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CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 23/03/2021, 18BX03861 19BX02745, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme I... E... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Condom à lui verser un reliquat impayé des salaires qu'elle aurait dû percevoir depuis 2014, ainsi que la somme de 78 000 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement n° 1600449 du 21 septembre 2018, le tribunal administratif de Pau a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de Mme E... tendant au versement du reliquat non versé de ses salaires depuis 2014, a ordonné une expertise avant-dire droit au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne afin que soit déterminé le montant des honoraires médicaux et des frais entraînés par les accidents de service en cause dont Mme E... peut obtenir le remboursement par son employeur et a rejeté le surplus de la demande de Mme E.... Par un jugement n° 1600449 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Pau a condamné le centre hospitalier de Condom à verser à Mme E... une somme de 2 188,28 euros en réparation de son préjudice. Procédure devant la cour : I. Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2018 sous le n° 18BX03861, Mme E..., représentée par Me F..., doit être regardée comme demandant à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1600449 du 21 septembre 2018 du tribunal administratif de Pau ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Condom à lui verser, d'une part, le reliquat impayé des salaires qu'elle aurait dû percevoir depuis 2014 et, d'autre part, une somme globale de 84 620,15 euros en réparation de ses préjudices, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2015, date de réception de sa demande préalable ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Condom une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Elle soutient que : - compte tenu du caractère professionnel de ses pathologies, elle a droit au remboursement de l'ensemble des frais qu'elle a exposés pour leur prise en charge ; - son employeur n'a pas respecté les prescriptions du médecin du travail l'ayant déclarée apte au travail sans port de charges lourdes et elle n'a bénéficié ni d'une visite médicale d'embauche ni des visites médicales annuelles obligatoires ; - la responsabilité sans faute de son employeur est engagée et, subsidiairement, sa responsabilité pour faute compte tenu de ses négligences ; - le centre hospitalier de Condom doit être condamné à lui verser : o le reliquat des salaires impayé depuis 2014 et des dommages et intérêts pour leur versement tardif ; o une somme de 15 000 euros au titre des souffrances endurées ; o une somme de 30 000 euros au titre au titre de son préjudice moral compte tenu de la brutalité avec laquelle son employeur s'est conduit tout au long de cette procédure, de ce qu'il a nié le caractère professionnel de sa maladie, s'est abstenu de lui communiquer l'avis favorable du comité consultatif, ne lui a pas adressé ses bulletins de salaire ni les " feuilles de soins " en accident de travail et en maladie professionnelle, ni son " relevé de carrière " complet ; en outre, il a ouvert les expertises en violation du secret médical, et ne lui a pas délivré les attestations d'interruption totale de travail lui permettant de faire prendre en charge par son assurance le remboursement d'un prêt immobilier ; il a tardé à reconnaître son droit à plein traitement après l'avis du comité médical ; il s'est abstenu de réclamer son dossier médical à ses précédents employeurs et de la faire suivre par le médecin du travail ; o une somme de 8 000 euros au titre de son préjudice d'agrément ; o une somme de 5 000 euros en réparation de la violation de son droit à une visite médicale préalable, ainsi qu'à des visites médicales annuelles et du préjudice que lui a causé l'absence de demande de son dossier médical professionnel par son employeur ; o une somme de 20 000 euros au titre du préjudice que lui a causé le non-respect par son employeur de son obligation de protéger sa santé ; o une somme de 4 829,41 euros au titre de ses frais de déplacements et une somme de 1 790,74 euros au titre de ses frais de kinésithérapie. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2019, le centre hospitalier de Condom, représenté par Me J..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il a reconnu l'imputabilité au service des pathologies de Mme E... ; - il n'était pas contraire aux prescriptions de la médecine du travail de demander à Mme E... de pousser un chariot et l'intéressée n'a jamais sollicité une adaptation de son poste de travail à son état de santé ni signalé un quelconque incident ; - il n'a pas à être en possession du dossier médical d'un de ses agents ; l'établissement n'a eu connaissance que de ce qui résultait des expertises et des éléments qui lui étaient communiqués par Mme E... elle-même ; Mme E... n'établit aucune négligence de l'établissement dans la tenue de son dossier administratif ; - le retard de communication de l'avis de la commission de réforme du 26 août 2014 que lui reproche Mme E... ne lui a causé aucun préjudice ; - il n'avait aucune obligation de communiquer à Mme E... des feuilles de soins et celle-ci ne lui a pas demandé un " plan de retraite " ; - il ne conteste pas devoir prendre en charge les frais liés à la pathologie de Mme E... mais n'a pris connaissance des montants et justificatifs qu'au cours de la procédure devant le tribunal ; le lien de causalité entre ces dépenses et l'affection dont la prise en charge lui incombe n'est pas établi ; - Mme E... ne se prévaut d'aucun préjudice lié à l'absence de visite médicale d'embauche ; en toute hypothèse, il n'est pas établi qu'une telle visite aurait permis d'identifier la pathologie dont avait souffert Mme E..., qui n'en a jamais fait état avant l'accident de 2014 ; il n'est pas davantage établi qu'une telle visite aurait abouti à une contre-indication médicale du brancardage ; - le harcèlement allégué n'est pas établi ; - Mme E... ne peut prétendre, au titre de la responsabilité sans faute de l'établissement, qu'à la réparation d'un préjudice distinct d'une perte de revenus et de l'incidence professionnelle ; la réalité de tels préjudices n'est pas établie. Par ordonnance du 2 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 28 septembre 2020. Un mémoire présenté par Mme E... a été enregistré le 23 octobre 2020. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande de Mme E... en tant qu'elle se prévaut d'autres faits générateurs de la responsabilité du centre hospitalier de Condom que ceux évoqués dans sa demande préalable d'indemnisation soit l'absence de communication de son " relevé de carrière ", de ses bulletins de salaire, du détail de son compte épargne temps, de la violation du secret médical par son employeur et des modalités selon lesquelles un reclassement lui a été proposé. II. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 juin 2019 , le 3 décembre 2020 et le 15 janvier 2021 sous le n° 19BX02745, Mme E..., représentée par Me F..., demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Pau du 23 avril 2019 en tant qu'il a limité à la somme de 2 188,28 euros le montant de la condamnation du centre hospitalier de Condom ; 2°) de porter le montant de cette condamnation à la somme de 84 462,39 euros ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Condom une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, comprenant les frais d'expertise du Dr Mandron. Elle soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont refusé de condamner le centre hospitalier de Condom à lui rembourser ses frais de déplacement aux rendez-vous médicaux et les frais de santé restés à sa charge, soit un total de 5 472,72 euros et non de 2 187,68 euros ainsi que l'a retenu le tribunal ; - c'est à tort que l'expert n'a retenu que les soins directement et exclusivement imputables à son activité professionnelle au centre hospitalier de Condom à partir du 24 juin 2014 ; - la responsabilité pour faute du centre hospitalier est engagée en raison de l'absence de visite médicale d'embauche ; cette faute présente un lien de causalité avec les préjudices dont elle demande réparation, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, dès lors qu'en l'absence de cette visite, le centre hospitalier n'a pas été alerté sur le risque de lui laisser porter des charges lourdes, circonstance qui est à l'origine des accidents de service survenus en 2014 ; le centre hospitalier n'a mis en place aucun aménagement de son poste de travail pour tenir compte de son état de santé ; - le centre hospitalier a également commis une faute en ne demandant pas son carnet de vaccination ni son dossier médical à son ancien employeur ; - est également fautive le délai dans lequel le centre hospitalier a reconnu l'imputabilité au service de ses pathologies ; - le centre hospitalier a pris connaissance de documents couverts par le secret médical et, d'une manière générale, a manqué de diligence et de loyauté dans le déroulement de la procédure ; - le délai dans lequel le centre hospitalier lui a proposé un reclassement et les circonstances dans lesquelles une proposition lui a été faite révèlent également une faute ; - le centre hospitalier a commis une faute en refusant de lui délivrer ses bulletins de salaire pour la période de juillet 2014 à septembre 2017, son relevé de retraite ainsi que les feuilles de soins lui permettant de se faire rembourser ses dépenses de santé ; il a également commis une faute en refusant de l'informer du solde de son compte épargne temps ; - le centre hospitalier est tenu, au titre de sa responsabilité sans faute, de l'indemniser des souffrances qu'elle a endurées et de son préjudice d'agrément ; à défaut de lui accorder les sommes qu'elle demande à ce titre, la cour pourra ordonner une expertise afin de chiffrer ces postes de préjudices ; - c'est à tort que le tribunal a rejeté ses demandes au motif que l'allocation d'invalidité qu'elle perçoit répare les préjudices résultant de son accident de service survenu en 2009 alors que cette allocation intègre le taux d'invalidité résultant de ses accidents de service de 2014 ; - ses préjudices doivent être évalués aux sommes suivantes : o 30 000 euros au titre de son préjudice moral ; o 20 000 euros au titre du non-respect du droit à une visite médicale préalable ; o 15 000 euros au titre de souffrances endurées ; o 8 000 euros au titre de son préjudice d'agrément ; o 5 472,72 euros au titre de ses frais de transport et dépenses de santé o 5 989,67 euros au titre des demi-salaires . Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2019, le centre hospitalier de Condom, représenté par Me J..., demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de Mme E... ; 2°) par la voie de l'appel incident : - d'annuler l'article 1er du jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau l'a condamné à verser à Mme E... la somme de 2 188,28 euros ; - de rejeter la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif ; 3°) de mettre à la charge de Mme E... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les frais de déplacement demandés par Mme E... ne peuvent être remboursés dès lors qu'il existait des centres de cures thermales plus proches de son domicile que celui où elle s'est rendue ; de la même manière, la nécessité des interventions et des consultations à Brie-sur-Marne n'est pas justifiée ; - le lien de causalité entre les dépenses de santé dont le remboursement est demandé et l'accident de service n'est pas établi. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande de Mme E... en tant qu'elle se prévaut d'autres faits générateurs de la responsabilité du centre hospitalier de Condom que ceux évoqués dans sa demande préalable d'indemnisation soit l'absence de communication de son " relevé de carrière ", de ses bulletins de salaire, du détail de son compte épargne temps, de la violation du secret médical par son employeur et des modalités selon lesquelles un reclassement lui a été proposé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du travail ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - l'arrêté du 11 juillet 1977 fixant la liste des travaux nécessitant une surveillance médicale spéciale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C... G..., - les conclusions de Mme L... B..., rapporteure publique, - et les observations de Me F..., représentant Mme E.... Considérant ce qui suit : 1. Mme E..., manipulatrice en électroradiologie, est titulaire de la fonction publique hospitalière depuis 1978 et a été affectée, le 1er août 2011, au centre hospitalier de Condom. Au cours de ses précédentes fonctions, elle a été victime d'un premier accident de service le 10 décembre 2004, duquel sont résultées des douleurs cervicales, dorso lombaires et scapulaires, particulièrement au côté gauche, puis d'un nouvel accident le 4 septembre 2009 responsable d'une rupture des tendons de la coiffe des rotateurs de son épaule droite, rupture traitée chirurgicalement le 13 octobre 2009. Son état de santé a été déclaré consolidé à compter du 21 juin 2010 et un déficit fonctionnel permanent de 12 % lui a été reconnu. Après sa mutation à Condom, Mme E... a subi le 6 février 2014 un nouvel accident affectant son épaule droite, puis le 24 juin 2014 un accident affectant ses deux poignets et le 6 août 2014 un accident affectant son épaule gauche. Par une décision du 26 février 2016, le centre hospitalier de Condom a estimé que les pathologies de Mme E... relatives au canal carpien droit et gauche ainsi que celles relatives à son épaule gauche devaient être prises en charge au titre d'une maladie professionnelle pour la période du 6 août 2014 au 30 novembre 2015, que les pathologies étaient reconnues consolidées au 30 novembre 2015 et qu'à compter du 1er décembre 2015, elles seraient prises en charge au titre d'un congé de maladie ordinaire. Par un courrier du 20 décembre 2014, réceptionné le 12 janvier 2015, Mme E... a sollicité du centre hospitalier de Condom le versement de diverses indemnités, ce qui lui a été refusé par une décision du 10 mars 2015. Par une première requête, Mme E... demande à la cour d'annuler le jugement avant dire droit du 21 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a ordonné une expertise médicale avant de statuer sur les conclusions indemnitaires tendant au remboursement de ses frais médicaux, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par une seconde requête, elle demande à la cour de réformer le jugement du tribunal du 23 avril 2019 en tant qu'il a limité à la somme de 2 188,28 euros le montant de la condamnation du centre hospitalier de Condom au titre de ses frais médicaux. Les requêtes n° 18BX03861 et 19BX02745 présentées par Mme E... sont relatives à la situation d'une même fonctionnaire. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. Sur la recevabilité de la demande : 2. Par un courrier du 20 décembre 2014, Mme E... a sollicité du centre hospitalier de Condom, outre le remboursement des frais qu'elle a exposés pour la prise en charge de ses pathologies et le paiement d'un reliquat de salaires, l'indemnisation de divers préjudices en se prévalant des fautes qu'aurait commises cet établissement de santé en ne se procurant pas son dossier médical auprès de ses précédents employeurs, en ne l'ayant fait bénéficier d'aucune visite médicale, en n'ayant pas aménagé son poste de travail à son état de santé, en ne lui ayant pas communiqué l'avis de la commission de réforme ni les " feuilles de soins " pour la prise en charge de ses dépenses de santé et en ayant globalement manqué de diligence dans la procédure permettant de reconnaître l'imputabilité au service de ses pathologies. Elle ne peut ainsi se prévaloir directement devant le juge d'autres faits générateurs que ceux pour lesquels elle a lié le contentieux auprès de son employeur par cette demande préalable. Mme E... n'est, par suite, pas recevable à invoquer les fautes qu'aurait commises le centre hospitalier de Condom en ne lui communiquant pas un relevé de carrière complet permettant d'évaluer des hypothèses de retraite, ses bulletins de salaire, le détail de son compte épargne temps, en ayant pris connaissance de documents en méconnaissance du secret médical et en lui proposant un reclassement dans des conditions insatisfaisantes, faits générateurs dont elle n'avait pas fait état dans sa demande préalable d'indemnisation. Sur la demande tendant au versement d'un reliquat de salaire : 3. Si Mme E... persiste à demander en appel, dans les mêmes termes que devant les premiers juges, le versement d'un reliquat impayé de l'intégralité des salaires qu'elle aurait dû percevoir depuis 2014, elle admet par ailleurs, dans ses propres écritures, avoir été payée. Mme E... ne critiquant pas le non-lieu à statuer prononcé par le tribunal sur ce point, elle n'est pas fondée à demander le versement d'un reliquat de salaire depuis l'année 2014, sur lequel elle n'apporte aucune justification. Sur la demande de remboursement de frais médicaux : 4. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ". 5. Il résulte de l'expertise médicale ordonnée par les premiers juges que doivent être regardées comme imputables au service les tendinopathies chroniques dont a souffert Mme E... aux deux épaules à compter de 2014, ainsi que le syndrome du canal carpien affectant ses deux poignets. S'il résulte de l'instruction qu'un traitement antalgique et des séances de kinésithérapie ont notamment été nécessaires pour traiter ces pathologies, Mme E... ne justifie pas davantage en appel que devant les premiers juges de l'existence de dépenses de santé qui seraient nécessitées par les pathologies en cause, et restées à sa charge. 6. S'agissant des frais de transport, Mme E... fournit une liste détaillée de l'ensemble des trajets qu'elle a dû effectuer pour la prise en charge de ses différentes pathologies. Alors que le centre hospitalier fait valoir qu'il existe de nombreux établissements de santé plus proches du domicile de l'intéressée où ses pathologies auraient pu être prises en charge ainsi que des centres de cures thermales qui ne nécessitaient pas un si long trajet, Mme E... ne fournit aucune justification de son choix de consulter à Brie-sur-Marne et de suivre une cure thermale à Barbotan-les-Thermes. Dans ces conditions, et faute pour Mme E... de justifier que de tels déplacements présentaient un caractère d'utilité directe pour la prise en charge de ses pathologies imputables au service, le coût de tels trajets ne saurait être indemnisé. Compte tenu des éléments versés aux dossiers, il résulte seulement de l'instruction que peuvent être regardés comme imputables au service les rendez-vous de Mme E... le 3 avril 2014 à Tarbes pour une expertise réalisée à la demande de l'hôpital, le 30 juillet 2014 à Toulouse pour une consultation chez un rhumatologue ainsi que le 8 octobre 2014 à Toulouse, le 13 janvier 2015 à Auxerre, le 14 novembre 2015 à Avallon et le 30 novembre 2015 à Dijon pour différentes expertises médicales utiles à la procédure. Il sera fait une juste évaluation des frais de transport exposés par Mme E..., après soustraction de la somme de 150 euros déjà versée par le centre hospitalier de Condom en remboursement de ces frais, en ramenant la somme que ce dernier a été condamné à verser à ce titre par les premiers juges à 507,74 euros. 7. Il résulte par ailleurs de l'instruction, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que la cure thermale suivie par Mme E... du mois d'août au mois de septembre 2015 a utilement été prescrite pour le traitement de sa tendinopathie à l'épaule gauche, imputable au service. La circonstance, dont se prévaut le centre hospitalier, selon laquelle elle aurait également permis de soulager une phlébite n'est pas de nature à rompre le lien entre ces soins et les maladies imputables au service dont souffre Mme E.... C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont mis à la charge du centre hospitalier de Condom la somme de 593,60 euros correspondant aux frais d'hébergement que Mme E... justifie avoir exposés pour sa cure thermale, somme qui aurait également été exposée pour un lieu de cure plus proche du domicile de l'intéressée. 8. Il résulte de ce qui précède que la somme que les premiers juges ont condamné le centre hospitalier de Condom à verser à Mme E... au titre de ses frais médicaux doit être ramenée à 1 101,34 euros. Sur les fautes du centre hospitalier de Condom invoquées par Mme E... : 9. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, pas obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. 10. En premier lieu, si Mme E... reproche au centre hospitalier de Condom de ne pas s'être procuré son " dossier médical " auprès de ses précédents employeurs, elle ne précise pas davantage en appel que devant les premiers juges la règle que l'établissement de santé, qui réitère que le secret médical s'oppose à ce qu'il sollicite de tels documents, aurait ce faisant méconnue. 11. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 4624-10 du code du travail dans sa version alors en vigueur, applicable en l'espèce en vertu de l'article L. 4 111-1 du même code : " Le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail. / Les salariés soumis à une surveillance médicale renforcée en application des dispositions de l'article R. 4624-19 ainsi que ceux qui exercent l'une des fonctions mentionnées à l'article L. 421-1 du code de l'aviation civile bénéficient de cet examen avant leur embauche. " L'article R. 4624-19 du code du travail dispose : " Bénéficient d'une surveillance médicale renforcée : / 1° Les salariés affectés à certains travaux comportant des exigences ou des risques déterminés par les dispositions particulières intéressant certaines professions ou certains modes de travail. Des accords collectifs de branche étendus peuvent préciser les métiers et postes concernés ainsi que convenir de situations relevant d'une telle surveillance en dehors des cas prévus par la réglementation ; (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 11 juillet 1977 fixant la liste des travaux nécessitant une surveillance médicale spéciale ; " (...) 1. Les travaux comportant la préparation, l'emploi, la manipulation ou l'exposition aux agents suivants : (...) Rayons X et substances radioactives. (...) ". L'article R. 4624-11 du code du travail dispose : " L'examen médical d'embauche a pour finalité : / 1° De s'assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l'employeur envisage de l'affecter ; / 2° De proposer éventuellement les adaptations du poste ou l'affectation à d'autres postes ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 4624-16 du code du travail dans sa version applicable : " Le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail. Ces examens médicaux ont pour finalité de s'assurer du maintien de l'aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé et de l'informer sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire. / Sous réserve d'assurer un suivi adéquat de la santé du salarié, l'agrément du service de santé au travail peut prévoir une périodicité excédant vingt-quatre mois lorsque sont mis en place des entretiens infirmiers et des actions pluridisciplinaires annuelles, et, lorsqu'elles existent, en tenant compte des recommandations de bonnes pratiques existantes. " 12. Il résulte des dispositions précitées que Mme E..., soumise à une surveillance médicale renforcée compte tenu de ses fonctions de manipulatrice en électroradiologie, aurait dû bénéficier, d'une part, d'une visite médicale avant son embauche afin notamment de s'assurer de son aptitude au poste de travail où il était envisagé de l'affecter et, d'autre part, de visites médicales périodiques dès lors que le centre hospitalier n'établit ni même n'allègue avoir instauré le dispositif prévu au second alinéa des dispositions précitées de l'article R. 4624-16 du code du travail. Dans ces conditions, alors qu'il est constant que Mme E... n'a bénéficié d'aucune visite de la médecine du travail depuis son embauche par le centre hospitalier de Condom en 2011, la requérante est fondée à soutenir que cet établissement de santé a commis une faute. Il résulte de l'instruction que quelques mois avant son embauche au centre hospitalier de Condom, le médecin du travail a signalé la fragilité de son épaule droite et la nécessité d'éviter la manipulation de charges lourdes. Dans ces conditions, l'absence de visite médicale au centre hospitalier de Condom, laquelle aurait vraisemblablement permis de réitérer les mêmes consignes de vigilance, peut être regardée comme présentant un lien de causalité direct et certain avec la tendinopathie chronique dont a souffert Mme E... aux deux épaules à compter de 2014. Une telle faute est en revanche dépourvue de lien avec les syndromes carpiens dont souffre l'intéressée aux deux poignets, qui résultent seulement, selon l'expert, des mouvements répétés et prolongés d'extension et de préhension du poignet et de la main. 13. La requérante soutient, en troisième lieu, que le centre hospitalier de Condom a commis une faute en ne procédant pas aux aménagements de son poste de travail rendus nécessaires par son état de santé. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être exposé, le centre hospitalier de Condom n'a diligenté aucun examen médical de Mme E..., laquelle n'a, pour sa part, procédé à aucun signalement de ses difficultés, de sorte qu'il ne pouvait qu'ignorer les contre-indications médicales au port de charges lourdes émises par le médecin du travail dans les précédents établissements de santé où elle a exercé. Dans ces conditions, il ne saurait être retenu une faute distincte de celle exposée au point précédent s'agissant du défaut d'aménagement du poste de travail de Mme E.... 14. En quatrième lieu, s'il résulte de l'instruction que Mme E... a plusieurs fois sollicité auprès de son employeur l'avis par lequel la commission de réforme s'est prononcée sur l'imputabilité au service de ses pathologies avant de se le voir communiquer, la requérante n'explique pas, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, en quoi une telle circonstance lui aurait causé un quelconque préjudice. 15. Mme E... soutient, en cinquième lieu, que le centre hospitalier de Condom a commis une faute en refusant de lui communiquer les " feuilles de soins " nécessaires au remboursement de ses dépenses de santé. Elle ne se prévaut toutefois, ainsi que l'a retenu le tribunal, d'aucun texte que l'établissement de santé, qui a reconnu l'imputabilité au service de l'essentiel de ses pathologies par une décision du 26 février 2016, aurait ce faisant méconnu. Elle ne justifie par ailleurs d'aucune dépense qui serait restée à sa charge. Par suite, sa demande d'indemnité sur ce point ne peut qu'être rejetée. 16. En sixième lieu, contrairement à ce que soutient Mme E..., il ne résulte pas de l'instruction que le délai au terme duquel le centre hospitalier de Condom a reconnu l'imputabilité au service de ses pathologies serait excessif ni que l'établissement, qui a fait droit à la demande d'expertise de son propre assureur, aurait sciemment fait durer la procédure dans l'intention de lui nuire. Sur l'indemnisation des préjudices : 17. Mme E... ne saurait demander une quelconque somme au titre de la violation de son droit à une visite médicale préalable et de la violation de l'obligation incombant à son employeur de protéger sa santé, qui ne constituent pas, en tant que tels, des préjudices susceptibles de faire l'objet d'une indemnisation. 18. Il résulte de ce qui précède que la demande de Mme E... tendant à ce que le centre hospitalier de Condom soit condamné à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral que lui aurait causé la non transmission de " feuilles de soins ", de son " relevé de carrière ", de ses bulletins de salaire, du détail de son compte épargne temps, de l'avis de la commission de réforme, ainsi que le manque de diligence du centre hospitalier, la violation du secret médical par son employeur et les conditions dans lesquelles un reclassement lui a été proposé ne peut qu'être rejetée. 19. Il résulte de l'instruction que Mme E... a notamment souffert, à compter de l'année 2014, d'un syndrome douloureux diffus concernant ses deux épaules ainsi que ses deux poignets, en raison des pathologies imputables au service. L'expertise diligentée par le tribunal précise que la rechute, en février 2014, de la tendinopathie de l'épaule droite de Mme E... a été consolidée sans nouvelles séquelles le 4 mai 2014, la tendinopathie de l'épaule gauche apparue au mois d'août 2014 a été consolidée le 30 novembre 2015, les troubles aux poignets apparus au mois d'avril 2014 ont quant à eux été consolidés au mois de novembre 2015. Il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par Mme E... en raison de ces différentes pathologies imputables au service en condamnant le centre hospitalier de Condom à lui verser la somme de 4 000 euros à ce titre. 20. Enfin, si Mme E... demande la condamnation du centre hospitalier de Condom à lui verser une somme de 8 000 euros au titre d'un préjudice d'agrément en se prévalant de l'impossibilité de jardiner, de nager le crawl, de pratiquer des activités telles que le Pilates et la gymnastique, elle ne produit, ainsi que le souligne l'établissement de santé, aucune pièce de nature à justifier qu'elle aurait auparavant pratiqué de telles activités. La demande présentée à ce titre doit par suite être rejetée. 21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... est seulement fondée à demander que la somme de 2 188,28 euros que les premiers juges ont condamné le centre hospitalier de Condom à lui verser soit portée à la somme de 5 101,34 euros, et que l'appel incident du centre hospitalier de Condom doit être rejeté. Sur les intérêts : 22. Mme E... a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 5 101,34 euros à compter du 12 janvier 2015, date de réception de sa demande indemnitaire préalable. Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige : 23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de maintenir les dépens à la charge du centre hospitalier de Condom et de mettre à la charge du centre hospitalier de Condom une somme de 1 500 euros à verser à Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que les sommes que demande le centre hospitalier de Condom au même titre soient mises à la charge de Mme E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : La somme de 2 188,28 euros que le centre hospitalier de Condom a été condamné à verser à Mme E... par le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1600449 du 23 avril 2019 est portée à 5 101,34 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2015. Article 2 : Les jugements n° 1600449 du 21 septembre 2018 et du 23 avril 2019 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le centre hospitalier de Condom versera à Mme E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... E..., au centre hospitalier de Condom et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne. Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient : Mme K... H..., présidente, Mme A... D..., présidente-assesseure, Mme C... G..., conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2021. La rapporteure, Kolia G... La présidente, Catherine H... La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 18BX03861, 19BX02745
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANTES, 6ème chambre, 16/03/2021, 19NT03606, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 par lequel le ministre de l'Europe et des affaires étrangères l'a radiée des cadres et l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2018. Par un jugement n° 1808894 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 septembre 2019, 30 novembre 2020 et 8 février 2021, Mme D..., représentée par Me F..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 juillet 2019 ; 2°) d'ordonner avant-dire droit une expertise aux fins de déterminer si elle est affectée d'une invalidité rendant impossible son reclassement sur tout poste ; 3°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2018 ; 4°) d'enjoindre au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de procéder à sa réintégration à compter du 1er juin 2018, de la placer dans une position régulière et de reconstituer sa carrière dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - en refusant d'ordonner une expertise médicale, le tribunal administratif a méconnu la jurisprudence du Conseil d'Etat ; - le ministre des affaires étrangères n'a pas examiné ses possibilités de reclassement sur un poste adapté et ne l'a pas invitée à présenter une demande de reclassement dans un autre corps alors qu'elle n'a jamais été déclarée inapte à toute activité professionnelle ; il a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ; - la décision la plaçant à la retraite constitue une sanction déguisée ; - à défaut de délégation précise et publiée, la décision contestée est entachée d'un vice de compétence ; - il n'est pas établi que les membres de la commission de réforme aient été régulièrement investis ; il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'ils aient été régulièrement convoqués, ni qu'ils aient disposés des éléments nécessaires pour se prononcer ; - il n'est pas établi que le ministre chargé du budget ait émis un avis conforme conformément aux dispositions applicables ; - l'arrêté du 25 juillet 2018, qui ne mentionne ni l'avis de la commission de réforme, ni le contenu de cet avis, est insuffisamment motivé ; - cette décision est entachée d'un vice d'incompétence négative dès lors que le ministre s'est contenté de suivre l'avis émis par la commission de réforme sans porter sa propre appréciation sur son dossier. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public, - et les observations de Me A..., substituant Me F..., représentant Mme D.... Des notes en délibéré, présentées pour Mme D..., ont été enregistrées les 25 février et 3 mars 2021. Considérant ce qui suit : 1. Mme D..., secrétaire de chancellerie, a été affectée en juillet 2008 à l'ambassade de France à Cotonou au Bénin. Le 14 janvier 2010, une violente altercation a eu lieu entre l'intéressée et un autre agent de droit local de l'ambassade, à l'issue de laquelle Mme D... a été placée en arrêt de travail jusqu'au 7 mars 2010. L'agent béninois ayant porté plainte devant la justice locale contre Mme D..., l'ambassadeur de France a ordonné son retour en France. A compter du 22 janvier 2010, elle a été affectée sur des postes en administration centrale à Nantes. Par une décision du 19 avril 2011, le ministre chargé des affaires étrangères a reconnu l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme D.... Sa demande de protection fonctionnelle a en revanche été rejetée à deux reprises. Le 9 décembre 2015, Mme D... a de nouveau été placée en arrêt de maladie à raison des mêmes faits. Le 30 janvier 2018, la commission de réforme a estimé que l'état de santé de l'intéressée était consolidé au 4 octobre 2017, a fixé son taux d'incapacité partielle permanente (IPP) à 20 %, l'a déclarée définitivement inapte à toutes fonctions et a émis un avis favorable à son placement à la retraite pour invalidité. Mme D... a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2018, par lequel le ministre de l'Europe et des affaires étrangères l'a placée en retraite pour invalidité. Elle relève appel du jugement du 9 juillet 2019 du tribunal administratif rejetant sa demande. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2018 : 2. En premier lieu, l'arrêté du 25 juillet 2018 vise les textes en application desquels Mme D... a été radiée des cadres et admise à faire valoir ses droits à la retraite ainsi que l'avis conforme du service des retraites de l'Etat du 16 juillet 2018. S'il ne vise en revanche pas l'avis de la commission de réforme du 30 janvier 2018, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée en a été destinataire par un courrier en date 8 février 2018, de sorte qu'elle en connaissait la teneur. Par suite, et pour regrettable que soit l'absence de mention de cet avis, la décision contestée doit être regardée comme suffisamment motivée. 3. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la commission de réforme n'auraient pas été régulièrement investis, n'auraient pas été régulièrement convoqués, ou qu'ils n'auraient pas disposés des éléments nécessaires pour émettre un avis en toute connaissance de cause sur sa mise à la retraite d'office pour invalidité. Par suite, le moyen tiré de ce que cet avis aurait été irrégulièrement rendu ne peut qu'être écarté. 4. En troisième lieu, Mme B..., signataire de la décision contestée, adjointe au chef du centre de services des ressources humaines du ministère des affaires étrangères, disposait d'une délégation de signature consentie par une décision du 21 mars 2018, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté. 5. En quatrième lieu, si Mme D... soutient qu'il n'est pas établi que le ministre chargé du budget ait émis " un avis conforme conformément aux dispositions applicables ", ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes afin de permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, il ne peut qu'être écarté. 6. En cinquième lieu, aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. (...). Le reclassement (...) est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". 7. Si à la suite de l'altercation qui s'est produite le 14 septembre 2010, Mme D... a présenté de nombreuses griffures et ecchymoses, le docteur Le Rendu, psychiatre, a estimé le 1er août 2016 que tous ses arrêts de travail étaient en lien direct et certain avec cet accident, y compris sa période d'hospitalisation au centre hospitalier universitaire de Nantes du 15 avril 2016 au 31 mai 2016, tout en soulignant que son état nécessitait des soins " sur du long terme " n'excluant pas la nécessité de nouvelles hospitalisations. Lors de son examen du 2 novembre 2016, le docteur Barbier, également psychiatre, a confirmé que l'intéressée présentait un syndrome de stress post-traumatique très important, ayant justifié plusieurs hospitalisations en 2010, 2015 et 2016. Le docteur Nortier, psychiatre à Paris a également constaté, le 4 octobre 2017 dans un avis destiné à la commission de réforme, que Mme D... présente " une sensitivité manifeste avec ruminations anxieuses ", une " psychorigidité manifeste ", et des " tendances quérulente-procédurières ". Il concluait que compte tenu de son état clinique, l'intéressée ne pouvait reprendre son activité professionnelle et que son " inaptitude à tout emploi [était] définitive et absolue ". Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas du rapport de ce médecin qu'il aurait entaché son expertise de partialité ou d'une quelconque irrégularité. Enfin, la circonstance que Mme D... produit un certificat d'un médecin généraliste du 10 octobre 2018 indiquant qu'il " pense que son état de santé ne la rend pas inapte à tout travail " ne suffit pas à démentir les différentes expertises antérieures, lesquelles ne présentent pas de contradictions entre elles dès lors les experts ne pouvaient se prononcer sur son aptitude à la reprise de son activité professionnelle sur son poste ou tout autre poste tant que son état de santé n'était pas consolidé. Dans son avis 30 janvier 2018, rendu en présence d'un médecin généraliste, président du comité médical, d'un autre médecin généraliste et d'un spécialiste, membres du comité médical, la commission de réforme a estimé que la demande de contre-expertise médicale sollicitée par l'intéressée n'était pas nécessaire, qu'elle avait développé une pathologie anxio-dépressive sur un état antérieur, que son état était consolidé au 4 octobre 2017, que son IPP était de 20 %, qu'elle était " définitivement inapte à exercer toutes fonctions, sans possibilité de reclassement ". En conséquence, la commission de réforme a émis un avis favorable à son admission à la retraite pour invalidité imputable au service en application de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Enfin, si Mme D... produit en appel un rapport établi le 29 janvier 2021 par un psychiatre qui conclut à son aptitude à reprendre son poste, ce seul document rédigé plus de dix ans après les faits, sur la base d'éléments de son dossier médical communiqués par l'intéressée, n'est, à lui seul, pas de nature à établir que les précédents avis seraient erronés. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté. 8. En sixième lieu, eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés ci-dessus, et compte tenu notamment du fait que l'état psychologique de Mme D... a nécessité plusieurs hospitalisations récentes alors même que les faits à l'origine de sa pathologie se sont déroulés en 2010, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le ministre chargé des affaires étrangères, qui n'était pas tenu de procéder à des recherches de reclassement dès lors que l'intéressée était inapte à tout poste, aurait méconnu l'étendue de ses compétences et entaché sa décision d'une erreur de droit. 9. En septième lieu, si Mme D... fait allusion à l'action en diffamation introduite à titre personnel par ses anciens supérieurs hiérarchiques à la suite d'une interview qu'elle a donnée à un organe de presse au sujet de malversations financières qu'elle aurait découvertes aux services des bourses de l'ambassade de France lorsqu'elle était en poste au Bénin, cet élément ne suffit pas à établir une volonté de la part du ministre de l'Europe et des affaires étrangères de prononcer à son encontre une sanction déguisée dès lors que plusieurs médecins ont confirmé son incapacité définitive à toutes fonctions et la nécessité de la placer en retraite pour invalidité. 10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'irrégularité, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 11. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, les conclusions présentées par Mme D... tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de procéder à sa réintégration à compter du 1er juin 2018, de la placer dans une position régulière et de reconstituer sa carrière, ne peuvent qu'être écartées. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme D... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Délibéré après l'audience du 19 février 2021, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme C..., premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mars 2021. Le rapporteur, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, E. HAUBOIS La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19NT03606
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 11/03/2021, 19DA00960, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision n° 2017/192 du 31 janvier 2017 par laquelle le directeur des ressources humaines et des relations sociales du centre hospitalier de Laon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Laon de prendre en charge les frais médicaux découlant de sa pathologie. Par un jugement n° 1700988 du 3 avril 2019 le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du directeur du centre hospitalier de Laon du 31 janvier 2017 et enjoint au centre hospitalier de Laon de prendre en charge les frais et honoraires médicaux relatifs à l'affection de Mme C... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent jugement. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 avril 2019, le centre hospitalier de Laon, représenté par Me B..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre subsidiaire, de désigner un médecin agréé chargé, dans l'hypothèse de rattachement au service, de fixer en particulier, la part du taux éventuel approprié à l'état antérieur de la requérante. -------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité sociale ; - la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ; - les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., infirmière en soins généraux et spécialisés de 1er grade en poste au centre hospitalier de Laon, a demandé au directeur du centre hospitalier la reconnaissance professionnelle de la maladie dont elle souffre. Par décision du 31 janvier 2017, confirmée sur recours gracieux le 8 mars 2017, le directeur du centre hospitalier a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cette affection. Par un jugement du 3 avril 2019 le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du directeur du centre hospitalier de Laon du 31 janvier 2017 et lui a enjoint de prendre en charge les frais et honoraires médicaux relatifs à l'affection de Mme C... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent jugement. Le centre hospitalier de Laon relève appel de ce jugement. 2. D'une part, l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dispose que : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...)2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ". Au nombre des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite figurent notamment les maladies contractées ou aggravées en service. Aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable : " (...) Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. / Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé. (...) " et aux termes de l'article L. 434-2 du code précité: " Le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité. / Lorsque l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de l'ordonnance du 19 janvier 2017 entrée en vigueur le 21 janvier 2017 : " (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. /Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ". 4. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier de Laon a mandaté le docteur Duval, rhumatologue, médecin expert agréé, aux fins d'examiner l'intéressée. L'expert a conclu son rapport le 18 mai 2016 en ces termes : " l'examen de la patiente et la prise de connaissance du scanner et de I'IRM lombaire, ne permettent pas de reconnaître la symptomatologie en maladie professionnelle, car elle ne rentre pas dans les critères du tableau 98. ". A la suite de la commission de réforme qui s'est tenue le 26 juillet 2016 celle-ci a demandé une expertise complémentaire confiée au docteur Cazeneuve médecin spécialiste agréé qui a remis son rapport le 8 août 2016 et a relevé qu'il " n'existait aucune antériorité ou cause adjacente d'ordre médical ou chirurgical et que les sollicitations mécaniques nombreuses répétées et prolongées l'intéressée ayant été aide-soignante pendant sept ans en maison de retraite en contact avec des patients dépendants puis infirmière pendant treize ans dont dix en maison de retraite peuvent tout à fait expliquer la survenue des pathologies dégénératives en L4L5 et L5S1.... " pour conclure que les dégénérescences en question avaient été contractées en service ( hors critères du tableau n°98). La commission de réforme a rendu un avis favorable le 25 octobre 2016, à la reconnaissance de l'imputabilité au service des lombalgies dont souffre Mme C... en notant qu'il s'agit " d'une maladie contractée en service (hors tableau maladies professionnelle (....) ne répond pas à tous les critères du tableau n°98 des maladies professionnelles pour entrer dans ce cadre " en précisant ensuite que l'agent peut reprendre à temps partiel thérapeutique mois à 50% ". A la demande du centre hospitalier de Laon le docteur Deschamps, praticien de pathologie professionnelle, a été chargé d'examiner Mme C.... Il précise dans son rapport du 1er décembre 2016 que la pathologie en cause ne relève pas de la maladie professionnelle, et " qu'il existe un état antérieur, puisque cette dégénérescence discale est probablement progressive et évoluant depuis plusieurs années, sans que le nombre d'années ne puisse être authentifié... " avant de relever toutefois " ...l'état antérieur concerne l'évolution progressive de cette discopathie, qui peut être à la fois liée à une dégénérescence intrinsèque propre à la personne, sans oublier le fait qu'elle fut aide-soignante et infirmière durant la première partie de sa carrière professionnelle et à ce titre a pu être amenée à soulever des charges lourdes.... ". Le directeur des ressources humaines et des relations sociales du centre hospitalier de Laon par décision n° 2017/192 du 31 janvier 2017 après avoir notamment visé l'avis de la commission précitée et les deux rapports des experts précités qu'il avait mandatés a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie aux motifs que la maladie n'entrait pas dans le cadre des maladies professionnelles, qu'il existait un état antérieur et qu'aucun lien de causalité direct et certain ne pouvait être établi entre la pathologie dont souffre Mme C... et ses fonctions. 5. En premier lieu, les dispositions précitées du IV de l'article 21 bis de la loi modifiée du 13 juillet 1983 précitées sont d'application immédiate, en l'absence de dispositions contraires. Elles ont donc vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 6. Comme il a été dit au point 4, la pathologie dont souffre Mme C..., a été diagnostiquée dès 2016. Les nouvelles dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, bien qu'en vigueur à compter du 21 janvier 2017, soit avant la décision contestée du 31 janvier 2017, ne peuvent s'appliquer, la situation juridique de Mme C... étant constituée avant cette entrée en vigueur. Le directeur du centre hospitalier de Laon, qui doit être regardé comme ayant appliqué ces dispositions, a commis une erreur de droit en méconnaissant le champ d'application de la loi. 7. Ainsi que l'ont considéré les premiers juges par des motifs pertinents et après avoir tenu compte des différents rapports d'expertise, aucune disposition, à la date de la décision attaquée ne rendait applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière, qui demandent le bénéfice des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau et qu'il convenait d'exclure l'origine professionnelle de la pathologie de l'appelante au seul motif qu'il ne répond pas aux critères posés par le tableau n° 98 annexé à l'article R.461-3 du code de la sécurité sociale. 8. En deuxième lieu, l'état antérieur de Mme C..., avant son entrée en fonction professionnelle, n'est pas établi par les documents médicaux versés au dossier et dont la teneur est rappelée au point 4 alors que les fonctions d'aide-soignante et d'infirmière, ont participé à l'apparition puis à la dégénérescence progressive des discopathies. Ainsi l'affection dont souffre Mme C... présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou avec ses conditions de travail et doit être regardée comme imputable au service. Par suite, les moyens tirés de ce que le tribunal a inversé la charge de la preuve et entaché sa décision d'une erreur de fait et d'appréciation doivent être rejetés. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire de désigner un expert, que le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du directeur du centre hospitalier de Laon du 31 janvier 2017 et lui a enjoint de prendre en charge les frais et honoraires médicaux relatifs à l'affection de Mme C.... DÉCIDE : Article 1er : La requête du centre hospitalier de Laon est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour le centre hospitalier de Laon et à Mme A... C.... 5 N° 19DA00960
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 23/03/2021, 19BX04104, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. L... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'Agen d'annuler la décision du 23 avril 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension de victime civile de guerre, et d'ordonner une expertise avant-dire droit. Par un jugement du 11 janvier 2017, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure en appel : Par un arrêt avant-dire droit du 6 juin 2018, la cour régionale des pensions militaires d'Agen a annulé la décision du ministre de la défense du 23 avril 2014 et ordonné une expertise médicale. Le rapport d'expertise a été enregistré le 5 septembre 2019. Par des mémoires en défense enregistrés les 2 octobre 2019 et 23 juin 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - si l'expert n'a pas utilisé le guide-barème applicable au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il a tenu compte de tous les documents existants et a répondu aux dires, de sorte qu'une nouvelle expertise n'est pas nécessaire ; - les séquelles minimes objectivées par l'expert justifient un taux inférieur à 10 % et n'ouvrent pas droit à pension au regard de l'ancien article L4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - les cicatrices qui pourraient être imputables aux conséquences de l'explosion de 1961 n'étant ni douloureuses, ni ulcérées, elles ne sont pas susceptibles d'entraîner un taux d'invalidité au regard du guide-barème applicable ; il en va de même des troubles psychologiques en l'absence de stress post-traumatique avéré. Par un mémoire enregistré le 8 janvier 2020, M. B..., représenté par Me J..., demande à la cour à titre principal d'ordonner avant-dire droit une nouvelle expertise médicale à confier à un autre expert, à titre subsidiaire d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder une pension d'invalidité au taux de 33 % avec effet à compter du 16 décembre 2013, et de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ainsi que les entiers dépens. Il soutient que : - le rapport d'expertise est nul car l'expert ne s'est pas référé au guide-barème des invalidités et ne s'est pas placé à la date du dépôt de la demande, mais à celle de l'expertise pour évaluer le taux d'invalidité ; ainsi, une nouvelle expertise doit être ordonnée et confiée à un autre expert ; A titre subsidiaire : - en utilisant le guide-barème applicable, la raideur du poignet droit correspond à un taux de 8 % ; - la fatigabilité à la marche est imputable aux blessures de guerre et doit être évaluée à 15 % ; - l'expert a minimisé le retentissement psychologique de l'explosion, alors qu'il présentait en 2003 une affection neuro-psychologique avec insomnie, trouble de la concentration, anxiété et céphalée invalidante et qu'une " anxiété ++ " était médicalement constatée le 9 juillet 2019 ; cette invalidité peut être évaluée à 10 % ; - il est ainsi fondé à demander une pension d'invalidité au taux de 33 %. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2017, rectifiée le 31 octobre 2019 quant au code de procédure et à la juridiction saisie. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme F..., - les conclusions de Mme C... D..., rapporteure publique, - et les observations de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. Le 6 décembre 2013, M. B..., né le 19 avril 1954, a sollicité une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie pour des séquelles de blessures au poignet, à la jambe et au pied droits causées par une explosion de munitions en 1961. Par une décision du 23 avril 2014, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que la preuve de l'imputabilité des blessures n'était pas établie. Par un jugement du 11 janvier 2017, le tribunal des pensions militaires d'Agen a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision et à l'organisation d'une expertise médicale. Par un arrêt avant-dire droit du 6 juin 2018, la cour régionale des pensions militaires d'Agen, estimant que les attestations produites étaient suffisamment précises et concordantes pour qu'il puisse être retenu que M. B... avait été blessé par une explosion de munitions en octobre 1961 à l'occasion de la découverte d'une cache d'armes, a annulé la décision du ministre de la défense et ordonné une expertise médicale afin de déterminer si des blessures en lien avec cet accident étaient à l'origine de séquelles ou d'infirmités, et le cas échéant de définir le taux d'invalidité correspondant. L'expert a déposé son rapport le 5 septembre 2019. 2. La loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense et le décret du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, pris pour l'application de l'article 51 de cette loi et portant diverses dispositions intéressant la défense, ont eu pour effet de transférer aux juridictions administratives de droit commun le contentieux des pensions militaires d'invalidité. Par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux est compétente pour statuer sur l'appel transmis en l'état par la cour régionale des pensions militaires d'Agen. Sur la demande d'une nouvelle expertise à confier à un autre expert : 3. L'expert a tenu compte de l'ensemble des pièces du dossier médical, pris contact avec les médecins traitants ancien et actuel de M. B..., et examiné ce dernier. Il a répondu de manière argumentée à la mission consistant à décrire les troubles présentés, les séquelles et les infirmités pouvant en résulter, et à donner son avis sur leur imputabilité à l'explosion de munitions survenue en 1961. Il a enfin répondu aux dires du conseil de M. B.... Les circonstances qu'il a évalué les taux d'invalidité en se fondant sur le " barème concours médical 2003 " au lieu du guide-barème applicable au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et qu'il a procédé à cette évaluation à la date de l'expertise et non à celle de la demande de pension, ne mettent en cause ni la régularité de l'expertise, ni le bien-fondé des conclusions selon lesquelles " seules les cicatrices visibles au niveau du poignet droit et du genou gauche pourraient être imputables aux conséquences de l'explosion " sans que soit reconnue une invalidité permanente clairement imputable à cet accident. Par suite, la demande d'une nouvelle expertise à confier à un autre expert et portant sur la même mission doit être rejetée. Sur le droit à pension de M. B... : 4. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 2 et du 3° de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicables à la date de la décision en litige, que les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ouvrent droit à pension à condition que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...). " Aux termes de l'article L. 6 de ce code : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. ". Il résulte de ces dernières dispositions que l'évaluation de l'invalidité au titre de laquelle la demande de pension est sollicitée doit être faite à la date de demande de la pension. 5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, l'expert a seulement retenu l'imputabilité à l'explosion de 1961 des cicatrices visibles au niveau du poignet droit et du genou gauche, lesquelles ne sont à l'origine d'aucune infirmité. Il a attribué la fatigabilité actuelle à la marche à une pathologie vasculaire en précisant, en réponse aux dires de M. B..., que l'artériopathie des membres inférieurs avec sténoses des artères ayant nécessité de lourds traitements à partir des années 2000 avait provoqué des claudications, une fatigabilité et des douleurs, et que les calcifications des artères liées à cette pathologie étaient visibles sur les radiographies. Dès lors que le dossier relatif au passé médical de M. B... ne mentionnait aucun " problème " autre que la cicatrice, et en l'absence d'anomalie lésionnelle à la radiographie, la raideur au poignet droit, portant au demeurant uniquement sur la flexion palmaire dans le secteur utile avec un faible retentissement fonctionnel, ne peut être attribuée avec certitude à l'accident de 1961. Enfin, l'expert a relevé l'absence de mention de séquelles psychologiques dans le suivi médical de M. B..., lequel n'évoque pas de cauchemars ou de reviviscence importante. Le " tempérament nerveux et inquiet " mentionné le 23 janvier 1998 par le médecin traitant fait référence à une inquiétude relative à la pathologie cardiaque, et aucun élément du dossier médical, notamment pas les certificats du 31 mars 2003 et du 9 juillet 2019 invoqués par le requérant, n'établissent une relation entre l'anxiété constatée et l'événement traumatique vécu en 1961. Par suite, M. B..., qui n'apporte aucun élément de nature à contredire les conclusions de l'expert, n'est pas fondé à se prévaloir d'infirmités ouvrant droit à une pension. 6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'Agen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées au titre des frais exposés à l'occasion de l'instance d'appel ne peuvent qu'être rejetées. 7. M. B... étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, les frais de l'expertise ordonnée par la cour régionale des pensions d'Agen, liquidés et taxés à la somme de 1 320 euros par ordonnance de la présidente de la cour du 11 mars 2020, doivent être mis à la charge définitive de l'Etat. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée par la cour régionale des pensions d'Agen, liquidés et taxés à la somme de 1 320 euros par ordonnance de la présidente de la cour du 11 mars 2020, sont mis définitivement à la charge de l'Etat. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. L... B... et à la ministre des armées. Une copie en sera adressée à M. I..., expert. Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient : Mme K... H..., président, Mme A... F..., présidente-assesseure, Mme E... G..., conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021. La rapporteure, Anne F... La présidente, Catherine H...La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 19BX04104
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANCY, 3ème chambre, 18/03/2021, 19NC03090, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre exécutoire n° 285, émis le 4 septembre 2017, par lequel le président de la communauté de communes de Freyming-Merlebach l'a constituée débitrice de la somme de 9 474,66 euros correspondant aux indemnités perçues en 2016. Par un jugement no 1705325 du 29 août 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ce titre exécutoire et déchargé Mme B... de la somme à payer. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2019, la communauté de communes de Freyming-Merlebach, représentée par Me E..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 29 août 2019 ; 2°) de rejeter la demande de Mme B.... Elle soutient que : - elle pouvait rétroactivement placer Mme B... à la retraite, d'autant que cette situation était plus avantageuse pour l'intéressée ; - la mise en disponibilité revêtait nécessairement un caractère provisoire permettant de régulariser avec effet rétroactif la situation de Mme B... à l'issue de la procédure ; - Mme B... ne pouvant pas prétendre à un congé de longue maladie ou de longue durée, la mise en disponibilité d'office s'imposait à compter du 14 janvier 2014 ; - la mise à la retraite avec effet rétroactif étant légale, le titre exécutoire n'est pas privé de base légale. Mme B... n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. D..., - les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public, - et les observations de Me C... pour la communauté de communes de Freyming-Merlebach. 1. Mme B..., adjointe administrative de 1ère classe, est employée par la communauté de communes de Freyming Merlebach. A la suite d'un syndrome dépressif, elle a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 26 avril 2012. Cette position statutaire a été renouvelée jusqu'à l'épuisement de ses droits à congé de maladie ordinaire le 13 janvier 2014. L'intéressée a alors sollicité un congé de longue maladie, qui a reçu un avis défavorable du comité médical départemental le 13 février 2014, confirmé par un avis du comité médical supérieur du 13 janvier 2015. Suivant l'avis du comité médical, le président de la communauté de communes de Freyming-Merlebach a placé Mme B... en disponibilité d'office à compter du 14 janvier 2014 pour une durée de dix-huit mois. A la suite de l'avis du 2 juillet 2015 par lequel le comité médical départemental a estimé que Mme B... était définitivement inapte à toutes fonctions et de l'avis de la commission de réforme du 10 septembre 2015 se prononçant en faveur de l'admission à la retraite de l'intéressée pour invalidité au taux de 15 %, le président de la communauté de communes a prolongé, par un arrêté du 21 septembre 2015, la mise en disponibilité de l'intéressée dans l'attente de l'avis de la Caisse Nationale de Retraites des Agents des Collectivités Locales (CNRACL) sur son admission à la retraite et a maintenu le versement d'un demi-traitement. Par un arrêté du 15 juin 2016, cette disponibilité d'office a été prolongée, pour les mêmes motifs, à compter du 1er janvier 2016. 2. A la suite de l'avis favorable de la CNRACL du 6 décembre 2016, le président de la communauté de communes de Freyming-Merlebach a, par un arrêté du 7 décembre 2016, admis celle-ci à la retraite pour invalidité rétroactivement à compter du 1er janvier 2016. Par un jugement du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les deux demandes de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2016, ainsi que de l'arrêté du 15 juin 2016 la plaçant d'office en disponibilité à compter du 1er janvier 2016. 3. Le 4 septembre 2017, la communauté de communes a émis un titre exécutoire à l'encontre de Mme B... en vue de récupérer la somme de 9 474,66 euros correspondant aux demi-traitements qu'elle avait perçus au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016. Par un jugement du 29 août 2019, dont la communauté de communes fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ce titre exécutoire. Sur le bien-fondé du jugement : 4. D'une part, aux termes de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986 : " La mise en disponibilité peut être prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues aux articles 81 à 86 de la loi du 26 janvier 1984. / La durée de la disponibilité prononcée en vertu du premier alinéa du présent article ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions dans les conditions prévues à l'article 26, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite (...) ". 5. D'autre part, aux termes de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987, dans sa rédaction issue du décret du 5 octobre 2011 : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. /Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 27 du décret du 26 décembre 2016 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales : " I. - La mise en paiement de la pension de retraite et de la rente d'invalidité ne peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres du fonctionnaire sauf dans les cas exceptionnels prévus à l'article R. 36 du code des pensions civiles et militaires de retraite. / II. - La pension est payée mensuellement et à terme échu. /Elle est due à compter du premier jour du mois suivant la cessation de l'activité. Toutefois, lorsque la liquidation de la pension intervient par limite d'âge ou pour invalidité, elle est due à compter du jour de la cessation d'activité. La rémunération est interrompue à compter du jour de la cessation d'activité. (...)". L'article R. 36 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que : " La mise en paiement de la pension de retraite ou de la solde de réforme peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres lorsque cette décision doit nécessairement avoir un effet rétroactif en vue soit d'appliquer des dispositions statutaires obligeant à placer l'intéressé dans une position administrative régulière, soit de tenir compte de la survenance de la limite d'âge, soit de redresser une illégalité ". 6. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Par suite, en l'absence de disposition législative l'y autorisant, l'administration ne peut, même lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d'admission à la retraite, à moins qu'il ne soit nécessaire de prendre une mesure rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d'âge, pour placer l'agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité. 7. Le président de la communauté de communes de Freyming-Merlebach a, par un arrêté du 7 décembre 2016, admis Mme B... à la retraite pour invalidité à compter du 1er janvier 2016, conférant ainsi une portée rétroactive à sa décision. Si la communauté de communes fait valoir que cette situation est plus avantageuse pour Mme B..., la pension étant plus élevée que le maintien du demi-traitement, et que son placement en disponibilité par un arrêté du 15 juin 2016 avait été prononcé provisoirement dans l'attente de l'avis de la CNRACL, il résulte de l'instruction que Mme B..., en disponibilité d'office depuis le 14 janvier 2014, n'avait pas épuisé ses droits à être placée dans cette position statutaire à la date de l'arrêté du 7 décembre 2016. Par suite, en l'absence de motif justifiant le caractère rétroactif de l'arrêté prononçant la mise à la retraite de Mme B... à compter du 1er janvier 2016, le président de la communauté de communes de Freyming-Merlebach n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler le titre exécutoire en litige, les premiers juges ont accueilli le moyen, invoqué par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de l'arrêté du 7 décembre 2016 la plaçant rétroactivement à la retraite à compter du 1er janvier 2016. Au surplus, par un arrêt n° 18NC01414 du 25 février 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé cet arrêté du 7 décembre 2016. Sur les frais liés à l'instance : 8. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la communauté de communes de Freyming-Merlebach demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de la communauté de communes de Freyming-Merlebach est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de Freyming-Merlebach et à Mme F... B.... N° 19NC03090 4
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 09/03/2021, 19DA02566, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille l'annulation de la décision du 24 octobre 2016 du ministre de la défense rejetant sa demande de concession de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 17/08 du 7 octobre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a fixé à 10 % le taux d'invalidité pour les " séquelles de hernie discale L4-L5 médiane et paramédiane droite, discopathie dégénérative lombaire étagée avec lombarthrose constituant un état antérieur, stigmates maladie de Scheuermann, lombalgies de repos et d'effort, fessalgies droites " et rejeté le surplus des conclusions de sa demande au motif que ces séquelles devaient être qualifiées de maladie et non de blessure. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2019, M. B..., représenté par Me A... B..., demande à la cour : 1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ; 2°) de lui concéder une pension après avoir retenu qu'il est atteint d'une blessure avec un taux d'invalidité de 10 % ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise médicale afin de rechercher la nature de son infirmité. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, - et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 3 juillet 1973, militaire engagé à compter du 1er octobre 1994 dans la marine nationale, a été rayé des contrôles le 23 mars 2014. Le 11 juillet 2013, l'intéressé a demandé une concession de pension à la suite de l'infirmité dont il est atteint après un lumbago aigu avec douleur à la fesse droite survenu après le port d'une charge lourde le 16 janvier 2013. Par une décision du 24 octobre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que le taux de cette infirmité était inférieur au minimum de 10 % requis pour l'ouverture d'un droit à pension, sans que l'origine de celle-ci ait à être recherchée. M. B... relève appel du jugement du 7 octobre 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande de concession de pension au motif que son infirmité résultait, non d'une blessure, mais d'une maladie dont le taux d'invalidité, après expertise, était inférieur à 30 %. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B..., devenu l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; /2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / a) 30 % en cas d'infirmité unique ; / b) 40 % en cas d'infirmités multiples (...) ". L'appréciation de l'infirmité, objet de la demande de concession de pension, s'apprécie à la date de dépôt de la demande, soit, en l'espèce le 11 juillet 2013. 3. M. B... a demandé une concession de pension pour des " séquelles de hernie discale L4-L5 médiane et paramédiane droite, discopathie dégénérative lombaire étagée avec lombarthrose constituant un état antérieur, stigmates maladie de Scheuermann, lombalgies de repos et d'effort, fessalgies droites ". Il ressort du rapport de l'expertise judiciaire du 31 mai 2018 du docteur Chochois, médecin des hôpitaux que celui-ci, après avoir pris connaissance de l'ensemble du dossier médical de M. B..., a constaté que l'intéressé a présenté le 16 janvier 2013, à la suite du port d'une charge lourde alors qu'il était en service, une lombo sciatique L4-L5 conflictuelle dont il persiste une infirmité à type d'irradiation sciatique L5 droite après avoir relevé que l'intéressé avait déjà présenté en 2006 un épisode analogue moins intense. Il relève que le scanner lombaire, réalisé le 31 janvier 2013 et l'imagerie par résonance magnétique nucléaire effectuée le 28 août 2013, ont mis en évidence un état antérieur de M. B... sous la forme de hernie de Scheuermann, soit une dystrophie rachidienne de croissance trouvée la plupart du temps à l'adolescence. Cependant, l'expert souligne que cet état antérieur lié à la maladie de Scheuermann n'a participé en rien au processus douloureux. Il conclut expressément à une infirmité à type d'irradiation sciatique L5 droite sans implication des hernies de Scheuermann et évalue au 11 juillet 2013 le taux d'invalidité de cette infirmité à 10 % avoir indiqué précisément que ce taux était " en conformité avec le barème des pensions militaires ". Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, si M. B... présentait un état antérieur dès lors qu'il était atteint d'une dystrophie rachidienne de croissance dénommée maladie de Scheuermann, cette maladie n'est toutefois pas en relation directe et déterminante avec la pathologie dont il souffre, selon les dires de l'expert qui sont dépourvus de toute ambigüité. Il en résulte que M. B... souffre d'une infirmité provoquée par une blessure résultant d'une lésion soudaine consécutive à un fait précis du service, et non d'une maladie, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise sur ce point précis, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a estimé qu'il souffrait d'une maladie et non d'une blessure au sens des dispositions de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en vigueur à la date de la décision en litige. 5. M. B... soutient ensuite que le taux d'invalidité de cette blessure a été fixé à 10 % par le dernier expert et qu'il est ainsi fondé à demander l'attribution d'une pension militaire d'invalidité à ce titre. Il résulte de l'instruction que si l'expertise réglementaire du 13 mars 2015 demandée par le ministre de la défense et l'avis du 14 avril 2015 du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du centre d'expertise médicale et de la commission de réforme, ont évalué à 8 % l'infirmité dont souffre l'intéressé, l'expert judiciaire, le docteur Chochois, a toutefois retenu un taux de 10 % pour cette infirmité à la date du 11 juillet 2013. Par suite, c'est à tort que le ministre de la défense a estimé, par la décision du 24 octobre 2016 attaquée, que l'infirmité de M. B... n'était pas de nature à lui ouvrir droit à une pension d'invalidité. 6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande de concession de pension. Sur les conclusions indemnitaires de M. B... : 7. M. B... demande le versement d'une somme globale de 12 000 euros au titre des souffrances endurées et de ses préjudices esthétique et d'agrément. Toutefois, ces conclusions sont irrecevables à défaut de liaison du contentieux en l'absence de demande préalable adressée à la ministre des armées. Sur les conclusions à fin d'injonction : 8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 qu'il y a lieu d'enjoindre à la ministre des armées de procéder à la liquidation de la pension de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, en prenant en compte le taux de 10 % applicable à son infirmité à compter du 11 juillet 2013, date de réception de sa première demande de concession de pension, avec intérêts au taux légal à compter de cette date. Sur les frais liés à l'instance : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... de la somme de 1 500 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 17/08 du 7 octobre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille est annulé. Article 2 : Il est enjoint à la ministre des armées de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, à la liquidation des droits à pension de M. B... tendant à la prise en compte de son infirmité résultant de sa blessure consécutive à un fait précis du service avec un taux d'invalidité de 10 % à compter du 11 juillet 2013, date de réception de sa première demande de concession de pension, avec intérêts au taux légal à compter de cette date. Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros au conseil de M. B... sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à la ministre des armées et à Me A... B.... 2 N°19DA02566
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Douai
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 09/03/2021, 19DA02709, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... E... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille l'annulation de la décision du 18 octobre 2016 du ministre de la défense rejetant sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses infirmités. Par un jugement n° 17/06 du 7 octobre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 6 décembre 2019, régularisée le 8 janvier 2020 et un mémoire enregistré le 16 novembre 2020, M. E..., représenté par Me C... F..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 18 octobre 2016 du ministre de la défense ; 3°) d'ordonner une nouvelle expertise ; 4°) à titre principal, d'enjoindre à l'Etat de lui accorder la révision de sa pension ou, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur sa demande dans un délai de quatre mois sous astreinte ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, - les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public, - et les observations de Me D... A... substituant Me C... F..., représentant M. E.... Considérant ce qui suit : 1. M. E..., né le 19 décembre 1949, militaire de carrière, radié des cadres à compter du 1er mars 1986, s'est vu accorder le 15 juillet 1987 une pension militaire d'invalidité au taux de 80 % pour deux infirmités au titre de maladies contractées pendant le service hors guerre le 5 avril 1973. Le 5 mars 2008, M. E... a demandé la révision de sa pension pour trois nouvelles infirmités, une artérite des membres inférieurs chez un sujet tabagique, une hypertension artérielle et une bascule du bassin entraînant un trouble dystatique lombaire. Sa demande a été rejetée par une décision du 6 avril 2009. Le 20 mars 2014, l'intéressé a de nouveau demandé la révision de sa pension pour une aggravation de ses infirmités et une infirmité nouvelle, l'artérite. Par une décision du 18 octobre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande. M. E... relève appel du jugement du 7 octobre 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la révision de sa pension. Sur la prise en compte de l'artérite comme nouvelle infirmité : 2. Par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires et d'invalidité de Lille a rejeté, comme irrecevable, la demande de M. E... du 20 mars 2014 tendant à la reconnaissance de l'artérite comme infirmité nouvelle en raison du caractère définitif de la décision du 6 avril 2009 de rejet de sa précédente demande de concession de pension pour cette infirmité. Si M. E... soutient qu'il produit des éléments nouveaux de nature à établir l'aggravation de son état de santé du fait d'une thrombose de l'artère fémorale du membre inférieur droit en se prévalant des certificats médicaux des 15 février 2014, 30 avril 2014 et 15 janvier 2019 du docteur Constantin et du 27 novembre 2019 du docteur Duprat, ces certificats médicaux, qui tantôt constatent, en des termes très généraux, une demande liée à l'aggravation de la paralysie du membre inférieur droit, tantôt se bornent à une description des troubles de l'intéressé, ne se prononcent pas sur l'imputabilité au service de l'artérite de M. E.... Ils ne sauraient donc être regardés comme des circonstances de fait nouvelles par rapport à la décision du 6 avril 2009 qui a statué sur la même infirmité, à savoir une artérite des membres inférieurs chez un sujet tabagique, en estimant qu'elle n'était pas imputable à un fait précis du service et en écartant également la présomption d'imputabilité au service. Par suite, en raison du caractère définitif de la décision de rejet du 6 avril 2009, la demande de M. E... tendant à ce que son artérite soit reconnue comme une infirmité nouvelle doit être rejetée. Sur l'aggravation des infirmités existantes : 3. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. E..., devenu l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " L'évolution des infirmités pensionnées s'apprécie sur une période comprise entre l'octroi de la pension et la date de dépôt de la demande de révision, soit, en l'espèce, entre le 15 juillet 1987 et le 20 mars 2014. 4. M. E... s'est vu concéder une pension militaire d'invalidité pour l'indemniser d'une paralysie partielle du membre inférieur droit et d'une lombosciatique avec épisodes aigus sur fond douloureux chronique, considérées comme des maladies contractées pendant le service hors guerre avec un taux global de 80 %. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expertise réglementaire du 29 mars 2016 du docteur Mazingue, neurologue, que celui-ci a constaté que la paralysie du nerf sciatique poplité externe restait complète et que celle du même nerf poplité interne restait importante. Il a estimé que l'aggravation de l'état de M. E... était vraisemblablement liée à l'artérite mais que celle-ci n'était pas imputable au service. Il a proposé ainsi le maintien du taux de 55 % pour la paralysie du nerf sciatique plus 5 % pour les douleurs. Contrairement à ce que soutient le requérant, ces conclusions ne sont pas contredites par l'expertise précédente du 8 février 2016 du docteur Mirode, cardiologue qui, s'il relève une thrombose, ne précise pas que celle-ci est liée à une artérite imputable à l'aggravation de l'infirmité initiale. Par suite, compte tenu de ce qui a été dit au point 2 et en l'absence d'éléments médicaux existants à la date de la demande de révision de pension, de nature à infirmer ces conclusions expertales, il ne résulte pas de l'instruction que l'infirmité relative à la paralysie partielle du membre inférieur droit dont souffre l'intéressé liée à l'atteinte du nerf sciatique et alors que l'intéressé était un sujet tabagique, aurait connu une aggravation imputable au service de nature à ouvrir droit, au profit de M. E..., à une révision de la pension d'invalidité perçue. 5. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande de révision de pension. Doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. E... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et à la ministre des armées. 2 N°19DA02709
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Conseil d'État, , 17/03/2021, 447959, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 17 décembre 2020 et les 14 janvier et 1er mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) d'annuler la réponse implicite de la sous-direction des pensions du ministère des armées rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité au terme de 12 mois d'instruction et de réserver une suite favorable au référé constat indispensable en l'espèce ; 2°) d'annuler l'enregistrement de son recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours de l'invalidité ; 3°) de suspendre l'exécution et d'annuler les dispositions du décret n° 2020-335 du 25 mars 2020 relatif aux recours administratifs préalables obligatoires examinés par la commission des recours des militaires et la commission de recours de l'invalidité ; 4°) d'ordonner une expertise sur pièces de la radio de 1997 dans le cadre du référé constat et au besoin l'intervention de M. C... ; 5°) d'instruire sa demande de pension militaire d'invalidité conformément aux dispositions du décret n° 2018-1292 du 28 décembre 2018 pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense et créant un recours administratif préalable obligatoire en matière de pensions militaires d'invalidité ; 6°) s'il le juge opportun d'organiser une médiation selon la procédure prévue à l'article L. 213-5 du code de justice administrative ; 7°) de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité avec effets rétroactifs à la date de la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national ; 8°) dans cette attente, de faire droit au versement de sa pension militaire d'invalidité qui devrait lui être attribuée ; 9°) de condamner la ministre des armées au versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ; 10°) de mettre à la charge de la ministre des armées la somme des frais exposés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens. Il soutient que : - la condition d'urgence et satisfaite ; - il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; - l'enregistrement de son recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours de l'invalidité et la procédure qui s'en est suivie sont illégaux dès lors que ce recours, déposé le 9 novembre 2020, a été soumis aux dispositions du décret n° 2020-335 du 25 mars 2020, alors que, d'une part, sa demande initiale de pension a été adressée par courriel à la sous-direction des pensions du ministère des armées le 18 novembre 2019 et l'enregistrement de cette demande lui a été notifié par courrier le 3 décembre 2019 et, d'autre part, une décision implicite de rejet de cette demande est née le 19 mars 2020, conformément à l'article R. 151-18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - cette situation porte atteinte au principe de sécurité juridique ; - la réforme introduite par le décret du 25 mars 2020 est entachée d'inconstitutionnalité ; - la commission de recours de l'invalidité, basée à Paris, n'est pas une juridiction indépendante dès lors que, d'une part, son dossier a été affecté à un rapporteur domicilié à la sous-direction des pensions de La Rochelle et, d'autre part, la commission de recours de l'invalidité l'a informé qu'elle était dans l'attente des observations de la sous-direction des pensions ; - l'instruction de sa demande de pension militaire d'invalidité et l'analyse de son état de santé et de son dossier médical sont entachées de vices et malversations. les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaire d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code du service national ; - le code de justice administrative ; Considérant que : 1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. 2. Le juge des référés du Conseil d'Etat ne peut être régulièrement saisi, en premier et dernier ressort, d'une requête tendant à la mise en oeuvre de l'une des procédures régies par le livre V du code de justice administrative que pour autant que le litige principal auquel se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure d'urgence qu'il lui est demandé de prendre ressortit lui-même de la compétence du Conseil d'Etat. L'article R. 522-8-1 du même code prévoit que, par dérogation aux dispositions du V du livre III relatif au règlement des questions de compétence au sein de la juridiction administrative, le juge des référés qui entend décliner la compétence de la juridiction rejette les conclusions dont il est saisi par voie d'ordonnance. 3. La requête de M. B..., présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, tend à contester, d'une part, la décision implicite de la sous-direction des pensions du ministère des armées rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité et, d'autre part, l'enregistrement de son recours préalable obligatoire auprès de la commission de recours de l'invalidité et la procédure qui s'en est suivie. Ce recours n'est manifestement pas au nombre de ceux dont il appartient au Conseil d'Etat de connaître en premier et dernier ressort en vertu des dispositions de l'article R. 311-1 du code de justice administrative. 4. Par ailleurs, les conclusions du requérant tendant à la suspension " des dispositions de la réforme de 2020 " à laquelle son recours a été soumis sont dirigées contre le décret n° 2020-335 du 25 mars 2020 publié le 27 mars 2020 au Journal officiel de la République française. Toutefois, le recours au fond formé par M. B... le 17 décembre 2020, enregistré sous le n° 447954 et tendant à l'annulation du décret du 25 mars 2020, a été introduit après l'expiration du délai contentieux et est donc tardif. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, du décret du 25 mars 2020 sont elles-mêmes irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées. 5. Il suit de là qu'il y a lieu de rejeter la requête de M. B..., y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du même code. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....ECLI:FR:CEORD:2021:447959.20210317
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CAA de DOUAI, 2ème chambre, 09/03/2021, 19DA02441, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille l'annulation de la décision du 15 mars 2018 du ministre de la défense rejetant sa demande de concession de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 18/10 du 3 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande. Par une requête, enregistrée le 5 août 2019, M. A... demande à la cour régionale des pensions militaires de Douai : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de lui concéder une pension après avoir revu le taux de son handicap ; 3°) d'ordonner une expertise médicale. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, - et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 6 mai 1971, a été incorporé à compter du 15 juillet 1993 pour effectuer son service militaire comme objecteur de conscience. Il a été rayé des contrôles au 1er avril 1995. Le 26 mars 2014, l'intéressé a demandé une concession de pension. Par une décision du 15 mars 2018, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que le taux des infirmités était inférieur au minimum de 10 % requis sans que l'origine de celles-ci ait à être recherchée. M. A... relève appel du jugement du 3 juin 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande de concession de pension. 2. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. A..., devenu l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; /2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / a) 30 % en cas d'infirmité unique ; / b) 40 % en cas d'infirmités multiples (...) ". L'appréciation de l'infirmité, objet de la demande de concession de pension, s'apprécie à la date de dépôt de la demande, soit, en l'espèce le 26 mars 2014. 3. M. A... a demandé une concession de pension pour trois infirmités, la première concernant des lombalgies chroniques, la deuxième concernant des séquelles de lésion du ménisque interne du genou gauche traitées chirurgicalement et la troisième concernant des séquelles de lésion du ménisque interne du genou droit traitées chirurgicalement, qu'il estime imputables à l'accident de circulation survenu le 14 octobre 1993 alors qu'il se rendait sur son lieu de travail. 4. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision du 15 mars 2018 attaquée que celle-ci est fondée sur le seul motif tiré de ce que les infirmités dont est atteint M. A... ont été estimées à des taux inférieurs au taux minimum de 10 % requis par l'article L. 4 du code des pensions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et que le ministre ne s'est pas prononcé sur l'origine de ces infirmités. Or, aucun élément produit n'est de nature à remettre en cause les conclusions du rapport d'expertise du 12 mai 2016 du docteur Cappelaere, rhumatologue, qui a fixé les taux d'invalidité à 2 % pour les lombalgies chroniques, 2 % pour les séquelles de lésion du ménisque interne du genou gauche et 1 % pour les séquelles de lésion du ménisque interne du genou droit. Par suite, le moyen soulevé par M. A... tiré de ce que ses infirmités seraient imputables au service est inopérant. 5. En second lieu, si M. A... fait valoir pour la première fois en appel qu'il a été victime de maltraitances sexuelles et qu'il souffre psychologiquement depuis vingt ans sans aucun suivi médical, il est constant qu'il n'a pas fait état de cette pathologie auprès du ministre de la défense le 26 mars 2014 lors de sa demande d'attribution de pension. 6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande de concession de pension. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées. 2 N°19DA02441
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Douai
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 23/02/2021, 19MA04780 - 19MA05385, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : I. M. B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 20 mai 2015 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, enregistrée le 3 juillet 2013, du fait de l'aggravation des acouphènes, infirmité au titre de laquelle il percevait une pension, et de la surdité dont est atteinte son oreille gauche. Par un jugement avant dire droit n° 16/00013 du 23 mars 2017, le tribunal des pensions de Marseille a ordonné une expertise médicale afin de déterminer les infirmités dont était atteint M. B... à la date de sa demande, et de chiffrer le pourcentage d'invalidité devant être retenu, en référence au guide barème. Par un jugement n° 16/00013 du 13 septembre 2018, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision du ministre de la défense du 20 mai 2015, et reconnu à M. B... un droit à pension pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale " au taux de 10%. II. M. B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 11 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, formulée le 1er juin 2015, du fait de l'aggravation de l'infirmité " acouphènes gauche permanents ", et de l'aggravation de la surdité de son oreille gauche. Par un jugement n° 19/00120 du 16 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées du 11 juillet 2018 et reconnu à M. B... un droit à pension au taux de 20% au titre de l'infirmité " acouphènes gauche permanents " et au même taux au titre de l'infirmité " hypoacousie gauche avec perte de sélectivité ". Procédure devant la Cour : I. Par un recours, enregistré le 8 novembre 2018, sous le n° 18/00031, et un mémoire, enregistré le 29 mars 2019, par la Cour régionale des pensions d'Aix-en Provence, la ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions de Marseille du 13 septembre 2018 et demande à la Cour d'annuler ce jugement. Elle soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - les premiers juges ont statué sur une infirmité différente de celle au titre de laquelle était formulée la demande de pension ; - la surdité de l'oreille gauche dont souffre M. B... est insuffisante pour ouvrir droit à pension. Par un mémoire, enregistré par le greffe de la Cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 14 juin 2019, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête de la ministre des armées. Il demande en outre, par la voie de l'appel incident, à ce que la pension militaire d'invalidité au titre de chacune des deux infirmités soit reconnue aux taux retenus par le tribunal des pensions de Marseille à compter de sa demande initiale, enregistrée le 3 juillet 2013, subsidiairement, à ce que sa pension soit révisée pour tenir compte de l'aggravation de son infirmité, et, enfin à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que la surdité dont il est affecté justifie que lui soit accordée une pension militaire d'invalidité au taux de 10%, que ce soit par la prise en compte d'une infirmité nouvelle ou par la reconnaissance de l'aggravation d'une infirmité, et que cette infirmité est entièrement imputable au traumatisme sonore qu'il a subi pendant son service en 1985. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire. Par des mémoires enregistrés les 5 décembre 2019 et 11 août 2020 par la Cour, la ministre des armées réitère ses conclusions initiales, par les mêmes moyens. Par un mémoire enregistré le 6 mai 2020 par la Cour, M. B... réitère ses conclusions initiales, par les mêmes moyens, et porte à 2 400 euros sa demande sa demande relative aux frais de l'instance. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2019. II. Par un recours, enregistré le 25 septembre 2019 par la Cour régionale des pensions d'Aix-en Provence, la ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions de Marseille du 16 août 2019 et demande à la Cour d'annuler ce jugement. Elle soutient que : - les premiers juges ne pouvaient retenir une infirmité, au taux de 10%, du fait d'un défaut de sélectivité de l'audition dès lors que, pour qu'une telle infirmité ouvre droit à pension, il faut que soit imputable au service l'atteinte auditive de deux oreilles ; - M. B... n'établit pas que son infirmité " acouphènes gauche " se soit aggravée. Par un mémoire, enregistré par le greffe de la Cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 6 mai 2020, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête de la ministre des armées. Il demande en outre, par la voie de l'appel incident, à ce que la pension militaire d'invalidité au titre de chacune des deux infirmités soit reconnue aux taux retenus par le tribunal des pensions de Marseille à compter de sa demande initiale, enregistrée le 3 juillet 2013, subsidiairement, à ce que sa pension soit révisée pour tenir compte de l'aggravation de son infirmité, et, enfin à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que les moyens de la requête de la ministre des armées ne sont pas fondés. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire. Par un mémoire, enregistré le 13 août 2020 par la Cour, la ministre des armées réitère ses conclusions initiales, par les mêmes moyens. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2020. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret n° 71-1129 du 3 décembre 1971 tendant à modifier le guide-barème des invalidités en matière de surdité pour l'attribution des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif et notamment son article 5 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me C..., représentant M. B.... Considérant ce qui suit : Sur la jonction : 1. Les recours susvisés nos 19MA04780 et 19MA1905385 concernent la situation d'un même militaire et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite d'y statuer par un même arrêt. Sur les droits à pension de M. B... : 2. M. A... B..., né le 30 juin 1960, gendarme retraité depuis le 1er janvier 2014, bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " acouphènes gauche permanents " au taux de 10%, accordée par arrêté du ministre de la défense du 30 mars 2015. Par un courrier enregistré le 3 juillet 2013 par la sous-direction des pensions du ministère de la défense, il a formulé une demande de révision de sa pension, en arguant de l'aggravation de l'infirmité pour laquelle il était pensionné et de la forte perte auditive de son oreille gauche. Sa demande a été rejetée par décision du 20 mai 2015 du ministre de la défense. M. B... a formulé une nouvelle demande, enregistrée le 8 juin 2015 par la sous-direction des pensions du ministère de la défense, compte tenu de l'aggravation de la surdité de son oreille gauche. Par une nouvelle décision du 11 juillet 2018, la ministre des armées a rejeté la demande de M. B..., au motif que l'infirmité " acouphènes gauche permanents " ne s'était pas accrue d'un taux supérieur ou égal à 10% et que l'hypoacousie gauche dont il souffrait n'atteignait pas le taux de 10% requis pour ouvrir droit à pension. La ministre des armées relève appel des jugements du 13 septembre 2018 et du 16 août 2019 par lesquels le tribunal des pensions de Marseille a, d'une part, annulé la décision du ministre de la défense du 20 mai 2015 et reconnu à M. B... un droit à pension pour l'infirmité " hypoacousie bilatérale " au taux de 10% et, d'autre part, a annulé sa décision du 11 juillet 2018 et reconnu à l'intéressé un droit à pension au taux de 20% au titre de l'infirmité " acouphènes gauche permanents " et au même taux, au titre de l'infirmité " hypoacousie gauche avec perte de sélectivité ". Par la voie de l'appel incident, M. B... demande à la Cour de reconnaître son droit à pension aux taux retenus par le tribunal des pensions de Marseille au titre de chacune de ses infirmités à compter de sa première demande de révision de sa pension, enregistrée le 3 juillet 2013. En ce qui concerne l'infirmité " hypoacousie " : 3. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version applicable à l'espèce : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " et aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...). / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage. ". Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité prévue à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le demandeur de la pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières de service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. D'autre part, en vertu de l'article L. 6 du même code, les juridictions de pensions doivent rechercher quel était le degré d'invalidité à la date de la demande et ne peuvent tenir compte d'aggravations survenues après cette date. S'agissant de la demande du 3 juillet 2013 : 5. Il ressort des termes de cette demande que M. B... a demandé la révision de sa pension au motif que s'étaient aggravés, d'une part, les acouphènes au titre desquels il bénéficiait d'une pension et, d'autre part, la surdité de son oreille gauche, constatée par audiogramme. Il doit être regardé comme ayant demandé par ce dernier point le bénéfice d'un droit à pension au titre de l'infirmité " hypoacousie gauche " et non " hypoacousie bilatérale ", comme l'a retenu à tort le tribunal des pensions de Marseille. 6. Il résulte de l'instruction que M. B... a été victime d'un traumatisme sonore, ayant impacté son oreille gauche, survenu en service le 26 juin 1985. Un bilan audiométrique réalisé le 15 janvier 1989 faisait état d'une perte auditive de 46,25 dB à l'oreille gauche et 22,5 dB à l'oreille droite. Un examen réalisé le 28 novembre 2013 à l'occasion de sa visite de fin de service indiquait une perte auditive respective de 50 dB pour l'oreille gauche et 43,75 dB pour l'oreille droite. L'audiogramme réalisé par le docteur Santini le 21 février 2014, expert mandaté par le ministère de la défense dans le cadre de la demande de révision de pension formulée par M. B..., mentionne quant à lui une perte auditive de 42,5 dB de l'oreille gauche et de 31,25 dB de l'oreille droite. Enfin, si le docteur Thomassin, expert désigné par le tribunal des pensions de Marseille par jugement avant dire droit du 23 mars 2017, afin de déterminer les infirmités dont était atteint M. B... à la date de sa demande, et de chiffrer le pourcentage d'invalidité devant être retenu, en référence au guide barème, a pour sa part évalué, sur la base de l'audiométrie du 28 novembre 2013, la perte auditive de l'oreille gauche à 63 dB et celle de l'oreille droite à 50 dB, il a considéré que l'asymétrie de perte auditive résultait du traumatisme sonore et que seul le différentiel de perte auditive entre les deux oreilles, s'élevant à 13 dB, pouvait être considéré comme résultant de la blessure. Dans ces conditions, dès lors qu'aucun examen audiométrique ne permet de retenir une perte de l'audition de l'oreille gauche imputable au service supérieure ou égale à 60 dB, seuil à partir duquel le guide-barème retient un taux d'infirmité de 10%, permettant l'ouverture d'un droit à pension, la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal des pensions de Marseille a, le 13 septembre 2018, annulé la décision du ministre de la défense du 20 mai 2015 et reconnu à M. B... un droit à pension, au taux de 10%, au titre de l'infirmité " hypoacousie bilatérale ". S'agissant de la demande du 8 juin 2015 : 7. Selon les termes du rapport d'expertise en date du 29 août 2016, réalisée par le docteur Benguigui, mandaté par l'administration pour examiner la demande de M. B..., ce dernier souffrait, à la date de l'examen, d'une " perte moyenne auditive droite de 35 dB et gauche de 51,25 dB, avec perte de sélectivité gauche ". La formulation des termes du rapport d'expertise, qui note : " surdité bilatérale et acouphènes gauche imputable (sic) au traumatisme sonore " ne permet pas de déterminer s'il a entendu reconnaître l'imputabilité au service des seuls acouphènes ou, en outre, de la surdité bilatérale dont souffre l'intéressé. L'expert, enfin, qui a proposé un taux de " surdité : 25 % (15% + 10% pour la perte de sélectivité) ; acouphènes : 20 % ", ne précise pas si le taux retenu est, intégralement ou en partie, imputable au service. 8. La ministre des armées fait valoir, d'une part, qu'à lui seul, le niveau de perte auditive de l'oreille gauche ne permet pas l'ouverture d'un droit à pension et, d'autre part, que la perte de sélectivité ne peut être prise en compte que lorsque l'hypoacousie des deux oreilles est reconnue imputable au service. 9. Aux termes du guide barème des invalidités résultant des diminutions d'acuité auditive, tel qu'il est annexé à l'article 1 du décret du 3 décembre 1971 susvisé, dans sa version applicable au litige : " pour tenir compte des pertes de sélectivité importantes qui peuvent être la conséquence d'une atteinte post-traumatique ou toxique, ces taux seront majorés de 10 lorsque, pour la meilleure oreille (...), la différence des seuils d'audition sur les fréquences 4 000 et 1 000 Hz (4 000-1 000) est égale ou supérieure à 50 dB, à la condition toutefois que la perte auditive moyenne en dB (PA) de la meilleure oreille soit inférieure à 60 dB, car la gêne fonctionnelle qui résulte d'une perte de sensibilité supérieure n'est que peu aggravée par la perte de sélectivité ". Il résulte de ces dispositions que la perte de sélectivité ne peut être prise en compte et entraîner une majoration de 10% que si l'imputabilité au service de l'atteinte auditive des deux oreilles est admise 10. Ainsi qu'il a été dit au point 7, le rapport d'expertise du docteur Benguigui ne permet pas d'établir l'imputabilité au service de l'atteinte auditive de l'oreille droite de l'intéressé, alors qu'il est constant que le traumatisme sonore dont a été victime M. B... a atteint son oreille gauche et qu'il n'est pas établi que la surdité dont est atteinte son oreille droite est la conséquence du traumatisme de l'oreille gauche. La perte de sélectivité dont souffre M. B... et dont, au demeurant, il n'a pas demandé l'indemnisation lors de sa demande de révision de pension, ne peut, par suite, majorer le taux d'infirmité reconnu au titre de son hypoacousie. Dans ces conditions, alors qu'il n'est pas utilement contesté que le taux d'infirmité à retenir au titre de la surdité de l'oreille gauche dont est affecté M. B... est inférieur à 10 % - il est de 7% - la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal des pensions de Marseille a, le 16 août 2019, annulé sa décision du 11 juillet 2018 en tant qu'elle rejetait la demande de pension de M. B... au titre de l'infirmité " hypoacousie gauche ", et lui a reconnu un droit à pension au taux de 20% au titre de l'infirmité " hypoacousie gauche avec perte de sélectivité ". En ce qui concerne l'infirmité " acouphènes permanents gauche " : 11. Aux termes de l'article L. 29 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la révision d'une pension pour aggravation de l'infirmité est subordonnée à la constatation médicale d'une aggravation de cette infirmité postérieurement à la concession d'une pension d'invalidité à titre définitif. 12. Il résulte des termes du jugement du tribunal des pensions de Marseille du 16 août 2019 que les premiers juges se sont fondés, pour annuler la décision de la ministre des armées en date du 11 juillet 2018 en tant qu'elle refusait de réviser la pension perçue par M. B... au titre de l'infirmité " acouphènes gauche permanents ", sur le rapport du docteur Benguigui du 29 août 2016, lequel indique, s'agissant des acouphènes, qu'ils sont " ressentis plus forts qu'au début ". En l'absence du tout autre élément corroborant cette affirmation, qui ne permet pas de déterminer un taux supplémentaire adéquat d'infirmité, une telle mention est insuffisante pour établir l'aggravation de l'infirmité pensionnée et la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal des pensions de Marseille a annulé sur ce second point sa décision et reconnu à M. B... un taux de 20 % au titre de l'infirmité ici en cause. 13. Il résulte de tout ce qui précède que les jugements du tribunal des pensions de Marseille du 13 septembre 2018 et du 16 août 2019 doivent être annulés. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. D É C I D E : Article 1er : Les jugements du tribunal des pensions de Marseille du 13 septembre 2018 et du 16 août 2019 sont annulés. Article 2 : Les demandes présentées par M. B... devant le tribunal des pensions militaires de Marseille et ses conclusions d'appel incident sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à M. A... B... et à Me C.... Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2021. 2 Nos 19MA04780, 19MA05385
Cours administrative d'appel
Marseille