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CAA de PARIS, 6ème chambre, 04/06/2021, 19PA03766, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... D... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 septembre 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Jouarre a refusé de faire droit à sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service d'une tendinose de l'épaule droite formulée auprès de l'établissement par courriel du 23 juin 2016, d'autre part, à la décharge de l'obligation de payer la somme de 592,41 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération sur le traitement de décembre 2012 mise à sa charge par un titre de perception émis le 25 janvier 2013 par le centre hospitalier de Jouarre, ainsi que la somme de 4 471,78 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération à compter du 17 juin 2015, date d'effet de son admission à la retraite pour invalidité, mise à sa charge par un titre de perception émis le 14 janvier 2016 par le même établissement, ensemble l'annulation de la décision implicite par laquelle le centre hospitalier de Jouarre a rejeté son recours gracieux formulé par un courriel du 9 février 2016. Par un jugement n° 1700041 du 7 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande . Procédure devant la Cour : Par une requête sommaire, enregistrée le 26 novembre 2019, et un mémoire ampliatif, enregistré le 15 décembre 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 7 mai 2019 du Tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 8 septembre 2016 ; 3°) de la décharger de l'obligation de payer les sommes mentionnées ci-dessus de 592,41 euros et de 4 471,78 euros ; 4°) d'enjoindre au centre hospitalier de Jouarre de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Jouarre au profit de son conseil une somme de 2 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que: - c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme irrecevables ses moyens de légalité externe soulevés à l'encontre de la décision du 8 septembre 2016 ; - elle reprend ces derniers moyens en appel ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le centre hospitalier n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que sa tendinose de l'épaule droite n'était pas imputable au service ; - elle est fondée à demander la décharge de l'obligation de payer les sommes mentionnées ci-dessus d'une part car sa rémunération était juste et avait un caractère définitif, d'autre part car ses absences pour raison de santé étaient toutes justifiées. Une mise en demeure de produire un mémoire en défense a été adressée, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, le 8 avril 2021 au centre hospitalier de Jouarre, lequel n'a pas produit de mémoire en défense. Par une ordonnance du 8 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 avril 2021 à 12 heures. Par une décision du 9 octobre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme D.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A... ; - les conclusions de M. Baffray, rapporteur public, - et les observations de Me C... pour Mme D.... Considérant ce qui suit : 1. Mme D..., ancienne aide-soignante du centre hospitalier de Jouarre, a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 septembre 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Jouarre a refusé de faire droit à sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service d'une tendinose de l'épaule droite formulée auprès de l'établissement par courriel du 23 juin 2016, d'autre part, à la décharge de l'obligation de payer la somme de 592,41 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération sur le traitement de décembre 2012 mise à sa charge par un titre de perception émis le 25 janvier 2013 par le centre hospitalier de Jouarre, ainsi que la somme de 4 471,78 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération à compter du 17 juin 2015, date d'effet de son admission à la retraite pour invalidité, pour une pathologie autre que la tendinose de l'épaule droite, somme mise à sa charge par un titre de perception émis le 14 janvier 2016 par le même établissement, ensemble l'annulation de la décision implicite par laquelle le centre hospitalier de Jouarre a rejeté son recours gracieux formulé par un courriel du 9 février 2016. Par un jugement du 7 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Mme D... relève appel de ce jugement. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 8 septembre 2016: 2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme D..., sa demande introductive de première instance ne contenait qu'un moyen de légalité interne qui doit être regardé comme étant tiré de l'erreur d'appréciation. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté comme irrecevables les moyens de légalité externe qui relèvent d'une cause juridique distincte au motif qu'ils avaient été présentés dans le mémoire enregistré le 6 octobre 2017, soit plus de deux mois après l'enregistrement de sa demande le 4 janvier 2017. Par ailleurs, les moyens de légalité externe, repris devant la Cour et donc nouveaux en appel, doivent donc être écartés comme irrecevables. 3. En second lieu, Mme D... soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que sa tendinose de l'épaule droite est étroitement liée aux fonctions d'aide-soignante qu'elle a exercées durant quatre ans dont trois ans consécutifs sans appareil mécanique pour l'aider. 4. Aux termes de l'article 41 de la loi visée ci-dessus du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme (...). ". Il résulte de ces dispositions que lorsque la maladie d'un fonctionnaire a été contractée ou aggravée dans l'exercice de ses fonctions, ce dernier conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite et bénéficie du remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par cette maladie. Par ailleurs, aux termes de l'article 31 du décret visé ci-dessus du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service (...). / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. " Aux termes de l'article 37 du même décret : " I. - Les fonctionnaires qui ont été mis à la retraite dans les conditions prévues à l'article 36 ci-dessus bénéficient d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services prévus à l'article précédent. / (...) / Le droit à cette rente est également ouvert à l'ancien fonctionnaire qui est atteint d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de la radiation des cadres, dans les conditions définies à l'article 31 (...) ". 5. Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le centre hospitalier de Jouarre a opposé à tort dans son mémoire en défense de première instance, les dispositions de l'article 32 du décret du 14 mars 1986, visé ci-dessus, qui instaurent un délai de quatre ans pour présenter une demande de reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie, lesquelles sont inapplicables aux agents de la fonction publique hospitalière. Toutefois, Mme D... ne produit aucune pièce ni aucun élément de nature à établir que la tendinose de l'épaule droite dont elle souffre serait en lien direct et certain avec son activité professionnelle. En effet, elle se borne à produire pour l'essentiel des résultats d'analyse médicales qui décrivent son état de santé mais n'évoquent aucun lien avec le service et les deux certificats médicaux de son médecin traitant, ne sont pas suffisamment circonstanciés pour établir un quelconque lien de sa pathologie avec le service, alors du reste qu'elle a été presque continuellement en congé de maladie ou en disponibilité d'août 2008 au 17 juin 2015, date de son admission à la retraite pour invalidité pour une pathologie autre que la tendinose. Dès lors, en estimant que l'affection dont elle est atteinte n'est pas en lien direct et certain avec son activité professionnelle, le directeur du centre hospitalier de Jouarre n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation. Sur les conclusions aux fins de décharge : 6. Aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement ". 7. En premier lieu, si Mme D... se prévaut du caractère définitif de sa rémunération sans autres précisions, les dispositions citées ci-dessus permettent la répétition de l'indu des rémunérations dans un délai de deux ans même si, comme en l'espèce les créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. Ce moyen doit donc être écarté. 8. En second lieu, Mme D... soutient que ses absences pour raison de santé étaient toutes justifiées.Toutefois, d'une part, cette circonstance est sans incidence sur le trop-perçu de rémunérations après son admission à la retraite, d'autre part, par cette seule circonstance, Mme D... ne justifie pas que le trop-perçu de rémunération du mois de décembre 2012 serait erroné. Ce moyen doit donc également être écarté. 9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée. Article 2: Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au centre hospitalier de Jouarre. Délibéré après l'audience du 21 mai 2021 à laquelle siégeaient : - Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juin 2021. Le rapporteur, D. PAGES Le président, O. FUCHS TAUGOURDEAU Le greffier, K. PETIT La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 19PA03766 2
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANTES, 6ème chambre, 01/06/2021, 19NT04066, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... E..., puis Mme C... E... reprenant l'instance engagée par mari décédé le 21 janvier 2015, ont demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes d'annuler la décision du ministre des armées du 3 novembre 2014. Par un jugement n° 14/00019 du 4 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes a rejeté leur demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 6 août 2019 devant la cour d'appel de Rennes, transférée à la cour devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, et des mémoires complémentaires enregistrés les 12 mars 2020 et 9 juin 2020, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes du 4 juin 2019 ; 2°) d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale aux fins d'évaluer le taux d'invalidité de son mari décédé, pour la période de 2012 à 2015, au regard du jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes en date du 28 février 2014 et du lien de causalité existant entre la légionellose et l'affection rénale dont il était atteint et de dire s'il existe un lien de causalité entre le cancer de l'estomac qu'il a développé et la légionellose ou la greffe rénale qu'il a subie ou leurs traitements ; 3°) d'annuler la décision du 3 novembre 2014 et de lui reconnaître un taux d'invalidité de 100 % au titre de l'insuffisance rénale pour la période du 9 septembre 2013 au 21 janvier 2015 ; 4°) de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant des effets secondaires des traitements anti-rejets, comprenant la gêne fonctionnelle subie et l'atteinte générale à son état de santé ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la reconnaissance par le tribunal des pensions militaires d'invalidité, dans son jugement du 28 février 2014, du lien de causalité entre la légionellose et l'affection rénale de son mari constitue un élément de fait nouveau postérieur à la décision du 4 mars 2011 ; cette circonstance obligeait le ministère des armées à réexaminer son taux d'invalidité sur la période triennale 2012 / 2015 ; la décision du 3 novembre 2014, qui n'est pas similaire à la précédente pour cette période, n'est dès lors pas purement confirmative et ouvre donc droit à contestation ; - l'expertise sollicitée est nécessaire dès lors que le ministre n'a pris en compte ni les effets secondaires de la greffe rénale que son mari a subis et la gêne fonctionnelle qui en est résultée, ni l'aggravation de son état de santé depuis 2013 ; - la décision contestée est fondée sur l'expertise du 20 décembre 2011 et ne tient pas compte de celle réalisée le 23 octobre 2013 ; elle fixe un taux d'invalidité de 40 % au titre de l'insuffisance rénale chronique en considérant que la greffe rénale subie le 5 janvier 2010 a amélioré l'état de santé de son mari sans tenir compte du jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité du 28 février 2014 qui a reconnu le lien de causalité entre la légionellose et l'insuffisance rénale de son mari ; les effets secondaires imputables à la greffe rénale, elle-même imputable à l'insuffisance rénale terminale, auraient dû être évalués et pris en compte y compris en ce qui concerne le traitement anti-rejet qui lui était administré ; les effets néfastes de ce traitement constituent une gêne fonctionnelle et une atteinte générale à son état de santé ; il ne lui a notamment pas permis de suivre de chimiothérapie néo-adjuvante pour traiter le cancer de l'estomac qu'il a développé à la suite de cette greffe et de ces traitements et qui constitue une aggravation de la légionellose qu'il a contractée dans le cadre de l'exercice de ses fonctions en mai 2004 ; les traitements et soins mis en place en 2014 attestent des souffrances physiques et psychiques de son mari ; au vu du guide-barème des invalidités les affections cancéreuses sont indemnisées à hauteur de 100 % pendant leur phase évolutive ; il devait donc bénéficier de ce taux pour la période du 9 septembre 2013 au 21 janvier 2015. Par des mémoires, enregistrés les 13 février, 26 mai et 18 juin 2020, la ministre des armées, conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ; - et les observations de Me D..., substituant Me A..., représentant Mme E.... Considérant ce qui suit : 1. M. E..., né le 9 mai 1959, était premier maître dans la marine nationale depuis 1975. Il a accompli une mission militaire à la Réunion du 5 mai au 3 juin 2004, à l'occasion de laquelle il a contracté la légionellose. Le 10 novembre 2006, l'intéressé a été rayé des contrôles de l'armée. Par une décision du 9 juillet 2007, une pension militaire d'invalidité au taux global de 55 % lui a été attribuée pour la période du 27 février 2006 au 26 février 2009, au titre d'une altération modérée de ses fonctions rénales évaluée à 30 % et d'un état anxio-dépressif secondaire à une détresse respiratoire évalué à " 30 % + 5 ". Le 27 juillet 2009, sa pension a été revalorisée au taux global de 65 % pour la période du 27 février 2009 au 26 février 2012, le taux de l'infirmité rénale étant alors porté à 40 %. Le 1er septembre 2009, M. E... a sollicité la révision de sa pension d'invalidité pour aggravation de l'insuffisance rénale chronique modérée dont il était atteint. Le 5 janvier 2010, il a bénéficié d'une transplantation rénale mais a été astreint, à compter de cette date, à suivre un traitement anti-rejet strict présentant de nombreux effets secondaires. Par une décision du 4 mars 2011, le ministre chargé de la défense a rejeté sa demande de révision. Parallèlement, et compte tenu de l'échéance qui arrivait à son terme, M. E... a sollicité le renouvellement de sa pension militaire d'invalidité pour les trois années suivantes. Le 29 novembre 2012, le taux d'invalidité total de 65 %, qui lui avait été précédemment accordé, a été maintenu pour la période du 27 février 2012 au 26 février 2015. Par un jugement du 28 février 2014, le tribunal des pensions militaires d'invalidité a cependant infirmé la décision ministérielle du 4 mars 2011 et alloué à l'intéressé une pension militaire d'invalidité temporaire au taux de 100 % pour la période du 1er septembre 2009 au 30 août 2012 pour " insuffisance rénale terminale en conséquence d'une insuffisance rénale modérée consécutive à une légionellose ". Le 27 octobre 2014, M. E..., dont l'état de santé s'était sérieusement dégradé, a sollicité auprès du service chargé des pensions militaires l'exécution de ce jugement. Par une décision du 3 novembre 2014, une pension au taux global de " 100 % + 3° " lui a été attribuée au titre de la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2012 en exécution de la décision judiciaire. Cette pension prenait en compte l'insuffisance rénale de l'intéressé évaluée à 100 % ainsi que son état anxio-dépressif évalué à 30 %. Par cette même décision, le ministre a rappelé que pour la période du 1er septembre 2012 au 26 février 2015 sa pension serait calculée sur la base d'un taux global de 65 %, dont 40 % au titre de l'affection rénale. Le 17 novembre 2014, M. E... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes. Mme E..., qui a repris l'instance au décès de son mari intervenu le 24 janvier 2015, relève appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes a rejeté sa demande. 2. Dans son jugement du 4 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes a jugé que pour le calcul du taux global de " 100 % + 3° " retenu pour la période du 1er septembre 2009 au 30 août 2012 l'administration avait pris en compte l'invalidité allouée au titre de son état anxio-dépressif. Il a par ailleurs considéré que la demande des intéressés relative à la sous-évaluation du taux de 40 % de l'infirmité " insuffisance rénale " pour la période du 1er septembre 2012 au 26 février 2015 était irrecevable dès lors que la décision du 3 novembre 2014 ne faisait, sur ce point, que confirmer celle du 29 octobre 2012, qui n'avait pas été contestée dans le délai de recours. Le tribunal a ajouté que les requérants auraient tout au plus été recevables à invoquer des moyens de légalité externe à l'encontre de cette décision, ce qu'ils ne faisaient pas en contestant le taux de 40 % retenu au titre de l'insuffisance rénale pour la période du 1er septembre 2012 au 26 février 2015. 3. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision du 9 juillet 2007 que l'atteinte à la fonction rénale dont M. E... a souffert a été, à compter de cette date, reconnue imputable à la légionellose contractée dans l'exercice de ses fonctions. Par suite, son épouse n'est pas fondée à soutenir que le lien de causalité entre la légionellose et l'affection rénale retenu par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes dans son jugement du 28 février 2014 constituerait un élément nouveau. Par ailleurs, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, l'administration a toujours pris en compte le taux d'invalidité de l'état anxio-dépressif pour le calcul du taux global de la pension militaire allouée à M. E..., y compris pour la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2012 au titre de laquelle il a bénéficié d'un complément de pension de " 3° ", correspondant à un taux d'invalidité de 30 %. De même, les décisions des 9 juillet 2007, 27 juillet 2009 et 3 novembre 2014 attestent de la prise en compte de l'évolution de la pathologie rénale de son mari. 4. Mme E... conteste la décision du 3 novembre 2014, en ce qu'elle rappelle, que pour la période du 1er septembre 2012 au 26 février 2015, le taux de sa pension militaire d'invalidité a de nouveau été fixé à 65 % sur la base d'une infirmité rénale ramenée à 40 %. Il ressort cependant des pièces du dossier que la décision du 29 novembre 2012 renouvelant les droits à pension de l'intéressé pour cette même période n'a pas été contestée devant le tribunal qui n'était saisi que de la légalité de la décision du 4 mars 2011 se rapportant à la période antérieure. En outre, le jugement dont les termes sont rappelés au point 2, s'est limité à reconnaître le droit à l'intéressé à percevoir une pension militaire d'invalidité temporaire au taux de 100 % pour la période du 1er septembre 2009 au 30 août 2012 pour " insuffisance rénale terminale en conséquence d'une insuffisance rénale modérée consécutive à une légionellose ", sans conférer à cette infirmité et à la pension allouée un caractère définitif. Ainsi que le soutient la ministre des armées, la décision du 3 novembre 2014 est, sur ce point, purement confirmative. Il s'ensuit, que la requérante ne peut utilement soutenir que le taux de la pension militaire d'invalidité de son mari au titre de la période triennale 2012 à 2015 aurait dû être réexaminé sur la base de ce jugement et de l'expertise réalisée en 2013. 5. Par ailleurs, dès lors que la décision du 29 novembre 2012 est devenue définitive, à défaut d'avoir été contestée, et que celle du 3 novembre 2014 présente pour la période du 1er septembre 2012 au 26 février 2015, un caractère purement confirmatif, il n'y a pas lieu d'ordonner l'expertise sur pièces sollicitée par Mme E... pour évaluer les effets secondaires des traitements consécutifs à la greffe rénale dont son mari a bénéficié en janvier 2010 ainsi que les divers préjudices qui en ont découlés, et dont au demeurant le ministre ne conteste ni la réalité, ni l'étendue. 6. Enfin, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la requérante ne peut utilement soutenir que la décision du 29 novembre 2012 ainsi que celle du 3 novembre 2014 la confirmant, aurait réduit à 40 % le taux d'invalidité pour altération modérée de la fonction rénale de son mari pour tenir compte de la transplantation rénale dont il a bénéficié en 2010, ni que les effets secondaires de cette greffe, du traitement anti-rejet associé et de la gêne fonctionnelle qui en est résultée, n'auraient pas été pris en compte dans le cadre de ces décisions. De même, les circonstances, qu'à compter de l'année 2013, l'état de santé de son mari n'a cessé de se dégrader, que les trois cancers qu'il a développés ont présenté un caractère évolutif et que les traitements et soins mis en place au cours de l'année 2014 lui ont occasionné de réelles souffrances physiques et psychiques, sont sans incidence sur la légalité de la décision du 3 novembre 2014 en ce qu'elle concerne la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2012, seule contestable. 7. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à ce que la décision du 3 novembre 2014 soit annulée et à ce que le taux de la pension militaire d'invalidité attribuée à son mari soit fixé à 100 % au titre de l'insuffisance rénale pour la période du 9 septembre 2013 au 21 janvier 2015 ne peuvent qu'être rejetées. Pour les mêmes motifs, l'intéressée n'est pas fondée à solliciter la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant des effets secondaires du traitement anti-rejet auquel son mari a été astreint, de la gêne fonctionnelle subie et de l'atteinte générale à son état de santé qui en est résultée. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme E... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme B..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2021. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19NT04066
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de LYON, 7eme chambre - formation a 3, 03/06/2021, 19LY01909, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la Métropole de Lyon à lui verser en principal une somme de 364 680 euros en réparation des conséquences d'un accident de service dont elle a été victime le 20 décembre 2006. Par un jugement n° 1800544 du 20 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a : - condamné la Métropole de Lyon à verser à Mme A... une somme de 70 600 euros, outre intérêts et capitalisation, en réparation du déficit fonctionnel permanent consécutif à cet accident ; - ordonné une expertise ; - rejeté les conclusions de la demande de Mme A... tendant à l'indemnisation de la perte de chance d'évolution professionnelle, des frais de cure thermale, d'hospitalisation et d'assistance par tierce personne, et le surplus des conclusions en indemnisation du déficit fonctionnel permanent ; - réservé le surplus des conclusions. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 20 mai 2019, et un mémoire, enregistré le 20 août 2020, la Métropole de Lyon, représentée par Me E..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 mars 2019 ; 2°) de rejeter les demandes de Mme A.... Elle soutient que : - faute de lui avoir communiqué les mémoires produits par la caisse primaire d'assurance maladie, la mutuelle MGAS et la caisse des dépôts et consignations (CDC), le tribunal a méconnu le principe du contradictoire et a ainsi entaché son jugement d'irrégularité ; - en l'absence d'élément probant sur les faits, la responsabilité de la Métropole de Lyon ne peut être engagée par voie de présomption sans erreur manifeste d'appréciation et erreur de droit ; - sa condamnation conduit à une double indemnisation d'un même chef de préjudices ; - le régime forfaitaire des accidents de service répare à lui seul le déficit fonctionnel permanent en l'absence de préjudice patrimonial réel ; - la mesure d'expertise ordonnée en première instance, qui ne pourrait pallier les carences probatoires de Mme A..., est dépourvue d'utilité. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la Métropole de Lyon la somme de 2 000 euros. Elle soutient que : - le défaut de productions par la caisse primaire d'assurance maladie, la mutuelle et la CDC en première instance est visé dans le jugement attaqué ; - aucun des moyens invoqués par la Métropole de Lyon n'est fondé ; - l'expertise ayant été menée, le moyen tiré de son absence d'utilité est devenu sans objet. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 et l'arrêté du 14 mars 1986 ; - le décret n° 68-756 du 13 août 1968, pris pour l'application de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code civil ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ; - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; - et les observations de Me B... pour la Métropole de Lyon, ainsi que celles de Me C... pour Mme A... ; Considérant ce qui suit : 1. Mme F... A..., rédactrice territoriale affectée à l'antenne territoriale de Rilleux-la-Pape de la Métropole de Lyon, a demandé au tribunal administratif de Lyon la condamnation de celle-ci à l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices consécutifs à un accident de service survenu le 20 décembre 2006. Par un jugement du 20 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné la Métropole de Lyon à verser à Mme A... une somme de 70 600 euros, outre intérêts et capitalisation, en réparation du déficit fonctionnel permanent consécutif à cet accident, a ordonné une expertise, a rejeté les conclusions de la demande de Mme A... tendant à l'indemnisation de la perte de chance d'évolution professionnelle, des frais de cure thermale, d'hospitalisation et d'assistance par tierce personne, et le surplus des conclusions en indemnisation du déficit fonctionnel permanent et a réservé le surplus des conclusions. La Métropole de Lyon demande l'annulation de ce jugement. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme A..., enregistrée le 23 janvier 2018 au greffe du tribunal administratif de Lyon, a été mise à disposition de la Métropole de Lyon dans l'application Télérecours le 6 mars 2018 et a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône le 16 mars 2018 et à la caisse des dépôts et consignations (CDC) le 8 février 2019, lesquelles, avisées de l'audience publique du 6 mars 2019 le 18 février 2019, n'ont pas produit d'observations avant la notification, le 22 mars 2019, du jugement avant-dire-droit attaqué ainsi qu'il est mentionné dans les visas de ce dernier. Le mémoire en défense de la Métropole de Lyon a été mis à disposition de la CDC et de la caisse primaire d'assurance maladie le 5 juillet 2018 dans l'application Télérecours. Par ailleurs, si il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que la caisse de sécurité sociale à laquelle est ou était affiliée la victime doit être appelée en déclaration de jugement commun dans une instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun, tel n'est pas le cas s'agissant d'une mutuelle. La circonstance que le jugement attaqué vise la communication de la requête à la mutuelle MGAS sans que cet organisme ait été mis en cause dans la procédure de première instance, si elle constitue une mention erronée dans les visas, reste, dès lors qu'en tout état de cause cette mutuelle n'a pas produit d'observations, sans incidence sur le caractère contradictoire des débats devant les premiers juges. Dans ces conditions, le moyen tiré par la Métropole de Lyon de la méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle en raison du défaut de communication de mémoires en première instance doit être écarté. Sur la responsabilité : 3. En premier lieu, il est constant que le traumatisme crânien occipital et les contusions multiples musculaires cervico-dorso-lombaires diagnostiqués le 20 décembre 2006 au service des urgences de la polyclinique de Rillieux-la-Pape où a été conduite Mme A... à cette date sont consécutifs à un accident survenu alors qu'elle exerçait son activité sur son lieu de travail habituel durant les horaires de fonctionnement du service et qui a été reconnu imputable à ce dernier. Dans ces conditions, si, à l'occasion de la demande en réparation des dommages consécutifs à cet accident en litige la Métropole de Lyon peut discuter la réalité, la consistance et l'ampleur des préjudices invoqués par la victime, elle ne peut en revanche, pour prétendre s'exonérer de sa responsabilité en qualité d'employeur de Mme A..., utilement remettre en cause les faits générateurs de ces dommages qui sont établis par la reconnaissance de l'imputabilité de l'accident au service. 4. En second lieu, les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965 qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. 5. Il suit de là que la Métropole de Lyon, alors même qu'elle ne conteste pas le lien entre l'accident du 20 décembre 2006 et le déficit fonctionnel permanent au titre duquel les premiers juges ont fait droit, après avoir écarté d'autres chefs de préjudices, à la demande de réparation intégrale, au-delà du forfait réparant ledit déficit fonctionnel, formée par Mme A..., n'est pas fondée à soutenir qu'en la condamnant à ce titre à verser à la victime une somme de 70 600 euros le tribunal aurait mis à sa charge une indemnisation redondante d'un même chef de préjudice et ainsi une somme qu'elle ne doit pas. Sur l'expertise ordonnée par le tribunal : 6. Par l'article 2 du dispositif du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a sursis à statuer sur la demande d'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées par Mme A... et des troubles dans ses conditions d'existence et ordonné une expertise en vue de l'évaluation de ses dommages et préjudices sur ces trois points. D'une part, cette expertise ne porte ainsi pas sur les chefs de préjudices écartés notamment au point 5 du jugement attaqué. D'autre part, contrairement à ce qu'affirme la Métropole de Lyon, elle n'a pas pour effet de pallier une carence de Mme A... dans la production des éléments de preuve qui lui incombent, mais a bien pour objet de permettre au juge, par l'exercice de ses pouvoirs d'investigation, de statuer en toute connaissance de cause sur le litige qui lui est soumis. Dès lors, la Métropole de Lyon n'est pas fondée à remettre en cause l'utilité de cette mesure d'expertise. 7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la Métropole de Lyon doit être rejetée. Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Métropole de Lyon, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 200 euros à verser à Mme A... au titre des frais non compris dans les dépens que celle-ci a exposés. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la Métropole de Lyon est rejetée. Article 2 : La Métropole de Lyon versera à Mme A... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... et à la Métropole de Lyon. Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme D..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021. N° 19LY01909 2 cm
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 28/05/2021, 19MA05143, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bastia d'annuler la décision du 2 février 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " séquelles douloureuses et fonctionnelles de traumatisme du genou droit. Hydarthrose droite et amyotrophie du quadriceps droit ", ainsi que la prise en compte de la nouvelle infirmité " psycho-syndrome post traumatique de guerre ". Par un jugement n° 17/00019 du 19 novembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Bastia a annulé la décision du 2 février 2017 du ministre de la défense qui rejette la demande de révision de pension de M. D..., a dit que M. D... a droit à compter du 20 mars 2015 à une pension pour un taux d'invalidité de 30% pour l'infirmité de " séquelles douloureuses et fonctionnelles de traumatisme du genou droit. Hydarthrose droite et amyotrophie du quadriceps droit ", a condamné l'Etat aux dépens, et a rejeté le surplus de la requête de M. D.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions de Bastia a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. D..., enregistrée à son greffe le 10 décembre 2018. Par cette requête et deux mémoires enregistrés le 17 décembre 2020 et le 18 février 2021, M. C... D..., représenté par Me A..., demande à la Cour : - d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires de Bastia du 19 novembre 2018 en tant qu'il ne lui a pas accordé une pension au titre de l'infirmité de " psycho-syndrome post traumatique de guerre " ; - de lui accorder une pension au titre de l'infirmité de " psycho-syndrome post traumatique de guerre " au taux de 30% ; - à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ; - de laisser les dépens à la charge de l'Etat. Il soutient que l'expertise du docteur Quilichini du 16 juin 2016 démontre qu'il souffre d'un syndrome post-traumatique de guerre grave typique avec reviviscence des évènements, vécu douloureux, humeur triste, violente culpabilité, troubles du sommeil, cauchemars, flash-back, qui nécessite que lui soit attribué un taux de 30% ; les dispositions du décret du 10 janvier 1992 relatif aux troubles psychiques de guerre n'imposent pas la preuve d'un fait précis de service. Par deux mémoires en défense enregistrés le 3 mai 2019 et le 21 octobre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. La ministre fait valoir que les moyens de M. D... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 19 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2021 à 12 heures. M. D... bénéficie de l'aide juridictionnelle par une décision du 31 décembre 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. - et les observations de Me E..., substituant Me A..., pour M. D.... Considérant ce qui suit : 1. M. D..., né le 25 février 1953, a servi dans l'armée de terre du 26 octobre 1974 au 5 août 2001, date à laquelle il a été rayé des contrôles au grade d'adjudant-chef. Il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité pour trois infirmités. Il relève appel du jugement du 19 novembre 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bastia en tant qu'il lui refuse une concession de pension au titre de l'infirmité nouvelle de " psycho-syndrome post traumatique de guerre " au taux de 30%. Sur le droit à pension de M. D... : 2. D'une part, qu'aux termes l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 3. D'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 citées ci-dessus que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il lui incombe d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où sont en cause des troubles psychiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération l'ensemble des éléments du dossier permettant d'établir que ces troubles sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. Lorsqu'il est établi que les troubles psychiques trouvent leur cause directe et déterminante dans une ou plusieurs situations traumatisantes auxquelles le militaire en opération a été exposé, en particulier pendant des campagnes de guerre, la seule circonstance que les faits à l'origine des troubles n'aient pas été subis par le seul demandeur de la pension mais par d'autres militaires participant à ces opérations, ne suffit pas, à elle-seule, à écarter la preuve de l'imputabilité. 4. Enfin, le décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre ne dispense pas le demandeur d'une pension de rapporter la preuve de l'imputabilité au service de l'infirmité concernée. 5. Il ne résulte pas de l'instruction que M. D... a sollicité des consultations pour des souffrances psychiques durant la période de son engagement militaire. Il a formulé sa demande relative à la nouvelle infirmité correspondante en novembre 2011, soit plus de dix ans après la fin de son activité et près de 30 ans après son séjour au Liban. Il se fonde pour contester le refus de l'administration de lui accorder une pension à ce titre sur un certificat d'un omnipraticien du 26 septembre 2011 et sur l'expertise du docteur Quilichini du 16 juin 2016, médecin mandaté par l'administration pour se prononcer sur le taux d'invalidité provoqué par l'infirmité en cause et son éventuelle imputabilité au service, qui indique que M. D... souffre d'un syndrome post-traumatique de guerre grave typique avec reviviscence des évènements, vécu douloureux, humeur triste, violente culpabilité, troubles du sommeil, cauchemars, flash-back, qui nécessite que lui soit attribué un taux de 30%. Il soutient que son infirmité résulte de sa période de service au Liban où il servait au sein de la Force intérimaire des Nations-Unies (FINUL), caractérisée par des missions d'interpositions entre les parties en présence sans possibilité pour les personnels de riposter aux attaques, bombardements, et embuscades dont ils étaient victimes, avec les risques encourus du fait des terrains minés ayant provoqué des morts au sein de la force. Selon M. D..., ces conditions particulières d'engagements, qui sont attestées par le rapport du secrétaire général de la FINUL pour la période du 11 décembre 1981 au 3 juin 1982, ont causé une tension particulière d'impuissance liée à la nécessité de supporter des agressions sans capacité de réagir, lesquelles sont à l'origine de l'infirmité en cause. Le traumatisme qui en résulte lui aurait fait particulièrement ressentir l'évènement dramatique du Drakkar du 22 octobre 1983, encore accentué par l'organisation par ses soins des funérailles d'un camarade décédé au Liban, les tragiques évènements de Corse de 2011 ainsi que le plastiquage de la direction départementales de l'équipement (D.D.E) de ce territoire. La ministre conteste l'existence de tout lien entre ces événements et l'infirmité de M. D... en faisant valoir, d'une part, que l'expérience traumatisante au Liban n'est étayée par aucun élément permettant d'en apprécier la véracité et, d'autre part que l'intéressé n'a pas personnellement subi les autres évènements qui l'auraient affecté. 6. En l'espèce, hormis des considérations générales, M. D... ne fournit aucune précision sur les faits de service ou les circonstances particulières déterminées qui auraient eu un retentissement sur son état psychique durant son service au Liban. En ce qui concerne les conséquences, sur sa santé psychique, de l'attaque du Drakkar, des attentats contre la D.D.E et des autres évènements tragiques survenus en Corse, il est constant que l'intéressé n'a pas été personnellement exposé à ceux-ci. Si le docteur Quilichini, qui s'appuie sur les doléances de M. D..., propose un taux d'infirmité de 30%, il résulte de ce qui vient d'être dit, comme l'a relevé la commission consultative médicale dans le cadre de l'instruction de la demande, qu'aucun élément ne permet de rattacher l'affection de M. D... au service. Dans ces conditions, l'intéressé n'établit pas le lien direct et certain entre les événements dont il fait état et son infirmité, qui permettrait de la regarder comme une blessure trouvant son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service ou même comme une pathologie imputable au service et le psycho-syndrome post-traumatique dont il se prévaut ne peut ouvrir droit au bénéfice d'une pension. 7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise demandée par M. D..., que celui-ci n'est pas fondé à demander l'annulation partielle du jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bastia du 19 novembre 2018. Sur les dépens : 8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la requête d'appel de M. D... doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant au paiement des entiers dépens de l'instance, laquelle n'en comprend, au demeurant, aucun. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Me A... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. B..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2021. 5 N° 19MA05143
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANTES, 6ème chambre, 01/06/2021, 19NT04463, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen d'annuler la décision du 11 juin 2018 de la ministre des armées en ce qu'elle lui a refusé une pension militaire d'invalidité au titre des séquelles qu'il conserve à l'épaule droite. Par un jugement n° 18/0003 du 20 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen a annulé cette décision et fixé son taux d'invalidité au titre de cette infirmité à 20 % à compter du 17 août 2017. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 21 novembre 2019, la ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité du 20 septembre 2019 ; 2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. B.... Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il se fonde sur le décret n° 59-327 du 20 février 1959 modifié relatif aux juridictions des pensions, qui a été abrogé et une version de l'article L. 121-2-1° issue de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 applicable aux demandes de pension se rapportant aux blessures imputables à un accident survenu après la publication de cette loi ; - ce jugement est insuffisamment motivé ; - si M. B... soutient avoir ressenti le 1er décembre 2014 une forte douleur à l'épaule droite lors d'un exercice de brancardage, il n'établit pas un lien direct et certain entre les traumatismes de l'épaule droite dont il souffre et ce fait de service ; cette preuve de l'imputabilité de sa pathologie au service ne saurait résulter de la seule circonstance qu'elle serait apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale ou d'une vraisemblance ou probabilité ; l'intéressé ne peut bénéficier de la présomption prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité alors en vigueur ; le certificat du 6 décembre 2014 établi par un médecin du secteur civil alors que l'intéressé était en permission ne mentionne ni l'origine de la blessure, ni les circonstances de l'accident ; le premier constat par un médecin militaire date du 12 mai 2015 et tant le rapport circonstancié que l'extrait du registre des constatations ont été établis un an après la blessure soit le 2 décembre 2015. La requête a été communiquée à M. B..., qui en dépit d'une mise en demeure adressée le 22 octobre 2020, n'a pas produit de défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., qui est né le 19 janvier 1987, s'est engagé dans l'armée française le 3 janvier 2013. Le 17 août 2017, il a sollicité une pension militaire d'invalidité pour un état de stress post-traumatique ainsi que pour des séquelles au niveau de l'épaule droite et du genou droit. Par un arrêté ministériel du 11 juin 2018, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au taux de 30 %, pour " état de stress posttraumatique. Syndrome de répétition, reviviscences, troubles du sommeil, état d'alerte permanent, agoraphobie. Troubles des conduites, irritabilité, anxiété, repli sur soi, suivi spécialisé ". M. B... a contesté cette décision, en ce qu'elle a rejeté sa demande concernant sa pathologie de l'épaule. Par un jugement du 20 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen a fait droit à sa demande et a fixé son taux d'invalidité au titre de cette infirmité à 20 %. La ministre des armées relève appel de ce jugement devant la cour, devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées à l'article L. 4123-4 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle. La présomption définie aux 1° et 2° du présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". 3. Pour annuler la décision ministérielle du 11 juin 2018, dans la limite contestée par M. B..., le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen s'est fondé sur les conclusions de l'expertise médicale réalisée le 30 octobre 2017 par le médecin adjoint du comité médical des armées de Cherbourg reconnaissant que l'intéressé souffrait d'une tendinopathie de la coiffe des rotateurs avec fissuration des intra-tendineuses du tendon supra épineux confirmée par un examen d'IRM réalisé le 14 avril 2015. Si ce médecin a fixé le taux d'invalidité correspondant à cette pathologie à 30 % dont 15 % au titre d'un état antérieur, à aucun moment, il ne s'est prononcé sur l'origine de cette infirmité. Il s'est borné à reprendre les faits tels qu'ils étaient décrits par M. B.... Or, si l'intéressé affirme avoir ressenti une douleur au niveau de l'épaule droite au cours d'un exercice de brancardage qui s'est déroulé le 1er décembre 2014 au camp militaire de Champagné près du Mans, dans le cadre de sa formation de tireur Milan, il a également admis avoir poursuivi sa formation sans consulter le médecin militaire. Seul un certificat établi le 6 décembre 2014 par un médecin d'une clinique privé située à proximité de son domicile confirme que M. B..., alors en permission, présentait à cette date " un conflit antérieur sévère de l'épaule nécessitant la mise au repos de cette articulation ", sans toutefois en mentionner l'origine. Ce n'est en effet que le 12 mai 2015, que M. B... s'est rapproché des autorités médicales militaires pour signaler cette pathologie ainsi qu'en atteste son livret médical. Or, le requérant n'établit pas avoir été dans l'impossibilité d'accomplir cette démarche avant cette date. Enfin, si le rapport circonstancié établi le 2 décembre 2015 par le commandant d'unité et le commandant de la formation, ainsi que l'extrait du registre des constatations des blessures infirmités et maladies survenues pendant le service à la date du 3 décembre 2015 confirment que ce militaire a participé le 1er décembre 2014 à un exercice de brancardage à la suite duquel il a ressenti une forte douleur à l'épaule droite, ces seuls documents, compte tenu de la date à laquelle ils ont été rédigés, plus d'un an après les faits supposés, ne suffisent pas à établir un lien direct et certain entre la tendinopathie de la coiffe des rotateurs dont souffre M. B... et le service. Dans ces conditions, la ministre des armées est fondée à soutenir que l'intéressé, qui ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité au service instituée par les dispositions précitées de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans les prévisions desquelles il n'entre pas, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'imputabilité au service de l'infirmité de l'épaule droite dont il reste atteint et pour laquelle il a sollicité une pension militaire d'invalidité. 4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la ministre des armées est fondée en l'absence d'autre moyen soulevé en première instance par M. B... à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen a annulé sa décision du 11 juin 2018 en ce qu'elle a refusé d'accorder à l'intéressé une pension militaire d'invalidité au titre des séquelles qu'il conserve à l'épaule droite et a fixé le taux d'invalidité afférent à cette infirmité à 20 %. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 18/0003 du 20 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. C... B.... Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme A..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2021. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19NT04463
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de PARIS, 6ème chambre, 04/06/2021, 19PA03824, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de revalorisation du taux de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 17/00007 du 27 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 27 novembre 2019, 19 décembre 2019 et 28 février 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour: 1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ; 2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 19 septembre 2016, de condamner l'Etat à lui verser les arrérages de pension à compter du 11 mars 2013, avec les intérêts capitalisés ; 3°) de metttre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier faute de motivation en droit ; - il est mal fondé car son infirmité ophtalmologique justifiait une indemnisation de 10% au minimum. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2021, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... sont infondés. Par une ordonnance du 29 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 mai 2021 à 12 heures. Par une décision du 22 juin 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment l'article 51 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C..., - et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été incorporé dans l'armée en 1975 et a été victime d'un accident de service le 24 février 1995 lors d'une intervention afin de circonscrire un incendie sur un bateau. Il a ensuite été rayé des controles le 16 octobre 2010. Par arrêté du 14 janvier 2013, une pension militaire d'invalidité au taux de 20% lui a été concédée pour une " broncopathie chronique secondaire à une intoxication respiratoire ". Dès le 11 mars 2013, il a sollicité la révision de cette pension s'agissant d'une infirmité ophtalmologique consécutive selon lui au même accident. Le 19 septembre 2016, le ministre de la defense a rejeté sa demande au motif que le taux de l'infirmité nouvelle " séquelles de brûlure de la cornée de l'oeil droit - un kyste conjunctival, micro-concrétions, acuité visuelle oeil droit 10/10, photophobie avec larmoiement ". est inférieur au minimum indemnisable de 10%. M. B... a alors saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, mais par un jugement du 27 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Le jugement attaqué ne fait pas mention des textes qu'il applique, ni dans ses motifs, ni dans ses visas. M. B... est dès lors fondé à soutenir qu'il est entaché d'insuffisance de motivation, donc irrégulier, et doit être annulé. 3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. B... présentée devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris. Sur le taux d'invalidité : 4. Il résulte des dispositions de l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre applicable au présent litige que le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, jusqu'au taux de 100 %, par référence au taux d'invalidité apprécié de 5 en 5 et quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur du pourcentage attribué. Par ailleurs, l'article L. 29 du même code prévoit que le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Enfin, en vertu de l'article L. 4 du même code une infirmité ou son aggravation, ne peut ouvrir droit à une pension ou à une révision de pension si le taux est inférieur au minimum requis de 10%. 5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médicale réalisée, avant dire droit à la demande du tribunal, par le docteur Roche que si le symptôme opthalmologique peut être en relation avec les brulures causées par l'accident de service, la cornée ne présente aucune cicatrice directe et que le terme de brulures de la conjonctivite est adapté. Il conclut à l'absence de perte fonctionnelle, M. B... subissant seulement un inconfort soulagé par l'instillation de larmes artificielles. En définitive, il évalue le taux d'invalidité à 3%, soit inférieur au minimum susceptible d'être pris en considération. Or, M. B... n'apporte pas d'éléments probants de nature à remettre en cause cette évaluation. 6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de la défense du 19 septembre 2016 et la condamnation de l'Etat à lui verser les arrérages de pensions correspondants. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er: Le jugement n° 17/00007 du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 21 mai 2021 à laquelle siégeaient : - Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. C..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juin 2021. Le rapporteur, D. PAGES Le président, O. FUCHS TAUGOURDEAU Le greffier, K. PETIT La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 19PA03824 2
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 28/05/2021, 19MA05485, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a demandé au tribunal des pensions de Nîmes d'annuler la décision du 4 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, enregistrée le 28 juillet 2014, du fait de l'aggravation de l'infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " au titre de laquelle il percevait une pension, et de l'apparition d'une nouvelle infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche ". Par un jugement n° 17/00020 du 14 juin 2019, le tribunal des pensions de Nîmes a annulé la décision du ministre de la défense du 4 mai 2017, et a reconnu à M. B... un droit à pension pour l'infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " au taux de 30% et pour la nouvelle infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche ", au taux de 25%. Procédure devant la Cour : Par un recours, enregistré le 12 août 2019 par la Cour régionale des pensions de Nîmes, la ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 14 juin 2019 et demande à la Cour d'annuler ce jugement. Elle soutient que : - M. B... ne pouvait demander la révision de sa pension d'invalidité pour l'infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " au motif qu'elle ne pouvait être amputée de 10% du fait d'un état antérieur dès lors que, d'une part, le jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 8 avril 2016, qui retenait 10% d'état antérieur pour la même infirmité, était revêtu de l'autorité de la chose jugée et que, d'autre part, ses demandes tendant à la révision des décisions de concession de pension d'invalidité retenant cet état antérieur de 10% n'avaient pas été présentées dans un délai raisonnable ; - cette infirmité n'est qu'en partie due au service ; - le lien entre l'infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche " et l'infirmité déjà pensionnée n'est pas établi. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire. Par un mémoire, enregistré par le greffe de la Cour le 5 mars 2020, M. B..., représenté par Me C..., conclut : - au rejet du recours de la ministre des armées, subsidiairement, à ce que soit ordonnée une expertise médicale afin de déterminer les infirmités dont il souffre, le taux d'invalidité qu'elles entraînent ainsi que leur lien avec le service ; - par la voie de l'appel incident, à l'annulation des arrêtés de concession de pension du 19 février 1985 et du 3 mars 1992 ; - à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la requête d'appel de la ministre des armées est irrecevable dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle a accompagné son recours de la décision attaquée, en l'absence d'inventaire détaillé des pièces jointes à la requête ; - les arrêtés de concession de pension des 19 février 1985 et 3 mars 1992 ne lui ont jamais été notifiés, et sont illégaux faute pour l'administration de démontrer la compétence de leurs auteurs et d'être motivés ; il est recevable à en demander l'annulation ; - la décision du 4 mai 2017 a été signée par une autorité incompétente, n'est pas motivée en fait, a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis de la commission consultative médicale du 22 avril 2016 n'est pas régulier, de même que l'avis de la commission de réforme, à laquelle il n'a pas été régulièrement convoqué, qui n'était pas régulièrement composée, et dont le procès-verbal est lui-même irrégulier ; - le taux d'invalidité de 30% résultant de son infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " est entièrement imputable au service, aucune diminution de ce taux ne pouvant être retenue au titre d'un état antérieur ; - l'infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche " constitue une aggravation de l'infirmité déjà pensionnée a pour cause déterminante l'infirmité déjà pensionnée, et est donc en lien avec le service. Par un mémoire, enregistré le 21 juillet 2020 par la Cour, la ministre des armées réitère ses conclusions initiales, par les mêmes moyens et soutient, en outre, que sa requête était parfaitement recevable, que les conclusions d'appel incident formulées par M. B..., tendant à l'annulation des arrêtés de concession de pension du 19 février 1985 et du 3 mars 1992 sont irrecevables car nouvelles en appel et n'ayant pas, en tout état de cause, respecté les formes prescrites par l'article R. 631-1 du code de justice administrative, de même que les moyens de légalité externe soulevés à l'encontre de la décision du 4 mai 2017, fondés sur une cause juridique qui n'avait pas été soulevée en première instance. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2021, M. B..., représenté par Me C..., maintient ses précédentes conclusions, en précisant qu'il n'entendait pas demander par la voie de l'appel incident l'annulation des arrêtés de concession de pension du 19 février 1985 et du 3 mars 1992, auxquelles le tribunal des pensions de Nîmes avait implicitement fait droit dans son jugement du 14 juin 2019 dont il demande la confirmation. Il reprend les moyens soulevés dans son mémoire du 5 mars 2020 en soutenant, en outre, que les moyens de légalité externe soulevés en appel sont recevables. Par lettre du 14 avril 2021 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le non-lieu à statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation des arrêtés de concession de pension du 19 février 1985 et du 3 mars 1992, dès lors que ceux-ci avaient été implicitement mais nécessairement abrogés par l'arrêté du ministre de la défense du 29 août 2016 accordant à M. B... une pension définitive, au taux de 20%, pour l'infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " à compter du 1er janvier 2011. La ministre des armées a répondu à cette lettre par un mémoire enregistré le 22 avril 2021. M. B... a répondu à cette lettre par deux mémoires enregistrés le 19 avril 2021 et le 3 mai 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me C..., représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., né le 8 mai 1947, a intégré le corps des troupes de l'arme du génie de l'armée de terre le 2 janvier 1967 et a été rayé des contrôles le 5 février 1992, au grade d'adjudant-chef. Une pension militaire d'invalidité temporaire pour lombalgies, au taux de 20% dont 10% indemnisable, lui a été concédée par arrêté du 19 février 1985, pension devenue définitive, à compter du 25 mai 1987, par arrêté du 20 décembre 1988. Sa pension d'invalidité définitive a été portée au taux global de 30%, dont 20 % indemnisable, pour lombalgies cruro-sciatiques L4 droite, par arrêté du 3 décembre 1991, confirmé par arrêté du 3 mars 1992 suite à la prise en compte de la date de radiation des contrôles et de la révision de sa pension au taux du grade d'adjudant-chef. Par arrêté du 29 août 2016 enfin, pris en exécution d'un jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 8 avril 2016, une pension d'invalidité définitive pour cette infirmité, évaluée au taux global de 30%, dont 10% du fait d'un état antérieur, a été concédée à titre définitif à l'intéressé à compter du 1er janvier 2011. 2. M. B... a fait auprès du service départemental de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) de Nîmes, le 28 juillet 2014, une demande de révision de sa pension pour aggravation de ses infirmités, consistant en une " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " d'une part, en des " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche ", d'autre part. Par décision du 4 mai 2017, le ministre de la défense a rejeté sa demande. La ministre des armées relève appel du jugement du 14 juin 2019 par lequel le tribunal des pensions de Nîmes a, d'une part, annulé la décision du ministre de la défense du 4 mai 2017, et, d'autre part, reconnu à M. B... un droit à pension pour l'infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " au taux de 30% et pour la nouvelle infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche ", au taux de 25%. Par la voie de l'appel incident, M. B... demande en outre à la Cour d'annuler les arrêtés de concession de pension du 19 février 1985 et du 3 mars 1992. Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation des arrêtés de concession de pension du 19 février 1985 et du 3 mars 1992 : 3. Il ressort tant des pièces du dossier de première instance que des termes du jugement du 14 juin 2019 du tribunal des pensions de Nîmes que M. B... n'a à aucun moment, devant les premiers juges, demandé l'annulation de ces arrêtés. Si ce tribunal a considéré que les arrêtés en question, en tant qu'ils retenaient un état antérieur, n'étaient pas devenus définitifs dès lors qu'ils n'avaient pas été valablement notifiés à M. B... qui n'avait eu connaissance des voies et délais de recours contre ces décisions, ce qui permettait en conséquence à l'intéressé de contester l'existence d'un état antérieur responsable à hauteur de 10% de son infirmité, le tribunal n'a pas considéré qu'une telle annulation était demandée, ni annulé ces arrêtés mais seulement la décision ministérielle du 4 mai 2017. Dans ces conditions, ces demandes présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel, et, sont, par suite, irrecevables. Sur la fin de non-recevoir opposée par M. B... à la requête de la ministre des armées : 4. La ministre des armées avait joint à sa requête d'appel le jugement attaqué. Le moyen tiré de ce que la requête est irrecevable, faute pour la ministre de justifier, par la production d'un inventaire détaillé des pièces jointes à sa requête, avoir joint ce jugement à sa requête, irrégularité au demeurant régularisable, doit en conséquence être écarté comme manquant en fait. Sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées aux moyens de régularité soulevés à l'encontre de la décision ministérielle du 4 mai 2017 : 5. Il résulte de l'instruction que M. B... n'avait soulevé devant les premiers juges, à l'encontre de la décision du ministre de la défense du 4 mai 2017 rejetant sa demande de révision de pension militaire d'invalidité, que des moyens relatifs au bien-fondé de la décision attaquée de légalité interne. Dès lors, l'ensemble des moyens de régularité de la décision attaquée, qui ne sont pas d'ordre public, soulevés pour la première fois en appel sur une cause juridique qui n'avait pas été relevée en première instance, doivent être écartés comme irrecevables. Sur la compétence du signataire de la décision du 4 mai 2017 : 6. La décision attaquée a été signée par M. E..., adjoint au sous-directeur des pensions, qui disposait de la délégation de signature du ministre de la défense par décision du 23 novembre 2016 portant délégation de signature du ministre de la défense aux membres de la direction des ressources humaines du ministère, publiée au Journal officiel du 25 novembre 2016. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la décision ministérielle du 4 mai 2017 doit être écarté comme manquant en fait. Sur les droits à pension de M. B... : En ce qui concerne l'infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " : 7. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " 8. Il résulte de l'instruction, et en particulier de l'expertise du docteur Prangère, mandaté par l'administration pour se prononcer sur le bien-fondé de la demande de M. B..., que l'infirmité pour laquelle il était déjà pensionné ne s'est pas aggravée depuis la précédente expertise, qu'il fait remonter au 18 avril 1991, et propose de retenir un taux de 30%, dont 20% seulement sont imputables au service, et 10 % imputables à un état antérieur. Si M. B... conteste, en outre, l'existence d'un état antérieur expliquant en partie son infirmité, il ne l'établit pas par la seule circonstance qu'il était indiqué dans sa fiche médicale de sélection " colonne vertébrale RAS " et que son score SIGYCOP à la date de son incorporation indiquait " G=1 " alors que son livret médical d'incorporation fait état d'une cyphose dorsale, et mentionne une inflexion scoliotique dorsolombaire à convexité gauche et accentuation de la lordose lombaire révélée par radiographie. De plus, il n'apporte aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'existence d'un état antérieur, responsable à hauteur de 10% de l'infirmité considérée, aux dates de prise d'effet des différents arrêtés de concession de pension dont il a fait l'objet. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées aux conclusions de M. B... tendant à la révision pour aggravation de la pension accordée au titre de l'infirmité en objet, ni de faire droit à la demande d'expertise demandée à titre subsidiaire par ce dernier, le moyen tiré de ce que cette infirmité est entièrement imputable au service doit être écarté. 9. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Nîmes a annulé sa décision du 4 mai 2017 en tant qu'elle refusait de réviser la pension militaire d'invalidité perçue par M. B... au titre de l'infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " et a accordé à l'intéressé une pension au taux de 30% à ce titre. En ce qui concerne l'infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche " 10. D'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " et aux termes de l'article L. 121-5 du même code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...)". Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le demandeur de la pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières de service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 11. D'autre part, il résulte des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-5 du même code que, lorsqu'il est soutenu qu'une infirmité provient de l'existence d'une infirmité différente et déjà pensionnée, le droit à pension n'est ouvert que s'il est établi que l'infirmité précédente a été la cause directe et déterminante de cette infirmité nouvelle. 12. Le docteur Prangère a estimé que l'infirmité en objet, dont le taux n'est pas contesté par les parties à l'instance, est en lien direct et déterminant avec l'infirmité pensionnée, s'expliquant en particulier par les postures de compensation adoptées par l'intéressé du fait de sa première infirmité. Toutefois, cette analyse est contredite par l'avis du médecin chargé des pension militaire d'invalidité du 8 avril 2016 et celui du médecin conseiller technique auprès de l'administration centrale du ministère des armées du 20 juillet 2018, qui considèrent que le lien de causalité entre les deux infirmités ne peut être regardé comme établi compte tenu du délai de 32 ans qui s'est écoulé entre l'apparition de la première infirmité et celle de la seconde, ainsi que du fait que la latéralité de cette seconde infirmité n'est pas la même que celle de la première. Dans ces conditions, la Cour ne peut, en l'état du dossier, se prononcer en toute connaissance de cause sur le lien de causalité entre les deux infirmités dont souffre M. B.... Il y a lieu, par suite, avant dire droit, d'ordonner une expertise définie à l'article 2 du dispositif ci-après. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 14 juin 2019 est annulé dans la mesure où il a annulé la décision du ministre de la défense du 4 mai 2017 en tant qu'elle refusait de faire droit à la demande de révision de la pension militaire d'invalidité perçue par M. B... au titre de l'infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " et a accordé à l'intéressé une pension au taux de 30% à ce titre. Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la ministre des armées tendant à l'annulation du jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 14 juin 2019 dans la mesure où il a annulé la décision du ministre de la défense du 4 mai 2017 en tant qu'elle refusait de faire droit à la demande de révision de la pension militaire d'invalidité perçue par M. B... pour la nouvelle infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche ", et a accordé à l'intéressé une pension au taux de 25% à ce titre, procédé à une expertise. L'expert, qui sera désigné par la présidente de la Cour, aura pour mission de : 1°) se faire communiquer les dossiers et tous documents relatifs aux infirmités de M. B... mentionnées au point 2 ; 2°) décrire la date d'apparition et l'évolution de l'infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche " ; 3°) dire si cette infirmité a pour cause directe et déterminante (supérieure à 50%) l'infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " en précisant les raisons qui le conduisent, le cas échéant, à retenir ce lien de causalité, ou, au contraire, à l'exclure ; 4°) s'il y a lieu, faire toutes autres constatations propres à faciliter l'accomplissement de la mission et annexer au rapport tout document utile. Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. Il déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires dans le délai fixé par la présidente de la Cour. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la Cour de la date de réception par les parties de leur exemplaire du rapport. Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance. Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. B.... Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - Mme D..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 28 mai 2021. 2 No 19MA05485
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 28/05/2021, 19MA05244, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Montpellier d'annuler la décision du 30 octobre 2017 par laquelle le ministre de la défense a révisé sa pension militaire d'invalidité par la prise en compte de l'infirmité nouvelle " sinusite maxillaire bilatérale " au taux d'invalidité de 10%. Par un jugement n° 18/00018 du 9 avril 2019, le tribunal des pensions militaires de Montpellier a annulé l'arrêté de concession de pension du 30 octobre 2017 accordant l'aggravation de l'infirmité de " sinusite fronto-maxillaire bilatérale " et a rejeté le surplus des demandes de M. B.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions de Montpellier a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. B..., enregistrée à son greffe le 7 juin 2019. Par cette requête, M. C... B..., représenté par Me D..., demande à la Cour : - d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires de Montpellier du 9 avril 2019 ; - de lui accorder l'aggravation de sa pension au titre de la sinusite maxillaire bilatérale indépendamment de l'infirmité " sinusite frontale, mouchages muco-purulents " ; - de faire application de l'article L. 151-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de l'indemniser des sinusites frontales et des sinusites maxillaires bilatérales à compter du 21 septembre 2012 ; - de condamner l'Etat à lui verser 3 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que le jugement est irrégulier dès lors que c'est à tort que le tribunal a regroupé deux infirmités indépendantes et reconnues par le guide barème ; les premiers juges ne pouvait ni annuler l'arrêté de concession ni modifier le libellé de l'infirmité déjà reconnue, ne pouvaient que retenir l'aggravation de l'infirmité nouvelle " sinusites maxillaires " indépendamment de l'infirmité de " sinusites frontales " pour faire droit à sa demande qui ne tendait qu'à l'annulation de la décision en cause en tant qu'elle ne lui reconnaissait pas une infirmité nouvelle ; ce faisant, le tribunal l'a placé dans une situation plus défavorable que celle admise antérieurement ; par ailleurs, il justifie de deux infirmités distinctes dès lors que l'existence de la sinusite maxillaire est établie par son dossier médical et les expertises médicales ; il ne peut que bénéficier de la reconnaissance de son infirmité " sinusites maxillaires " qui est reconnue par le guide barème indépendamment de celle de " sinusites frontales " ; il prouve l'existence de ces deux sinusites distinctes depuis 2006, et il a attendu 2016 pour demander leur prise en compte intégrale ; par suite, il est fondé à demander l'indemnisation des deux sinusites à compter du 21 septembre 2012 en vertu de l'article L. 151-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (ancien article 108). Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. La ministre fait valoir que les moyens de M. B... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 1er décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2020 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, notamment son article 8 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 18 mai 1947, incorporé le 1er juillet 1966, a été rayé des contrôles de l'armée le 27 juin 1985 au grade d'adjudant-chef. Un arrêté du 2 septembre 2013 lui accorde une pension militaire d'invalidité définitive au taux global de 95% pour sept infirmités, dont l'infirmité " sinusite frontale, mouchages muco-purulents. Crises fréquentes demandant un traitement de fond et 10 à 12 traitements antibiotiques diversifiés par an " au taux d'invalidité de 20% + 10. Il a sollicité le 20 septembre 2016 la révision de sa pension par la prise en compte d'une infirmité nouvelle " sinusite maxillaire bilatérale ". Un arrêté du 30 octobre 2017 lui accorde une aggravation de 10% de sa pension pour l'infirmité antérieure de sinusite frontale dont le libellé a été ainsi modifié " sinusite fronto-maxillaire bilatérale, mouchages muco-purulents. Crises fréquentes demandant un traitement de fond et 10 à 12 traitements antibiotiques diversifiés par an " et en fixe le taux à 30%. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires de Montpellier en sollicitant que soient indemnisées de manière distincte les sinusites frontales au taux de 20% et les sinusites maxillaires au taux de 10%. Il relève appel du jugement du 9 avril 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Montpellier a annulé l'arrêté de concession de pension du 30 octobre 2017 accordant l'aggravation de l'infirmité de " sinusite fronto-maxillaire bilatérale, mouchages muco-purulents. Crises fréquentes demandant un traitement de fond et 10 à 12 traitements antibiotiques diversifiés par an " et a rejeté le surplus de ses demandes. Sur la régularité du jugement : 2. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, le tribunal exerce son office en qualité de juge de plein contentieux, dans les limites de la demande. 3. Il ressort du jugement attaqué que pour annuler l'arrêté litigieux du 30 octobre 2017, le tribunal a considéré que cette annulation était la conséquence de ce que M. B... ne justifiait ni d'une infirmité nouvelle, ni d'une aggravation de nature à augmenter le taux de la pension initialement allouée. Mais en replaçant M. B... dans la situation antérieure à l'édiction de cet arrêté, alors que celui-ci contestait uniquement la décision implicite de refus de l'administration de reconnaitre la sinusite maxillaire comme une infirmité nouvelle, le tribunal a méconnu l'office du juge des pensions militaires d'invalidité en se livrant à une appréciation inexacte de la demande dont il était saisi. Il suit de là que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué. 4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B.... Sur la révision de la pension : 5. Premièrement, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du même code : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". En vertu de l'article L. 6 du même code, l'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Cette évaluation doit, en application des termes mêmes de l'article L. 26 du même code, tenir compte de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par ces infirmités. 6. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est demandée la révision d'une pension concédée pour prendre en compte une affection nouvelle que l'on entend rattacher à une infirmité déjà pensionnée, cette demande ne peut être accueillie si n'est pas rapportée la preuve d'une relation non seulement certaine et directe, mais déterminante, entre l'infirmité antécédente et l'origine de l'infirmité nouvelle. 7. Deuxièmement, aux termes de l'article L. 125-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre: " (...) L'indemnisation des infirmités est fondée sur le taux d'invalidité reconnu à celles-ci en application des dispositions d'un guide-barème portant classification des infirmités d'après leur gravité. Des guides-barèmes spécifiques sont relatifs à la classification et à l'évaluation des invalidités résultant des infirmités et maladies contractées soit pendant l'internement ou la déportation, soit par des militaires ou assimilés au cours de la captivité subie dans certains camps ou lieux de détention (...). 8. Les sinusites maxillaires et les sinusites frontales sont mentionnées au guide-barème avec une description telle qu'elles doivent être regardées comme constitutives d'infirmité distinctes, alors même que ces affections peuvent résulter d'une même cause. 9. M. B... soutient que l'infirmité " sinusite maxillaire bilatérale " constitue une nouvelle infirmité qui doit être prise en compte au taux de 10 % indépendamment de l'infirmité antérieure " " sinusite frontale, mouchages muco-purulents. Crises fréquentes demandant au traitement de fond et 10 à 12 traitements antibiotiques diversifiés par an ". 10. M. B... a été victime en service, le 6 juin 1972, d'un accident de service hors guerre, qui a occasionné une fracture des os propres du nez. Il a obtenu une pension militaire d'invalidité concédée par arrêté du 2 septembre 2013, a effet du 10 avril 2013, au taux global de 95%, pour sept infirmités, dont celle de " sinusite frontale, mouchages muco-purulents, au taux de 20% + 10. Il résulte de l'instruction et notamment des certificats du docteur Cros du 12 septembre 2016 et du 25 mai 2018 que le requérant présente une rhino-sinusite chronique donnant lieu à une alternance d'épisode de sinusite fronto-ethmoïdale et de sinusite maxillaire qui sont souvent indépendantes. Le docteur Brunner, oto-rhino-laryngologiste, médecin mandaté par l'administration pour examiner M. B..., relève le 23 mai 2017 que l'intéressé présente une sinusite maxillaire mais qu'il ne peut en faire une entité à part dès lors qu'il s'agit d'une sinusite invalidante globale et que la gêne et le handicap de l'intéressé ne lui semblent pas réellement majorés. Par suite, M. B... qui ne critique pas sérieusement ces conclusions expertales, justifie bien d'une infirmité nouvelle. Cependant, il ne résulte d'aucun élément du dossier que l'infirmité nouvelle de sinusite maxillaire bilatérale entraine une gêne fonctionnelle supplémentaire pour M. B.... Dans ces conditions, M. B... n'établit pas l'existence d'une infirmité nouvelle de nature à lui ouvrir droit à une pension à ce titre. Sur l'application de l'article L. 151-3 du code des pensions militaire d'invalidité et des victimes de guerre : 11. En vertu de l'article L. 108 du code des pensions militaire d'invalidité et des victimes de guerre, devenu l'article L. 152-3 de ce code : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit la date à laquelle la pension aurait normalement pu être obtenue, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures ". Aux termes de l'article L.6 de ce code : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen par une commission de réforme selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". 12. Il résulte de l'instruction que M. B... a présenté sa demande de révision de pension le 21 septembre 2016. Il soutient que c'est en méconnaissance de l'article L. 108 précité applicable au cas où la demande est présentée plus de trois ans après l'évènement justifiant le paiement de la pension, que le ministre a fixé l'entrée en jouissance de la pension à la date à laquelle il a présenté sa demande de pension, sans procéder au versement des arrérages correspondants à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit plus haut, M. B... qui ne peut se prévaloir d'un droit à pension au titre de l'infirmité nouvelle indiquée dans sa demande, ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 108 précitées pour soutenir que la date d'ouverture des droits résultant de l'arrêté de concession du 30 octobre 2017 aurait dû être antérieure au 21 septembre 1976. 13. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la demande de M. B... présentée devant le tribunal des pensions militaires de Montpellier doit être rejetée. Sur les frais liés au litige : 14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 18/00018 du 9 avril 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Montpellier a annulé l'arrêté de concession de pension du 30 octobre 2017 est annulé. Article 2 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. B..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La demande de M. B... présentée devant le tribunal et le surplus de sa requête d'appel sont rejetés. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. A..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2021. 6 N° 19MA05244
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 28/05/2021, 19VE04088, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner le département des Yvelines à lui verser la somme de 206 844 euros, assortie des intérêts avec capitalisation à compter du 30 décembre 2018, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de son accident de service intervenu le 21 septembre 2010. Par une ordonnance n° 1903151 du 14 octobre 2019, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 13 décembre 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 7 août 2020, Mme A..., représentée par Me F..., avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de condamner le département des Yvelines à lui verser, avec intérêts et capitalisation des intérêts, les sommes de : - 1140 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total, pour la période allant du 21 septembre 2010 au 27 octobre 2010 ; - 690 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel, pour la période allant du 27 octobre 2010 au 24 novembre 2010, puis du 24 novembre 2010 au 16 décembre 2010 ; - 12 000 euros au titre du préjudice sexuel temporaire ; - 30 000 euros au titre des souffrances endurées ; - 66 304 euros au titre de l'assistance par tierce personne ; - 20 410 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; - 30 000 euros au titre du retentissement professionnel ; - 20 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ; - 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément et des troubles dans les conditions d'existence ; - 6 300 euros au titre des dépenses de santé futures ; - 10 000 euros au titre du préjudice sexuel permanent ; 3°) de mettre à la charge du département des Yvelines la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal a retenu qu'elle avait saisi le département le 30 décembre 2018 d'une seconde réclamation tendant à obtenir l'indemnisation des mêmes chefs de préjudice et portant donc sur les mêmes objets et cause juridique ; - la réponse défavorable à sa seconde demande ne peut être considérée comme une décision confirmative ; - c'est aussi à tort que le tribunal a cru relever une absence de changement de circonstance de droit et de fait ; - les voies et délais de recours n'ont jamais été portés à sa connaissance ; - elle a droit à la réparation de ses préjudices à raison de la faute du département dans l'organisation du service de restauration scolaire qui implique également l'entretien des locaux et du matériel de cuisine ; - elle a également droit à réparation du fait de l'insuffisance des mesures de protection tant individuelles que collectives qui auraient permis d'éviter l'accident ; - subsidiairement, elle a droit à une indemnité complémentaire même en l'absence de faute de la collectivité au titre des préjudices non réparés par l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. ....................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'éducation ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - le code du travail ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C..., - les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public, - et les observations de Me F..., pour Mme A..., et de Me B..., pour le département des Yvelines. Considérant ce qui suit : Sur la recevabilité de la demande de première instance : 1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) /4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ". 2. Il résulte de l'instruction que Mme A... a demandé, le 15 décembre 2017, tant au département des Yvelines qu'au tribunal administratif de Versailles, sur le fondement tant de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 2 juillet 2004, Mme E..., n° 211106, que de la circonstance que l'accident aurait pu être évité si toutes les mesures de précaution avaient été mises en place au sein de la cuisine scolaire, à commencer par la fourniture de protection adaptée, le versement par ce département de diverses sommes en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de service survenu le 21 septembre 2010. Le département a opposé un rejet implicite à cette demande, puis Mme A... s'est désistée de sa demande devant le tribunal, désistement dont il lui a donné acte le 7 novembre 2018. En l'absence d'appel, cette décision est devenue définitive, la circonstance que la décision du département n'aurait pas été assortie des voies et délais de recours étant sans incidence. Dans ces conditions, le caractère définitif de cette décision s'oppose à ce que Mme A... introduise une action en responsabilité à l'encontre du département des Yvelines en vue d'obtenir la réparation des mêmes préjudices, imputés au même fait générateur et reposant sur les mêmes causes juridiques. Il résulte toutefois de l'instruction que tant dans sa nouvelle réclamation indemnitaire présentée le 30 décembre 2018 que dans sa demande présentée devant le tribunal le 25 avril 2019, Mme A... a demandé la réparation de son préjudice sexuel permanent, demande qu'elle n'avait pas présentée dans sa réclamation initiale. Dès lors, Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que sa demande relative au préjudice sexuel permanent a été rejetée comme irrecevable sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le 14 octobre 2019, par une ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Versailles. 3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande relative au préjudice sexuel permanent présentée par Mme A.... Sur la responsabilité : 4. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 5. En vertu de l'article L. 213-2 du code de l'éducation dans sa version applicable au litige : " (...) Le département assure l'accueil, la restauration, l'hébergement ainsi que l'entretien général et technique, à l'exception des missions d'encadrement et de surveillance des élèves, dans les collèges dont il a la charge. (...) ". En vertu de l'article L. 213-2-1 du même code : " Le département assure le recrutement et la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de service exerçant leurs missions dans les collèges. (...) ". En vertu de l'article 2 du décret du 10 juin 1985 susvisé : " Dans les collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er, les locaux et installations de service doivent être aménagés, les équipements doivent être réalisés et maintenus de manière à garantir la sécurité des agents et des usagers. Les locaux doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de sécurité nécessaires à la santé des personnes. ". En vertu des dispositions de l'article 2-1 du même décret : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". Enfin, en vertu de l'article R. 4321-4 du code du travail rendu applicable aux services de restauration des collèges des départements par l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " L'employeur met à la disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés et, lorsque le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux l'exige, les vêtements de travail appropriés. Il veille à leur utilisation effective. ". 6. D'une part, il résulte de l'instruction que, le 21 septembre 2010, Mme A..., qui exerçait les fonctions d'agent territorial d'entretien et d'accueil des établissements d'enseignement au sein du département des Yvelines, a glissé sur le sol du service de restauration collective du collège Pasteur, à la Celle-Saint-Cloud où elle avait pour mission de participer à l'élaboration des repas et qu'elle est tombée dans une bassine d'huile bouillante, à cause des chaussures mises à sa disposition. Son accident a été reconnu imputable au service par un arrêté du 11 janvier 2011 du président du conseil général des Yvelines. Par un arrêté du 16 avril 2015, ce même président suivant l'avis de la commission de réforme actait la consolidation de l'état de santé de Mme A... au 20 janvier 2015 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 25 %. Mme A... a ensuite déclaré une aggravation de son état de santé le 9 novembre 2015. Par un arrêté du 21 avril 2016, le président du conseil général des Yvelines reconnaissait les lésions décrites dans le certificat médical de rechute du 9 novembre 2015, en rapport direct, certain et total avec l'accident de service du 21 septembre 2010 et déclarait l'agent inapte de manière définitive à toute fonction. 7. D'autre part, si le département fait valoir qu'il n'a commis aucune faute dès lors qu'en vertu de l'article R. 421-10 du code de l'éducation, il incombait au chef d'établissement en qualité de représentant de l'Etat de prendre toutes dispositions, en liaison avec les autorités compétentes, pour assurer la sécurité des personnes et des biens, l'hygiène et la salubrité de l'établissement, il résulte des dispositions précitées au point 5 que le département est responsable de la sécurité des personnels et des locaux, le chef d'établissement n'intervenant qu'en liaison avec les autorités compétentes du département. Par ailleurs, il n'est ni établi ni même allégué que le chef d'établissement aurait été informé des problèmes matériels et d'organisation du service à l'origine du préjudice. Dès lors, la responsabilité du département est établie. Sur le préjudice : 8. Le département fait valoir que la demande présentée au titre du préjudice sexuel permanent n'est étayée par aucune considération médicale. Toutefois, il résulte de l'instruction et particulièrement des certificats médicaux au dossier que Mme A... présente des séquelles étendues de brûlure au visage, au cou, au dos, aux cuisses et aux fesses et des limitations des mouvements du membre supérieur droit. Par suite, il y a lieu de lui accorder la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice sexuel permanent subi. Sur l'appel en garantie et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir : 9. Pour les mêmes motifs que développés au point 7, l'appel en garantie présenté par le département à l'encontre de l'Etat ne peut qu'être rejeté. Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le département des Yvelines demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge du département des Yvelines une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... sur le fondement des mêmes dispositions. DECIDE : Article 1er : L'ordonnance n° 1903151 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de Mme A... est annulée en tant qu'elle rejette la demande au titre du préjudice sexuel permanent. Article 2 : Le département des Yvelines versera la somme de 2 000 euros à Mme A... en réparation de son préjudice sexuel permanent. Article 3 : Le département des Yvelines versera la somme de 1 500 euros à Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. N° 19VE04088 5
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 28/05/2021, 19MA05179, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... a demandé au tribunal des pensions militaires de Bastia d'annuler la décision du 4 avril 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation des infirmités " lombalgies chroniques " et " séquelles de traumatisme cervical ", et la prise en compte de l'infirmité nouvelle " scapulalgies gauches ". Par un jugement n° 16/00033 du 18 mars 2019, le tribunal des pensions militaires de Bastia a rejeté la requête de M. E.... Procédure devant la Cour : La cour régionale des pensions de Bastia a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. E..., enregistrée à son greffe le 30 avril 2019. Par cette requête et un mémoire enregistré le 16 décembre 2020, M. F... E..., représenté par Me A..., demande à la Cour : - d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires de Bastia du 18 mars 2019 ; - de lui accorder l'aggravation de sa pension au titre des infirmités " lombalgies chroniques " et " séquelles de traumatisme cervical " ; - à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise pour l'infirmité de " séquelles de traumatisme cervical " - de laisser les dépens à la charge de l'Etat. Il soutient que l'infirmité résultant des séquelles des lombalgies chroniques est imputable au service et non uniquement dans la mesure de 2% ; l'infirmité résultant des séquelles de traumatisme cervical a été évaluée au taux de 15% intégralement imputable au service par le docteur C... dans son expertise du 9 avril 2018, et il convient de retenir ce taux ; c'est à tort que le tribunal a considéré que l'origine traumatique de ces deux infirmités n'était pas établie et était non rattachable à des faits de service. Par deux mémoires en défense enregistrés le 25 février 2020 et le 17 février 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. La ministre fait valoir que les moyens de M. E... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 17 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 mars 2021 à 12 heures. M. E... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mai 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me D..., substituant Me A..., pour M. E.... Considérant ce qui suit : 1. M. E..., né le 14 décembre 1960 a été incorporé le 4 août 1988 au sein du 2ème Régiment étranger de parachutistes (R.E.P), et a été rayé des contrôles de l'armée active le 4 février 2014. Il a sollicité le 7 juillet 2011 le bénéfice d'une pension militaire au titre de cinq infirmités. Par décision du 4 avril 2016, il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité temporaire concédée pour la période du 7 juillet 2011 au 6 juillet 2014 au titre de deux infirmités, " séquelles de fracture des 3ème et 4ème métatarsien gauches " (15%), et " séquelles de traumatisme du genou gauche avec fracture rotulienne " (15%). Il a sollicité le 23 septembre 2013 et le 24 mars 2014 la révision de sa pension pour aggravation de ses infirmités pensionnées, l'indemnisation des trois autres infirmités dont deux précédemment sollicitées et refusées, " scapulalgies gauche avec limitation des mouvements ", " séquelles de traumatisme cervical " et " lombalgies chroniques ", ainsi que la prise en compte de l'infirmité nouvelle " séquelles de traumatisme de l'épaule droite ". Il relève appel du jugement du 18 mars 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de Bastia a rejeté sa requête contre la décision du 4 avril 2016 en tant que lui est refusée l'aggravation de sa pension au titre des deux infirmités " séquelles de traumatisme cervical " et " lombalgies chroniques ". Sur la révision de la pension : 2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable à la date de la demande : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. ". Aux termes de l'article L. 10 du même code : " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : (...) / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ". En ce qui concerne l'infirmité " séquelles de traumatisme cervical " : 3. D'une part, il résulte de l'instruction que M. E... a subi au moins six traumatismes cervicaux en service, dont la chute sur le cou du capot d'un véhicule léger. Le livret militaire de l'intéressé ne relève aucun état antérieur pathologique et notamment pas d'arthrose du rachis cervical. Le docteur C..., médecin désigné par le tribunal pour examiner l'intéressé, dans son expertise du 30 mars 2018, relève spécifiquement une névralgie cervico-brachiale chronique sur atteintes foraminales C3 à C7 gauches et des lésions liées à des discopathies dégénératives cervicales étagées de C3 à C7, responsables d'un rétrécissement canalaires et de rétrécissements foraminaux étagés, qui sont attestées par une I.R.M effectuée le 8 décembre 2011. Mais il note également au niveau du rachis cervical des rotations limitées à 45°, une flexion subnormale, l'hyperextension limitée à 10° et une nette limitation du mouvement des deux épaules. Dans ces conditions, le taux d'invalidité de cette infirmité doit être fixé à 20% et non à 15% comme évalué par ce médecin. D'autre part, il résulte de l'instruction que, par une décision du 3 septembre 2012, le ministre de la défense a refusé de concéder une pension à M. E... au titre de l'infirmité de " séquelles de traumatisme cervical sur un état antérieur cervico-arthrosique multi-étagé important de C3 à C7 avec pincements discaux, rétrolisthésis, arthrose ostoéphytique et sténose canalaire et foraminale " estimée à un taux d'invalidité global de 10% au motif qu'elle résultait pour une part d'accidents sans lien avec le service dans une proportion de 8%. Cette décision, non contestée, est devenue définitive, en l'absence de fait nouveau et alors même que, dans son expertise du 30 mars 2018 le docteur C... ne retient aucun état antérieur, de même que le docteur Chinelatto, dans son rapport du 2 octobre 2014. Par suite, ce taux de 8% s'applique nécessairement au taux de 20% retenu ci-avant. Il en résulte que M. E... peut prétendre une pension au titre de cette infirmité dans une proportion de 12%. Il s'ensuit que M. E... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme cervical " en raison de ce qu'elle ne satisfaisait pas à la condition d'une invalidité d'un taux d'au moins 10%, comme exigé par l'article L. 29 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. En ce qui concerne l'infirmité " lombalgies chroniques " : 4. Comme dit par les premiers juges, l'origine traumatique de cette infirmité n'est pas contestée. Il résulte de l'instruction, et notamment du livret militaire de l'intéressé, qu'il a subi neuf épisodes de lombalgies post-traumatiques durant la période de son engagement militaire faisant suite à des sauts en parachute. Il résulte des termes de l'expertise précitée du docteur C..., que la gêne fonctionnelle liée à cette infirmité est très invalidante pour M. E.... Dans ces conditions, le taux d'invalidité de cette infirmité doit être évalué à 20% au regard du guide barème d'invalidité. D'autre part, par une décision du 3 décembre 2010, le ministre de la défense a refusé de concéder une pension à M. E... au titre de l'infirmité de " séquelles de traumatisme lombaire " estimée à un taux d'invalidité global de 10% au motif qu'elle résultait pour une part d'accidents sans lien avec le service dans une proportion de 8%. Cette décision est devenue définitive pour ne pas avoir été contestée dans les délais de recours contentieux en l'absence de fait nouveau et alors même que, dans son expertise du 30 mars 2018 le docteur C... ne retient aucun état antérieur. Par suite, l'autorité de la chose décidée qui s'attache à ce taux de 8% s'applique nécessairement au taux précité de 20%. Il en résulte que M. E... peut prétendre à l'aggravation de cette infirmité dans une proportion de 12%. Par suite, c'est à tort que le tribunal des pensions militaires de Bastia a retenu que l'infirmité " lombalgies chroniques " ne pouvaient ouvrir droit à pension à hauteur d'au moins 10%, comme exigé par l'article L. 29 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que M. E... est fondé à soutenir que, c'est à tort que le ministre des armées a refusé de lui accorder une concession de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme lombaire " et " séquelles de traumatisme cervical avec un taux d'invalidité de 12%. Par suite, M. E... est fondé à demander l'annulation de jugement attaqué et de la décision ministérielle de refus. Sur les dépens : 6. Les dépens, constitués par les frais d'expertise du docteur C..., sont laissés à la charge définitive de l'Etat. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions militaires de Bastia du 18 mars 2019 est annulé. Article 2 : La décision du ministre de la défense du 4 avril 2016 est annulée en tant qu'elle refuse d'accorder à M. E... une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme cervical " et qu'elle rejette sa demande de pension pour l'infirmité lombalgies chroniques ". Article 3 : M. E... a droit, à compter du 23 septembre 2013, à une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " lombalgies chroniques " au taux de 12%. Article 4 : M. E... a droit, à compter du 23 septembre 2013, à une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme cervical " au taux de 12%. Article 5 : Les frais d'expertise du docteur C... sont mis à la charge définitive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., à Me A... et à la ministre des armées. Copie en sera adressée à l'expert, M. C.... Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. B..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2021. 2 N° 19MA05179
Cours administrative d'appel
Marseille