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CAA de LYON, 7ème chambre, 15/04/2021, 19LY04143, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Lyon d'annuler l'arrêté du 4 avril 2011, par lequel le ministre de la défense a porté à 100 % le taux global de ses invalidités et de réévaluer ses pathologies. Par un jugement avant-dire-droit n° 11/00011 du 13 mars 2018, le tribunal des pensions a retiré une mesure d'expertise avant-dire-droit et a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 12 juin 2018. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 13 juin 2018, et un mémoire, enregistré le 22 octobre 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal des pensions du 13 mars 2018. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché de nullité en ce qu'a été modifié par le président du tribunal ultérieurement, le tribunal étant dessaisi, le dispositif de la décision rendue sur le siège le 13 mars 2018 ordonnant une nouvelle expertise. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 9 novembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que, si le tribunal a rabattu la mesure d'expertise évoquée en audience sur le siège, comme il peut en décider souverainement, il n'a pas statué au fond par le jugement attaqué, qui ne fait dès lors pas grief à M. B.... M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2019. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ; - les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ; - et les observations de Me C..., pour M. B... ; Considérant ce qui suit : 1 M. A... B..., né le 26 février 1959, incorporé le 5 août 1977, a été réformé le 25 mai 1978 au constat d'un diabète insulino-dépendant. Par un arrêté du 9 octobre 2006, lui a été concédée une pension militaire d'invalidité au taux global de 95 % pour diabète insulino-dépendant avec neuropathie, neuropathie diabétique avec rétention urinaire, troubles sexuels et rétinopathie diabétique. Le 21 février 2008, il a présenté une demande de révision de cette pension au titre de l'aggravation de ses infirmités. Le ministre de la défense a porté le taux global de sa pension à 100 %, mais lui a refusé l'allocation " grands mutilés " mentionnée aux articles L. 36 et L. 37 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction alors applicable, par un arrêté du 4 avril 2011, que M. B... a contesté devant le tribunal des pensions militaires de Lyon. M. B... demande l'annulation d'un jugement avant-dire-droit intervenu le 13 mars 2018 dans cette instance et par lequel le tribunal a rabattu une mesure avant-dire-droit et ordonné la réouverture des débats à une audience du 12 juin 2018. 2 Il résulte de l'instruction que, par une requête enregistrée le 14 octobre 2011, M. B... a demandé l'annulation de l'arrêté du 4 avril 2011. Par un jugement du 25 mars 2014, confirmé par un jugement du 20 mai 2014, le tribunal des pensions de Lyon, avant-dire-droit sur la demande de M. B..., a rejeté la demande de communication du dossier médical primitif, renvoyé la demande d'expertise médicale et renvoyé l'affaire à une audience du 29 avril 2014. Sur appel de M. B..., un arrêt avant-dire-droit de la cour régionale des pensions de Lyon a, le 8 novembre 2016, notamment annulé le jugement du 25 mars 2014 et ordonné une expertise médicale pour que, au dépôt du rapport, le dossier soit renvoyé au tribunal des pensions de Lyon. L'expert, désigné en dernier lieu par une ordonnance du 20 janvier 2017, a examiné M. B... et déposé son rapport le 27 avril 2017. Après un premier renvoi, l'affaire a été appelée à l'audience du tribunal des pensions du 13 mars 2018, lors de laquelle le conseil de M. B... a sollicité une nouvelle expertise en faisant valoir que l'expert n'avait pas prêté serment. Par le jugement attaqué du 13 mars 2018, dont aucun élément du dossier n'établirait que sa date serait erronée, les premiers juges, avant-dire-droit, ont décidé le " rabat (de) la mesure d'instruction " et ordonné " la réouverture des débats à l'audience du 12 juin 2018 à 14 h 00 ". M. B... fait valoir que lors de l'audience du 13 mars 2018, il avait sollicité une nouvelle mesure d'expertise, que, sur le siège, les premiers juges avaient accordée, comme le révèle le dispositif du jugement du 12 juin 2018 et comme le confirme la ministre en défense dans ses écritures contentieuses. 3 Il suit de là qu'à la date du jugement attaqué, l'expertise ordonnée par l'arrêt de la cour régionale des pensions du 8 novembre 2016 avait été effectuée, sans toutefois que ce jugement statue sur le fond de la demande de M. B... et, partant, ne se prononce sur la régularité, contestée par le requérant, de cette expertise, ni en apprécie les conclusions. Dans ces conditions, en se bornant, certes maladroitement, à mentionner le " rabat " d'une mesure d'instruction, qu'il n'identifie au demeurant pas, et nonobstant la circonstance, à la supposer établie, qu'ait pu être évoqué lors des débats à l'audience le prononcé d'une nouvelle mesure d'expertise, le dispositif du jugement attaqué n'a pas eu pour effet, à la date à laquelle s'apprécie sa régularité, de priver M. B... de l'expertise à laquelle il lui a été fait droit par l'arrêt du 8 novembre 2016 non plus, n'ayant pas d'autre portée que le renvoi, pour rouvrir le contradictoire, de l'examen de l'affaire à une audience postérieure, de le priver de contester la régularité de l'expertise du 27 avril 2017 ou ses conclusions et par suite, ne saurait faire grief à M. B.... 4 Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Lyon a rabattu une mesure avant-dire-droit, ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'examen de l'affaire. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente au titre des dépens de l'instance doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient : M. Josserand-Jaillet, président de chambre ; M. Seillet, président assesseur ; Mme Djebiri, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021. N° 19LY04143 2
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 06/04/2021, 17MA00404, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme G... D... veuve J..., ainsi que Mme H... J..., Mme F... J... et M. E... J..., représentés par le cabinet d'avocats Teissonniere Topaloff Lafforgue Andreu et Associés, agissant par Me I..., ont demandé au tribunal administratif de Toulon de déclarer l'État responsable des conséquences dommageables des maladies reconnues imputables au service dont est décédé M. J..., leur mari et père. Par un jugement n° 1300800 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'État, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à verser à Mme D... veuve J..., la somme totale de 44 409 euros en réparation du préjudice moral et économique, et à verser à Mme H... J..., Mme F... J... et M. E... J... la somme de 20 000 euros chacun en réparation du préjudice moral. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 janvier 2017, le 8 décembre 2017 et le 9 mai 2019, le ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1300800 du tribunal administratif de Toulon du 24 novembre 2016. Il soutient que : - la responsabilité pour faute de l'État ne peut être retenue dans la mesure où le lien de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants de M. J... et sa maladie n'est pas établi en droit commun et ne peut être tenu pour acquis du seul fait que l'intéressé a bénéficié de la présomption légale de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ; - les premiers juges ne peuvent valablement retenir l'insuffisance des mesures de surveillance, la surveillance dont a bénéficié M. J... étant suffisante au regard de ses conditions d'exposition ; - le préjudice d'affection subi par les consorts J... à la vue de la douleur, de la déchéance et de la souffrance de M. J... avant son décès est déjà inclus dans le préjudice moral accordé aux consorts J... en première instance de sorte que cette demande n'est pas fondée, et qu'en tout état de cause, les sommes réclamées sont surévaluées au regard des sommes généralement allouées par le juge administratif pour un préjudice similaire ; - aucune somme ne peut être allouée aux consorts J... au titre du préjudice d'accompagnement étant donné qu'il n'est pas justifié par un bouleversement de leur mode de vie quotidien durant la période d'hospitalisation de leur mari et père, et qu'en tout état de cause, les sommes réclamées sont surévaluées au regard des sommes généralement allouées par le juge administratif pour un préjudice similaire ; - l'octroi d'une pension militaire d'invalidité n'ouvre pas automatiquement droit à réparation en droit commun aux ayants droit de M. J... ; - en l'absence de lien de causalité certain et direct entre la maladie de M. J... et une activité de service, la responsabilité sans faute de l'État ne peut être engagée ; - M. J... ne peut pas bénéficier de la loi n° 83-605 du 8 juillet 1983 en l'absence de caractère rétroactif et en raison du dommage survenu antérieurement à son entrée en vigueur. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2017, Mme G... D... veuve J..., Mme H... J..., Mme F... J... et M. E... J..., représentés par Me I..., demandent à la Cour : 1°) de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité pour faute de l'État dans la survenue de la maladie de M. J... ayant entrainé son décès ; 2°) subsidiairement, de retenir la responsabilité sans faute de l'État dans la survenue de la maladie de M. J... ayant entrainé son décès ; 3°) de condamner l'État au paiement des indemnisations de leurs préjudices pour un montant total de 195 492 euros, somme portant intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2012 jusqu'à la date de son paiement effectif et capitalisés à la date du 28 juin 2013 puis à chaque échéance annuelle ; 4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à chaque requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la responsabilité de l'État doit être engagée sur le fondement de la jurisprudence Brugnot (CE, 1er juillet 2005, n° 258208) du fait de la maladie dont a souffert M. J... ; - le cancer qui a entrainé le décès de M. J... a été admis comme étant imputable au service par un jugement définitif du tribunal des pensions militaires de Draguignan en date du 7 mai 2009 ; - la responsabilité de l'État doit être retenue en raison de la carence fautive de ce dernier dans la mesure où, compte tenu de ses fonctions de mécanicien et de ses conditions de vie sur l'atoll, M. J... n'a pas été protégé ; - M. J... n'a bénéficié d'aucune protection individuelle contre les risques auxquels il était exposé, d'aucune information sur les risques encourus, et d'une surveillance radiobiologique insuffisante au regard de l'ensemble de ses conditions concrètes d'exposition. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires ; - la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ; - la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ; - le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 pris en application de la loi relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ; - le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Badie, - les conclusions de M. Angeniol, rapporteur public, - et les observations de Me C..., substituant Me I..., représentant les consorts J.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... J..., appelé du contingent, a exercé ses fonctions de mécanicien d'hélicoptère et a été, à ce titre, affecté sur le site d'expérimentations nucléaires français en Polynésie française à Mururoa, du 9 août 1973 au 11 mai 1974. Durant l'affectation de M. J..., selon l'Agence internationale de l'énergie atomique, du 18 août 1973 au 13 septembre 1973, il a été procédé à trois essais nucléaires de type atmosphérique - et à un essai de sécurité - réalisés à Moruroa. M. J..., qui a développé un cancer du poumon en 2003, est décédé le 26 décembre 2004. Les ayants droit de l'intéressé ont adressé une demande d'indemnisation des préjudices subis par ce dernier au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) sur le fondement des dispositions de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010. Par une décision du 20 décembre 2011, le ministre de la défense a rejeté leur demande. Les ayants droit de M. A... J... ont alors demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler cette décision et de condamner le CIVEN à indemniser intégralement les préjudices subis à la suite de l'exposition de celui-ci aux rayonnements ionisants ayant causé la survenance de sa maladie et son décès. Par un jugement en date du 8 novembre 2013, le tribunal a annulé la décision du ministre de la défense du 20 décembre 2011 et a enjoint à ce dernier de réexaminer le dossier de l'intéressé dans un délai de trois mois en vue de proposer une indemnisation à ses ayants droit. Par un arrêt du 30 juin 2015, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours du ministre de la défense et a enjoint au CIVEN de présenter aux ayants droit une proposition d'indemnisation des préjudices subis par l'intéressé. Les ayants droit de ce dernier ont accepté l'offre d'indemnisation faite par le CIVEN, en date du 6 janvier 2016, d'un montant de 138 246 euros. Parallèlement à cette procédure, les ayants droit de M. J... ont adressé une demande de condamnation de l'État à réparer les préjudices personnels qu'ils estiment avoir subis en conséquence du décès de leur époux et père. Par un jugement n° 1300800 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'État, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à verser à Mme D... veuve J..., la somme totale de 44 409 euros en réparation du préjudice moral et économique, et à verser à Mme H... J..., Mme F... J... et M. E... J... la somme de 20 000 euros chacun en réparation du préjudice moral. La ministre des armées relève appel de ce jugement. Par un recours incident, Mme D... veuve J... et Mme H... J..., Mme F... J... et M. E... J... demandent à la Cour de porter l'indemnisation de leurs préjudices à un montant total de 195 492 euros. Sur la responsabilité sans faute de l'État au titre de la loi n° 83-605 du 8 juillet 1983 : 2. L'article 62 du code du service national dispose que "(...) Nonobstant les dispositions régissant les régimes de couverture sociale qui leur sont propres, les jeunes gens accomplissant les obligations du service national, victimes de dommages corporels subis dans le service ou à l'occasion du service, peuvent, ainsi que leurs ayants droit, obtenir de l'Etat, lorsque sa responsabilité est engagée, une réparation complémentaire destinée à assurer l'indemnisation intégrale du dommage subi, calculée selon les règles du droit commun. (...) ". 3. Les appelés du contingent effectuant leur service militaire qui subissent, dans l'accomplissement de leurs obligations, un préjudice corporel, sont fondés, ainsi que leurs ayants droit, et en l'absence même de toute faute de la collectivité publique, à en obtenir réparation, dès lors que, conformément à l'article L. 62 du code du service national tel que modifié par la loi n° 83-605 du 8 juillet 1983, le forfait de la pension ne leur est pas opposable. Toutefois, ce droit à réparation n'est ouvert que lorsque le préjudice subi est directement imputable au service. Et, la loi du 8 juillet 1983 modifiant le code du service national, en prévoyant une réparation complémentaire destinée, par dérogation à la règle du forfait de la pension, à assurer l'indemnisation intégrale du dommage subi par un appelé à la suite d'un accident de service, n'a un caractère ni interprétatif ni rétroactif. Ainsi, elle ne saurait s'appliquer à un dommage survenu antérieurement à son entrée en vigueur. 4. Il résulte de l'instruction que si la maladie dont a été victime M. A... J... n'a été diagnostiquée qu'en novembre 2003, donc postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 1983, ses ayants droit se prévalent s'agissant de son origine de faits survenus en 1973 et en 1974, soit avant l'intervention de ces nouvelles dispositions législatives. Par suite, comme l'a soutenu la ministre des armées dans ses observations en réponse au moyen relevé d'office et tiré de l'application de la responsabilité sans faute au titre de l'article 62 du code du service national, les ayants droit de M. J... ne peuvent se prévaloir d'un tel régime de responsabilité. Sur la responsabilité pour faute de l'État : 5. Ni les dispositions de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires ni celles de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ne font obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir notamment à la réparation des préjudices subis par les ayants droit de la victime déjà indemnisée soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où la maladie de la victime serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. En ce qui concerne le principe de la responsabilité : 6. En premier lieu, la ministre des armées conteste le lien de causalité entre la maladie et le service en faisant valoir d'une part que celle-ci est apparue près de 29 ans après et d'autre part qu'il n'est pas démontré que le cancer dont a été victime M. J... est de manière certaine et directe imputable aux essais nucléaires. 7. Cependant, d'une part, à deux reprises, même si s'appliquaient devant elles des mécanismes de régime de responsabilité différents, des juridictions ont reconnu, par des décisions définitives, un lien de causalité entre la maladie de M. J... et le service. Ainsi, par un jugement du 7 mai 2009, le tribunal des pensions militaires du Var relevait : " que le soldat-mécanicien René J..., tout spécialement missionné au nettoyage des hélicoptères patrouillant en vol lors des explosions nucléaires réalisées dans la région de Mururoa, n'a pu qu'être exposé soit directement, bien que l'absence de combinaison de décontamination appropriée ne soit pas démontrée, soit à l'occasion d'un contact avec les mousses rejetées dans le lagon après décontamination, à des éléments radioactifs n'ayant pu disparaître par l'effet de la main humaine en raison de leur teneur en agents très durablement irradiés(...) il convient encore de souligner qu'après l'accomplissement de ses devoirs militaires, pas plus de deux années se sont écoulées avant que René J... perde son rein gauche, filtre par excellence des substances ingurgitées par l'être humain. " Ainsi que l'a relevé la cour administrative d'appel de Marseille dans son arrêt du 30 juin 2015, devenu définitif, M. J... doit être regardé comme étant décédé des suites d'une maladie radio-induite inscrite sur la liste fixée par le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 et après avoir séjourné dans l'une des zones géographiques et au cours d'une période déterminées par la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 sans que puisse être utilement soutenu, pour écarter la présomption de causalité ainsi établie entre ce décès et l'exposition aux rayonnements ionisants provoqués par les essais nucléaires français, qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de l'exposition aux rayonnements ionisants, le risque attribuable aux essais nucléaires est négligeable. D'autre part, le praticien hospitalier ayant assuré le suivi de M. J... a indiqué dans trois certificats successifs du 24 janvier 2005, 22 mars 2006 et 4 mars 2011, non sérieusement contestés en défense, que le carcinome pulmonaire diagnostiqué le 1er décembre 2003 s'apparentait aux tumeurs sarcomateuses, pour laquelle le rôle du tabagisme n'est pas " du tout évident " alors que " le lien avec les irradiations subies lors de son séjour à Mururoa semble plus nettement établi ". Dès lors, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, le lien de causalité entre la maladie, même apparue près de trente ans après, et le service doit être regardé comme certain et direct. 8. En deuxième lieu, la ministre des armées se prévaut de l'absence de faute de l'Etat, en réitérant en appel son argumentation de première instance. 9. Ainsi qu'il a été dit plus haut, affecté sur le site d'expérimentations nucléaires français en Polynésie française à Mururoa, du 9 août 1973 au 11 mai 1974, période marquée par trois essais nucléaires de type atmosphérique, en sus d'un essai de sécurité, M. J..., appelé du contingent, a exercé des fonctions de mécanicien d'hélicoptère et a été amené à effectuer des taches qui ne peuvent raisonnablement exclure la responsabilité de l'État concernant son exposition aux rayonnements ionisants. En effet, l'intéressé était chargé du nettoyage des hélicoptères patrouillant en vol lors des explosions nucléaires. En outre, la dosimétrie individuelle interne de M. J... se limite à un seul et unique examen anthropospectrogammétrique réalisé le 4 mai 1974, à son départ du site et plusieurs mois après le dernier essai recensé. Par voie de conséquence, ce seul et unique examen dosimétrique, alors même que la dosimétrie d'ambiance des lieux de vie de l'intéressé n'aurait rien révélé de suspect, n'est pas suffisant pour exclure totalement qu'il ait fait l'objet d'une contamination par quelque voie que ce soit. De plus, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé a fait l'objet d'une protection individuelle ou collective suffisante pas plus qu'il n'a fait l'objet d'une information raisonnable des risques encourus à l'époque des faits. Il en résulte que l'administration ne peut raisonnablement soutenir que la surveillance dont a bénéficié M. J... étant suffisante au regard de ses conditions d'exposition. En outre, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, eu égard aux risques encourus, les mesures au titre des précautions mises en place lors des essais que furent la surveillance météorologique, le classement des zones en fonction des risques de contamination ou bien encore l'existence d'un périmètre de sécurité imposé et des conditions de vie réglementées apparaissent comme insuffisantes. Par suite, Mme D... veuve J... et ses enfants sont fondés à rechercher la responsabilité pour faute de l'État. En ce qui concerne les préjudices : S'agissant du préjudice économique de Mme D..., veuve J... : 10. Mme D... veuve J... a sollicité l'indemnisation du préjudice économique subi par ricochet du fait du décès de son mari au titre des années 2005 à 2008. Ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien, compte tenu, le cas échéant, de ses propres revenus et déduction faite des prestations reçues en compensation. Dès lors, le préjudice est établi par référence à un pourcentage des revenus de la victime, affecté à l'entretien de la famille. 11. Il résulte de l'instruction que, calculé sur la base des trois dernières années avant le décès de M. J..., le revenu moyen du ménage s'élève à la somme de 30 227 euros. Il convient de déduire de ce revenu 30 % correspondant à la part de consommation personnelle de l'époux, soit la somme de 9 068 euros. Dès lors, le revenu disponible de référence pour le foyer s'élevait ainsi à la somme de 21 159 euros. Il résulte également de l'instruction que, pour les années 2005, 2007 et 2008, et il n'est pas contesté pour l'année 2006, que Mme D... veuve J..., a perçu respectivement, au titre de ces années, ainsi que cela ressort des avis d'imposition, les sommes de 17 164 (12 062 de pensions + 5 102 de salaires,) euros (2005), 19 622 euros (2006), 12 978 euros (2007) et 15 463 euros (2008). Ainsi, son préjudice économique lié au décès de son mari peut être établi à 3 995 euros au titre de 2005, 1 537 euros au titre de 2006, 8 181 euros au titre de 2007 et 5 696 euros au titre de 2008, soit un total de 19 409 euros. Par suite, les premiers juges ont pu à bon droit estimer que le préjudice économique de Mme D... veuve J... s'élevait à la somme de 19 409 euros et condamner l'État à lui verser ce montant. S'agissant du préjudice moral, du préjudice d'affection et du préjudice d'accompagnement subis par Mme D..., veuve J..., et ses trois enfants : 12. La ministre des armées conclut au rejet des conclusions indemnitaires incidentes présentées par les ayants droit de M. J... au motif que le préjudice d'affection subi par ces derniers à la vue de la douleur, de la déchéance et de la souffrance de M. J... avant son décès est déjà inclus dans le préjudice moral accordé aux consorts J..., lequel est suffisant, en première instance de sorte que cette demande n'est pas fondée. 13. Mme D... veuve J... et ses enfants ont sollicité l'indemnisation du préjudice moral du fait du décès de M. J.... Les premiers juges ont répondu favorablement à cette demande et ont condamné l'État à verser la somme de 25 000 euros à M. D... veuve J... et 20 000 euros à chaque enfant. Néanmoins, Mme D... veuve J... sollicite en appel la condamnation de l'État à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral d'affection, et 20 000 euros au titre du préjudice moral d'accompagnement, pour un montant total de 70 000 euros. Les enfants de M. J... sollicitent en appel la condamnation de l'État à leur verser la somme de 30 000 euros chacun au titre du préjudice moral d'affection, et 5 000 euros au titre du préjudice moral d'accompagnement, pour un montant total de 35 000 euros chacun. 14. Au regard des circonstances de l'espèce, le tribunal administratif a fait une juste appréciation en estimant que le préjudice moral subi par Mme D... veuve J... devait être évalué à la somme de 25 000 euros et celui de ses trois enfants à 20 000 euros chacun, lesquels montants doivent être regardés comme comprenant le préjudice d'affection. En revanche, le préjudice d'accompagnement, résultant du partage par sa famille de la fin de vie d'un proche, n'a pas été évalué par les premiers juges de sorte qu'un tel préjudice subi par Mme D... veuve J..., eu égard aux circonstances de l'espèce, doit être fixé à la somme de 5 000 euros et celui de ses trois enfants à 2 500 euros chacun. Par voie de conséquence, il y a lieu de condamner l'État à leur verser cette somme à chacun. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 15. Il résulte des dispositions des articles 1153 et 1154 du code civil que Mme D..., veuve J..., et ses trois enfants ont droit aux intérêts sur les sommes qui leur sont allouées et ce, à compter du 28 juin 2012, date de réception de leur demande indemnitaire préalable. Les requérants ont par ailleurs demandé le bénéfice de la capitalisation des intérêts. Il y a donc lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette demande à compter du 28 juin 2013, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme G... D... veuve J..., Mme H... J..., Mme F... J... et M. E... J... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le recours de la ministre des armées est rejeté. Article 2 : La somme de 25 000 euros au titre des préjudices moral et d'accompagnement que l'État a été condamné à verser à Mme D... veuve J... par le tribunal administratif de Toulon est portée à 30 000 euros. Article 3 : La somme de 20 000 euros au titre des préjudices moral et d'accompagnement que l'État a été condamné à verser à Mme H... J... par le tribunal administratif de Toulon est portée à 22 500 euros. Article 4 : La somme de 20 000 euros au titre des préjudices moral et d'accompagnement que l'État a été condamné à verser à Mme F... J... par le tribunal administratif de Toulon est portée à 22 500 euros. Article 5 : La somme de 20 000 euros au titre des préjudices moral et d'accompagnement que l'État a été condamné à verser à M. E... J... par le tribunal administratif de Toulon est portée à 22 500 euros. Article 6 : L'État est condamné à verser à Mme D... veuve J..., la somme totale de 44 409 euros en réparation de ses préjudices. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2012 jusqu'à la date de son paiement effectif. Ces intérêts seront capitalisés à la date du 28 juin 2013 puis à chaque échéance annuelle. Article 7 : L'État est condamné à verser à Mme H... J..., Mme F... J... et M. E... J... la somme de 22 500 euros chacun en réparation de leurs préjudices. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2012 jusqu'à la date de son paiement effectif. Ces intérêts seront capitalisés à la date du 28 juin 2013 puis à chaque échéance annuelle. Article 8 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 9 : L'État versera aux requérants la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 10 : Le surplus des conclusions incidentes de Mme G... D... veuve J..., Mme H... J..., Mme F... J... et M. E... J... est rejeté. Article 11 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à Mme G... D... veuve J..., Mme H... J..., Mme F... J... et M. E... J... et au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2021. N° 17MA00404 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 4ème chambre, 09/04/2021, 19PA02124, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun : 1°) à titre principal, de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser la somme globale de 250 000 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux qu'il estime avoir subis et à lui rembourser la somme de 8 319,52 euros, augmentée des intérêts de retard correspondant au montant des congés, des heures supplémentaires, des heures de récupération, des heures libérées et des frais médicaux qui lui sont dus ; 2°) à titre subsidiaire, de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser la somme de 200 000 euros au titre de sa retraite " valorisée " et la somme de 250 000 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux subis ; 3°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au département du Val-de-Marne de revaloriser sa pension de retraite ainsi que sa retraite additionnelle en prenant en compte l'avancement auquel il avait droit et les cotisations qu'il aurait versées au titre de la retraite additionnelle. Par un jugement n° 1600515 du 7 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a condamné le département du Val-de-Marne à payer à M. C... la somme de 243 720 euros au titre des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux subis. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 juillet 2019 et 8 octobre 2020, le département du Val-de-Marne, représenté par Me B..., demande à la Cour : 1°) de réformer le jugement n° 1600515 du 7 mai 2019 en tant que le Tribunal administratif de Melun l'a condamné à verser à M. C... une somme de 243 000 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux subis ; 2°) de ramener le montant de l'indemnité due à de plus justes proportions ; 3°) de rejeter les conclusions présentées par M. C... par la voie de l'appel incident ; 4°) de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les conclusions de M. C... présentées par la voie de l'appel incident sont irrecevables car elles présentent un litige distinct de l'appel principal, elles constituent des demandes nouvelles en appel et il ne peut solliciter à titre principal des demandes présentées à titre subsidiaire devant le tribunal ; - il n'a pas méconnu son obligation de sécurité dès lors qu'aucun poste de technicien en charge du rangement de l'atelier n'a été supprimé ; - il a procédé à l'aménagement du poste de M. C... conformément aux préconisations émises en 1997 ; - M. C... a été reconnu apte à son poste sans restriction lors des visites médicales en 2000 et 2005 ; - la procédure de reclassement en 2011 n'a pu être mise en oeuvre dès lors que l'intéressé a été en arrêt maladie jusqu'à sa retraite ; - il ne peut solliciter le versement des frais médicaux supplémentaires en l'absence de demande en ce sens adressée à la collectivité ; - M. C... n'établit pas avoir effectué les heures dont il sollicite le versement, ni que les jours de congés ne lui ont pas été versés ; - la rente viagère d'invalidité répare forfaitairement les préjudices liés à la perte de revenus et à l'incidence professionnelle ; - l'absence de promotion au grade d'ingénieur territorial est liée au caractère limité du nombre de nominations ; - le préjudice d'agrément n'est pas établi en l'absence d'activité de loisir ou sportive ; - M. C... n'a pas subi de préjudice esthétique ; - le préjudice résultant du syndrome post-traumatique n'est pas établi ; - l'imputabilité des pathologies psychiatriques à l'accident de service n'est pas établie en l'absence d'éléments sur l'état antérieur de M. C... ; - le taux du déficit fonctionnel permanent doit être calculé selon la règle de Balthazard de la validité restante et non par addition des taux retenus ; le déficit fonctionnel permanent ne saurait être fixé à un taux supérieur à 66 %, soit une indemnité évaluée à 150 000 euros ; - le taux d'invalidité afférent à l'état psychologique est manifestement surévalué ; - les conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal sont irrecevables. Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 septembre 2019 et 4 mars 2021, M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour : 1°) de rejeter la requête du département du Val-de-Marne ; 2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, - de réformer le jugement n° 1600515 du 7 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a condamné le département du Val-de-Marne à lui verser une somme de 243 720 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux subis ; - de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser une indemnité de 311 950 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 8 319,52 euros au titre des frais médicaux, des congés et heures dus et de 50 000 euros au titre du traitement discriminatoire ; - à titre subsidiaire, d'enjoindre au département du Val-de-Marne de revaloriser sa pension de retraite ainsi que sa retraite additionnelle afin de prendre en compte son avancement ; 3°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les moyens soulevés par le département du Val-de-Marne ne sont pas fondés ; - ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident sont recevables ; - le département du Val-de-Marne a manqué à son obligation de sécurité des agents en ne prenant pas en compte la dangerosité des locaux ; - le département du Val-de-Marne a commis une faute en ne prenant pas en compte son état physique dans l'aménagement de son poste et dans le suivi médical régulier de son état de santé ; - le département du Val-de-Marne ne justifie pas du refus de sa promotion au grade d'ingénieur territorial alors qu'il remplissait les conditions ; le refus est entaché de discrimination à raison de son état de santé ; - il a droit au remboursement de la perte de revenus et de pension de retraite résultant de l'absence d'avancement ; il a subi un préjudice évalué à 50 000 euros au titre du traitement discriminatoire ; - le département du Val-de-Marne doit lui rembourser les congés et heures de récupération, les heures supplémentaires et les heures libérées ; - le département du Val-de-Marne doit lui rembourser les frais médicaux qu'il a pris en charge pour un montant de 1 405,52 euros ; - il a subi un préjudice d'agrément évalué entre 7 700 et 31 000 euros ; - il a subi un préjudice esthétique évalué à la somme de 38 180 euros ; - il a subi un déficit fonctionnel permanent évalué à la somme de 311 950 euros ; - la règle de la validité restante n'est pas applicable pour la détermination du déficit fonctionnel permanent ; - il y a lieu d'enjoindre au département de revaloriser sa pension de retraite et de la fixer à la somme de 2 548 euros mensuel. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Mach, premier conseiller, - les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public, - les observations de Me Cadoux, avocat du département du Val-de-Marne, - et les observations de M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., technicien principal de première classe, affecté au sein de l'ancien service informatique du département du Val-de-Marne, a été victime le 22 août 2008 d'une chute dans l'atelier du service, reconnue comme accident imputable au service le 4 février 2009. L'intéressé a été placé en congé de maladie du 22 août 2008 au 1er décembre 2014. La commission de réforme ayant reconnu son inaptitude définitive à toutes fonctions, M. C... a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 1er décembre 2014 et bénéficie d'une pension d'invalidité comprenant une rente d'invalidité au taux de 59%. Par courrier du 27 juillet 2015, M. C... a présenté une demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de l'accident du 22 août 2008, qui a été rejetée par courrier du président du conseil départemental du Val-de-Marne en date du 18 novembre 2015. Par un jugement du 7 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a condamné le département du Val-de-Marne à payer à M. C... la somme de 243 720 euros au titre des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux subis. Le département du Val-de-Marne relève appel de ce jugement en tant qu'il a été condamné au versement d'une somme de 243 000 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux subis. M. C..., par la voie de l'appel incident, sollicite la réformation de ce jugement en tant que le tribunal n'a fait que partiellement droit à ses conclusions. Sur l'appel principal : 2. En vertu des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et des articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, les fonctionnaires des collectivités territoriales qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services. 3. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 4. Pour condamner le département du Val-de-Marne au versement d'une indemnité de 240 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de M. C..., le tribunal s'est fondé sur la rapport d'expertise médicale du docteur Bantman du 3 juin 2014 réalisée dans le cadre de l'attribution de la pension d'invalidité par la CNRACL, qui a retenu un déficit fonctionnel permanent de 85% correspondant à 35% d'invalidité pour une algodystrophie de la main gauche, 20% d'invalidité pour un syndrome post-traumatique et 30 % d'invalidité pour un syndrome dépressif. Le département du Val-de-Marne conteste la réalité d'un syndrome post-traumatique distinct d'un syndrome dépressif et fait valoir qu'en l'absence d'éléments sur son état psychiatrique antérieur, l'imputabilité de cette invalidité à l'accident de service du 22 août 2008 n'est pas établie. D'une part, si le rapport d'expertise du docteur Bantman conclut à l'existence de deux invalidités distinctes pour l'état psychiatrique de M. C... sans procéder à une description de ces deux pathologies, les certificats médicaux du psychiatre de M. C... mentionnent uniquement un état dépressif post-traumatique. D'autre part, si le rapport d'expertise du docteur Bantman retient que les séquelles psychiatriques sont entièrement en relation directe et certaine avec l'accident de service du 22 août 2008, le rhumatologue ayant procédé à l'examen de M. C... préconisait dans son expertise du 30 septembre 2014 une expertise psychiatrique en vue d'évaluer l'état psychiatrique antérieur et estimait que la dépression caractérisée n'était pas en rapport avec les séquelles de l'accident. 5. Les pièces produites ne permettent pas de déterminer avec précision le déficit fonctionnel permanent résultant de l'état psychiatrique de M. C... et son imputabilité à l'accident de service du 22 août 2008. Il y a lieu dès lors avant de statuer sur les préjudices de M. C..., d'ordonner une mesure d'expertise aux fins et dans les conditions précisées ci-après. DECIDE : Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête du département du Val-de-Marne et sur les conclusions de M. C..., procédé par un expert désigné par le président de la Cour, à une expertise avec mission : 1°) de se faire communiquer tous documents utiles et notamment tous ceux relatifs au suivi médical et aux actes de soin de M. C..., de procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de M. C... et à son examen clinique ; 2°) de décrire la nature et l'étendue du déficit fonctionnel permanent résultant de l'état psychiatrique de M. C... ; de préciser dans quelle mesure il trouve son origine, en tout ou partie, dans l'état de santé antérieur de M. C... ou dans l'accident dont l'intéressé a été victime le 22 août 2008 ; de déterminer le pourcentage du déficit fonctionnel permanent en relation directe avec cet accident, indépendamment de son état antérieur, en précisant la méthode utilisée dans la détermination de ce taux ; 3°) de donner tous éléments utiles permettant d'évaluer, s'il y a lieu, les autres postes de préjudices en lien avec l'accident et de fournir toutes précisions complémentaires que l'expert jugera utile à la solution du litige et de nature à permettre d'apprécier l'étendue des préjudices. Article 2 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert pourra se faire remettre, en application de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, tous documents utiles et notamment, tous ceux relatifs aux examens et soins concernant l'intéressé. Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires dans un délai de deux mois et en notifiera copies aux parties intéressées. Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance. Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'à la fin d'instance. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au département du Val-de-Marne. Délibéré après l'audience du 26 mars 2021, à laquelle siégeaient : - Mme A..., président de chambre, - Mme Julliard, présidente assesseure, - Mme Mach, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2021. Le rapporteur, A-S MACHLe président, M. A...Le greffier, S. GASPARLa République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 19PA02124
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 23/03/2021, 19DA02437, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine l'annulation de la décision du 7 octobre 2013 du ministre de la défense rejetant sa demande adressée le 25 janvier 2013 tendant à la concession d'une pension militaire d'invalidité pour onze infirmités. Par un jugement du 22 janvier 2015, le tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande concernant dix infirmités sur les onze demandées et, avant dire droit, ordonné une expertise concernant celle relative aux troubles psychotiques et aux séquelles de traumatisme crânien. Par une ordonnance du 1er juillet 2015, ce tribunal s'est dessaisi au profit du tribunal des pensions militaires d'invalidité du département du Nord pour incompétence territoriale. Par un jugement n° 15/14 du 4 février 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté la demande de M. B.... Par une requête, enregistrée le 13 février 2019, M. B... demande à la cour régionale des pensions militaires de Douai : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille du 4 février 2019 ; 2°) d'annuler la décision du 7 octobre 2013 du ministre de la défense rejetant sa demande de concession de pension. -------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, - les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public, -et les observations de Me C... F... substituant Me A... D..., représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 12 novembre 1962, engagé dans l'armée de terre le 5 septembre 1979 pour entrer à l'école des sous-officiers d'Issoire, a été radié des contrôles le 30 juin 2005 pour motif disciplinaire. Il a été victime d'un accident de la circulation le 9 octobre 1988 ayant entraîné notamment un traumatisme crânien avec une perte de conscience. Il a demandé le 25 janvier 2013 la concession d'une pension militaire d'invalidité pour onze infirmités dont des troubles psychotiques et des séquelles de traumatisme crânien. Par une décision du 7 octobre 2013, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que certaines de ces infirmités n'étaient pas imputables au service pour défaut de preuve et de présomption et que six d'entre elles avaient un taux d'invalidité inférieur au seuil de 10 % requis par le code des pensions militaires d'invalidité et de victimes de guerre. Par un jugement du 22 janvier 2015, le tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine a rejeté la demande de M. B... pour dix des infirmités alléguées et, avant dire droit, a ordonné une expertise concernant celle relative aux troubles psychotiques et aux séquelles de traumatisme crânien. M. B... relève appel du jugement du 4 février 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille, compétent à la suite du dessaisissement du tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine, a rejeté sa demande de concession de pension pour troubles psychotiques et séquelles de traumatisme crânien. Sur l'étendue du litige : 2. Par un jugement du 22 janvier 2015, le tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine a rejeté la demande de M. B... dirigée contre la décision du 7 octobre 2013 rejetant sa demande de concession de pension pour les infirmités suivantes, " syndrome du canal carpien de la main droite, fourmillements, douleurs du poignet ", " syndrome du canal carpien de la main gauche, fourmillements, douleurs du poignet ", " anomalie constitutionnelle lombaire, névralgies sciatiques gauches, anomalie transitionnelle S1, pincement L5-S1 ", " cervicarthrose dégénérative, cervicalgies, discarthrose C5-C6, C6-C7 ", " séquelles d'entorses récidivantes de la cheville gauche ", " séquelles de traumatisme vertébral", " douleur de la hanche droite ", " douleur de la hanche gauche " et " douleur de la cheville droite ". Les conclusions de la requête de M. B... sont exclusivement dirigées contre le jugement du 4 février 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille, qui a statué uniquement sur l'infirmité relative aux troubles psychotiques et aux séquelles de traumatisme crânien de l'intéressé et rejeté la demande de M. B... de concession de pension présentée à ce titre. Il en résulte que les moyens soulevés tenant à la légalité de la décision du 7 octobre 2013 du ministre de la défense en tant qu'il a rejeté sa demande de concession de pension pour les dix autres infirmités, sont inopérants à l'encontre du jugement du 4 février 2019 contesté. Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 4 février 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille : 3. En premier lieu, M. B... soutient qu'il aurait dû être entendu devant la commission de réforme qui s'est réunie le 11 avril 1989 et que, par suite, la décision en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière. Toutefois, la circonstance que M. B... n'aurait pas été entendu lors de la réunion de la commission de réforme du 11 avril 1989 est sans lien avec la procédure de demande de concession de pension que M. B... a engagée en 2013, vingt-quatre ans plus tard. Par suite, et en tout état de cause, ce moyen est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée du 7 octobre 2013 rejetant sa demande de concession de pension. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". 5. Le ministre de la défense a rejeté la demande de M. B... du 25 janvier 2013 tendant à l'attribution d'une concession de pension militaire d'invalidité pour des troubles psychotiques et des séquelles de traumatisme crânien consécutifs à l'accident de la circulation survenu le 9 octobre 1988, au motif que la preuve de l'imputabilité au service n'était pas établie et que la présomption d'imputabilité ne pouvait s'appliquer, l'infirmité invoquée n'ayant pas été constatée pendant une période ouvrant droit à ce bénéfice. 6. M. B... soutient tout d'abord que le dernier expert, le docteur Baroncini, ne présentait pas les compétences requises dans le domaine de la psychiatrie et que la précédente expertise ordonnée par le tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine n'avait pas été réalisée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du jugement avant dire droit du 22 janvier 2015 du tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine, le médecin pressenti comme expert a décliné la mission qui lui était proposée et, à la suite du dessaisissement de ce tribunal au profit du tribunal des pensions militaires d'invalidité du Nord pour incompétence territoriale, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a, par un jugement du 12 septembre 2016, désigné un nouvel expert, qui a été remplacé par le docteur Baroncini, lequel a rendu son rapport le 8 septembre 2017. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'expertise ordonnée par le tribunal des pensions militaires des Hauts-de-Seine n'aurait pas été réalisée. Ensuite, le docteur Baroncini, neurochirurgien au centre hospitalier régional universitaire de Lille, avait une spécialité adaptée au cas de M. B..., victime d'un traumatisme crânien à la suite de son accident et qui allègue être atteint de troubles psychotiques en lien avec ce traumatisme. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, ce praticien avait les compétences requises pour exercer la mission qui lui était confiée. 7. M. B... soutient ensuite que l'infirmité relative à ses troubles psychotiques est imputable au service. Toutefois, il ressort du rapport d'expertise du 8 septembre 2017 du docteur Baroncini que M. B... a présenté un traumatisme crânien de gravité modérée le 9 octobre 1988, l'expert ayant souligné que l'existence d'une perte de connaissance et d'une amnésie des faits ne signait pas un traumatisme grave mais justifiait seulement une surveillance de 24 heures en milieu hospitalier. Il a précisé que l'examen clinique était resté normal à chaque évaluation de M. B... et qu'une imagerie par résonnance magnétique nucléaire réalisée en juillet 2017, n'avait pas retrouvé de séquelle traumatique. Il a souligné qu'il y avait eu un délai particulièrement long entre le traumatisme et l'apparition des premiers signes psychiatriques un an plus tard alors qu'en cas de traumatisme crânien sévère entraînant des troubles du comportement, ceux-ci sont présents dès la sortie du coma sans intervalle libre. Cet expert n'a pas d'avantage retenu de syndrome post-commotionnel dès lors que celui-ci apparaît habituellement dans le mois suivant le traumatisme et disparaît généralement au-delà de deux ans. Il a conclu à un traumatisme crânien sans séquelle objectivée ni clinique, ni radiologique et à une absence d'infirmité séquellaire de l'accident de la route du 9 octobre 1988. 8. Si M. B... soutient également qu'il a subi " des abus de pouvoir laissant préjuger des délires paranoïaques et d'une psychose interprétative ", qu'il s'en est suivi de " nombreuses sanctions disciplinaires à son encontre jusqu'à sa radiation des cadres par mesure disciplinaire ", qu'il a subi plusieurs internements en psychiatrie contre sa volonté et a dû prendre une quantité importante de médicaments, ces seules allégations, qui ne sont étayées par aucun élément médical probant, sont sans incidence sur la légalité de la décision en litige. 9. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le traumatisme crânien subi par M. B... à la suite de son accident de circulation du 9 octobre 1988 n'a entraîné aucune infirmité séquellaire et, par suite, que les troubles psychotiques de M. B... ne sont pas en relation directe, certaine et déterminante avec l'accident dont il a été victime. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que le ministre de la défense a, par la décision attaquée du 7 octobre 2013, rejeté sa demande d'attribution de pension au titre de l'infirmité relative aux troubles psychotiques et aux séquelles de traumatisme crânien. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande. Doivent donc être rejetées les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à la ministre des armées et à Me A... D.... 2 N°19DA02437
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de NANTES, 6ème chambre, 06/04/2021, 19NT02740, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision implicite du 27 novembre 2016 par laquelle le maire d'Auray a refusé de procéder à la reconstitution de sa carrière ainsi que la décision expresse du 16 décembre 2016 ayant le même objet, d'autre part, d'enjoindre au maire d'Auray de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 14 octobre 2010 et jusqu'au 1er septembre 2015, date de sa mise à la retraite, sur la base de l'emploi qu'elle occupait à la date de son dernier jour d'activité avec une quotité horaire hebdomadaire de 18,5 heures, et enfin de mettre à la charge de cette collectivité une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1700274 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2019, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler les décisions du 27 novembre 2016 et 16 décembre 2016 ; 3°) d'enjoindre au maire d'Auray de procéder à la reconstitution de sa carrière depuis la date du 14 octobre 2010, sur la base de l'emploi qu'elle occupait à la date de son dernier jour d'activité, soit sur l'emploi occupé de 18,50 heures hebdomadaires, jusqu'à la date de sa mise à la retraite pour invalidité ; 4°) de mettre à la charge de la commune d'Auray une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la commune d'Auray a commis une erreur de droit dès lors que son congé de maladie étant intervenu antérieurement à la décision modifiant la durée hebdomadaire de son emploi, cette décision n'a pas pu avoir pour effet de modifier sa situation ; - pour l'application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, le traitement pris en compte doit être celui tel qu'il est fixé à la date du début du congé ; l'effectivité du droit au maintien du traitement ne peut dépendre de circonstances liées au fonctionnement du service qui sont totalement extérieures à la personne et à la situation du fonctionnaire ; il en va ainsi s'agissant du temps partiel thérapeutique où le droit est déconnecté du régime du travail appliqué avant la survenance de la pathologie. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2020, la commune d'Auray, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - l'argumentation relative au régime du temps partiel thérapeutique est inopérante ; - les moyens ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 ; - le décret n° 91-861 du 2 septembre 1991 ; - le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme E..., - les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public, - et les observations de Me C..., représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A... a été recrutée à compter du 1er janvier 1992 par la commune d'Auray en qualité d'assistante territoriale d'enseignement artistique pour assurer les fonctions de professeur de piano à l'école de musique municipale. Elle a été titularisée par un arrêté du 20 septembre 2000. Après plusieurs malaises survenus en juin et septembre 2009 associés à des acouphènes, elle a été placée en congé de maladie. Par un arrêté du 27 octobre 2010, pris sur le fondement de la délibération du conseil municipal du 20 octobre 2010, sa durée hebdomadaire de travail a été portée à 16,75 heures par semaine. Par un premier arrêté du 7 mai 2015, sa pathologie a été reconnue comme imputable au service à compter du 3 juin 2009. Par un second arrêté du même jour, elle a été placée en congé pour maladie professionnelle survenue dans l'exercice de ses fonctions pour différentes périodes. Enfin, par un arrêté du 23 novembre 2015, elle a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er septembre 2015. Mme A... a demandé, par un courrier reçu le 27 septembre 2016 par les services de la commune d'Auray, la reconstitution de sa carrière du 14 octobre 2010 au 1er septembre 2015 sur la base d'un emploi occupé à hauteur de 18,50 heures par semaine. Elle relève appel du jugement du 9 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus opposé implicitement puis expressément à sa demande. 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 11 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. / Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu, ou de l'emploi auquel il a été nommé ". Aux termes de l'article 57 de cette même loi, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...) ". 3. Les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 selon lesquelles le fonctionnaire conserve, selon la durée du congé, l'intégralité ou la moitié de son traitement, ont pour seul objet de compenser la perte de rémunération due à la maladie en apportant une dérogation au principe posé par l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 subordonnant le droit au traitement au service fait. Elles ne peuvent avoir pour effet d'accorder à un fonctionnaire bénéficiant d'un congé de maladie des droits à rémunération supérieurs à ceux qu'il aurait eus s'il n'en avait pas bénéficié. Dans le cas particulier des agents à temps non complet, dont le traitement est calculé au prorata du nombre d'heures hebdomadaires de service afférent à l'emploi dans lequel ils sont nommés et dont le nombre d'heures de service hebdomadaire peut être modifié, en vertu des dispositions précitées du décret du 20 mars 1991, sans que cette modification ne soit subordonnée à l'acceptation préalable des intéressés, les dispositions de l'article 57 ne font pas obstacle à ce qu'une modification de la durée hebdomadaire de service impliquant une modification de la rémunération intervienne pendant un congé de maladie, les intéressés ayant toujours la possibilité, lorsque cette modification est assimilée à la suppression d'un emploi, de refuser a postériori cette transformation et, dans toutes les hypothèses, de contester devant le juge la délibération de l'organe délibérant procédant à cette modification. 4. Il ressort des pièces du dossier que la durée hebdomadaire de travail de Mme A..., fixée à 18,5 heures par un arrêté du 8 février 2001, a été ramenée à 16,75 heures par un arrêté du 27 octobre 2010. Il est constant que cet arrêté est devenu définitif à la suite du rejet par le tribunal administratif de Rennes le 31 décembre 2013 dans l'instance n° 1102584 de la requête formée par l'intéressée tendant à son annulation. Or c'est sur la base de cet arrêté que la commune d'Auray a pris en compte, pour le calcul du versement effectué à Mme A... sur le fondement de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 du fait de congé de maladie, l'impact financier de cette réduction de la durée hebdomadaire de travail à compter du 1er novembre 2010. Si la requérante soutient que cet élément postérieur au 14 octobre 2010, date du début de son congé de maladie, ne devait pas être retenu pour le calcul du traitement intégral auquel elle avait droit et que sa situation devait être déterminée à la date du dernier jour précédant sa mise en congé, les dispositions de l'article 57 précitées, applicables en cas d'imputabilité au service de la maladie, ne prévoient pas que soit exclue, pour le calcul du versement opéré, la prise en compte des évènements affectant la carrière de l'agent après la date de sa mise en congé. Par ailleurs, ces dispositions légales qui ont pour objet de compenser la perte de rémunération liée à la maladie de Mme A... ne peuvent avoir pour effet de lui accorder un droit à rémunération supérieur à celui qui aurait été le sien si elle n'avait pas été dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Par suite, la commune d'Auray n'a pas fait une inexacte application des dispositions régissant sa situation en prenant en compte la modification induite par l'arrêté du 27 octobre 2010. 5. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. 6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme sollicitée par la commune d'Auray sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme D... épouse A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune d'Auray présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse A... et à la commune d'Auray. Délibéré après l'audience du 19 mars 2021, à laquelle siégeaient : - M. Coiffet, président, - Mme Gélard, premier conseiller, - Mme E..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2021. Le rapporteur, F. E...Le président, O. COIFFET Le greffier, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 1 N° 19NT02740 2 1
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 23/03/2021, 19BX04087, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. K... G... a demandé au tribunal des pensions militaires de la Vienne d'annuler la décision du 19 octobre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité et d'ordonner une expertise avant-dire droit. Par un jugement du 24 septembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure en appel : Par un arrêt avant-dire droit du 10 juillet 2019, la cour régionale des pensions de Poitiers, a réformé ce jugement et ordonné une expertise. Le rapport d'expertise a été enregistré le 19 septembre 2019. Par des mémoires enregistrés les 25 novembre 2019, 21 février, 3 juillet et 31 août 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : l'expert n'a constaté aucune augmentation de l'insuffisance respiratoire et n'a relevé aucune doléance de M. G... à ce sujet ; l'aggravation de 10 % retenue pour l'augmentation du nombre de plaques pleurales ne correspond pas à une aggravation de la gêne fonctionnelle ; le préjudice d'anxiété ne peut être pris en compte dès lors que la demande n'a pas été présentée à ce titre. Par des mémoires enregistrés les 10 février, 28 février et 7 juillet 2020, M. G..., représenté par Me D..., doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires de la Vienne du 24 septembre 2018 ; 2°) d'enjoindre à l'Etat de porter le taux de sa pension à 55 % à compter du 16 septembre 2013 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - l'expert a constaté un nombre de plaques pleurales plus important en 2003 qu'en 1991, ainsi qu'une atteinte parenchymateuse plus marquée en 2013, ce qui justifie une majoration du taux d'invalidité ; il n'appartient pas à la ministre des armées de remettre en cause le taux initial de 45 % attribué initialement par le tribunal des pensions de la Charente-Maritime ; - la ministre des armées n'apporte pas la preuve de l'absence d'aggravation de l'insuffisance respiratoire, laquelle n'avait pas été évaluée initialement ; - il s'est toujours plaint d'une gêne fonctionnelle assimilable au port d'un corset ; l'expert indique que le principal symptôme fonctionnel est une douleur thoracique permanente dans l'hémichamp thoracique droit évoluant par poussées ; elle est liée à l'épaississement pleural qui a évolué et suffit à justifier un taux d'aggravation de 10 % ; - il ne demande pas l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété mais la prise en compte, pour l'augmentation de son taux d'invalidité, de l'anxiété face au risque de développer un mésothéliome, caractérisant une atteinte à l'état général. M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision modificative du 16 janvier 2020 annulant et remplaçant la décision du 8 février 2019. Vu les autres pièces du dossier. - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme F..., - les conclusions de Mme B... C..., rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. G..., né le 10 juillet 1937, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 45 % avec effet au 22 avril 1991 pour une asbestose en lien avec son exposition à l'amiante alors qu'il était affecté en Algérie en qualité de mécanicien d'escadrille militaire entre le 11 février 1957 et le 19 novembre 1958. Le 16 septembre 2013, il a sollicité la révision de cette pension pour aggravation. Par une décision du 19 octobre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif qu'après expertise médicale, aucune aggravation n'avait été constatée. Par un jugement du 24 septembre 2018, le tribunal des pensions militaires de la Vienne a rejeté la demande de M. G... tendant à l'annulation de cette décision et à l'organisation d'une expertise. Par un arrêt avant-dire droit du 10 juillet 2019, la cour régionale des pensions de Poitiers a réformé ce jugement et ordonné une expertise, dont le rapport a été enregistré au greffe de cette juridiction le 19 septembre 2019. 2. La loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense et le décret du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, pris pour l'application de l'article 51 de cette loi et portant diverses dispositions intéressant la défense, ont eu pour effet de transférer aux juridictions administratives de droit commun le contentieux des pensions militaires d'invalidité. Par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux est compétente pour statuer sur l'appel transmis en l'état par la cour régionale des pensions de Poitiers. 3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la décision en litige : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. (...). " L'article L. 26 précisait : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué. " 4. Il résulte de l'instruction que des scanners réalisés en 2003 et 2013 ont mis en évidence une progression des épaississements pleuraux et une nette augmentation des plaques pleurales par rapport à la radiographie réalisée en 1991, ce qui caractérise une aggravation de l'infirmité depuis 1991. L'expert désigné par la cour des pensions, qui a retenu une " majoration d'environ 10 % ", a relevé le 29 août 2019 que M. G... présentait une dyspnée de grade II, c'est-à-dire pour la marche en côte ou la montée d'escaliers, ainsi qu'une toux et une expectoration non quotidiennes mais permanentes, et que le principal symptôme fonctionnel de l'asbestose était une douleur thoracique en hémi ceinture dans l'hémichamp thoracique droit évoluant par poussées, n'empêchant pas le sommeil, et traitée par du paracétamol lorsqu'elle est trop vive. Il a qualifié les signes fonctionnels de minimes, M. G... pratiquant encore la natation, le vélo et la marche. Alors que la gêne fonctionnelle résultant de la maladie demeure modérée, il ne résulte pas de l'instruction que la majoration des douleurs en lien avec la progression des plaques pleurales, ajoutée à l'anxiété en lien avec la possible survenue d'un mésothéliome invoquée par le requérant, laquelle ne donne lieu à aucune prise en charge médicale, justifieraient une majoration d'au moins 10 % du taux de 45 % attribué en 1991. 5. Il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de la Vienne a rejeté sa demande d'annulation de la décision du ministre de la défense du 19 octobre 2016. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. 6. M. G... étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, les frais de l'expertise ordonnée par la cour régionale des pensions de Poitiers, liquidés et taxés à la somme de 250 euros par une ordonnance de la présidente de cette cour régionale du 1er octobre 2019, doivent être mis à la charge définitive de l'Etat. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. G... est rejetée. Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée par la cour régionale des pensions de Poitiers, liquidés et taxés à la somme de 250 euros par une ordonnance de la présidente de cette cour du 1er octobre 2019, sont mis à la charge définitive de l'Etat. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... G... et à la ministre des armées. Une copie en sera adressée à M. L..., expert. Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient : Mme J... I..., président, Mme A... F..., présidente-assesseure, Mme E... H..., conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021. La rapporteure, Anne F... La présidente, Catherine I...La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX04087
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 06/04/2021, 19DA02436, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille l'annulation de la décision du 26 février 2016 du ministre de la défense rejetant sa demande de concession d'une pension militaire d'invalidité pour une hypoacousie bilatérale. Par un jugement n° 16/07 du 3 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande. Par une requête, enregistrée le 2 février 2019, M. C..., représenté par Me D... B..., demande à la cour régionale des pensions militaires de Douai : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise médicale et de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ; 3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 26 février 2016 du ministre de la défense rejetant sa demande de concession d'une pension militaire d'invalidité et de retenir un taux d'invalidité de 55 % ; 4°) de condamner l'Etat à lui verser une pension militaire d'invalidité avec intérêts échus à compter du 10 avril 2014. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, - et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., né le 30 décembre 1955, a effectué son service militaire au 41ème régiment d'artillerie de marine du 1er octobre 1974 au 1er octobre 1975 en tant que tireur de char. Il a demandé le 8 mars 2011 la concession d'une pension militaire d'invalidité pour une hypoacousie bilatérale. Par une décision du 10 janvier 2012, le ministre de la défense et des anciens combattants a rejeté sa demande au motif que le taux d'invalidité de son infirmité était inférieur au taux minimum de 10 % requis pour l'ouverture d'un droit à pension. Le 10 avril 2014, M. C... a présenté une nouvelle demande de concession de pension en raison de l'aggravation de ses troubles auditifs. Par une décision du 26 février 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande après avoir estimé que la preuve de l'imputabilité au service de son infirmité n'était pas établie et que la présomption d'imputabilité ne pouvait s'appliquer en l'absence de constat dans les délais légaux. Par un jugement du 9 février 2017, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a ordonné une expertise. M. C... relève appel du jugement du 3 décembre 2018 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2016 et à ce qu'il soit ordonné une nouvelle expertise. Sur les conclusions aux fins de nouvelle expertise : 2. Il résulte de l'instruction que, par un jugement du 9 février 2017, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a ordonné une expertise judiciaire. L'expert, dans son rapport établi le 10 juillet 2017, a estimé que M. C... présentait une surdité de type perceptionnelle un peu supérieure à la normale pour son âge et que si les tirs d'artillerie avaient altéré son audition, il n'avait plus jamais été soumis à des intensités sonores anormales depuis son retour à la vie civile. Il a conclu à ce que la surdité actuelle de M. C... n'était pas imputable au service, celle-ci résultant d'une presbyacousie banale un peu augmentée en raison des conditions de son service dans l'armée. Si M. C... sollicite à titre principal l'organisation d'une nouvelle expertise, l'expertise judiciaire ordonnée en 2017 et les éléments médicaux qu'il produit permettent à la cour de statuer sur l'imputabilité au service de l'infirmité dont il est atteint. Par suite, la prescription d'une nouvelle expertise ne présentant pas un caractère utile, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande. Sur les autres conclusions : 3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code, devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 précités que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières du service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité. 4. Il résulte du rapport d'expertise du 10 juillet 2017 que M. C... a été déclaré apte au service avec une audition normale sans toutefois avoir fait l'objet d'un examen audiométrique. L'expert constate que M. C... n'a pas combattu en temps de guerre, qu'il n'a participé à des séances de tir d'artillerie, sans protection auditive, que tous les deux ou trois mois et qu'aucune blessure ou aucun fait de service n'a été mentionné pendant sa période d'incorporation. Quatre mois et demi après la libération de l'intéressé, une perte d'acuité auditive a été constatée correspondant à un taux d'invalidité de 2 % et, selon l'expert, ces troubles peuvent être rattachés au tir et au bruit ambiant existant dans les chars d'assaut. Aussi, après avoir pratiqué un audiogramme et une audiométrie vocale, l'expert conclut, comme il a été dit au point 2, à une surdité de type perceptionnelle un peu supérieure à la normale compte tenu de l'âge de M. C... tout en estimant que cette surdité ne peut être imputable au service mais résulte d'une presbyacousie banale un peu augmentée en raison des conditions de son service militaire. Si M. C... se prévaut des résultats de plusieurs expertises médicales selon lesquelles une presbyacousie ne peut être imputable au seul vieillissement, celles-ci ne concernent pas sa situation personnelle mais des personnes qui, contrairement à lui, ont été victimes d'accidents ou de faits survenus en service. Dans ces conditions, les seuls éléments produits par M. C... ne sont pas de nature à infirmer les conclusions de l'expertise judiciaire et à établir l'imputabilité au service de l'infirmité constatée. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le ministre de la défense a, par sa décision du 26 février 2016, rejeté sa demande d'attribution de pension. 5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande. Il y a donc lieu de prononcer le rejet de sa requête dans toutes ses conclusions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre des armées. 4 N°19DA02436
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 12/04/2021, 19MA05307, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 12 janvier 2017 par laquelle l'université Côte d'Azur lui a ordonné le reversement de la somme de 24 862,57 euros au titre d'un trop-perçu de traitement, de condamner l'université Côte d'Azur à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi et d'enjoindre au président de l'université Côte d'Azur de procéder à un nouveau calcul des sommes dues. Par un jugement n° 1701802 du 27 septembre 2019, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 12 janvier 2017, enjoint au président de l'université Côte d'Azur de réexaminer la situation de Mme C... et a rejeté le surplus de ses conclusions. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 3 décembre 2019, Mme C..., représentée par Me F..., demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice en ce qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ; 2°) de condamner l'université Côte d'Azur à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice ; 3°) de mettre à la charge de l'université Côte d'Azur la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'université a commis une faute en maintenant son plein traitement entre le 1er juillet 2015 et le 30 novembre 2016 ; - l'université a commis une faute en lui réclamant le reversement de l'intégralité de son traitement pour cette période alors qu'elle était en droit de prétendre à un demi-traitement ; - le délai d'instruction de son dossier de mise à la retraite pour invalidité a été excessif, ce qui constitue une faute ; - l'université a commis une faute en s'abstenant de l'informer de la possibilité de demande de reversement des trop-perçus de rémunération ; - le caractère brutal de la demande de reversement constitue une faute ; - elle est en droit d'être indemnisée des congés payés qu'elle n'a pu prendre, de telle sorte que le trop-perçu mentionné par la décision du 12 janvier 2017 doit être réduit ; - le montant de l'ordre de reversement dépassant les sommes effectivement dues, elle a subi un préjudice financier ; - les conditions d'émission de l'ordre de reversement lui ont causé un préjudice moral. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, l'université Côte d'Azur, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur, - et les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., adjointe technique de la recherche et de la formation affectée à la faculté de médecine de l'université de Nice, a sollicité le 26 novembre 2015 sa mise en retraite pour invalidité. Par arrêté du 28 septembre 2016, le président de l'université Côte d'Azur a décidé sa mise à la retraite à compter du 1er juillet 2015. Le 12 janvier 2017, l'université a émis à son encontre un ordre de reversement d'un montant de 24 862,57 euros au titre d'un trop-perçu de traitement entre le 1er juillet 2015 et le 30 novembre 2016. Par un courrier du 25 mars 2017, Mme C... a présenté un recours gracieux contre cet ordre de reversement puis, après le rejet de ce recours, a demandé au tribunal administratif de Nice l'annulation de cet acte et la condamnation de l'établissement à lui verser 20 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime découler des fautes de l'établissement. Par son jugement du 27 septembre 2019, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 12 janvier 2017, enjoint au président de l'université de procéder à un nouveau calcul de sa créance et rejeté les conclusions indemnitaires de Mme C.... Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'ordre de reversement émis le 12 janvier 2017 par l'université Côte d'Azur portait, ainsi que le reconnaît l'établissement, sur la totalité des traitements perçus par Mme C... entre le 1er juillet 2015 et le 30 novembre 2016, alors que la requérante était en droit, en vertu des dispositions de l'article 27 du décret du 14 mars 1986, de percevoir un demi-traitement jusqu'à la date de sa mise en retraite. Mme C... est dès lors fondée à soutenir que l'université a commis une faute, d'une part en maintenant son plein traitement entre le 1er juillet 2015 et le 30 novembre 2016 et, d'autre part, en lui réclamant, le 12 janvier 2017, le reversement de l'intégralité de son traitement pour cette période. Il résulte toutefois de l'instruction que la demande de reversement qui lui a été adressée n'a fait l'objet d'aucun recouvrement avant son annulation par le jugement attaqué et que la requérante n'a versé aucune somme à ce titre, de telle sorte qu'elle n'a subi aucun préjudice financier ou moral. 3. En deuxième lieu, si Mme C... fait valoir que le caractère soudain de la demande de reversement d'un montant de 24 862,57 euros qui lui a été adressée par l'établissement le 12 janvier 2017 l'a déstabilisée et a été la cause d'une aggravation de la dépression qui l'affecte, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, d'une part, que l'administration n'a pas procédé au recouvrement de cette somme, qui correspondait d'ailleurs, en tout état de cause à un trop-perçu de rémunération à hauteur de 12 431,28 euros et, d'autre part, que l'agent chargé du dossier de Mme C... lui a rapidement proposé, en réponse à une demande d'information de sa part, de se rapprocher de l'agent comptable de l'établissement en vue d'établir un échéancier de paiement. Il s'ensuit que, dans les circonstances de l'espèce, en l'absence de toute démarche de l'université Côte d'Azur tendant à la mise en application de cette décision, les conditions dans lesquelles est intervenu cet ordre de reversement n'ont causé aucune préjudice financier ou moral à la requérante. 4. En troisième lieu, à supposer que le délai de traitement de la demande de mise en retraite présentée par Mme C... ait constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration, cette faute n'entretiendrait en tout état de cause aucun lien de causalité avec les préjudices financier et moral dont se plaint la requérante. 5. En quatrième lieu, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'université Côte d'Azur a commis une faute en s'abstenant de l'informer de la possibilité de demande de reversement des trop-perçus de rémunération dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire ni aucun principe n'impose à un employeur public d'informer les agents qu'il rémunère d'une telle possibilité. 6. Si, en dernier lieu, Mme C... sollicite la prise en compte, pour le calcul des sommes dues à l'établissement, de l'indemnité due au titre des jours de congé annuel dont elle n'a pu bénéficier, elle ne présente aucune conclusion indemnitaire relative à cette demande, qui n'entretient aucun lien de causalité avec les préjudices dont elle se plaint. 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par leur jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'université Côte d'Azur à lui verser la somme de 20 000 euros. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par Mme C... sur leur fondement soit mise à la charge de l'université Côte d'Azur, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par l'université Côte d'Azur. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de l'université Côte d'Azur tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au président de l'université Côte d'Azur. Délibéré après l'audience du 29 mars 2021, où siégeaient : - M. Guy Fédou, président, - Mme E... Massé-Degois, présidente assesseure, - M. D... Grimaud, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2021. 2 N° 19MA05307 MY
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 08/04/2021, 19DA02328, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat au versement de la somme de 70 000 euros au titre des salaires impayés pour la période du 31 mai 1996 au 18 août 1999 et du manque à gagner sur le montant de sa retraite, assortie des intérêts légaux à compter du 13 février 2015, date de réception de sa demande indemnitaire préalable, avec capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle à compter du 13 février 2016 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1609993 du 20 juin 2019 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 octobre 2019, les 19 janvier et 18 février 2021, Mme A... B..., représentée par Me C..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 70 000 euros au titre des salaires impayés pour la période du 31 mai 1996 au 18 août 1999 et du manque à gagner sur le montant de sa retraite, assortie des intérêts légaux à compter du 13 février 2015, date de réception de sa demande indemnitaire préalable, et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle à compter du 13 février 2016 ; 3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L 761-1 du code de justice administrative. ------------------------------------------------------------------------------------------------------------ Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, - les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., agent administratif de 2ème classe employée au centre territorial d'administration et de comptabilité de Lille, a été mise en disponibilité d'office pour raisons de santé à compter du 25 avril 1993, puis radiée des cadres et admise à la retraite pour invalidité le 25 avril 1996. Par un jugement du 19 août 1999, le tribunal administratif de Lille a annulé, d'une part, les décisions des 17 février 1994, 15 juin 1994 et 16 mars 1995 par lesquelles le commandant de la circonscription militaire de défense de Lille avait renouvelé la mise en disponibilité d'office pour raisons de santé de Mme B... du 25 décembre 1993 au 24 juin 1995, d'autre part, la décision du 31 mai 1996 admettant Mme B... à la retraite pour invalidité. Par un autre jugement du 8 décembre 2005, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à Mme B... une somme de 16 403,51 euros en réparation du préjudice financier subi à raison de l'illégalité de ces mêmes décisions ainsi que de celle entachant la décision du 6 octobre 1993 la plaçant en disponibilité d'office à compter du 25 avril 1993. La cour administrative de Douai, par un arrêt du 13 juin 2007, a réformé le jugement du 8 décembre 2005 précité, et a accordé à Mme B... une indemnité complémentaire 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision du 31 mai 1996 l'admettant à la retraite d'office pour invalidité à compter du 25 avril 1996. Par jugement du 20 juin 2019 le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de Mme B... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 70 000 euros correspondant aux salaires qui ne lui ont pas été versés entre le 31 mai 1996 et le 18 août 1999 et du manque à gagner sur le montant de sa pension de retraite. Mme B... relève appel de ce jugement. Sur le préjudice résultant de l'absence de traitements : 2. Un agent public irrégulièrement évincé a droit, non pas au versement du traitement dont il a été privé, mais à la réparation du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. 3. Comme il a été dit au point 2, Mme B... n'a pas droit au versement du traitement dont elle a été privée, mais à la réparation du préjudice qu'elle a effectivement subi. Or, comme cela a été indiqué au point 1, par un jugement du 8 décembre 2005, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à Mme B... une somme de 16 403,51 euros en réparation du préjudice financier subi à raison de l'illégalité des décisions de mise en disponibilité puis de mise à la retraite pour invalidité. La cour administrative de Douai, par un arrêt du 13 juin 2007, a réformé ce jugement et a accordé à Mme B... une indemnité complémentaire de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision du 31 mai 1996 l'admettant à la retraite d'office pour invalidité à compter du 25 avril 1996. Mme B... a donc déjà obtenu réparation du préjudice résultant de de la perte de traitement pour la période du 31 mai 1996 et le 18 août 1999, par cet arrêt précité du 13 juin 2007 qui est revêtu de l'autorité relative de la chose jugée et dont se prévaut la ministre des armées. 4. Ainsi, Mme B... ne saurait se prévaloir du préjudice invoqué. Par suite, les conclusions précitées doivent être rejetées. Sur la liquidation de la pension de retraite : 5. Mme B... fait valoir qu'à la date à laquelle sa retraite a été liquidée l'administration n'avait pas reconstitué sa carrière, de sorte que sa pension de retraite a été liquidée sur le fondement de l'échelon 8 du grade d'agent administratif deuxième classe, échelle 2, et non sur l'échelon 9. Elle affirme perdre ainsi quinze points d'indice. Par une décision du 22 août 2002, soit postérieure à la date à laquelle elle a été admise à la retraite, le commandant de la région Terre Nord-Est des forces françaises et de l'élément civil a classé Mme B... au 9ème échelon de son grade. Mais la ministre des armées souligne que lors de son départ à la retraite, Mme B... a bénéficié, compte tenu de la durée de dix-huit ans, six mois et vingt-deux jours de ses services effectifs, des dispositions de l'article L17 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoyant un montant minimum garanti de retraite plus favorable, qui lui a permis d'obtenir un montant de retraite plus favorable que ce à quoi le classement au 9ème échelon à sa date de départ en retraite lui aurait permis de prétendre. L'appelante qui n'a pas contesté ce point, ne justifie d'aucun préjudice financier pour la liquidation de sa retraite et ses conclusions à fin d'indemnisation présentées sur ce fondement doivent être rejetées. Sur la faute pour défaut d'exécution de l'arrêt de la cour du 1er avril 2010 6. Mme B... soutient que malgré l'arrêt du 1er avril 2010 de la cour administrative d'appel de Douai qui a enjoint au ministre de la défense de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme aux reversements prélevés sur sa pension de retraite et de lui rembourser le montant des reversements déjà effectués, l'administration a commis une faute en ne lui restituant pas les sommes prélevées sur sa pension civile de retraite au titre du trop-perçu. Toutefois, par arrêt n° 09DA00929 du 1er avril 2010 la cour a jugé que le ministre de la défense et des anciens combattants a justifié avoir exécuté complètement l'arrêt du 1er avril 2010. L'Etat n'a donc commis aucune faute sur ce point. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la ministre de la défense, ces conclusions doivent être rejetées. 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Doivent par voie de conséquence être également rejetées ses conclusions présentées sur le fondement de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour Mme A... B... et à la ministre des armées. 4 N° 19DA02328
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 23/03/2021, 19DA02433, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille l'annulation de la décision du 16 octobre 2017 du ministre de la défense en tant qu'après avoir renouvelé la pension militaire d'invalidité temporaire qui lui a été concédée le 19 mars 2012 et le 16 mars 2015, et porté le taux d'invalidité de celle-ci à 40 % en raison de l'aggravation de son affection, il a rejeté sa demande de requalification de sa maladie en blessure de guerre et de concession de pension à titre définitif. Par un jugement n° 18/04 du 3 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Lille a rejeté sa demande. Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2019, M. B..., représenté par Me A... C..., demande à la cour régionale des pensions militaires de Douai : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 16 octobre 2017 du ministre de la défense ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens. -------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, - les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public, - et les observations de Me E... F..., représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 14 mai 1980, engagé volontaire dans l'armée de terre sous contrat de 2000 à 2017, a effectué en 2010 une opération en mission extérieure au Liban à l'issue de laquelle il s'est vu diagnostiquer un syndrome anxio-dépressif à la suite de plusieurs évènements traumatisants. A la suite de sa demande du 10 mai 2011, il s'est vu concéder le 28 février 2012 une pension militaire d'invalidité pour cette pathologie dont l'origine présumée a été considérée comme une maladie, avec un taux d'invalidité de 40 %, pour une période du 10 mai 2011 au 9 mai 2014. Par une décision du 16 mars 2015, le ministre de la défense a renouvelé le bénéfice de cette pension pour une nouvelle période de trois ans, du 10 mai 2010 au 9 mai 2017, au taux de 30 % en raison de l'amélioration de sa pathologie. A l'issue de cette période, la ministre des armées a, par une décision du 16 octobre 2017, renouvelé la pension allouée à M. B... pour une nouvelle période de trois ans courant du 10 mai 2017 au 9 mai 2020, au taux de 40 % en raison de l'aggravation de la pathologie de l'intéressé. M. B... relève appel du jugement du 3 décembre 2018 par lequel le tribunal des pensions militaires de Lille a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision du 16 octobre 2017. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". 3. M. B... soutient qu'il est recevable à contester la qualification de maladie donnée à sa pathologie sur la base du dernier rapport d'expertise établi le 8 mai 2017, selon lequel il est atteint d'un stress post-traumatique, infirmité constitutive d'une blessure survenue en temps de guerre ouvrant droit à une pension à titre définitif. Il fait valoir que ce rapport constitue un élément nouveau de nature à lui permettre de contester la décision du 16 octobre 2017 en litige. Par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires et d'invalidité de Lille a rejeté, comme irrecevable, le recours de M. B... dirigé contre la décision du 16 octobre 2017 en raison de l'autorité de la chose décidée qui s'attache à la qualification de maladie donnée par les décisions des 28 février 2012 et 16 mars 2015, devenues définitives. 4. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'expertise ordonnée par la ministre des armées portant sur la dernière période de renouvellement de la pension concédée à M. B..., que l'intéressé a été confronté à des évènements qui ont été à l'origine d'un traumatisme psychologique. L'expert, le professeur Goudemand, psychiatre, mentionne que " cette blessure psychique s'est secondairement chronicisée sous forme d'un état de stress post-traumatique " et précise que " la symptomatologie de ce trouble est de nature anxio-dépressive ". Il retient que cet état est à l'origine d'une incapacité dont le taux d'invalidité est de 40 %. Toutefois, si l'expert évoque pour la première fois " une blessure " psychique, ses constatations se bornent à confirmer l'état dépressif de M. B... qui est devenu chronique sous la forme d'un état de stress post-traumatique. Cet état a été constaté chez M. B... lors des précédentes expertises effectuées par le docteur Perault en 2014 et par le docteur Guillaume en 2015. Cette expertise ne comporte ainsi aucun élément nouveau de nature à infirmer la qualification de maladie retenue initialement par les deux précédentes décisions, devenues définitives faute d'avoir été contestées dans les délais de recours contentieux. 5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande comme irrecevable. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles tendant au paiement des dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la ministre des armées. 2 N°19DA02433
Cours administrative d'appel
Douai