertise médico-judiciaire confiée au docteur A.... Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 2 décembre 2019, 4 janvier 2021 et 22 novembre 2021, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) de décider que la mesure d'instruction médico-judiciaire confiée au docteur A... est caduque ; 3°) de confirmer la décision de la ministre des armées du 14 juin 2018. Elle soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard des articles R. 421-5 du code de justice administrative et R. 731-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le tribunal a relevé que le demandeur n'avait pas indiqué les moyens invoqués en méconnaissance de l'article R. 731-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, mais a considéré que l'administration n'a pas porté l'exigence de motivation à sa connaissance ; - la nécessité de motiver la requête n'a pas, en application de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, à figurer parmi les mentions obligatoires de notification des décisions administratives ; - l'information selon laquelle la requête doit être motivée au sens de l'article R. 731-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne constitue pas une mention obligatoire de la notification d'une décision rejetant une demande de pension militaire d'invalidité ; - en raison de l'irrecevabilité de la requête formée devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, la mission confiée à l'expert n'a plus d'objet. Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Mankou, conclut au rejet de la requête de la ministre des armées et à la confirmation du jugement attaqué et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : - la décision de la ministre des armées du 14 juin 2018 a été irrégulièrement notifiée dès lors qu'elle ne l'a pas informé de la nécessité de motiver son recours en présentant des arguments de fait et de droit dont le défaut entraînerait le rejet pour irrecevabilité de sa requête devant le tribunal de pension militaires d'invalidité en méconnaissance de l'article R. 731-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - l'absence de cette mention obligatoire dans la notification de la décision du 14 juin 2018 entraîne l'inopposabilité du défaut de motivation de sa requête de première instance. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 7 avril 2021. Un mémoire a été enregistré le 3 décembre 2021 pour M. B..., après la clôture de l'instruction. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C... B..., né le 8 octobre 1975, appelé du contingent à compter du 10 janvier 2001, a servi dans l'armée de terre et a été radié des contrôles le 6 novembre 2017 au grade de caporal. Suite à une blessure, imputable au service en application du décret du 10 janvier 1992, survenue lors d'une opération extérieure en Haïti en 2010 et constatée par preuve, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée par arrêté du 24 novembre 2014 au taux de 15 % au titre de l'infirmité " Stress post-traumatique. Reviviscence de scènes traumatiques. Troubles du sommeil ". Le 21 avril 2016, il a sollicité la révision de sa pension pour prise en compte d'une infirmité nouvelle, à savoir " discopathies dégénératives des quatre derniers étages lombaires avec canal lombaire étroit L4-L5 par arthrose interapophysaire postérieure : lombalgies avec sciatique tronquée, raideur rachidienne légère, pas de trouble neurologique ". Par une décision du 14 juin 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande aux motifs que la preuve d'imputabilité n'est pas établie, que la présomption d'imputabilité ne peut s'appliquer et que cette affection est une maladie arthrosique sans lien avec l'accident de service du 19 juin 2009. Par un recours enregistré le 16 juillet 2018, M. B... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'un recours contre cette décision. Par un jugement du 27 septembre 2019, le tribunal a déclaré recevable la requête de M. B... et a ordonné, avant-dire droit, une mesure d'expertise médico-judiciaire confiée au docteur A.... La ministre des armées relève appel de ce jugement. Sur la recevabilité de la demande de première instance : 2. Aux termes des dispositions de l'article R. 731-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors en vigueur : " la procédure devant les juridictions des pensions est régie par les dispositions du présent code, par celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions du présent code renvoient expressément et, dans le silence du présent code, par les règles générales de procédure applicables aux juridictions administratives ". Aux termes de l'article R. 731-2 du même code, alors en vigueur : " Sous réserve du cas des recours en révision prévus par l'article L. 154-4, les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre premier et des titres I, II et III du livre II du présent code sont susceptibles, dans le délai de six mois à compter de leur notification, de recours devant le tribunal des pensions. / Le cas échéant, les délais supplémentaires de distance fixés aux articles 643 et 644 du code de procédure civile s'ajoutent au délai mentionné au présent article ". Selon l'article R. 731-3 du même code alors en vigueur, " le tribunal est saisi d'une requête remise au greffe ou adressée au greffe par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. / Cette requête doit indiquer les nom, prénoms, profession et domicile du demandeur. Elle précise l'objet de la demande et les moyens invoqués sous peine d'irrecevabilité (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre que la demande de première instance doit contenir l'énoncé des conclusions et moyens soumis au juge ou être motivée au plus tard dans le délai prévu à l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 4. M. B..., qui a déposé le 16 juillet 2018 devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris un recours contre la décision du 14 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour une infirmité nouvelle, s'est borné à indiquer dans sa demande : " suite au rejet de ma demande de pension militaire d'invalidité, je souhaite saisir votre Tribunal. Ci-joint la décision de rejet me concernant ". Si le tribunal a considéré que M. B... n'indiquait pas dans son recours les moyens invoqués et contrevenait ainsi aux dispositions de l'article R. 731-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il a jugé le recours recevable au motif que la décision du 14 juin 2018 de la ministre des armées " ne fait pas allusion aux dispositions de l'article R. 731-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et ne précise pas l'obligation de motiver la requête ". Dès lors que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de prévoir une obligation pour l'administration d'informer le destinataire d'une décision qu'il doit motiver sa demande en cas de recours, la ministre des armées, dont la décision notifiée à l'intéressé comportait l'indication des délais et voies de recours contentieux prévue, dans le silence du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, par les règles générales applicables aux juridictions administratives, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a déclaré recevable la demande de M. B.... 5. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en toutes ses dispositions. Sur les frais liés à l'instance : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au profit du conseil de M. B..., la somme demandée au titre des frais liés à l'instance. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 18/00028 du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre des armées. Copie en sera adressée au tribunal administratif de Paris. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19PA03888
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de PARIS, 8ème chambre, 22/12/2021, 19PA03532, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 25 novembre 2016 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité pour les infirmités " séquelles de gelure du pied droit " et " séquelles de gelure du pied gauche ". Par jugement n° 17/00005 du 6 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 25 novembre 2016 et a accordé à M. C... une pension militaire d'invalidité au taux de 15 % à compter du 9 avril 2015. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 8 novembre 2019, la ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 17/00005 du 6 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) de confirmer la décision du ministre de la défense du 25 novembre 2016. Elle soutient que : - même si les deux affections dont souffre M. C... concernent la marche, elles constituent deux infirmités décrites distinctement au guide-barème des invalidités applicables au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dont l'évaluation doit être faite selon les règles prévues par l'article L. 125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et n'ouvrent droit à indemnisation qu'à condition d'entraîner un taux d'invalidité au moins égal à 10 % ainsi que l'exige l'article L. 121-4 du même code ; - le tribunal des pensions militaires d'invalidité a méconnu l'article L. 125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en groupant en une seule infirmité les infirmités " séquelles de gelure du pied droit " et " séquelles de gelure du pied gauche " afin d'obtenir un taux de 15 % par addition pure et simple des taux précédemment définis. La requête a été transmise à M. C... qui n'a pas produit d'observations. Par ordonnance du 2 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2021 à 12h. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 1er janvier 1935, engagé volontaire pour quatre ans le 18 novembre 1955 au titre du bataillon autonome du Niger pour le service général des tirailleurs, a servi au Sénégal et en Algérie et a été rayé des contrôles de l'armée le 6 mai 1964. Le 9 avril 2015, il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour des gelures au niveau des orteils des deux pieds survenues lors d'une marche effectuée de nuit au cours de l'hiver 1958. Par une décision du 25 novembre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande aux motifs que chacune des infirmités " séquelles de gelure du pied droit " et " séquelles de gelure du pied gauche " ne dépasse pas le minimum indemnisable de 10 %. Par un recours enregistré le 20 mars 2017, M. C... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'un recours contre cette décision, lequel a ordonné le 6 avril 2018 une expertise, confiée au docteur A..., qui a rendu son rapport le 28 février 2019. Par jugement n° 17/00005 du 6 septembre 2019, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 25 novembre 2016 et a accordé à M. C... une pension militaire d'invalidité au taux de 15 % à compter du 9 avril 2015. 2. Aux termes de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur à la date de la demande, devenu l'article L. 125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour les alinéas 1, 2 et 3 : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. Tous les calculs d'infirmités multiples prévus par le présent code, par les barèmes et textes d'application doivent être établis conformément aux dispositions de l'alinéa premier du présent article sauf dans les cas visés à l'article L. 15 ". Cette disposition est applicable à toutes les infirmités mentionnées d'une façon distincte par le guide-barème alors prévu à l'article L. 9 de ce code, qu'elles proviennent ou non d'une même cause. En outre, l'article L. 15 du même code alors en vigueur, devenu l'article L. 125-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dispose que : " Par dérogation aux dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 14, doivent s'ajouter arithmétiquement, au pourcentage d'invalidité des infirmités siégeant sur un membre, les troubles indemnisés sous forme de majoration au guide-barème visé par l'article L. 9. (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions que le mode dérogatoire de décompte arithmétique des pourcentages d'invalidité qu'elles instituent n'est applicable que si les troubles indemnisés en principe sous forme de majoration au guide-barème siègent sur le même membre que celui de l'infirmité à laquelle ils se rattachent. S'ils ne siègent pas sur le même membre, le fait que ces troubles soient mentionnés d'une façon distincte par le guide-barème implique leur constitution en infirmité unique et qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 14. 3. Il résulte de l'instruction que les " séquelles de gelure du pied droit " et " séquelles de gelure du pied gauche " dont souffre M. C... concernent deux membres inférieurs distincts. Or, les affections susceptibles de constituer des infirmités ouvrant droit en application du guide-barème sont décrites par membre dans ce dernier et sont ainsi constitutives d'infirmités distinctes, alors même que ces affections peuvent résulter d'une même cause. Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal des pensions militaires d'invalidité s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour considérer que, dès lors que les lésions observées aux pieds gauche et droit de M. C... correspondent à une même gêne fonctionnelle et que pour se déplacer en marchant, il est nécessaire d'avoir deux pieds valides, il est possible de retenir un taux global d'invalidité de 15 %, en additionnant le taux de 8 % attribué au niveau du pied gauche et de 7 % au niveau du pied droit pour grouper ainsi ces affections en une seule infirmité. 4. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, sur ce motif, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 25 novembre 2016 et a accordé à M. C... une pension militaire d'invalidité au taux de 15 % à compter du 9 avril 2015. 5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris. 6. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur, devenu l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 % (...) ". 7. Il résulte de l'instruction que le docteur B..., médecin expert, a, à l'issue des examens des 16 mars 2016 et 7 juin 2016, effectué une évaluation uniquement globale du déficit fonctionnel permanent résultant des séquelles des gelures aux deux pieds de M. C... en proposant de retenir un taux de 15 % sans distinguer chaque pied. Dans son avis du 13 octobre 2016, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du centre d'expertise médicale et de commissions de réforme sur le droit à pension d'invalidité a, quant à lui, proposé un taux inférieur au minimum indemnisable de 10 % au titre de chacune des infirmités " séquelles de gelure du pied droit " et " séquelles de gelure du pied gauche " et le docteur A..., dans son rapport remis le 28 février 2019 au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, a retenu un taux de 8 % au niveau du pied gauche et de 7 % au niveau du pied droit. Ces taux, qui se rattachent comme il indique au point 4 du présent arrêt à deux infirmités distinctes et ainsi ne peuvent pas s'ajouter arithmétiquement, sont inférieurs au minimum de 10 % ouvrant droit à indemnisation prévu par l'article L. 4 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. 8. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement du 6 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris et de rejeter la demande de première instance de M. C.... DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 17/00005 du 6 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Article 2 : La demande de M. C... formée devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 25 novembre 2016 est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Le Goff, président, - M. Ho Si Fat, président assesseur, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021. La rapporteure, A. COLLET Le président, R. LE GOFF La greffière, E. VERGNOL La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19PA03532
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/12/2021, 19MA05738, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal régional des pensions militaires de Montpellier d'annuler la décision du 24 mai 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de réviser sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 18/00033 du 30 octobre 2019, le tribunal régional des pensions militaires de Montpellier a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 décembre 2019 et le 2 septembre 2020, M. B... A..., représenté par la SPA Armandet et le Targat, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal régional des pensions militaires de Montpellier du 30 octobre 2019 ; 2°) d'ordonner avant dire droit une nouvelle expertise, suivant la mission ordonnée par les premiers juges le 12 juin 2019, mais en précisant que l'expert prendra en considération les événements médicaux survenus jusqu'à la date de la décision en litige. Il soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont refusé de tenir compte des éléments et faits postérieurs à la date de sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, alors qu'à la date de la décision de refus de la ministre, et du jugement avant dire droit du tribunal, il avait été opéré chirurgicalement pour la pose d'une prothèse totale du genou gauche et que cette prothèse avait nécessairement une incidence sur l'évaluation de son taux d'invalidité ; - pour déterminer son taux d'invalidité, la cour ne peut se borner à prendre en compte le rapport de l'expert rendu avant dire droit, lequel n'est pas suffisamment motivé, retient un taux de 8 % de manière arbitraire et fait néanmoins mention de l'évolution de sa situation par la pose d'une prothèse de genou. Par des mémoires en défense enregistrés les 29 septembre 2020 et 21 octobre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête, en soutenant que les moyens d'appel ne sont pas fondés et que la date de la demande de révision à retenir n'est pas le 24 octobre 2017, mais le 26 octobre 2016. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - l'ordonnance n°2015-1781 du 28 décembre 2015 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - et les conclusions de M. Ury, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1.M. A..., caporal-chef de l'armée de terre, a demandé le 26 octobre 2016 la révision de la pension d'invalidité dont il est titulaire suivant un taux d'invalidité de 20%, pour aggravation de l'infirmité de type " Séquelles douloureuses de rupture de ligament croisé antérieur du genou gauche. Arthrose évoluée ". Par décision du 24 mai 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 30 octobre 2019 par lequel le tribunal régional des pensions militaires de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre cette décision de rejet. Sur le droit applicable 2. En vertu de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la pension militaire d'invalidité est attribuée sur demande de l'intéressé et son entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. L'article L. 29 du même code dispose pour sa part que : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...). / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée ". 3. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement d'une copie de la demande de révision produite au dossier d'instance, ainsi que des écritures de la ministre des armées devant la Cour, que cette demande de révision a été reçue par les services du ministère, non pas le 24 octobre 2017, comme le mentionnent par erreur la décision en litige et le jugement attaqué, mais le 26 octobre 2016. Il s'ensuit que, les droits à pension, et notamment le taux des infirmités à raison desquelles la pension ou sa révision est demandée, s'appréciant en fonction des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date de la demande, seules étaient applicables pour déterminer les droits de M. A... les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans leur rédaction antérieure au 1er janvier 2017, date d'entrée en vigueur de leur refonte par l'ordonnance du 28 décembre 2015, en vertu de l'article 8 de cette ordonnance. Sur les droits à pension de M. A... : 4. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. A..., dont la demande de révision de pension a été déposée le 26 octobre 2016, ne peut pas valablement prétendre que, pour déterminer le taux d'invalidité au titre de l'aggravation de son infirmité, la ministre des armées puis les premiers juges se seraient à tort abstenus de tenir compte de l'évolution de son état de santé ayant conduit à son opération chirurgicale du genou gauche, avec pose d'une prothèse totale, le 29 novembre 2017, soit postérieurement à sa demande. Pour les mêmes raisons, M. A... ne peut pas utilement se prévaloir, devant le juge des pensions saisi de sa demande de révision, du rapport d'expertise médicale réalisé sur pièces le 16 décembre 2019, à partir de son état de santé constaté et évalué à cette même date, ni du rapport d'expertise médicale du 10 mars 2020, établi après examen de l'intéressé, en fonction de son état à cette dernière date, pour les besoins de l'instruction de sa nouvelle demande de révision de pension déposée le 4 mai 2018. 5. D'autre part, il résulte de l'instruction que, même en se plaçant à tort à la date du 24 octobre 2017, l'expert mandaté par les services du ministère des armées a néanmoins considéré, dans son rapport du 5 janvier 2018, qu'il existait une majoration de la limitation de la flexion à 120°, caractérisant une aggravation des séquelles douloureuses autour du ligament croisé antérieur du genou gauche et que, suivant le guide-barème, un supplément d'invalidité d'un taux de 5 % pouvait être retenu à ce titre. En tenant compte de la même date d'appréciation, au prix de la même erreur de date, l'expert désigné par jugement avant dire droit rendu par les premiers juges le 11 juin 2019, a considéré que l'état de santé de M. A... s'était aggravé, par la réduction d'amplitude de flexion du genou gauche à 110°, qu'un taux d'invalidité de 8 % supplémentaire pouvait être accordé, eu égard à l'instabilité résiduelle, et qu'une dégradation de l'implant articulaire serait dans l'avenir fort probable. Pour contester le taux d'invalidité supplémentaire retenu par les premiers juges, égal à 8 %, sur le fondement du rapport d'expertise, M. A... se borne à critiquer la motivation de ce rapport, qu'il qualifie d'arbitraire, sans livrer d'éléments médicaux de nature à en remettre en cause sérieusement les conclusions suffisamment détaillées, à la date du dépôt de sa demande de révision. Ainsi, le taux supplémentaire d'invalidité étant inférieur aux 10 % exigés par l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, l'aggravation de l'infirmité dont se prévaut M. A... ne peut justifier une révision de sa pension. 6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de décider d'une expertise, que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal régional des pensions militaires de Montpellier a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - Mme Renault, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2021. N° 19MA057385
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/12/2021, 19MA04813, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille d'annuler la décision du 26 mars 2018 de la ministre des armées en tant qu'elle avait limité le taux d'invalidité entraîné par l'infirmité " séquelles de fracture-luxation du calcanéum gauche " à 20% et l'infirmité " séquelles de fracture tassement de L2 L3 " à 10% +5. Par jugement n° 18/00058 du 10 janvier 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé partiellement la décision ministérielle du 26 mars 2018 et reconnu à M. A... un droit à pension militaire d'invalidité au taux de 15% pour l'infirmité " séquelles de fracture-tassement de L2 et L3. Légère raideur sans sciatalgie ", au taux de 10% pour l'infirmité " séquelles de fracture-luxation du calcanéum gauche ostéosynthésée. Raideur de la cheville (déficit en flexion dorsale), et boiterie " et au même taux pour l'infirmité " séquelles de fracture luxation du calcanéum gauche du médio-pied et de l'avant pied ", à compter du 27 mai 2016. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 15 février 2019 sous le n° 19/05 par la Cour régionale des pensions militaires d'Aix-en Provence, et un mémoire, enregistré le 23 avril 2019, la ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 10 janvier 2019 dont elle demande la réformation, en tant qu'il a dissocié l'infirmité " séquelles de fracture-luxation du calcanéum gauche ostéosynthésée. Raideur de la cheville (déficit en flexion dorsale), du médio-pied et boiterie " en deux infirmités " séquelles de fracture-luxation du calcanéum gauche ostéosynthésée. Raideur de la cheville (déficit en flexion dorsale), et boiterie " et " séquelles de fracture luxation du calcanéum gauche du médio-pied et de l'avant pied ". Elle soutient qu'il n'y a pas lieu de distinguer l'impact de la fracture du calcanéum qu'a subie M. A... selon qu'elle a donné lieu à des séquelles affectant la cheville et le pied mais d'indemniser une infirmité unique liée à cette fracture en intégrant l'ensemble de ses conséquences, en termes de mobilité, sur la cheville et le pied. Par un mémoire, enregistré le 17 mars 2019 par la cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence, M. A... indique acquiescer aux demandes formulées par la ministre des armées dans son recours. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Renault, - et les conclusions de M. Ury, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par arrêté du 26 mars 2018, la ministre des armées a concédé à M. A..., engagé le 27 avril 2011 dans la Légion étrangère et promu au grade de sergent le 1er décembre 2015, une pension militaire d'invalidité à titre temporaire au taux de 35%, pour la période du 27 mai 2016 au 26 mai 2019, pour l'infirmité " séquelles de fracture-luxation du calcanéum gauche ostéosynthésée. Raideur de la cheville (déficit en flexion dorsale), du médio-pied et boiterie " (taux de 20%) et l'infirmité " séquelles de fracture tassement de L2 L3 " (taux de 10% +5). La ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions de Marseille du 10 janvier 2018 en tant qu'il a dissocié l'infirmité " séquelles de fracture-luxation du calcanéum gauche ostéosynthésée. Raideur de la cheville (déficit en flexion dorsale), du médio-pied et boiterie " en deux infirmités " séquelles de fracture-luxation du calcanéum gauche ostéosynthésée. Raideur de la cheville (déficit en flexion dorsale), et boiterie " et " séquelles de fracture luxation du calcanéum gauche du médio-pied et de l'avant pied ". 2. Aux termes de l'article L. 12 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version en vigueur à la date de la demande de M. A... : " A titre transitoire et pour l'appréciation des infirmités résultant soit de blessures reçues, soit de maladies contractées dans des conditions ouvrant droit à la présomption d'origine instituée à l'article L. 3 (...) lorsque l'évaluation donnée pour une infirmité par le barème prévu par l'article L. 9 est inférieure à celle dont bénéficiait cette même infirmité d'après les lois et règlements antérieurs, l'estimation résultant de ces lois et règlements est appliquée et sert de base à la fixation de la pension. / Les militaires appelés à bénéficier de la disposition ci-dessus conservent, d'ailleurs, le droit de se réclamer de la législation antérieure, y compris les tarifs, dans les cas où cette législation leur serait plus favorable. ". 3. Pour dissocier les deux infirmités mentionnées au point 1, en se fondant sur le guide barème de 1915 qui évalue distinctement les déformations du tarse (médio-pied) par fracture du calcanéum des raideurs articulaires de l'articulation tibio-tarsienne, les premiers juges ont retenu qu'il ressortait de l'ensemble des pièces médicales du dossier, et en particulier de l'expertise du docteur B..., mandaté par l'administration pour donner un avis sur les demandes de pension de M. A..., que ce dernier présente une atteinte du médio-pied et de l'avant-pied à distinguer de l'atteinte à sa cheville gauche, ce qui constitue deux infirmités distinctes dans le barème de 1915 dont entendait se prévaloir M. A... devant le tribunal des pensions. Il ressort, toutefois, des conclusions de l'expertise menée par le docteur B..., comme des autres pièces médicales versées au dossier, que les raideurs de la cheville gauche ainsi que du médio-pied et de l'avant-pied dont souffre M. A... résultent de la même blessure, une fracture de calcanéum survenue au cours d'un accident d'atterrissage à l'occasion d'un saut en parachute le 28 janvier 2016, qui a connu des suites défavorables avec complications, lesquelles ont entraîné un déficit de mobilité s'étendant de la cheville à l'avant-pied, sans que l'on puisse distinguer dans cet ensemble une déformation du médio-pied et de l'avant-pied susceptible d'évoluer pour son propre compte. 4. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées, qui n'est pas contestée en défense sur ce point, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a dissocié l'infirmité " séquelles de fracture-luxation du calcanéum gauche ostéosynthésée. Raideur de la cheville (déficit en flexion dorsale), du médio-pied et boiterie ", au titre de laquelle elle a concédé par arrêté un droit à pension militaire d'invalidité au taux de 20% en deux infirmités " séquelles de fracture-luxation du calcanéum gauche ostéosynthésée. Raideur de la cheville (déficit en flexion dorsale), et boiterie " et " séquelles de fracture luxation du calcanéum gauche du médio-pied et de l'avant pied ", au titre desquelles le tribunal des pensions a reconnu à M. A... un droit à pension militaire d'invalidité au taux de 10% au titre de chacune de ces infirmités. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 10 janvier 2019 est annulé en tant qu'il dissocie l'infirmité " séquelles de fracture-luxation du calcanéum gauche ostéosynthésée. Raideur de la cheville (déficit en flexion dorsale), du médio-pied et boiterie " en deux infirmités " séquelles de fracture-luxation du calcanéum gauche ostéosynthésée. Raideur de la cheville (déficit en flexion dorsale), et boiterie " et " séquelles de fracture luxation du calcanéum gauche du médio-pied et de l'avant pied ". Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. C... A.... Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - Mme Renault, première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 21 décembre 2021. 4 N° 19MA04813
Cours administrative d'appel
Marseille