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CAA de NANCY, 4ème chambre, 28/11/2023, 21NC01975, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 600 789 euros en réparation des préjudices qu'elle estime imputables à un accident de service qui serait survenu en août 2001. Par un jugement n° 2000677 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 6 juillet 2021, Mme A... C..., représentée par Me Brey, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 600 789 euros, assortie des intérêts de droit à compter du 31 décembre 2019 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le syndrome de stress post-traumatique dont elle souffre, qui résulte d'une agression commise sur son lieu de travail en août 2001, est imputable au service et lui ouvre droit à indemnisation ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'action indemnitaire était conditionnée à une reconnaissance préalable par l'administration de l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie contractée en service, le jugement est entaché d'erreurs de droit et d'appréciation ; - son préjudice s'élève à la somme totale de 600 789 euros ; l'incapacité permanente partielle s'élevant à 30 %, elle a droit à 70 000 euros à ce titre ; l'incapacité temporaire de travail, d'une durée de 161 mois, doit être indemnisée à hauteur de 80 500 euros ; elle a droit à 400 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ; son préjudice financier, tenant aux difficultés rencontrées en raison de son placement à demi-traitement puis en disponibilité d'office, ayant occasionné d'importants frais bancaires et une augmentation des intérêts de ses prêts, s'établit à 30 000 euros ; le pretium doloris, évalué à 3,5 sur une échelle de 7, et le préjudice moral justifient l'octroi de 8 000 euros ; elle a droit à 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément, ainsi qu'à 5 000 euros au titre du préjudice sexuel ; elle doit être indemnisée des frais liés à l'expertise à hauteur de 1 020 euros, correspondant à l'assistance par un médecin conseil, et de 269 euros pour les frais de transport ; les frais d'avocat exposés en amont de la procédure contentieuse s'établissent à 1 000 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 21 juin 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - à titre principal, les conclusions indemnitaires sont irrecevables, en l'absence de réclamation préalable effectivement présentée ; - à titre subsidiaire, la requête n'est pas fondée ; la cour n'a pas annulé une décision refusant de reconnaître l'imputabilité de la pathologie au service, alors que le tribunal a rejeté la demande de la requérante contestant l'admission à la retraite de l'intéressée pour invalidité non imputable au service, par deux décisions devenus définitives ; la requérante ne saurait donc être indemnisée des conséquences d'une pathologie qui n'est pas imputable au service ; il s'en rapporte pour le surplus aux écritures de première instance. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Samson-Dye, - les conclusions de M. Michel, rapporteur public, - et les observations de Me Brey, pour Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., qui était agent des services techniques de deuxième classe du cadre national des préfectures, fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 600 789 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'accident dont elle dit avoir été victime en août 2001, en service, et de la pathologie qu'il aurait occasionnée. 2. Mme C... sollicite l'indemnisation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité sans faute, en se prévalant des principes dégagés par la décision du Conseil d'Etat du 4 juillet 2003, Mme B..., n° 211106. Toutefois, l'application des principes résultant de cette décision nécessite que l'agent qui s'en prévaut ait été préalablement reconnu victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle. Or, il est constant que ni l'accident ni la pathologie de la requérante n'ont été reconnus imputables au service par l'Etat et que les recours contentieux dirigés contre les refus de reconnaissance d'imputabilité au service ont été rejetés. Dans ces conditions, la requérante ne saurait rechercher la responsabilité sans faute de l'Etat en se prévalant d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges. 3. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée dans toutes ses conclusions, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre à la demande de première instance. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me Brey et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Ghisu-Deparis, présidente, - Mme Samson-Dye, présidente-assesseure, - Mme Roussaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023 La rapporteure, Signé : A. Samson-Dye La présidente, Signé : V. Ghisu-Deparis La greffière, Signé : N. Basso La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, N. Basso 2 N° 21NC01975
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01854, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la commune de Louviers à lui verser la somme de 30 337,32 euros en réparation des pertes de revenus résultant du refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses congés de maladie et la somme de 18 669,12 euros en réparation des préjudices en lien avec la perte de son emploi pour invalidité. Par un jugement n° 2004381 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Louviers à verser à Mme A..., dans un délai de deux mois, une indemnité correspondant aux traitements dus au titre de ses congés de maladie imputables au service et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 26 août 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 16 juin 2023, la commune de Louviers, représentée par Me Enard-Bazire, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 juillet 2022 en tant qu'il la condamne à indemniser Mme A... ; 2°) de rejeter la demande présentée par l'intéressée devant le tribunal administratif en vue de l'indemnisation de ses pertes de revenus ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les conclusions indemnitaires présentées devant les premiers juges étaient irrecevables dès lors que les arrêtés plaçant Mme A... en congé de maladie ordinaire à demi-traitement étaient devenus définitifs, en l'absence de demande d'annulation présentée dans le délai de recours contentieux, et que le recours indemnitaire n'a pas été introduit dans un délai raisonnable ; - l'administration n'a commis aucune faute en plaçant l'intéressée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement dès lors que, eu égard à son état antérieur, ses arrêts de travail ne présentent pas de lien suffisamment direct avec l'accident de service survenu le 5 mai 2014 ; - les congés de maladie postérieurs à la date de consolidation du 17 mai 2015 ne peuvent être pris en charge au titre de l'accident de service ; - les préjudices invoqués ne sont pas imputables à la pathologie de l'intimée ; - l'administration n'a pas manqué à ses obligations d'aménagement de poste et de reclassement dès lors que Mme A... n'a pas demandé à travailler dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, que la fiche de poste a été modifiée à plusieurs reprises afin de tenir compte des restrictions médicales, que l'intéressée a été déclarée définitivement inapte à son poste le 7 avril 2017 et à tous postes le 10 novembre suivant et que la mise à la retraite pour invalidité résulte pour l'essentiel de l'état antérieur non imputable au service ; - un éventuel manquement à ses obligations d'aménagement et de reclassement ne pourrait concerner que la période du 22 février 2016 au 19 septembre 2017 ; - l'inaptitude définitive de Mme A... et sa mise à la retraite pour invalidité résultent de son syndrome dépressif et de l'aggravation de sa lombalgie qui ne sont pas imputables au service ; - les pertes de revenus subies au cours de la période du 22 février 2016 au 31 décembre 2018 doivent être évaluées à la somme de 21 729,28 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 18 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Levesques, conclut : 1°) au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Louviers à lui verser la somme de 27 278,26 euros en réparation des pertes de revenus résultant du refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses congés de maladie, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement attaqué ; 2°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 juillet 2022 en tant qu'il rejette ses conclusions en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi, et à la condamnation de la commune de Louviers à lui verser la somme de 18 669,12 euros à ce titre ; 3°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Louviers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa demande présentée devant le tribunal administratif était recevable dès lors que le caractère définitif des décisions la plaçant en congé de maladie ordinaire ne faisait pas obstacle à l'exercice d'un recours indemnitaire, que la responsabilité de la commune est engagée pour ne pas avoir envisagé l'aménagement de son poste ou un éventuel reclassement, et qu'aucun délai raisonnable ne lui est opposable ; - la commune de Louviers n'a pas exécuté le jugement attaqué, justifiant qu'elle demande la condamnation de la collectivité à lui verser la somme de 27 278,26 euros en réparation de ses pertes de revenus ; - la commune a commis une faute en la maintenant en congé de maladie ordinaire depuis le 28 septembre 2015, alors que ses congés sont imputables à l'accident de service du 5 mai 2014 ; - elle a également commis une faute en s'abstenant de procéder à l'aménagement de son poste ou à un reclassement tenant compte des prescriptions médicales ; - les manquements de la commune sont à l'origine de pertes de revenus au titre de la période du 22 février 2016 au 31 décembre 2018, pour un montant de 27 278,26 euros, et de sa mise à la retraite pour invalidité, dont le préjudice est évalué à la somme de 18 669,12 euros. Par une ordonnance du 20 juin 2023, l'instruction a été close à la date du 10 juillet 2023, à 12 heures. Par une décision du 26 janvier 2023, le président du bureau d'aide juridictionnelle a maintenu, pour la présente instance, la décision du 25 janvier 2021 admettant Mme A... à l'aide juridictionnelle totale devant le tribunal administratif de Rouen. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - et les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Adjointe technique de 2ème classe affectée à la commune de Louviers, où elle exerçait les fonctions d'agent d'entretien, Mme A... a été victime d'un accident sur son lieu de travail le 5 mai 2014. L'imputabilité au service de cet accident a été reconnue par la commune de Louviers, qui a placé Mme A... en congé de maladie à plein traitement, avec prise en charge des soins, jusqu'au 27 septembre 2015. L'intéressée a ensuite bénéficié d'un congé de maladie ordinaire puis, à la suite de deux jugements du tribunal administratif de Rouen des 16 janvier et 27 février 2018 annulant les mesures de gestion prises sur ce point, elle a été placée en congé de maladie imputable au service, avec maintien d'un plein traitement, jusqu'au 21 février 2016. Mme A... a été de nouveau placée en congé ordinaire de maladie après cette date, puis en disponibilité d'office du 28 septembre 2016 au 27 septembre 2018, avec le bénéfice d'un demi-traitement. Maintenue ensuite dans les effectifs de la commune, toujours à mi-traitement, dans l'attente que la commission de réforme donne son avis, Mme A... a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er janvier 2019. Relevant divers manquements se rapportant à la prise en charge de ses arrêts de travail, à l'adaptation de son poste et à l'absence de reclassement, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Louviers à réparer les préjudices résultant de ses pertes de traitement et de la perte de son emploi. Par un jugement du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Louviers à verser à Mme A..., dans un délai de deux mois, une indemnité correspondant aux traitements dus au titre de ses congés de maladie imputables au service pour la période du 22 février 2016 au 31 décembre 2018 et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. La commune de Louviers relève appel de ce jugement. Mme A... saisit la cour de conclusions incidentes tendant à la réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif : 2. D'une part, et contrairement à ce que soutient la commune de Louviers, les arrêtés plaçant Mme A... en congé de maladie ordinaire à demi-traitement ont emporté des effets juridiques sur sa situation individuelle qui ne sont pas exclusivement financiers, de sorte qu'ils ne sauraient être regardés comme ayant un objet purement pécuniaire. Par suite, la circonstance que ces arrêtés sont devenus définitifs n'a pas pour effet de priver Mme A... de la possibilité de demander l'indemnisation des préjudices résultant de leur caractère illégal. 3. D'autre part, si le recours visant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique doit être précédé d'une réclamation auprès de l'administration, il ne tend pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968. Il s'ensuit que la commune de Louviers ne saurait utilement se prévaloir de la règle selon laquelle, pour un recours tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision, le principe de sécurité juridique impose au destinataire de la décision de saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. 4. Il résulte de ce qui précède que la commune de Louviers n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée par Mme A... devant les premiers juges était irrecevable. En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Louviers : 5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi, emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / (...) La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables (...) ". Enfin, aux termes de l'article 36 du même décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées (...) en service (...) peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par dérogation à l'article 19, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale ". 6. Le droit, prévu par les dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, d'un fonctionnaire en congé de maladie à conserver l'intégralité de son traitement en cas de maladie provenant d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. 7. Il résulte en outre de la combinaison des dispositions citées au point 5 que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service et qui se trouve dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emploi, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation. Il appartient à l'autorité compétente de se prononcer sur la situation de l'intéressé au vu des avis émis par le comité compétent, sans être liée par ceux-ci. En l'absence de modification de la situation de l'agent, l'administration a l'obligation de le maintenir en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à la reprise de service ou jusqu'à sa mise à la retraite, qui ne peut prendre effet rétroactivement. 8. D'une part, Mme A..., qui exerçait les fonctions d'agent d'entretien, a été victime d'un accident de service le 5 mai 2014, qui a entrainé l'apparition de lombalgies et son placement en congé de maladie. Pour contester tout lien entre cet accident de service et les arrêts de travail de Mme A..., après le 22 février 2016 et jusqu'au 31 décembre 2018, la commune de Louviers se prévaut de l'expertise médicale réalisée le 29 décembre 2015 et des avis rendus par la commission de réforme les 15 février et 12 avril 2018, dont il ressort que les congés de maladie et les soins postérieurs à la date de consolidation, fixée au 17 mai 2015, ne sont pas imputables à cet accident. Toutefois, la consolidation retenue pour les lésions imputables à un accident de service ne fait pas obstacle à ce que des douleurs ressenties après cette consolidation et relevant de la même symptomatologie que celles ayant conduit à la reconnaissance de l'imputabilité, présentent un lien direct et certain avec l'accident de service initial et soient reconnues comme également imputables. Si dans son avis précité du 15 février 2018, la commission de réforme retient que l'incapacité résultant de la pathologie lombaire de l'intéressée est imputable à un état antérieur, pour un taux de 7 %, et à l'accident de service, pour un taux de 8 %, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait présenté une lombalgie avant la survenue de cet accident. Il n'est pas non plus établi, ni même soutenu par la commune, que le syndrome dépressif également retenu par la commission de réforme le 15 février 2018 expliquerait à lui seul les arrêts de travail de Mme A..., alors que, dans des avis antérieurs des 10 septembre 2015 et 10 mars 2016, la commission envisage une reprise d'activité sur un poste aménagé tenant compte de restrictions médicales en lien avec ses seules douleurs lombaires. Dans ces conditions, la maladie qui a mis l'intimée dans l'impossibilité d'accomplir son service d'agent d'entretien pendant la période litigieuse est en lien direct avec l'accident survenu dans l'exercice de ses fonctions, quand bien même ce lien ne serait pas exclusif. 9. D'autre part, Mme A..., dont la maladie provient d'un accident de service et qui s'est trouvée dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions initiales d'agent d'entretien au terme de douze mois de congé maladie, n'a pu être placée en congé de longue maladie ou de longue durée, et devait donc bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'était pas possible, être mise en mesure de demander son reclassement. Il ressort des rapports d'expertise médicale des 19 mai et 20 décembre 2015 et des avis de la commission de réforme des 10 septembre 2015 et 10 mars 2016 qu'une reprise d'activité était envisageable sur un poste aménagé excluant le port de charges supérieures à cinq kilogrammes et des flexions et rotations du tronc, d'abord dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique à compter de septembre 2015 puis à temps plein à compter de mars 2016. La commune de Louviers soutient avoir proposé un tel poste aménagé dès le 26 mai 2015. Toutefois, elle renvoie sur ce point à une fiche de poste décrivant les missions d'agent d'entretien assurées par Mme A... avant son accident, et qui ne prend pas en compte les restrictions médicales précitées. Si la fiche de poste proposée le 31 mars 2016 retient ces restrictions, le médecin de prévention a estimé le 18 avril 2016 que le poste ainsi aménagé était incompatible avec l'état de santé de Mme A... qui devait être hospitalisée pendant un mois pour recevoir des soins en lien avec sa lombalgie et permettant une rééducation et une réadaptation à l'effort physique. Il ne résulte pas de l'instruction que les fiches de poste des 29 novembre 2016 et 17 janvier 2017, en tous points identiques à celle du 31 mars 2016, auraient correspondu à l'état de santé de Mme A.... Au demeurant, le comité médical s'est prononcé le 7 avril 2017 pour une inaptitude totale de l'intéressée à ses fonctions d'agent d'entretien, impliquant un reclassement dans un emploi sans port de charges, ni position penchée en avant ou exposition aux trépidations. La commune de Louviers ne démontre pas avoir mis à même Mme A... de demander un tel poste de reclassement avant le 10 novembre 2017, date à laquelle le comité médical a constaté qu'elle était inapte à tous postes. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'a pu bénéficier de l'adaptation de son poste de travail et, à supposer qu'il fut possible, n'a pas été mise en mesure de demander son reclassement. Ainsi qu'il a été dit au point 7, il appartenait donc à la commune de Louviers, en l'absence de toute possibilité de reprise, de la maintenir en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à sa mise à la retraite, intervenue le 1er janvier 2019. 10. Il résulte de ce qui précède qu'en plaçant Mme A... en congé de maladie ordinaire non imputable au service puis en disponibilité d'office, avec le bénéfice d'un demi-traitement, la commune de Louviers a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. En ce qui concerne les préjudices : 11. En premier lieu, Mme A... n'a perçu qu'un demi traitement du 22 février 2016, date à laquelle elle est arrivée au terme de la période de congé de maladie ordinaire à plein traitement, au 31 décembre 2018, avant sa mise à la retraite pour invalidité. Si elle demande en appel la condamnation de la commune à lui verser à ce titre la somme de 27 278,26 euros, sans en expliciter le mode de calcul et en renvoyant à ses bulletins de paie, la commune de Louviers produit sur ce point des éléments financiers, non contestés par l'intéressée, dont il ressort que les pertes de revenus subies pendant la période litigieuse s'établissent à la somme totale de 21 729,28 euros. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir ce montant pour fixer l'indemnité due à Mme A.... 12. En second lieu, invoquant le refus fautif de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail, ainsi que des manquements de la commune aux obligations d'aménagement de poste et de reclassement, Mme A... soutient qu'elle s'est trouvée dans une situation de déclassement économique et social, qu'elle n'a pas pu entreprendre le programme médical de restauration fonctionnelle de son rachis, et qu'elle a développé un syndrome dépressif, ces circonstances ayant conduit à son inaptitude professionnelle et à la perte de son emploi. Il résulte de l'instruction que la mise à la retraite de Mme A... pour invalidité résulte de sa pathologie lombaire correspondant à une incapacité globale de 15 %, en partie seulement imputable au service à hauteur de 8 %, et à un syndrome dépressif représentant un déficit fonctionnel de 20 %. Si le certificat médical du 9 février 2018, que l'intéressée produit à l'instance, fait état de ses lombalgies et de sa pathologie psychiatrique, il n'en ressort aucunement que ses lésions lombaires, pour la partie non imputable au service, et son syndrome dépressif auraient pour origine le refus de la commune de prendre en charge l'ensemble de ses arrêts de travail au titre de l'accident de service du 5 mai 2014 ou les manquements allégués dans l'aménagement de poste ou la procédure de reclassement. Il n'est pas plus établi par Mme A..., qui renvoie sur ce point à ses propres déclarations, que ce refus de prise en charge aurait rendu impossible la réalisation d'un programme médical de restauration lombaire et aurait ainsi fait obstacle à une reprise d'activité. Dans ces conditions, en l'absence de démonstration d'un lien de causalité entre son inaptitude professionnelle définitive et un comportement fautif de l'administration, elle n'est pas fondée à solliciter une indemnisation à ce titre. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Louviers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à Mme A... une indemnité correspondant à ses pertes de revenus entre le 22 février 2016 et le 31 décembre 2018. Il résulte encore de ce qui précède que le montant de cette indemnité doit être fixé à la somme de 21 729,28 euros. Sur les intérêts : 14. Aux termes de l'article 1231-7 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement (...) ". 15. Tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution, même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts. Dès lors, la demande de Mme A... tendant à ce que lui soient alloués, à compter de la date du jugement attaqué, des intérêts au taux légal sur la somme que la commune de Louviers a été condamnée à lui verser est dépourvue de tout objet et doit être rejetée Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la commune de Louviers demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. 17. Par ailleurs, Mme A... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. L'avocat de Mme A... n'a pas demandé que lui soit versée par la commune de Louviers la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si celle-ci n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de Mme A... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la commune de Louviers est rejetée. Article 2 : La commune de Louviers est condamnée à verser la somme de 21 729,28 euros à Mme A... en réparation des pertes de revenus subies du 22 février 2016 au 31 décembre 2018. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 6 juillet 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Louviers, à Mme B... A... et à Me Levesques. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-Lebacq La présidente de chambre, Signé : M.-P. Viard La greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 22DA01854
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 07/11/2023, 21BX03738, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une première requête, M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du maire de Tarbes du 3 avril 2019, en tant qu'il l'a déclaré inapte totalement et définitivement à toutes fonctions à compter du 2 avril 2019, d'annuler la note du 3 avril 2019 par laquelle cette même autorité l'a placé en disponibilité d'office pour raisons de santé du 2 octobre 2018 au 1er avril 2019, l'a déclaré inapte totalement et définitivement à toutes fonctions à compter du 2 avril 2019, l'a informé de sa mise en retraite pour invalidité à compter de cette même date, et a refusé de reconnaître sa pathologie imputable au service et d'annuler la décision par laquelle cette même autorité a implicitement rejeté son recours gracieux formé contre l'arrêté du 3 avril 2019 et la note du 3 avril 2019. Par une deuxième requête M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2019 par lequel le maire de Tarbes l'a placé d'office à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 10 octobre 2019 et l'a radié des cadres à la même date, d'enjoindre au maire de Tarbes de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 2 octobre 2015, et de le réintégrer au sein des cadres de la collectivité et de le placer en congé de longue maladie à compter du 1er octobre 2019, date de fin de sa mise en disponibilité, jusqu'à la date de consolidation de son état de santé. Par une troisième requête, M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du maire de Tarbes du 16 mars 2020 en tant qu'il refuse de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie professionnelle déclarée le 2 octobre 2015 d'annuler la note du 16 mars 2020 par laquelle cette même autorité l'a informé, d'une part, de l'avis rendu par la commission de réforme le 12 mars 2020, d'autre part, de ce qu'un nouvel arrêté décidant de la non-imputabilité au service de sa maladie lui serait prochainement adressé et d'enjoindre au maire de Tarbes de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il est atteint, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à venir et d'en tirer les conséquences légales. Par un jugement n°s 1902144, 2000567, 2000968 du 15 juin 2021, le tribunal, après avoir joint les trois requêtes, a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la note du maire de Tarbes du 3 avril 2019 en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. G..., a annulé l'arrêté du maire de Tarbes du 18 avril 2019 et celui du 16 mars 2020 en tant qu'il porte refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de M. G..., a enjoint au maire de Tarbes de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie de M. G... et de réexaminer la situation de l'intéressé concernant ses droits à la retraite et a rejeté le surplus de ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 septembre 2021, le 8 décembre 2022 et le 16 mai 2023, la commune de Tarbes, représentée par le cabinet HMS Atlantique Avocats, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 15 juin 2021 précité en tant qu'il a partiellement fait droit aux demandes de M. G... ; 2°) de rejeter l'ensemble des demandes de l'intéressé ; 3°) de mettre à la charge de M. G... une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : Sur la régularité du jugement : - le jugement est insuffisamment motivé concernant l'injonction qui lui est faite de prendre une décision de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'affectation mentale de l'intéressé ; - le tribunal a prononcé une injonction après avoir reconnu l'imputabilité au service de la pathologie de ce dernier sans rechercher sa part de responsabilité liée à son attitude, commettant ainsi une erreur de droit ; Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne l'arrêté du 18 septembre 2019 : - le tribunal a retenu à tort le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière tenant à la composition de la commission de réforme dès lors que l'absence d'un médecin expert n'était pas en l'espèce manifestement nécessaire ; - c'est sans erreur d'appréciation que l'arrêté précité refuse de reconnaître l'imputabilité au service de l'affection mentale dont souffre l'intéressé qui résulte de son incapacité à s'adapter à une situation nouvelle et à un évènement familial douloureux ; En ce qui concerne l'arrêté du 16 mars 2020 : - le tribunal a retenu à tort le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'affection mentale dont souffre l'intéressé qui résulte de son incapacité à s'adapter à une situation nouvelle et à un évènement familial douloureux ; Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 et 24 novembre 2021 et le 1er mai 2023, M. C... G... représenté par Me Antich conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Tarbes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 3 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, ont été entendus : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de M. Duplan, rapporteur public, - et les observations de Me Cazcarra représentant la commune de Tarbes et de Me Davous, substituant Me Antich, représentant M. G.... Considérant ce qui suit : 1. M. C... G..., adjoint technique dans les services de la commune de Tarbes depuis 2004, a été placé en congé de maladie ordinaire pour dépression à compter du 2 octobre 2015. Le 28 juin 2017, il a sollicité la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie. Cette demande a été rejetée par un arrêté du maire de Tarbes du 7 décembre 2017, lequel a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Pau du 15 février 2019, devenu définitif. 2. Par arrêté du 3 avril 2019, le maire de Tarbes a de nouveau refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. G..., et par une note de service du même jour, le maire a repris cette même décision, a prolongé la mise en disponibilité d'office de l'intéressé pour raisons de santé pour la période du 2 octobre 2018 au 1er avril 2019, l'a reconnu inapte totalement et définitivement à toutes fonctions, et l'a informé de sa mise à la retraite pour invalidité. Par un jugement du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté ainsi que la note de service, en tant qu'elle a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de l'intéressé. Par un second arrêté du 3 avril 2019, le maire de Tarbes a accordé à M. G... une allocation d'invalidité temporaire au titre de la période du 2 octobre 2018 au 1er avril 2019 et l'a reconnu totalement et définitivement inapte à l'exercice de toutes fonctions à compter du 2 avril 2019. Enfin, par un arrêté du 18 septembre 2019, le maire de Tarbes a admis d'office M. G... à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er octobre 2019 et l'a radié des cadres à cette même date. 3. A la suite du jugement du tribunal administratif de Pau du 19 décembre 2019, devenu définitif, le maire de Tarbes a, par une note du 16 mars 2020, informé le requérant de l'avis défavorable émis par la commission de réforme le 12 mars 2020 sur l'imputabilité au service de sa pathologie et qu'il prendrait un arrêté en ce sens. Par un arrêté du 16 mars 2020, le maire de Tarbes a, d'une part, retiré l'arrêté du 3 avril 2019, annulé par le Tribunal, d'autre part, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. G.... Ce dernier a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation du second arrêté du 3 avril 2019 en tant qu'il le déclare inapte totalement et définitivement à exercer toutes fonctions à compter du 2 avril 2019, de la note du 3 avril 2019, de la décision par laquelle le maire de Tarbes a implicitement rejeté son recours gracieux formé le 7 juin 2019, de l'arrêté du 18 septembre 2019, de l'arrêté du 16 mars 2020 en tant qu'il réitère le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et de la note du même jour. 4. Par un jugement du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Pau a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la note du maire de Tarbes du 3 avril 2019 en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. G..., a annulé l'arrêté du maire de Tarbes du 18 avril 2019 et celui de cette même autorité du 16 mars 2020 en tant qu'il porte refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de M. G..., a enjoint au maire de Tarbes de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie de M. G... et de réexaminer la situation de M. G... sur ses droits à la retraite et a rejeté le surplus de ses demandes. La commune de Tarbes relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit partiellement aux demandes de M. G.... Sur la régularité du jugement : 5. En premier lieu, le jugement attaqué énonce au point 32 qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté du 16 mars 2020, il y a lieu d'enjoindre à la commune de Tarbes de prendre une décision de reconnaissance de la maladie de M. G..., déclarée le 2 octobre 2015, comme imputable au service. Le motif d'annulation de l'arrêté du 16 mars 2020, figurant aux points 24 à 26 du jugement attaqué, étant précis et circonstancié, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé s'agissant de l'injonction ainsi prononcée doit être écarté. 6. En second lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Pau a commis une erreur de droit tenant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'affection mentale de M. G..., sans avoir préalablement rechercher si l'attitude de l'intéressé avait pu contribuer à la dégradation de ses conditions de travail, relève du bien-fondé du jugement et ne peut, par suite, l'entacher d'irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne le motif d'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2019 portant admission d'office à la retraite pour invalidité non imputable au service : 7. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, (...) et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes de l'article L. 31 du même code : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. (...) ". 8. Aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". En vertu des dispositions de l'article 3 du même arrêté, la commission de réforme comprend " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes [...] ". 9. Il résulte des dispositions précitées que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée est nécessaire pour éclairer l'examen du cas du fonctionnaire, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée. 10. L'arrêté du 18 septembre 2019 en litige a été pris au vu de l'avis de la commission de réforme réunie lors de sa séance du 28 mars 2019. Il ressort des pièces du dossier que, lors de cette séance, la commission de réforme ne s'est pas adjointe de médecin psychiatre et s'est prononcée au vu notamment des rapports d'expertise des 20 septembre 2017 et du 5 mars 2019 établis par le docteur F..., médecin expert en psychiatrie. Or, d'une part, et ainsi qu'il résulte des jugements du tribunal administratif de Pau des 15 février 2019 et 19 décembre 2019, devenus définitifs, la situation médicale de M. G... depuis 2015 n'a pas donné lieu à une position claire par les différents praticiens qui l'ont examiné et en raison de la complexité de son affection et des conditions de sa survenance, la présence d'un expert au sein de la commission afin de déterminer si sa maladie mentale était imputable au service s'avérait nécessaire. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le rapport d'expertise du docteur F... ne se prononce pas, comme il lui était demandé conformément aux dispositions de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires, sur l'invalidité de M. G..., au motif, selon le docteur F..., qu'un médecin conseil généraliste de la caisse de la sécurité sociale s'était déjà prononcé sur ce point. 11. Par suite la commune de Tarbes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a accueilli le moyen tiré d'un vice de procédure résultant de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme et a, pour ce motif, annulé l'arrêté du 18 septembre 2019 en litige. En ce qui concerne l'arrêté du 16 mars 2020 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de l'intéressé : 12. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable au litige: " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ". 13. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 14. Pour annuler l'arrêté du 16 mars 2020 en litige, le tribunal a considéré que l'affection mentale dont souffre M. G... est en lien direct avec son activité professionnelle et doit dès lors être reconnue comme une maladie imputable au service. 15. La commune de Tarbes fait toutefois valoir que si la dépression dont souffre l'intéressé a pour origine son changement de poste, les modifications de ses tâches ont été décidées dans le cadre d'une réorganisation générale du service mise en œuvre après la mise en examen du maire alors en fonctions et de certains personnels de la mairie, sans lien avec la manière de servir de l'intéressé, ni volonté de lui nuire et qu' une telle mesure s'inscrit dans le pouvoir d'organisation normal de l'autorité hiérarchique, qui ne saurait être à l'origine de sa maladie. 16. Il ressort des pièces du dossier qu'en 2015 le maire de Tarbes ainsi que certains agents de la commune ont fait l'objet de mises en examen et qu'une réorganisation du service a alors été décidée. Dans ce cadre, en juillet 2015, M. G..., qui exerçait depuis plusieurs années ses fonctions au service technique et donnait entière satisfaction, a été affecté, sans avoir été entendu, ni prévenu en amont, à un poste de gestionnaire du domaine public. A cette occasion, une partie de ses attributions, notamment la préparation des réunions de quartiers et le soutien en matière de gestion des dommages aux biens et des relations avec les compagnies d'assurances, a été transféré à d'autres services, sans qu'il ait pu bénéficier de la formation qu'il sollicitait lui donnant un sentiment, relevé par les expertises médicales, de " mise au placard ", alors qu'il donnait jusqu'ici entière satisfaction depuis de nombreuses années. 17. Il ressort en outre des différentes expertises médicales réalisées entre 2016 et 2019 que M. G... a subi un choc émotionnel en raison des mises en examen de certains personnels de la mairie. Les rapports établis par le docteur E... le 3 novembre 2016, par le docteur F... le 5 mars 2019, et par le docteur B... le 11 juillet 2018, tous trois psychiatres, s'accordent ainsi pour estimer que l'intéressé, qui n'a aucun antécédent psychiatrique, a souffert de troubles anxio-dépressifs réactionnels à partir de l'été 2015, évoluant en trouble dépressif majeur à compter du mois d'octobre de la même année, soit antérieurement au décès de son père intervenu en novembre 2015. Si l'expertise du docteur E... mentionne l'existence d'une fragilité de l'intéressé au sens névrotique, elle ne conclut nullement que la dépression dont il souffre trouverait son origine dans sa personnalité, ni dans la survenance du décès de son père la même année, quand bien même ces éléments ont pu participer à l'aggravation de son état de santé. De même, si l'expertise réalisée en septembre 2017 par le docteur F..., expert psychiatre, mentionne que l'intéressé a une personnalité " psychorigide ", il ne fait état d'aucune pathologie mentale préexistante à son changement d'affectation, ni d'un comportement inadapté au travail avant ou après la réorganisation du service. Au contraire, il ressort des pièces du dossier qu'il donnait entièrement satisfaction et avait déjà eu l'occasion de changer plusieurs fois de poste sans avoir eu de problèmes d'adaptation. En outre, le docteur A..., médecin du travail, indique dans un courrier du 31 août 2017 que l'état de dégradation de la santé de M. G... est directement lié à son changement de situation professionnelle. De même, le rapport du docteur B..., psychiatre, du 11 juillet 2018 précité constate la persistance du symptôme relevant d'un état de stress post traumatique et recommande que les arrêts de travail depuis la date d'origine de la maladie soient pris en charge au titre de l'imputabilité au service. 18. Enfin, aucune pièce du dossier ne permet d'estimer qu'un fait personnel du requérant ou toute autre circonstance particulière tenant notamment à son état antérieur ou à une prédisposition psychologique serait de nature à détacher sa pathologie du service. Dans ces conditions, et quand bien même aucune volonté de l'administration de nuire à l'agent n'est démontrée, il apparaît qu'il existe un lien direct entre les conditions de travail de M. G... à compter de l'été 2015 et la dépression pour laquelle il a été placé en arrêt de maladie à de nombreuses reprises à compter d'octobre 2015. En conséquence, en dépit de l'avis défavorable rendu le 12 mars 2020 par la commission de réforme, la pathologie dont souffre M. G... doit être regardée comme imputable au service. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Pau a accueilli le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 16 janvier 1984 et a annulé, pour ce motif, l'arrêté du 16 mars 2020 en litige et a enjoint, compte tenu des éléments du dossier, à la commune de Tarbes de reconnaître l'imputabilité au service de l'affection dont est atteint l'intéressé. 19. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Tarbes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 18 septembre 2019 et l'arrêté du 16 mars 2020 en litige. Sur les frais de l'instance : 20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. G..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de Tarbes une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Tarbes une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. G... au même titre. DECIDE : Article 1er : La requête de la commune de Tarbes est rejetée. Article 2 : La commune de Tarbes versera à M. G... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tarbes et à M. C... G.... Délibéré après l'audience du 9 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, Mme Caroline Gaillard, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. La rapporteure, Caroline D... La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties p=rivées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 21BX03738 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 07/11/2023, 22BX01368, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... B..., Mme A... B..., M. C... B..., M. D... B... et Mme A... B..., cette dernière agissant en qualité de représente légale de ses trois filles mineures, ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune d'Arcachon, d'une part, à leur verser la somme de 39 416 euros en réparation des préjudices subis par M. F... B..., d'autre part, à verser à Mme E... B..., veuve de M. F... B..., la somme de 164 680,04 euros à titre de dommages et intérêts, enfin, à verser à chacun des trois enfants de M. B... la somme de 30 000 euros ainsi que la somme de 10 000 euros à chacune de ses petites filles à titre de dommages et intérêts. Par un jugement n° 2002223 du 16 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 mai 2022, 23 janvier 2023 et 20 avril 2023, Mme E... B..., Mme A... B..., M. C... B..., M. D... B... et Mme A... B... agissant en qualité de représente légale de ses trois filles mineures, représentés par Me Noël, demandent à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 mars 2022 ; 2°) de désigner un expert chargé de prendre connaissance du dossier médical de M. F... B..., de dire si sa maladie et son décès sont imputables au service, si la commune d'Arcachon a pris toutes les mesures de sécurité pour prévenir le risque de survenance de la maladie dont l'intéressé a été victime ; 3°) de condamner la commune d'Arcachon à leur verser la somme totale de 39 416 euros en réparation des préjudices subis par M. F... B..., assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, date de réception de leur réclamation indemnitaire préalable, avec capitalisation ; 4°) de condamner la commune d'Arcachon à verser Mme E... B... la somme totale de 164 680,04 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite du décès de son époux, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, avec capitalisation ; 5°) de condamner la commune d'Arcachon à verser à chacun des trois enfants de M. B... la somme de 30 000 euros en réparation de leur préjudice d'affection, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, avec capitalisation ; 6°) de condamner la commune d'Arcachon à verser la somme de 10 000 euros à chacune des petites-filles de M. B..., assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, avec capitalisation ; 7°) de mettre à la charge de la commune d'Arcachon une somme de 1 500 euros à verser à Me Noël sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 8°) de mettre à la charge de la commune d'Arcachon une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... B... et M. C... B..., chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - M. B..., agent de la commune depuis 1975, s'est vu diagnostiqué en 2015 " un carcinome non à petites cellules paratrachéal droit ", cette maladie étant référencée au tableau des maladies professionnelles et qui a été reconnue imputable au service à compter du 2 octobre 2015, M. B... étant décédé le 18 juillet 2016 ; par suite, le tribunal a commis une erreur de fait en jugeant que les arrêtés du maire des 23 mai et 25 octobre 2016, reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie de M. B... et de son décès, ont été abrogés, alors que ces décisions sont devenues définitives et ont créé des droits acquis à leur profit ; - les premiers juges ont retenu à tort que la maladie dont était atteint M. B... était imputable à son tabagisme et que les travaux effectués par ce dernier n'entraient pas dans la liste limitative des travaux définis par le tableau 16 bis des maladies professionnelles et ont méconnu les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, qui prévoient que si la condition tenant à la liste limitative des travaux n'est pas remplie, la maladie désignée au tableau des maladies professionnelles peut être reconnue imputable au service quand l'agent ou ses ayants-droits établissent qu'elle est directement causée par les fonctions ; - le tribunal, qui a fondé son appréciation sur le rapport d'expertise d'un médecin généraliste sans tenir compte de l'avis d'autres médecins spécialistes de pathologies professionnelles, ne pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation juger, qu'il n'y avait pas de lien direct et certain entre la maladie de M. B... et son exposition pendant plus de dix ans aux goudrons de houille et de silice ; - cette situation engage la responsabilité pour faute de la commune qui a manqué à son obligation d'assurer la sécurité de ses agents, laquelle découle de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique alors que les risques liés à l'exposition aux goudrons de houille sont connus depuis au moins 1972 et que la commune n'a pas justifié avoir mis en place des équipements de protection individuelle pour prévenir l'exposition aux goudrons de houille ; - ils ont droit à être indemnisés de l'ensemble des préjudices qui découlent de la maladie et du décès de M. B... qui a connu un déficit fonctionnel temporaire, a enduré des souffrances et subi un préjudice moral, un préjudice d'agrément, un préjudice esthétique et un préjudice sexuel à hauteur d'une somme totale de 39 416 euros ; - Mme E... B..., sa veuve, subit un préjudice économique, un préjudice d'affection, des troubles dans ses conditions d'existence et a assumé des frais d'obsèques et a droit à la somme totale de 164 680,04 euros ; - les enfants de M. B... ont subi un préjudice d'affection qui sera évalué à 30 000 euros chacun et à 10 000 euros pour chacun des petits-enfants de M. B.... Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2023, la commune d'Arcachon, représentée par la SARL Boissy Avocats Associés, agissant par Me Boissy, conclut : 1°) à titre principal, au rejet de la requête ; 2°) à titre subsidiaire, à la limitation des indemnités demandées par les requérants en réparation de leurs préjudices. Elle soutient que les moyens doivent être écartés comme infondés. Le 3 octobre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le jugement attaqué est irrégulier pour avoir omis d'appeler à la cause la caisse primaire d'assurance maladie dont relevait F... B... en vue de lui permettre, le cas échéant, d'obtenir le remboursement de ses débours. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 29 septembre 2022, Mme E... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 10 novembre 2022, M. D... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 916647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Faïck, - les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public, - et les observations de Me Latour représentant les consorts B... et de Me Dubois, substituant Me Boissy, représentant la commune d'Arcachon. Considérant ce qui suit : 1. M. F... B..., fonctionnaire territorial né le 4 mai 1956, a été employé par la commune d'Arcachon, comme agent technique de voirie entre 1975 et 1988, puis comme agent technique aux espaces verts de 1988 à 2015. Après qu'un cancer des poumons lui eut été diagnostiqué le 2 octobre 2015, M. B... est décédé de cette maladie le 18 juillet 2016. Par une décision du 21 juin 2017, la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a refusé d'accorder à Mme E... B..., veuve de M. B..., le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité au motif que le lien direct et certain entre la maladie et l'exercice des fonctions n'était pas établi. La requête de Mme B... dirigée contre cette décision a été rejetée par un jugement du 23 février 2021 devenu définitif. A la demande de Mme E... B... et de ses trois enfants, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, a, par une ordonnance du 17 avril 2018, ordonné une expertise en vue d'examiner le dossier médical de M. B... et de déterminer si sa maladie et son décès sont en lien avec ses fonctions exercées comme agent de voirie. Après le dépôt du rapport d'expertise en mai 2019, Mme B... et ses enfants ont, le 30 janvier 2020, adressé une demande préalable d'indemnisation à la commune d'Arcachon qui a été implicitement rejetée. Mme B..., ses enfants et petits-enfants ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation de la commune d'Arcachon à les indemniser de leurs préjudices résultant de la maladie et du décès de leur époux, père et grand-père. Ils relèvent appel du jugement rendu le 16 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement (...). 3. Il appartient au juge administratif qui dirige l'instruction d'assurer, en tout état de la procédure, le respect des dispositions précitées. Ainsi, le tribunal administratif, saisi par la victime ou ses ayants droit d'une demande tendant à la réparation du dommage corporel par l'auteur de l'accident, doit appeler en la cause la caisse. La méconnaissance de cette obligation entache le jugement d'une irrégularité que le juge d'appel doit, au besoin, relever d'office. 4. Si Mme B... s'est vu refuser le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité, les consorts B... conservent le droit de demander à la commune d'Arcachon la réparation de leurs préjudices. Par suite, il appartenait au tribunal administratif de Bordeaux d'appeler dans la cause la caisse de sécurité sociale à laquelle M. B... était affilié. En s'abstenant d'y procéder, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées en première instance par les consorts B.... Sur la responsabilité de la commune d'Arcachon : 5. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales du II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984, les articles 1er et 2 du décret du 2 mai 2005, relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale, ainsi que les article 37, 40 et 42 du décret du 26 décembre 2003, relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. 6. Ces dispositions ne font en revanche obstacle, ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne, ces actions pouvant être présentées par ses ayants droit. 7. Ainsi qu'il a été dit, M. F... B... a travaillé pour la commune d'Arcachon comme agent technique de voirie entre 1975 et 1988, période durant laquelle il a pu être exposé aux goudrons de houille et à la silice. Il résulte de l'instruction que, après avis favorable de la commission de réforme, sa maladie a été reconnue imputable au service par une décision du maire prise le 23 mai 2016. Son décès, survenu le 18 juillet suivant, a également été reconnu imputable au service par une décision du 25 octobre 2016 faisant suite à un avis favorable de la commission de réforme. Par une décision du 21 juin 2017, la CNRACL a toutefois refusé d'accorder à Mme E... B..., veuve de M. B..., le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité au motif que l'existence d'un lien direct entre la maladie et l'exercice des fonctions n'était pas établi. L'expert désigné par le juge des référés du tribunal a également estimé, dans son rapport remis en mai 2019, qu'il n'existait pas de lien direct entre les conditions de travail de M. B... et son décès. 8. En premier lieu, si les décisions précitées du 23 mai 2016 et du 25 octobre 2016 ont créé des droits au profit de M. B... et de ses ayants droit, les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'ils tirent des décisions des 23 mai et 25 octobre 2016 un droit acquis à être indemnisés de leurs préjudices découlant du décès de M. B.... 9. En second lieu, selon le certificat médical rédigé le 11 janvier 2016 par le médecin chef du service de médecine du travail et des pathologies professionnelles du centre hospitalier universitaire de Bordeaux, le cancer des poumons dont a été victime M. B... est " en rapport avec une exposition professionnelle aux goudrons de houille et silice ". Pour justifier cette conclusion, l'auteur de ce certificat se réfère au tableau 16 bis des maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale annexé à l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Toutefois, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau n'ont été rendues applicables aux agents de la fonction publique territoriale que le 13 avril 2019, date d'entrée en vigueur du décret du 1er avril 2019 visé ci-dessus, soit après le décès de M. B..... Au surplus, il résulte de l'instruction que les tâches effectuées par M. B... comme agent de voirie n'entraient pas dans la liste, limitative, des travaux définis par le tableau 16 bis comme étant susceptibles de provoquer un cancer broncho-pulmonaire primitif présumé d'origine professionnelle. Dans ces conditions, il appartient aux appelants d'établir que la maladie dont a souffert M. B... présente un lien direct avec les conditions dans lesquelles ce dernier a exercé ses fonctions d'agent de voirie, de nature à susciter le développement de sa maladie, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 10. Le certificat médical du 17 août 2016 que produisent les requérants se borne à affirmer que le décès de M. B... est la conséquence de sa maladie professionnelle sans que cette conclusion soit précédée d'une quelconque démonstration. L'autre certificat daté du 2 mars 2017 adopte la même conclusion, en se fondant uniquement sur le certificat médical précité du 11 janvier 2016 qui retient à tort que M. B... aurait accompli des travaux relevant du tableau 16 bis des maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale. 11. Il est constant, comme cela a été rappelé par l'expert judiciaire, que M. B... présentait de forts antécédents de tabagisme, ayant fumé pendant 30 ans, jusqu'à l'annonce de sa maladie, l'équivalent d'un paquet de cigarettes par jour. Selon le rapport d'expertise, non seulement le tabagisme est le premier facteur du cancer du poumon, dont il provoque la survenance dans neuf cas sur dix pour les patients de sexe masculin, mais sa durée est un facteur plus important encore que la quantité fumée dans la réalisation du risque. Toutefois, l'expert n'a pas omis d'étudier si les travaux de voirie auxquels M. B... a participé entre 1975 et 1988 ont contribué à la survenance de sa maladie, l'exposition aux goudrons de houilles pouvant se combiner avec le tabagisme pour favoriser une telle maladie. Ainsi, s'il résulte, certes, de l'instruction qu'à l'occasion de certaines tâches qu'il a été amené à effectuer, M. B... a pu être exposé aux goudrons de houille et de silice, les requérants n'apportent pas, en appel comme en première instance, d'éléments permettant d'apprécier les circonstances exactes et la fréquence de l'exposition de l'intéressé à ces substances, alors que l'expert souligne, en particulier, qu'aucune anomalie médicale n'a été relevée chez M. B... après qu'il eut cessé, en 1988, ses fonctions comme agent technique de voirie. 12. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'expertise repose sur une argumentation suffisamment étayée, et se réfère à une bibliographie médicale citée en annexe relative au type de cancer dont a souffert M. B.... Pour contester les conclusions de l'expert judiciaire, les requérants produisent en appel une " note médico-légale " du 7 septembre 2022 regrettant que l'avis de spécialistes consultés par l'expert judiciaire n'ait pas été retranscrit dans le rapport, et que le tableau 16 bis des maladies professionnelles n'ait pas servi de référence. Toutefois ces seuls éléments, alors que les travaux accomplis par M. B... n'étaient en tout état de cause pas au nombre de ceux visés au tableau précité, ne sont pas suffisants pour remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire. De même, l'auteur de la note du 7 septembre 2022 se borne à relever que le lien entre la maladie de M. B... et son tabagisme n'est pas nécessairement exclusif, sans apporter d'éléments de nature à établir que les conditions dans lesquelles l'intéressé a exercé ses fonctions d'agent de voirie auraient pu être la cause, qui n'a certes pas à être exclusive, mais qui doit être directe, de sa maladie et de son décès. 13. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, les consorts B... ne sont pas fondés à demander la condamnation de la commune d'Arcachon à réparer les préjudices qu'ils allèguent. 14. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. Sur les frais d'instance : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions des consorts B... tendant à ce que la commune d'Arcachon qui n'est pas la partie perdante à l'instance, leur verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE Article 1er : Le jugement n° 2202223 du tribunal administratif de Bordeaux du 16 mars 2022 est annulé. Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel des consorts B... sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., à Mme A... B..., à M. C... B..., à M. D... B..., à la commune d'Arcachon, et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde. Délibéré après l'audience du 9 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président-assesseur, Mme Caroline Gaillard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023. Le rapporteur, Frédéric Faïck La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine Jussy La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 22BX01368 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 22DA01658, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le président du conseil régional des Hauts-de-France a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service et de condamner la région Hauts-de-France à l'indemniser de ses préjudices. Par un jugement n° 2100531 du 2 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2022 et le 24 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Fillieux, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2022 ; 2°) de désigner un expert afin de se prononcer sur sa situation médicale et l'origine de sa pathologie ; 3°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le président du conseil régional des Hauts-de-France a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service ; 4°) d'enjoindre à la région Hauts-de-France de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de la région Hauts-de-France une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision contestée est entachée d'incompétence ; - il n'a pas été informé de la possibilité de se faire assister par un médecin dans les conditions prévues par l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 et a ainsi été privé d'une garantie ; - la commission de réforme a omis de se prononcer sur son taux d'incapacité, en méconnaissance de l'article 37-8 du décret du 30 juillet 1987 ; - la commission ne pouvait se prononcer sur sa situation alors que son état n'était pas consolidé ; - il devait être placé en congé d'invalidité temporaire imputable au service de façon provisoire, dans l'attente de sa consolidation ; - son état préexistant ne fait pas obstacle à la reconnaissance d'une maladie professionnelle dès lors que cet état n'aurait pas suffi à le mettre dans l'incapacité d'exercer ses fonctions et que l'aggravation de sa pathologie présente un lien direct avec ses conditions de travail ; - sa pathologie doit être reconnue comme imputable au service en application du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 dès lors qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions, qu'elle a entraîné une incapacité permanente de 25 % et qu'elle ne résulte pas de son comportement mais de ses conditions de travail ; - il a droit au bénéfice d'un congé d'invalidité temporaire imputable au service à compter du 29 juin 2020. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, la région Hauts-de-France, représentée par Me Genies, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la circonstance que la convocation à la commission de réforme omette de préciser la possibilité de se faire assister d'un médecin n'a pas privé le requérant d'une garantie ; - la pathologie du requérant n'est pas imputable au service, eu égard à son état antérieur ; - cette pathologie trouve son origine déterminante dans le comportement du requérant, de telle sorte qu'elle doit être détachée du service. La région Hauts-de-France a présenté le 12 octobre 2023 un mémoire qui n'a pas été communiqué. Par une ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2023, à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Dantec, représentant M. B..., et de Me Genies, représentant la région Hauts-de-France. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjoint administratif territorial de la région Hauts-de-France, est affecté à la direction du patrimoine immobilier, sur le site du service de gestion foncière et immobilière implanté à Amiens. Placé en congé de maladie depuis le 29 juin 2020, il a présenté une demande d'imputabilité de sa maladie au service, qui a été rejetée par un arrêté du président du conseil régional des Hauts-de-France du 24 décembre 2020. Par un jugement du 2 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020. M. B... relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, par un arrêté du 4 mars 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la région, le président du conseil régional des Hauts-de-France a donné délégation à Mme C..., responsable du département de la gestion du personnel, pour signer, notamment, les actes de gestion se rapportant aux accidents de service et aux maladies professionnelles. Mme C... avait donc compétence pour signer, le 24 décembre 2020, l'arrêté refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. B.... Par suite, le moyen tiré d'une prétendue incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 14 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission de réforme convoque les membres titulaires et l'agent concerné au moins quinze jours avant la date de la réunion. / La convocation mentionne la liste des dossiers à examiner, les références de la collectivité ou de l'établissement employeur, l'objet de la demande d'avis (...) ". Aux termes de l'article 16 du même arrêté : " (...) Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". 4. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 27 novembre 2020, M. B... a été convoqué à la séance de la commission de réforme prévue le 14 décembre suivant et a été informé, par ce même courrier, de la possibilité de se faire entendre par la commission et d'y être assisté, sans autre précision. L'appelant soutient que, dûment informé de la possibilité de se faire assister d'un médecin de son choix ou par un conseiller, il aurait privilégié la première option dès lors que l'assistance par un médecin devant la commission de réforme est plus appropriée que celle apportée par un représentant du personnel. Toutefois, en informant M. B... de la possibilité d'être assisté devant la commission de réforme, le courrier du 27 novembre 2020 l'a mis à même de solliciter le concours de toute personne de son choix, dont un médecin. En outre, il ressort des pièces du dossier que le requérant ne s'est pas rendu à la séance du 14 décembre 2020, que deux représentants du personnel y ont assisté à sa demande pour le défendre et que la commission a disposé du rapport d'expertise établi par un médecin psychiatre l'ayant examiné et a ainsi été suffisamment éclairée sur sa situation médicale. Dans ces conditions, la circonstance que le courrier du 27 novembre 2020 omette de préciser la possibilité d'être assisté par un médecin n'a privé l'intéressé d'aucune garantie et n'a pas eu d'incidence sur le sens de l'arrêté contesté. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif (...) / IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 37-8 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Le taux d'incapacité permanente servant de seuil pour l'application du troisième alinéa du même IV est celui prévu à l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale. / Ce taux correspond à l'incapacité que la maladie est susceptible d'entraîner. Il est déterminé par la commission de réforme compte tenu du barème indicatif d'invalidité annexé au décret pris en application du quatrième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ". 6. Il n'est pas contesté que le syndrome anxiodépressif dont souffre M. B... ne relève pas des tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, il résulte des dispositions précitées du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 que la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles est subordonnée à la réalisation de deux conditions cumulatives, tenant, d'une part, à ce que la pathologie présente un lien essentiel et direct avec l'exercice des fonctions et, d'autre part, à ce qu'elle entraîne une incapacité correspondant à un taux déterminé. Il ressort des pièces du dossier que, le 14 décembre 2020, la commission de réforme a rendu un avis défavorable sur la demande d'imputabilité de M. B... au motif que son état antérieur ne permet pas de rattacher de manière exclusive, directe et certaine sa pathologie aux missions exercées. La commission a donc estimé que la maladie de M. B... n'a pas de lien essentiel et direct avec l'exercice de ses fonctions et que la première condition prévue pour la reconnaissance d'une imputabilité au service n'est pas remplie. Elle n'avait donc pas à se prononcer sur la seconde condition prévue par le IV de l'article 21 bis se rapportant au taux d'incapacité résultant de la pathologie. Pour les mêmes raisons, et contrairement à ce que soutient le requérant, la commission n'était pas tenue d'attendre la consolidation de son état de santé pour se prononcer sur cette incapacité. Le moyen tiré d'un vice de procédure sur ce point ne peut qu'être écarté. 7. En quatrième lieu, pour l'application des dispositions du troisième alinéa du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, citées au point 5, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 8. M. B... soutient que sa situation professionnelle s'est dégradée à compter de l'année 2018 avec l'arrivée d'un nouveau directeur et une réorganisation du service lui faisant craindre de devoir changer de poste. Estimant avoir fait l'objet de reproches injustifiés et de divers agissements dénigrants et humiliants, il indique avoir fait l'objet d'accusations infondées en mars 2020 qui ont conduit à sa suspension à titre provisoire puis à son exclusion temporaire pour une durée de trois mois à titre disciplinaire. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du médecin psychiatre du 1er octobre 2020, que si M. B... présente une personnalité anxieuse obsessionnelle ancienne, son incapacité de travail résulte d'un syndrome dépressif d'intensité sévère apparu après qu'il a été suspendu de ses fonctions le 13 mars 2020 puis sanctionné le 16 juillet suivant. Si le rapport du médecin psychiatre évoque un trouble thymique antérieur, il est précisé que ce trouble a cessé en 1992. Il n'est donc pas établi que l'état antérieur de l'intéressé aurait déterminé à lui seul son incapacité professionnelle, alors que le médecin psychiatre comme le médecin de prévention ont conclu à une origine professionnelle de son syndrome dépressif. Dans les circonstances de l'espèce, et en l'absence de tout élément de sa vie personnelle pouvant expliquer la symptomatologie de M. B... à compter de l'année 2020, les difficultés tenant à sa situation professionnelle depuis cette date ont pu se trouver à l'origine d'une souffrance au travail dont a résulté sa pathologie dépressive. 9. Toutefois, s'il est vrai que pour suspendre M. B... à titre provisoire le 13 mars 2020, l'administration lui a reproché d'avoir, le 10 mars précédent, fait une proposition sexuelle à une collègue, ce que celle-ci a démenti, il ressort des pièces du dossier qu'il a eu à son égard un geste et des propos à connotation sexuelle, inappropriés dans le cadre du service. Par ailleurs, le comportement au travail de M. B... se caractérise depuis plusieurs années par un manque de tempérance, puisqu'il impose sa présence de façon intrusive dans les bureaux de ses collègues, en alternant périodes de tension et périodes d'accalmie, et que l'intéressé se trouve à l'origine d'une dégradation des conditions de travail au sein du service. Outre un comportement inadapté dans les relations avec ses collègues, sa hiérarchie et les partenaires institutionnels de la région, l'administration a retenu le geste et les propos inappropriés du 10 mars 2020 pour engager une procédure disciplinaire contre M. B..., conduisant à une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois, dont il n'est pas démontré qu'elle serait entachée d'inexactitude matérielle ou serait disproportionnée. Le requérant ne démontre ni qu'il ferait l'objet de reproches infondés dans la réalisation de ses missions, ni que celles-ci seraient contrôlées par un agent dépourvu d'autorité hiérarchique, ni encore que ses évaluations auraient subi une baisse injustifiée ou que l'administration se refuserait à appliquer les restrictions médicales le concernant. Il résulte de ce qui précède que le comportement de M. B... dans le cadre professionnel, qui a justifié l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre le 20 avril 2020, lequel a été suivi d'un arrêt de travail à compter du 29 juin suivant, doit être regardé comme étant la cause déterminante de la dégradation de ses conditions de travail à la région Hauts-de-France. Un tel comportement est constitutif d'un fait personnel de l'agent de nature à détacher la maladie du service. 10. En dernier lieu, M. B... ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'il présente une incapacité de 25 % dès lors que sa pathologie ne présente pas de lien essentiel et direct avec le service. La circonstance qu'il aurait dû bénéficier d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire pendant l'instruction de sa demande est également sans influence sur la légalité de la décision contestée. 11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Hauts-de-France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme dont la région Hauts-de-France demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la région Hauts-de-France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la région Hauts-de-France. Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - Mme Dominique Bureau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, La greffière N. Roméro 2 N° 22DA01658
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de PARIS, 6ème chambre, 07/11/2023, 22PA03548, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 mai 2019 par laquelle le chef du département de la gestion collective de la direction générale de l'aviation civile du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a rejeté sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle et d'enjoindre à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Par un jugement n° 1915028/5-3 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 29 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Bost, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ; 3°) d'enjoindre à la direction générale de l'aviation civile de prendre une décision d'imputabilité au service de sa maladie ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision du 3 mai 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie, dont il est atteint, est entachée d'une erreur d'appréciation ; - cette pathologie est en lien direct avec ses conditions de travail, dans le cadre desquelles il a été victime de discrimination en raison de son handicap et n'a pas bénéficié d'un aménagement de poste adapté. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, représenté par Me Abbal, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt pourrait être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de la méconnaissance, par la décision en litige, du champ d'application du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issu de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 n'étant pas encore entrées en vigueur faute d'un texte règlementaire d'application à la date à laquelle la pathologie de M. B... a été reconnue, et qu'en conséquence il y avait lieu de procéder à une substitution de base légale et d'appliquer les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. Par une ordonnance du 19 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 juillet 2023 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 t ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme d'Argenlieu, - les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique, - et les observations de Me Bost pour M. B... et de Me Hubert-Hugoud pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., technicien supérieur des études et de l'exploitation de l'aviation civile de classe normale, a été affecté du 1er octobre 2014 au 1er septembre 2019 à la sous-direction des finances au sein de la direction des services de la navigation aérienne, service rattaché à la direction générale de l'aviation civile (DGAC) du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Le 29 novembre 2018, il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service du symptôme dépressif dont il est atteint. Par une décision du 3 mai 2019, le chef du département de la gestion collective de la DGAC a rejeté sa demande. Par un jugement du 1er juin 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issues de l'ordonnance du 19 janvier 2017, était manifestement impossible en l'absence de texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. En conséquence ces dispositions, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique d'État, qui sont entrées en vigueur le lendemain de la date de publication, le 23 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique d'État, n'étaient pas encore applicables à la date à laquelle la pathologie, dont M. B... est atteint, a été reconnue, soit le 10 mars 2017. Le pouvoir d'appréciation dont bénéficie l'autorité administrative en vertu des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, ici applicable, est le même que celui dont l'investissent les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Les garanties dont sont assortis ces textes sont similaires. Dans ces conditions, et ainsi qu'en ont été informées les parties, il y a lieu de substituer les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa version applicable, à la base légale retenue par le chef du département de la gestion collective de la DGAC, dans sa décision du 3 mai 2019. 3. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, dans sa version applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / .../2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions, prévus en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ". 4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. 5. D'une part, s'agissant de ses conditions de travail à l'époque des faits, M. B... fait valoir que sa hiérarchie n'a pas procédé aux aménagements de poste, auxquels il avait droit du fait de son statut de travailleur handicapé, et a notamment refusé de supprimer une imprimante laser installée dans son bureau, alors que cela avait été préconisé, en juillet et septembre 2017, par le médecin traitant et le neurologue qui le suivent, ainsi que par l'étude de poste réalisée par la médecine de prévention, le 2 novembre 2017. Il se prévaut également de ce que sa demande de deux jours et demi de télétravail par semaine a été refusée, alors que celle d'un collègue, effectuant selon lui les mêmes missions, a été accordée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que sa hiérarchie, à la suite de l'étude de poste, a émis des recommandations collectives visant à limiter l'usage de l'imprimante, laquelle a été paramétrée de façon à réduire au maximum les bruits qu'elle générait, et que le refus opposé à la demande de travail est justifié par des contraintes liées à la sécurité et la confidentialité des missions confiées à l'intéressé. Aussi, et alors même que le Défenseur des droits a estimé insuffisante l'adaptation de ses conditions de travail à son état de santé, ces seules circonstances ne suffisent pas à établir que M. B... aurait, comme il le soutient, subi un traitement discriminatoire. 6. D'autre part, s'agissant de la pathologie dont est atteint M. B... et de son évolution, si les différents certificats médicaux versés au dossier relatent une dégradation de son état de santé avec, notamment, l'apparition de signes cliniques pouvant caractériser l'existence d'un syndrome anxio-dépressif, ces mêmes certificats, trop peu circonstanciés, ne permettent pas d'établir que cette pathologie résulterait directement des conditions de travail de l'intéressé. En revanche, dans le cadre de l'expertise réalisée le 14 novembre 2018, le psychiatre agréé a conclu à l'absence de lien direct entre l'anxiété profonde ressentie par l'intéressé et ses conditions de travail. De même, le comité médical a estimé, dans son avis du 11 janvier 2019, que M. B... était apte à exercer ses fonctions en milieu ordinaire et la commission de réforme, dans son avis du 22 mars 2019, s'est prononcée défavorablement à la reconnaissance de maladie professionnelle. Dans ces conditions, le chef du département de la gestion collective de la DGAC a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation des faits, refuser de faire droit à la demande de M. B... tendant à ce que sa pathologie soit regardée comme imputable au service. 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu également, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président-assesseur, - Mme d'Argenlieu, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. La rapporteure, L. d'ARGENLIEULa présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03548
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 21BX02568, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Réunion d'annuler la décision du 26 mars 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1901573 du 14 avril 2021, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juin 2021 et 21 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Rakotonirina, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Réunion du 14 avril 2021 ; 2°) d'annuler la décision ministérielle du 26 mars 2019 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui accorder une pension militaire d'invalidité, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt. Il soutient que : - la pathologie lombaire étant apparue après une chute le 2 février 2011 alors qu'il était en service sur un porte-avion, ainsi que cela ressort du recueil chronologique, il doit bénéficier de la présomption énoncée à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; l'infirmité qui en résulte, ainsi que l'état dépressif qui s'en est suivi, persistent ; - l'administration n'apporte aucun élément de nature à démontrer une autre origine à la dépression et aux douleurs lombaires qui ont entraîné son inaptitude au service ; le ministre ne produit pas davantage le livret médical dans son intégralité ; - le taux d'invalidité qui lui a été reconnu est de 15 %, soit un taux supérieur à celui exigé pour ouvrir un droit à pension. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 25 novembre 2022 et 3 février 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - M. A... ne peut bénéficier de la présomption de l'article L. 3 du code, dès lors que la constatation de son infirmité n'a pas été réalisée au cours de son service militaire ou d'une expédition déclarée campagne de guerre ; il doit apporter la preuve que cette infirmité résulte d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine des affections, qui ne peut pas résulter de la seule circonstance que cette infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, d'une vraisemblance ou d'une probabilité, ni des conditions générales de service ; aucun document médico-administratif ne vient corroborer ses déclarations selon lesquelles il aurait été victime d'une chute dans les cuisines du porte-avion pendant la période du 30 septembre 2010 au 18 février 2011, et notamment pas le 2 février 2011, d'autant que l'intéressé souffrait déjà de problèmes lombaires avant les faits litigieux ; le syndrome anxio-dépressif, dû à la perte d'un métier qu'il appréciait et à des problèmes familiaux, est une maladie sans lien avec le service ; aucune des deux expertises médicales n'est de nature à établir un lien entre la pathologie lombaire et l'état dépressif d'une part, et un fait précis ou des circonstances particulières de service d'autre part ; - la copie du livret médical, qui est produit en entier, confirme l'absence de chute le 2 février 2011, des problèmes de dos dès décembre 2010, sans mention d'un traumatisme et une chute le 14 février 2011 hors service ; - ce n'est pas à l'administration d'apporter la preuve d'une cause étrangère. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 octobre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., quartier-maître de deuxième classe, est entré dans la marine nationale le 23 avril 2007. Il a été radié des contrôles par décision du 14 août 2012 avec effet le 12 septembre 2012, après que la commission de réforme a constaté son inaptitude physique à l'exercice effectif des fonctions afférentes aux emplois de son grade. Le 3 avril 2014, M. A... a sollicité une pension militaire d'invalidité en soutenant que les douleurs au dos et le syndrome anxiodépressif qui ont entraîné son inaptitude physique étaient consécutifs à une chute sur le porte-avion " Charles de Gaulle ", survenue durant son service, entre le 30 septembre 2010 et le 18 février 2011. Par une décision du 26 mars 2019, le ministre des armées a rejeté sa demande. Saisi par M. A..., le tribunal régional des pensions militaires de Saint-Denis a transmis la demande, en application du décret du 28 décembre 2018, au tribunal administratif de la Réunion qui, par un jugement du 14 avril 2021 dont l'intéressé relève appel, a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 26 mars 2019. 2. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code, alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 4 du même code, alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples. (...) ". 4. En premier lieu, si M. A... soutient que sa lombalgie chronique est due à une chute qui serait survenue le 2 février 2011 durant son service, il résulte de l'instruction, et notamment du recueil chronologique du livret médical, qu'aucun évènement n'a été signalé ce jour-là, que l'intéressé a bien déclaré des douleurs lombaires aigües le 12 février 2011 au réveil, mais sans mentionner de traumatisme à l'origine de celles-ci, qu'il avait auparavant déjà consulté le médecin pour ce motif en décembre 2010 et que la mention d'un lumbago, constaté le 11 avril 2011 et qui aurait été occasionné par une chute sur les fesses huit semaines auparavant, est assortie de la précision " hors service ". Dans ces conditions, en l'absence de tout autre élément, M. A..., qui ne peut se prévaloir de la présomption légale instaurée par l'article L. 3 précité faute de remplir la condition selon laquelle la constatation de la blessure ait eu lieu durant la guerre 1939-1945, une campagne de guerre ou le service militaire, n'établit pas que ses douleurs résulteraient d'une blessure consécutive à un fait précis de service et devraient par suite lui ouvrir un droit à pension. Au surplus, le médecin rhumatologue qui l'a examiné, le 30 janvier 2018, a constaté, au vu notamment d'un examen d'imagerie (IRM), l'absence de séquelle radio-clinique objective. 5. En second lieu, il résulte des mentions du recueil chronologique du livret médical que les premiers signes liés au syndrome anxio-dépressif sont relevés en avril 2011 et reliés à la situation familiale de M. A... et à la garde de son fils, et non à ses douleurs lombaires. L'expertise menée le 31 janvier 2018 par le médecin psychiatre près la commission de réforme a rattaché cette souffrance psychologique, d'une part, à la perte d'un métier qui lui plaisait et, d'autre part, à la perte de sa place d'époux et à la dislocation de la cellule familiale, et a conclu que cet état dépressif modéré prolongé sans caractère post-traumatique était sans lien avec le service. Dans ces conditions, faute d'apporter d'éléments permettant de remettre en cause cette appréciation, M. A... n'établit pas que cette infirmité psychiatrique serait imputable au service. Au surplus, le taux de 15 % n'ouvrirait pas un droit à pension pour cette maladie. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande d'annulation de la décision ministérielle du 26 mars 2019. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02568
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/11/2023, 23DA00143, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 11 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'obtention de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". Par un jugement n° 2101716 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et a enjoint au ministre des armées d'attribuer à M. B... la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 janvier 2023, le ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande de M. B... présentée en première instance. Il soutient que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce que la décision litigieuse était entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que M. B... ne peut être regardé comme ayant souscrit un engagement au sens des dispositions de l'article D. 352-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et que les unités dans lesquelles il a été affecté n'ont pas été reconnues comme combattantes en Algérie durant les périodes où celui-ci y était affecté. Par un mémoire enregistré le 5 mai 2023, M. B..., représenté par la S.E.L.A.F.A. Cabinet Cassel, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ordonnance du 9 mai 2023 la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 juillet 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente-rapporteure, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., titulaire d'une carte d'ancien combattant délivrée par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre au titre de sa participation à la guerre d'Algérie du 8 mai 1962 au 26 janvier 1963, a demandé, le 1er juillet 2019, au ministre des armées la délivrance de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". Par une décision du 11 décembre 2020, sa demande a été rejetée par la ministre des armées au motif qu'il avait la qualité d'appelé et pas d'engagé volontaire. Le ministre des armées relève appel du jugement du 22 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté. 2. D'une part, aux termes de l'article D. 352-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Peuvent prétendre, sur leur demande, à la croix du combattant volontaire avec barrette Afrique du Nord les militaires des forces armées françaises et les membres des formations supplétives françaises, qui, titulaires de la carte du combattant au titre de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc et de la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre, ont contracté un engagement pour participer dans une unité combattante aux opérations : 1° En Algérie, du 31 octobre 1954 au 3 juillet 1962 ; 2° Au Maroc, du 1er juin 1953 au 2 mars 1956 ; 3° En Tunisie, du 1er janvier 1952 au 20 mars 1956. A défaut de la carte du combattant au titre de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, les candidats déjà titulaires de la carte du combattant au titre d'un autre conflit pourront se prévaloir de leur qualité de combattant de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc sur présentation d'un certificat ou attestation délivré par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre authentifiant cette qualité. ". Il résulte de ces dispositions que la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord " ne peut être attribuée qu'aux militaires qui ont souscrit leur engagement dans l'intention délibérée de participer dans une unité combattante aux opérations mentionnées à l'article D. 352-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 4132-9 du code de la défense : " L'engagé est celui qui est admis à servir en vertu d'un contrat dans les grades de militaire du rang et de sous-officier ou d'officier marinier, dans une armée ou une formation rattachée ". 4. Pour rejeter par la décision contestée du 11 décembre 2020 la demande de M. B... tendant à l'attribution de la croix de combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ", la ministre des armées s'est fondée sur le motif tiré de ce qu'il avait servi en Algérie en qualité d'appelé. 5. S'il est constant que M. B... est titulaire de la carte du combattant et de la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre, il ressort des pièces du dossier qu'il a été appelé à l'activité le 1er janvier 1962. S'il se prévaut de la signature, le 13 janvier 1962, d'une demande de volontariat pour suivre un peloton d'élèves officiers de réserve, réservé à son contingent, alors qu'il était alors affecté au groupement d'instruction des troupes de marine de Fréjus, cette circonstance ne peut être assimilée à la conclusion d'un contrat d'engagement au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article D. 325-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il en est de même de la présence sur ce document de la mention manuscrite " pour servir en Afrique du Nord " ajoutée par l'intéressé, qui ne se rattache à aucune date et à aucune unité, laquelle n'est pas plus de nature à faire regarder M. B... comme remplissant la condition susmentionnée. La ministre des armées pouvait dès lors, pour ce seul motif, rejeter la demande présentée par M. B... tendant à la délivrance de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". 6. Il est également constant qu'aucune des unités où l'intéressé a été affecté n'a été reconnue comme unité combattante au cours des périodes pendant lesquelles il y servait, qu'il s'agisse en l'occurrence de l'école militaire d'infanterie de Cherchell où il a été affecté à la suite de son débarquement à Alger le 7 mai 1962 et de la 3ème compagnie du 21ème régiment d'infanterie où il a été affecté à compter de novembre 1962. A ce titre, la circonstance que ces unités ont été reconnues comme combattantes sur plusieurs périodes antérieures à ses affectations ne suffit pas à leur conférer, pour l'intégralité de la période mentionnée au 1° de l'article D. 352-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la qualité d'unité combattante. Dans ces conditions, le ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que M. B... ne remplissait pas l'ensemble des conditions exposées au point 2 pour l'obtention de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". 7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision litigieuse en considérant que M. B... avait la qualité d'engagé volontaire et non d'appelé et que la circonstance que l'unité dans laquelle il avait servi en Algérie n'avait pas été reconnue comme combattante pendant les périodes au cours desquelles il y a été affecté ne faisait pas obstacle à la délivrance de la croix du combattant volontaire avec barrette " Afrique du Nord ". Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif 8. Si M. B... fait valoir que la décision attaquée mentionne, de manière erronée, qu'il a été appelé à servir le 13 octobre 1961 alors qu'il a été appelé à l'activité le 1er janvier 1962, cette erreur matérielle, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur la légalité de la décision, laquelle s'apprécie au regard du respect des conditions énumérées à l'article D. 325-11 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 9. Enfin, si M. B... soutient que des militaires se trouvant dans la même situation que lui ont obtenu l'avantage qu'il sollicite, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 10. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1 : Le jugement n° 2101716 du 22 novembre 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Vard, présidente-rapporteure, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023. Le président-assesseur, Signé : J.-M. Guérin-Lebacq La présidente de chambre, présidente-rapporteure, Signé : M.-P. ViardLa greffière, Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, N.Roméro N° 23DA00143 2
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 21BX02560, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 7 mai 2019 par laquelle la ministre des armées a refusé de renouveler son indemnité de soins à compter du 1er février 2017 et d'enjoindre à la ministre de réexaminer sa demande. Par un jugement n° 1905582 du 13 avril 2021, le tribunal a annulé la décision du 7 mai 2019 et a enjoint à la ministre des armées de réexaminer la demande de M. B.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 15 juin 2021, la ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement. Elle soutient que : - la demande introductive d'instance présentée par M. B..., qui ne comportait ni conclusions, ni moyens, était irrecevable, et n'a pas pu être régularisée par le mémoire déposé tardivement, le 16 octobre 2020, par l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle ; - si la cour estimait que la demande introductive d'instance comportait un moyen de légalité interne, le moyen de légalité externe auquel le tribunal a fait droit était irrecevable dès lors qu'il relevait d'une cause juridique distincte et qu'il a été invoqué après l'expiration du délai de recours contentieux ; le tribunal aurait dû soulever d'office cette irrecevabilité ; - si la cour estimait que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 7 mai 2019 était recevable, c'est à tort que le tribunal y a fait droit dès lors que les dispositions de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicables à la date de cette décision, prévoyaient seulement la motivation des décisions comportant attribution de pension ; ainsi, le législateur a entendu exclure les autres décisions du champ de l'obligation de motivation, notamment celles rejetant les demandes de pension et l'indemnité de soins aux tuberculeux, et eu égard à ces dispositions spéciales, celles du code des relations entre le public et l'administration relatives à la motivation des décisions administratives n'étaient pas applicables ; le moyen était ainsi inopérant. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé volontaire le 1er avril 1948 et radié des contrôles pour infirmités graves et incurables le 1er avril 1957, était titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux de 100 % par arrêté du 18 février 2013, avec jouissance à compter du 12 mai 2011, assortie de l'indemnité de soins prévue pour les pensionnés à 100 % pour tuberculose. Le 14 septembre 2017, il a sollicité le renouvellement de cette indemnité. Par une décision du 7 mai 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires de Bordeaux. L'affaire a été transmise au tribunal administratif de Bordeaux en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018. Par un jugement du 13 avril 2021 dont la ministre des armées relève appel, ce tribunal a annulé la décision du 7 mai 2019 pour défaut de motivation, et a enjoint à l'administration de réexaminer la demande. M. B... est décédé en cours d'instance, l'affaire étant en état d'être jugée. 2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " Dans sa requête sommaire intitulée " recours contre la décision portant suspension d'une indemnité de soins ", enregistrée au greffe du tribunal des pensions militaires de Bordeaux le 12 août 2019, dans le délai de recours contentieux, M. B... a fait valoir qu'il souffrait " jusqu'à ce jour d'une maladie chronique ", la tuberculose, et que son taux d'invalidité était de 100 %. Il doit ainsi être regardé comme s'étant prévalu d'un droit au renouvellement de l'indemnité de soins. Par suite, la demande de première instance n'était pas irrecevable. 3. Toutefois, l'unique moyen de légalité interne invoqué dans la demande introductive d'instance ne relève pas de la même cause juridique que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, invoqué pour la première fois dans le mémoire enregistré le 16 octobre 2020, postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux. Si le fait que le tribunal n'a pas relevé d'office cette irrecevabilité n'entache pas la régularité du jugement, le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait droit à ce moyen de légalité externe irrecevable. 4. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le moyen de légalité interne présenté par M. B... devant le tribunal. 5. Aux termes de l'article L. 41 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Sous réserve qu'il remplisse les conditions définies par décret, tout pensionné à 100 % pour tuberculose a droit à une indemnité de soins. / (...). " Aux termes de l'article D. 8 du même code : " Tout invalide titulaire d'un titre de pension ou d'un titre d'allocation provisoire d'attente de 100 % pour tuberculose a droit, s'il remplit les conditions spécifiées aux articles D. 9 à D. 19, à une indemnité de soins dont le montant annuel est déterminé par l'indice de pension 916. / (...). " Aux termes de l'article D. 9 de ce code : " L'indemnité prévue à l'article D. 8 est servie à l'intéressé jusqu'à sa guérison (...). / Pour l'application du présent chapitre, il y a lieu d'entendre par guérison, non la disparition des lésions, mais la disparition durable des signes et des symptômes d'activité et d'évolution lésionnelles. " 6. M. B... était titulaire d'une pension au taux de 100 % pour l'infirmité de tuberculose pulmonaire bilatérale excavée largement à gauche, maladie contractée en service et constatée le 22 mai 1954. Toutefois, les pièces du dossier, y compris le certificat du médecin pneumologue produit à l'appui de la demande, ne font pas état de symptômes d'activité ou d'évolution lésionnelles de cette maladie, mais seulement de lésions séquellaires. Par suite, M. B... ne pouvait pas prétendre au renouvellement de l'indemnité de soins. 7. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 avril 2021, et que la demande présentée par M. B... devant le tribunal doit être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1905582 du 13 avril 2021 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à la succession de M. C... B.... Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02560
Cours administrative d'appel
Bordeaux
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 09/11/2023, 470523, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 juin 2019 établissant le tableau d'avancement pour l'accès au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019, à titre principal, en tant qu'il n'y figure pas ainsi que les arrêtés de promotion et de nomination des contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019 et, d'autre part, d'annuler la décision de la directrice générale des douanes et droits indirects, révélée par un courriel du 3 juin 2019, refusant de prendre en compte les années de service qu'il a effectuées en qualité de militaire pour le calcul de son ancienneté dans son corps d'accueil. Par un jugement n° 1908630 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 3 juin 2019 et les arrêtés de promotion et de nomination des contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019, a enjoint à l'administration de réexaminer les candidatures de M. A... et des contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par un arrêt n° 21PA06082 du 6 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre ce jugement. Par un pourvoi, enregistré le 16 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la défense ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 95-380 du 10 avril 1995 ; - le décret n° 2008-953 du 12 septembre 2008 ; - le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alexandre Adam, maître des requêtes, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., militaire de carrière de la marine nationale, a été recruté le 1er mars 1998 en qualité d'agent de constatation stagiaire des douanes et droits indirects au titre des emplois réservés sur le fondement des dispositions de l'article L. 4139-3 du code de la défense puis a été titularisé dans le corps des agents de constatation des douanes et droits indirects à compter du 1er mars 1999 et radié des contrôles de l'armée active. Après avoir été admis à l'examen professionnel pour l'accès au corps de contrôleur des douanes et droits indirects et nommé au 11ème échelon du grade de contrôleur des douanes et droits indirects de 2ème classe à compter du 31 décembre 2018, M. A... a postulé au tableau d'avancement pour l'accès au grade de contrôleur de 1ère classe en se prévalant de l'ancienneté qu'il avait acquise en tant que militaire de carrière. Sa candidature n'ayant pas été retenue, M. A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 juin 2019 établissant le tableau d'avancement pour l'accès au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019 ainsi que les arrêtés de promotion et de nomination des contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019, et d'enjoindre à l'administration de réexaminer l'ensemble des candidatures au grade de contrôleur de 1ère classe au titre de l'année 2019. Par un jugement du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 décembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement. 2. Aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense : " Le militaire, à l'exception de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre./ En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B ". 3. Aux termes de l'article 1er du décret du 10 avril 1995 portant statut particulier du corps des contrôleurs des douanes et droits indirects : " Le corps des contrôleurs des douanes et droits indirects, classé dans la catégorie B prévue à l'article L. 411-2 du code général de la fonction publique, est régi par les dispositions du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat et par celles du présent décret ". Aux termes du I de l'article 18 du même décret : " Les conditions d'accès au grade de contrôleur des douanes et droits indirects de 1ère classe (...) sont fixées conformément aux dispositions de l'article 25 du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat ". Aux termes du I de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009 dans sa rédaction alors applicable : "Peuvent être promus au deuxième grade de l'un des corps régis par le présent décret :/ (...) 2° Par la voie du choix, après inscription sur un tableau d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire, les fonctionnaires justifiant d'au moins un an dans le 6e échelon du premier grade et justifiant d'au moins cinq années de services effectifs dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau (...) ". 4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que pour pouvoir être inscrits sur le tableau d'avancement prévu au I de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009, les agents appartenant au corps des contrôleurs des douanes et droits indirects doivent justifier d'au moins cinq ans de services effectifs accomplis en qualité de fonctionnaire dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau. 5. Ni les dispositions de l'article L. 4139-3 du code de la défense, citées au point 2, ni aucune autre disposition législative ou règlementaire ne prévoit que lorsque qu'un militaire est intégré dans la fonction publique en étant recruté sur un emploi réservé selon la procédure prévue par l'article L. 4139-3, l'appréciation de la durée de service exigée pour l'avancement dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil doit inclure les services qu'il a antérieurement accomplis en tant que militaire. Par suite, en jugeant que, pour apprécier la durée des services accomplis par M. A... dans le corps des contrôleurs des douanes et droits indirects, l'administration devait tenir compte des services militaires accomplis par l'intéressé avant son recrutement sur un emploi réservé de catégorie C, la cour a commis une erreur de droit. Dès lors, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 6 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris. Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. B... A.... ECLI:FR:CECHR:2023:470523.20231109
Conseil d'Etat