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CAA de DOUAI, 3ème chambre, 04/06/2024, 23DA01256, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le A... d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la commune de Fécamp à lui verser la somme de 47 100 euros en réparation des préjudices subis par M. B..., dans les droits duquel il est subrogé, en raison de la maladie professionnelle qu'il a contractée dans l'exercice de ses fonctions. Par un jugement n° 2102835 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Fécamp à verser la somme de 8 000 euros au FIVA et a rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 29 juin 2023, et un mémoire en réplique enregistré le 18 avril 2024, le FIVA, représenté par Me Raffin, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement du 23 mai 2023 ; 2°) de porter le montant de la condamnation de la somme de 8 000 euros à celle de 47 100 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire, et de la capitalisation de ces intérêts ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Fécamp une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il est subrogé dans les droits de M. B... qui a obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au cours de sa carrière de 1976 à 2010 et dont il a indemnisé les préjudices extra-patrimoniaux pour un montant de 47 100 euros ; - ancien employeur de M. B..., la commune de Fécamp doit, même en l'absence de faute de sa part, prendre en charge cette indemnité réparant les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément subis par l'intéressé ; - une carence fautive est imputable à la commune de Fécamp dans la mise en œuvre des mesures de sécurité et de protection contre le risque d'exposition à l'amiante dès lors qu'elle avait ou aurait dû avoir conscience du danger représenté par l'amiante et qu'elle n'a pris aucune des mesures nécessaires pour préserver la santé de son agent ; - la victime a subi un préjudice moral spécifique lié à l'anxiété ressentie à l'annonce de la maladie et à la perspective d'une issue fatale, qui doit être évalué à la somme de 22 600 euros ; des souffrances physiques compte tenu de traitements médicamenteux, chimiothérapique et radiothérapique particulièrement lourds, qui doivent être fixées à la somme de 11 300 euros ; un préjudice esthétique en lien avec ces traitements, évalué à la somme de 2 000 euros ; un préjudice d'agrément résultant de l'arrêt par la victime de ses activités favorites, évalué à la somme de 11 200 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2024, la commune de Fécamp, représentée par Me Tarteret, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement attaqué, à ce que l'Etat la garantisse des sommes mises à sa charge se rapportant à la période d'indemnisation antérieure à 1977 et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du FIVA en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa responsabilité n'est pas engagée dès lors qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations visant à assurer la sécurité et la protection de la santé physique et mentale de ses agents ; - les préjudices dont le FIVA demande l'indemnisation ne sont pas tous imputables à l'exposition de l'agent à l'amiante dans les services de la commune, dès lors que l'intéressé y a été exposé sur les chantiers maritimes de Paimpol où il a travaillé entre 1967 et 1970, qu'il est fumeur et qu'il présente une prothèse bilatérale totale de la hanche et une autre pathologie cancéreuse sans lien avec l'amiante ; - la carence fautive de l'Etat dans la prévention des risques liés à l'amiante implique un partage de responsabilité pour l'année 1976 et l'engagement de la seule responsabilité de l'Etat pour les années antérieures ; - les préjudices ne sont pas établis ou sont surévalués. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2024, le ministre du travail conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - l'appel en garantie n'est pas recevable ; - les moyens tendant à la mise en cause de l'Etat ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 15 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 mai 2024, à 12 heures. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le FIVA n'est pas recevable en appel à rechercher la responsabilité fautive de la commune de Fécamp dès lors qu'il se fonde sur une cause juridique distincte de celle de la demande qu'il avait présentée contre cette collectivité devant le tribunal administratif, et qui était uniquement fondée sur la responsabilité sans faute. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, notamment son article 53 ; - le décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - et les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., contrôleur de travaux à la commune de Fécamp jusqu'au 1er septembre 2010, date de son départ à la retraite, a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante dans le cadre de ses fonctions professionnelles de forgeron. Il a présenté un adénocarcinome broncho-pulmonaire infiltrant primitif diagnostiqué le 5 novembre 2019, dont il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service. Par un arrêté du 21 octobre 2020, pris au vu d'un avis favorable de la commission de réforme du 10 septembre 2020, la commune de Fécamp a reconnu le caractère de maladie professionnelle à la pathologie de M. B.... Celui-ci a saisi le A... d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), sur le fondement de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, et a accepté le 11 février 2021 l'indemnisation forfaitaire proposée par cet organisme pour ses préjudices extra patrimoniaux, fixés au montant total de 47 100 euros. Subrogé dans les droits de M. B..., le FIVA a demandé le remboursement de cette somme par un courrier adressé le 18 mars 2021 à la commune de Fécamp, qui n'y a pas donné suite. Le FIVA a saisi le tribunal administratif de Rouen en vue d'obtenir la condamnation de la commune à lui verser la somme de 47 100 euros. Le fonds relève appel du jugement du 23 mai 2023 par lequel le tribunal a fixé à 8 000 euros le montant des réparations mises à la charge de la commune de Fécamp. Celle-ci sollicite, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement et la condamnation de l'Etat à la garantir des condamnations prononcées à son encontre trouvant leur origine dans une exposition de M. B... à l'amiante au cours des années antérieures à 1977. Sur la responsabilité de la commune de Fécamp : 2. Aux termes de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 : " I. - Peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices : / 1° Les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité (...) / II. - Il est créé, sous le nom de " A... d'indemnisation des victimes de l'amiante ", un établissement public national à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. / Cet établissement a pour mission de réparer les préjudices définis au I du présent article (...) / III. - Le demandeur justifie de l'exposition à l'amiante et de l'atteinte à l'état de santé de la victime (...) / (...) Vaut justification de l'exposition à l'amiante la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité (...) / VI. - Le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes (...) ". 3. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 4. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que M. B..., employé par la commune de Fécamp en qualité de forgeron de 1976 à 2010, a présenté un adénocarcinome broncho-pulmonaire infiltrant diagnostiqué en 2019. Le caractère professionnel de cette pathologie, mentionnée au tableau 30 bis du régime général de la sécurité sociale, a été reconnu par un arrêté du maire de la commune de Fécamp du 21 octobre 2020. Par suite, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la responsabilité de la commune est engagée à l'égard de M. B..., même en l'absence de faute, au titre des préjudices extrapatrimoniaux qu'il a subis du fait de cette maladie. La commune de Fécamp ne saurait utilement se prévaloir, pour échapper à sa responsabilité, de ce qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations visant à assurer la sécurité et la protection de la santé physique et mentale de ses agents. La circonstance que M. B... a également été exposé à l'amiante dans un cadre professionnel antérieur ou présente d'autres pathologies qu'un adénocarcinome broncho-pulmonaire est sans influence sur son droit à réparation des préjudices résultant de sa maladie professionnelle. Par suite, et contrairement à ce que soutient la commune de Fécamp, le FIVA, subrogé dans les droits de M. B... en application des dispositions précitées de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, est fondé à demander la condamnation de la commune de Fécamp à l'indemniser des préjudices extrapatrimoniaux subis par l'intéressé, dans la limite des sommes qui lui ont été effectivement versées. 5. Par ailleurs, si le FIVA soutient que les dommages dont il demande réparation sont également imputables à une faute de nature, selon lui, à engager la responsabilité de la commune de Fécamp, il se fonde à cet égard sur une cause juridique distincte de celle de la demande qu'il avait présentée contre cette collectivité devant le tribunal administratif et qui était uniquement fondée sur la responsabilité pour risque permettant d'obtenir de l'employeur public, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant les chefs de préjudice distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Par suite, ses conclusions fondées sur la responsabilité pour faute de la commune ont le caractère d'une demande nouvelle qui n'est pas recevable devant la cour. Sur l'évaluation des préjudices : 6. Le juge administratif, saisi de l'action indemnitaire du FIVA subrogé dans les droits de la victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées en application des dispositions précitées de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, n'est pas lié par l'évaluation des préjudices retenue par le FIVA. Il appartient au juge d'évaluer lui-même le montant des préjudices au regard des éléments versés au dossier, et de fixer en conséquence le montant des indemnités dues au FIVA dans la limite du montant accordé à la victime. 7. En premier lieu, si le FIVA fait état du préjudice spécifique d'anxiété subi par M. B..., qui a été exposé à l'amiante pendant plusieurs années, il n'apporte à l'instance aucun élément précis permettant d'apprécier les conditions dans lesquelles l'intéressé, connaissant les effets nocifs de l'amiante, a pu éprouver une anxiété particulière à cet égard, avant de présenter un adénocarcinome broncho-pulmonaire diagnostiqué en 2019 à l'âge de soixante-neuf ans. Par ailleurs, si l'intéressé a subi plusieurs cures de chimiothérapie et des séances de radiothérapie, il résulte de l'instruction que ces traitements ont également été rendus nécessaires par un carcinome urothélial de vessie avec envahissement ganglionnaire et métastases osseuses, non imputable à l'amiante. Dans ces conditions, eu égard à la gravité du cancer broncho-pulmonaire, à l'âge de M. B..., et à la circonstance que les soins qu'il a subis incluaient le traitement d'une autre pathologie cancéreuse, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation du préjudice moral imputable à sa maladie professionnelle en accordant la somme de 4 000 euros au FIVA. 8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les séances de chimiothérapie ont été à l'origine de souffrances physiques pour M. B..., quand bien même le phénomène douloureux a été correctement contrôlé par le traitement morphinique. Si ce traitement a également permis de traiter un carcinome urothélial de vessie sans lien avec la maladie professionnelle de l'intéressé, il sera fait une plus juste appréciation de l'ampleur des souffrances imputables au seul cancer broncho-pulmonaire en portant la somme allouée à ce titre par les premiers juges de 4 000 euros à 6 000 euros. 9. En troisième lieu, le FIVA demande l'indemnisation du préjudice esthétique de M. B... en se bornant à soutenir qu'il a subi des traitements chimiothérapiques et radiothérapeutiques. Par suite, la demande tendant à l'indemnisation de ce poste de préjudice ne peut qu'être rejetée, ainsi qu'en ont décidé les premiers juges. 10. En dernier lieu, le FIVA produit en appel un courrier de l'épouse de M. B..., indiquant que celui-ci ne peut plus se livrer à ses activités de randonnée et de baignade en raison des traitements, toujours en cours. Le FIVA justifie ainsi de l'existence d'un préjudice d'agrément subi par M. B.... Eu égard à la circonstance que les soins reçus par l'intéressé sont rendus nécessaires par deux pathologies cancéreuses, dont l'une seulement est imputable à son exposition à l'amiante, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément résultant de l'adénocarcinome broncho-pulmonaire en l'évaluant à la somme de 2 000 euros. Sur les intérêts et leur capitalisation : 11. Le FIVA demande en appel que la somme mise à la charge de la commune de Fécamp soit assortie des intérêts et de leur capitalisation. 12. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil courent à compter de la réception par la partie débitrice de la réclamation de la somme principale. Le FIVA a droit aux intérêts légaux à compter de la réception de sa demande par l'administration, soit le 22 mars 2021. 13. Pour l'application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière et, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Le FIVA a demandé la capitalisation des intérêts dans son mémoire d'appel le 29 juin 2023. Cette capitalisation prend donc effet à compter du 29 juin 2023, date à laquelle elle a été demandée et alors que les intérêts étaient dus pour une année entière, et à chaque échéance annuelle ultérieure. Sur l'appel en garantie : 14. La commune appelle l'Etat en garantie en raison de sa carence fautive à n'avoir pris aucune norme propre à protéger les travailleurs exposés à l'amiante avant l'édiction du décret n° 77-949 du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante. 15. D'une part, pour justifier d'une exposition de M. B... à l'amiante avant 1976, année au cours de laquelle il a été recruté par la commune de Fécamp, celle-ci se prévaut du compte-rendu de l'expertise médicale du 3 juin 2020 et de l'avis du médecin de prévention du 12 mai 2020, dont il ressort que l'intéressé a occupé un poste de chaudronnier " aux chantiers maritimes de Paimpol à Fécamp " et dans l'entreprise SNI, avant son recrutement comme fonctionnaire municipal. Toutefois, ces éléments sont très imprécis sur les conditions d'activité de M. B... entre 1967 et 1976. Si la commune de Fécamp invoque l'arrêté du 7 juillet 2000 fixant la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs exposés à l'amiante, cet arrêté ne permet pas d'identifier les anciens employeurs privés de M. B.... 16. D'autre part, M. B... a vu sa maladie professionnelle liée à son exposition à l'amiante reconnue par la commune de Fécamp où il a exercé, pour l'essentiel, son activité professionnelle entre 1976 et 2010. La commune, qui ne donne aucune indication sur les conditions d'emploi de M. B... en 1976 et 1977 ne démontre pas que l'intéressé aurait été exposé au risque d'inhaler des poussières d'amiante dès avant le 17 août 1977, de telle sorte que la responsabilité de l'Etat serait engagée pour ne pas avoir pris de mesures particulières avant cette date. 17. Il résulte de ce qui précède que la commune de Fécamp n'est pas fondée à appeler l'Etat en garantie. 18. Il résulte de tout ce qui précède que le FIVA est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a limité le montant de la condamnation mise à la charge de la commune de Fécamp à la somme de 8 000 euros, qu'il y a lieu de la porter à 12 000 euros et de l'assortir des intérêts et de leur capitalisation. Il résulte également de ce qui précède que la commune de Fécamp n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif l'a condamnée à verser la somme de 8 000 euros au FIVA et a rejeté l'appel en garantie formé contre l'Etat. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du FIVA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la commune de Fécamp demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Fécamp la somme demandée par le FIVA sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La somme de 8 000 euros que le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Fécamp à verser au FIVA est portée à 12 000 euros, cette somme étant assortie des intérêts à compter du 22 mars 2021 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 29 juin 2023 puis à chaque échéance annuelle ultérieure. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen n° 2102835 du 23 mai 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au FIVA, à la commune de Fécamp et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités. Délibéré après l'audience publique du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juin 2024. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, Par délégation, La greffière, C. Huls-Carlier 2 N° 23DA01256
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de PARIS, 6ème chambre, 11/06/2024, 23PA02293, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 26 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2020 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis à raison de la faute commise par cette société en le plaçant en congé de longue maladie et de longue durée sans reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Par une ordonnance n° 2020415 du 4 février 2021, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Montreuil, en application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la demande de M. B.... Par un jugement n° 2101881 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a condamné La Poste à verser à M. B..., d'une part, une indemnité, dans la limite de la somme qu'il demande, correspondant à la différence entre le plein traitement dû et le demi-traitement qu'il a effectivement perçu entre les mois de novembre 2018 et novembre 2019, d'autre part, une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2020 et de la capitalisation de ces intérêts, et a mis à la charge de cette société le versement de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 mai 2023 et le 22 septembre 2023, la société La Poste, représentée par Me Pouillaude, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil ; 3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - en se limitant à affirmer que, " dans les circonstances de l'espèce ", en ne plaçant pas M. B... en congé d'invalidité temporaire imputable au service, La Poste a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, sans davantage expliciter ce point, les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ; - M. B... n'ayant pas déposé de demande tendant à ce que sa maladie soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice de ses fonctions dans les quatre ans suivant sa première reconnaissance médicale, il n'entrait pas dans le champ d'application des 3° et 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 permettant au fonctionnaire en cas de placement en congé de longue durée pour une maladie imputable au service de percevoir un plein traitement pendant cinq ans à compter de son placement en congé de longue maladie ; - elle n'a ainsi commis aucune illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité en ne versant pas à M. B... un plein traitement entre les mois de novembre 2018 et 2019 ; - en tout état de cause, M. B... n'établit pas la réalité des préjudices dont il demande à être indemnisé ; - il ne précise pas les modalités de calcul de la somme réclamée au titre de sa perte de rémunération ; - il n'établit la réalité ni du préjudice moral subi, ni des troubles dans les conditions d'existence rencontrés. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2023, M. B..., représenté par Me Diani, conclut : 1°) au rejet de la requête de la société La Poste ; 2°) à ce que soit mise à la charge de cette société une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'accident dont il a été victime est imputable au service ; - aucun élément du dossier ne permet de démontrer que le stress post-traumatique dont il souffre serait dû à une cause autre que cet accident de service ; - il était par suite en droit de bénéficier d'un congé de longue durée pour une maladie imputable au service et ainsi du versement d'un plein traitement pendant cinq années à compter de son placement en congé de longue maladie ; - la société La Poste a donc commis une illégalité fautive en ne lui versant pas un plein traitement entre le mois de novembre 2018 et la reprise de ses fonctions en novembre 2019 ; - cette faute lui a causé un préjudice matériel, résultant d'une perte de rémunération, s'élevant à la somme de 16 000 euros ; - cette faute lui a causé un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence s'élevant à la somme totale de 10 000 euros. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme d'Argenlieu, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - les observations de Me Roux, pour la société La Poste. Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 mai 2024, présentée pour la société La Poste. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., agent de La Poste depuis le mois de mars 1983, a été, le 7 mai 2014, victime d'une agression dans le bureau de poste de la commune du Pré-Saint-Gervais, dont il était alors le responsable. Après avoir été placé en congé de maladie ordinaire, l'intéressé a été placé en congé de longue maladie à plein traitement du 11 novembre 2015 au 10 novembre 2016, puis en congé de longue durée à compter du 11 novembre 2016, à plein traitement jusqu'au 10 novembre 2018, puis à demi-traitement. M. B... a repris son service en novembre 2019 jusqu'en février 2020, date à laquelle il a été placé, à l'initiative de La Poste, en congé d'invalidité temporaire imputable au service (CITIS). Le 10 février 2020, l'intéressé a sollicité de son employeur la requalification, à titre rétroactif, de son congé de longue durée en CITIS. La Poste, par un courrier électronique du 19 février 2020, a refusé de faire droit à cette demande. Par une lettre du 27 juillet 2020, M. B... a adressé à La Poste une demande préalable tendant à ce qu'elle l'indemnise des préjudices matériel et moral résultant de l'illégalité fautive qu'elle a commise en ne le plaçant pas en congé de longue durée pour maladie imputable au service, le privant ainsi du versement d'un plein traitement entre les mois de novembre 2018 et novembre 2019. La Poste n'a pas répondu à cette demande. M. B... a donc saisi le tribunal administratif de Montreuil dans les mêmes termes que sa demande indemnitaire préalable. Par un jugement, dont La Poste relève appel, le tribunal a partiellement fait droit à la demande de l'intéressé en condamnant cette société à lui verser, d'une part, une indemnité, dans la limite de la somme qu'il demande, correspondant à la différence entre le plein traitement dû et le demi-traitement qu'il a effectivement perçu entre les mois de novembre 2018 et novembre 2019, d'autre part, une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2020 et de la capitalisation de ces intérêts. Sur la responsabilité de La Poste : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui comportent des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après, ainsi qu'à l'article 29-1. " Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie (...). / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée n'est attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. ". Aux termes de l'article 32 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission à des emplois publics et au régime de congés maladie des fonctionnaires, dans sa version applicable au litige : " Lorsque le congé de longue durée est demandé pour une maladie contractée dans l'exercice des fonctions, le dossier est soumis à la commission de réforme. Ce dossier doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. La demande tendant à ce que la maladie soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice des fonctions doit être présentée dans les quatre ans qui suivent la date de la première constatation médicale de la maladie (...). " 3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un congé de longue durée est accordé pour la même affection que celle ayant donné lieu à l'attribution d'un congé de longue maladie, la période de trois ans durant laquelle le fonctionnaire placé en congé de longue durée a droit au maintien de son plein traitement est réputée courir à compter de la date à laquelle il a été placé en congé de longue maladie avec le bénéfice de son plein traitement. Cette période de trois ans est portée à cinq ans, uniquement dans le cas où le congé de longue durée est accordé pour une maladie contractée dans le cadre de l'exercice des fonctions. Or, pour bénéficier d'un congé de longue durée pour une maladie contractée dans le cadre de l'exercice des fonctions, l'agent doit avoir adressé à son employeur, dans les quatre ans qui suivent la date de la première constatation médicale de cette maladie, une demande de reconnaissance de son imputabilité au service. 4. Pour engager la responsabilité de La Poste, le tribunal administratif a relevé qu'à la suite de l'agression dont il a été victime le 7 mai 2014, constatée par un certificat médical établi le 9 mai 2014 sur réquisition d'un officier de police judiciaire, M. B... avait présenté une feuille d'accident de service complétée par son employeur ainsi que des certificats médicaux d'accident de travail pour " stress post-traumatique " dont les séquelles ont été considérées comme consolidées à compter du 22 septembre 2015 par les médecins de prévention consultés par la société La Poste. Il a également relevé que l'intéressé avait été placé par son employeur en congé de longue maladie à compter du 11 novembre 2015 et en congé de longue durée à partir de novembre 2016, " sans qu'il ne ressorte d'aucun document administratif ou médical que l'imputabilité au service de sa pathologie, précédemment déclarée, ait été de nouveau examinée ou qu'une évolution de l'état de santé de l'intéressé ait été de nature à la remettre en cause ". Les premiers juges ont ensuite relevé que M. B... avait obtenu l'octroi d'un congé d'invalidité temporaire imputable au service (CITIS) à compter du 1er février 2020 et que, saisie d'une demande de placement en retraite pour invalidité imputable au service, la commission de réforme s'était fondée sur une expertise médicale du 18 mars 2020 constatant une aggravation des séquelles de l'accident du 7 mai 2014 et évaluant le taux d'invalidité à 30 % imputable au service pour syndrome dépressif post-traumatique. Ils ont, enfin, considéré que, " dans ces conditions particulières ", en ne versant qu'un demi-traitement à M. B... entre novembre 2018 et novembre 2019, La Poste, qui, eu égard à ces circonstances de fait, ne pouvait sérieusement opposer l'absence de demande de l'intéressé tendant à reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome dépressif à la suite de l'agression qu'il avait subie pendant son service, avait commis une faute à son égard. 5. Cependant, si M. B... a bien déclaré en 2014, auprès de La Poste, l'accident de service dont il a été victime au mois de mai 2014, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que l'intéressé aurait adressé à son employeur une demande tendant à ce que sa pathologie soit reconnue imputable au service, notamment lors de son placement en congé de maladie ordinaire au cours de l'année 2014 ou de son placement en congé de longue maladie en 2015 ou en congé de longue durée en 2016 ou encore au cours de ces différents congés. Par suite, en l'absence de demande, il ne saurait être reproché à La Poste de n'avoir pas pris de décision reconnaissant une telle imputabilité. Par ailleurs, la seule circonstance que l'intéressé ait été placé, après une période de reprise d'activité à la fin de l'année 2019, en CITIS, à l'initiative de La Poste, à compter du 10 février 2020, puis admis à faire valoir ses droits à la retraite, en bénéficiant d'une rente viagère d'invalidité imputable au service, à raison d'une rechute de son syndrome dépressif, ne saurait être de nature à régulariser a posteriori l'absence de toute démarche de la part de M. B..., entre 2014 et 2019, tendant à ce que sa maladie soit reconnue imputable au service. 6. Il en résulte, d'une part, qu'en l'absence de toute démarche en ce sens et a fortiori de toute décision reconnaissant son syndrome dépressif comme ayant été contracté dans l'exercice de ses fonctions, M. B... n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions précitées du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et ne pouvait donc prétendre au bénéfice du droit à conserver l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. D'autre part, il ne pouvait, pour le même motif, qu'être placé en congé de longue durée non imputable au service, ce dont l'intéressé avait du reste été informé par sa hiérarchie au mois de février 2017, sans qu'il ne s'y oppose. Enfin, l'intéressé ayant été placé en congé de longue maladie à compter du 11 novembre 2015, puis en congé de longue durée pour la même pathologie, il résulte de ce qui a été exposé au point 3 qu'il ne pouvait bénéficier d'un plein traitement que pendant une durée de trois ans à compter de son placement en congé de longue maladie, soit jusqu'au 11 novembre 2018. Il suit de là que La Poste, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, n'a commis aucune illégalité fautive en cessant de verser à M. B... un plein traitement à compter de cette date, pour ne lui verser qu'un demi-traitement jusqu'à la reprise de ses fonctions, au mois de novembre 2019. Dès lors, La Poste n'ayant commis aucune illégalité fautive, sa responsabilité ne peut être engagée. 7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen de régularité soulevé à l'encontre du jugement attaqué, ni la recevabilité de la demande de première instance, La Poste est fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à verser à M. B... une indemnité en réparation des préjudices qu'il aurait subis du fait de son placement en congé de longue durée à demi-traitement entre les mois de novembre 2018 et novembre 2019. Sur les frais liés à l'instance : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme que La Poste demande sur le même fondement. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2101881 du 28 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d'appel sont rejetées. Article 3 : Les conclusions présentées par La Poste sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la société anonyme La Poste. Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient : - M. d'Haëm, président, - M. Pagès, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juin 2024. La rapporteure, L. d'ARGENLIEULe président, R. d'HAËMLa greffière, Z. SAADAOUI La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02293
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANCY, 1ère chambre, 06/06/2024, 21NC02358, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 mars 2017 par laquelle le directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg l'a mise à la retraite pour invalidité totale et définitive non imputable au service à compter du 1er avril 2017 ; d'enjoindre aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg de la réintégrer dans ses fonctions à compter du 1er avril 2017 et de régulariser sa situation en considération du fait que son état de santé est imputable au service dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement avant dire droit n° 1702700 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné une expertise aux fins de dire si les troubles auditifs de Mme C... sont en lien, dans leur globalité, tant à l'oreille gauche qu'à l'oreille droite, avec l'accident de service, de dire si ces troubles sont de nature à justifier, à eux seuls, la mise à la retraite de Mme C... pour invalidité imputable au service et d'indiquer si ses troubles psychiatriques trouvent, ou non, leur origine dans l'accident de service qu'elle a subi ou s'ils résultent, ou non, de l'aggravation ou du déclenchement, par l'accident de service, de troubles préexistants ou latents. Par un jugement n° 1702700 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 23 mars 2017 en tant que la mise à la retraite n'est pas imputable au service et a enjoint aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg de rétablir Mme C... dans ses droits dans un délai de trois mois. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 20 août 2021, et un mémoire enregistré le 27 octobre 2023, les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, représentés par Me Clamer, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juin 2021 ; 2°) de rejeter la requête de Mme C... ; 3°) de mettre à la charge de Mme C... les frais d'expertise ; 4°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que les Hôpitaux universitaires de Strasbourg auraient dû, avant de prononcer la décision de mise à la retraite de Mme C..., examiner si celle-ci était imputable au service en application des articles 30 et 36 du décret du 26 décembre 2003, alors que la commission de réforme s'était déjà prononcée dans un avis du 7 octobre 2016 aux visas des articles 30 à 39 du décret précité sur l'absence d'imputabilité au service des troubles invoqués et sur l'inaptitude totale et définitive de la requérante à toutes fonctions et que l'établissement public avait refusé de reconnaître l'imputabilité au service des troubles psychiatriques dont se prévalait la requérante par décisions du 12 décembre 2011 et 22 janvier 2012 devenues définitives ; - le tribunal a commis une dénaturation des faits, car la cour administrative d'appel de Nancy dans un arrêt du 2 février 2021 n° 19NC00056 a déjà jugé sur la base des conclusions du rapport d'expertise que les troubles psychiques dont souffrait Mme C... étaient dépourvus de tout lien direct avec l'accident de service du 26 janvier 2010 et qu'il ressort de ce rapport d'expertise une absence de lien de causalité entre l'accident de service et les troubles psychiatriques de Mme C... qui trouvaient leur origine dans une pathologie consécutive à sa personnalité histrionique qui lui était antérieure ; - les autres moyens présentés en première instance par Mme C... ne sont pas fondés. Par un mémoire enregistré le 30 mai 2022, Mme C..., représentée par Me Andreini, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg une somme de 1 800 euros à verser à son conseil au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle fait valoir que les moyens de la requête des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ne sont pas fondés. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2021, modifiée le 10 juillet 2023. Par une ordonnance du 20 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 novembre 2023. Un mémoire présenté pour Mme C... a été enregistré le 6 mai 2024. Il n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Peton, première conseillère, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Le Tily pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg et de Me Andreini pour Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... C... exerçait les fonctions d'aide-soignante au sein des Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Le 26 janvier 2010, alors en service de cardiologie, elle a été agressée sur son lieu de travail verbalement et physiquement par un collègue infirmier, qui lui a asséné un coup de pied sur la cuisse droite et une gifle sur le côté gauche du visage. Il en est résulté, pour l'intéressée, une surdité totale de l'oreille gauche et un traumatisme d'ordre psychique. A la suite de l'avis favorable de la commission de réforme du 10 septembre 2010, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont reconnu, le 24 novembre 2010, l'imputabilité au service de cet accident et ont pris en charge les arrêts de travail successifs et les soins dont Mme C... a bénéficié du 27 janvier 2010 jusqu'au 16 avril 2011. Toutefois, par une nouvelle décision du 12 décembre 2011, prise à la suite de l'examen du médecin expert du 31 août 2011 et de l'avis défavorable de la commission de réforme du 28 octobre 2011, cette prise en charge a été refusée pour les arrêts de travail et les soins postérieurs à la date du 17 avril 2011, à l'exception de ceux liés à la perte d'audition au niveau de l'oreille gauche. Mme C... ayant épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, après avis du comité médical départemental du 12 juillet 2013, ont, le 27 août 2013, placé l'agent en disponibilité d'office pour raison de santé pour la période allant du 20 mars au 19 septembre 2013. Puis, par trois autres décisions des 25 juillet 2014, 17 avril 2015 et 1er juillet 2015, ils ont maintenu l'intéressée en disponibilité d'office au titre des périodes du 20 septembre 2013 au 19 septembre 2014, du 20 septembre 2014 au 19 mars 2015 et du 20 mars au 19 septembre 2015. Par un jugement du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé l'annulation de ces décisions pour vice de procédure. En exécution de ce jugement, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont réexaminé la situation de Mme C... et, par une nouvelle décision du 31 juillet 2017, prise après avis du comité médical départemental du 19 mai 2017, ont placé rétroactivement l'intéressée en position de disponibilité d'office pour raison de santé pour la période allant du 20 mars 2013 au 19 septembre 2015. Lors de sa séance du 7 octobre 2016, la commission de réforme a émis un avis favorable à la mise à la retraite d'office pour invalidité de Mme C... en raison de son inaptitude totale et définitive à toutes fonctions. La caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales a également émis un avis favorable le 20 mars 2017. Par décision du 23 mars 2017, Mme C... a été admise à la retraite pour invalidité totale et définitive à compter du 1er avril 2017. Les Hôpitaux universitaires de Strasbourg relèvent appel du jugement du 22 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir ordonné une expertise, a annulé la décision du 23 mars 2017 au motif que les troubles invoqués par Mme C... trouvaient leur cause directe dans l'accident de service survenu le 26 janvier 2010 et a enjoint aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg de la rétablir dans ses droits dans un délai de trois mois. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal : 2. Aux termes de l'article 30 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / (...). ". Aux termes de l'article 31 de ce décret, dans sa version applicable au litige : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. / (...) /Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / (...) ". L'article 36 du même décret dispose : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par dérogation à l'article 19, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. ". Et enfin aux termes de l'article 37 du même décret : " I.- Les fonctionnaires qui ont été mis à la retraite dans les conditions prévues à l'article 36 ci-dessus bénéficient d'une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies au troisième alinéa du I de l'article 34, avec la pension rémunérant les services prévus à l'article précédent./Le bénéfice de cette rente viagère d'invalidité est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité interviennent avant que le fonctionnaire ait atteint la limite d'âge sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée et sont imputables à des blessures ou des maladies survenues dans l'exercice des fonctions ou à l'occasion de l'exercice des fonctions, ou résultant de l'une des autres circonstances énumérées à l'article 36 ci-dessus (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis de la commission de réforme, rendu en application de l'article 31 du décret du 26 décembre 2003, émis le 7 octobre 2016 que l'infirmité présentée par Mme C... est une névrose à composante dépressive. Cet avis précise que cette infirmité n'est pas imputable à des blessures ou maladies survenues dans l'exercice des fonctions ou à l'occasion de l'exercice de ces fonctions. Ensuite, il ressort du rapport d'expertise médicale du 15 septembre 2020 que les troubles psychiatriques de l'intéressée n'ont pas pour origine directe l'accident de service du 26 janvier 2010, mais sont la conséquence de la décompensation d'un trouble de la personnalité préexistant, lequel a été amplifié par la personnalité de Mme C... dans le cadre d'une sinistrose avec la volonté d'être reconnue et indemnisée de façon conséquente pour le préjudice subi. L'expert mentionne par ailleurs que ces troubles aggravés sont résorbés depuis 2017 mais que la fragilité de l'état psychologique de Mme C... l'empêche de reprendre une activité professionnelle. En conséquence, la pathologie dont souffre Mme C... n'est pas imputable au service. 5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les troubles psychiques dont souffre Mme C... doivent être regardés comme ayant pour cause directe des faits précis survenus dans le cadre du service. 6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Strasbourg. Sur les autres moyens soulevés en première instance : 7. En premier lieu, par une décision du 25 octobre 2016 publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Bas-Rhin n° 21 du 2 novembre 2016, le directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg a donné délégation à Mme B..., directrice adjointe du pôle des ressources humaines et responsable du management des carrières pour signer tous les courriers, décisions et documents nécessaires à la gestion et au fonctionnement général du pôle des ressources humaines, notamment celles relatives à la gestion individuelle des carrières. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 : " Les fonctionnaires mentionnés à l'article 1er peuvent prétendre à pension au titre du présent décret dans les conditions définies aux articles 25 et 26 après avoir été radiés des cadres soit d'office, soit sur leur demande. / (...) / L'admission à la retraite est prononcée, après avis de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, par l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination. ". 9. Il ressort des pièces du dossier que la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales a rendu un avis sur la situation de Mme C... le 20 mars 2017 lequel a été transmis le lendemain aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg. En conséquence la caisse a été consultée préalablement au prononcé de la décision de mise à la retraite d'office datée du 23 mars 2017. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision prononçant la mise à la retraite pour invalidité a été prise au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté. 10. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été énoncé au point 4 que l'invalidité dont est atteinte Mme C... n'est pas imputable au service. En conséquence, les moyens tirés de ce que la décision aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que les articles 30 et 36 du décret n° 2003-1306 étaient applicables, et que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 36 du décret du 26 décembre 2003 dans la mesure où son état de santé est imputable au service doivent être écartés. 11. Il résulte de tout ce qui précède que les Hôpitaux universitaires de Strasbourg sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 23 mars 2017 par laquelle le directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg a mis Mme C... à la retraite pour invalidité totale et définitive au service à compter du 1er avril 2017. Sur les dépens : 12. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. ". 13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser les frais d'expertise à la charge définitive des Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Sur les frais d'instance : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme C..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg au titre de ces dispositions. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1702700 du 22 juin 2021 est annulé. Article 2 : Les demandes présentées par Mme C... devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions présentées devant la cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions des Hôpitaux universitaires de Strasbourg est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg, à Mme A... C..., et à Me Andreini. Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - Mme Guidi, présidente-assesseure, - Mme Peton, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2024. La rapporteure, Signé : N. PetonLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre du travail de la santé et des solidarités en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet N° 21NC02358 2
Cours administrative d'appel
Nancy
Conseil d'État, 9ème chambre, 11/06/2024, 465065, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à lui verser une provision de 18 598,86 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2021 au titre de l'allocation temporaire d'invalidité qu'elle estime due à compter du 3 décembre 2012, ainsi qu'une provision de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral né du retard dans le traitement de son dossier. Par une ordonnance n° 2200732 du 28 mars 2022, le juge des référés de ce tribunal a rejeté ses demandes. Par une ordonnance n° 22TL20893 du 16 juin 2022 enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Toulouse a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril et 15 juin 2022 au greffe de cette cour, présentés par Mme B.... Par ce pourvoi, ce mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistré le 1er septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 28 mars 2022 ; 2°) statuant en référé, de faire droit à ses demandes tendant à condamner l'Etat à lui verser, d'une part, une provision de 18 598,86 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2021 au titre de l'allocation temporaire d'invalidité qu'elle estime due sur la période du 3 décembre 2012 au 3 décembre 2021 et, d'autre part, une provision de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral né du retard dans le traitement de son dossier administratif ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - la circulaire du 20 octobre 2000 relative au mode de décompte des alinéas lors de l'élaboration des textes ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Olivier Pau, auditeur, - les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de Mme B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier que Mme B..., conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation au service pénitentiaire d'insertion et de probation de Seine-Saint-Denis puis de l'Hérault, a été victime le 6 octobre 2009 d'un accident de trajet. Par une décision du 19 avril 2013, la directrice du service pénitentiaire d'insertion et de probation de Seine-Saint-Denis a reconnu que cet accident était imputable au service et a fixé la date de consolidation de la blessure de Mme B... au 3 décembre 2012. Par une décision du 2 octobre 2020, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a confirmé la date de consolidation de la blessure de Mme B... au 3 décembre 2012 et a fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 15 %. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 28 mars 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant au versement, d'une part, d'une provision de 18 598,86 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2021 au titre de l'allocation temporaire d'invalidité qu'elle estime due à compter du 3 décembre 2012 et, d'autre part, d'une provision en réparation de son préjudice moral né du retard dans le traitement de son dossier. Sur le cadre juridique du litige : 2. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à établir l'existence d'une créance avec un degré suffisant de certitude. Le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant. La qualification juridique opérée par le juge des référés lorsqu'il se prononce sur le caractère non sérieusement contestable de l'obligation invoquée devant lui peut être contestée devant le juge de cassation, tandis que l'évaluation du montant de la provision correspondant à cette obligation relève, en l'absence de dénaturation, de son appréciation souveraine. 3. D'autre part, en premier lieu, aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat alors applicable : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle ". 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " L'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : / a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux rémunérable au moins égal à 10 % ; / b) Soit de l'une des maladies d'origine professionnelle énumérées dans les tableaux mentionnés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ; / c) Soit d'une maladie reconnue d'origine professionnelle dans les conditions prévues par les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; / (...) / La demande d'allocation doit, à peine de déchéance, être présentée dans le délai d'un an à partir du jour où le fonctionnaire a repris ses fonctions après la consolidation de la blessure ou de son état de santé. / Toutefois, lorsque le fonctionnaire n'a pas interrompu son activité ou qu'il a repris son service avant consolidation ou lorsqu'il atteint la limite d'âge ou est radié des cadres avant de pouvoir reprendre ses fonctions, le droit à l'allocation peut lui être reconnu si la demande d'allocation est présentée dans l'année qui suit la date de constatation officielle de la consolidation de la blessure ou de son état de santé. / Cette date est fixée par le comité médical, prévu aux articles 4 à 6 du décret n° 59-310 du 14 février 1959, lorsque l'accident ou la maladie donne lieu à l'attribution d'un congé au titre du dernier alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 précitée ou, à défaut, par un médecin assermenté ". Aux termes de l'article 4 du même décret, dans sa rédaction applicable au litige : " L'entrée en jouissance de l'allocation temporaire d'invalidité est fixée à la date de reprise des fonctions après consolidation ou, dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article 1er, à la date de la constatation officielle de la consolidation de la blessure ou de l'état de santé de l'intéressé. / Cette allocation est concédée et payée dans les conditions prévues pour les pensions civiles et militaires de retraite. Elle est soumise en matière de contentieux aux règles applicables auxdites pensions. Elle fait l'objet, éventuellement, des suspensions et d'échéances prévues aux articles L. 58 et L. 59 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Sous réserve des modalités de révision prévues ci-après, les dispositions de l'article L. 55 dudit code lui sont applicables ". Eu égard tant à la teneur des différents alinéas de l'article 1er de ce décret du 6 octobre 1960 qu'à la date du décret modificatif du 29 août 2000 dont sont issues les dispositions du premier alinéa de son article 4, antérieure à la circulaire du 20 octobre 2000 par laquelle le Premier ministre a rendu publique sa décision d'adopter la méthode de comptage des alinéas pratiquée par le Parlement, le renvoi qu'opèrent ces dernières dispositions au quatrième alinéa de l'article 1er du même décret ne peut être compris que comme se référant à l'avant-dernier alinéa, et non au c de cet article. Il en résulte notamment que lorsque le fonctionnaire a repris son service avant consolidation, la date d'entrée en jouissance de l'allocation est fixée à la date de consolidation de sa blessure ou de son état de santé. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 6 octobre 1960, dans sa rédaction applicable au litige : " La réalité des infirmités invoquées par le fonctionnaire, leur imputabilité au service, la reconnaissance du caractère professionnel des maladies, les conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission de réforme prévue à l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas au ministre dont relève l'agent et au ministre chargé du budget ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du même décret, dans sa rédaction applicable au litige : " L'allocation temporaire d'invalidité est accordée pour une période de cinq ans. A l'expiration de cette période, les droits du fonctionnaire font l'objet d'un nouvel examen dans les conditions fixées à l'article 3 ci-dessus et l'allocation est attribuée sans limitation de durée, sous réserve des dispositions des alinéas suivants et de celles de l'article 6, sur la base du nouveau taux d'invalidité constaté ou, le cas échéant supprimée ". Il résulte de ces dispositions que l'allocation temporaire d'invalidité est accordée pour une période de cinq ans, à l'expiration de laquelle les droits du fonctionnaire font l'objet, selon l'article 3 du décret dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 14 mars 2022, d'un nouvel examen par le ministre dont relève l'agent et le ministre chargé du budget, au vu de l'avis de la commission de réforme prévue à l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou, dans sa rédaction en vigueur depuis le 14 mars 2022, du conseil médical mentionné à l'article 21 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dont les dispositions sont reprises à l'article L. 821-1 du code général de la fonction publique, en vue d'attribuer cette allocation sans limitation de durée ou de la supprimer. Sur les conclusions à fin de non-lieu du garde des sceaux, ministre de la justice : 6. Par les pièces qu'il produit dans l'instance de cassation devant le Conseil d'Etat, le garde des sceaux, ministre de la justice, établit que par un arrêté du 5 septembre 2022 du ministre compétent, le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité a été attribué à Mme B... pour la période du 3 décembre 2012 au 2 décembre 2017, et que la mise en paiement de cette allocation a été autorisée par le certificat d'inscription au grand livre de la dette publique qui lui a été délivré le même jour. Mme B... ne conteste pas avoir effectivement perçu la prestation ainsi allouée, pour un montant conforme à ses droits à cette allocation pour la même période. Par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi qui sont dirigées contre l'ordonnance attaquée en tant qu'elle s'est prononcée sur le versement d'une provision correspondant au montant de l'allocation temporaire d'invalidité pour la période du 3 décembre 2012 au 2 décembre 2017. Sur les conclusions du pourvoi sur lesquelles il reste à statuer : 7. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a relevé que si Mme B... avait été victime d'un accident de service, elle ne souffrait pas d'une maladie reconnue d'origine professionnelle, pour juger qu'elle ne relevait pas du quatrième alinéa de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 cité au point 4. En statuant ainsi, alors que cette circonstance était sans incidence pour apprécier la situation de Mme B... au regard des dispositions de l'avant-dernier alinéa de cet article 1er, que désignait en réalité, ainsi qu'il a été dit au point 4, la référence au quatrième alinéa contenue au premier alinéa de l'article 4 du même décret, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a commis une erreur de droit. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque en tant qu'elle s'est prononcée sur ses conclusions tendant au versement d'une provision au titre de l'allocation temporaire d'invalidité pour la période postérieure au 2 décembre 2017, des intérêts de retard ainsi qu'en réparation de son préjudice moral et au titre des frais de l'instance. 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire, dans la mesure de l'annulation ainsi prononcée, au titre de la procédure de référé-provision engagée par Mme B..., en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. Sur les demandes en référé-provision : En ce qui concerne l'existence d'une obligation à la charge de l'Etat au titre de l'allocation temporaire d'invalidité pour la période postérieure au 2 décembre 2017 : 10. Il résulte de l'instruction que Mme B..., victime le 6 octobre 2009 d'un accident de trajet reconnu imputable au service, dont la date de consolidation de l'état de santé a été fixée au 3 décembre 2012 et qui avait repris ses fonctions avant cette date, avait droit au versement de l'allocation temporaire d'invalidité pour la période du 3 décembre 2012 au 2 décembre 2017, en application des dispositions citées aux points 3 à 5. En revanche, si la commission de réforme s'est prononcée, le 22 décembre 2020, sur la date de consolidation de son état de santé et pour la première fois sur le taux d'incapacité permanente résultant, à la date de consolidation, de l'accident qu'elle a subi, il ne résulte pas de l'instruction que ses droits à l'allocation temporaire d'invalidité, en vue de lui en accorder le bénéfice sans limitation de durée ou de le supprimer, aient fait l'objet d'un nouvel examen à l'issue de la période du 3 décembre 2012 au 2 décembre 2017, ainsi que le prévoient les dispositions des articles 3 et 5 du décret du 6 octobre 2009 mentionnées au point 5. Par suite, l'obligation de l'Etat de lui verser des sommes au titre de l'allocation temporaire d'invalidité pour la période postérieure au 2 décembre 2017 ne peut être regardée, en l'état de l'instruction, comme n'étant pas sérieusement contestable. En ce qui concerne l'existence d'une obligation à la charge de l'Etat au titre des intérêts de retard : 11. Si Mme B... demande une provision au titre des intérêts de retard dont elle a demandé la liquidation à compter de la date du 29 juin 2021 à laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a reçu sa demande de versement de l'allocation temporaire d'invalidité, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard aux échanges qui ont été ensuite nécessaires entre Mme B... et tant les services du ministre de la justice que ceux du ministre chargé du budget pour compléter son dossier et permettre la délivrance, au cours de la présente instance, du certificat d'inscription de sa créance au grand livre de la dette publique, le 5 septembre 2022, que l'obligation de lui verser de tels intérêts ne soit pas sérieusement contestable. En ce qui concerne l'existence d'une obligation à la charge de l'Etat au titre de la réparation du préjudice moral : 12. En se bornant à soutenir que l'opposition de l'administration à lui octroyer le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité et le retard pris par dans le traitement de sa demande lui ont causé un préjudice moral, la requérante n'en établit ni l'existence, ni son imputabilité à une faute de l'Etat. Dès lors, l'obligation de l'Etat de lui verser une indemnité en réparation d'un tel préjudice ne peut, en l'état de l'instruction, être regardée comme n'étant pas sérieusement contestable. 13. Il résulte de ce qui précède aux points 10 à 12 qu'il y a lieu de rejeter les demandes en référé-provision de Mme B..., dans la mesure de l'annulation prononcée conformément au point 8. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.D E C I D E : -------------- Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi dirigées contre l'ordonnance attaquée en tant qu'elle s'est prononcée sur le versement d'une provision correspondant au montant de l'allocation temporaire d'invalidité pour la période du 3 décembre 2012 au 2 décembre 2017. Article 2 : L'ordonnance du 28 mars 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée en tant qu'elle s'est prononcée sur ses conclusions tendant au versement d'une provision au titre de l'allocation temporaire d'invalidité pour la période postérieure au 3 décembre 2017, des intérêts de retard ainsi qu'en réparation de son préjudice moral et au titre des frais de l'instance. Article 3 : Les demandes présentées par Mme B... en référé-provision au tribunal administratif de Montpellier mentionnées à l'article 2 et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré à l'issue de la séance du 2 mai 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur. Rendu le 11 juin 2024. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi Le rapporteur : Signé : M. Olivier Pau Le secrétaire : Signé : M. Brian Bouquet La République mande et ordonne au garde garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2024:465065.20240611
Conseil d'Etat
CAA de NANCY, 2ème chambre, 06/06/2024, 22NC02362, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif D... d'annuler la décision du 2 juillet 2020 par laquelle la rectrice de l'académie D... a refusé de reconnaître le caractère imputable au service de l'accident du 20 janvier 2020 et de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 8 008, 99 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Par un jugement n° 2005664 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif D... a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 15 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Bizzarri, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 2 juillet 2020 ; 3°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie D... de la placer en congé pour accident de service pour la période comprise entre le 21 et le 31 janvier 2020 dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ; 4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 8 008, 99 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme A... soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'est pas démontré que la minute de ce jugement a été signée en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; - la décision en litige est insuffisamment motivée ; - elle a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière dans la mesure où la composition de la commission de réforme n'était pas régulière ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que l'expertise médicale permet de démontrer que l'accident est imputable au service. Par un mémoire en défense enregistré le 6 mars 2024, le recteur de l'académie D... conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... la somme de 171 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les conclusions indemnitaires sont irrecevables en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; - les moyens invoqués en premières instance ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Mosser, - les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Professeure certifiée d'économie-gestion, Mme A... a été affectée à compter du 1er septembre 2019 au lycée Louis Pasteur D.... Le 25 janvier 2020, elle a rempli une déclaration d'accident de service afin que soit reconnu le caractère imputable au service de l'accident qui serait survenu le 20 janvier 2020. Mme A... relève appel du jugement du 13 juillet 2022 du tribunal administratif D... qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la rectrice de l'académie D... a refusé de reconnaître le caractère imputable au service de l'accident du 20 janvier 2020 et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 8 008, 99 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Sur la régularité du jugement : 2. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifié à Mme A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Sur la légalité de la décision attaquée : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ". 4. Il résulte de ces dispositions législatives précitées que le refus de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident est au nombre des décisions qui doivent être motivées. Il ressort des pièces du dossier que la décision de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service vise l'article 34-2°, alinéa 2, de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat applicable aux faits de l'espèce et indique que l'administration estime qu'il n'y a pas de cause à effet entre les lésions et l'évènement [du 20 janvier 2020]. L'autorité administrative s'étant appropriée les motifs de l'avis de la commission de réforme, elle n'était pas tenue, contrairement à ce que soutient Mme A..., de joindre cet avis à sa décision. Il s'ensuit que cette décision est suffisamment motivée en fait et en droit pour permettre à Mme A... d'en comprendre les motifs et le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " La commission de réforme est consultée notamment sur : (...) 5. La réalité des infirmités résultant d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, la preuve de leur imputabilité au service et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, en vue de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité instituée à l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ". Aux termes de l'article 12 de ce décret : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : (...) 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 5 de ce décret qui précise la composition du comité médical ministériel, auquel renvoie sur ce point le deuxième alinéa de l'article 6 relatif au comité médical départemental : " Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ". Aux termes de l'article 19 de ce décret : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. / Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote ". 6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que doit être présent, au sein de la commission de réforme appelée à statuer sur l'imputabilité au service de la maladie contractée par un agent, en plus des deux praticiens de médecine générale, un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par l'agent. 8. Il ressort des pièces du dossier que pour se prononcer sur la demande de Mme A..., la commission de réforme a notamment disposé de l'expertise médicale établi par le Dr B..., psychiatre, le 18 mars 2020. Ce médecin spécialiste qui a examiné l'intéressée le jour précédent, a estimé qu'eu égard à son état antérieur, il n'y avait pas de lien entre " l'accident " du 20 janvier 2020 occasionné, selon le médecin traitant de la requérante, par une " réaction aigue à un facteur de stress au travail " et l'affection psychologique dont la requérante se plaint. Dans les circonstances de l'espèce, alors que l'intéressée n'a fourni aucun élément médical de nature à remettre en cause cette expertise dont disposait la commission de réforme et ne s'est pas présentée devant cette commission, l'absence de médecin spécialiste en psychiatrie lors de la réunion du 19 juin 2020 au cours de laquelle la commission de réforme a examiné la situation de Mme A... n'a pas effectivement privé l'intéressée de la garantie que constitue pour l'agent le fait que la commission de réforme soit éclairée par un médecin spécialiste de sa pathologie. 9. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". Aux termes du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ". 10. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions citées au point précédent, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. 11. Il ressort des pièces du dossier que d'une part, Mme A... a des difficultés professionnelles depuis son affectation au lycée Jean-Monnet pour l'année scolaire 2018-2019 et que la situation au sein de l'équipe enseignante du lycée Louis Pasteur au sein duquel elle était affectée depuis septembre 2019 était particulièrement tendue depuis décembre 2019 et d'autre part qu'elle bénéficie d'un suivi psychiatrique depuis 2015 pour des raisons personnelles. Les événements ayant justifié sa déclaration d'accident de travail et relatés dans la fiche de danger grave et imminent déposée le 20 janvier 2020, font état d'échanges de courriels à la suite notamment d'une réunion le 16 janvier 2020 avec la direction et le personnel du lycée au cours de laquelle des attaques personnelles auraient été proférés à l'encontre de certains agents. Toutefois, si Mme A... déclare avoir été affectée par ces échanges qu'elle estime violents et par la divulgation d'un courriel privé, il ressort des échanges de mails produits qu'elle n'était pas visée par ces courriels. Dans ces conditions, il n'apparait pas que ces faits constituent un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. Par suite, la rectrice n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant de reconnaître l'imputabilité de l'état de santé de Mme A... à cet événement. 12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal D... a rejeté sa demande. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par le recteur, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et indemnitaires doivent être rejetées. Sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme A... une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme réclamée par le recteur au titre des frais non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le recteur sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Délibéré après l'audience du 13 mai 2024, à laquelle siégeaient : M. Agnel, président, Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère, Mme Mosser, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024. La rapporteure, Signé : C. MosserLe président, Signé : M. Agnel La greffière, Signé : C. Schramm La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, C. Schramm 2 N° 22NC02362
Cours administrative d'appel
Nancy
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 07/06/2024, 475712, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure D'une part, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges, en premier lieu, d'annuler son titre de pension de retraite au titre de l'invalidité n° B 20 046534 W du 13 juillet 2020, la décision portant rejet implicite de son recours gracieux formé contre ce titre de pension et la décision du 16 avril 2021 du service des retraites de l'Etat refusant de réviser les bases de liquidation de sa pension, à tout le moins en ce que sa pension n'a pas été liquidée sur la base de l'indice majoré de 534 et que six trimestres au moins ont été omis de la durée de services et bonifications prise en considération pour cette liquidation et, en second lieu, d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de réviser son titre de pension avec effet rétroactif au 2 février 2020, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement du tribunal, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. D'autre part, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'annuler la décision implicite née le 19 septembre 2021 de refus de sa demande de révision de son titre de pension n° B 20 046534 W du 13 juillet 2020, d'annuler son titre de pension n° B 21 058063 A du 4 octobre 2021 en tant, d'une part, que sa pension a été calculée sur la base d'un indice majoré 521 et non d'un indice majoré 534, d'autre part, que six trimestres au moins ont été omis de la durée des services et bonifications à prendre en compte et, enfin, d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de réviser son tire de pension avec effet rétroactif au 2 février 2020, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement du tribunal, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par un jugement nos 2100982, 2101791 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Limoges a annulé les titres de pension des 13 juillet 2020 et 4 octobre 2021 concédant à Mme A... une pension civile de retraite au titre de l'invalidité à compter du 2 février 2020 et les décisions implicites de rejet nées les 21 novembre 2020 et 19 septembre 2021 en tant seulement que sa pension a été calculée sur la base d'un indice majoré 521 et non d'un indice majoré 534, et enjoint au ministre de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique de procéder à la liquidation de la pension de Mme A... sur la base de l'indice 534 à compter du 2 février 2020. Procédure devant le Conseil d'Etat Par un pourvoi, enregistré le 6 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 82-1105 du 23 décembre 1982 ; - le décret n° 2008-836 du 26 août 2008 ; - le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ; - le décret n° 2010-302 du 19 mars 2010 ; - le décret n° 2016-581 du 11 mai 2016 ; - le décret n° 2016-589 du 11 mai 2016 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maîtresse des requêtes, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a été reclassée dans le corps commun des secrétaires administratifs de la fonction publique d'Etat, au grade de secrétaire administrative de classe supérieure, à compter du 1er janvier 2012. Par un arrêté du 14 mai 2013, elle a été promue au 13ème échelon de ce grade à compter du 3 février 2013. Placée en disponibilité pour raisons de santé du 2 février 2017 au 1er février 2020, Mme A... a été admise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 2 février 2020. Par un arrêté du 13 juillet 2020, elle s'est vu concéder une pension civile de retraite au titre de l'invalidité à compter du 2 février 2020 calculée sur la base d'un indice majoré 521. Par une décision implicite, née le 21 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique a rejeté la demande de Mme A... tendant à ce que sa pension soit révisée et calculée sur la base de l'indice majoré 534. Une nouvelle décision implicite est née le 19 septembre 2021 du silence gardé par le ministre sur la demande de Mme A... ayant le même objet. Par une première requête, Mme A... a notamment demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2020 en tant qu'il prend comme base de calcul de sa pension l'indice majoré 521 et qu'il aurait omis au moins six trimestres dans la durée des services et bonifications à prendre en compte, ainsi que la décision du 21 novembre 2020 en tant qu'elle rejette sa demande tendant à ce que sa pension soit calculée sur la base de l'indice majoré 534 et à ce que ces six trimestres soient pris en compte. Le 4 octobre 2021, un nouveau titre concédant une pension à Mme A... à compter du 2 février 2020 a été établi, faisant droit à certaines de ses demandes de prise en compte de trimestres supplémentaires, sur la base du même indice 521. Par une seconde requête, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Limoges, notamment, d'annuler cet arrêté du 4 octobre 2021, en tant, d'une part, que sa pension a été calculée sur la base de l'indice majoré 521 et non de l'indice majoré 534, d'autre part, qu'il omet des trimestres dans la durée des services et bonifications à prendre en compte. Par le moyen qu'il invoque, le ministre de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique doit être regardé comme demandant l'annulation des articles 1er à 3 du jugement du 23 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé les décisions en litige en tant que la pension de Mme A... n'a pas été calculée sur la base de l'indice majoré 534 et lui a enjoint de procéder à la liquidation de la pension de cette dernière sur la base de cet indice. 2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 51 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur, repris à l'article L. 514-1 du code général de la fonction publique : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite (...) ". 3. Aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Aux fins de liquidation de la pension, le montant de celle-ci est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu'il résulte de l'application de l'article L. 13 par le traitement ou la solde soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite ou, à défaut, par le traitement ou la solde soumis à retenue afférents à l'emploi, grade, classe et échelon antérieurement occupés d'une manière effective, sauf s'il y a eu rétrogradation par mesure disciplinaire ". 4. Il résulte, d'une part, des dispositions citées aux points 2 et 3 que lorsqu'un fonctionnaire est admis à la retraite à l'issue d'une période de disponibilité, la cessation des services valables pour la retraite au sens de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite intervient à la date de sa mise en disponibilité. 5. Il résulte, d'autre part, du I de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite qu'un fonctionnaire ne peut légalement prétendre à ce que sa pension soit liquidée sur la base du traitement afférent au dernier indice obtenu avant la cessation des services valables pour la retraite que dans la mesure où il justifie, à cette date, de six mois de services effectifs dans les grade, classe et échelon correspondant à cet indice. A ce titre, lorsque, dans le cadre d'une réforme statutaire, le reclassement d'un fonctionnaire dans un nouveau grade ou échelon est assorti d'une reprise d'ancienneté visant à tenir compte de l'ancienneté acquise dans le grade ou l'échelon précédent, l'ancienneté ainsi reprise n'équivaut pas à une occupation effective du nouveau grade ou échelon au sens de ces dispositions. 6. En second lieu, d'une part, aux termes du II de l'article 47 du décret du 11 mai 2016 modifiant divers décrets relatifs à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie B de la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires relevant, à la date du 1erjanvier 2017, d'un grade assimilé au deuxième grade mentionné à l'article 2 du décret du 11 novembre 2009 susvisé sont reclassés dans leur grade conformément au tableau de correspondance suivant :/ (...) ". Aux termes de la deuxième ligne de ce tableau, les fonctionnaires relevant, dans leur ancienne situation, du 13ème échelon, sont reclassés, dans leur nouvelle situation, au 13ème échelon avec ancienneté acquise. D'autre part, l'article 8-1 du décret du 22 août 2008 fixant l'échelonnement indiciaire des corps et des emplois communs aux administrations de l'Etat et de ses établissements publics ou afférent à plusieurs corps de fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics, dans sa rédaction issue du décret du 11 mai 2016, prévoit que les indices bruts correspondant au 13ème échelon du 2ème grade s'élèvent à 621 au 1er janvier 2016, 631 au 1er janvier 2017 et 638 au 1er janvier 2018. Aux termes de l'annexe A au décret du 23 décembre 1982 relatif aux indices de la fonction publique, à ces indices bruts correspondent respectivement les indices majorés 521, 529 et 534. 7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a été reclassée à compter du 1er janvier 2017, avec ancienneté reprise, au 13ème échelon du grade de secrétaire administrative de classe supérieure, tel qu'il résulte de la réforme statutaire prévue par le décret du 11 mai 2016 cité au point précédent. Dès lors, à la date de sa mise en disponibilité, le 2 février 2017, Mme A... ne justifiait pas de six mois de détention effective de ce nouvel échelon, la reprise d'ancienneté étant, ainsi qu'il a été dit au point 5, dépourvue d'incidence à cet égard. Par suite, en jugeant que la pension de Mme A... devait être calculée sur la base de l'indice majoré 534 afférant, en application du décret du 11 mai 2016 modifiant le décret du 22 août 2008 cité au point précédent, à ce nouvel échelon, le tribunal administratif de Limoges a commis une erreur de droit. 8. Il résulte de ce qui précède que les articles 1 à 3 du jugement attaqué doivent être annulés. 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 10. En premier lieu, d'une part, la décision d'octroi initial d'une pension n'est pas au nombre des décisions devant être motivées en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. D'autre part, il n'est pas établi ni même soutenu que Mme A... aurait sollicité, sur le fondement de l'article L. 232-4 du même code, les motifs des décisions implicites de rejet de ses demandes tendant à la révision de sa pension. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que les titres de pension des 13 juillet 2020 et 14 octobre 2021 et les décisions implicites de rejet de ses recours contre le premier de ces titres seraient entachés d'irrégularité faute d'une motivation suffisante. 11. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 7, d'une part, que la pension de Mme A... doit être calculée sur la base du traitement soumis à retenue afférent à l'échelon qu'elle occupait de manière effective antérieurement à son reclassement dans la grille issue de la réforme statutaire intervenue au 1er janvier 2017 et, d'autre part, qu'elle ne peut prétendre au bénéfice des revalorisations indiciaires applicables, en vertu des dispositions du décret du 11 mai 2016, aux échelons de cette nouvelle grille à compter du 1er janvier 2017. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés des 13 juillet 2020 et 4 octobre 2021 lui concédant une pension civile de retraite au titre de l'invalidité à compter du 2 février 2020 en tant que sa pension a été calculée sur le fondement de l'indice majoré 521 correspondant à l'emploi, grade et échelon qu'elle détenait antérieurement à ce reclassement, ni l'annulation des décisions implicites de rejet de ses demandes tendant à la révision de sa pension en tant qu'elle a été calculée sur la base de l'indice majoré 521. 12. Les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A... ne peuvent par suite qu'être rejetées, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement du 23 mai 2023 du tribunal administratif de Limoges sont annulés. Article 2 : Les conclusions des demandes présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Limoges dirigées contre les arrêtés des 13 juillet 2020 et 4 octobre 2021 lui concédant une pension civile de retraite au titre de l'invalidité à compter du 2 février 2020 et contre les décisions implicites de rejet nées les 21 novembre 2020 et 19 septembre 2021 en tant que sa pension a été calculée sur la base de l'indice majoré 521, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction, sont rejetées. Article 3 : Les conclusions de Mme A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme B... A.... ECLI:FR:CECHR:2024:475712.20240607
Conseil d'Etat
CAA de LYON, 3ème chambre, 12/06/2024, 23LY03203, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1908935 du 9 décembre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 21LY00382 du 13 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il statue sur la demande de pension militaire d'invalidité au taux de 10 % pour son infirmité à la cheville droite et annulé la décision de refus dans cette mesure, et, d'autre part, rejeté le surplus de l'appel de Mme B.... Par une décision n° 467579 du 13 octobre 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre des armées, a annulé les articles 1er à 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 13 juillet 2022 et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la même cour. Procédure devant la cour Par un mémoire complémentaire, enregistré le 13 décembre 2023, Mme B..., représentée par la SELARL MDMH, agissant par Me Moumni, demande à la cour, le cas échéant, après avoir ordonné une expertise : 1°) d'annuler ce jugement et la décision du 27 juillet 2018 ; 2°) de fixer à 10 % le taux d'invalidité de l'infirmité " séquelles d'entorse récidivante de la cheville droite " ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'affection, et de la rétablir dans ses droits, dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont écarté partiellement l'imputabilité au service des séquelles de l'entorse ayant affecté sa cheville droite et des conséquences médicales entraînées par cette affection ; le lien avec le service a été reconnu au titre de l'affection initiale et l'administration l'a placée en position de congé de longue maladie pendant six périodes consécutives ; il est logique que les aggravations découlant de cette affection initiale, ainsi que les nouvelles affections soient elles aussi considérées comme étant en lien avec le service ; - il convient d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer avec précision la part imputable de sa seconde entorse dans l'apparition de son infirmité. Par des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 novembre 2023 et 1er février 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que la part de l'infirmité imputable au service est nécessairement inférieure à 10 % et ne peut dès lors donner droit au versement d'une pension. Par une ordonnance du 19 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 février 2024. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., née en 1983, s'est engagée dans la gendarmerie nationale, le 3 mars 2009. Le 20 mai 2016, elle a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour, d'une part, des séquelles d'entorse récidivante de la cheville droite caractérisées par une diminution modérée de la flexion dorsale et un appui douloureux à la marche, d'autre part, une maladie épileptique. Par un jugement du 9 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 21LY00382 du 13 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il statue sur la demande de pension militaire d'invalidité au taux de 10 % pour son infirmité à la cheville droite (article 1er), a annulé la décision de refus dans cette mesure (article 2), a enjoint au ministre des armées d'attribuer à Mme B... une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % à compter du 20 mai 2016 et de liquider le rappel de ses droits, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt (article 3), a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Moumni d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 4), et a rejeté le surplus de conclusions de la requête (article 5). Par une décision n° 467579 du 13 octobre 2023, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre des armées, a annulé les articles 1er à 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 13 juillet 2022 et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de Mme B... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites (...) soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale (...) ". Aux termes de l'article L. 4 : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 % (...) " 3. La situation de Mme B... ne relevant pas de l'un des cas de présomption d'imputabilité envisagés par l'article L. 3 précité, il incombe à l'intéressée d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. 4. Il résulte de l'instruction que Mme B..., après avoir ressenti le 3 avril 2009, au cours d'une marche en terrain accidenté durant sa formation militaire, une très vive douleur à la cheville droite, s'est plainte d'une recrudescence de sa douleur le 6 avril suivant au cours d'une séance d'éducation physique et sportive dans le cadre de la même formation. Une entorse a alors été diagnostiquée, et reconnue imputable au service. Suite à une réapparition des douleurs en septembre 2009, au cours d'une marche dans un contexte qui n'est pas précisé, une nouvelle entorse a été diagnostiquée. Il résulte également de l'instruction que Mme B... a souffert d'un névrome de Morton diagnostiqué en mai 2011. 5. La requérante ne peut se borner à faire valoir les circonstances que le lien au service a été reconnu au titre de l'affection initiale et que l'administration l'a placée en position de congé de longue maladie pendant six périodes consécutives pour critiquer le jugement attaqué en ce qu'il a écarté l'imputabilité au service de l'entorse de septembre 2009 et du névrome de Morton. Si Mme B... soutient que l'absence d'une deuxième entorse sur le livret médical et de rapport circonstancié ne saurait faire présumer qu'elle a été contractée hors du service, la charge de la preuve lui appartient, ainsi qu'il a été dit au point 3. Elle ne fait état, pas davantage en appel qu'en première instance, d'aucun élément permettant d'établir que l'entorse de septembre 2009 aurait été contractée durant le temps de son service, ou que celle-ci et le névrome de Morton seraient la conséquence du traumatisme dont sa cheville a été atteinte en avril 2009. 6. Il résulte de l'instruction que les effets cumulés des deux entorses et du névrome de Morton aboutissent à un taux d'invalidité, retenu à la fois dans le rapport d'expertise du 27 mars 2018 et par la commission consultative médicale dans son avis rendu le 20 juin 2018, de 10 %. Mme B... n'en conteste pas l'évaluation. Il en résulte que, comme le soutient le ministre des armées, la part de l'infirmité imputable au service est nécessairement inférieure à 10 % et ne peut, dès lors, donner droit au versement d'une pension. 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. 8. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024. La rapporteure, Bénédicte LordonnéLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY03203
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 04/06/2024, 23MA02088, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 30 août 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour aggravation des infirmités dont il est atteint. Par un jugement avant dire droit du 11 janvier 2022, le tribunal administratif de Bastia a diligenté une expertise médicale aux fins de déterminer, notamment, si, pour deux des infirmités déjà pensionnées, relatives, d'une part, à une hypoacousie bilatérale et, d'autre part, à des vertiges à type d'instabilité, l'aggravation éventuellement constatée est seulement due au vieillissement ou si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci. A la suite de la remise du rapport d'expertise le 28 avril 2022, le tribunal administratif de Bastia, par un jugement n° 2000003 du 10 janvier 2023, a rejeté la demande de M. A.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 2 août 2023, M. A..., représenté par Me Eon, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2000003 du 10 janvier 2023 du tribunal administratif de Bastia ; 2°) d'annuler la décision du 30 août 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; 3°) de juger qu'il a droit à une pension pour hypoacousie bilatérale avec perte de sélectivité au taux de 20 % à compter du 10 juillet 2017 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens. Il soutient que : - l'aggravation de l'hypoacousie a été constatée dès 1992 et au moins trois médecins militaires ont admis une aggravation imputable au service ; - cette aggravation résulte, selon les conclusions du rapport d'expertise, d'un phénomène de vieillissement accéléré par l'origine traumatique de l'hypoacousie ; - par conséquent, il y a lieu de retenir une aggravation de 10 % de cette infirmité. Par une ordonnance du 23 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 mars 2024. Un mémoire, enregistré le 17 mai 2014, présenté par le ministre des armées, n'a pas été communiqué. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 15 septembre 1947 et radié des contrôles de l'armée le 4 novembre 1999, s'est vu concéder à titre définitif, par un arrêté du 4 juillet 1989 du ministre des armées, une pension militaire d'invalidité au taux de 50 %, pour trois infirmités, à savoir : acouphènes bilatéraux permanents à droite (première infirmité), vertiges à type d'instabilité survenant aux mouvements de la tête principalement, syndrome déficitaire droit avec un facteur cervical, une déviation des index et signe de Romberg (deuxième infirmité) et hypoacousie bilatérale accompagnée d'une perte de sélectivité (troisième infirmité). Par courrier du 10 juillet 2017, il a présenté une demande de révision de sa pension en se prévalant d'une aggravation de ces infirmités. Par une décision du 30 août 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 10 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que la pension d'invalidité concédée à titre définitif dont la révision est demandée pour aggravation n'est susceptible d'être révisée que lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités, se trouve augmenté d'au moins dix points. En outre, en vertu des dispositions de l'article L. 151-2 du même code, l'évolution des infirmités pensionnées s'apprécie sur une période comprise entre la date initiale d'octroi de la pension et celle de dépôt de la demande de révision. 4. Il résulte de l'instruction que l'hypoacousie avec perte de sélectivité au titre de laquelle M. A... s'est vu concéder une pension d'invalidité a été mesurée à 15 dB pour l'oreille droite et 11,2 dB pour l'oreille gauche, pour un taux global fixé à 10 %. Il résulte par ailleurs de l'audiométrie réalisée le 15 juin 2017 que la perte auditive moyenne a été évaluée à 42,25 dB à droite et à 36,35 dB à gauche, ce qui correspond, par référence au guide barème des invalidités, à une infirmité à hauteur de 10 % selon les conclusions de l'expertise médicale diligentée par le tribunal administratif de Bastia, non contestées sur ce point. 5. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre citées au point 2 que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 6. En l'espèce, il résulte sans aucune ambiguïté du rapport d'expertise médicale précité que si la perte auditive constatée chez M. A... à la date de sa demande de révision, pour une gêne fonctionnelle évaluée à 10 %, révèle une aggravation plus rapide par rapport aux constatations effectuées dans la population normale du même âge n'ayant pas eu de traumatisme sonore, elle n'est toutefois imputable qu'à hauteur de 25 % au traumatisme sonore initial de 1967, et les seules pièces produites par M. A... ne permettent pas de contredire les conclusions de l'expertise, dont il résulte qu'à hauteur de 75 %, la perte auditive objectivée à la date de la demande de révision de la pension militaire d'invalidité concédée à l'intéressé est due à une presbyacousie, c'est-à-dire une infirmité distincte, liée au vieillissement physiologique de l'appareil auditif. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'aggravation de 10 points de l'infirmité hypoacousie bilatérale accompagnée d'une perte de sélectivité aurait été intégralement en lien avec le traumatisme survenu en 1967 et aurait justifié, de ce fait, une révision de sa pension. 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes. Par suite, l'ensemble de ses conclusions doit être rejeté. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre des armées et à Me Eon. Délibéré après l'audience du 22 mai 2024 où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 4 juin 2024. N° 23MA02088 2
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, Juge des référés, 05/06/2024, 494701, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 30 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) d'annuler la décision du 11 avril 2024 par laquelle la direction générale des douanes et droits indirects a procédé à son évaluation pour le recrutement au titre de la législation sur les emplois réservés d'inspecteurs des douanes et droits indirects, pour la session 2024 ; 2°) d'annuler les épreuves de sélection organisées par la direction générale des douanes et droits indirects ; 3°) d'enjoindre à la direction générale des douanes et droits indirects de faire application des dispositions des articles L. 241-7 et L. 242-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre à son égard ; 4°) de " soumettre l'administration à une astreinte de 300 euros par jour " ; 5°) de mettre à la charge du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - sa requête est recevable ; - la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le début de la formation est fixé à la date du 1er octobre 2024 ; - il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; - l'organisation et le déroulement des épreuves de recrutement au titre de la législation sur les emplois réservés d'inspecteurs des douanes et droits indirects méconnaissent les dispositions des articles L. 241-7, L. 242-5 et R. 242-4 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. 2. Le juge des référés du Conseil d'Etat ne peut être régulièrement saisi, en premier et dernier ressort, d'une requête tendant à la mise en œuvre de l'une des procédures régies par le livre V du code de justice administrative que pour autant que le litige principal auquel se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure d'urgence qu'il lui est demandé de prendre ressortit lui-même à la compétence directe du Conseil d'Etat. L'article R. 522-8-1 du même code prévoit que, par dérogation aux dispositions du titre V du livre III relatif au règlement des questions de compétence au sein de la juridiction administrative, le juge des référés qui entend décliner la compétence de la juridiction rejette les conclusions dont il est saisi par voie d'ordonnance. 3. M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, d'annuler la décision du 11 avril 2024 par laquelle la direction générale des douanes et droits indirects a procédé à son évaluation pour le recrutement au titre de la législation sur les emplois réservés d'inspecteurs des douanes et droits indirects, pour la session 2024 ainsi que les épreuves de sélection organisées par la direction générale des douanes et droits indirects et, d'autre part, d'enjoindre à la direction générale des douanes et droits indirects de faire application des dispositions des articles L. 241-7 et L. 242-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre à son égard. Toutefois, ce recours n'est manifestement pas au nombre de ceux dont il appartient au Conseil d'Etat de connaître. 4. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que la requête de M. B... ne peut être accueillie. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 de ce code. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B.... Fait à Paris, le 5 juin 2024 Signé : Christophe ChantepyECLI:FR:CEORD:2024:494701.20240605
Conseil d'Etat
CAA de LYON, 5ème chambre, 16/05/2024, 22LY01429, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 septembre 2020 par laquelle le directeur des Hospices civils de Lyon a refusé de lui verser les indemnités réclamées au titre de la période pendant laquelle il a été placé en disponibilité d'office, d'enjoindre à cette autorité de procéder en conséquence à la reconstitution de sa carrière et de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser la somme totale de 52 370,64 euros ou, à titre subsidiaire, de 41 942,60 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des fautes commises dans la gestion de sa situation administrative. Par un jugement n° 2008540 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à verser à M. D... la somme de 4 900 euros, en réparation des préjudices subis (article 1er), ainsi que la somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions des parties (article 3). Procédure devant la cour Par une requête et des mémoires enregistrés le 12 mai 2022, le 9 janvier 2023 et le 5 juin 2023, M. D..., représenté par Me Blanc, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 mars 2022, en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande ; 2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser l'intégralité des sommes demandées ; 3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon, une somme de 4 000 euros, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - sa requête est recevable ; - le jugement attaqué est irrégulier, en ce que le tribunal a conduit un raisonnement erroné ; - le tribunal a omis de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 30 septembre 2020, par laquelle le directeur adjoint en charge du pôle développement social des Hospices civils de Lyon a refusé de lui accorder tout traitement et toute indemnité au titre de la période pendant laquelle il a été placé en disponibilité ; - pendant la période du 30 avril 2018 au 7 novembre 2019, il n'était pas inapte pour toutes fonctions mais uniquement pour ses fonctions d'agent des services hospitaliers qualifié ; en s'abstenant de prendre des mesures nécessaires pour le reclasser, son employeur a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; - le délai excessif mis par les Hospices civils de Lyon pour engager la procédure d'admission à la retraite est constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité ; - pour la période du 30 avril 2018 au 7 novembre 2019, son préjudice financier s'élève à la somme de 27 576,96 euros correspondant à un plein traitement, ou, subsidiairement, à la somme de 19 978,92 euros correspondant à l'allocation de retour à l'emploi ; - pour la période du 7 novembre 2019 au 10 juillet 2020, son préjudice financier s'élève à la somme de 11 793,68 euros au titre d'un congé de longue maladie, ou, subsidiairement, à la somme de 8 963,68 euros correspondant à la pension de retraite qu'il aurait dû percevoir ; - le préjudice lié aux troubles dans ses conditions d'existence et son préjudice moral peuvent être évalués à 13 000 euros. Par des mémoires enregistrés le 13 septembre 2022 et le 23 mai 2023, les Hospices civils de Lyon, représentés par Me Walgenwitz, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. D..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé. Par une lettre du 28 mars 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que M. D..., qui a été placé en position de disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans entre le 29 avril 2015 et le 29 avril 2018 ne pouvait justifier, à la date de son placement en disponibilité d'office, de la durée d'affiliation requise par les stipulations de l'article 3 du règlement général annexé à la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage et de ses textes associés. Les observations présentées pour les Hospices civils de Lyon, en réponse à cette communication, enregistrées le 4 avril 2024, ont été communiquées ce même jour. Les observations présentées pour M. D..., en réponse à cette communication, enregistrées le 5 avril 2024, ont été communiquées ce même jour. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ; - le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ; - l'arrêté du 4 mai 2017 portant agrément de la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage et de ses textes associés ; - le code du travail ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Dèche, présidente, - les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique, - les observations de Me Breysse, représentant M. D... et de Me Allala, représentant les Hospices civils de Lyon ; Considérant ce qui suit : 1. M. D..., agent des services hospitaliers qualifié employé par les Hospices civils de Lyon, a exercé ses fonctions au sein de l'hôpital Pierre Garraud à Lyon. Du 1er juillet 2012 au 29 avril 2015, il a bénéficié d'un congé parental et du 30 avril 2015 au 29 avril 2018, il était placé en disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. En février 2018, il a sollicité sa réintégration à l'issue de sa disponibilité. Par décision du 11 septembre 2018, il a été placé en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 30 avril 2018. Par décision du 12 mars 2020, il a été maintenu en disponibilité d'office jusqu'à son admission à la retraite, à compter du 11 juillet 2020. Par un jugement du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à verser à M. D... la somme de 4 900 euros, en réparation des préjudices subis à raison du retard fautif pris dans l'instruction de l'admission à la retraite de l'intéressé. M. D... relève appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire au titre de l'absence de recherche de reclassement et de l'absence de versement de toute rémunération postérieurement au 30 avril 2018. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, M. D... soutient que le jugement attaqué est irrégulier, en ce que le tribunal a conduit un raisonnement erroné. Toutefois, un tel moyen, qui ne relève pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé, doit, dès lors, être écarté. 3. En second lieu, M. D... avait sollicité, dans sa demande enregistrée au greffe du tribunal, le 27 novembre 2020, l'annulation de la décision du 30 septembre 2020, par laquelle le directeur adjoint en charge du pôle développement social des Hospices civils de Lyon a refusé de lui accorder tout traitement et toute indemnité au titre de la période pendant laquelle il a été placé en disponibilité. Or, le tribunal n'a pas statué sur ces conclusions. Ainsi, son jugement, qui est entaché d'une omission à statuer, doit être annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 30 septembre 2020 du directeur adjoint en charge du pôle développement social des Hospices civils de Lyon. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. D.... Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la responsabilité des Hospices civils de Lyon : 4. D'une part, aux termes de l'article 62 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son établissement, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite (...) ". Selon l'article 37 du décret du 13 octobre 1988 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires hospitaliers, à l'intégration et à certaines modalités de mise à disposition : " Deux mois au moins avant l'expiration de la période de disponibilité en cours, le fonctionnaire doit solliciter soit le renouvellement de sa disponibilité soit sa réintégration. Faute d'une telle demande, l'intéressé est rayé des cadres, à la date d'expiration de la période de disponibilité. Sous réserve des dispositions des troisième et quatrième alinéas ci-dessous, la réintégration est de droit à la première vacance lorsque la disponibilité n'a pas excédé trois ans (...) ". 5. D'autre part, selon le même article 37 du décret du 13 octobre 1988 : " (...) Le fonctionnaire qui, à l'issue de sa disponibilité ou avant cette date s'il sollicite sa réintégration anticipée, ne peut être réintégré pour cause d'inaptitude physique est soit reclassé dans les conditions prévues par la section 3 du chapitre V de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, soit placé en disponibilité d'office dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas de l'article 29 du présent décret, soit en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié (...) ". Selon l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986, auquel renvoient ces dispositions : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. ". Et selon l'article 72 de la même loi : " En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps ou emplois d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps ou emplois, en exécution des articles 29, 32 et 35 et nonobstant les limites d'âges supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts ". Enfin, aux termes de l'article 2 du décret du 8 juin 1989 pris pour l'application de cette loi et relatif au reclassement des fonctionnaires pour raisons de santé : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'intéressé peut présenter une demande de reclassement dans un emploi relevant d'un autre grade de son corps ou dans un emploi relevant d'un autre corps. / L'autorité investie du pouvoir de nomination recueille l'avis du comité médical départemental. ". 6. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que lorsqu'un fonctionnaire a été, lors d'une demande de réintégration, à l'issue d'une disponibilité, reconnu inapte à la reprise des fonctions qu'il occupait antérieurement et alors que le comité médical ne s'est pas prononcé sur sa capacité à occuper, par voie de réaffectation, de détachement ou de reclassement, un autre emploi, éventuellement dans un autre corps ou un autre grade, l'autorité hiérarchique ne peut placer cet agent en disponibilité d'office, sans l'avoir préalablement invité à présenter, s'il le souhaite, une demande de reclassement. La mise en disponibilité d'office peut ensuite être prononcée soit en l'absence d'une telle demande, soit si cette dernière ne peut être immédiatement satisfaite. Ces dispositions, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé, ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un tel reclassement, mais ne le dispensent pas d'inviter l'intéressé à formuler une telle demande. 7. Il résulte de l'instruction que si, à la suite de la demande de réintégration présentée par M. D..., au sein des effectifs des Hospices civils de Lyon, à l'issue de sa disponibilité, le docteur C..., chargé de la visite de reprise, a conclu, le 13 avril 2018, que l'intéressé était inapte " à toutes fonctions, même en reclassement ", lors de sa séance du 7 juin 2018, le comité médical départemental a conclu à l'inaptitude permanente et définitive de l'intéressé à exercer ses fonctions, mais a ordonné une expertise spécialisée afin de préciser l'inaptitude à toutes fonctions. Répondant à cette demande, le 22 juin 2018, le docteur B... a conclu que M. D... était inapte à ses fonctions d'agent des services hospitaliers qualifié mais non inapte à toutes fonctions. Ces conclusions ont été reprises par le comité médical départemental, à l'issue de sa séance du 5 juillet 2018, qui a retenu que l'intéressé était inapte à l'exercice de ses fonctions d'agent des services hospitaliers qualifié " mais non inapte à toutes fonctions ". Si les Hospices civils de Lyon font valoir qu'ils ont saisi le docteur C... afin d'apporter des précisions médicales sur l'inaptitude de l'intéressé, il ressort de la réponse datée du 31 juillet 2018, que le docteur C... a simplement précisé qu'il n'avait aucun élément nouveau à apporter au rapport qu'il avait rendu le 13 avril 2018, sans indiquer même implicitement, que l'état de santé de l'intéressé n'avait pas évolué depuis sa visite de reprise. Contrairement à ce que soutiennent les Hospices civils de Lyon, qui ne sauraient utilement se prévaloir des conclusions rendues par le docteur C..., le 20 septembre 2019, soit postérieurement à la décision en litige du 11 septembre 2018, plaçant l'intéressé, en disponibilité d'office pour raison de santé, ils ne pouvaient, compte tenu de ces éléments, estimer, à la date de cette dernière décision, que l'intéressé était inapte à l'exercice de toute fonction. Dans ces conditions, les Hospices civils de Lyon ne pouvaient placer M. D... en position de disponibilité d'office sans l'avoir invité au préalable à présenter une demande de reclassement. Si les Hospices civils de Lyon soutiennent qu'ils n'avaient, en l'espèce, aucune obligation de procéder à des recherches en vue du reclassement de M. D... dès lors qu'il n'avait formulé aucune demande en ce sens, ce dernier soutient, cependant, sans être utilement contesté, n'avoir jamais reçu de courrier l'invitant à présenter une telle demande. Par ailleurs, il est constant qu'à la suite de la demande de reclassement spontanément présentée par M. D..., par courrier du 15 novembre 2018, les Hospices civils de Lyon se sont abstenus de procéder à toute recherche de poste. Dès lors, faute d'avoir invité M. D... à formuler une demande de reclassement et d'avoir refusé de procéder à toute recherche de poste de reclassement en dépit de la demande présentée en ce sens par l'intéressé, les Hospices civils de Lyon ont méconnu les dispositions législatives et réglementaires sus-rappelées. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que les Hospices civils de Lyon ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité. En ce qui concerne les préjudices : 8. En premier lieu, lorsque l'administration n'a procédé à aucune recherche de reclassement avant de placer d'office l'agent en situation de disponibilité, il convient pour le juge de rechercher si cette carence de l'administration a été de nature à faire perdre à l'intéressé une chance sérieuse de reclassement dans un autre emploi. 9. M. D... soutient qu'entre le 30 avril 2018 et le 7 novembre 2019, il a été privé des revenus qu'il aurait dû percevoir s'il avait bénéficié d'un reclassement. Toutefois, alors qu'il résulte de l'instruction que, le 7 novembre 2019, le comité médical départemental a estimé que M. D... était inapte de façon permanente et définitive à exercer ses fonctions ou à toutes fonctions même en reclassement, la seule référence aux avis rendus par le docteur B..., le 22 juin 2018 et par le comité médical départemental ne suffit pas à établir que l'état de santé de l'intéressé qui souffrait de lombosciatique invalidante lui aurait permis d'être réintégré. En outre, en se bornant à faire valoir que les Hospices civils de Lyon " recrutent sans cesse ", le requérant n'établit pas que cet établissement aurait été à même de lui proposer un poste en vue de son reclassement au cours de la période du 30 avril 2018 au 7 novembre 2019. Par suite, le préjudice financier dont le requérant se prévaut au titre de cette période ne présente pas un caractère certain et ne saurait, dès lors, ouvrir droit à réparation. 10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5422-1 du code du travail : " Ont droit à l'allocation d'assurance les travailleurs involontairement privés d'emploi (...), aptes au travail et recherchant un emploi qui satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure ". Aux termes de l'article L. 5424-1 du même code : " Ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 : (...) 1° Les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs ainsi que les militaires ;(...) ". Aux termes de l'article L. 5424-2 de ce code : " Les employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1 assurent la charge et la gestion de l'allocation d'assurance. Ceux-ci peuvent, par convention conclue avec Pôle emploi, pour le compte de l'organisme mentionné à l'article L. 5427-1, lui confier cette gestion (...). ". Aux termes de l'article L. 5422-2 de ce code : " L'allocation d'assurance est accordée pour des durées limitées qui tiennent compte de l'âge des intéressés et de leurs conditions d'activité professionnelle antérieure. (...) ". Aux termes de l'article L. 5422-20 de ce code : " Les mesures d'application des dispositions du présent chapitre, à l'exception des articles de la présente section, du 5° de l'article L. 5422-9, des articles L. 5422-10, L. 5422-14 à L. 5422-16 et de l'article L. 5422-25, font l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés. ". 11. L'allocation d'assurance prévue par ces textes est régie en l'espèce par la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage et le règlement général qui y est annexé, dès lors que M. D... a été placé en disponibilité d'office postérieurement au 1er octobre 2017. 12. Aux termes de l'article 3 du règlement général annexé à la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage et de ses textes associés, alors applicable : " § 1er - Les salariés privés d'emploi doivent justifier d'une durée d'affiliation correspondant à des périodes d'emploi accomplies dans une ou plusieurs entreprises entrant dans le champ d'application du régime d'assurance chômage. (...) la durée d'affiliation (...) doit être au moins égale à 88 jours travaillés ou 610 heures travaillées : au cours des 28 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (terme du préavis) pour les salariés âgés de moins de 53 ans à la date de la fin de leur contrat de travail ; au cours des 36 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (terme du préavis) pour les salariés âgés de 53 ans et plus à la date de la fin de leur contrat de travail. (...) § 3 - Les périodes de suspension du contrat de travail sont retenues au titre de la durée d'affiliation selon les modalités de décompte des jours du paragraphe précédent. (...) Toutefois, ne sont notamment pas prises en compte dans la durée d'affiliation : (...) les périodes de disponibilité dans les conditions prévues par les dispositions statutaires des trois fonctions publiques. En effet, ces périodes n'ayant été ni rémunérées ni indemnisées, elles ne peuvent être assimilées à des périodes d'emploi ". 13. Il résulte des dispositions combinées des articles précités, d'une part, que les agents titulaires de la fonction publique hospitalière ont droit aux allocations d'assurance chômage dès lors qu'aptes au travail, ils peuvent être regardés comme ayant été involontairement privés d'emploi et à la recherche d'un emploi, d'autre part, que pour les agents publics titulaires, les périodes de disponibilité, notamment en cas de disponibilité, ne sont pas comptabilisées au titre de la durée d'affiliation. 14. Il résulte de ce qui a été dit précédemment, qu'au titre de la période du 30 avril 2018 au 7 novembre 2019, M. D... justifiait de la condition d'aptitude au travail requise par les dispositions de l'article L. 5422-1 du code du travail. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. D... a été placé en position de disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans entre le 29 avril 2015 et le 29 avril 2018. Dès lors, il ne pouvait justifier, à la date de son placement en disponibilité d'office, d'une durée d'affiliation de 88 jours ou 610 heures sur les 36 derniers mois. Par suite, alors même qu'il peut être regardé comme ayant été privé involontairement d'emploi à compter du 30 avril 2018, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il remplissait, à cette date, l'ensemble des conditions requises pour bénéficier de cette allocation. 15. En troisième lieu, M. D... soutient qu'il avait droit au versement d'un demi-traitement jusqu'à la date de son admission à la retraite pour invalidité. Toutefois, les dispositions dont il se prévaut, issues de l'article 47 du décret n° 86-442du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, concernent le fonctionnaire, qui à l'issue d'un congé de longue maladie ne peut reprendre ses fonctions, et ne sont pas applicables à la situation de l'intéressé. 16. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que le 7 novembre 2019, le comité médical départemental a estimé que l'état de santé de M. D... le rendait définitivement inapte à toutes fonctions, que le 28 novembre 2019, la directrice générale des Hospices civils de Lyon a prononcé le licenciement de l'intéressé avec effet au 8 novembre 2019, que le 28 janvier 2020, M. D... a demandé le retrait de cette décision du 28 novembre 2019, qu'il a été fait droit à cette demande, le 12 mars 2020, et que la commission de réforme saisie en avril 2020 a rendu son avis favorable à l'admission de l'intéressé à la retraite pour invalidité, le 9 juillet 2020. Le retard ainsi pris dans l'instruction de l'admission de M. D... à la retraite constitue une faute de nature à engager la responsabilité des Hospices civils de Lyon, et qui est directement à l'origine d'une perte de revenus correspondant à la pension de retraite que l'intéressé aurait pu percevoir au cours de cette période. Toutefois, compte tenu des délais liés à la nécessité d'obtenir préalablement à la décision de mise à la retraite, les avis de la commission de réforme et de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, l'intéressé n'établit pas en appel qu'en retenant le montant de la somme de 4 500 euros au lieu, de celui de 8 963,68 euros demandé, les premiers juges n'auraient pas fait une juste appréciation de ce préjudice. Enfin, M. D..., dont l'état de santé le rendait, ainsi qu'il a été dit, définitivement inapte à l'exercice de toute fonction, à compter du 7 novembre 2019, ne saurait se prévaloir de ce que, à compter de cette même date, il aurait pu être reclassé et bénéficier d'un placement en congé de longue maladie à plein traitement jusqu'à son admission à la retraite. 17. En dernier lieu, M. D... est fondé à demander l'indemnisation du préjudice moral résultant tant de l'absence de proposition de reclassement, que de la gestion défaillante de sa situation administrative, dont il en sera fait une juste appréciation en lui allouant à ce titre une somme de 3 000 euros. Sur la légalité de la décision du 30 septembre 2020 : 18. Pour contester la légalité de la décision du 30 septembre 2020 par laquelle le directeur adjoint en charge du pôle développement social des Hospices civils de Lyon a refusé de lui accorder tout traitement et toute indemnité au titre de la période pendant laquelle il a été placé en disponibilité d'office, M. D... soutient que ce placement en disponibilité d'office ainsi que son maintien dans cette position sont illégaux, en se référant aux moyens développés à l'appui de ses conclusions indemnitaires. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés aux points précédents, le requérant n'établit pas qu'il aurait pu effectivement bénéficier d'une réintégration ainsi que d'une mesure de reclassement au sein des effectifs des Hospices civils de Lyon, de nature à lui permettre de bénéficier des traitements indemnités dont il sollicite le versement. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation de la décision en litige ne peuvent qu'être rejetées. 19. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à demander que la somme que le tribunal lui a allouée en réparation de ses préjudices soit portée à 7 500 euros. Sur les frais liés au litige : 20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de M. D..., qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon le versement à M. D... d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2008540 du 18 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions de la demande de M. D... tendant à l'annulation de la décision du 30 septembre 2020, par laquelle le directeur adjoint en charge du pôle développement social des Hospices civils de Lyon a refusé de lui accorder tout traitement et toute indemnité au titre de la période pendant laquelle il a été placé en disponibilité. Article 2 : L'indemnité que les Hospices civils de Lyon ont été condamnés à verser à M. D... est portée à 7 500 euros. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 mars 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à M. D... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et aux Hospices civils de Lyon. Délibéré après l'audience du 25 avril 2024 à laquelle siégeaient : Mme Dèche, présidente, M. Stillmunkes, président assesseur, Mme Rémy-Néris, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024. La rapporteure, P. DècheL'assesseur le plus ancien, H. Stillmunkes La greffière, F. Prouteau La République mande et ordonne à la préfète du Rhône, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01429 ar
Cours administrative d'appel
Lyon