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CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 17/05/2024, 21MA00962, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le centre communal d'action sociale (CCAS) de Six-Fours-les-Plages à lui payer la somme de 847 762, 60 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2017 ainsi que des intérêts capitalisés, en réparation de son préjudice résultant de deux accidents de service survenus les 26 mars 2007 et 21 janvier 2010. Par un jugement n° 1801194 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Toulon a condamné le CCAS de Six-Fours-les-Plages à payer à Mme C... la somme de 97 215 euros avec intérêts à compter du 12 novembre 2017 capitalisés à compter du 13 novembre 2018, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, outre la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Avant de statuer sur l'appel formé par le centre communal d'action sociale de Six-Fours-les-Plages contre le jugement n° 1801194 du 4 février 2021 du tribunal administratif de Toulon, la cour a, par un arrêt avant dire droit n° 21MA00962 du 25 novembre 2022 : - annulé le jugement n° 1801194 rendu le 4 février 2021 par le tribunal administratif de Toulon dans la limite des conclusions de l'appel principal du centre communal d'action sociale de Six-Fours-les-Plages et de l'appel incident de Mme C... ; - engagé la responsabilité sans faute du centre communal d'action sociale de Six-Fours-les-Plages du fait des accidents de service dont a été victime Mme C... les 26 mars 2007 et 21 janvier 2010 ; - rejeté les conclusions de Mme C... tendant à voir engagée la responsabilité pour faute du centre communal d'action sociale de Six-Fours-les-Plages ; - rejeté les conclusions présentées par Mme C... tendant à l'indemnisation de la perte de revenus et de l'incidence professionnelle en lien avec les accidents des 26 mars 2007 et 21 janvier 2010 ainsi que ses conclusions à fin de provision ; - rejeté les conclusions de la caisse des dépôts et consignation, en sa qualité de gestionnaire de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ; - ordonné une mesure d'expertise en vue de : 1°) décrire l'ensemble des préjudices pouvant être regardés comme imputables aux accidents de service dont elle a été victime les 26 mars 2007 et 21 janvier 2010 en distinguant, le cas échéant entre d'une part, ce qui caractérise un état préexistant et indépendant desdits accidents et ce qui est en lien avec ceux-ci ; 2°) déterminer la nature et la durée du déficit fonctionnel temporaire ; 3°) fixer la date de consolidation de son état ; 4°) chiffrer le taux de son déficit fonctionnel permanent ; 5°) décrire ses souffrances physiques, psychiques, ou morales, endurées du fait de ces accidents et les évaluer sur une échelle de 1 à 7 ; 6°) donner un avis médical sur l'impossibilité pour la victime de se livrer à des activités spécifiques de loisirs, ou d'agrément et le caractère définitif de cette impossibilité ; 7°) dire s'il existe un préjudice sexuel et le décrire ; 8°) indiquer si l'assistance d'une tierce personne a été ou est encore nécessaire, la durée de cette assistance, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d'intervention quotidienne), si des appareillages, des fournitures complémentaires, et si des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir ; 9°) fournir à la cour toute précision utile sur les dépenses de santé à charge et frais divers qui ont été exposés pour Mme B... C... ou devront l'être dans le futur, en complément des frais déjà exposés ; Par une ordonnance du 23 février 2023, la présidente de la cour a désigné le docteur D... en qualité d'expert. Le rapport de l'expert a été enregistré au greffe de la cour le 12 février 2024. Par un mémoire, enregistré le 19 mars 2024, Mme B... C..., représentée par Me Varron-Charrier, demande à la cour : 1°) de lui adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures ; 2°) de réformer le jugement n° 1801194 rendu le 4 février 2021 par le tribunal administratif de Toulon, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes indemnitaires ; 3°) de débouter le centre communal d'action sociale de Six-Fours-les-Plages de l'ensemble de ses demandes ; 4°) statuant à nouveau, de condamner le centre communal d'action sociale de Six-Fours-les-Plages à l'indemniser de ses dépenses de santé à venir sur présentation des justificatifs et à lui verser la somme totale de 876 230,84 euros en réparation de ses préjudices avec intérêts au taux légal à compter de la date de la demande préalable et capitalisation annuelle ; 5°) de condamner le centre communal d'action sociale de Six-Fours-les-Plages aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise ; 6°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Six-Fours-les-Plages la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - elle était présente sur les lieux lors des deux accidents survenus en 2007 et 2010 ; - elle ne présentait aucun trouble antérieur avant les accidents dont elle a été victime ; Par un mémoire, enregistré le 22 avril 2024, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Six-Fours-les-Plages, représenté par la SELARL Grimaldi et associés, agissant par Me Grimaldi, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 février 2021 sur les demandes indemnitaires de Mme C... conformément au rapport d'expertise du docteur D... ; 2°) de réformer ce jugement en ramenant à de plus justes proportions l'indemnisation du préjudice de déficit fonctionnel permanent subi par Mme C... eu égard à l'antériorité de son état de santé ; 3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - l'état psychologique préexistant de Mme C... fait obstacle à ce que les préjudices dont elle demande réparation soient regardés comme directement et exclusivement imputables aux accidents de service dont elle a été victime ; - les frais et dépenses de santé dont la requérante demande réparation ne sont pas établis ; - la cour a déjà statué sur l'absence d'indemnisation de la perte de gains professionnels et l'incidence professionnelle dont la requérante demande réparation ; - la requérante n'établit pas la nécessité d'une aide par une tierce personne ; - la date de consolidation de l'état de santé de la requérante doit être fixée, comme l'indique l'expertise, au 21 juillet 2011 ; - les demandes d'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent sont surévaluées ; - la requérante ne justifie pas la réalité d'un préjudice sexuel ni d'un préjudice d'établissement ; - l'évaluation des souffrances endurées doit être fixée à 3 500 euros conformément à la nomenclature Dinthilhac ; - la réalité d'un préjudice d'agrément dont la requérante demande réparation n'est pas établie. Le 30 avril 2024, un mémoire a été enregistré pour Mme B... C... qui n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code des pensions civiles et militaires ; - le code général de la fonction publique ; - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud ; - les conclusions M. Gautron, rapporteur public ; - les observations de Me Belahouane, représentant le CCAS de Six-Fours-les-Plages, et celles de Me Varron Charrier, représentant Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. Le centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune de Six-Fours-les-Plages relève appel du jugement n° 1801194 du 4 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon l'a condamné à payer à Mme C... la somme de 97 215 euros, avec intérêts à compter du 12 novembre 2017 capitalisés à compter du 13 novembre 2018, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date en tant qu'il a accordé une indemnisation du préjudice de déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'agrément qui devra être ramenée à de plus justes proportions. Par la voie de l'appel incident, Mme C... relève appel incident de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait totalement droit à ses conclusions indemnitaires. 2. Par un arrêt avant-dire droit du 25 novembre 2022, la cour a annulé le jugement attaqué dans la limite des conclusions de l'appel principal du CCAS de Six-Fours-les-Plages et de l'appel incident de Mme C..., engagé la responsabilité sans faute du CCAS du fait des accidents de service dont a été victime Mme C... les 26 mars 2007 et 21 janvier 2010, rejeté les conclusions de Mme C... tendant à voir engagée la responsabilité pour faute du CCAS et celles présentées par Mme C... tendant à l'indemnisation de la perte de revenus et de l'incidence professionnelle en lien avec ces accidents ainsi que ses conclusions à fin de provision, rejeté les conclusions de la caisse des dépôts et consignation, en sa qualité de gestionnaire de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. La cour a, en outre, ordonné une expertise en vue de décrire l'ensemble des préjudices pouvant être regardés comme imputables aux accidents de service dont Mme C... a été victime les 26 mars 2007 et 21 janvier 2010. Le rapport de l'expert a été enregistré au greffe de la cour le 12 février 2024. 3. Par son arrêt avant-dire droit du 25 novembre 2022 la cour a jugé que Mme C... était fondée à demander à son employeur, le CCAS de Six-Fours-Les-Plages, même en l'absence de faute de celui-ci, la réparation des préjudices patrimoniaux qui ne peuvent être regardés comme réparés forfaitairement par la pension ou la rente tels que les dépenses de santé et frais divers liés à l'invalidité ou le déficit fonctionnel permanent ainsi que des préjudices personnels subis tels que les souffrances physiques ou morales, le préjudice d'agrément ou le préjudice sexuel en lien direct et certain avec les accidents des 26 mars 2007 et 21 janvier 2010. Sur les préjudices subis par Mme C... : 4. Mme C... a été victime de deux accidents le 26 mars 2007 à la suite d'une explosion survenue sur son lieu de travail et le 21 janvier 2010 lorsqu'un ouvrier a chuté à travers le toit d'une pièce voisine provoquant un bruit important. Ces deux accidents ont été reconnus imputables au service. S'il résulte de l'instruction qu'elle n'était pas présente sur les lieux-mêmes de ces accidents, ces derniers lui ont toutefois fait subir successivement des chocs émotionnels post-traumatiques, à l'origine de troubles psychiques ayant acquis un caractère permanent. La consolidation correspond au moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu'un traitement n'est plus nécessaire si ce n'est pour en éviter l'aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente réalisant un préjudice définitif. La consolidation de l'état de Mme C... est fixée par l'expert à la date du 27 juillet 2011. Si l'intéressée soutient que la consolidation de son état n'a été acquise qu'à la date du 6 décembre 2013, comme l'ont retenu les premiers juges, il résulte toutefois de l'instruction que les troubles dont elle souffre, caractérisés par un syndrome de stress post-traumatique chronique et d'une décompensation anxio-dépressive sévère avaient acquis un caractère permanent à la date retenue par le Dr D..., expert judiciaire désigné par la cour, Mme C... n'étant pas atteinte d'une pathologique évolutive. Dans ces conditions, il y a lieu pour la cour de retenir la date de consolidation fixée par l'expert au 21 juillet 2011. 5. Le rapport d'expertise remis le 12 février 2024 par l'expert désigné par la cour expose qu' " il n'est pas possible d'affirmer que ces manifestations sont directement et exclusivement imputables aux accidents de service dont elle a été victime les 26 mars 2007 et 21 janvier 2010 ", que " leur intensité et leur pérennisation ne peuvent être que l'expression d'une personnalité sensitive préexistante " et qu' " elles ne peuvent s'expliquer que par un trouble de la personnalité préexistant et indépendant desdits accidents ". Il résulte toutefois de l'instruction, des expertises psychiatriques antérieurement menées par des médecins spécialistes, et notamment des conclusions du docteur A... du 3 août 2019, de celles du docteur E... d'avril 2014, de celles du docteur F... du 5 février 2015, que si les troubles dont est atteinte Mme C... évoquent par certains aspects des traits de personnalité histrionique, cette dernière ne présentait aucun antécédent psychopathologique avant le premier accident de service dont elle a été victime en 2007 et qu'elle est atteinte d'une pathologie psychiatrique sévère et complexe en lien direct avec les deux accidents de services. En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : S'agissant des dépenses de santé actuelles : 6. Aux termes du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa version applicable au litige : " (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. ". 7. Il résulte de ces dispositions que doivent être pris en charge au titre de l'accident de service les arrêts de travail et les frais médicaux présentant un lien direct et certain avec l'accident initial y compris, le cas échéant, s'ils interviennent postérieurement à la date de consolidation constatée par l'autorité compétente. 8. Mme C... demande le remboursement de la somme de 1 472,24 euros correspondant aux frais médicaux restés à sa charge pour des soins en kinésithérapie, orthophonie, ostéopathie, de consultations chez son médecin généraliste et chez un médecin psychiatre, ainsi que les frais de transport par taxi. Toutefois, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que les troubles dont elle est atteinte en conséquence des deux accidents de service auraient rendu nécessaires des soins autres que les consultations auprès d'un médecin psychiatre, d'autre part, Mme C... n'établit pas la réalité du reste à charge des frais qu'elle a engagés, alors, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'il résulte de l'instruction que le CCAS de Six-Fours-Les-Plages n'a ni refusé de prendre ces frais en charge ni, par conséquent, méconnu cette obligation prévue par les dispositions précitées au point 6. Ses demandes de remboursement des dépenses et frais de santé doivent donc être rejetées. S'agissant des dépenses de santé futures : 9. Les dispositions précitées du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, qui prévoient, en cas de maladie provenant de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans ou à l'occasion de l'exercice des fonctions, le remboursement au fonctionnaire des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident s'appliquent à l'agent qui n'est plus en activité, alors même que le premier alinéa du même article 57 mentionne les " fonctionnaires en activité ". L'administration employeur à la date de l'accident ou au cours de la période à laquelle se rattache la maladie professionnelle est ainsi tenue de prendre en charge les honoraires et les frais exposés à ce titre postérieurement à la sortie de service de l'agent. 10. Mme C... demande pour ce chef de préjudice une somme de 10 000 euros. Toutefois, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, les dépenses de santé futures ne sont pas justifiées par la requérante qui ne produit aucun document permettant de déterminer l'existence et le quantum de tels frais et se borne à indiquer qu'elle souffre toujours des conséquences de son accident de service de sorte qu'elle est suivie par de nombreux praticiens. Cette demande doit donc être rejetée. En outre, et dès lors qu'en vertu du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, désormais remplacé par l'article L. 822-24 du code général de la fonction publique, Mme C... a droit au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par ses accidents de service, il n'y a pas lieu de condamner le CCAS de Six-Fours-Les-Plages à l'indemniser de ces frais. S'agissant de la perte de gains professionnels passés, de la perte des droits à la retraite et de l'incidence professionnelle : 11. Comme cela résulte de l'arrêt avant-dire droit du 25 novembre 2022, Mme C... ne peut demander au CCAS de Six-Fours-les-Plages, en l'absence de faute de celui-ci, qu'une indemnité complémentaire réparant les préjudices patrimoniaux d'une autre nature que la perte de revenus et l'incidence professionnelle ainsi que les préjudices personnels. Les demandes de Mme C... tendant à l'indemnisation de pertes de gains professionnels avant et après consolidation, de la perte de droits à la retraite et de l'incidence professionnelle ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées. S'agissant de l'assistance d'une tierce personne : 12. Mme C... fait valoir que son état rend nécessaire la présence d'une tierce personne pour l'aider dans les tâches quotidiennes. L'expertise judiciaire ne retient toutefois la nécessité pour Mme C... d'aucune assistance par une tierce personne. Ce constat n'est pas utilement contredit par les pièces versées au dossier par l'intéressée. Par suite, la demande d'indemnisation de ce préjudice ne peut qu'être rejetée. En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux : S'agissant du déficit fonctionnel temporaire : 13. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise réalisé à la demande de la cour, que Mme C... a subi une période de déficit fonctionnel temporaire entre le 21 janvier 2010 et le 21 juillet 2011, date de consolidation de son état de santé, de 30 %. Le préjudice subi, à ce titre, peut être évalué à la somme de 1 620 euros. Par suite, l'indemnité de 9 200 euros accordée par le tribunal administratif de Toulon doit être ramenée à 1 620 euros. S'agissant du déficit fonctionnel permanent : 14. Mme C..., âgé de cinquante-et-un ans et demi à la date de consolidation de son état de santé, fixée au 21 juillet 2011, présente, selon le rapport d'expertise judiciaire un déficit fonctionnel permanent de 30 % à raison de sa pathologie psychiatrique. Ainsi, compte-tenu de l'âge de Mme C... à la date de la consolidation de son état de santé, il y a lieu d'indemniser ce préjudice en l'évaluant à la somme de 45 000 euros. Par suite, l'indemnité de 78 000 euros accordée par le tribunal administratif de Toulon doit être ramenée à 45 000 euros. S'agissant des souffrances endurées et du préjudice moral : 15. Le rapport d'expertise judiciaire évalue les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées par Mme C... à 3 sur une échelle de 1 à 7. Toutefois, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la requérante ne se prévaut pas d'autres atteintes que celles déjà indemnisées par le poste déficit fonctionnel permanent et l'allocation de la rente viagère d'invalidité au titre des pertes de revenus. Sa demande tendant à la réparation de ces postes de préjudice doit, dès lors, être rejetée. S'agissant du préjudice sexuel : 16. Si Mme C... demande l'indemnisation de ce préjudice à hauteur de 40 000 euros, il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel préjudice serait caractérisé. Cette demande indemnitaire doit être rejetée. S'agissant du préjudice d'agrément : 17. Si le rapport d'expertise écarte l'indemnisation de ce préjudice au motif qu'aucun des troubles dont Mme C... se trouve atteinte ne fait obstacle à des activités spécifiques de loisirs ou d'agrément, il résulte toutefois de l'instruction que Mme C... pratiquait, avant les accidents de service dont elle a été victime, diverses activités sportives dont les spécificités rendent la pratique désormais impossible compte tenu de certains de ses troubles phobiques. Dans ces conditions, il sera fait une juste évaluation de ce préjudice en la fixant à 2 000 euros. Sur le préjudice d'établissement : 18. Si Mme C... demande, pour la première fois en appel, l'indemnisation de ce préjudice, il ne résulte pas de l'instruction que les troubles dont elle se trouve atteinte lui auraient fait perdre une chance de réaliser normalement un projet de vie familiale. La demande d'indemnisation de ce préjudice doit être rejetée. 19. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité que le CCAS des Six-Fours-les-Plages a été condamnée à payer au titre des préjudices subis par Mme C... doit être ramenée à la somme de 48 620 euros. Sur les intérêts et leur capitalisation : 20. La demande préalable de Mme C... ayant été reçue par le CCAS de Six-Fours-les-Plages le 12 novembre 2017, l'intéressée a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 48 620 euros à compter de cette date. 21. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois le 12 avril 2018. Il y a donc lieu de faire droit à cette demande à compter du 13 novembre 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Sur les frais liés au litige : 22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS de Six-Fours-les-Plages quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions de mettre à la charge de Mme C... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CCAS de Six-Fours-les-Plages et non compris dans les dépens. Sur les frais d'expertise : 23. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ". 24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge définitive de Mme C... les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 400 euros par l'ordonnance de la présidente de la cour du 28 février 2024. DÉCIDE : Article 1er : La somme que le tribunal administratif de Toulon a mise à la charge du CCAS de Six-Fours-les-Plages au titre des préjudices subis par Mme C... est ramenée à 48 620 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2017. Les intérêts dus sur la période précitée seront capitalisés à compter du 13 novembre 2018, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Article 2 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 2 400 euros par l'ordonnance de la présidente de la cour du 28 février 2024, sont mis définitivement à la charge de Mme C.... Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 février 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Mme C... versera au CCAS de Six-Fours-les-Plages la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au centre communal d'action sociale de Six-Fours-les-Plages, à la caisse des dépôts et consignations et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var. Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente ; - Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure ; - M. Nicolas Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2024. 2 N°21MA00962 cm
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 17/05/2024, 22MA03017, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... et son assureur, la société d'assurance Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de condamner la ville de Marseille à payer à Mme B... la somme de 12 510 euros, en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident dont elle a été victime le 11 décembre 2017 au sein de l'école où elle travaillait ; d'autre part, de condamner la ville de Marseille à payer à la MAIF la somme de 5 809,30 euros qu'elle a exposée pour le compte de Mme B... suite à l'accident dont celle-ci a été victime. Par un jugement no 2007812 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a, par ses articles 1 et 2, condamné la ville de Marseille à verser respectivement à Mme B... et à la MAIF les sommes de 5 212 euros et de 5 809,30 euros, par son article 3, condamné la ville de Marseille à verser à l'Etat la somme de 41 802,42 euros, par son article 4, mis les frais d'expertise d'un montant de 900 euros à la charge définitive de la ville de Marseille, par son article 5, mis à la charge de la ville de Marseille une somme globale de 1 500 euros à verser à Mme B... et à la MAIF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par son article 6, condamné l'Etat à garantir la ville de Marseille à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre et, par son article 7, rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 décembre 2022 et 24 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour de réformer ce jugement du 14 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il a refusé de condamner la ville de Marseille à rembourser à l'Etat le montant de sa créance née de l'allocation temporaire d'invalidité dont Mme B... bénéficie en conséquence de son accident. Il soutient que : - il a concédé à Mme B... une allocation temporaire d'invalidité à compter du 1er février 2019 jusqu'au 31 janvier 2024 d'un montant de 6 888,45 euros, laquelle est susceptible d'être concédée à titre définitif pour un capital s'élevant à la somme de 39 600,32 euros ; - il est fondé à demander que cette prestation d'invalidité s'impute tant sur les postes de préjudice à caractère économique que sur celui afférent au déficit fonctionnel permanent ; l'article 8 ter du décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 confirme que l'allocation temporaire d'invalidité indemnise l'invalidité permanente, comprise dans le poste du déficit fonctionnel permanent ; - le tribunal a à tort refusé d'imputer sa créance sur les postes de préjudice à caractère personnel et de condamner la ville de Marseille à lui rembourser le montant de sa créance. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 février 2023 et 13 juin 2023, Mme B... et la MAIF, représentées par Me Gasparri Lombard, concluent : 1°) à titre principal, au rejet de la requête et des conclusions présentées par la ville de Marseille ; 2°) à titre subsidiaire, à ce que l'indemnité réclamée par l'Etat soit répartie " au marc l'euro " entre la MAIF et l'Etat. Elles font valoir que : - le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, imputable à la ville de Marseille, est caractérisé ; - Mme B... n'a commis aucune faute d'imprudence ; - l'allocation temporaire d'invalidité est une prestation qui n'est définitive ni dans son quantum ni dans son principe et ne peut s'imputer sur l'indemnisation d'un poste de préjudice à caractère personnel tel que le déficit fonctionnel permanent ; - le Conseil d'Etat a confirmé la nature patrimoniale de cette prestation qui ne peut s'imputer que sur les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle ; Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2023, la ville de Marseille, représentée par Me Phelip, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille ; à titre subsidiaire, au rejet de l'ensemble des sommes réclamées par l'Etat et à ce que l'Etat soit condamné à la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre ; en tout état de cause, à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - sa responsabilité ne saurait être engagée en l'absence de défaut d'entretien normal de la rampe à l'origine de sa chute et de la faute d'imprudence commise par la victime ; - les sommes allouées par le tribunal en remboursement des frais exposés par le recteur de l'académie d'Aix-Marseille sont injustifiées ; - la réalité de la créance exposée par le ministre de l'économie n'est pas justifiée ; - l'Etat doit être condamné à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre. Les parties ont été informées le 12 mars 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'offices, tirés de : - l'irrégularité du jugement en l'absence de mise en cause de la mutuelle générale de l'éducation nationale ; - l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident de la ville de Marseille tendant à contester la condamnation prononcée par le tribunal à verser à l'Etat la somme de 41 802,42 euros, lesquelles soulèvent un litige distinct. Mme B... et la MAIF ont répondu à ces moyens d'ordre public par des mémoires enregistrés les 12 mars 2024 et 18 mars 2024. La procédure a été communiquée à la mutuelle générale de l'éducation nationale qui n'a pas produit d'observations. Par un courrier du 19 mars 2024, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a indiqué à la cour que seul le recteur de l'académie d'Aix-Marseille était compétent pour présenter devant la cour des observations au nom de l'Etat. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'éducation ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Danveau, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - et les observations de Me Lombard, pour Mme B... et la MAIF. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., professeur titulaire à l'école primaire Bois Lemaitre à Marseille, a été victime d'un accident le 11 décembre 2017, en raison d'une chute au niveau de la rampe d'accès reliant le préau à l'intérieur du bâtiment, qu'elle impute au revêtement du sol particulièrement glissant. Par un jugement du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a condamné la ville de Marseille à indemniser Mme B... des préjudices résultant de son accident et à rembourser à la société d'assurance Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), agissant en qualité d'assureur subrogé dans les droits de Mme B..., les sommes exposées pour le compte de cette dernière. Le tribunal a par ailleurs condamné la ville de Marseille à rembourser à l'Etat les traitements versés à son agent durant les arrêts de travail ayant résulté de son accident et les dépenses de santé engagées pour son compte. Il a revanche, d'une part, rejeté la demande du ministre de l'économie et des finances tendant à ce que la ville de Marseille soit condamnée à rembourser à l'Etat le montant de sa créance née de l'allocation temporaire d'invalidité dont Mme B... bénéficie en conséquence de son accident, d'autre part, condamné l'Etat à garantir la ville de Marseille à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre. 2. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 14 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il a refusé de condamner la ville de Marseille à lui rembourser le montant de sa créance née de l'allocation temporaire d'invalidité. La ville de Marseille conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, par la voie de l'appel provoqué, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille. Mme B... et la MAIF concluent au rejet de la requête du ministre et des conclusions présentées par la ville de Marseille. Sur les conclusions présentées par la ville de Marseille : En ce qui concerne la responsabilité : 3. Aux termes de l'article L. 212-4 du code de l'éducation : " La commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement. ". 4. Il appartient à l'usager victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve, d'une part, de la réalité de ses préjudices, et, d'autre part, de l'existence d'un lien de causalité direct entre cet ouvrage et le dommage qu'il a subi. La collectivité en charge de l'ouvrage public peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure. 5. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que l'accident dont a été victime Mme B... le 11 décembre 2017, ayant eu pour conséquence une déformation dorsale de l'avant-bras droit, une fracture diaphysaire inférieure du radius avec discrète bascule dorsale du fragment distal, et une fracture de la styloïde ulnaire, a pour seule cause le fait qu'elle a chuté au sein de l'école primaire Bois Lemaitre à Marseille, alors qu'elle empruntait avec ses élèves le plan incliné reliant l'intérieur du bâtiment au préau, lequel, bien que couvert, était rendu humide par la circulation des usagers en raison du temps pluvieux. Les attestations des témoins directs de l'accident révèlent que, quelles que soient les circonstances, le revêtement de ce passage incliné est particulièrement glissant et accidentogène, les pièces produites montrant que des élèves et une autre enseignante de l'école ont chuté au même endroit, lequel constitue en outre le seul passage reliant le préau aux salles de classe. Le signalement de cette défectuosité par la directrice de l'école le 13 décembre 2017 confirme que plusieurs chutes avaient déjà eu lieu à cet endroit, qualifié d'accidentogène, avant celle de Mme B.... Par ailleurs, les différents comptes-rendus de conseil d'école versés aux débats, en présence d'un représentant de la commune qui a reconnu la dangerosité du sol du préau, soulignent la nécessité de poser un revêtement " moins glissant en cas de pluie ; plusieurs accidents ayant déjà eu lieu ". Eu égard aux caractéristiques de cet ouvrage et à son usage au sein de l'école, la ville de Marseille, dont l'attention avait été appelée plusieurs fois sur sa dangerosité et qui se borne à faire état de la faible pente du passage, de la présence d'une rampe de maintien et à alléguer que le revêtement était conforme à la réglementation en vigueur, ne peut être regardée comme apportant la preuve d'un entretien normal de l'ouvrage. 6. La circonstance que Mme B..., qui travaille au sein de l'établissement scolaire, connaissait les lieux et ne pouvait ignorer le caractère glissant du revêtement, ne permet pas d'établir, compte tenu de la dangerosité avérée des lieux que l'enseignante empruntait avec ses élèves au moment de sa chute et de la destination du plan incliné, constituant le seul passage reliant le préau aux salles de classe, sans qu'il résulte par ailleurs de l'instruction qu'elle n'aurait pas pris toutes les précautions requises le jour de l'accident, une imprudence fautive de l'intéressée de nature à exonérer la commune de sa responsabilité. 7. Par suite, la ville de Marseille n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel provoqué, que sa responsabilité ne saurait être engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public. En ce qui concerne la condamnation à payer la somme de 41 802,42 euros au titre des prestations versées par le recteur de l'académie d'Aix-Marseille : 8. Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille justifie avoir versé à Mme B..., professeur des écoles, d'une part, des traitements d'un montant total de 39 533,83 euros correspondant à la période d'indisponibilité de l'agent du 12 décembre 2017 au 7 juillet 2018, consécutive à son accident du 11 décembre 2017, d'autre part, des dépenses de santé en lien avec cet accident d'un montant de 2 268,59 euros. A cet égard, l'état liquidatif des traitements et la liste détaillée des prestations de santé, signée et émanant de la direction des services départementaux de l'éducation nationale des Bouches-du-Rhône, indiquent de manière suffisamment précise la nature et l'objet des prestations servies, dont le remboursement n'est pas subordonné au versement préalable de ces frais, et ne sont pas utilement remis en cause par la ville de Marseille, qui reproduit à l'identique son argumentation développée en première instance et se borne à faire état d'une erreur de date sur une des périodes de versement du traitement. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, les conclusions présentées, par la voie de l'appel incident, par la ville de Marseille tendant à demander l'annulation du jugement du tribunal en tant qu'il la condamne, à son article 3, à payer la somme de 41 802,42 euros au titre de la créance exposée par le recteur d'académie d'Aix-Marseille doivent être rejetées. En ce qui concerne l'appel en garantie : 9. En vertu de l'article R. 421-10 du code de l'éducation, il incombe au chef d'établissement en qualité de représentant de l'Etat de prendre toutes dispositions, en liaison avec les autorités compétentes, pour assurer notamment la sécurité des personnes et des biens. En vertu de ces dispositions, la ville de Marseille demande à la cour à être entièrement garantie par l'Etat des sommes mises à sa charge. Il résulte de l'instruction que la directrice de l'établissement n'a signalé la défectuosité du revêtement à la commune que le 13 décembre 2017, soit postérieurement à l'accident de Mme B..., alors que ce signalement faisait également état de sa propre chute et de celles impliquant des élèves et une autre enseignante, toutes étant antérieures à l'accident litigieux. Ainsi, celle-ci doit être regardée comme n'ayant pas pris les mesures de sécurité appropriées de nature à prévenir les accidents. Toutefois, il résulte des éléments exposés au point 5 que l'accident dont a été victime Mme B... a pour cause le caractère excessivement glissant du revêtement du préau concernant particulièrement le plan incliné reliant l'intérieur du bâtiment au préau, dont l'entretien incombe à la ville de Marseille. Dans ces conditions, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation de la responsabilité de la ville de Marseille en laissant à sa charge la moitié des condamnations prononcées à son encontre. Par suite, les conclusions de cette dernière, présentées par la voie de l'appel incident, tendant à ce que la cour condamne l'Etat à la garantir de l'intégralité des sommes mises à sa charge doivent être rejetées. Sur la demande de remboursement de la créance de l'Etat au titre de l'allocation temporaire d'invalidité : 10. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant disposition statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, applicable à la date de l'arrêté portant attribution à Mme B... de l'allocation temporaire d'invalidité : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement (...). Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " L'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (...) est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux rémunérable au moins égal à 10 % (...). ". 11. Aux termes de l'article L. 825-1 du code général de la fonction publique : " L'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère administratif disposent de plein droit contre le tiers responsable du décès, de l'infirmité ou de la maladie d'un agent public, par subrogation aux droits de ce dernier ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à l'agent public ou à ses ayants droit et de toutes les charges qu'ils ont supportées à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie ". 12. Il résulte de l'instruction que Mme B... bénéficie, suite à son accident de service du 11 décembre 2017, d'une allocation temporaire d'invalidité sur la base d'une incapacité permanente partielle de 10 %, au titre de la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2024, par arrêté du 7 octobre 2019 et après avis favorable de la commission de réforme. 13. Il résulte de l'instruction que l'Etat verse, en sa qualité d'employeur, à Mme B..., une allocation temporaire d'invalidité depuis le 1er février 2019, accordée par arrêté du 7 octobre 2019, d'un montant annuel de 1 377,69 euros, soit une somme totale de 6 888,45 euros calculée sur la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2024. Eu égard aux dispositions de l'article L. 825-1 du code général de la fonction publique visées au point précédent, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique dispose de plein droit contre la ville de Marseille, en sa qualité de tiers responsable des dommages subis par Mme B..., d'une action en remboursement de la prestation d'invalidité versée à son agent, sans qu'ait d'incidence les circonstances que cette allocation n'a pour objet de réparer que les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle et que Mme B... n'a été indemnisée que de ses seuls préjudices personnels. Toutefois, si le ministre demande que le paiement annuel de cette prestation soit converti en capital à hauteur d'une somme de 39 600,32 euros, il se borne à soutenir que celle-ci est " susceptible d'être concédée à titre définitif à l'issue de la période quinquennale " et ne justifie pas qu'une décision définitive d'attribution de l'allocation aurait été prise, alors que la pension d'invalidité est, par principe, toujours attribuée à titre temporaire, conformément aux dispositions citées au point 10. Il suit de là que l'Etat est seulement fondé à demander le remboursement de l'allocation temporaire d'invalidité versée sur la période du 1er février 2019 au 31 janvier 2024, et ce dans la limite de la part de responsabilité incombant à la ville de Marseille, fixée à 50 %. Par suite, la ville de Marseille doit être condamnée à rembourser à l'Etat le montant de sa créance née de l'allocation temporaire d'invalidité versée à Mme B..., à hauteur de la somme de 3 444,22 euros. 14. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par Mme B... et la MAIF, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir, dans la limite évoquée au point précédent, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande à ce titre. Sur les frais du litige : 15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la ville de Marseille présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La ville de Marseille est condamnée à payer à l'Etat la somme de 3 444,22 euros. Article 2 : Le jugement no 2007872 du 14 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à Mme A... B..., à la société d'assurance Mutuelle assurance des instituteurs de France, au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la commune de Marseille. Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Aix-Marseille et à la mutuelle générale de l'éducation nationale. Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, où siégeaient : - Mme Fedi, présidente de chambre, - Mme Rigaud, présidente assesseure, - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2024. N° 22MA03017
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 21/05/2024, 22BX02305, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 18 décembre 2019 par laquelle la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de la zone de défense et de sécurité sud-ouest a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre, d'enjoindre à cette autorité de le placer rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour l'ensemble de ses arrêts de travail successifs et de procéder à la reconstitution de sa carrière, enfin de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices que l'illégalité de cette décision lui a causés. Par un jugement n° 2000581 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté ces demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 23 août 2022 et un mémoire enregistré le 5 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Alibert, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 30 mai 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 18 décembre 2019 par laquelle la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de la zone de défense et de sécurité sud-ouest a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation des préjudices que lui a causé l'illégalité de cette décision ; 4°) d'enjoindre à la préfète de le placer rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour l'ensemble de ses arrêts de travail successifs et de procéder à la reconstitution de sa carrière ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé au regard du moyen tiré de l'irrégulière composition de la commission de réforme ; - la décision de refus d'imputabilité litigieuse est insuffisamment motivée ; - il n'a pas été mis en mesure de prendre connaissance des rapports établis par sa hiérarchie à l'intention du comité médical ; - sa maladie est imputable au service. Par des mémoires enregistrés les 27 mars et 7 novembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que les conclusions indemnitaires sont irrecevables, faute de liaison du contentieux, et que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Vu : - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties de la tenue de l'audience publique. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B... ; - les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique ; - et les observations de Me Ghettas, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a exercé les fonctions de brigadier-chef de police au sein de la circonscription de la sécurité publique de Pau à compter du 1er juillet 2013 avant d'être affecté à la circonscription de sécurité publique de Lourdes par une décision du 23 mars 2020. Le 10 décembre 2018, il a présenté une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie à l'origine des arrêts de travail qui lui ont été prescrits du 6 mars 2015 au 5 septembre 2016 puis du 12 au 31 octobre 2016. A l'issue de sa réunion du 10 décembre 2019, la commission de réforme du ministère de l'intérieur a émis un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Par une décision du 18 décembre 2019, la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de la zone de défense et de sécurité sud-ouest a refusé de reconnaître cette imputabilité. M. A... relève appel du jugement du 30 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision du 18 décembre 2019, d'autre part à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices que l'illégalité de cette décision lui a causés et, enfin, à ce qu'il soit enjoint à la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de la zone de défense et de sécurité sud-ouest de le placer rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service durant les périodes correspondant à ses arrêts de travail et de procéder à la reconstitution de sa carrière. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si M. A... soutient que le jugement attaqué a insuffisamment répondu au moyen relatif au vice de procédure concernant la composition de la commission de réforme, il ressort au contraire de ce jugement que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, ont répondu de façon circonstanciée à ce moyen. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la légalité de la décision du 18 décembre 2019 : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". L'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Enfin, en application de l'article L. 211-6 du même code : " (...) Les dispositions du présent chapitre ne dérogent pas aux textes législatifs interdisant la divulgation ou la publication de faits couverts par le secret. ". 4. En application des dispositions des articles R. 4127-4 et R. 4127-104 du code de la santé publique relatives au secret médical, la commission de réforme ne fournit à l'administration ou à l'organisme employeur qu'un avis qui ne comporte pas les raisons médicales qui le motive. 5. La décision litigieuse du 18 décembre 2019, qui vise les dispositions réglementaires et législatives applicables, et précise que " l'ensemble des pièces du dossier ne permet pas d'établir que la pathologie de M. A... est essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions ", comporte ainsi l'énoncé des considérations de faits et de droits qui en constituent le fondement. Cette décision est dès lors suffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " (...) Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. (...) ". 7. M. A... a été informé, par un courrier électronique du 2 décembre 2019, que sa demande d'imputabilité au service serait examinée par la commission de réforme lors de sa séance du 10 décembre 2019, et qu'il avait la possibilité de consulter personnellement les pièces administratives de son dossier et, par l'intermédiaire du médecin de son choix, la partie médicale du dossier transmis à la commission de réforme. En réponse, M. A... a sollicité le 4 décembre 2019 la transmission, par voie électronique, de ces pièces médicales ainsi que d'une version " scannée " de son dossier administratif. Par courrier électronique du 5 décembre suivant, l'administration a alors adressé à son médecin traitant l'ensemble des pièces médicales transmises à la commission de réforme. 8. M. A... fait valoir qu'il ressort de l'avis rendu par la commission de réforme que le dossier soumis à celle-ci par l'administration contenait deux rapports hiérarchiques relatifs à sa demande de reconnaissance d'imputabilité, datés des 27 décembre 2018 et 28 février 2019, et soutient que ceux-ci ne lui ont pas été adressés et n'ont pas davantage été envoyés à son médecin traitant. Il ressort toutefois de la lettre adressée par son conseil au président de la commission de réforme le 6 décembre 2019 pour demander le report de la réunion de cette commission que M. A... a consulté son dossier administratif le même jour et que ce dossier comportait notamment des " rapports de l'autorité hiérarchique " au sujet desquels il entendait faire des observations. En outre, M. A... a lui-même produit devant le tribunal administratif les deux rapports considérés. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pu en prendre connaissance avant la réunion de la commission de réforme ni, par conséquent, qu'il n'a pas pu présenter d'observations sur ces mêmes rapports devant cette commission en méconnaissance du principe du contradictoire. 9. En troisième lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 10. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 11. M. A... a été placé en congé de longue maladie à compter du 27 mai 2010 en raison d'un état dépressif consécutif au suicide, dans des circonstances particulièrement dramatiques, d'un de ses collègues et ami. M. A... ne conteste pas en appel que la pathologie psychiatrique dont il souffre procède de cet épisode traumatique, ainsi que le relève le rapport établi le 14 avril 2019 par un psychiatre dans le cadre de la demande de reconnaissance d'imputabilité de sa maladie, mais il soutient que cette pathologie a été réactivée par ses conditions de travail à sa reprise du service au sein de la direction départementale de la sécurité publique de Pau, d'abord sur un poste de chef d'unité à compter à compter du 1er septembre 2013, puis au bureau des plaintes à compter du 1er septembre 2014. 12. D'une part, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport établi par sa supérieure hiérarchique directe le 15 septembre 2014, dont entend se prévaloir M. A..., ainsi que des courriers de la commissaire de police chef du service de sécurité de proximité et du directeur départemental des 3 février et 23 mars 2015, que sa promotion en qualité de chef d'unité a été " mal accueillie " par les membres de cette unité, réputée par ailleurs indisciplinée. Toutefois, si l'appelant soutient qu'on lui aurait assigné pour mission de faire remonter à sa hiérarchie les écarts de comportement des agents placés sous son autorité et qu'il aurait fait en conséquence l'objet d'insultes et de menaces de ces derniers sans obtenir de soutien de sa hiérarchie, il ne l'établit pas. Il ressort, au contraire, du rapport susmentionné qu'il n'a établi aucun rapport écrit faisant état de ces insultes et de ces menaces et qu'il a bénéficié d'un soutien régulier de sa hiérarchie, laquelle a d'ailleurs procédé à la mutation de trois des membres de l'unité concernée dans le souci de l'aider à affirmer son autorité. Il ressort également de ce rapport que, pour diverses raisons, M. A... a été très souvent absent au cours de cette période et que " le fait d'être chef de brigade était alors ressenti par ce fonctionnaire comme une sanction l'empêchant d'accéder à ses demandes personnelles ". Il a d'ailleurs entrepris, dès le mois d'avril 2014 des démarches pour ne plus exercer ces responsabilités en indiquant " avoir échoué dans ses missions ". 13. C'est à sa demande que M. A... a ensuite été affecté au sein du service chargé de l'enregistrement des plaintes sur un poste d'adjoint ne comportant aucune fonction d'encadrement. S'il a été de nouveau mal accueilli par les agents en poste, il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports et lettres mentionnés au point 12, que la persistance des difficultés relationnelles de M. A... au sein de ce service était directement liée à sa faible implication et à sa très faible productivité. En outre, si M. A... attribue le malaise dont il a été victime le 6 mars 2015 aux brimades de ses collègues et de sa hiérarchie, laquelle lui a pourtant fourni une formation et un accompagnement personnalisé, il ne produit aucun élément à l'appui de cette allégation. 14. D'autre part, M. A... se prévaut également de plusieurs rapports de visites médicales recommandant un changement d'affectation géographique pour éviter une nouvelle rechute de sa maladie. Toutefois, ces rapports sont postérieurs à la période de congé de maladie considérée, sont dépourvus de toute précision et n'imputent pas la réactivation de sa maladie à un contexte professionnel particulièrement éprouvant. En outre, il ressort de l'expertise du 14 avril 2019 que M. A... présentait un état antérieur de fragilité, ainsi qu'en atteste la durée de l'épisode dépressif qu'il a subi entre 2010 et 2012, et tenant notamment selon l'expert à ce qu'il présente une personnalité anankastique. 15. Enfin, M. A... ne peut utilement se prévaloir, dans le cadre de la présente instance, d'évènements postérieurs aux congés de maladie qu'il considère imputables au service, et en particulier à sa mise en cause injustifiée pour des faits de dénonciation calomnieuse en 2018 ou aux difficultés relationnelles et professionnelles auxquelles il a de nouveau été confronté après sa mutation à Lourdes en janvier 2020. 16. Il résulte de ce qui précède que la dégradation de l'état de santé de M. A... ayant conduit à ses arrêts de travail du 6 mars 2015 au 5 septembre 2016 puis du 12 au 31 octobre 2016 ne peut être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou des conditions de travail de nature à susciter le développement ou la réactivation de sa pathologie. Par suite, il n'établit pas que ces congés de maladie étaient imputables au service au sens et pour l'application des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. 17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2019 ainsi que ses demandes subséquentes. Par suit, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices que lui a causé cette décision, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient : M. Laurent Pouget, président, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure, M. Manuel Bourgeois, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2024. Le rapporteur, Manuel B... Le président, Laurent PougetLa greffière, Chirine Michallet La République mande et ordonne ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°22BX02305 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de DOUAI, , 16/05/2024, 24DA00482, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen d'ordonner une expertise, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, portant sur l'évaluation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la faute de l'administration résultant de l'erreur d'appréciation dans la fixation du taux d'invalidité résultant de l'accident du 24 septembre 1962 dont il a été victime dans le cadre de ses fonctions en qualité de militaire. Par une ordonnance n° 2300413 du 23 février 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande et désigné un expert. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 et 26 mars 2024, le ministre des armées demande au juge des référés de la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. B.... Il soutient que : - le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a considéré à bon droit que le prononcé d'une mesure d'expertise aux fins que soit déterminé le taux d'invalidité dont M. B... est atteint, était dépourvu d'utilité compte tenu du caractère définitif de la décision du 16 novembre 2022, - le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a toutefois commis une erreur de droit en considérant que la demande d'expertise n'était pas manifestement dépourvue d'utilité au regard du recours indemnitaire formé par M. B..., enregistré sous le n° 2302194, - compte tenu du caractère définitif de la décision du 16 novembre 2022 que M. B... n'a pas contestée, ce dernier n'est pas recevable à présenter des conclusions indemnitaires devant le juge du fond de sorte que la mesure d'expertise qui s'y rattache ne présente pas de caractère utile, - en tout état de cause, et en l'état de l'instruction, la mesure d'expertise ne présente pas de caractère utile en l'absence de lien de causalité entre le fait générateur et les préjudices invoqués. Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2024, M. B..., représenté par Me Elisa Haussetete conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - il souffre d'une importante raideur au genou droit à la suite d'un accident survenu durant son service militaire en septembre 1962, - le taux d'invalidité imputable à cet accident, évalué à 8 % par le docteur A..., médecin conseil du ministre des armées, et retenu par la commission de réforme de l'invalidité, est arbitraire et en totale contradiction avec les conclusions médicales du docteur G... qu'il a mandaté, - le docteur G... établit un lien de causalité entre la ménisectomie subie en 1962 et la gonarthrose actuellement constatée, contrairement au docteur A... qui indique qu'il n'est pas objectivement possible de faire la part de ce qui pourrait revenir au traumatisme direct du genou droit survenu en septembre 1962, - au regard de ces éléments contradictoires, la mesure d'expertise présente une utilité certaine, - en tout état de cause, à la date à laquelle il a formulé sa demande d'expertise, il n'était pas forclos à introduire une action indemnitaire contre l'administration, la mesure d'expertise sollicitée est par conséquent utile à la solution du litige pendant devant le tribunal administratif de Rouen dans le cadre de l'instance n° 2302194. Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat du 3 mai 2024 désignant Mme H... C..., première vice-présidente, présidente de la cour administrative d'appel de Douai par intérim. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, - le code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 8 décembre 1943, est actuellement retraité de l'administration pénitentiaire. Il a été appelé à servir dans l'armée française en Algérie du 9 février 1962 au 9 août 1963. En septembre 1962, à Oran, M. B... a été victime d'un accident de service provoquant une déchirure méniscale externe du genou droit. Il a également subi deux autres accidents dans le cadre de ses fonctions de surveillant de prison, le premier survenu en août 1987 causant un traumatisme au genou gauche, le second survenu en mai 1996 causant un nouveau choc au genou droit. Depuis lors, M. B... présente une importante raideur au genou droit. Dans ce contexte, l'intéressé a sollicité le 18 janvier 2021 le versement de la pension militaire d'invalidité (PMI) pour les séquelles de rupture du ménisque externe du genou droit consécutive à la blessure qu'il a reçu lors de son service militaire le 24 septembre 1962. Par décision du 13 juin 2022, le service des pensions et des risques professionnels a rejeté sa demande au motif que le taux d'invalidité imputable au service de son infirmité était inférieur au seuil réglementaire de 10 % requis pour ouvrir droit à la PMI. M. B... a contesté cette décision devant la commission de réforme de l'invalidité qui, par décision du 16 novembre 2022, a confirmé le rejet de sa demande estimant que le service des pensions et des risques professionnelles n'avait entaché sa décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation. C'est dans ce contexte que M. B... a saisi le juge des référés du tribunal administratif en Rouen afin que soit ordonnée une mesure d'expertise portant sur l'évaluation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du refus fautif de l'administration de lui octroyer le bénéfice de la pension militaire d'invalidité. Le ministre des armées relève appel de l'ordonnance du 23 février 2024 par laquelle la juge des référés de ce tribunal a fait droit à sa demande et désigné le docteur F... en qualité d'expert. 2. Aux termes de l'article L. 555-1 du code de justice administrative : " Sans préjudice des dispositions du titre II du livre V du présent code, le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet est compétent pour statuer sur les appels formés devant les cours administratives d'appel contre les décisions rendues par le juge des référés ". Aux termes de l'article R. 532-1 du même code : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'utilité d'une mesure d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise si cette dernière est formulée à l'appui de prétentions indemnitaires dont il est établi qu'elles sont irrecevables ou prescrites et, dans l'hypothèse où est opposée une forclusion ou une prescription, il lui incombe de prendre parti sur ces points. Sur l'utilité de la mesure d'expertise : 3. D'une part, aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la défense : " Les militaires bénéficient des régimes de pensions ainsi que des prestations de sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale. / (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / (...) ". Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille. 4. D'autre part, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant le même objet. Ainsi, toute demande ultérieure présentée devant le tribunal administratif qui, fondée sur la seule illégalité de cette décision, tend à l'octroi d'une indemnité correspondant aux montants non versés ou illégalement réclamés est irrecevable. 5. Pour contester l'utilité de la mesure d'expertise prescrite par le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, le ministre des armées soutient que les conclusions indemnitaires présentées dans le cadre de l'instance n° 2302194 qui remettent directement en cause la légalité de la décision de la commission de recours de l'invalidité du 16 novembre 2022 sont tardives et que, par suite, l'action en responsabilité intentée contre l'Etat dans le cadre de cette instance à laquelle ladite mesure se rattache est irrecevable. 6. Il résulte de l'instruction que par une requête enregistrée sous le n° 2302194, M. B... a saisi le tribunal administratif de Rouen de conclusions indemnitaires tendant à ce que l'Etat lui verse une somme globale de 52 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive de la décision de la commission du 16 novembre 2022 confirmant le rejet de sa demande de pension. Il sollicite précisément la réparation du " préjudice matériel " correspondant aux pertes de revenus à compter du 18 janvier 2021, date de dépôt de sa demande de pension, et aux troubles dans ses conditions d'existence compte tenu des divers frais médicaux restés à sa charge. Il demande en outre la réparation du préjudice moral s'y rapportant. Les conclusions indemnitaires présentées par M. B... dans le cadre de cette instance ont ainsi le même objet que la pension militaire d'invalidité qui, eu égard à ce qui a été rappelé au point 3 de la présente ordonnance, vise également à réparer les pertes de revenus consécutives à l'incapacité physique et les troubles ressentis dans les conditions d'existence. Il est cependant constant, et d'ailleurs non contesté, que cette décision régulièrement notifiée est devenue définitive, faute pour M. B... de l'avoir contestée dans le délai de recours contentieux qui lui était imparti pour ce faire. Par conséquent, sa demande d'indemnisation, exclusivement fondée sur l'illégalité fautive d'une décision à objet purement pécuniaire devenue définitive et tendant au versement des sommes dont il s'estime avoir été privé à tort à la suite du refus de la commission de lui octroyer le bénéfice de ladite pension, n'est pas recevable. Dans ces conditions, la mesure d'expertise ordonnée en première instance ne présente pas le caractère d'utilité requis par les dispositions de l'article R. 532-1 du code justice administrative. 7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a fait droit à la demande de M. B... et désigné un expert. ORDONNE : Article 1er : L'ordonnance de la juge des référés du tribunal administratif de Rouen du 23 février 2024 est annulée. Article 2 : La demande d'expertise présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre des armées, à M. E... B... et à M. D... F..., expert. Fait à Douai le 16 mai 2024. La première vice-présidente de la cour, Présidente de la cour par intérim, signé Marie-Pierre C... La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. Pour expédition conforme, La greffière en chef, Bénédicte Gozé N°24DA00482 2
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de NANCY, 1ère chambre, 16/05/2024, 23NC02015, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par un jugement n° 2203476 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de Mme B.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin 2023 et 3 octobre 2023, Mme B..., représentée par Me Miquet, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy et l'arrêté du 21 octobre 2022 ; 2°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ou subsidiairement, d'enjoindre au préfet de réexaminer son dossier sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Elle soutient que : S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour : - la décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ; - la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet de Meurthe-et-Moselle a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation concernant son état de santé ; - la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentale et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - la décision méconnaît le pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet pour l'admettre au séjour. S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français : - la décision est fondée sur une décision de refus de séjour qui est elle-même illégale ; - la décision est insuffisamment motivée. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Peton, première conseillère, - et les observations de Me Miquet pour Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 24 septembre 1975, déclare être entrée en France le 22 avril 2018. Après avoir obtenu deux autorisations provisoires de séjour, le 23 novembre 2021, Mme B... a sollicité le renouvellement de son titre séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 octobre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de titre de séjour, fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée. Mme B... relève appel du jugement du 23 mars 2023, par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la légalité de l'arrêté du 21 octobre 2022 : 2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". 3. Mme B... soutient être entrée en France en 2018. Elle se prévaut de la présence en France de son père, lequel est en situation régulière et perçoit, en sa qualité d'ancien combattant, une pension militaire d'invalidité. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est hébergée chez ses parents et qu'elle entretient des liens réguliers avec son frère et sa sœur qui sont de nationalité française. Par ailleurs, l'état de santé de Mme B..., laquelle précise souffrir d'un syndrome de Hodgkin, nécessite un soutien qui lui est apporté par ses proches présents en France. Cette dernière n'ayant par ailleurs plus de liens familiaux au Maroc à la suite de son divorce. Enfin, Mme B... est accompagnée de ses deux enfants mineurs, nés en 2009 et 2014, tous les deux scolarisés en France. En conséquence, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Dès lors, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 4. L'annulation de la décision portant refus de séjour emporte nécessairement l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. 5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 6. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de Meurthe-et-Moselle délivre à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder à la délivrance de ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés à l'instance : 7. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Miquet, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Miquet de la somme de 1 500 euros. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2203476 du tribunal administratif de Nancy est annulé. Article 2 : L'arrêté du 21 octobre 2022 du préfet de Meurthe-et-Moselle est annulé. Article 3 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à Me Miquet, avocat de Mme B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Miquet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Miquet, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle. Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - M. Sibileau, premier conseiller, - Mme Peton, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024. La rapporteure, Signé : N. PetonLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, S. Robinet 2 N° 23NC02015
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 21/05/2024, 21VE02426, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a contesté devant le tribunal administratif d'Orléans la décision du 9 février 2018 du ministre des armées rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité et demandé d'ordonner une expertise médicale. Par un jugement n° 1903876 du 15 juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 août 2021 et le 23 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Moumni, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 9 février 2018 ; 3°) d'ordonner une expertise afin d'évaluer le taux d'invalidité et le lien d'imputabilité au service ; 4°) d'enjoindre au ministre des armées de prendre une décision d'imputabilité au service dans un délai de deux mois sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - le tribunal a omis de statuer sur sa demande d'annulation de la décision du 9 février 2018 ; - la concordance des temps entre la survenance des douleurs et le service constitue un fait précis ; - compte tenu de son anomalie morphologique, le sport intensif a déclenché des douleurs aux genoux ; elle bénéficie ainsi d'une présomption d'imputabilité ; - elle n'avait aucun signe de gonarthrose avant son intégration ; - sa maladie n'est pas rattachable à un fait précis mais aux conditions de service ; - l'administration ne démontre pas que la pratique sportive n'a pas aggravé son état. Par deux mémoires en défense enregistrés le 17 décembre 2021 et le 27 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - à la date de la demande de pension, la présomption d'imputabilité invoquée par la requérante n'existait pas ; - ses douleurs aux genoux n'ont pas été constatées pendant une période ouvrant droit au bénéfice de la présomption ; - les conditions générales de service ne constituent pas une preuve d'imputabilité ; - elle ne rapporte pas la preuve de l'imputabilité au service. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 février 2022 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Le Gars, - et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... a souscrit un contrat d'engagement dans l'armée de l'air de quatre ans le 5 mai 2011. A l'issue de son contrat, elle a été radiée des cadres le 5 mai 2015. Le 30 juillet 2017 elle a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour des gonalgies. Par décision en date du 9 février 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'expertise en contestant la légalité de cette décision. Sur la régularité du jugement : 2. Si Mme A... soutient que le tribunal a omis de statuer sur sa demande d'annulation de la décision du 9 février 2018, il ressort toutefois de ses écritures de première instance qu'elle ne demandait pas expressément l'annulation de cette décision. En tout état de cause, pour rejeter la demande d'expertise présentée par Mme A..., le tribunal s'est prononcé sur le bien-fondé de la décision du 9 février 2018 en considérant que Mme A... ne rapportait aucun fait précis ni circonstances particulières lesquelles ne peuvent être constituées par les exercices sportifs imposés pendant les classes, auxquels pourrait être imputée sa pathologie, et que par conséquent, une expertise n'était pas justifiée. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. ". Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'elle n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'elle a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile. 4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code dans sa version applicable à la date de la demande instaurant les conditions d'une présomption d'imputabilité lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire : " (...)La présomption définie au présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. " 5. Il résulte des dispositions précitées que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques. 6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui n'allègue pas avoir accompli des services en temps de guerre, campagne de guerre ou en opération extérieure ne se trouvait dans aucun des cas limitativement prévus par les dispositions précitées au point 4 de l'article L. 121-2 dans sa rédaction alors en vigueur du code des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre dans lesquels la présomption d'imputabilité s'applique. 7. En second lieu, Mme A... soutient que la pratique intensive de sport pendant ses classes est à l'origine de la gonarthrose dont elle souffre dès lors qu'elle présentait une anomalie morphologique appelée genu varum. Elle produit un certificat médical de juillet 2021 d'un chirurgien orthopédique spécialiste de la hanche et du genou attestant avoir eu la requérante en consultation le 5 octobre 2012 pour des douleurs aux genoux et mentionnant que sur un genou varum, " un effort physique intense peut favoriser des douleurs. Elles pourraient être liées à un effort intense fourni pendant les classes militaires ". Elle produit également un courrier d'un chirurgien orthopédiste du 17 juillet 2012 selon lequel les gonalgies apparaissent dans certaines positions, debout ou assise, et dans les exercices physiques et préconisant de la dispenser d'épreuves physiques sollicitant de façon répétée les membres inférieurs. Toutefois, ces certificats ne permettent pas d'imputer, même de façon probable, les douleurs dont souffre Mme A... à la pratique sportive pendant ses classes, dont elle ne précise au demeurant pas la durée. Par ailleurs, il ressort du livret médical militaire enregistrant chronologiquement les consultations médicales de l'intéressée que les douleurs aux genoux ne sont indiquées pour la première fois qu'au cours de la consultation du 30 juin 2012 alors que Mme A... a procédé auparavant, depuis son incorporation, à plusieurs consultations pour des motifs médicaux divers. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, il n'apparaît pas de " concordance temporelle " entre sa période de formation militaire initiale et l'apparition de ses gonalgies susceptible d'établir l'existence d'un lien. Dans ces conditions, la demande d'expertise ne présente pas d'utilité et doit être par suite rejetée. Par conséquent et en tout état de cause, les conclusions présentées en appel tendant à l'annulation de la décision du 9 février 2018 doivent également être rejetées. 8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction, celles tendant à ce que la cour fixe un taux d'invalidité et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient : M. Brotons, président, Mme Le Gars, présidente assesseure, M. Ablard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024. La rapporteure, A-C. LE GARS Le président, S. BROTONS La greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 21VE02426 2
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 21/05/2024, 21VE02253, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 26 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1903881 du 15 juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 29 juillet 2021, 12 octobre 2021 et le 23 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Uzan-Kauffmann, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2021 ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 26 octobre 2018 ; 3°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer son taux d'infirmité et dire si l'hypoacousie bilatérale est imputable au service ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à Me Uzan-Kauffmann. Il soutient que : - il a réalisé un audiogramme le 30 octobre 2017 révélant une perte auditive de 66 dB à gauche et de 39 dB à droite ; - son hypoacousie n'a cessé de s'aggraver depuis son traumatisme de 1986 ; - l'audiogramme qu'il a réalisé en 2021 confirme sa perte d'audition ; - les dispositions invoquées par l'administration pour soutenir que l'hypoacousie d'origine post-traumatique ne peut s'aggraver ne sont pas applicables ; au contraire des professionnels de santé admettent le vieillissement accéléré des oreilles internes à la suite d'un traumatisme sonore. Par des mémoires en défense enregistrés le 17 septembre 2021, le 4 novembre 2021 et le 13 décembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - l'audiogramme réalisé par l'intéressé en 2017 l'a été à titre privé, et s'avère être une simple photocopie sans indication quant aux constatations médicales ; - concernant les acouphènes, le taux d'aggravation par rapport au taux d'invalidité de 10 % déjà admis n'est pas établi ; - une hypoacousie apparaît immédiatement après un traumatisme sonore. Par ordonnance du président de la 4ème chambre du 16 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 17 janvier 2022 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Le Gars, - et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 100 % + 41° à compter du 20 janvier 2012 en raison de plusieurs infirmités résultant essentiellement de l'explosion d'une mine radio commandée le 13 septembre 1986. Le 20 septembre 2017 et le 12 mars 2018, il a demandé que soit prise en compte l'aggravation de l'infirmité " acouphène " pensionnée au taux de 10 % et a demandé la prise en compte d'une nouvelle infirmité " hypoacousie bilatérale ". Après réalisation d'une expertise médicale réglementaire, la ministre des armées a rejeté sa demande par la décision contestée en date du 26 octobre 2018. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. 2. D'une part, aux termes l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...). ". D'autre part aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; 2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L.4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ; (...). ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". Sur l'aggravation de l'hypoacousie : 4. Pour rejeter la demande de révision de pension militaire du fait de cette infirmité, la ministre s'est fondée sur le taux d'invalidité inférieur au minimum indemnisable de 10 %. M. B... soutient que son hypoacousie bilatérale consécutive au choc traumatique sonore du 13 septembre 1986 s'est aggravée. Il produit un audiogramme réalisé par un médecin oto-rhino-laryngologiste le 30 octobre 2017 indiquant une perte de 66 dB à l'oreille gauche et de 39 dB à l'oreille droite. Si M. B... conteste les résultats de l'expertise médicale réalisée le 6 juin 2018 ordonnée par l'administration afin d'instruire sa demande de révision de pension militaire d'invalidité et fixant le taux d'invalidité de cette infirmité à 7 %, en retenant une perte auditive de 22,5 dB à l'oreille droite et de 57,5 dB à l'oreille gauche, il ressort toutefois de cette expertise qu'elle explicite le calcul réalisé pour aboutir à ce résultat aussi précisément défini, en utilisant la formule de calcul indiquée dans le tableau d'évaluation des diminutions d'acuité auditive pour l'attribution des pensions militaires d'invalidité. En revanche les audiogrammes réalisés à l'initiative de M. B... n'explicitent ni les données chiffrées ni la méthode de calcul utilisée, pour pouvoir comparer et contester les résultats de l'expertise. Par ailleurs, il ressort également de l'audiogramme réalisé le 23 juillet 2021 par le même médecin de M. B..., que les pertes de 40 dB à droite et de 69 dB à gauche sont qualifiées de " modérées ". Dans ces conditions, M. B... n'établit pas que son hypoacousie bilatérale modérée aurait atteint un taux d'invalidité de 10 % permettant de lui concéder une pension militaire d'invalidité à ce titre. Sur les acouphènes : 5. S'agissant de l'évaluation des séquelles d'acouphènes, prises en compte au taux d'infirmité de 10 % pour la pension militaire d'invalidité de M. B..., la ministre des armées s'est fondée sur l'absence d'aggravation constatée. Le requérant ne fournit aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation par l'administration du taux retenu de 10 % dans la décision attaquée. 6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient : M. Brotons, président, Mme Le Gars, présidente assesseure, M. Ablard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024. La rapporteure, A-C. LE GARS Le président, S. BROTONS La greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 21VE02253 2
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 21/05/2024, 21VE02348, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 14 juin 2019 par laquelle le ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 2001543 du 15 juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 août 2021 et le 23 juin 2022, M. B..., représenté par Me Gauthier, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2021 ; 2°) d'annuler la décision du ministre des armées du 14 juin 2019 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la Selarl Concorde avocats sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son état de santé s'est aggravé de 90 %. Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - l'expert a retenu une aggravation pour le poignet droit de 5 % et aucune aggravation pour le genou droit et les troubles neuropathiques ; - les documents médicaux postérieurs ne rendent pas compte de l'état de santé du requérant à la date de sa demande de révision. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2022 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Le Gars, - et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 85 % à titre définitif depuis le 19 septembre 2008, octroyée pour deux infirmités résultant de séquelles de blessure à la main droite et une infirmité résultant de séquelles de plaie transfixiante oblique du tiers inférieur de la cuisse et de la région sus-patellaire gauche. Le 30 juin 2017, il a demandé la révision de sa pension pour aggravation de ses infirmités. Après expertise médicale la ministre des armées a rejeté sa demande par décision du 14 juin 2019. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite (...) d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...). ". L'article L. 121-5 du même code dispose que : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...) ". Aux termes de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée (...). ". 3. Pour rejeter la demande de révision de la pension militaire d'invalidité présentée par M. B..., le ministre des armées a considéré que le taux d'aggravation de la première infirmité du poignet droit était inférieur à 10 % et ne pouvait donc être pris en compte, et qu'aucune aggravation n'avait été constatée pour les deux autres infirmités de la cuisse gauche et des troubles névritiques de la main droite. Pour contester cette appréciation, M. B... produit deux comptes rendus d'examens électromyographiques réalisés les 6 septembre 2019 concluant à une infirmité du canal carpien droit et à une compression du cubital droit et gauche au coude, et le 22 juillet 2021 concluant à une atteinte du médian et cubital droit, ainsi qu'une attestation médicale du 13 septembre 2019 selon laquelle " il est difficile de faire la part des choses entre les douleurs séquellaires et/ou une aggravation des lésions " et une autre du 23 juillet 2021, bien postérieure à la date de la demande de révision de pension. Toutefois, aucun de ces éléments ne permet de considérer que les infirmités dont souffre M. B... se seraient aggravées d'au moins 10 points à la date de la demande de révision de pension. Par ailleurs, l'administration produit en défense le résultat de l'expertise médicale réalisée le 30 octobre 2018 ordonnée en vue d'instruire la demande de révision de pension militaire d'invalidité, concluant à une aggravation de l'infirmité liée au poignet droit de 5 % et à l'absence d'aggravation des deux autres infirmités. Dans ces conditions, les éléments apportés par M. B... au soutien de sa requête ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le ministre des armées. 4. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées aux fins d'injonction ainsi que celle tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient : M. Brotons, président, Mme Le Gars, présidente assesseure, M. Ablard, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024. La rapporteure, A-C. LE GARS Le président, S. BROTONS La greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 21VE02348 2
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de LYON, 3ème chambre, 17/04/2024, 22LY02509, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure I- Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 février 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey, après avoir réexaminé sa situation sur injonction du tribunal, l'a placée en congé de maladie ordinaire du 6 décembre 2011 au 5 décembre 2012, puis en disponibilité d'office pour raison de santé. II- Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) de condamner le Centre hospitalier du Haut-Bugey à lui verser la somme totale de 85 642 euros à parfaire en réparation des préjudices résultant pour elle des fautes commises à son égard par son employeur et des préjudices personnels liés à son accident de service, outre le préjudice résultant de la privation illégale d'une allocation temporaire d'invalidité et d'une rente viagère d'invalidité ; 2°) d'assortir la condamnation prononcée des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017 et de leur capitalisation à chaque échéance annuelle ; 3°) d'enjoindre au Centre hospitalier du Haut-Bugey de s'acquitter de la part patronale et de la part salariale des cotisations retraites afférentes à la rémunération dont elle a été illégalement privée pour l'ensemble de la période en litige ou, à titre subsidiaire, de lui verser l'indemnité correspondante, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par un jugement n° 1703427 du 29 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a prescrit une expertise médicale contradictoire. Par un jugement nos 1703427 et 1803057 du 14 août 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2017, mis à la charge de l'Etat les frais et honoraires de l'expertise et, avant de statuer sur les conclusions de la demande indemnitaire, a prescrit une seconde expertise médicale contradictoire. Par un jugement n° 1803057 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande indemnitaire de Mme A... et mis à la charge du centre hospitalier du Haut-Bugey les frais et honoraires de la seconde expertise, liquidés à la somme de 576 euros. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 9 août 2022 et des mémoires complémentaires enregistrés le 3 octobre 2022, et les 23 janvier et 15 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Saumet (AARPI Alternatives Avocats), doit être regardée comme demandant à la cour : 1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Lyon du 14 août 2020 et du 14 décembre 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 22 février 2017 ; 3°) de condamner le centre hospitalier du Haut-Bugey à lui verser d'une part, la somme de 96 522 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle et d'autre part, une indemnité en réparation du préjudice subi sur ses droits à pension du fait de l'illégalité commise à son encontre ayant consisté à ne pas adapter son poste et à ne pas la reclasser ; 4°) d'enjoindre au centre hospitalier du Haut-Bugey d'une part, de reconstituer sa carrière et de régulariser sa situation et ses droits sociaux, en s'acquittant notamment de la part patronale et de la part salariale des cotisations retraites afférentes à la rémunération dont elle a été illégalement privée pour l'ensemble de la période du 6 décembre 2011 au 30 novembre 2016, d'autre part, de procéder au calcul, à la liquidation et au versement de l'indemnité due en réparation du préjudice subi sur ses droits à pension, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 5°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Haut-Bugey une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme A... soutient que : - sa requête a été introduite dans le délai d'appel, en ce qu'elle concerne le jugement avant-dire droit du 14 août 2020, ce délai n'ayant commencé à courir qu'avec la notification du jugement du 14 décembre 2021 ; le délai d'appel a été interrompu par sa demande d'aide juridictionnelle ; - le jugement du 14 août 2020 est insuffisamment motivé et a omis de répondre à un moyen ; - le jugement du 14 décembre 2021 a rejeté à tort comme tardives les conclusions relatives à la faute résultant du retard mis par le centre hospitalier à la faire admettre à la retraite ; - ce même jugement est entaché de contradiction, en ce qu'il juge prescrite une créance pour l'appréciation de laquelle le jugement du 14 août 2020 avait jugé nécessaire une expertise ; - elle a contesté la décision du 22 février 2017 en toutes ses dispositions, y compris en ce qu'elle l'a placée en congé de maladie ordinaire puis en disponibilité d'office ; le tribunal a jugé à tort inopérants les moyens tirés de l'absence de consultation du comité médical et de la commission de réforme, de l'absence d'information préalable du médecin du travail et de la violation de l'obligation de reclassement ; - le tribunal a jugé à tort que le centre hospitalier du Haut-Bugey n'avait pas manqué à ses obligations d'aménagement de son poste et de reclassement ; - le centre hospitalier a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité en prenant plusieurs mesures illégales dont l'annulation a été prononcée par un jugement du 18 janvier 2017 et en ne la plaçant pas dans des positions administratives régulières pour les périodes du 6 décembre 2014 au 5 juin 2015 et du 6 juin 2016 au 30 novembre 2016 ; - sa créance ayant trait aux dommages que lui ont causé sa maladie imputable au service n'était pas prescrite, le délai de prescription ne commençant à tout le moins à courir que lorsqu'elle a eu connaissance de la date de sa consolidation, soit en 2013 ; elle a en outre engagé plusieurs actions ayant interrompu le délai de prescription ; - à tout le moins, la perte de chance d'obtenir un aménagement de poste ou un reclassement doit être chiffrée à 27 460 euros ; - le centre hospitalier doit acquitter les cotisations sociales sur ces rémunérations dont elle a été privée ; - le préjudice résultant d'une privation illégale de rémunération, conséquence de l'absence de reclassement, doit être chiffré à 39 229 euros ; elle a perçu durant cette période de privation de rémunération des revenus de remplacement de 2 182,02 euros, 3 723,45 euros et 4 141,52 euros ; - les fautes commises par le centre hospitalier lui ont causé un préjudice moral qui doit être chiffré à 20 000 euros ; - sa maladie professionnelle lui a causé des préjudices qui doivent être chiffrés à la somme globale de 30 880 euros ; - elle peut prétendre aux intérêts au taux légal sur les sommes allouées, et à la capitalisation de ces intérêts ; - elle maintient l'intégralité de ses moyens de première instance, auxquels elle entend se référer. Par des mémoires en défense enregistrés le 9 décembre 2023 et les 21 février, 6 et 20 mars 2024 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), le centre hospitalier du Haut-Bugey, représenté par la SELARL Brocheton Avocats, agissant par Me Brocheton, conclut au rejet de la requête, ou à titre subsidiaire, à ce que l'indemnisation allouée au titre de la responsabilité sans faute soit calculée sur la base du barème de l'ONIAM, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - les conclusions fondées sur la faute liée issue du défaut d'adaptation du poste de travail et de démarches de reclassement sont irrecevables, faute de liaison préalable du contentieux ; - aucun des moyens de la requête n'est fondé. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme A... par une décision du 25 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - les observations de Me Saumet, représentant Mme A..., et celles de Me Brocheton, représentant le centre hospitalier du Haut-Bugey. Une note en délibéré, enregistrée le 26 mars 2024, a été présentée pour Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., aide-soignante employée par le centre hospitalier du Haut-Bugey, a été placée en arrêt de travail pour raison de santé à compter du 6 septembre 2011, jusqu'à son admission à la retraite pour invalidité le 1er décembre 2016. Par un jugement rendu le 18 janvier 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 10 avril 2013 par lequel le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey a placé Mme A... en congé de maladie ordinaire non imputable au service pour la période du 6 décembre 2011 au 5 décembre 2012, et les arrêtés des 17 avril 2013 et 26 juin 2015 par lesquels cette même autorité a placé Mme A... en disponibilité d'office pour les périodes du 6 décembre 2012 au 5 décembre 2013 et du 6 juin au 5 décembre 2015. Le tribunal a en outre enjoint au centre hospitalier du Haut-Bugey de réexaminer la situation de Mme A.... Par une décision du 22 février 2017, le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey a placé Mme A... en congé de maladie ordinaire du 6 décembre 2011 au 5 décembre 2012, puis en disponibilité d'office pour raison de santé pour les périodes ultérieures. Mme A... relève appel des jugements du 14 août 2020 et du 14 décembre 2021 par lesquels le tribunal administratif de Lyon, d'une part, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2017 et prescrit une expertise médicale, et d'autre part, a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier du Haut-Bugey à l'indemniser des préjudices qu'elle estime lui avoir été causés par les fautes commises par celui-ci, et ceux en lien avec sa maladie reconnue imputable au service. Sur la régularité du jugement du 14 août 2020 : 2. En premier lieu, la décision du 22 février 2017, prise en vue de régulariser la position de Mme A... pour plusieurs périodes passées, est intervenue alors qu'elle avait déjà été définitivement admise à la retraite par une décision du directeur délégué du centre hospitalier du 15 novembre 2016 à effet au 1er décembre suivant. Dans ces circonstances, aucun reclassement ne pouvait plus intervenir. Tant le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas invité la requérante à présenter une demande de reclassement, que celui tiré de l'absence de recherche d'un reclassement, étaient inopérants. La circonstance que le tribunal administratif de Lyon n'a pas expressément répondu au premier de ces moyens, est par suite sans incidence sur la régularité du jugement du 14 août 2020. 3. En deuxième lieu, le tribunal, après avoir écarté les moyens invoqués par Mme A... contre la décision du 22 août 2020, a exposé, aux points 11 et 12 du jugement du 14 août 2020, que la requérante n'était pas fondée à se prévaloir de l'illégalité fautive entachant selon elle le refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au 5 décembre 2011 et son placement en disponibilité d'office pour raison de santé. Il a ensuite estimé, pour écarter la faute tirée de la privation illégale d'un complément de rente viagère d'invalidité à raison d'une estimation insuffisante de ce taux d'invalidité, qu'elle n'apportait aucun élément médical ni argument circonstancié permettant d'apprécier le bien-fondé de cette demande. Le point 13 expose enfin que si Mme A... soutient que le conflit avec son employeur pour faire reconnaître ses droits lui a causé un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard notamment à ce qui a été développé aux points précédents, que la résistance qu'elle prête sans autre précision à son employeur s'agissant de répondre favorablement à ses demandes revêtirait un caractère fautif. Les premiers juges ont ainsi rejeté, par une motivation suffisante, les conclusions de la requérante fondées sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier. Sur la régularité du jugement du 14 décembre 2021 : 4. Mme A... soutient que le tribunal, qui par son jugement du 14 août 2020 avait prescrit une nouvelle expertise médicale avant de statuer sur sa demande indemnitaire fondée sur la responsabilité sans faute, ne pouvait sans contradiction accueillir par son jugement du 14 décembre 2021 l'exception de prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier du Haut-Bugey à cette demande. Toutefois, la contradiction alléguée, qui relève de la critique du bien-fondé du jugement en litige, est en tout état de cause sans incidence sur sa régularité. Sur la légalité de la décision du 22 février 2017 : 5. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 19 avril 1988 visé ci-dessus, relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " Les comités médicaux sont chargés de donner un avis à l'autorité compétente sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois de la fonction publique hospitalière, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. / Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : (...) 6. La mise en disponibilité d'office pour raisons de santé, son renouvellement et l'aménagement des conditions de travail après la fin de la mise en disponibilité (...) ". Aux termes de l'article 16 du même décret : " La commission départementale de réforme des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée si la maladie provient de l'une des causes prévues au deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. / La commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration (...) ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " Le médecin du travail attaché à l'établissement auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission départementale de réforme des agents des collectivités locales prévue par le décret du 9 septembre 1965 susvisé est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 16, 21, 23 et 32. (...) ". 6. Mme A... soutient que, préalablement à la décision du 22 février 2017 intervenue après l'injonction de réexamen décidée par le tribunal le 18 janvier 2017, le centre hospitalier du Haut-Bugey n'a pas consulté un médecin expert agréé, ni la commission de réforme ou le comité médical. Toutefois, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier du Haut-Bugey avait recueilli l'avis de deux médecins experts en décembre 2011 et en janvier 2013 concernant l'imputabilité au service de la pathologie dont était affectée Mme A.... Par ailleurs, la commission de réforme et le comité médical avaient été consultés respectivement le 5 avril 2013, et les 12 avril 2013 et 16 juin 2015. La requérante ne soutient pas, alors que les arrêtés des 10 et 17 avril 2013 et du 26 juin 2015 ont été annulés pour erreur de droit par le jugement du 18 janvier 2017 précité, que ces consultations auraient été entachées d'irrégularité. Les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure ayant précédé l'édiction de la décision du 22 février 2017 ne peuvent dès lors être accueillis. 7. En deuxième lieu, la décision attaquée vise les dispositions pertinentes des lois du 13 juillet 1983 et du 9 janvier 1986, rappelle succinctement le parcours administratif de Mme A... et le jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon le 18 janvier 2017, expose que les médecins ayant examiné l'intéressée dans le passé ont été consultés, que l'un a répondu ne plus réaliser ce type de mission, et que l'autre a indiqué que les arrêts de travail litigieux étaient liés à une pathologie dégénérative au moins jusqu'au 24 janvier 2013. La décision attaquée expose ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le centre hospitalier a entendu se fonder. Le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée doit par suite être écarté. 8. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision attaquée est intervenue pour régulariser la situation passée de Mme A..., alors que cette dernière avait déjà été admise à la retraite pour invalidité par une décision qu'elle n'a pas contestée. Dans ces circonstances particulières, le centre hospitalier n'était pas tenu de l'inviter à solliciter un reclassement et de procéder à la recherche d'un poste en vue d'un reclassement. Le moyen tiré de ce que le centre hospitalier ne justifie pas avoir invité la requérante à solliciter un reclassement doit dès lors être écarté comme inopérant. 9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa version applicable à la date à laquelle la maladie professionnelle de la requérante a été diagnostiquée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ". 10. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. En l'espèce, contrairement à ce que soutient Mme A..., il résulte de l'instruction, et notamment des questions qu'il a adressées le 1er février 2017 aux médecins experts agréés qui avaient examiné l'intéressée en 2011 et 2013, que le centre hospitalier a apprécié l'existence d'un lien direct entre les arrêts de travail en litige et la maladie professionnelle de la requérante. Les moyens tirés de ce que la décision attaquée du 22 février 2017 serait entachée d'une erreur de droit et méconnaîtrait l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 18 janvier 2017, doivent dès lors être écartés. 11. En cinquième lieu, le 5 avril 2013, la commission de réforme a rendu un avis défavorable à la reconnaissance de la prise en charge des arrêts de travail litigieux au titre de la maladie professionnelle, au motif qu'il ressortait de l'expertise pratiquée par un médecin agréé le 24 janvier 2013 que ces arrêts de travail étaient causés par une " pathologie dégénérative qui doit être prise en charge au titre de la maladie ordinaire ". Par ailleurs, il ressort du rapport de l'expertise médicale prescrite par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 avril 2019 que la pathologie dont Mme A... souffrait relevait d'une lombosciatique gauche consécutive à une hernie discale débutante depuis 2003, et qu'une seconde pathologie chronique douloureuse évocatrice d'une fibromyalgie est apparue en septembre 2011. Les congés de maladie postérieurs au 6 décembre 2011 étaient ainsi imputables à plusieurs facteurs, sans lien direct avec la pathologie professionnelle. Par suite, en refusant de reconnaître l'imputabilité de ces arrêts de travail au service, le centre hospitalier n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986. 12. En sixième lieu, aux termes de l'article 23 du décret du 19 avril 1988 : " Lorsque l'autorité investie du pouvoir de nomination estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques, que l'état de santé d'un fonctionnaire pourrait justifier qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 41 (3° et 4°) de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, elle peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 24 ci-dessous ". 13. Il ressort du rapport de l'expertise prescrite par le jugement du 29 avril 2019 que les arrêts de travails prescrits à Mme A... pendant la période en litige étaient justifiés par une lombosciatique gauche, et que certains mentionnaient également des contractures musculaires, une tendinopathie de l'épaule droite et des dorsalgies. En l'absence de toute mention de la pathologie mentale dont était par ailleurs affectée la requérante, cette dernière n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir qu'en ne provoquant pas son examen médical en vue de son placement en congé de longue maladie, le centre hospitalier aurait commis une erreur manifeste d'appréciation. 14. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté du 14 août 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2017. Sur les conclusions fondées sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier : 15. En premier lieu, il résulte des points 5 à 14 que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision du 22 février 2017 était entachée d'une illégalité fautive. Par ailleurs, si les arrêtés des 10 et 17 avril 2013 et du 26 juin 2015 étaient entachés d'erreur de droit, il n'existe en revanche pas de lien de causalité entre les illégalités fautives affectant ces arrêtés et les préjudices invoqués par la requérante dès lors que les arrêts de travails postérieurs au 6 décembre 2011 n'étaient, ainsi que cela a été exposé ci-dessus, pas directement imputables à la maladie professionnelle de la requérante. 16. En deuxième lieu, si Mme A... invoque la faute ayant consisté selon elle en une estimation insuffisante du taux d'invalidité fixé au titre des séquelles de sa hernie discale imputable au service, et qui l'aurait privée d'un complément de rente viagère d'invalidité, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon au point 12 de son jugement du 14 août 2020. 17. En troisième lieu, si Mme A... invoque la faute du centre hospitalier du Haut-Bugey à ne pas l'avoir placée dans une position régulière pour certaines périodes, le contentieux n'est pas lié sur ce point faute pour elle d'avoir invoqué ce fait générateur de responsabilité dans sa demande indemnitaire préalable. Ses conclusions tendant à la réparation de ce chef de préjudice doivent être à cet égard rejetées comme irrecevables. 18. En quatrième lieu, Mme A... soutient que le centre hospitalier aurait manqué à ses obligations en matière d'aménagement de poste et de reclassement, antérieurement à la période pour laquelle elle a été placée en disponibilité d'office pour raison de santé. Toutefois, il résulte de l'instruction que par une lettre du 30 août 2010, le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey a indiqué à Mme A... que s'il ne lui était pas possible de reprendre ses fonctions en qualité d'aide-soignante, elle pouvait s'orienter vers un autre métier, et l'a invitée à prendre contact avec un agent de la cellule de reclassement. Il l'a également invitée à déposer un dossier auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), afin de bénéficier d'une aide à une éventuelle reconversion. Par une lettre du 28 octobre 2010, Mme A... a informé le directeur du centre hospitalier du Haut-Bugey qu'elle avait été reçue par le médecin du travail, lequel lui avait précisé qu'elle devait renoncer à son métier d'aide-soignante, réfléchir à un nouveau métier et suivre une formation. Par une fiche de liaison avec la MDPH rédigée le 18 novembre 2011, le médecin du travail a conforté sa position précédemment exprimée, selon laquelle la requérante n'était plus apte au métier d'aide-soignante, et que la reconnaissance du statut de travailleuse handicapée lui donnerait accès à des formations en vue d'accéder à des fonctions n'emportant pas de manutentions de patients qu'elle ne pouvait plus assumer. Le compte rendu de la réunion de la cellule de reclassement du 28 octobre 2010 fait toutefois état de ce que Mme A... refusait alors catégoriquement un reclassement professionnel. Le compte rendu de l'entretien de la requérante avec la directrice des soins le 25 août 2011 relate également que, pourtant déclarée inapte à ses fonctions par le médecin du travail, la requérante a souhaité conserver ses fonctions d'aide-soignante tout en envisageant de devenir auxiliaire de puériculture. Bien qu'invitée à solliciter un bilan de compétences et une aide à la reconversion après la reconnaissance de son handicap par la MDPH, la requérante ne s'est pas conformée à ce conseil, ainsi qu'il résulte des comptes rendus des réunions de la cellule de reclassement les 13 octobre 2011 et 16 février 2012. Reçue par la cellule de reclassement le 5 mai 2014, elle a persisté dans son refus de cette démarche auprès de la MDPH, et a envisagé un poste d'accueil ou une reconversion vers le métier de diététicienne. Il ressort également d'un courrier adressé à l'intéressée le 17 avril 2015 par le directeur des ressources humaines de l'établissement, que lors d'un nouvel entretien avec un agent de la cellule de reclassement en présence de la directrice des soins, Mme A... a une nouvelle fois déclaré devoir réfléchir à une reconversion, sans y être décidée. Ainsi, il résulte de ces divers éléments d'une part, que l'état de santé de la requérante n'était pas compatible avec un simple aménagement de son poste d'aide-soignante, et d'autre part, qu'elle a été invitée par la cellule de reclassement à envisager un reclassement, mais n'a formulé aucune demande à ce titre ni même aucune demande de reconnaissance de la qualité de travailleuse handicapée qui aurait permis qu'elle bénéficie d'aides à cette fin. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier aurait manqué à ses obligations en matière d'aménagement de ses conditions de travail, et ne l'aurait pas invitée formellement à présenter une demande de reclassement. 19. En cinquième lieu, Mme A... reprend en appel le grief tiré du retard avec lequel elle aurait été admise à la retraite pour invalidité, en se bornant à renvoyer sur ce point à ses écritures de première instance et sans apporter d'éléments nouveaux. Il y a lieu de rejeter les conclusions relatives à la réparation de ce chef de préjudice par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon au point 8 de son jugement du 14 décembre 2021, et qui ne sont pas utilement critiqués en appel. 20. En sixième et dernier lieu, les décisions du centre hospitalier relatives au placement de Mme A... en congé de maladie ordinaire et en disponibilité d'office pour raison de santé n'étant entachées d'aucune illégalité, et celui-ci n'ayant par ailleurs pas commis de faute, la requérante n'est pas fondée à faire valoir que les difficultés qu'elle a rencontrées dans la gestion de sa situation lui auraient causé un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence. Sur les conclusions fondées sur la responsabilité sans faute du centre hospitalier : 21. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 visée ci-dessus, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis./ Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) ". 22. En vertu de ces dispositions, le point de départ du délai de prescription d'une créance relative à un dommage corporel est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents. En l'espèce, il ressort du rapport du médecin agréé du 27 décembre 2011 et du rapport de l'expertise prescrite par le jugement du 14 août 2020, que la consolidation de la maladie professionnelle de Mme A... est intervenue le 4 décembre 2011, et que le cours de la prescription a ainsi débuté le 1er janvier 2012. Toutefois, les demandes dont Mme A... a saisi le tribunal administratif de Lyon en 2013 et 2015, tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail postérieurs au mois de décembre 2011, en lien avec sa maladie professionnelle dont elle discutait la date de consolidation, doivent être regardées comme ayant trait au fait générateur de la créance détenue par elle sur l'établissement hospitalier. Ces demandes ont ainsi interrompu le cours du délai de prescription, qui n'avait pas expiré à la date de réception de sa demande indemnitaire par le centre hospitalier, le 22 décembre 2017. L'exception de prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier doit dès lors être écartée. 23. En deuxième lieu, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. 24. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise prescrite par le jugement du 14 août 2020, qu'en conséquence de sa maladie professionnelle, dont le centre hospitalier a reconnu l'imputabilité au service, Mme A... a subi un déficit fonctionnel temporaire de 30 % de mars 2010 à janvier 2011, puis de 20 % jusque début décembre 2011, et subit depuis un déficit fonctionnel permanent de 10 %. Les souffrances qu'elle a endurées peuvent être cotées à 2,5/7. En revanche, l'expert n'a pas retenu de préjudice d'agrément, les douleurs gênantes dont la requérante continue de souffrir ne contre-indiquant pas les activités de loisir dont elle a fait état. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par la requérante en condamnant le centre hospitalier du Haut-Bugey à lui verser une indemnité de 18 600 euros. 25. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir d'une part que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions indemnitaires, et d'autre part que le centre hospitalier du Haut-Bugey doit être condamné à lui verser la somme précitée en réparation de ses préjudices. Sur les conclusions à fin d'injonction : 26. D'une part, le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction au centre hospitalier du Haut-Bugey de reconstituer sa carrière et de régulariser sa situation et ses droits sociaux, en s'acquittant notamment de la part patronale et de la part salariale des cotisations retraites afférentes à la rémunération dont elle a été illégalement privée doivent être rejetées. 27. D'autre part, le présent arrêt rejette également les conclusions indemnitaires de Mme A... fondées sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier. Par conséquent, ses conclusions à fin d'injonction à l'administration de lui verser une somme en réparation du préjudice allégué ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 28. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 18 600 euros à compter du 22 décembre 2017, date de réception de sa demande indemnitaire par le centre hospitalier. 29. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois par la requête n° 1803057, enregistrée devant le tribunal administratif de Lyon le 22 avril 2018. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 22 décembre 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil. Sur les frais liés au litige : 30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier du Haut-Bugey. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier le paiement de la somme 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1803057 du tribunal administratif de Lyon du 14 décembre 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A.... Article 2 : Le centre hospitalier du Haut-Bugey est condamné à verser à Mme A... la somme de 18 600 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017. Les intérêts dus à la date du 22 décembre 2018 seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle. Article 3 : Le centre hospitalier du Haut-Bugey versera à Mme A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et les conclusions présentées par le centre hospitalier du Haut-Bugey sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier du Haut-Bugey. Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient : Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, M. Joël Arnould, premier conseiller, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2024. Le rapporteur, Joël ArnouldLa présidente, Emilie FelmyLa greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY02509
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de PARIS, 8ème chambre, 29/04/2024, 23PA02016, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris puis au tribunal administratif de Paris auquel a été transféré son recours d'annuler la décision du 28 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées lui a accordé une pension militaire d'invalidité limitée à 35 % à compter du 26 août 2015 en raison d'un état post-traumatique et d'acouphènes bilatéraux permanents et d'enjoindre à la ministre des armées de lui allouer une pension militaire d'invalidité au taux de 65 %, soit 40 % pour le psycho-syndrome post-traumatique et 25 % pour l'hypoacousie gauche et acouphènes. Par jugement n° 1923751/5-3 du 15 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 28 janvier 2019 de la ministre des armées en tant que la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. A... a été rejetée pour l'infirmité " état de stress post-traumatique ", a fixé le taux de l'infirmité " état de stress post-traumatique " à 30 % à compter de la demande de révision du 26 août 2015 et a porté la pension de M. A... au taux global de 45 %, a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gozlan d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et a mis à la charge définitive de l'Etat les frais d'expertise. Procédure devant la cour : Par requête enregistrée le 10 mai 2023, M. A..., représenté par Me Gozlan, demande à la cour : 1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1923751 du 15 mars 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour la nouvelle infirmité " séquelles d'hypoacousie " liée à l'accident de 1987 ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 28 janvier 2019 en tant qu'a été rejetée sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour la nouvelle infirmité " séquelles d'hypoacousie " liée à l'accident du 27 mai 1987 ; 3°) de lui allouer une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles d'hypoacousie " au taux de 15 % ; 4°) d'ordonner, à titre subsidiaire, une expertise médicale. Il soutient que : - le jugement attaqué a dénaturé le rapport d'expertise qui retenait une presbyacousie des deux côtés ; - la preuve de l'imputabilité entre ses pertes d'audition, nouvelle infirmité dont il souffre, et l'accident subi le 27 mai 1987 est rapportée par l'expertise du docteur D... et par le docteur C... ; - le rapport d'expertise qui a été déposé auprès du tribunal administratif de Paris est incomplet dès lors que : - devait être prise en compte par l'expert judiciaire l'expertise la plus proche de la date de la demande de révision de la pension, à savoir celle qui a été réalisée par le docteur C... en 2017, qui reconnaît l'imputabilité de l'infirmité au service et l'évalue à un taux de 15 % d'invalidité, - elle ne fixe pas le taux d'invalidité liée au supplément d'invalidité en rapport avec le service, l'affirmation selon laquelle les troubles auditifs d'origine traumatique se stabilisent au fil du temps quand l'origine du traumatisme disparu est contredite par d'éminents spécialistes, - les affirmations de la ministre des armées concernant le caractère stationnaire voire régressif des hypoacousies d'origine sono-traumatique lorsque le sujet n'est plus soumis à des agressions sonores répétées ne sont ni documentées ni justifiées, - concernant la maladie de Ménière l'expertise du docteur C... pallie les lacunes du rapport d'expertise du docteur D.... Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2024, le ministre des armées conclut au rejet de l'appel de M. A.... Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 6 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Collet, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 1er février 1953, a servi dans l'armée du 14 septembre 1969 jusqu'au 7 mars 2003, date à laquelle il a été rayé des contrôles. Par arrêté du 10 juin 2003, une pension militaire d'invalidité lui a été accordée au taux de 20 % avec jouissance à compter du 7 mars 2003 en raison d'un " psycho-syndrome post-traumatique " évalué à 10 % et d'" acouphènes bilatéraux permanents " évalués à 10 % en raison des blessures éprouvées par le fait du service et décelées respectivement les 24 juillet 1994 et 27 mai 1987. M. A... a demandé, le 26 août 2015, la révision de sa pension pour aggravation de ses deux infirmités pensionnées et a également demandé l'octroi d'une pension militaire d'invalidité en raison d'une hypoacousie bilatérale et d'une baisse auditive bilatérale. Par décision du 28 janvier 2019, la ministre des armées lui a accordé un titre de pension militaire d'invalidité de 35 % en raison d'un " état de stress post-traumatique " évalué à 20 % et d'" acouphènes bilatéraux permanents " dont le taux d'invalidité a été maintenu à 10 %. Par ailleurs, dans la fiche descriptive des infirmités du 12 février 2019, il a été précisé à M. A... que l'hypoacousie bilatérale imputable à la blessure contractée en service et constatée le 27 mai 1987 par défaut de preuve et de présomption n'ouvrait pas droit à indemnisation compte tenu du taux d'invalidité évalué à 0 %, que la nouvelle baisse auditive bilatérale n'était pas imputable au service et du fait qu'il s'agissait d'une infirmité postérieure au service. 2. M. A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris puis au tribunal administratif de Paris auquel a été transféré son recours d'annuler la décision du 28 janvier 2019 par laquelle la ministre des armées lui a accordé une pension militaire d'invalidité limitée à 35 % à compter du 26 août 2015 en raison d'un état post-traumatique et d'acouphènes bilatéraux permanents et d'enjoindre à la ministre des armées de lui allouer une pension militaire d'invalidité au taux de 65 %, soit 40 % pour le psycho-syndrome post-traumatique et 25 % pour l'hypoacousie gauche et acouphènes. Par jugement avant-dire droit du 5 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a ordonné une expertise visant à déterminer le taux d'invalidité relatif au " psycho-syndrome post-traumatique " et le lien entre l'hypoacousie dont souffre M. A... et l'accident de service du 27 mai 1987. Les rapports d'expertise des docteurs D... et Schweitzer ont été déposés les 19 août et 28 octobre 2022. 3. Par jugement du 15 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 28 janvier 2019 de la ministre des armées en tant que la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. A... a été rejetée pour l'infirmité " état de stress post-traumatique ", a fixé le taux de l'infirmité " état de stress post-traumatique " à 30 % à compter de la demande de révision du 26 août 2015 et a porté la pension de M. A... au taux global de 45 %, a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gozlan d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et a mis à la charge définitive de l'Etat les frais d'expertise. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour la nouvelle infirmité " séquelles d'hypoacousie " liée à l'accident de 1987. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. En considérant que la majoration de l'atteinte auditive dont souffre M. A... du côté droit était liée à une presbyacousie et, pour le côté gauche, à une maladie de Ménière, les premiers juges qui n'ont pas exclu une presbyacousie du côté gauche n'ont, en tout état de cause, pas dénaturé le rapport d'expertise déposé devant eux. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à critiquer le jugement sur ce point. Sur la légalité de la décision du 28 janvier 2019 en tant qu'a été rejetée la demande de révision de pension militaire d'invalidité pour la nouvelle infirmité " séquelles d'hypoacousie " liée à l'accident du 27 mai 1987 : 5. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dans sa version applicable à la date de la demande de M. A... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". 6. Il résulte de ces dispositions que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité pré-existante ou concomitante au service. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service. 7. Il résulte de l'instruction et notamment des rapports rédigés les 10 juin 1975 et 30 juin 1987 respectivement par le capitaine commandant l'escadrille ALAT de l'école d'application de l'infanterie et par le lieutenant-colonel commandant du 44ème régiment d'infanterie que M. A..., sous-officier, mécanicien sur hélicoptère à l'école d'application de l'infanterie, a été amené à travailler à proximité de turbines en fonctionnement depuis trois années et a signalé le 4 juin 1975 une baisse acoustique ressentie depuis plusieurs semaines. Le 27 mai 1987, il a été exposé à un niveau sonore élevé lors de l'atterrissage d'un hélicoptère alors qu'il ne portait pas de protections auditives et il résulte du registre des constatations des blessures, infirmités et maladies survenues pendant le service du 44ème régiment d'infanterie, qu'il a alors été hospitalisé à l'hôpital d'instruction des armées Bégin du 2 au 11 juin 1987 au sein du service ORL pour " surdité de perception gauche de type endocochléaire ". Le bilan auditif réalisé le 13 mars 1991 a montré que ce dernier était atteint d'une audition symétrique avec des deux côtés une hypoacousie modérée sur les fréquences aiguës. 8. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. A... a été victime, le 24 juillet 1994, de multiples traumatismes dont une atteinte auditive gauche et des troubles de l'équilibre. Il résulte de la fiche descriptive des infirmités du 12 février 2019 qu'il a subi des pertes auditives successives moyennes de 12,5 décibels à l'oreille droite et de 5 décibels à l'oreille gauche et de 10 décibels à l'oreille droite et de 92,5 décibels à l'oreille gauche. 9. Il résulte du rapport d'expertise du 3 février 2017, que le docteur C..., oto-rhino-laryngologiste mandaté par la direction des ressources humaines du ministère de la défense dans le cadre de l'instruction de la demande de révision de pension pour aggravation présentée par M. A..., a relevé une perte auditive de l'intéressé de 10 décibels à l'oreille droite et 92,5 décibels à l'oreille gauche, a fixé le taux d'invalidité lié à cette infirmité à 15 % et a noté que " indiscutablement on retient une aggravation de la surdité liée au Ménière ". La commission de réforme des pensions militaires d'invalidité a rendu un avis dans sa séance du 16 janvier 2019 considérant qu' " il n'existe pas de lien actuel pouvant rattacher l'hypoacousie actuelle avec les pathologies survenues en service " et a retenu que la nouvelle baisse auditive bilatérale correspondant à 10 décibels à l'oreille droite et à 92,5 décibels à l'oreille gauche évalué à un taux d'invalidité de 15 % n'était pas imputable au service et notamment pas rattachable à la blessure du 27 mai 1987. 10. Selon le rapport d'expertise daté du 19 août 2022 rédigé par le docteur D..., désigné par le tribunal administratif de Paris, M. A... présente une atteinte auditive bilatérale des deux côtés en rapport avec des traumatismes sonores et une majoration à gauche due à la maladie de Ménière diagnostiquée en 1995. Il ajoute que l'hypoacousie post-traumatique se stabilise lorsque l'exposition aux nuisances sonores a cessé et que la majoration de l'atteinte auditive de M. A... est liée des deux côtés à l'évolution avec l'âge conduisant à une presbyacousie et du côté gauche à la maladie de Ménière qui a conduit à une surdité sévère. Il précise que seule une partie des séquelles d'hypoacousie dont il souffre est en rapport direct et certain avec l'accident de service du 27 mai 1987 et que le bilan auditif réalisé en 1991 a montré une hypoacousie bilatérale modérée sur les fréquences aiguës. Il en conclut qu'à la date de la demande, le 26 août 2015, l'intéressé souffrait des séquelles des traumatismes sonores qu'il a subis à savoir des acouphènes et une atteinte auditive sur les fréquences aiguës sans prendre en compte la majoration de l'atteinte auditive gauche liée à la maladie de Ménière. 11. Il résulte de ces différentes expertises que les atteintes auditives dont M. A... se prévaut étaient modérées après l'accident de service dont il a été victime le 27 mai 1987, comme l'a montré le bilan auditif réalisé le 13 mars 1991. Si le ministre des armées soutient que l'hypoacousie post-traumatique se stabilise lorsque l'exposition aux nuisances sonores a cessé, M. A... produit des rapports d'expertise ou commentaires de médecins spécialistes ayant examiné des patients dont il indique que la situation serait comparable à la sienne, et qui indiquent au contraire qu'en cas de violent traumatisme sonore, la stabilisation n'est qu'apparente " pendant un temps plus ou moins long " et que " très souvent une dégradation cochléaire plus rapide que le voudrait l'âge du patient est constatée ". Les éléments ainsi produits par M. A... ne sont toutefois pas suffisants pour démontrer que la part de la nouvelle baisse auditive bilatérale dont il se prévaut pourrait être rattachée, en tout ou partie, de manière directe et certaine à l'accident de service du 27 mai 1987. Par ailleurs, il résulte des différentes expertises précitées qu'en ce qui concerne l'oreille gauche, la majoration de l'atteinte auditive de M. A... est également liée à l'âge conduisant à une presbyacousie et elle est aussi la conséquence de la maladie de Ménière qui a conduit à une surdité sévère. Quant à l'oreille droite, aucun élément du dossier ne permet d'établir que l'hypoacousie modérée qui a été constatée à la date la plus proche de l'accident de service du 27 mai 1987 à savoir lors du bilan auditif réalisé le 13 mars 1991 se serait aggravée de manière directe et certaine en lien avec cet accident alors que l'expert désigné par le tribunal a relevé que la majoration de l'atteinte auditive de M. A... est liée des deux côtés à l'évolution avec l'âge conduisant à une presbyacousie. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que dès lors qu'aucun élément ne permet d'établir que l'hypoacousie correspondant à la nouvelle baisse auditive bilatérale dont s'est prévalu M. A... dans sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité serait en lien direct et certain avec l'accident de service dont il a été victime le 27 mai 1987, aucune révision de sa pension militaire d'invalidité ne peut lui être allouée à ce titre. 12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté le surplus de sa demande. Ses conclusions doivent, dès lors, être rejetées dans leur ensemble. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Menasseyre, présidente, - Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure, - Mme Collet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024. La rapporteure, A. Collet La présidente, A. Menasseyre La greffière, N. Couty La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02016
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