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CAA de MARSEILLE, 8eme chambre - formation a 3, 08/06/2021, 19MA05521, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal des pensions de Nîmes d'annuler la décision du 11 avril 2011 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " Hypoacousie bilatérale. Perte auditive moyenne oreille droite : 45 dB. Perte auditive moyenne gauche : 42 dB ". Par un jugement n° 15/00018 du 13 octobre 2017, le tribunal des pensions de Nîmes a rejeté la requête de M. C.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions de Nîmes a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. C..., enregistrée à son greffe le 3 janvier 2018. Par ce recours, et deux mémoires, enregistrés le 23 mars 2018 et le 19 septembre 2019, M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la Cour : - d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 13 octobre 2017 ; - d'annuler la décision du 11 avril 2011 de refus de sa demande de pension militaire d'invalidité ; - de lui accorder la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " Hypoacousie bilatérale. Perte auditive moyenne oreille droite : 45 dB. Perte auditive moyenne gauche : 42 dB ", au taux de 15%, - à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale, - de mettre les dépens de l'instance à la charge de l'Etat, - de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros de frais de justice. Il soutient que les expertises du docteur Uziel doivent être annulées pour défaut de réponse aux missions qui ont été confiées à cet expert par le tribunal ; son infirmité auditive est liée à l'indicent de tir d'octobre 1984 et présente au jour de sa demande de révision de sa pension, un taux d'invalidité de 15%. Par deux mémoires en défense enregistrés les 31 mai 2019 et 12 mars 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens de M. C... sont infondés. Par ordonnance du 1er décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2020 à 12 heures. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 18 juillet 1947, lieutenant-colonel de gendarmerie, a été rayé des contrôles le 1er août 1993. Par arrêté du 15 mars 1999, il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux global de 35% pour deux infirmités " séquelles de fracture du scaphoïde tarsien gauche " (20%) et " séquelles de fracture des apophyses droites de L2 et L3 " (10 + 5). Il a demandé le 29 juin 2009 la révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité " Hypoacousie bilatérale. Perte auditive moyenne oreille droite : 45 dB. Perte auditive moyenne gauche : 42 dB ". Il relève appel du jugement du 13 octobre 2017, par lequel le tribunal des pensions de Nîmes a rejeté sa requête contre la décision du 11 avril 2011 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Sur la révision de la pension : 2. D'une part, aux termes l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 3. D'autre part, en vertu de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. /(...) ". Par ailleurs, en vertu de l'article L. 6 du même code, les juridictions de pensions doivent rechercher quel était le degré d'invalidité à la date de la demande et ne peuvent tenir compte d'aggravations survenues après cette date. Il résulte de ces dispositions qu'une demande de droit à pension ou d'aggravation d'une infirmité indemnisée, est examinée au regard des droits que l'intéressé tient à la date de sa demande d'indemnisation. 4. Enfin, il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 citées ci-dessus que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. 5. Il résulte de l'instruction qu'en octobre 1984, alors que le requérant se trouvait à proximité d'un char en sa qualité de chef de tir au 2ème escadron du premier groupement de gendarmerie mobile, sans ses protections auditives puisque l'exercice était arrêté, est parti un tir intempestif. Le 20 novembre 1984, le médecin militaire émet le diagnostic d'hypoacousie bilatérale de perception d'allure traumatique sonore. Le professeur Guerrier, expert désigné le 3 octobre 1995 par le tribunal des pensions du Gard, retient une hypoacousie bilatérale de perception au taux d'invalidité de 4% et des acouphènes au taux d'invalidité de 1%. Le docteur Aime, médecin militaire qui a examiné M. C... le 16 octobre 2009, retient une hypoacousie de type perception sans perte de sélectivité, avec une perte auditive moyenne de 45dB pour l'oreille droite et de 42 dB pour l'oreille gauche. Il attribue un taux de 15% à l'infirmité d'hypoacousie bilatérale de l'intéressé. Pour refuser l'aggravation de la pension sollicitée, le ministre de la défense a opposé à M. C... l'absence d'imputabilité au service de l'infirmité d'hypoacousie bilatérale au motif que les lésions sono-traumatiques se stabilisent d'entrée, qu'elles sont ainsi définitives, fixées et non susceptibles d'aggravation. Ainsi, selon l'administration, l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale n'est pas liée à l'accident initial de 1984. Pour contester le jugement attaqué qui confirme la décision ministérielle de refus de lui accorder l'aggravation de sa pension, M. C... fait valoir, d'une part, que les rapports d'expertises du docteur Uziel, médecin désigné par le tribunal des pensions du Gard, qui a conclu que " l'hypoacousie constatée par un audiogramme, à l'âge de 62 ans, plus de 25 années après un traumatisme sonore ne peut être imputée au service ", ne peuvent être retenus au motif que l'expert a été dans l'impossibilité de répondre aux questions de sa mission, faute d'avoir pu consulter le rapport d'expertise et les audiogrammes réalisés en 2009 par le docteur Aime. D'autre part, il fait valoir que l'aggravation de son hypoacousie n'est pas principalement imputable à l'âge, puisque l'expert n'a pas déterminé la part de la perte auditive en rapport avec le traumatisme subi en 1984 et celle en rapport avec l'âge, alors qu'entre les mesures de 1995 et celles de 2009 son déficit auditif s'est aggravé. Cependant, par un arrêt avant dire droit du 26 novembre 2018, la cour régionale des pensions de Nîmes a désigné le docteur Elziere avec mission de se prononcer sur l'infirmité d'hypoacousie bilatérale de M. C.... Dans son rapport d'expertise du 18 avril 2019, cet expert indique qu'il est incontestable que M. C... a bien été victime d'un traumatisme sonore en octobre 1984 qui a été responsable d'une hypoacousie bilatérale et symétrique ainsi que d'acouphènes. Néanmoins, en se plaçant à la date de la demande d'aggravation de juillet 2009, cet expert conclut très clairement que les acouphènes que présentait M. C... ne se sont pas aggravés, et que l'hypoacousie qu'il présente s'est bien aggravée mais sans se rattacher de façon directe, certaine et déterminante au traumatisme sonore subi en octobre 1984. Les termes de ce rapport ne sont pas sérieusement remis en cause par M. C.... Dans ces conditions, M. C... n'apporte pas la preuve que l'aggravation de l'infirmité qu'il présente est rattachable à son activité militaire. 6. Il résulte de ce qui ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise demandée par M. C..., qu'il n'est pas établi que l'infirmité pensionnée aurait connu une aggravation de nature à ouvrir droit, au profit de l'intéressé à une révision de sa pension d'invalidité. Par suite, M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions du Gard du 13 octobre 2017 qui rejette sa requête contre la décision du 11 avril 2011 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " Hypoacousie bilatérale. Perte auditive moyenne oreille droite : 45 dB. Perte auditive moyenne gauche : 42 dB ". Sur les dépens : 7. Les dépens de l'instance, liquidés et taxés en début de procédure par la Cour d'appel de Nîmes, et versés à l'expert au titre de l'aide juridictionnelle, sont à la charge de l'Etat. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. C... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2: Les frais d'expertise sont à la charge de l'Etat. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées. Copie en sera transmise au docteur Elziere, expert. Délibéré après l'audience du 25 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021. N° 19MA05521 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6eme chambre, 15/06/2021, 19NT04033, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. F... I... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes d'annuler la décision du 23 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'obtention d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 16/00028 du 5 mars 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 25 avril 2019 au greffe de la cour régionale des pensions de Rennes et des mémoires complémentaires enregistrés les 2 et 5 novembre 2020, sous le n° 19NT04033 devant la présente cour, M. I..., représenté par Me Kermeur, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes du 5 mars 2019 ; 2°) de lui accorder le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme de l'épaule droite ", au taux d'invalidité de 10% à compter du jour de la demande, soit le 26 mai 2014 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat, de la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - en ne prenant pas en compte les conclusions complétives du rapport circonstancié de l'accident du 16 juillet 2013 mentionnant sa blessure du 16 juillet 2009, le tribunal a fait une appréciation erronée des faits de la cause ; - l'existence de sollicitation du corps médical entre le 16 juillet 2009 et le 12 février 2013 est établie ; - les attestations produites du 21 décembre 2018 démontrent la réalité des blessures subies ; - il s'est blessé le 16 juillet 2009 lors d'un déchargement de caisses d'outillage très lourdes, ce que confirment les témoignages produits. Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 septembre 2019 au greffe de la cour régionale des pensions de Rennes et le 18 novembre 2020 devant la présente cour, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. I... ne sont pas fondés. M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 septembre 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. I..., major de l'armée de terre en service dans les troupes de marine, a sollicité, le 20 mai 2014, le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en raison d'un syndrome de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, du fait d'une subluxation du tendon du long biceps provoquée, selon lui, le 16 juillet 2009, par le port de caisses de matériel alors qu'il était en mission en dehors du sol national. Sa demande a été rejetée par une décision du ministre de la défense du 23 septembre 2016. Par sa requête visée ci-dessus, M. I... relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes du 5 mars 2019 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et sollicite le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au taux d'invalidité de 10% à compter du jour de sa demande, soit le 26 mai 2014. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L.2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L.3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, (...) au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. Pour rapporter la preuve que le syndrome de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite a été provoqué par le port de caisses de matériel, alors qu'il était en mission en dehors du sol national le 16 juillet 2009, M. I... produit les témoignages de M. A..., mécanicien, du 5 avril 2017, de M. D... et de Mme G..., militaires, du 5 et du 23 avril 2017, de M. H..., mécanicien armement, établi le 24 mars 2020 et de M. E..., rédigé le 26 mars 2020, en poste en Afghanistan au même moment que l'intéressé. Il produit également le témoignage de M. C..., médecin militaire, rédigé le 21 décembre 2018. Il se prévaut enfin d'un rapport circonstancié du 16 juillet 2013 au terme duquel l'intéressé a sollicité le corps médical le lendemain des faits en question. 5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les attestations produites ont été établies, pour les plus récentes, en 2017, soit huit ans après les faits invoqués. M. C..., médecin militaire, précise en particulier qu'il a réalisé de très nombreuses consultations pendant cette période et a pris en charge de nombreuses victimes. Il indique vaguement se souvenir avoir pris en charge un soldat français travaillant en atelier, qui s'était plaint de son épaule droite après le port de charges lourdes dans la journée, tout en attestant que M. I..., avec qui il n'avait plus de contact après ce séjour en Afghanistan, " puisse correspondre à ce patient " dont il avait gardé souvenir parmi d'autres. Figurent également au dossier médico-administratif du requérant, un compte-rendu de visite médicale du 1er avril 2010, rédigé par le Dr J..., au terme duquel M. I... signale n'avoir aucun problème médical depuis sa visite précédente, ne prendre aucun médicament et n'avoir consulté aucun médecin. A la question " avez-vous des informations à signaler concernant votre état de santé après ces missions ou séjours ' ", l'intéressé a répondu " non ". M. I... a été déclaré apte à servir, à faire campagne sans restriction au terme de cette visite. Lors de la visite annuelle du 9 février 2011, l'examen locomoteur n'a révélé aucune anomalie sur les membres supérieurs et l'intéressé a de nouveau été déclaré apte à servir sans restriction. Lors de la visite annuelle réalisée le 16 janvier 2012, il est noté, dans l'onglet " examen clinique " : " pas de doléance ". A la question " avez-vous consulté un médecin ' Si oui pour quel motif ' ", l'intéressé a répondu " oui - entorse ". De fait, M. I... ne s'est plaint d'aucun problème à l'épaule jusqu'au 12 février 2013, date de la première mention au livret médical d'une " douleur de l'épaule droite ". Le rapport circonstancié établi le 16 juillet 2013, soit 4 ans après les faits relatés, ne démontre pas la filiation entre la blessure et l'infirmité invoquée. S'il est noté sur ce document que l'intéressé a sollicité le corps médical le lendemain des faits, puis une fois rentré de mission, le dossier médical de M. I... ne fait état d'aucune consultation le lendemain des faits allégués à l'infirmerie du camp, ni au retour de l'intéressé d'Afghanistan. Enfin, la copie d'une séance de soin en ostéopathie effectuée le 15 avril 2010 produite, ne saurait constituer une justification d'avoir consulté le corps médical avant 2013 pour soulager la blessure en cause, ce document n'indiquant nullement pour quelle pathologie l'intéressé a consulté. Dans ces conditions, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée n'est pas établie. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. I... K... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. I... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. F... I.... Délibéré après l'audience du 28 mai 2021, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. B..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021. Le rapporteur, F. B...Le président, O. GASPON La greffière, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 4 N° 19NT03865
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 8eme chambre - formation a 3, 08/06/2021, 20MA02944, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner l'Etat à lui verser la somme de 265 561,52 euros en réparation du préjudice subi en raison de l'absence d'information sur ses droits à la retraite, avec intérêts de droit et capitalisation desdits intérêts. Par un jugement n° 1700579 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 25 avril 2019 sous le n°19MA01884, Mme A..., représentée par Me C..., a demandé à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 28 février 2019 du tribunal administratif de Bastia ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 265 561,52 euros en réparation du préjudice subi en raison de la mauvaise information qui lui a été délivrée sur ses droits à la retraite, avec intérêts de droit et capitalisation desdits intérêts ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutenait que : - l'administration militaire a commis une faute d'une part, en lui délivrant une information erronée sur ses droits à pension de retraite et d'autre part, en s'abstenant d'exercer son devoir d'information, en méconnaissance des dispositions des articles D. 4122-2 et L. 4121-4 du code de la défense ; - c'est à tort que l'administration a fait application à sa situation des dispositions de l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite relatives la prescription quadriennale dans la mesure où le délai qu'elle a mis pour demander le versement de sa pension est imputable au défaut de transmission des informations pertinentes de la part de son administration ; - elle a ainsi le droit à la réparation des préjudices résultant de ces fautes à hauteur de 265 561,52 euros dont 135 561,52 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux, 50 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence et 80 000 euros au titre du préjudice moral. Par une ordonnance du 17 septembre 2019, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis la requête de Mme A... au président de la section du Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative. Procédure devant le Conseil d'État : Par ordonnance du 26 juillet 2020, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué la requête de Mme A... à la cour administrative d'appel de Marseille. Procédure devant la Cour : Par des mémoires de reprise d'instance, enregistrés le 18 août 2020 et le 8 avril 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me C..., maintient ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 265 561,52 euros en réparation du préjudice subi en raison de l'absence d'information sur ses droits à la retraite, avec intérêts de droit et capitalisation desdits intérêts, par les mêmes moyens. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. La ministre fait valoir que : - aucune faute tenant au défaut d'information sur ses droits à pension de retraite n'a été commise ; - il n'est pas établi que le service gestionnaire lui aurait donné une fausse information à ce sujet ; - dès lors que n'existait aucune obligation légale de l'informer de ses droits à la retraite, la tardiveté de la date à laquelle elle a fait une telle demande n'est due qu'à son propre fait et la prescription quadriennale pouvait en conséquence lui être opposée ; - le préjudice financier allégué est manifestement excessif et les préjudices tenant aux troubles dans ses conditions d'existence ainsi que le préjudice moral ne sont pas établis. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Par arrêté en date du 1er avril 2008, Mme B... A..., brigadier-chef affectée au laboratoire du service des essences des armées de Marseille, a été radiée des contrôles pour réforme définitive, à compter du 23 avril 2008. Elle a demandé, le 24 février 2016, le bénéfice d'une pension de retraite, sur le fondement du 2° de l'article 6 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à compter de la date de sa radiation des contrôles. Le service des retraites de l'Etat lui a adressé, le 30 mai 2016, un titre de pension ouvrant ses droits à une pension militaire de retraite pour les services accomplis entre le 12 mai 1997 et le 22 avril 2008 et elle a perçu, le 10 juillet 2016, les arrérages de sa pension pour la période du 1er janvier 2012 au 30 juin 2016. Par un courrier du 24 octobre 2016, elle a présenté une demande préalable d'indemnisation en raison de la privation du versement d'une pension du 1er avril 2008 au 31 décembre 2011. Cette demande étant restée sans réponse, elle a contesté la décision implicite de rejet le 11 janvier 2017 auprès de la commission de recours des militaires. Du silence gardé par l'administration sur cette demande pendant quatre mois est née une décision implicite de rejet. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bastia rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi en raison de l'absence de versement d'une pension militaire de retraite entre le 1er avril 2008 et le 31 décembre 2011. 2. En premier lieu, aux termes de de l'article L. 4121-4 du code de la défense : " (...) il appartient au chef, à tous les échelons, de veiller aux intérêts de ses subordonnés et de rendre compte, par la voie hiérarchique, de tout problème de caractère général qui parviendrait à sa connaissance " et aux termes de l'article D. 4122-2 du même code : " Lorsqu'il exerce une autorité en tant que chef, le militaire : (...) 5° Informe les subordonnés dans la mesure où les circonstances et la conservation du secret le permettent ; (...) 7° Porte attention aux préoccupations personnelles des subordonnés et à leurs conditions matérielles de vie ; il veille à leurs intérêts et, quand il est nécessaire, en saisit l'autorité compétente (...) ". Si ces dispositions énoncent un certain nombres d'obligations incombant à la hiérarchie militaire, elles n'ont ni pour objet ni pour effet, contrairement à ce que soutient la requérante, de confier à cette hiérarchie le soin d'assurer aux militaires une information générale sur leurs droits sociaux et sur l'exercice de ces droits. Mme A... n'est par suite pas fondée à soutenir qu'en s'abstenant de lui délivrer une information relative à ses droits à la retraite, sa hiérarchie a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration. 3. En deuxième lieu, si Mme A... soutient que la capitaine, responsable du bureau administratif du laboratoire de santé des armées, lui a affirmé qu'elle n'avait droit à aucune pension, les pièces du dossier ne permettent pas d'apporter la preuve de tels propos. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis une faute en lui fournissant une information erronée. 4. En troisième lieu, aux termes de l'article 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la quatrième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux quatre années antérieures ". 5. Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe qu'à la date à laquelle Mme A... a quitté le service, l'administration était tenue de donner à chaque agent une information particulière sur les droits spécifiques qu'ils pourraient éventuellement revendiquer en application des textes législatifs et réglementaires relatifs aux pensions civiles et militaires de retraite. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 2, l'administration des armées n'avait aucune obligation spécifique d'information en ce sens et, comme il a été dit au point 3, Mme A... n'établit pas qu'une information erronée lui aurait été donnée. Dans ces conditions, ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, le délai mis par cette dernière pour demander à bénéficier d'une pension militaire de retraite en application du 2° de l'article L. 6 du code des pensions civiles et militaires de retraite n'est dû qu'à la méconnaissance par celle-ci de l'étendue de ses droits et obligations et est, dès lors, imputable à son fait personnel. Par suite, le ministre de la défense pouvait, en application de l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite, refuser de faire remonter au-delà du 1er janvier 2012 la période pour laquelle il lui a été accordé un rappel de ses droits à pensions. 6. Il résulte des points 2 à 5 que Mme A... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité pour faute de l'Etat et, par suite, à demander qu'il soit condamné à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa requête. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 25 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - Mme D..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 8 juin 2021. 5 N° 20MA02944
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8eme chambre - formation a 3, 08/06/2021, 19MA05247, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Montpellier d'annuler la décision du 5 octobre 2009 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de sclérose en plaques ". Par un jugement du 10 janvier 2017, confirmé par un arrêt de la Cour régionale des pensions du 7 mars 2018, et un deuxième jugement n° 11/00084 du 12 septembre 2017, le tribunal des pensions militaires de Montpellier a respectivement d'une part, annulé la décision du 5 octobre 2009 du ministre de la défense rejetant la demande de pension de M. C..., a dit que M. C... avait droit à une pension et désigné un expert pour en fixer le taux et d'autre part, a dit que M. C... avait droit à une pension à compter de mars 2018 pour un taux d'invalidité de 70% pour l'infirmité de " séquelles de sclérose en plaques ", et condamné l'Etat aux dépens. Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions militaires de Montpellier a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, le recours présenté par la ministre des armées, enregistrée à son greffe le 9 novembre 2017. Par ce recours, et un mémoire enregistré le 12 mars 2021, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Montpellier du 12 septembre 2017 en tant qu'il attribue une pension militaire d'invalidité au taux de 70%, afin que lui soit substitué un taux d'invalidité de 40%. Elle soutient que : - son recours est recevable ; - l'invalidité s'apprécie à la date de demande d'attribution de la pension, soit au 17 mars 2008 ; c'est à tort que le tribunal a retenu le taux de 70 % fixé par une expertise médicale du 8 mars 2017 alors que l'expertise médicale du 20 octobre 2008 fixe un taux d'invalidité de 40 % ; le tribunal a porté une appréciation manifestement erronée sur les éléments médicaux du dossier de M. C.... Par un mémoire enregistré le 17 février 2021, M. C..., représenté par la SCP Reche-Guille-Meghabbar, conclut au rejet du recours et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros de frais de justice. Il soutient que : - la requête est irrecevable parce que tardive ; - pour le surplus, les moyens de la ministre sont infondés. Par ordonnance du 12 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 mars 2021 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 9 janvier 1984, s'est engagé le 22 décembre 2003 et a été réformé au 1er décembre 2008. Il a sollicité une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de " séquelles de sclérose en plaques " qui lui a été refusée par une décision du ministre de la défense du 5 octobre 2009. Par un jugement avant dire droit du 26 mai 2011, le tribunal des pensions militaires de Carcassonne a ordonné une expertise médicale. Par un jugement du 8 décembre 2015, le tribunal des pensions militaire de Montpellier a déchargé le premier collège de sa mission vu son inertie et désigné un nouveau collège d'experts. Par un arrêt du 7 mars 2018 définitif, rendu sur requête du ministre de la défense contre le jugement du tribunal des pensions militaires de l'Hérault du 10 janvier 2017, la cour régionale des pensions de Montpellier a jugé que M. C... rapporte la preuve de présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir un lien causal entre la vaccination contre la fièvre jaune qu'il a subie en service le 3 mars 2005 et l'apparition de la sclérose en plaques dont il est atteint, constitutive d'une infirmité de séquelles de sclérose en plaques. Par un jugement du 12 septembre 2017, le tribunal des pensions militaires de Montpellier a fixé à 70% le taux de la pension militaire d'invalidité pour " séquelles de sclérose en plaques " de M. C.... La ministre des armées relève appel de ce jugement du 12 septembre 2017 en tant qu'il fixe un taux d'invalidité de l'infirmité à 70%, et non à 40%. Sur la recevabilité du recours : 2. Le jugement du 12 septembre 2017 du tribunal des pensions militaires de Montpellier a été notifié à l'administration le 21 septembre 2017. Par suite, le recours de la ministre des armées enregistré au greffe de la cour régionale des pensions militaires de Montpellier le 9 novembre 2017, et non le 18 juillet 2019 comme le soutient M. C..., n'est pas tardif. Il est, dès lors, recevable. Sur le taux de la pension : 3. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". D'autre part, en vertu de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. /(...) ". D'autre part, en vertu de l'article L. 6 du même code, les juridictions de pensions doivent rechercher quel était le degré d'invalidité à la date de la demande et ne peuvent tenir compte d'aggravations survenues après cette date. Il résulte de ces dispositions qu'une demande de droit à pension ou d'aggravation d'une infirmité indemnisée, est examinée au regard des droits que l'intéressé tient à la date de sa demande d'indemnisation. 4. Par ailleurs, il résulte du guide barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre que " la sclérose en plaques est une maladie infectieuse du névraxe, se montrant surtout entré 10 et 40 ans, se traduisant cliniquement par une évolution lentement progressive, des poussées avec rémission, des symptômes tels que vertiges, nyslagmus, trouble de la parole, tremblement intentionnel, état spasmodique généralisé, troubles de la station de la marche, etc. Elle peut être évaluée suivant l'intensité des troubles fonctionnels de la façon suivante : (...) 2° Formes progressives avec gêne plus ou moins accentuée des mouvements de la station ou de la marche : 40 à 60 (%) ". 5. Il résulte de l'instruction d'une part, qu'un examen réalisé le 20 octobre 2008 par le docteur Martini, neurologue auprès du centre de réforme de Montpellier, conclut à un taux de l'infirmité de " séquelles de sclérose en plaques " de 40%. Ce médecin évoque " une station debout instable avec ébauche d'ataxie, une dyskinésie volitionnelle à la manoeuvre du doigt sur le nez à gauche, ainsi qu'à la manoeuvre du talon sur le genou gauche, une diplopie latérale gauche associée à un nystagmus intermittent bilatéral, ainsi qu'une parésie de l'addcution de chaque oeil, ce qui correspond à une ophtalmoplégie internucléaire, une baisse de l'acuité visuelle de l'oeil gauche évaluée à 8/10ème avec une pâleur du secteur temporal de la papille au fond de l'oeil, pas de déficit moteur véritable mais plutôt une mauvaise coordination du membre inférieur gauche. Les réflexes ostéo-tendineux sont vifs aux quatre membres, les cutanées plantaires ont en flexion, pas de troubles sphinctériens ". Ce praticien évalue l'invalidité au 20 octobre 2008 à 3,5 sur 10 de l'échelle EDSS. Il conclut à l'existence de séquelles de sclérose en plaques à forme rémittente associées à un cryptococcome intracérébral d'étiologie inconnue, entièrement guéri par un traitement médical. D'autre part, dans un rapport du 8 mars 2017, le collège d'expert désigné par le tribunal pour examiner M. C... évalue l'invalidité à 6,5 sur 10 de l'échelle EDSS et retient un taux d'invalidité de 70% par référence au guide barème. Dans ces conditions, eu égard aux termes de l'expertise médicale du 20 octobre 2008 ainsi que des conclusions de l'expertise précitée du 8 mars 2017, dès lors que la gêne fonctionnelle liée à la sclérose en plaques évolutive que présente M. C... est très invalidante, ce qui n'est pas contesté par l'administration, l'invalidité de l'infirmité que présente l'intéressé à la date de sa demande de pension, doit être évaluée, eu égard au guide barème précité, à un taux de 50%, sans préjudice pour l'intéressé d'en demander la réévaluation. Il s'ensuit que la ministre des armées n'est fondée à soutenir qu'en statuant ainsi, le tribunal a méconnu les dispositions de l'article L. 2 du code susvisé, et à demander l'annulation du jugement attaqué qu'en tant qu'il fixe un taux d'invalidité de 70% au titre de l'infirmité de " séquelles de sclérose en plaques " et non de 50%. 6. Eu égard à ce qui vient d'être dit, le taux d'invalidité de la pension militaire d'invalidité attribuée à M. C... au titre de l'infirmité de " séquelles de sclérose en plaques " doit être fixé à 50%. Sur les frais de justice : 7. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à la demande de M. C... au titre des frais exposés par lui à l'occasion du litige et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : M. C... a droit, à compter de mars 2008, à une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles de sclérose en plaques ", au taux de 50%. Article 2 : Le jugement du tribunal des pensions militaires de Montpellier du 12 septembre 2017 est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er. Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de M. C... devant le tribunal des pensions militaires de Montpellier, et ses conclusions devant la Cour, ainsi que le surplus des conclusions de la ministre des armées présentées devant la Cour, sont rejetés. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 25 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021. N° 19MA05247 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8eme chambre - formation a 3, 08/06/2021, 19MA05452, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal des pensions de Nîmes d'annuler la décision du 25 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour cinq infirmités : 1) Cécité pratique. Aphakie bilatérale et trabéculectomie bilatérale pour glaucome ; 2) Séquelles d'ulcère du bulbe duodénal. Maladie ulcéreuse chronique du bulbe associée à une oesaphagite peptique et à une gastropathie antrale érythémateuse modérée, 3) Surdité de perception bilatérale en rapport avec l'âge ; 4) Acouphènes mal systématisés du fait de la surdité ; 5) Séquelles d'otites externes eczémateuses. Pavillons et conduits auditifs externes sans lésions particulières. Par un jugement n° 18/00008 du 14 juin 2019, le tribunal des pensions de Nîmes a rejeté la requête de M. C.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions militaires de Nîmes a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. C..., enregistrée à son greffe le 3 juillet 2019. Par cette requête, et un mémoire enregistré le 24 novembre 2020, M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 14 juin 2019 ; 2°) d'annuler la décision du 25 octobre 2017 de refus de sa demande de pension militaire d'invalidité ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de réexaminer sa demande. Il soutient qu'il a fait l'objet d'une proposition de réforme définitive avec un taux d'invalidité à 65% ; qu'il a souffert d'ulcères et d'otites durant son service ; que sa surdité et ses acouphènes constituent une gêne fonctionnelle avérée. Par deux mémoires en défense enregistrés les 29 juillet et 17 décembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens de M. C... sont infondés. Par ordonnance du 17 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 janvier 2021 à 12 heures. M. C... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 octobre 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 27 mai 1938, a été appelé à l'activité entre le 28 juillet 1958 et le 25 mars 1960, avec une interruption du service du 25 juillet 1958 jusqu'au 15 février 1959. Il relève appel du jugement du 14 juin 2019 par lequel le tribunal des pensions de Nîmes a rejeté sa requête contre la décision du 25 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour cinq infirmités : 1) Cécité pratique. Aphakie bilatérale et trabéculectomie bilatérale pour glaucome ; 2) Séquelles d'ulcère du bulbe duodénal. Maladie ulcéreuse chronique du bulbe associée à une oesaphagite peptique et à une gastropathie antrale érythémateuse modérée ; 3) Surdité de perception bilatérale en rapport avec l'âge ; 4) Acouphènes mal systématisés du fait de la surdité ; 5) Séquelles d'otites externes eczémateuses. Pavillons et conduits auditifs externes sans lésions particulières. Sur le droit à pension de M. C... : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". D'autre part, en vertu de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. /(...) ". Par ailleurs, en vertu de l'article L. 6 du même code, les juridictions de pensions doivent rechercher quel était le degré d'invalidité à la date de la demande et ne peuvent tenir compte d'aggravations survenues après cette date. Il résulte de ces dispositions qu'une demande de droit à pension ou d'aggravation d'une infirmité indemnisée, est examinée au regard des droits que l'intéressé tient à la date de sa demande d'indemnisation. 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". Pour l'application de ces dispositions combinées à celles de l'article L.2 précitées, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 4. Enfin, il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 citées ci-dessus que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il lui incombe d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. 5. Premièrement, s'agissant de l'infirmité " Cécité pratique. Aphakie bilatérale et trabéculectomie bilatérale pour glaucome ", il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur Benazza du 6 janvier 2017 que M. C... présente une aphakie bilatérale et une trébéculectomie bilatérale (glaucome) avec une importante baisse de l'acuité visuelle évaluée à un taux d'invalidité de 100%. Cependant, il est constant qu'il n'existe aucun élément du dossier médical militaire de l'intéressé ou de son livret militaire faisant mention d'un fait de service à l'origine ou en lien avec cette infirmité. Dans ces conditions, M. C... n'apporte pas la preuve que l'infirmité qu'il présente soit rattachable à son activité militaire. 6. Deuxièmement, M. C... fait valoir qu'il a été hospitalisé sur une période de près de trois mois à raison d'un ulcère du duodénum durant son service, lequel fait de service justifie sa demande de pension au titre de l'infirmité " Séquelles d'ulcère du bulbe duodénal. Maladie ulcéreuse chronique du bulbe associée à une oesaphagite peptique et à une gastropathie antrale érythémateuse modérée ". L'existence de la maladie ulcéreuse chronique du bulbe duodénal de M. C... est confirmée par un rapport du 1er décembre 1961 de l'hôpital militaire de Laveran et l'expertise du 15 janvier 2017 du docteur Nouri-Boudri. Toutefois, il n'est pas contesté que M. C... a présenté des crises d'ulcère douloureuses et successives dès l'âge de 18 ans, soit plus de trois ans avant son incorporation dans l'armée. Dans ces conditions, dès lors que l'intéressé a présenté cet ulcère antérieurement à son entrée en service, et qu'il ne fait état d'aucune circonstance particulière qui l'aurait aggravé, il ne démontre pas un lien de causalité entre l'affection déclarée et l'activité militaire. 7. Troisièmement, M. C... fait valoir qu'il a été plusieurs fois hospitalisé en raison d'otites, notamment entre les 20 avril et 5 mai 1959 pour une otite bilatérale devenue une otite eczémateuse bilatérale. Selon lui, ces faits de service justifient sa demande de pension au titre des trois infirmités " Surdité de perception bilatérale en rapport avec l'âge ", " Acouphènes mal systématisés du fait de la surdité " et " Séquelles d'otites externes eczémateuses. Pavillons et conduits auditifs externes sans lésions particulières ". Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise du 15 janvier 2017 du docteur Nouri-Boudri, que l'intéressé présente une surdité de perception bilatérale qui est en rapport avec l'âge, et qu'il n'existe aucun stigmate d'otite permettant d'expliquer cette acuité auditive très réduite. Par ailleurs, aucun élément du dossier médical militaire de l'intéressé ne fait état d'une perte auditive. Par suite, il ne peut être considéré qu'il existe une séquelle liée aux otites présentées par M. C... durant son service, et dès lors, un lien de causalité entre les affections déclarées en 2016 et l'activité militaire. 8. Quatrièmement, pour démontrer le lien de cause à effet entre ses infirmités et le service, M. C... soutient qu'il n'a été détecté aucune maladie lors de son incorporation alors qu'il " a fait l'objet (à sa sortie du service) d'une proposition définitive avec un taux d'invalidité de 65% ". Il résulte de l'instruction, et notamment d'une feuille d'observations d'hôpital militaire, que M. C... a fait l'objet d'une proposition de réforme définitive au motif d'une " invalidité de 65%, non imputable, résultant d'une affection antérieure au service et non aggravée par lui ". Ce document mentionne également " ulcère du bulbe duodénal radiologiquement confirmé depuis l'âge de 18 ans, sous forme de crises douloureuses successives, de périodicité post-prandiales nettes ". M. C... ne conteste ni la réalité ni l'existence des mentions apposées sur ce document. Ainsi, les infirmités de M. C... ne présentent aucun lien avec l'activité militaire. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions de M. C... n'appelle aucune mesure d'exécution. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me D... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 25 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021. N° 19MA05452 5
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8eme chambre - formation a 3, 08/06/2021, 19MA05471, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Montpellier d'annuler la décision du 26 novembre 2016 du ministre de la défense qui rejette sa demande du 23 juillet 2014 de révision de sa pension militaire pour aggravation de son infirmité. Par un jugement n°16/00029 du 12 décembre 2017 le tribunal des pensions militaires de Montpellier a rejeté le recours de M. B.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions militaires de Montpellier a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par la ministre des armées, enregistrée à son greffe le 21 février 2018. Par cette requête, et des mémoires enregistrés le 12 novembre 2018 et les 16 juillet et 22 octobre 2020, M. B..., représenté par Me D..., dans le dernier état de ses écritures, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Montpellier du 12 décembre 2017, 2°) de lui accorder une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de fracture du scaphoïde chez un droitier. Arthrose radio-scaphoïdienne. Raideur du poignet " au taux de 20%. Il soutient que son infirmité s'est aggravée de 10% ainsi que relevé en dernière analyse par le docteur Deblock, médecin désigné par la juridiction ; le tribunal a porté une appréciation erronée sur les éléments médicaux de son dossier. Par des mémoires enregistrés les 29 mai et 7 décembre 2018 et le 6 octobre 2020, la ministre des armées, dans le dernier état de ses écritures, conclut que M. B... a droit, à compter du 23 juillet 2014, a une pension militaire d'invalidité au taux de 20% pour l'infirmité " Séquelles de fracture du scaphoïde chez un droitier. Arthrose radio scaphoïdienne. Raideur du poignet importante (inclinaison radiale : 0°, flexion dorsale : 10°) ". La ministre fait valoir qu'elle est d'accord avec le rapport d'expertise judiciaire du 21 mars 2020 du docteur Deblock. Par ordonnance du 22 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2020 à 12 heures. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 23 novembre 1960, est tombé le 25 juin 1980 d'un camion transporteur de char alors qu'il effectuait son service militaire au 401ème régiment d'artillerie de Nîmes. Il a présenté une fracture du scaphoïde droit qui a nécessité une immobilisation de trois mois, et il a bénéficié d'exemptions sur la fin de son service militaire avec interdiction de tir, de défilé et d'activités mécaniques. Le 8 septembre 2015, le canal carpien droit de M. B... était opéré pour une libération du nerf médian au canal carpien sous endoscopie. Un arrêté du 22 avril 2014 lui accorde une pension militaire d'invalidité définitive de 10% pour l'infirmité " séquelles de fracture du scaphoïde chez un droitier. Arthrose radio-scaphoidienne. Raideur du poignet ". M. B... relève appel du jugement du 12 décembre 2017 du tribunal des pensions militaires de Montpellier qui a rejeté son recours contre la décision du 26 novembre 2016 qui refuse sa demande du 23 juillet 2014 de révision de sa pension pour aggravation de son infirmité au motif que le taux minimum de 10% d'aggravation n'était pas atteint. Par un arrêt du 20 juin 2018, la cour régionale des pensions de Montpellier a rouvert les débats de l'audience de plaidoirie du 5 décembre 2018, constaté la présence au dossier de l'intégralité de l'expertise médicale du docteur Lapeyre, expert désigné par l'administration qui a évalué le 7 avril 2016 l'incapacité de l'infirmité de l'intéressé au taux global de 15%, et invité M. B... à conclure après avoir pris connaissance de l'intégralité de cette expertise. M. B... a alors invoqué des contradictions entre cette expertise et les pièces médicales qu'il a produites, et sollicité une pension militaire d'invalidité au taux global de 20%. Par un arrêt du 9 janvier 2019, la cour régionale des pensions de Montpellier a ordonné un complément d'expertise confié au docteur Lapeyre pour expliquer notamment les contradictions alléguées par M. B... entre le tableau repris dans l'examen radiographique s'agissant de la mobilité dynamique du poignet droit, et le tableau de la page 4 de l'expertise qui indique pour la mobilité du poignet droit des degrés différents. Une ordonnance du 14 mai 2019 a ensuite procédé à la désignation du docteur Deblock en remplacement du docteur Lapeyre, placé en retraite. Le docteur Deblock a examiné M. B... le 29 novembre 2019, et son rapport d'expertise a été déposé au greffe de la cour le 29 avril 2020. C'est en cet état du litige que la présente Cour a été saisie. Sur la révision de la pension : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". D'autre part, en vertu de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. /(...) ". Enfin, l'article L. 29 de ce code, dans sa rédaction applicable à la date de la demande dispose : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. ". 3. Il résulte de l'instruction d'une part, que le professeur Chammas certifie le 22 mai 2013 que M. B... est atteint d'une ténosynovite de Quervain. Il indique également le 15 avril 2014 que M. B... est atteint d'acroparesthésie au niveau de la main droite, et qu'il présente des douleurs au niveau du poignet droit. Un examen électromyographique du 23 avril 2014 met en évidence un phénomène de démyélinisation du nerf médian droit du poignet. Un arthroscanner du 22 mai 2014 met en évidence une chondropathie focale grade II. Le docteur Maitre met en évidence le 5 avril 2013 l'existence d'une raideur combinée induite par une arthrose, évolutive au vu de l'expertise réalisée le 7 avril 2016 par le docteur Lapeyre qui relève que la flexion du poignet droit de 40° en 2014 est de 12°. D'autre part, le docteur Deblock, médecin désigné par la cour d'appel, qui a examiné M. B... le 29 novembre 2019, conclut dans son rapport d'expertise du 21 mars 2020, qui n'est pas contesté par l'administration, que l'examen clinique réalisé retrouve un enraidissement de la flexion dorsale associée à une raideur en flexion palmaire, et à une limitation modérée de la supination. Il fixe à 20% le taux de l'invalidité de l'infirmité de M. B.... Eu égard à ce qui vient d'être dit, M. B... justifie de l'aggravation de 10% de son infirmité " séquelles de fracture du scaphoïde chez un droitier. Arthrose radio-scaphoïdienne. Raideur du poignet pensionnée ". Par voie de conséquence, M. B... a droit, à compter du 23 juillet 2014 a une pension militaire d'invalidité au taux de 20% pour, comme le fait valoir la ministre des armées, une infirmité intitulée " Séquelles de fracture du scaphoïde chez un droitier. Arthrose radio scaphoïdienne. Raideur du poignet importante (inclinaison radiale : 0°, flexion dorsale : 10°) ". 4. Il résulte de ce qui précède, que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement du 12 décembre 2017 du tribunal des pensions militaires de Montpellier qui a rejeté son recours contre la décision du 26 novembre 2016 rejetant sa demande du 23 juillet 2014 de révision de sa pension pour aggravation de son infirmité, et l'annulation de cette décision. Sur les frais d'expertise : 5. Les frais d'expertise liquidés à la somme de 210 euros par une ordonnance de la présidente de la Cour du 16 juillet 2020 sont mis à la charge définitive de l'Etat. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions militaires de Montpellier du 12 décembre 2017 est annulé. Article 2 : La décision du 26 novembre 2016 du ministre de la défense qui rejette la demande du 23 juillet 2014 de révision de la pension de M. B..., est annulée. Article 3 : M. B... a droit, à compter du 23 juillet 2014 à une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " Séquelles de fracture du scaphoïde chez un droitier. Arthrose radio scaphoïdienne. Raideur du poignet importante (inclinaison radiale : 0°, flexion dorsale : 10°) " au taux de 20%. Article 4 : Les frais d'expertise liquidés à la somme de 210 euros sont mis à la charge définitive de l'Etat. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre des armées. Copie en sera transmise à l'expert, le docteur Deblock. Délibéré après l'audience du 25 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021. N° 19MA05471 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 6ème chambre, 04/06/2021, 19PA02919, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2017 du garde des sceaux, ministre de la justice en tant qu'il l'a titularisé dans le grade de surveillant pénitentiaire sans reprise de ses services militaires, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre sur son recours gracieux formé le 8 mars 2017, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1705607 du 5 juillet 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande . Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour: 1°) d'annuler ce jugement du 5 juillet 2019 du Tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler l'arrêté du 6 février 2017 du garde des sceaux, ministre de la justice en tant qu'il l'a titularisé dans le grade de surveillant pénitentiaire sans reprise de ses services militaires, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre sur son recours gracieux formé le 8 mars 2017 ; 3°) d'enjoindre au garde des sceaux de le reclasser en prenant en compte ses services militaires, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est irrégulier pour insuffisance de motivation s'agissant du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 397 et R. 396 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la décision attaquée méconnaît les dispositions des articles L. 397 et R. 396 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la décision attaquée méconnaît les dispositions des articles 5 et 7 du décret du 29 septembre 2005. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. C... sont infondés. Par une ordonnance du 30 avril 2021, la clôture de l'instruction a été reportée au 14 mai 2021 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret n°2005-1228 du 29 septembre 2005 ; - le décret n°2006-441 du 14 avril 2006 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A... ; - et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C... a servi au sein de l'armée française du 10 mai 1990 au 10 mai 2010, date à laquelle il a été radié des cadres militaires. Il a ensuite été nommé en qualité d'élève dans le corps des personnels d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire le 23 janvier 2012 par la voie des emplois réservés et nommé au grade de surveillant stagiaire à compter du 9 août 2012, par un arrêté du 16 juillet 2012. Par un arrêté du 6 février 2017, il a été titularisé au premier échelon du grade de surveillant pénitentiaire à compter du 18 avril 2014, avec une ancienneté conservée d'un an, huit mois et neuf jours, correspondant à sa période de stage. Par courrier du 8 mars 2017, M. C... a saisi, sans succès, le garde des sceaux ministre de la justice d'une demande tendant à l'obtention de la reprise, au sein de l'administration pénitentiaire, de ses années de carrière militaire. M. C... a alors saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du garde des sceaux en date du 6 février 2017 en tant qu'il l'a titularisé dans le grade de surveillant pénitentiaire sans reprise de ses services militaires, ainsi que de la décision implicite née du silence gardé par l'administration sur son recours gracieux. M. C... relève appel du jugement du 5 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les premiers juges ont indiqué au point 2 de leur jugement que M. C... " ne saurait utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 397 et R. 396 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre relatifs aux conditions de recrutement des candidats aux emplois réservés ". Cette motivation indique clairement que le moyen était, pour le tribunal, inopérant et de ce fait était suffisante. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, M. C... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 397 et R. 396 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre relatives aux seules conditions de recrutement des candidats aux emplois réservés et non aux modalités de reclassement des militaires ou anciens militaires qui ont été effectivement recrutés au titre de ces emplois. Par ailleurs, comme l'a relevé à juste titre le tribunal au point 3 du jugement attaqué, les conditions de reclassement de militaires recrutés sur des emplois réservés, telles que prévues à l'article L. 4139-3 du code de la défense, n' étaient pas applicables, M. C..., ayant été radié des cadres militaires le 10 mai 2010 et ayant perdu cette qualité lorsqu'il s'est porté candidat à l'accès au corps des personnels d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire. 4. En second lieu, si le décret du 29 septembre 2005 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C comporte des dispositions applicables au reclassement de ces agents en cas d'avancement de grade ou de changement de corps, ces dispositions générales, au demeurant antérieures aux dispositions statutaires particulières du décret du 14 avril 2006, ne sauraient prévaloir sur ces dispositions spéciales applicables aux élèves surveillants et surveillants stagiaires de l'administration pénitentiaire. Par suite, M. C... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions des articles 5 et 7 du décret du 29 septembre 2005. 5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 21 mai 2021 à laquelle siégeaient : - Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juin 2021. Le rapporteur, D. PAGES Le président, O. FUCHS TAUGOURDEAU Le greffier, K. PETIT La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°19PA02919 2
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de LYON, 7ème chambre, 03/06/2021, 18LY04268, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une demande enregistrée sous le n° 1706501, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) de condamner le syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues (SIEVA) à l'indemniser des préjudices causés par l'accident de service dont il a été victime le 12 février 2013 après détermination et chiffrage de ceux-ci ; 2°) de condamner le SIEVA à lui verser une provision de 10 000 euros ; 3°) de mettre à la charge du SIEVA une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1706501 du 3 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon, après avoir rejeté les conclusions de M. A... tendant à ce que soit engagée la responsabilité pour faute du SIEVA, a condamné ledit syndicat à verser à M. A..., à titre de provision, la somme de 2 000 euros, à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices au titre d'une responsabilité sans faute du SIEVA, a ordonné une expertise avant-dire-droit pour déterminer l'état de M. A... et déterminer ses préjudices, et a réservé les droits et moyens des parties avant de statuer sur le surplus des conclusions de M. A.... Procédure devant la cour : I) Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 30 novembre 2018 et 10 septembre 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 octobre 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes fondées sur la responsabilité pour faute du SIEVA ; 2°) de condamner, en tout état de cause, le SIEVA à lui verser une provision de 10 000 euros, à valoir sur l'indemnisation de son préjudice causé par l'accident de service ; 3°) de confirmer le jugement en tant qu'il a ordonné une expertise ; 4°) de mettre à la charge du SIEVA, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 000 euros ; 5°) de dire que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable du 21 juillet 2016 avec capitalisation. Il soutient que : - en omettant de le former au risque d'électrisation et en ne le dotant pas des équipements adéquats, le SIEVA a commis une faute à l'origine de son accident de service qui n'était pas imprévisible ; - ses gants en dotation n'offraient aucune protection contre le risque électrique ; il ne peut donc utilement lui être reproché de ne pas les avoir portés ; - le risque d'électrisation était patent dans son exercice professionnel et, par suite, prévisible pour le SIEVA ; - subsidiairement, en l'absence de faute, il peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre des préjudices esthétique et d'agrément et des troubles dans les conditions d'existence. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 21 septembre 2020 (non communiqué), le SIEVA, représenté par Me F..., conclut : - au rejet de la requête ; - à l'annulation du jugement du 3 octobre 2018 en ce qu'il a ordonné une expertise avant-dire droit ; - à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à M. A... une somme de 2 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle ; - à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - aucune faute ne peut lui être imputée au regard du caractère imprévisible de l'accident, survenu selon l'expert à la suite d'une confusion imprévisible ; - la fiche technique du fournisseur des gants en dotation permettait de penser que ce matériel protégeait contre l'électrisation ; - sa responsabilité sans faute ne saurait être engagée en raison de la faute commise par M. A... qui s'est abstenu de porter ses gants de protection. II) Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2018, et des mémoires enregistrés les 6 avril 2020 et 21 septembre 2020 (non communiqué), le syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues (SIEVA), représenté par Me F..., demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 2018 en ce qu'il a ordonné une expertise avant-dire droit ; 2°) d'annuler ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à M. A... une somme de 2 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle ; 3°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - aucune faute ne peut lui être imputée au regard du caractère imprévisible de l'accident souligné par l'enquête et l'expertise ; - la fiche technique du fournisseur des gants en dotation permettait de penser que ce matériel protégeait contre l'électrisation ; - sa responsabilité sans faute ne saurait être engagée en raison de la faute commise par M. A... qui s'est abstenu de porter ses gants de protection. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2020, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 10 septembre 2020, M. A..., représenté par Me C..., conclut : - au rejet de la requête ; - à ce que soit mise à la charge du SIEVA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - en omettant de le former au risque d'électrisation et en ne le dotant pas des équipements adéquats, le SIEVA a commis une faute à l'origine de son accident de service qui n'était pas imprévisible, ainsi que le montrent les mesures prises dans le service après cet accident ; - le risque d'électrisation était patent et ne pouvait qu'être connu du SIEVA ; - ses gants en dotation n'offraient aucune protection contre le risque électrique ; il ne peut donc utilement lui être reproché de ne pas les avoir portés ; - subsidiairement, en l'absence de faute, il peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre des souffrances endurées, des préjudices esthétique et d'agrément et des troubles dans les conditions d'existence. Par un courrier, enregistré le 13 janvier 2021, le SIEVA a confirmé maintenir expressément sa requête n° 18LY04271. Par un courrier, enregistré le 26 janvier 2021, M. A... a confirmé maintenir expressément sa requête n° 18LY04268. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public, tiré des conséquences de l'autorité de chose jugée du jugement n° 1706501 en date du 10 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon en ce que : - " il résulte de l'intervention du jugement n° 1706501 du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2019, devenu définitif, qu'il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la provision accordée à M. A... par le jugement avant-dire-droit attaqué " ; - " l'autorité de chose jugée attachée à ce même jugement du 10 juillet 2019 fait obstacle à la demande de M. A... tendant à l'indemnisation des mêmes préjudices que ceux indemnisés, sur le fondement de la responsabilité pour risque, par le jugement attaqué " ; - " la contestation de la mesure d'expertise ordonnée par le jugement avant-dire-droit attaqué, en ce qu'elle se rattache au jugement du 10 juillet 2019 devenu définitif qui a statué au fond au vu de ladite expertise, relève d'un litige distinct des appels formés contre le jugement attaqué ". Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2021, le SIEVA a produit ses observations en réponse à la communication de ce moyen d'ordre public. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le jugement n° 1706501 du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2019 ; Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code général des collectivités locales ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code du travail ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ; - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; - et les observations de Me G..., pour M. A... ainsi que celles de Me E..., pour le SIEVA ; Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., agent technique territorial de deuxième classe au syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues (SIEVA), intervenait le 12 février 2013 sur un chantier de remplacement du réseau d'alimentation en eau potable de la commune de Lentilly. Au cours de cette intervention, il a été électrisé. L'accident a été reconnu imputable au service et M. A..., déclaré définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions, en l'absence de reclassement, a été placé en retraite anticipée. Il a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner, après une expertise, le SIEVA à l'indemniser de tous les préjudices subis en conséquence de cet accident. Par sa requête n° 17LY04268, il demande l'annulation du jugement du 3 octobre 2018 en tant que le tribunal administratif a rejeté sa demande fondée sur la responsabilité pour faute du SIEVA. Par des conclusions incidentes et une requête enregistrée sous le n° 18LY04271, le SIEVA demande l'annulation du même jugement en tant qu'il a, avant-dire-droit sur le surplus, ordonné une expertise, mis à sa charge une provision de 2 000 euros à verser à M. A... et a jugé sa responsabilité sans faute engagée dans cet accident. Sur la jonction : 2. Les requêtes susvisées, dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions relatives à l'accident de service survenu à un même fonctionnaire. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt. Sur l'étendue du litige : 3. Par le jugement attaqué du 3 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, condamné le SIEVA à verser à M. A... une indemnité provisionnelle de 2 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices personnels nés de la responsabilité pour risque du syndicat en sa qualité d'employeur, qu'au regard des motifs il a reconnue en excluant par ailleurs la faute, d'autre part, a ordonné une expertise en vue d'établir la consistance desdits préjudices, notamment d'agrément et esthétique, et enfin a sursis à statuer sur le surplus des conclusions des parties. Puis, par un jugement, susvisé, du 10 juillet 2019, sous le même numéro (1706501), dont aucune des parties n'a fait appel et qui par suite est devenu dans cette mesure définitif à la date à laquelle il est statué sur les requêtes, le tribunal, statuant explicitement sur les préjudices de M. A... liés à la responsabilité pour risque du SIEVA, au vu de l'expertise réalisée le 4 mars 2019 en exécution du jugement avant-dire-droit, a condamné le SIEVA à verser à M. A... une somme de 27 246 euros sous déduction de la provision de 2 000 euros et assortie des intérêts en réparation du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément et des frais divers exposés par l'intéressé, outre les dépens et frais exposés à l'instance. 4. Par sa requête, qu'il a déclaré expressément maintenir, et dans le dernier état de ses écritures contentieuses, M. A... demande l'annulation du jugement avant-dire-droit du 3 octobre 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes fondées sur la responsabilité pour faute du SIEVA, de condamner celui-ci, en tout état de cause, à lui verser une provision de 10 000 euros, à valoir sur l'indemnisation de son préjudice causé par l'accident de service et la confirmation du jugement en tant qu'il a ordonné une expertise. Par sa requête, qu'il a déclaré expressément maintenir, et dans le dernier état de ses écritures contentieuses, le SIEVA demande l'annulation du jugement du 3 octobre 2018 en ce qu'il a ordonné une expertise avant-dire droit et en tant qu'il l'a condamné à verser à M. A... une somme de 2 000 euros. En outre, par des conclusions incidentes en appel dans ses écritures contentieuses en réponse à la requête de M. A..., le SIEVA demande l'annulation du jugement du 3 octobre 2018 en ce qu'il a ordonné une expertise avant-dire droit et en tant qu'il l'a condamné à verser à M. A... une somme de 2 000 euros. 5. Il suit de là que, par un jugement devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a condamné le SIEVA sur le fondement de la responsabilité sans faute en sa qualité d'employeur de M. A... à verser à celui-ci la somme de 27 246 euros en réparation de préjudices personnels, lesquels ne se confondent pas avec les préjudices patrimoniaux et professionnels, ni ne relèvent de ces derniers, dont M. A... recherchait, par sa demande d'annulation dans cette mesure du jugement attaqué, l'indemnisation sur le terrain de la faute. Cette somme réserve la provision de 2 000 euros que le SIEVA a été condamné à verser à M. A... au titre de la responsabilité sans faute. Il n'y a dès lors, à la date à laquelle il est statué par le présent arrêt, plus lieu à statuer sur les conclusions incidentes du SIEVA tendant à l'annulation du jugement du 3 octobre 2018 en tant qu'il le condamne à verser ladite indemnité provisionnelle. 6. Par les mêmes motifs, les premiers juges ayant statué par un jugement définitif sur la responsabilité pour risque du SIEVA et indemnisé les préjudices de M. A..., qui n'a pas fait appel du jugement du 10 juillet 2019, sur ce seul fondement, l'autorité de chose jugée attachée à cette décision juridictionnelle fait obstacle à la demande de M. A... de voir les mêmes préjudices indemnisés sur le même terrain. Dès lors, ses conclusions, subsidiaires, en appel, tendant à la condamnation du SIEVA à ce titre ne peuvent qu'être rejetées. 7. Il ressort en dernier lieu des motifs du jugement attaqué que la mesure d'expertise ordonnée en première instance visait exclusivement à éclairer le juge de la responsabilité sur la consistance et l'étendue des préjudices personnels de M. A... en lien avec la responsabilité pour risque du SIEVA sur laquelle il avait auparavant statué, sans que le SIEVA, qui seul y avait intérêt, ne dirige ses conclusions en appel sur ce point. Dès lors, la contestation de l'utilité ou du caractère frustratoire de la mesure d'expertise invoquée par le SIEVA procède d'un litige distinct qui, s'il se rattache au jugement définitif, est étranger au jugement avant-dire-droit attaqué, lequel a sursis à statuer sur ces chefs de préjudice. Sur la responsabilité pour faute : 8. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 1er et 2 du décret du 2 mai 2005 qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardés comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. 9. Il résulte d'un principe général, dont s'inspirent les dispositions de l'article L. 4121 du code du travail, que les employeurs publics, dont les établissements publics de coopération intercommunale au nombre desquels figure le SIEVA, doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de leur personnel de droit public, notamment en mettant en oeuvre des actions de prévention ou d'information des risques professionnels ainsi qu'en les dotant des moyens et outils appropriés à l'exercice de leurs missions. 10. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'enquête et des expertises produites au dossier, que l'électrisation sévère dont M. A... a été victime le 12 février 2013 lors de son intervention, dans le cadre de ses missions, sur le chantier de remplacement du réseau d'eau potable de Lentilly est survenue lorsqu'il a cru sectionner un tuyau d'alimentation en eau, qui s'est avéré être un câble électrique sous tension placé immédiatement au-dessus du tuyau sur lequel il avait pour mission d'intervenir, une trentaine d'années auparavant, et strictement semblable d'aspect à celui-ci, sans que les plans en possession du SIEVA aient été de nature à permettre d'éviter cette confusion, imprévisible dans ces circonstances aux dires de l'expert réquisitionné par les enquêteurs. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en tout état de cause il n'est pas établi que le défaut de formation antérieure de M. A... aux risques d'électrisation ait participé à la réalisation de l'accident et serait, pour une part, à l'origine des préjudices professionnels ou patrimoniaux subis par l'intéressé. 11. Il ressort en revanche de la notice technique du fournisseur des gants donnés en dotation à l'époque de l'accident par le SIEVA aux agents techniques intervenant sur les chantiers de cette nature, produite en appel par le SIEVA sur mesure d'instruction, que, si ce matériel assure la protection thermique des agents et la meilleure préhension des équipements et outils utilisés par leurs porteurs dans des conditions difficiles, il n'offre, notamment en atmosphère humide, aucune garantie utile contre les chocs électriques. La circonstance que la dotation n'ait été constituée que de ce type de gants ne révèle toutefois pas, dans ces conditions, que le SIEVA, à la date de l'accident, alors même qu'il entendait, par l'usage des plans de réseaux, prémunir ses agents contre le risque d'accès fortuit à des câbles électriques sous tension et, par suite, était sensibilisé à ce danger, n'avait pas anticipé, par un équipement protecteur adapté, les dommages que ses agents pouvaient subir en cas de réalisation de ce risque. Ainsi, alors même que, comme il est survenu en l'espèce, l'imprécision des informations sur ces réseaux anciens dépourvus des éléments d'identification et d'alerte prescrits par les normes actuelles rendait insuffisante la prévention du risque d'électrisation par la seule consultation des plans de réseaux, il ne ressort pas des circonstances particulières de cet accident que le SIEVA, à peine de sous-estimation fautive du risque, devait équiper ses agents d'une protection supplémentaire de nature à minimiser les conséquences d'une manipulation, dont il n'est pas allégué ni révélé par les pièces du dossier qu'elle n'ait pas été effectuée dans les règles de l'art lors de l'accident. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le SIEVA a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, au titre de ses préjudices patrimoniaux professionnels, en omettant de le doter de gants le garantissant contre les risques d'électrisation. 12. Surabondamment, s'il est constant que M. A... ne portait pas ses gants de dotation lors de la survenue de l'accident, le SIEVA, eu égard aux caractéristiques desdits gants telles que relevées au point 6, ne peut utilement faire valoir cette circonstance imputable à la victime mais qui a été sans incidence sur la réalisation de l'accident ni sur les conséquences dommageables de ce dernier pour M. A.... 13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité pour faute du SIEVA pour demander, et en tout état de cause au-delà de l'indemnisation ordonnée par le jugement, devenu définitif, du 10 juillet 2019, la réparation intégrale de ses préjudices résultant de l'accident de service du 12 février 2013. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que lui soit allouée une provision de 10 000 euros à valoir sur la réparation desdits préjudices ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'appliquer les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge des parties une somme quelconque au titre des frais exposés par elles à l'occasion du litige. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions incidentes du SIEVA tendant à l'annulation du jugement du 3 octobre 2018 en tant qu'il le condamne à verser une indemnité provisionnelle de 2 000 euros à M. A.... Article 2 : La requête n° 18LY04271du SIEVA et ses conclusions incidentes dans l'instance n° 18LY04268 tendant à l'annulation de la mesure d'expertise ordonnée par le jugement attaqué sont rejetées. Article 3 : La requête n° 18LY04268 de M. A... est rejetée. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au syndicat intercommunal des eaux du Val d'Azergues. Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme D..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021. Nos 18LY04268, 18LY04271 2 el
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 7ème chambre, 03/06/2021, 19LY04536, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. C... D... a demandé au tribunal des pensions militaires de Grenoble d'annuler la décision du 29 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité et d'enjoindre à la ministre des armées de faire droit à sa demande, en portant le taux global de sa pension à 90 %. Par un jugement n° 17/2 du 11 octobre 2019, ce tribunal a annulé la décision en litige et a enjoint à la ministre des armées de réexaminer la situation de M. D.... Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2019, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 24 février et 29 avril 2021 (non communiqué), la ministre des armées demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal des pensions militaires de Grenoble du 11 octobre 2019, en tant qu'il a enjoint à l'administration de réexaminer la demande de révision de pension de M. D... ; 2°) de confirmer sa décision du 29 mai 2017 en ce qu'a été rejetée la demande de révision de pension au motif que l'aggravation à hauteur de 5 % ne peut légalement être prise en compte, à titre subsidiaire d'ordonner une expertise aux fins de déterminer le taux d'infirmité de M. D... à la date du 23 septembre 2015. Elle soutient que : - le tribunal ne pouvait, sans erreur de droit, retenir des éléments médicaux postérieurs à la date de la demande de révision de pension pour prononcer une injonction de réexamen au vu de ces éléments ; - l'expertise médicale de l'administration établit tous les éléments d'appréciation pour fixer à 5 % le taux d'aggravation des séquelles d'entorse du genou gauche de M. D... à la date de sa demande de révision. Ce taux est inférieur au minimum de 10 % susceptible de permettre la réévaluation de la pension ; - en tout état de cause, une nouvelle expertise ne pourrait que déterminer l'état de M. D... à la date de sa demande de révision. Par un mémoire, enregistré le 30 novembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 20 avril 2021, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour : 1°) de rejeter le recours de la ministre des armées ; 2°) en tout état de cause, par l'effet dévolutif de l'appel, d'annuler la décision du 29 mai 2017 et enjoindre à la ministre des armées de se prononcer à nouveau sur sa demande de révision dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer le taux de son invalidité à la date de l'examen ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il soutient que : - en sa qualité de juge de plein contentieux, c'est à bon droit que le tribunal s'est placé à la date de sa décision pour statuer en considération de tous les éléments dont il disposait à cette date ; - la composition de la commission de réforme, qui ne comprenait qu'un seul officier en méconnaissance de l'article R. 151-14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, était irrégulière ; - la décision en litige du 29 mai 2017 est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 151-6 du même code ; - la ministre des armées s'est à tort cru liée par l'avis de la commission de réforme ; - l'appréciation de sa situation médicale est entachée d'une erreur manifeste, ne prenant pas en compte l'ensemble des éléments médicaux produits ; - une nouvelle expertise devrait prendre en compte l'ensemble de sa situation à la date de l'examen. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 novembre 2020. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ; - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; - et les observations de Me A... pour M. D... ; Considérant ce qui suit : 1. Engagé volontaire dans l'armée de terre le 1er octobre 1984, M. C... D..., adjudant-chef en exercice, a été victime d'une entorse du genou gauche en service le 26 janvier 1989 qui l'a conduit à subir une ligamentoplastie, intervention reprise en 1991 et 1994. Un arrêté du 31 janvier 1995 lui a concédé une pension militaire d'invalidité au taux de 10% pour l'infirmité résultant des séquelles de cet accident. Par une décision du 29 mai 2017, le ministre de la défense a rejeté la demande de M. D..., formée le 23 septembre 2015, tendant à la révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité. La ministre des armées demande à la cour la réformation du jugement du 11 octobre 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de Grenoble a annulé cette décision et lui a enjoint de réexaminer la demande de l'intéressé. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; (...) / 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; (...). " L'article L. 121-2-3 dudit code précise que " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. " En vertu de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " 3. Il résulte de ces dispositions, nonobstant la circonstance que, pour l'exercice de son office, le juge du contentieux des pensions militaires d'invalidité statue en plein contentieux, que lorsque le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite sa révision du fait de l'aggravation de ses infirmités, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension, laquelle lie le contentieux ultérieur. 4. Il résulte de l'instruction que M. D... a sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité pensionnée le 23 septembre 2015. Pour enjoindre à la ministre des armées, après avoir constaté qu'il manquait d'éléments suffisants pour se prononcer sur le taux de l'aggravation, de réexaminer la demande de M. D..., les premiers juges ont pris en compte notamment la circonstance que celui-ci avait subi, postérieurement à la décision de rejet en litige, une intervention chirurgicale pour la pose d'une prothèse sur son genou gauche et en ont déduit l'existence d'une aggravation. Ce faisant, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, sur ce motif, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Grenoble a annulé la décision du 29 mai 2017 et lui a enjoint de réexaminer la demande de révision de pension formée par l'intéressé. 6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties devant le tribunal des pensions militaires de Grenoble et la cour. Sur la légalité de la décision en litige du 29 mai 2017 : 7. En premier lieu, la ministre des armées a produit en première instance la délégation de signature, publiée au journal officiel de la République française du 24 avril 2015, en vertu de laquelle l'adjoint au sous-directeur des pensions du ministère de la défense a signé la décision en litige. M. D... n'établit pas, ni même n'allègue, que les conditions d'exercice de cette délégation n'étaient pas remplies. Le moyen tiré du défaut de justification de la compétence du signataire de la décision du 29 mai 2017 manque ainsi en fait. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 151-14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa version applicable au litige : " La composition de la commission de réforme est fixée comme suit : /1° Un médecin-chef des services ou un médecin en chef, président de la commission, nommé par le ministre de la défense ; / 2° Deux officiers dont un officier supérieur et un capitaine ou un officier de grade équivalent, désignés par le commandant de zone terre, ou le commandant de l'arrondissement maritime sur le territoire desquels est situé le domicile du demandeur, ou par le directeur des ressources humaines de l'armée de l'air. / Les membres de la commission sont choisis parmi les officiers de carrière ou sous contrat en position d'activité. / En cas d'absence ou d'empêchement, les membres de la commission peuvent être remplacés par un suppléant désigné suivant les mêmes règles. " et aux termes de l'article R. 151-16 du même code : " Le président de la commission de réforme fixe la date à laquelle statue la commission. La commission de réforme ne délibère valablement que si son président ou son suppléant et un autre membre sont présents. (...) ". Il ressort du procès--verbal de la commission de réforme en date du 23 mai 2017 qui a délibéré sur la demande de M. D... qu'elle était composée de son président, médecin-chef, et d'un officier supérieur. Dès lors, le moyen tiré par M. D... de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme manque en fait et doit être écarté. 9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le Dr Doridot, médecin-expert au sens de l'article R. 151-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui a examiné M. D... le 17 janvier 2017 pour l'instruction de sa demande de révision de pension, justifie de l'agrément prévu par ces dispositions. 10. En quatrième lieu, il ressort de la décision du 29 mai 2017 que celle-ci vise l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la demande présentée le 23 septembre 2015 par M. D..., et l'avis de la commission de réforme du 23 mai 2017, et indique que le taux d'aggravation de l'infirmité pensionnée est inférieur au taux minimum de 10 % pouvant être pris en compte. Elle comporte ainsi l'ensemble des considérations de droit et de fait permettant à son destinataire d'en comprendre et discuter utilement les motifs et au juge du contentieux des pensions militaires d'invalidité de statuer en toute connaissance de cause. Cette décision est dès lors suffisamment motivée. 11. Enfin, il ne ressort pas des termes de la décision en litige que le ministre de la défense se serait à tort estimé lié par l'avis, consultatif, de la commission de réforme, qu'il a pu sans erreur de droit ni méconnaissance de sa compétence s'approprier pour statuer sur la demande de M. D.... Sur le bien-fondé de la demande de révision de la pension : 12. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 13. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. " L'article L. 121-5 précise que " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : - a) 30 % en cas d'infirmité unique ; - b) 40 % en cas d'infirmités multiples. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. " 14. L'arrêté initial du 31 janvier 1995 concédant à l'intéressé une pension définitive, qui constate par ailleurs un droit à pension ouvert à compter du 6 décembre 1994, a reconnu que M. D..., à la suite de l'accident survenu le 26 janvier 1989 en service lors d'une mission extérieure au Liban, restait atteint de séquelles d'entorse du genou gauche, après rechute par rupture de ligamentoplastie, d'instabilité lors de la marche en terrain accidenté, sans latéralité, avec un tiroir antérieur en rotation interne, pour un taux d'invalidité global de 10 %. Dans sa demande du 23 septembre 2015, M. D... fait état de la dégradation des cartilages de son genou. 15. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise médicale du 13 janvier 2017, que, par référence à des examens conduits en 2012, M. D... souffrait d'une gêne plus importante à la mobilité de son genou, empêchant toute activité sportive, avec une flexion limitée par rapport au côté droit et une gêne importante à l'accroupissement. Le médecin-expert concluait à une aggravation de nature à porter le taux global d'invalidité à 15 %. Le médecin de l'administration, puis la commission de réforme, ont retenu la même appréciation, pour une aggravation estimée inférieure au seuil de 10 %. Par les éléments médicaux qu'il produit, et dont, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, seuls ceux établissant l'état de santé de l'intéressé à la date de sa demande de révision de pension peuvent utilement être pris en compte, M. D... ne conteste pas sérieusement cette appréciation. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation du refus du ministre de la défense du 29 mai 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande de révision non plus qu'à demander que le taux global de sa pension soit porté au minimum à 20 %. 16. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Grenoble a annulé la décision, indivisible, du 29 mai 2017 en litige et lui a enjoint de réexaminer la demande de M. D.... Par suite, le jugement du 11 octobre 2019 doit être annulé et la demande de M. D... rejetée, dont ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 17/2 du 11 octobre 2019 du tribunal des pensions militaires de Grenoble est annulé. Article 2 : La demande de M. D... tendant à l'annulation de la décision du 29 mai 2017 et à la révision du taux d'invalidité de son infirmité fixé par l'arrêté du 31 janvier 1995 sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. C... D.... Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme B..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021. N° 19LY04536 2
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de LYON, 3ème chambre, 03/06/2021, 19LY00683, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 29 août 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du Roannais a refusé d'aménager son poste de travail et de l'autoriser à reprendre ses fonctions, ainsi que la décision du 20 octobre 2016 par laquelle la même autorité l'a placée en congé de maladie ordinaire à mi-traitement à compter du 1er septembre 2016 ; de condamner la communauté d'agglomération du Roannais à lui verser la somme de 97 248,25 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des illégalités fautives entachant ces décisions ; de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Roannais la somme totale de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative . Par un jugement n° 1608644-1708225 du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions du président de la communauté d'agglomération du Roannais et a rejeté le surplus des demandes de Mme C.... Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 20 février 2019, Mme C..., représentée par Me A... (F... A... G...), demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ; 2°) de condamner la communauté d'agglomération Roannais Agglomération à lui verser la somme de 97 248,25 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des illégalités fautives entachant le refus de l'autoriser à reprendre ses fonctions et son placement en congé de maladie ordinaire à mi-traitement ; 3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est entaché d'erreur de droit, dès lors que, si les décisions annulées n'avaient pas été édictées, elle aurait continué à percevoir un plein traitement, et ainsi le tribunal ne pouvait considérer que l'annulation de ces décisions était sans conséquence sur ses prétentions indemnitaires ; - alors que le comité médical était favorable à la reprise sur un poste aménagé, l'administration n'a pas cherché à aménager son poste d'agent d'entretien, qui ne se limite pas aux travaux ménagers et n'est pas incompatible avec ses pathologies, et dès lors qu'elle n'a pas été nommée au grade supérieur malgré sa réussite à l'examen professionnel ; elle n'a pas été invitée à présenter une demande de reclassement et l'administration n'a pas cherché à la reclasser ; il n'a pas été tenu compte de sa pathologie reconnue imputable au service, qui l'a mise dans l'incapacité d'exercer ses fonctions ; sa qualité de travailleur handicapé n'a pas davantage été prise en considération ; - son préjudice financier est justifié à hauteur de la somme totale de 97 248,25 euros, eu égard à son placement à demi-traitement du 1er mai 2016 au 30 avril 2017, puis à son admission à la retraite, alors qu'elle perçoit une pension d'un montant inférieur à celui qu'elle aurait pu percevoir si elle avait pu travailler jusqu'à l'âge légal ; - le lien de causalité entre les fautes commises et le préjudice subi est établi. Par un mémoire en défense enregistré le 1er juillet 2019, la communauté d'agglomération Roannais Agglomération, représentée par Me B... (E...), conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme C... à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'annulation par le tribunal des décisions des 29 août et 20 octobre 2016, pour défaut de motivation, n'ouvre pas droit à indemnisation, dès lors que ces décisions étaient fondées ; - elle n'a pas été en mesure de proposer un aménagement de poste à Mme C... compte tenu des contre-indications médicales dont elle faisait l'objet ; elle a recherché des solutions de reclassement alors même qu'elle n'y était pas tenue ; Mme C... n'était plus, depuis le 1er janvier 2016, en congé de maladie professionnelle ; sa qualité de travailleur handicapé a bien été prise en compte ; - aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'administration et à ouvrir droit à indemnisation au profit de Mme C... n'a été commise. Par ordonnance du 16 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juillet 2020. Vu le jugement attaqué et les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de cette loi et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Tallec, président, - les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public, - et les observations de Me Gouy-Paillier, avocat, représentant Mme C... et de Me Armand, avocat, représentant la communauté d'agglomération Roannais Agglomération ; Considérant ce qui suit : 1. Adjointe technique de 2ème classe exerçant les fonctions d'agent d'entretien au sein de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération, Mme D... C... a été placée en congé de maladie imputable au service du 9 août 2012 au 31 décembre 2015, en raison d'une pathologie du canal carpien gauche, pour laquelle elle a subi une intervention chirurgicale le 21 novembre 2012. A la demande de l'administration, elle a été examinée le 7 décembre 2015 par un médecin rhumatologue agréé, qui a conclu aux termes de cette expertise que les arrêts de travail de l'intéressée depuis le 30 septembre 2015 n'étaient pas en rapport avec cette pathologie, mais étaient la conséquence de la névralgie cervicobrachiale gauche dont souffrait la requérante. Sur ce fondement, la commission départementale de réforme des agents des collectivités locales de la Loire a émis le 3 mars 2016 un avis défavorable à ce que les arrêts de travail de Mme C... à compter du 1er janvier 2016 soient pris en charge au titre de la maladie professionnelle, si bien que la requérante a été placée en congé de maladie ordinaire à compter de cette dernière date. En vue du renouvellement de ce congé, Mme C... a été examinée le 7 juin 2016 par un médecin agréé, qui a estimé que ses arrêts de travail depuis le 1er janvier 2016 relevaient de la maladie ordinaire, qu'elle n'était pas apte à reprendre ses anciennes fonctions, mais qu'elle était " apte à une reprise du travail sur un poste aménagé, sans manutention, sans effort ni gestes répétitifs (travail de ménage en particulier) avec les membres supérieurs ". Ces conclusions ont été reprises par le comité médical de la Loire, dans l'avis qu'il a émis sur la situation de l'intéressée le 21 juillet 2016. Le 29 août 2016, le président de la communauté d'agglomération a informé Mme C... qu'aucun poste aménagé n'était susceptible de lui être proposé. Le 20 octobre 2016, il lui a signifié son placement d'office en congé de maladie ordinaire, suite aux conclusions du médecin expert l'ayant examinée le 12 octobre 2016, dans l'attente de l'avis du comité médical. Ce dernier a émis le 17 novembre 2016 un avis favorable à l'inaptitude totale et définitive de Mme C... à ses fonctions et à sa mise à la retraite pour invalidité. Par jugement du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé, pour défaut de motivation, la décision du 29 août 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du roannais a refusé d'aménager le poste de Mme C... et de l'autoriser à reprendre ses fonctions, ensemble la décision du 20 octobre 2016 la plaçant en congé de maladie ordinaire à mi- traitement à compter du 1er septembre 2016. Par ce même jugement, il a rejeté les conclusions de Mme C... tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération à lui verser la somme de 97 248,25 euros en réparation des préjudices estimés subis en raison des illégalités fautives entachant, selon la requérante, ces décisions. Mme C... relève appel de ce jugement uniquement en ce qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires. Sur les conclusions à fin d'indemnisation : 2. Si toute illégalité constitue une faute, celle-ci n'ouvre pas droit à indemnisation lorsque, les circonstances de l'espèce étant de nature à justifier légalement les décisions prises, les préjudices allégués ne peuvent être regardés comme la conséquence du vice dont ces décisions sont entachées. 3. Mme C... soutient que le refus de l'autoriser à reprendre ses fonctions et son placement en congé de maladie ordinaire à mi-traitement, sont entachés de plusieurs illégalités lui ayant causé un préjudice financier dont elle demande réparation. 4. En premier lieu, Mme C..., qui se prévaut de l'avis du comité médical du 21 juillet 2016 l'ayant reconnue " apte à la reprise sur un poste aménagé, sans manutention, sans effort ni gestes répétitifs (travail de ménage en particulier) avec les membres supérieurs ", fait valoir que la communauté d'agglomération Roanne Agglomération n'a pas cherché à l'affecter sur un poste aménagé. Il ressort des pièces versées au dossier qu'avant d'être placée en congé de maladie, Mme C... occupait un emploi d'agent d'entretien, ayant pour mission, selon la fiche de poste, de contribuer à la propreté des locaux d'un immeuble abritant des services de la collectivité, et pour activités principales l'entretien des salles de réunion - à raison de 60 % du temps de travail - et des opérations liées à la vaisselle, au linge et aux poubelles - à raison de 40 %. De telles tâches ne sauraient être effectuées sans l'accomplissement de nombreux gestes médicalement contre-indiqués pour la requérante et il n'est pas établi que d'autres tâches compatibles avec son état de santé pourraient lui être confiées, si bien que ni l'aménagement de son poste de travail ni l'affectation de Mme C... sur un poste équivalent relevant du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux n'étaient possibles. Si Mme C... évoque sa réussite à l'examen professionnel pour l'accès à la première classe du grade d'adjoint technique territorial le 25 juin 2012 et sa demande de promotion restée sans suite, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité des décisions annulées. 5. En deuxième lieu, si Mme C... soutient que l'administration a manqué à son obligation de reclassement, il ressort des pièces versées au dossier que la collectivité a engagé des démarches en vue d'un éventuel reclassement de l'intéressée, qui elle-même n'a au demeurant jamais formalisé une demande en ce sens. Si elle fait valoir que, compte tenu de la dimension des services de la communauté d'agglomération, " un reclassement pouvait facilement être retrouvé ", elle ne fournit aucun élément précis à l'appui de cette allégation de principe, alors que l'administration a justifié dans ses écritures, sans être contredite, qu'au cours de l'année 2016, seuls trois postes d'adjoint administratif ont été déclarés vacants au sein de la collectivité, aucun ne correspondant aux qualifications de Mme C.... En outre, la requérante ne saurait utilement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 85-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, qui sont entrées en vigueur postérieurement aux décisions annulées. 6. En troisième lieu, il résulte de la combinaison des dispositions du 2° de l'article 57 et de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction alors en vigueur, que le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité de continuer à exercer ses fonctions en raison d'une maladie contractée en service, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou de longue durée, doit, en l'absence de modification de sa situation personnelle, être maintenu en congé de maladie à plein traitement jusqu'à la reprise de son service, à la suite d'un reclassement le cas échéant, ou jusqu'à sa mise à la retraite anticipée si celui-ci est impossible. 7. Mme C... soutient que seule sa pathologie du canal carpien l'a mise dans l'incapacité d'exercer ses fonctions et qu'elle devait en conséquence pouvoir bénéficier de son plein traitement jusqu'à la reprise du service ou la mise à la retraite. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que depuis le 1er janvier 2016, Mme C... était placée en congé de maladie ordinaire, avec demi-traitement à partir du 1er mai 2016, à la suite de l'avis de la commission de réforme du 3 mars 2016, qui avait considéré que les arrêts de travail à compter de cette date n'étaient pas en lien avec la pathologie imputable au service, mais avec une autre pathologie, une névralgie cervicobrachiale gauche. Par suite, alors que la requérante n'apporte aucun élément pour contester cette appréciation, le moyen tiré de l'absence de prise en compte de sa maladie professionnelle doit être écarté. 8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 6 sexiès de la loi du 13 juillet 1983, auquel renvoie l'article 35 de la loi du 26 janvier 1984 : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs (...) prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° (...) de l'article L. 5212-13 du code du travail (...) de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser (...) sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées (...) ". 9. Mme C..., qui a obtenu la reconnaissance de travailleur handicapé à compter du 16 juin 2011, soutient que cette situation n'aurait jamais été prise en compte par son employeur et que le principe d'égalité de traitement n'aurait ainsi pas été respecté. Il ressort toutefois des pièces versées au dossier qu'à compter de 2004, la communauté d'agglomération a pris des mesures destinées à faciliter l'exercice des activités professionnelles de Mme C..., en adaptant ses conditions de travail à l'évolution de son état de santé, jusqu'à ce que les contraintes imposées par celui-ci rendent impossible son retour dans les services de la collectivité. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées ne peut qu'être écarté. 10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération à lui verser la somme de 97 248,25 euros. Sur les frais liés au litige : 11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 12. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme C.... Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération présentées sur le même fondement. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme D... C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et à la communauté d'agglomération Roannais Agglomération. Délibéré après l'audience du 4 mai 2021, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président, M. Gilles Fédi, président-assesseur, M. Pierre Thierry, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition du greffe le 3 juin 2021. 2 N° 19LY00683
Cours administrative d'appel
Lyon