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CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 19/03/2024, 22BX00555, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 septembre 2020 par lequel le maire de Bordeaux l'a admise au bénéfice d'une pension de retraite pour invalidité à compter du 1er octobre 2020. Par un jugement n° 2100278 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février 2022 et le 26 juin 2023, Mme D... A..., représentée par Me Scaillierez, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 décembre 2021 ; 2°) de faire droit à sa demande de première instance ; 3°) d'enjoindre au maire de Bordeaux de la réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière à compter du 1er octobre 2020 ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement n'est pas signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier ; - l'arrêté en litige a été signé par une autorité dépourvue de délégation de signature exécutoire ; - l'arrêté n'est pas motivé ; - dès lors qu'elle n'est pas inapte à toutes fonctions, elle ne pouvait être mise d'office à la retraite en application de l'article 39 du décret du 26 décembre 2003 ; - elle a fait une demande de reclassement, et la proposition qui lui a été faite ne correspondait manifestement pas à ses compétences et ne pouvait aboutir qu'à un refus de sa part ; aucune autre proposition ne lui a été faite depuis 2015 ; la commune n'a fait aucune démarche loyale et concrète et ne lui a proposé aucune formation ; elle n'était pas tenue de la reclasser dans un emploi d'adjoint administratif. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2023, la commune de Bordeaux, représentée par la SELAS Elige Bordeaux, agissant par Me Merlet-Bonnan, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, ont été entendus : - le rapport de M. B..., - les conclusions de M. Duplan, rapporteur public ; - et les observations de Me Scaillierez pour Mme A... et de Me Merlet-Bonnan pour la commune de Bordeaux. Considérant ce qui suit : 1. Mme D... A..., adjointe technique territoriale de deuxième classe de la commune de Bordeaux, née le 9 mai 1963, et qui exerçait les fonctions d'agent d'entretien, a présenté des arrêts de travail à compter du 1er octobre 2012. Placée en congés de maladie imputables à une maladie contractée en service jusqu'au 19 mai 2014, puis en congés de maladie ordinaires pendant une durée de douze mois, elle a été ensuite placée en disponibilité d'office pour raisons de santé le 20 mai 2015. Le comité médical départemental réuni le 19 mars 2015 a émis un avis d'inaptitude totale et définitive de l'agent à ses fonctions. En l'absence de reclassement, le maire de Bordeaux a admis d'office Mme A... à la retraite pour invalidité à compter du 1er octobre 2020, par un arrêté du 14 septembre 2020. Mme A... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Bordeaux, qui a rejeté sa demande. Elle relève appel de ce jugement en date du 20 décembre 2021. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué a été signée conformément à ces dispositions. La circonstance que l'ampliation notifiée à Mme A... ne comportait pas les signatures exigées par ces dispositions est sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen doit être écarté comme manquant en fait. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et à des membres du conseil municipal ". Et aux termes de l'article L. 2131-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) / La publication ou l'affichage des actes mentionnés au premier alinéa sont assurés sous forme papier (...) ". 4. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté n° 202014091 du 15 juillet 2020, affiché et transmis au représentant de l'Etat le 20 juillet suivant, le maire de Bordeaux a donné délégation de signature à M. E... C..., directeur en charge de la vie administrative et de la qualité de vie au travail, à l'effet de signer, sous la surveillance et la responsabilité du maire, les documents, " relatifs aux pouvoirs propres et exécutifs du Maire et gérés par les services placés sous son autorité sans être placés directement sous l'autorité d'un Adjoint au Directeur général ou d'un Directeur de service du ressort de la Direction générale Ressources humaines et administration générale : 5 - En matière de carrière/paye/statut/ discipline, pour l'ensemble des personnels de droit public et privé : (...) les invalidités y compris retraite. " Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige portant admission à la retraite pour invalidité doit être écarté comme manquant en fait. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 6. L'arrêté du 14 septembre 2020 vise, outre l'avis du comité médical du 19 mars 2015, la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, le décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, mentionne que Mme A... a été reconnue définitivement inapte à ses fonctions et, qu'en conséquence, il y a lieu de lui accorder le bénéfice d'une pension de retraite pour invalidité. Il comporte ainsi l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. 7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande ". Et aux termes de son article 39 : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 ". 8. Contrairement à ce que soutient Mme A..., ces dispositions ne subordonnent pas la mise à la retraite d'office d'un fonctionnaire à la condition qu'il soit inapte à l'exercice de toutes fonctions. Le moyen tiré de l'erreur de droit commise par la commune de Bordeaux doit, dès lors, être écarté. 9. En dernier lieu, aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi, emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". L'article 2 du décret du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions précise que : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ". 10. La mise en œuvre de l'obligation de reclassement implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. 11. Mme A... fait valoir qu'elle a sollicité son reclassement par courrier du 5 juin 2015 mais n'a reçu qu'une seule proposition de reclassement, en 2015, qu'elle a été contrainte de refuser car inadaptée à ses compétences et soutient que la commune de Bordeaux n'a pas procédé à des recherches de reclassement de façon sérieuse et loyale. 12. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que dans son avis du 19 mars 2015, le comité médical départemental a estimé que Mme A... était inapte totalement et définitivement à ses fonctions. Si Mme A... reproche à la commune de Bordeaux d'avoir limité ses recherches de reclassement à des emplois d'adjoint administratif, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que d'autres emplois d'adjoint technique auraient été compatibles avec son état de santé. 13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, si un poste d'agent d'accueil dans une mairie de quartier a été proposé à Mme A... au mois de juillet 2015, l'intéressée a refusé ce poste, qui exigeait des compétences en informatique qu'elle ne détenait pas. A la suite de ce refus, la commune de Bordeaux a effectué un bilan des savoirs et compétences de son agent au mois de février 2016, qui a notamment révélé son absence de maîtrise du français écrit, exigeant des cours d'alphabétisation de 200 heures minimum et empêchant également une remise à niveau en matière de bureautique. Alors que Mme A... se borne à se prévaloir de l'importance des effectifs de son employeur, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un emploi d'adjoint administratif ne nécessitant pas la maîtrise du français écrit aurait pu lui être proposé. Enfin, compte tenu de l'ampleur de l'apprentissage nécessaire, et du caractère aléatoire de son succès, la commune de Bordeaux, après l'avis favorable émis par la commission de réforme le 16 octobre 2019, ne saurait être regardée comme ayant fait preuve de déloyauté et manqué à son obligation de reclassement. 14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sur les frais de l'instance : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bordeaux, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par la commune de Bordeaux au même titre. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Bordeaux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et à la commune de Bordeaux. Délibéré après l'audience du 26 février 2024 à laquelle siégeaient : Mme Ghislaine Markarian, présidente, M. Frédéric Faïck, président assesseur, M. Julien Dufour, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mars 2024. Le rapporteur, Julien B... La présidente, Ghislaine Markarian La greffière, Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22BX00555 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 26/03/2024, 22VE00646, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser la somme de 385 999,50 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'agissements de harcèlement moral, à enjoindre à la ministre des armées de reconstituer sa carrière et au ministre chargé des finances publiques de procéder à la revalorisation de sa pension militaire de retraite à compter du 14 mai 2016, et à titre subsidiaire, de saisir la cour de justice de l'Union européenne de l'interprétation des dispositions de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par une ordonnance du 13 décembre 2019, la présidente du tribunal administratif de Versailles a renvoyé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la demande de M. A.... Par jugement n° 1915692 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de M. A... tendant à l'indemnisation de son préjudice moral et au remboursement de la somme de 900 euros, a mis à la charge de l'Etat le versement à M. D... la somme correspondant à la capitalisation des intérêts échus à la date du 14 février 2018 sur la somme de 10 900 euros et rejeté le surplus de la demande de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 mars 2022 et 9 février 2024, M. A..., représenté par Me Gauthier, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 99 509,55 euros, assortie de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'agissements de harcèlement moral ; 3°) d'enjoindre à l'Etat de reconstituer sa carrière et de revaloriser sa pension militaire de retraite à compter du 13 mai 2013 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier, faute pour les premiers juges d'avoir examiné le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3 et 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - du fait du rapatriement sanitaire dont il a fait l'objet en raison des agissements de harcèlement moral subis, il a été privé du bénéfice de l'indemnité de résidence pendant une période de deux mois ; il est donc en droit de se voir rembourser de la somme de 5 035,32 euros ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne pouvait se voir rembourser du montant des primes, indemnités et avantages non perçus pendant ses congés maladie au motif que leur versement était conditionné à l'exercice effectif des fonctions, dès lors qu'il aurait nécessairement perçu ces sommes en l'absence de harcèlement ; il demande donc le remboursement de la prime mensuelle des repas de service, de l'indemnité pour temps d'activité et d'obligations professionnelles complémentaires, du remboursement de la moitié de son titre de transport et de l'indemnité d'habillement, pour un montant total de 12 321,82 euros ; - c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que le lien de causalité entre les agissements de harcèlement et les retraits effectués sur les placements financiers n'était pas justifié ; il subit une perte de rentabilité d'un montant de 3 302 euros dont il demande réparation ; - il a été contraint, du fait des agissements de harcèlement moral qui ont conduit à son placement en arrêt maladie puis à sa radiation des cadres, de quitter le logement qu'il occupait à la caserne et de trouver un logement personnel et demande donc le remboursement des loyers acquittés, pour un montant de 23 495 euros, des frais d'électricité, pour un montant de 2 181,51 euros et de la redevance audiovisuelle, pour un montant de 852 euros, frais qu'ils n'auraient pas eu à assumer s'il avait pu poursuivre son exercice professionnel ; - le fait d'avoir été contraint de travailler à temps plein pendant des périodes pour lesquelles un expert médical a ensuite estimé qu'il était en situation d'incapacité de travailler est à l'origine d'un préjudice moral, dont il demande réparation à hauteur de 30 321,90 euros ; - les agissements de harcèlement moral qu'il a subis sont contraires aux stipulations de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ce qui lui cause un préjudice moral estimé à la somme de 10 000 euros ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le lien de causalité entre les agissements de harcèlement et les difficultés rencontrées par le requérant dans son cursus universitaire n'était pas justifié ; il en demande réparation à hauteur de 12 000 euros ; - sa carrière ayant été interrompue prématurément en raison des agissements de harcèlement moral, il doit être enjoint à la ministre des armées de reconstituer sa carrière et au ministre chargé des finance publiques de revaloriser sa pension de retraite militaire à compter du 13 mai 2013. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2021. Par un mémoire en défense enregistré le 16 janvier 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens invoqués par M. A... sont infondés. Par ordonnance du 16 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 février 2024 à 12 heures en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu : - le code de la défense ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Troalen ; - les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public ; - et les observations de Me Debroissia, représentant M. A..., et de Mme B..., représentant le ministre des armées. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., caporal-chef dans l'armée de terre, a demandé réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'agissements de harcèlement moral dont il a été victime au cours de son affectation à Djibouti, du 1er juillet 2003 à son rapatriement sanitaire le 31 mars 2005, puis à la direction du renseignement militaire à Paris, du 1er août 2005 à son placement en congé maladie à compter du 23 avril 2007. Il relève appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 10 000 euros correspondant à l'indemnisation de son préjudice moral et du remboursement de la somme de 900 euros correspondant à des frais d'expertise médicale, alloués en cours d'instance par l'Etat par une décision du 14 mai 2018, en tant que le tribunal a rejeté le surplus de sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Dans ses écritures de première instance, M. A... a notamment soutenu que les agissements de harcèlement moral dont il estimait avoir été victime étaient contraires au droit de l'Union européenne, en se prévalant en particulier de la libre circulation des personnes, garantie par les articles 15 et 45 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. S'il évoquait également, dans ses écritures, les articles 3 et 31 de cette charte, en indiquant qu'ils interdisaient les agissements de harcèlement moral, il entendait ainsi démontrer que ces agissements avaient constitué selon lui une entrave à sa liberté de circulation au sein de l'Union européenne. Par suite, en se prononçant au point 6 du jugement attaqué sur le moyen tiré de ce que ces agissements constituaient une telle entrave, les premiers juges ont répondu au moyen qui leur était soumis. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne les préjudices allégués : 3. En premier lieu, si, pour l'évaluation du préjudice financier subi du fait d'agissements de harcèlement moral, il peut être tenu compte de la perte des primes et indemnités dont la victime avait une chance sérieuse de bénéficier pour la période où elle a cessé d'exercer compte tenu des conséquences sur son état de santé de ces agissements, il ne saurait en aller de même pour les primes et indemnités qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. 4. M. A... expose, d'une part, que du fait du rapatriement sanitaire dont il a fait l'objet en raison des agissements de harcèlement moral subis, il a été privé, pendant une période de deux mois correspondant aux mois de mai et juin 2005, du bénéfice de l'indemnité de résidence à l'étranger. Toutefois l'interruption du versement de l'indemnité de résidence dont bénéficiait M. A... pendant son affectation à Djibouti, et qui avait pour objet de compenser des sujétions liées à l'exercice effectif de ses fonctions à l'étranger, ne saurait donner lieu à réparation. 5. M. A... soutient, d'autre part, que les agissements de harcèlement moral subis l'ont privé d'une chance sérieuse de percevoir, pendant la durée pendant laquelle il a été en congé maladie puis jusqu'à la date à laquelle il aurait dû exercer ses fonctions, la prime mensuelle des repas de service, l'indemnité pour temps d'activité et d'obligations professionnelles complémentaires, le remboursement de la moitié du prix de son titre de transport et l'indemnité d'habillement. Toutefois, l'ensemble de ces éléments de rémunération sont destinés à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Leur absence de versement pendant les congés maladie ne saurait donc ouvrir un droit à réparation pour M. A.... 6. En deuxième lieu, si M. A... fait valoir qu'à compter du mois de février 2008, il n'a plus été logé en caserne, l'avantage en nature résultant de la disposition d'un logement de fonction par nécessité de service est la contrepartie des sujétions attachées à l'exercice effectif des fonctions. Dès lors, la cessation de cet avantage ne peut davantage être pris en considération pour la détermination de ses droits à indemnité. M. A... ne saurait donc prétendre au remboursement des loyers qu'il verse pour l'occupation d'un logement privé et des frais d'électricité correspondant ou de la redevance audiovisuelle. 7. En troisième lieu, si l'expert psychiatre désigné par la cour régionale des pensions militaires dans le cadre du litige relatif à la demande de pension d'invalidité présentée par M. A... a indiqué, dans son rapport du 25 février 2011, que ce dernier " semble avoir été atteint d'une pathologie ayant occasionné une incapacité totale de travail du 1er avril 2005 au 1er octobre 2007 de 100% ", il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas allégué que M. A..., qui a bénéficié d'un arrêt de travail le 23 octobre 2006, puis de congés maladie de manière interrompue du 23 avril au 23 novembre 2007, aurait fait état de son incapacité à travailler à son administration en dehors de ces périodes. Ainsi, M. A... ne saurait prétendre à la réparation du préjudice résultant de la faute, distincte des agissements de harcèlement moral, consistant à avoir exigé de lui qu'il travaille à une époque où son état de santé ne le lui permettait pas. 8. En quatrième lieu, M. A... indique qu'il a dû effectuer, du fait de la baisse de rémunération induite par ses congés maladie, des retraits sur l'assurance vie dont il dispose et demande que la perte d'intérêts en résultant sur la période du 1er octobre 2008 au 18 juillet 2010 soit mise à la charge de l'Etat. Toutefois, l'attestation émise le 4 juin 2014 par son conseiller en gestion de patrimoine fait état de retraits effectués dès le 23 avril 2007, soit avant que son placement en congé maladie ait une incidence significative sur sa rémunération, l'intéressé ayant commencé à ne bénéficier que d'un demi-traitement à compter du mois d'octobre 2008. Dans ces conditions, le lien de causalité entre ces retraits et les agissements de harcèlement moral n'étant pas justifié, M. A... ne saurait se voir indemnisé de la perte d'intérêts alléguée. 9. En cinquième lieu, M. A..., qui a entamé en 2002-2003, soit avant son affectation à Djibouti, un cursus universitaire, soutient que les difficultés qu'il a rencontrées dans la poursuite de ce cursus sont liées aux agissements de harcèlement moral dont il a été victime. Toutefois, la seule attestation du service médical de son université, rédigée en avril 2013 et faisant état de difficultés à compter du mois de novembre 2011, période à laquelle il avait déjà été radié des cadres de la fonction publique militaire, ne saurait suffire à justifier de l'incidence de ces agissements sur ce cursus universitaire, suivi en partie par correspondance par l'intéressé. 10. En dernier lieu, si M. A... soutient que les agissements de harcèlement moral qu'il a subis sont contraires au droit de l'Union européenne, et en particulier au principe de libre circulation des personnes, le préjudice moral dont il se prévaut à cet égard n'est pas distinct de celui résultant de ces agissements. Il ne saurait, par suite, donner lieu à une indemnisation supplémentaire. En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction : 11. Si M. A... demande qu'il soit enjoint à l'Etat de reconstituer sa carrière et de revaloriser sa pension de retraite à compter du 13 mai 2013, le présent arrêt, qui rejette ses conclusions indemnitaires, n'implique pas le prononcé de telles mesures. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires. Sur les demandes présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente espèce, la somme que M. A... demande au titre des frais d'instance. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient : Mme Versol, présidente de chambre, Mme Dorion, présidente-assesseure, Mme Troalen, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024. La rapporteure, E. TROALENLa présidente, F. VERSOLLa greffière, S. LOUISERE La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 No 22VE00646
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de PARIS, 6ème chambre, 02/04/2024, 23PA01620, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2018 par lequel le maire de La Chapelle-la-Reine a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017, ainsi que les arrêtés des 21 décembre 2018 et 10 janvier 2019 par lesquels le maire l'a placée en disponibilité d'office, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale, d'enjoindre à la commune de la rétablir dans ses droits statutaires et de de mettre à la charge de la commune de La Chapelle-la-Reine une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Par un jugement n° 1902850 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du maire de La Chapelle-la-Reine du 4 décembre 2018, a enjoint à la commune de procéder à la régularisation de la situation de Mme A..., en prenant une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017 et en prenant en charge ses arrêts de travail et soins en lien direct avec cette pathologie, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens et a rejeté le surplus de sa demande ainsi que les conclusions présentées par la commune de La Chapelle-la-Reine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens . Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 19 avril et 26 septembre 2023, la commune de La Chapelle-la-Reine représentée par Me Simon, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme A... ; 2°) à titre principal de rejeter la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Melun dans son intégralité ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant-dire droit ; 4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la motivation du jugement est irrégulière ; - le jugement est entaché de défaut de réponse à conclusions ; - l'annulation prononcée est assortie d'une injonction dont les termes sont incomplets et empêchent sa mise en œuvre ; - c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le maire avait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître imputable au service la pathologie de Mme A.... Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 juillet et 1er décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Coche, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de la Chapelle la Reine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de La Chapelle-la-Reine sont infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le code général de la fonction publique ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pagès ; - et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., titulaire du grade d'adjointe technique de 2ème classe, exerce les fonctions d'agent de restauration et d'entretien au sein des services de la commune de La Chapelle-la-Reine depuis 2001. Par un courrier du 26 décembre 2017, elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de la tendinopathie des épaules qui lui a été diagnostiquée le 28 novembre 2017. En dépit de l'avis favorable de la commission de réforme du 13 juin 2018, par un arrêté du 4 décembre 2018, le maire de La Chapelle-la-Reine a refusé de reconnaître sa pathologie, au titre de laquelle elle a fait l'objet d'arrêts de travail depuis le 28 novembre 2017, comme étant imputable au service. Puis, compte tenu de l'épuisement de ses droits à congés de maladie et au vu de l'avis rendu le 19 décembre 2018 par le comité médical, par un arrêté du 21 décembre 2018, retiré et remplacé par un arrêté du 10 janvier 2019, le maire a placé Mme A... en disponibilité d'office pour une durée de trois mois, du 20 novembre 2018 au 19 février 2019. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à titre principal à l'annulation des arrêtés du 4 décembre 2018, 21 décembre 2018 et 10 janvier 2019. Par un jugement n° 1902850 du 30 mars 2023, le Tribunal a annulé l'arrêté du maire de La Chapelle-la-Reine du 4 décembre 2018, a enjoint à la commune de procéder à la régularisation de la situation de Mme A..., en prenant une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017 et en prenant en charge ses arrêts de travail et soins en lien direct avec cette pathologie, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens et a rejeté le surplus de sa demande ainsi que les conclusions présentées par la commune au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. La commune de La Chapelle-la-Reine relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme A.... Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, le bien-fondé de la réponse que les premiers juges ont apportée, par un jugement qui est suffisamment motivé, aux moyens soulevés est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. 3 En deuxième lieu, si la commune et Mme A... ont sollicité une expertise médicale en première instance, il ressort clairement de la motivation du jugement attaqué que les premiers juges se sont estimés suffisamment informés et ont entendu écarter la demande d'expertise comme sans intérêt pour la solution du litige. Le moyen tiré de l'omission à statuer sur ces conclusions doit donc être écarté. 4. En dernier lieu, le tribunal a enjoint à la commune de La Chapelle-la-Reine de procéder à la régularisation de la situation de Mme A..., en prenant une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017 et en prenant en charge ses arrêts de travail et soins en lien direct avec cette pathologie, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Contrairement à ce que soutient la commune requérante, cette injonction était suffisamment précise pour être exécutée quand bien même elle ne précisait pas la date de la fin de la pathologie. Ce moyen doit donc, en tout état de cause, être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) ". L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 a aussi, en conséquence de l'institution du congé pour invalidité temporaire imputable au service à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, modifié des dispositions, notamment, de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique territoriale. 6. L'application des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique instituant un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " par insertion dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires d'un article 21 bis n'est pas possible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue sous forme de décret en Conseil d'Etat par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. 7. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. La maladie dont se prévaut Mme A... a été diagnostiquée le 28 novembre 2017, soit antérieurement à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'article 21 bis. Aussi, la situation de Mme A... demeure régie par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique territoriale. 8. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué, désormais codifié aux articles L. 822-1 et suivants du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". 9. Il résulte des termes de l'arrêté contesté que, pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A..., le maire de La Chapelle-la-Reine s'est fondé sur l'insuffisance d'éléments d'appréciation établissant l'existence d'une maladie professionnelle et sur l'absence d'élément établissant le lien entre la pathologie et les fonctions exercées par Mme A.... Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a sollicité le 26 décembre 2017 la reconnaissance de l'imputabilité au service de la tendinopathie des deux épaules, dont elle souffre depuis le 28 novembre 2017 ainsi que la prise en charge des arrêts et soins afférents. La commune s'est notamment fondée sur les conclusions du rapport d'expertise du médecin rhumatologue agréé, établi le 26 avril 2018, réfutant l'imputabilité au service de sa pathologie. Or, d'une part, ce rapport ne comporte aucune précision alors qu'aux termes d'une nouvelle expertise, un autre médecin rhumatologue agréé a conclu, dans un rapport ultérieur du 16 janvier 2019, certes postérieur à l'arrêté attaqué, mais de nature à constater l'état de santé de l'intéressée à la date de l'arrêté litigieux, et de manière précise et détaillée, à l'imputabilité au service de sa pathologie. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme qui disposait des premières conclusions médicales, a émis un avis favorable à l'imputabilité au service le 13 juin 2018. Dès lors, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la pathologie de Mme A... est en lien direct avec les fonctions qu'elle exerçait au sein de la collectivité et ont annulé l'arrêté litigieux pour erreur d'appréciation. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de diligenter une expertise médicale avant-dire droit, que la commune de La Chapelle-la-Reine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 4 décembre 2018 du maire de La Chapelle-la-Reine et enjoint à la commune de La Chapelle-la-Reine de procéder à la régularisation de la situation de Mme A..., en prenant une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 28 novembre 2017 et en prenant en charge ses arrêts de travail et soins en lien direct avec cette pathologie. Sur les frais liés au litige : 11. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme à la commune de La Chapelle-la-Reine sur ce fondement. D'autre part, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au profit de Mme A.... DÉCIDE : Article 1 : La requête de la commune de La Chapelle-la-Reine est rejetée. Article 2 : La commune de La Chapelle-la-Reine versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Chapelle-la-Reine et à Mme B... A.... Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient : - Mme Bonifacj, présidente de chambre, - M. Niollet, président assesseur, - M. Pagès, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2024. Le rapporteur, D. PAGES La présidente, J. BONIFACJ La greffière, E. TORDO La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA01620
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANTES, 6ème chambre, 26/03/2024, 23NT02338, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'annuler la décision du 18 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation. Par un jugement n° 1912716 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre de la défense du 18 mai 2017, a porté de 20 % à 30 % le taux de l'infirmité " séquelles d'entorse du genou droit avec lésion méniscale interne et externe et de l'instabilité antéropostérieure par lésion de l'appareil ligamentaire croisé " de M. C..., a enjoint au ministre des armées de liquider la pension militaire d'invalidité de M. C... en tenant compte du taux de 30 % révisé à compter du 2 mars 2016 et a mis les frais d'expertise à la charge de l'Etat. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 30 novembre 2022, le ministre des armées demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juin 2023 ; 2°) de rejeter la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Nantes et de confirmer la décision du 18 mai 2017. Il soutient que : - le tribunal a méconnu les articles L. 6, L. 26 et L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : * en fondant sa décision sur le rapport d'expertise judiciaire du 29 avril 2020, alors que l'évaluation d'une infirmité se fait, dans le cadre d'une révision pour aggravation, par référence à la gêne fonctionnelle objectivée à la date de la demande, puis par comparaison de cette gêne avec celle décrite dans les expertises antérieures ; * en méconnaissance de ces mêmes dispositions, le tribunal a retenu un moyen tiré de ce qu'une précédente expertise médicale, réalisée le 24 mars 1997, à l'occasion d'une première demande de révision de la pension, avait déjà conclu à un taux d'invalidité de 30 %, alors que ce rapport a été écarté comme ne respectant pas les dispositions de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., né le 16 juin 1964 à Angers, s'est engagé pour 3 ans au titre du 3ème Régiment d'Infanterie de Marine le 1er mars 1983, puis a souscrit plusieurs contrats successifs. Il a été rayé des contrôles de l'armée le 30 septembre 1986, au grade de soldat. A la suite d'une blessure au genou droit reçue à l'occasion du service le 24 avril 1984, lors d'un parcours du combattant, il s'est vu concéder une pension militaire d'invalidité aux taux de 20% par un arrêté du 27 octobre 1987 pour " séquelles d'entorse du genou droit avec lésion discale interne et externe opérée, instabilité antéro-postérieure par lésion de l'appareil ligamentaire croisé ". Le 2 mars 2016, il en a demandé la révision pour aggravation. Par une décision du 18 mai 2017, le ministre de la défense a rejeté cette demande de révision de sa pension, au motif que " le taux d'aggravation de l'infirmité ne s'était pas accru du minimum de 10 % exigible ". M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes, devenu compétent par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, d'annuler cette décision, de fixer son taux d'invalidité à 30 % et de réviser en conséquence sa pension. Par un jugement du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre de la défense du 18 mai 2017, porté de 20 % à 30 % le taux de l'infirmité " séquelles d'entorse du genou droit avec lésion méniscale interne et externe et de l'instabilité antéropostérieure par lésion de l'appareil ligamentaire croisé " de M. C..., enjoint au ministre des armées de liquider la pension militaire d'invalidité de M. C... en tenant compte du taux de 30 % révisé à compter du 2 mars 2016 et mis les frais d'expertise à la charge de l'Etat. Le ministre des armées relève appel de ce jugement. 2. Aux termes de l'article L. 6, alors applicable, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, désormais codifié à l'article L. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. C..., devenu l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 3. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. L'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. 4. En l'espèce, pour accorder à M. C... une pension militaire d'invalidité au taux de 30 % au titre de l'infirmité " séquelles d'entorse du genou droit avec lésion méniscale interne et externe et de l'instabilité antéropostérieure par lésion de l'appareil ligamentaire croisé ", le tribunal s'est fondé sur les conclusions d'une expertise judiciaire du docteur A..., du 29 avril 2020, ordonnée par le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Angers par un jugement avant-dire droit du 7 juin 2019 et sur plusieurs certificats médicaux, notamment un compte-rendu d'IRM du 5 mai 2017, mentionnant un " important remaniement probablement dégénératif des cornes antérieures et postérieures des ménisques interne et externe ". Le tribunal a également relevé qu'une précédente expertise médicale, réalisée le 24 mars 1997 à l'occasion d'une première demande de révision de la pension, avait déjà conclu à un taux d'invalidité de 30 %. Le ministre des armées soutient qu'il résulte des termes de l'expertise judiciaire du 29 avril 2020, évoquée ci-dessus, que l'expert s'est notamment placé, pour évaluer ce taux à 30 %, à la date de son expertise et non à la date de la demande de révision, en méconnaissance des dispositions précitées. Elle ajoute que le rapport d'expertise du 24 mars 1997 a été écarté par une décision du tribunal des pensions militaires d'invalidité de l'Aude, le 5 février 1998, au motif que l'expert n'avait pas procédé à ses opérations d'expertise en se plaçant au jour de la demande de révision de pension militaire d'invalidité. 5. Toutefois, s'il résulte effectivement des termes de l'expertise du 29 avril 2020 que l'expert s'est notamment placé, pour évaluer ce taux à 30 %, à la date de son expertise et non à la date de la demande de révision, le 2 mars 2016, il résulte de l'instruction que l'expertise médicale, réalisée le 24 mars 1997 à l'occasion d'une première demande de révision de la pension de M. C..., avait déjà conclu à un taux d'invalidité de 30 %. La circonstance que ce rapport d'expertise ait été écarté par une décision du tribunal des pensions militaires d'invalidité de l'Aude du 5 février 1998, n'est pas de nature à invalider les conclusions médicales réalisées par l'expert à l'occasion de cette expertise, résultant de son examen à la date du 24 mars 1997. En outre, aucun élément ne permet d'affirmer que l'état du genou droit de M. C... aurait pu connaitre une amélioration notable, entre le 24 mars 1997 et le 2 mars 2016, alors même que l'expertise du 29 avril 2020 confirme les résultats de l'expertise du 24 mars 1997. Par ailleurs, si le ministre soutient que l'expertise du docteur E..., réalisée le 27 juin 2000, a conclu qu'il n'était pas possible de retenir une aggravation de l'état du genou droit de l'intéressé susceptible de modifier le taux d'invalidité de 20 % antérieurement retenu, il résulte cependant de l'instruction que cette expertise est fondée sur un examen de M. C..., prenant en compte l'état de son genou droit, à la date de la précédente demande de révision de pension, soit le 12 avril 1995, alors que la présente demande de révision est en date du 2 mars 2016. Enfin, comme l'a relevé le tribunal, M. C... produit également plusieurs certificats médicaux, notamment un certificat de mai 2017 établi à l'occasion d'une IRM, qui souligne un " important remaniement probablement dégénératif des cornes antérieures et postérieures des ménisques interne et externe ". Si dans le cadre de sa demande de révision de pension militaire d'invalidité introduite le 2 mars 2016, M. C... a été reçu en expertise par le docteur B... qui, dans son rapport du 9 août 2016, conclut à une aggravation arthrosique relevant d'un taux de 25 %, soit une aggravation de 5 % inopérante par rapport au taux de 20 % antérieur, cette évaluation n'est pas de nature à remettre en cause le taux d'aggravation arthrosique de 30 % constaté par les expertises des 24 mars 1997 et 29 avril 2020. Dans ces conditions, l'ensemble des éléments de l'instruction permet de constater l'existence d'une aggravation de l'état du genou droit de M. C... et d'une évolution dégénérative engagée à la date de la demande de révision de sa pension. 6. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre de la défense du 18 mai 2017, a porté de 20 % à 30 % le taux de l'infirmité " séquelles d'entorse du genou droit avec lésion méniscale interne et externe et de l'instabilité antéropostérieure par lésion de l'appareil ligamentaire croisé " de M. C..., a enjoint au ministre des armées de liquider la pension militaire d'invalidité de M. C... en tenant compte du taux de 30 % révisé à compter du 2 mars 2016 et a mis les frais d'expertise à la charge de l'Etat. DÉCIDE : Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 8 mars 2024, à laquelle siégeaient : - M. Coiffet, président, - Mme Gélard, première conseillère, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mars 2024. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. COIFFET La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02338
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 26/03/2024, 23MA00702, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 18 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité, ainsi que la décision du 9 juin 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours préalable, et d'enjoindre au ministre des armées de fixer à 90 % le taux d'invalidité dû à sa pathologie, ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant dire droit. Par un jugement n° 2106683 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A... B.... Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 mars et 11 octobre 2023, M. A... B..., représenté par Me Van Robays, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2106683 du 30 janvier 2023 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler la décision du 11 juin 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours préalable contre la décision du 18 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ; 3°) d'ordonner au ministre de majorer le taux servant de base pour le calcul de la pension militaire d'invalidité à 90 % ; 4°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'administration a commis une erreur dans l'appréciation de l'aggravation de son infirmité dès lors qu'elle n'a pas tenu compte de son psoriasis, qui est en lien direct avec son état anxiodépressif ; - il en résulte que son taux d'invalidité doit être porté de 80 % à 90 %, lui ouvrant ainsi droit à la majoration de sa pension d'invalidité. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 29 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 octobre 2023 à 12 heures. Un mémoire, enregistré le 17 octobre 2023, produit par le ministre des armées, n'a pas été communiqué. M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ; Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., né le 18 mars 1946 et radié des contrôles de l'armée le 18 mars 2003, s'est vu concéder, par un arrêté du 20 août 2019 du ministre des armées, une pension militaire d'invalidité révisée, depuis le 2 avril 2013, au taux de 80 %, pour l'infirmité " Etat anxiodépressif sévère avec somatisations anxieuses et traits sensitifs dominants. Psoriasis du visage et du cuir chevelu ". Par courrier du 6 mars 2019, il a présenté une demande de révision de sa pension en se prévalant de l'aggravation de cette infirmité. Par une décision du 18 décembre 2020, la ministre des armées a rejeté cette demande, et la commission de recours de l'invalidité a confirmé ce rejet par une décision du 9 juin 2021. M. A... B... relève appel du jugement du 30 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. 2. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la pension d'invalidité concédée à titre définitif dont la révision est demandée pour aggravation n'est susceptible d'être révisée que lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités, se trouve augmenté d'au moins dix points. En outre, en vertu des dispositions de l'article L. 151-2 du même code, l'évolution des infirmités pensionnées s'apprécie sur une période comprise entre la date initiale d'octroi de la pension et celle de dépôt de la demande de révision. 3. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement tant des conclusions de l'expertise médicale diligentée par le ministère des armées, au cours de laquelle M. A... B..., accompagné de son médecin, a été examiné les 16 et 30 juillet 2020, que de l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, que si l'intéressé est un sujet très anxieux au caractère sensitif dominant, tenant un discours de revendication, avec un sentiment d'injustice qui se chronicise et révèle ainsi une aggravation de l'infirmité au titre de laquelle il bénéfice d'une pension d'invalidité, cette aggravation est toutefois fixée, par ces deux médecins, seulement à un taux de 5 %. Pour parvenir à cette conclusion, l'expert a procédé, ainsi qu'il était tenu de le faire, à une analyse suffisamment précise de l'évolution de l'état de santé de l'intéressé depuis la dernière expertise, au terme de laquelle le taux d'invalidité avait été fixé à 80 %. Pour contester cette analyse, M. A... B... soutient que l'expert, de même d'ailleurs que le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, n'aurait pas pris en compte l'aggravation de son psoriasis, lequel s'est étendu au niveau du conduit auditif selon le certificat médical établi le 10 janvier 2019 par le dermatologue assurant son suivi. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette pathologie avait déjà été prise en compte, dans toutes ses composantes, pour évaluer à 80 % le taux d'invalidité précédemment fixé, dès lors qu'un tel psoriasis, bien que non expressément cité par l'expert dans son rapport du 11 juin 2014, ni mentionné par la fiche d'invalidité en tant qu'il s'était étendu aux oreilles, avait néanmoins été objectivé, y compris au niveau des oreilles, à l'occasion d'une consultation dermatologique du 4 janvier 2013 et avait été expressément mentionné dans le certificat médical du même jour adressé au médecin expert alors chargé de se prononcer sur la demande de M. A... B.... Il ne résulte par ailleurs pas des certificats médicaux contemporains de la demande de révision du 6 mars 2019 que l'évolution de ce psoriasis aurait entraîné une gêne fonctionnelle supplémentaire, l'hypoacousie neurosensorielle gauche alléguée, à la supposer même imputable à ce psoriasis, ayant été diagnostiquée par un médecin oto-rhino-laryngologiste le 2 septembre 2022, soit postérieurement à la date de la demande de révision. Par conséquent, il ne résulte pas de l'instruction que l'aggravation de l'infirmité " Etat anxiodépressif sévère avec somatisations anxieuses et traits sensitifs dominants. Psoriasis du visage et du cuir chevelu " dont souffre M. A... B... justifierait l'allocation d'un taux supérieur au taux de 5 % retenu par l'administration pour rejeter sa demande de révision de pension, un tel taux étant inférieur au taux de 10 % susceptible d'ouvrir droit à une révision de pension en application de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre cité au point 2. 4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit une expertise médicale, que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., à Me Van Robays et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 où siégeaient : - M. Revert, président, - M. Martin, premier conseiller, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mars 2024. N° 23MA00702 2
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 7ème chambre, 20/03/2024, 470330, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision du 28 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice d'une pension militaire d'ayant cause, et d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de lui verser cette pension à compter du décès de son époux, ainsi que les arrérages, dans un délai de quarante-cinq jours à compter du jugement du tribunal, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai. Par un jugement n° 2100628 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 janvier et 11 avril 2023 et le 27 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Krivine et Viaud, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ; - le décret n° 2010-1691 du 30 décembre 2010 ; - l'arrêté interministériel du 30 décembre 2010 portant application du décret n° 2010-1691 du 30 décembre 2010 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Krivine, Viaud, avocat de Mme B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. C..., ressortissant marocain, a été rayé des contrôles de l'armée active le 10 mai 1956 et qu'il est décédé le 9 août 1996. Mme A... B..., qui soutient qu'elle s'est mariée avec lui, a demandé à la ministre des armées de lui accorder une pension de réversion. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 28 décembre 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension de réversion. Sur le désistement d'office : 2. Aux termes de l'article R. 611-22 du code de justice administrative : " Lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du conseil d'Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n'est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le conseil d'Etat donne acte de ce désistement ". 3. Le pourvoi sommaire de Mme B... a été enregistré le 9 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat. Si le ministre des armées fait valoir que son mémoire complémentaire, enregistré le 11 avril suivant, a été déposé postérieurement au délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 611-22 du code de justice administrative, il ressort des pièces du dossier que ce délai franc n'était pas expiré à cette date dès lors que le 10 avril était un jour férié. Il n'y a donc pas lieu pour le Conseil d'Etat de donner acte d'un désistement du pourvoi de Mme B.... Sur le pourvoi : 4. Aux termes de l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite, rendu applicable à Mme B..., ayant cause d'un militaire, par l'article L. 47 du même code : " Le droit à pension de veuve est subordonné à la condition : / a) (...) / Nonobstant les conditions d'antériorité prévues ci-dessus, le droit à pension de veuve est reconnu : / 1° Si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage ; / 2° Ou si le mariage, antérieur ou postérieur à la cessation de l'activité, a duré au moins quatre années ". 5. Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". 6. Aux termes de l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, applicable aux demandes de pension de réversion : " I. - (...) les pensions civiles et militaires de retraite et les retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants. (...) / V. - Les demandes de pensions présentées en application du présent article sont instruites dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et par le code des pensions civiles et militaires de retraite. (...) / VIII. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les mesures d'information des bénéficiaires ainsi que les modalités de présentation et d'instruction des demandes mentionnées aux III, IV et V./ (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 30 décembre 2010, pris pour l'application des dispositions de cet article 211 : " Un arrêté conjoint des ministres chargés de la défense, des affaires étrangères, des anciens combattants et du budget énumère les pièces justificatives à produire à l'appui de toute demande visée à l'article 1er ". L'annexe 3 de l'arrêté du 30 décembre 2010 pris pour l'application de ce décret cite, parmi les pièces exigées pour une demande de pension d'un ayant cause, " l'acte de mariage mentionnant la date de transcription sur les registres d'état-civil ". 7. S'il résulte des dispositions citées au point 6 que " l'acte de mariage mentionnant la date de transcription sur les registres d'état-civil " fait foi en toutes ses mentions, notamment la date de la célébration, pour l'obtention des pensions régies par ces dispositions, d'autres preuves de l'existence et de la date d'un mariage peuvent être apportées conformément aux dispositions de l'article 47 du code civil. Par suite, en jugeant que la seule preuve sur ces points admise par les dispositions citées au point 6 était " l'acte de mariage mentionnant la date de transcription sur les registres d'état-civil ", le tribunal administratif de Poitiers a commis une erreur de droit. Mme B... est dès lors fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Krivine, Viaud, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cet avocat. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 23 juin 2022 du tribunal administratif de Poitiers est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Poitiers. Article 3 : L'Etat versera à la SCP Krivine, Viaud, avocat de Mme B..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre des armées.ECLI:FR:CECHS:2024:470330.20240320
Conseil d'Etat
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 12/03/2024, 21TL04735, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier : Sous le n° 2003490, d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020, notifié le 29 juin 2020, par lequel le président de l'union départementale scolaire et d'intérêt social (UDSIS) des Pyrénées-Orientales l'a placée en congé de maladie ordinaire du 2 décembre 2019 au 31 mai 2020 et d'enjoindre à l'UDSIS de saisir la commission de réforme en vue du réexamen de sa demande d'imputabilité au service de la rechute à compter du 2 décembre 2019 de l'accident de service dont elle a été victime le 11 janvier 2016, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir. Sous le n° 2003491, d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le président de l'UDSIS des Pyrénées-Orientales l'a placée en congé de maladie ordinaire du 1er juin au 25 août 2020 et d'enjoindre à l'UDSIS de saisir la commission de réforme en vue du réexamen de sa demande d'imputabilité au service de la rechute dont elle a été victime à compter du 1er juin 2020, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir. Sous le n° 2004098, d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le président de l'UDSIS des Pyrénées-Orientales l'a placée en disponibilité d'office, sans rémunération, pour raison de santé pour une période de trois mois à compter du 26 août 2020 et d'enjoindre à l'UDSIS de la rétablir dans ses droits en ce compris la reconstitution des droits sociaux et, notamment, des droits à pension de retraite, avancement, grade, avec effet rétroactif et de procéder au réexamen de son dossier dans le délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Sous le n° 2004100, d'annuler l'arrêté 10 août 2020 par lequel le président de l'UDSIS des Pyrénées-Orientales l'a placée en disponibilité d'office avec demi-traitement à compter du 26 août 2020 et d'enjoindre à l'UDSIS de la rétablir dans ses droits en ce compris la reconstitution des droits sociaux et, notamment, des droits à pension de retraite, avancement, grade, avec effet rétroactif et de procéder au réexamen de son dossier dans le délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 2003490, 2003491, 2004098, 2004100 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2021, sous le n° 21MA04735 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04735, Mme C... B..., représentée par Me Cacciapaglia, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le président de l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales l'a placée en congé maladie ordinaire du 2 décembre 2019 au 31 mai 2020 ; 3°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le président de l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales l'a placée en congé maladie ordinaire du 1er juin au 25 août 2020 ; 4°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le président de l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales l'a placée en disponibilité d'office avec demi-traitement à compter du 26 août 2020 ; 5°) d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le président de l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales l'a placée en disponibilité d'office sans rémunération pour raison de santé pour une période de trois mois à compter du 26 août 2020 ; 6°) d'enjoindre à l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales de saisir la commission de réforme en vue du réexamen de sa demande d'imputabilité au service à compter du 2 décembre 2019 de la rechute de l'accident de service du 11 janvier 2016, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 7°) d'enjoindre à l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales de saisir la commission de réforme en vue du réexamen de sa demande d'imputabilité au service de la rechute dont elle a été victime à compter du 1er juin 2020, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 8°) d'enjoindre à l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales de la rétablir dans ses droits en ce compris la reconstruction de ses droits sociaux et de ses droits à pension de retraite, avancement et grade, avec effet rétroactif et de procéder au réexamen de son dossier dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 9°) de mettre à la charge de l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : Sur la régularité du jugement : - s'agissant des arrêtés des 22 juin et 21 juillet 2020, le tribunal a écarté de manière injustifiée le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait et a commis une erreur de fait et de droit en ne reconnaissant pas que les " rechutes " relèvent de l'aggravation de sa pathologie reconnue imputable au service ; - s'agissant des arrêtés des 10 août et 3 septembre 2020, le tribunal a commis une erreur de droit en violant les dispositions du décret n°87-602 du 30 juillet 1987, et une erreur de droit et de fait en ne prenant pas en compte toutes les conséquences discriminatoires de la portée de ces arrêtés ; Sur l'illégalité des arrêtés des 22 juin et 21 juillet 2020 : - ils sont entachés d'une insuffisance de motivation en fait ; - ils sont entachés d'un vice de procédure dès lors que le docteur A..., médecin généraliste, ne pouvait éclairer la commission de réforme, n'étant pas spécialisé dans le type de pathologie dont elle souffre ; de plus, ce médecin qui est membre permanent de la commission de réforme et a siégé lorsque cet organisme a rendu son avis sur son dossier ; ces vices ont exercé une importante influence sur le sens des arrêtés pris, la privant de garanties ; - ils ont été pris en violation du principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; - ils sont entachés d'erreur de droit pour incompétence négative ; - ils ont été pris en violation de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ; Sur l'illégalité de l'arrêté du 10 août 2020 : - il est entaché d'une insuffisance de motivation en fait ; - il a été pris en violation de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; - il est entaché d'erreur de droit en ce qu'il méconnaît son droit au reclassement ; Sur l'illégalité de l'arrêté du 3 septembre 2020 : - il est entaché d'une insuffisance de motivation en fait ; - il est entaché d'un vice de procédure en raison de l'information tardive de la consultation du comité médical ; - il a été pris en violation du principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; - il est entaché d'erreur de droit pour incompétence négative ; - il a été pris en violation de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; - il est entaché d'erreur de droit en ce qu'il méconnaît son droit au reclassement. Par un mémoire enregistré le 4 avril 2023, l'union départementale scolaire et d'intérêt social des Pyrénées-Orientales, représentée par Me Merland, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme B... la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé. Par ordonnance du 5 avril 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 17 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ; - le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Aubert substituant Me Cacciapaglia, représentant Mme B..., et de Me Merland représentant l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., adjoint technique territorial de l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales, a développé une tendinopathie de l'épaule droite à compter d'octobre 2013, reconnue comme maladie professionnelle. Elle a été victime d'un accident survenu le 8 décembre 2016, ayant entraîné son placement en congé pour accident de service reconnu imputable au service par un arrêté du 16 mars 2017 au titre de la période du 8 au 14 décembre 2016. Mme B... a ensuite transmis plusieurs arrêts de travail relatifs à une " rechute " de sa maladie professionnelle, qui a été reconnue imputable au service du 6 juin 2018 au 1er mars 2019. Elle a été mise à disposition de la communauté de communes des Aspres à compter du 22 août 2019 pour une durée d'un an et affectée à la crèche de .... Elle a de nouveau transmis des arrêts de travail pour les périodes allant du 26 août 2019 au 31 janvier 2020 pour des douleurs à l'épaule droite, en faisant ensuite état d'un accident de service survenu le 29 août 2019. Par un arrêté du 22 juin 2020, le président de l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ces arrêts de travail et l'a placée en congé de maladie ordinaire du 2 décembre 2019 au 31 mai 2020. Par un arrêté du 21 juillet 2020, Mme B... a été placée en congé de maladie ordinaire du 1er juin au 25 août 2020. Par un arrêté du 1er juillet 2020, l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales a mis fin à sa mise à disposition et prononcé sa réintégration au sein de ses effectifs à compter du 1er août 2020. Par un arrêté du 10 août 2020, l'intéressée a été placée en disponibilité d'office à titre conservatoire à l'issue d'un congé de maladie ordinaire à compter du 26 août 2020 avec maintien de son demi-traitement jusqu'à la date de sa reprise de fonctions, de son reclassement ou de son admission à la retraite pour invalidité. A la suite de l'avis du comité médical réuni le 26 août 2020, favorable à la reprise de service de l'intéressée, l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales a pris, le 3 septembre 2020, un arrêté plaçant Mme B... en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 26 août 2020 pour une durée de trois mois dans l'attente de sa reprise d'activité, avec cessation du versement de sa rémunération et suspension de ses droits à l'avancement et à la retraite. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés des 22 juin 2020, 21 juillet 2020, 10 août 2020 et 3 septembre 2020. Par un jugement rendu le 12 octobre 2021 dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Sur la régularité du jugement : 2. Mme B... soutient, s'agissant tout d'abord des arrêtés des 22 juin et 21 juillet 2020, que le tribunal a écarté de manière injustifiée le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait, et a commis une erreur de fait et de droit en ne reconnaissant pas que les rechutes dont elle a été victime sont indéniablement le fruit de l'aggravation de sa pathologie à la suite de la déclaration de sa maladie professionnelle. S'agissant ensuite des arrêtés des 10 août et 3 septembre 2020, la requérante soutient que le tribunal a également commis une erreur de droit en violant les dispositions du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, en l'absence de poste adapté proposé, ainsi qu'une erreur de droit et de fait en ne prenant pas en compte toutes les conséquences discriminatoires de la portée de ces arrêtés. Toutefois, de tels moyens qui relèvent du bien-fondé du jugement, ne sont pas susceptibles d'affecter sa régularité. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne les arrêtés des 22 juin et 21 juillet 2020 : 3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'incompétence négative dont seraient entachés les arrêtés contestés, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 3 et 12 de son jugement. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le président de la commission de réforme est désigné par le préfet qui peut choisir soit un fonctionnaire placé sous son autorité, soit une personnalité qualifiée qu'il désigne en raison de ses compétences, soit un membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Dans ce cas, un président suppléant, n'appartenant pas à la même collectivité, est désigné pour le cas où serait examinée la situation d'un fonctionnaire appartenant à la collectivité dont est issu le président. Le président dirige les délibérations mais ne participe pas au vote. / Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; Chaque titulaire a deux suppléants désignés dans les conditions prévues aux articles 5 et 6 ci-dessous ". Aux termes de l'article 16 du même arrêté : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". Aux termes de l'article 17 de l'arrêté dans sa version applicable : " La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance. / Deux praticiens, titulaires ou suppléants, doivent obligatoirement être présents. / Cependant, en cas d'absence d'un praticien de médecine générale, le médecin spécialiste a voix délibérative par dérogation au 1 de l'article 3. / Les médecins visés au 1 de l'article 3 (...) ne peuvent pas siéger avec voix délibérative lorsque la commission examine le dossier d'un agent qu'ils ont examiné à titre d'expert ou de médecin traitant. ". 5. Il ressort du procès-verbal de la commission de réforme du 27 mai 2020, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, que le docteur A..., qui a remis un rapport d'expertise le 22 janvier 2020, n'a pas siégé avec voix délibérative lors de cette séance, sa signature n'ayant pas été apposée sur le procès-verbal de cette séance. En outre, la circonstance que le docteur A... siégeait en qualité de membre permanent en qualité de suppléant de la commission de réforme n'a pu en l'espèce être de nature à priver Mme B... d'une garantie dès lors que ce médecin s'était antérieurement prononcé en faveur de la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée. Si la requérante persiste à soutenir qu'elle aurait dû être examinée par un médecin spécialisé en orthopédie, alors même que le docteur A... l'avait examinée à plusieurs reprises depuis novembre 2013, ni les dispositions énoncées au point 4 ni aucun principe n'imposait qu'un médecin spécialiste soit désigné pour procéder à l'expertise des douleurs à l'épaule dont elle souffre. Par suite, le moyen tiré des vices entachant la procédure suivie doit être écarté. 6. En troisième lieu, si les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir, s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration ne peut déroger à cette règle générale en leur conférant une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. En l'espèce, l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales étant tenue de placer Mme B... dans une position régulière, le moyen tiré de la violation du principe de non-rétroactivité doit être écarté. 7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) ". Aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, alors applicable : " (...) Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Compte tenu de leur caractère suffisamment clair et précis, les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont entrées en vigueur le lendemain de leur publication au Journal officiel, soit le 21 janvier 2017, nonobstant l'absence d'édiction du décret d'application auquel renvoie cet article. En l'absence de dispositions contraires, elles sont d'application immédiate et ont donc vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. 8. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 9. Il ressort des pièces du dossier que la pathologie développée à l'occasion du service par Mme B... à compter du 18 octobre 2013, a provoqué une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite qui a été reconnue comme maladie professionnelle n°57 désignée dans le tableau des maladies professionnelles. Son état de santé a été déclaré consolidé sans séquelles imputables le 19 mars 2014. Toutefois, les arrêts de travail qu'elle a présentés au titre d'une rechute de cette maladie professionnelle ont été reconnus imputables au service pour la période allant du 6 juin 2018 au 1er mars 2019, après avis favorable de la commission de réforme. En revanche, ses arrêts de travail présentés au titre de la période allant du 24 mai au 7 juillet 2019 n'ont pas été reconnus imputables au service, après avis défavorable de ladite commission à la rechute de sa maladie professionnelle au vu des pièces médicales produites ne faisant état d'aucun examen complémentaire ou conduite thérapeutique continue. La requérante, qui avait accepté d'être mise à la disposition de la communauté de communes des Aspres sur un poste d'auxiliaire de crèche par courrier du 20 mai 2019, a été affectée sur ce poste plus adapté à son état de santé pour une durée d'un an à compter du 22 août 2019. Elle a cependant été placée en arrêt de travail de manière ininterrompue à compter du 26 août 2019, avant d'être réintégrée au sein de l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales à compter du 1er août 2020. Le 2 décembre 2019, Mme B... a adressé un arrêt de travail au titre d'un accident de service survenu le 29 août 2019. Saisie de la question de l'imputabilité de la rechute déclarée le 29 août 2019, date à laquelle la requérante était affectée au sein de la crèche de ... et en arrêt de travail depuis le 26 août précédent, la commission de réforme, réunie le 27 mai 2020, s'appuyant sur les conclusions du rapport du docteur A... en date du 22 janvier 2020, a constaté l'absence d'évènement accidentel et estimé que le certificat médical de prolongation devait, à compter du 2 décembre 2019, être pris en compte dans le cadre de l'assurance maladie. En outre, la commission a constaté, au vu de l'expertise précitée révélant " un examen pratiquement normal ", que Mme B... était apte à exercer ses fonctions, en précisant toutefois, d'une part, que " se pose un problème d'adaptation au nouveau poste de travail adapté à sa pathologie sur lequel elle a été affectée à sa demande et qui ne semble pas lui convenir " et, d'autre part, que la manifestation d'un " trouble de l'adaptation avec altération de l'humeur " justifie un suivi par la médecine du travail et par le comité médical. Il ne ressort pas des documents médicaux et compte-rendu d'imagerie par résonance magnétique produits par la requérante que sa pathologie a été contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions au sein de la crèche de ... pendant une durée particulièrement brève, ni qu'elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter son développement. Par suite, alors même qu'un précédent épisode affectant la même épaule a été reconnu imputable au service, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 57-2 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés. En ce qui concerne les arrêtés des 10 août et 3 septembre 2020 : 10. En premier lieu, les décisions plaçant d'office un fonctionnaire en disponibilité en raison de l'expiration de ses droits statutaires à congé de maladie ne relèvent d'aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées. En tout état de cause, les arrêtés contestés plaçant Mme B... en disponibilité d'office comportent une motivation suffisante lui permettant de comprendre les raisons pour lesquelles ils ont été adoptés, alors même qu'ils ne mentionnent pas la date de saisine du comité médical. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation en fait des décisions attaquées doit être écarté. 11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Le comité médical départemental est chargé de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les questions médicales soulevées par l'admission des candidats aux emplois publics, l'octroi et le renouvellement des congés de maladie et la réintégration à l'issue de ces congés, lorsqu'il y a contestation.(...) Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire/- de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier -de ses droits concernant la communication de son dossier et de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix. ". 12. Il ressort des pièces du dossier que le secrétariat du comité médical du centre de gestion de la fonction publique territoriale des Pyrénées-Orientales a adressé à Mme B... un courrier daté du 6 août 2020 portant convocation en vue de la réunion du comité médical prévue le 26 août 2020. Cette convocation, qui lui a été notifiée le 14 août 2020, informait par ailleurs Mme B... de ses droits concernant la communication de son dossier et de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix. Mme B... n'établit pas que le délai dont elle a disposé avant la réunion du comité médical aurait été insuffisant pour lui permettre de consulter un médecin. Par suite, la requérante, qui n'a pas, en tout état de cause, sollicité la communication de son dossier médical, n'est pas fondée à soutenir que la consultation du comité médical serait entachée d'un vice de procédure. 13. En troisième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la violation du principe de non-rétroactivité dirigé à l'encontre de l'arrêté du 3 septembre 2020, pour les motifs énoncés au point 6. 14. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du 3 septembre 2020 serait entaché d'une incompétence négative. 15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret du 30 septembre 1985 susvisé, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. ". 16. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'agent a épuisé ses droits à un congé de maladie ordinaire, il appartient à la collectivité qui l'emploie, d'une part, de saisir le comité médical, qui doit se prononcer sur son éventuelle reprise de fonctions ou sur sa mise en disponibilité, son reclassement dans un autre emploi ou son admission à la retraite, et, d'autre part, de verser à l'agent un demi-traitement dans l'attente de la décision du comité médical. 17. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 26 août 2019, avait épuisé ses droits le 25 août 2020. L'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales a saisi le comité médical le 11 février 2020 d'une demande portant sur la prolongation de son congé de maladie au-delà de six mois et sur la possibilité de la placer en congé de longue maladie. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le comité médical n'a pu se réunir avant le 26 août 2020. Il appartenait dans ces conditions à l'administration de prendre une décision provisoire dans l'attente de cet avis pour placer Mme B... dans l'une des positions prévues par son statut. Il est constant que l'arrêté du 10 août 2020 prévoyait le maintien d'un demi-traitement à compter du 26 août 2020 et dans l'attente de l'avis du comité médical. En revanche, alors même que l'avis rendu par le comité médical a constaté un examen quasi normal et l'aptitude à ses fonctions par Mme B..., ajoutant que le dossier devait être suivi par la médecine du travail et qu'en l'absence de reprise du travail l'agent devait être mise en disponibilité d'office pour raison de santé pour une durée de trois mois, les dispositions de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 n'imposaient pas le maintien d'un demi-traitement. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que, par courriers du 3 septembre 2020, l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales a demandé à Mme B... de prendre contact avec le médecin du travail et a saisi ce dernier pour avis sur une reprise de travail de l'agent sur la fiche de poste aménagé. Le médecin du travail a cependant estimé, par un courriel du même jour, qu'il n'y avait pas lieu d'examiner Mme B... avant la visite de reprise à laquelle elle a été convoquée par un courrier en date du 28 octobre 2020. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'arrêté du 3 septembre 2020 doit être écarté. 18. Il résulte de ce qui a été évoqué aux points 9 et 17, que Mme B... ne saurait utilement soutenir que la décision du 3 septembre 2020 la plaçant en position de disponibilité d'office sans rémunération pour raison de santé pour une période de trois mois à compter du 26 août 2020, aurait méconnu l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. De même, la requérante n'ayant pas été reconnue inapte à l'exercice de ses fonctions, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit au reclassement doit être écarté comme inopérant. 19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence. Sur les frais liés au litige : 20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. 21. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros à verser à l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales au titre des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Mme B... versera à l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'union départementale scolaire et d'insertion sociale des Pyrénées-Orientales. Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Blin, présidente assesseure, M. Teulière, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024. La rapporteure, A. Blin La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°21TL04735 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 12/03/2024, 22MA00979, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Marseille en application de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, en premier lieu, d'annuler la décision du 24 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité, en deuxième lieu, d'enjoindre à la ministre des armées de fixer de manière définitive le taux d'invalidité des séquelles de traumatisme lombaire à 15 %, celui des séquelles de traumatisme du genou droit à 10 %, celui des séquelles de traumatisme de la hanche droite à 15 %, et celui des séquelles de traumatisme du rachis cervical à 15 %, et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 16 juin 2016, en troisième lieu et à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire-droit et en dernier lieu, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Par un jugement n° 1911527 du 11 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 10 mars 2022 et transmise par ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Toulouse du 29 mars 2022, et des mémoires les 10 janvier et 6 février 2023, M. A..., représenté par Me Mattler, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 janvier 2022 ; 2°) d'annuler cette décision de la ministre des armées du 24 juin 2019 ; 3°) de faire droit à sa demande de pension au taux d'invalidité de 15 % pour séquelles de traumatisme lombaire, au taux de 10 % pour séquelles de traumatisme du genou droit, au taux de 15 % pour séquelles de traumatisme de la hanche droite et au taux de 15 % pour séquelles de traumatisme du rachis cervical ; 4°) de le renvoyer devant l'administration compétente aux fins de mise en œuvre des dispositions applicables en matière de pensions militaires d'invalidité et de régularisation financière afférente ; 5°) subsidiairement, d'ordonner avant dire-droit une expertise médicale, confiée à un expert en orthopédie - traumatologie, aux fins, notamment, de proposer un libellé pour les quatre infirmités en cause, de chiffrer avec précision, pour chacune des quatre infirmités, le taux d'invalidité imputable au service, à la date de la demande du 16 juin 2016 enregistrée le 28 octobre 2016 pour les séquelles résultant des quatre premiers accidents, à la date de la demande du 12 janvier 2018 enregistrée le 5 février 2018 pour les séquelles résultant du cinquième accident, de donner son avis sur la nature des infirmités et sur leur imputabilité au service ; 6°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - s'agissant de la première infirmité : * celle-ci constitue non pas des " lombalgies chroniques " mais des " séquelles de traumatisme lombaire ", et non pas une maladie, mais une blessure ainsi que l'a jugé le tribunal ; * les avis de la commission consultative médicale et du médecin chargé des pensions sont inopposables et doivent être annulés, d'une part, faute pour le ministre de démontrer l'identité des membres de la commission qui y ont siégé, leur qualité, la régularité de leur désignation, faute pour la commission, qui n'est pas indépendante et qui a proposé un abaissement du taux, d'avoir procédé à un nouvel examen du militaire, en méconnaissance d'une instruction du 22 novembre 1924, et d'autre part, en raison de l'absence de visa de l'avis de ce médecin par la décision en litige, d'examen du militaire par ce médecin qui n'est pas indépendant et d'information préalable de l'intervention d'un tel avis ; * le tribunal a soulevé le moyen de l'abrogation de cette instruction dont il n'a eu connaissance qu'à l'audience ; * le taux d'invalidité à retenir, tenant compte de l'accident de service du 18 novembre 2016, doit être de 15 % et de non 10 % ; * cette infirmité est imputable au service, en l'absence de tout état antérieur auquel elle serait liée ; - s'agissant de la deuxième infirmité : * ces séquelles au genou droit, qui traduisent une gêne fonctionnelle, sont imputables au service et doivent être indemnisées suivant un taux d'invalidité de 10 %, même dans le silence du guide-barème ; - s'agissant de la troisième infirmité : * pour les motifs précédemment évoqués, les avis de la commission consultative médicale et du médecin chargé des pensions ne sont pas opposables, non plus que celui de la commission de réforme ; * ces séquelles de traumatisme de la hanche droite, imputables au service, justifient l'attribution d'un taux d'invalidité de 15 % ; - s'agissant de la dernière infirmité : * les troubles du rachis correspondants, dus au premier et au quatrième accidents et imputables au service, justifient également l'attribution d'un taux d'invalidité de 15 %, et non de 10 %, l'expertise médicale réalisée par l'administration ne respectant les préconisations de l'instruction du 20 juillet 1976 et les avis du médecin en charge des pensions, de la commission consultative médicale et de la commission de réforme ne lui étant pas opposables faute d'être contradictoires. Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 décembre 2022, 31 janvier et 5 mai 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 mai 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Mattler, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., caporal-chef de l'armée de terre, radié des contrôles pour réforme définitive à compter du 13 février 2018, a présenté, les 28 octobre 2016 et 5 février 2018, deux demandes de pension militaire d'invalidité, au titre des quatre infirmités dénommées " lombalgies chroniques ", " séquelles du traumatisme du genou droit ", " séquelles de traumatisme de la hanche droite ", et " séquelles de traumatisme du rachis cervical ". Par une décision du 24 juin 2019, prise après avis de la commission consultative médicale du 9 mai 2019 et de la commission de réforme du 12 juin 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande. Par un jugement du 11 janvier 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Pour écarter comme inopérant le moyen tiré par M. A... de l'irrégularité de l'avis émis le 9 mai 2019 par la commission consultative médicale, au regard des dispositions de l'instruction ministérielle du 22 novembre 1924, prise pour l'application du décret du 31 octobre 1924 relatif aux attributions de la commission consultative médicale, le tribunal s'est fondé sur l'absence de publication de cette instruction contrairement aux prescriptions de l'article R. 312-8 du code des relations entre le public et l'administration. Ce faisant, alors même que le ministre des armées n'avait pas invoqué l'inapplicabilité de cette instruction, le tribunal n'a pas soulevé d'office un moyen, dont il aurait dû informer préalablement les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, mais s'est borné à répondre au moyen dont il était saisi. Son jugement n'est donc à cet égard entaché d'aucune irrégularité. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le cadre juridique applicable : 3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la demande de pension de M. A... du 28 octobre 2016 : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". L'article L. 4 du même code dispose que : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 p. cent. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 p. cent ; (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse (...) 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui reprend les dispositions de l'ancien article L. 2 de ce code et qui est applicable à la demande de pension de M. A... du 5 février 2018 : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code, qui reprend les principes posés à l'ancien article L. 4 : " (...) Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". Aux termes de l'article L. 121-5 de ce code, qui reprend les principes posés à l'ancien article L. 4 : " La pension est concédée : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : a) 30 % en cas d'infirmité unique ; b) 40 % en cas d'infirmités multiples ". 4. Si la décision en litige se prononce sur les deux demandes de pension présentées par M. A... au titre de quatre infirmités, la seconde de ces demandes, du 5 février 2018, porte seulement sur les douleurs lombaires chroniques. Par suite, les droits à pension de M. A... doivent être appréciés, s'agissant de ces quatre infirmités, en fonction des circonstances de droit et de fait en vigueur au jour de sa première demande, le 28 octobre 2016, tandis que les douleurs lombaires chroniques doivent également être appréciées en fonction des circonstances prévalant au jour de la seconde demande, le 5 février 2018. En ce qui concerne les douleurs lombaires chroniques : S'agissant de l'instruction de la demande de pension concernant ces troubles : 5. En premier lieu, la circonstance que la décision en litige ne vise pas l'avis rendu par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité le 28 janvier 2019 est sans incidence sur sa régularité. Elle n'est, par ailleurs, pas de nature à démontrer, par elle-même, que la ministre des armées n'aurait pas tenu compte de cet avis pour statuer sur la demande de pension de M. A.... Il ne résulte, en outre, d'aucune disposition ni d'aucun principe que cet avis devrait être rendu au terme d'un examen médical du militaire, ni qu'il devrait donner lieu à une information préalable de celui-ci. Enfin, un tel avis, bien qu'émanant du médecin en chef du service des pensions du ministère des armées, en charge de l'instruction des demandes en vertu des dispositions de l'article R. 151-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ne lie pas le ministre et est au nombre des pièces sur lesquelles ce dernier et le juge des pensions peuvent valablement s'appuyer pour déterminer les droits à pension du militaire. Par suite, M. A... n'est pas fondé à prétendre que cet avis ne lui serait pas opposable. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 151-12 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable au litige : " Lorsque l'instruction médicale est achevée, le dossier est soumis pour avis à la commission consultative médicale dans les cas prévus par arrêté des ministres chargés des anciens combattants et victimes de guerre et du budget, ou lorsque l'un ou l'autre des services mentionnés à l'article R. 151-18 l'estime utile. (...) ". 7. D'une part, en se bornant à soutenir, après avoir cité les termes de l'article 1er de l'instruction ministérielle du 22 novembre 1924 prise pour l'application du décret du 31 octobre 1924 relatif aux attributions de la commission consultative médicale, à affirmer que le ministre " n'établit ni l'identité des membres de la commission consultative médicale qui y ont siégé, ni leur qualité, ni la régularité de leur désignation ", M. A... n'assortit pas son moyen tiré de l'irrégularité de l'avis rendu par cette commission le 9 mai 2019 des précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. 8. D'autre part, contrairement à ce que soutient M. A..., la commission consultative médicale n'a pas proposé de rabaisser le taux d'invalidité susceptible d'être attribué pour l'infirmité de douleurs lombaires chroniques, mais a proposé de considérer que seule une part de ce taux était imputable à un fait de service. Ainsi, l'appelant n'est pas fondé à prétendre que cette commission aurait dû, en application de l'article 3 de l'instruction ministérielle du 22 novembre 1920, procéder à un nouvel examen médical avant d'émettre son avis. Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que, préalablement à la saisine de cette commission, le militaire, qui a déjà été examiné par le médecin expert, devrait être soumis à un nouvel examen médical. 9. Enfin, en l'absence de principe général consacrant l'indépendance des organismes consultatifs médicaux de l'administration des pensions, M. A... ne peut utilement se plaindre du manque d'indépendance de la commission consultative médicale à l'égard du service des pensions du ministère des armées pour soutenir que son avis serait pour ce motif irrégulier. S'agissant des droits à pension de M. A... concernant les douleurs lombaires chroniques : 10. Pour l'application des dispositions citées au point 3, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. 11. Pour refuser de faire droit à la demande de pension de M. A... liée aux douleurs lombaires dont il souffre depuis le choc qu'il a reçu le 15 septembre 2010 alors qu'il était transporté dans un camion, la ministre des armées a considéré que si cette infirmité justifiait l'attribution d'un taux global d'invalidité de 10 %, une part de ces troubles doit être imputée à une maladie étrangère au service, en l'occurrence, une scoliose et qu'en conséquence, le taux indemnisable directement lié au service est inférieur au taux de 10 % éligible à pension prévu par l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, cité au point 3. 12. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., la seule désignation de cette infirmité dans la décision en litige comme " douleurs lombaires chroniques ", au lieu de " séquelles de traumatismes lombaires ", alors qu'il est constant qu'aux termes de la décision attaquée, la ministre des armées a considéré de tels troubles comme résultant d'une blessure, éligible à pension en cas d'attribution d'un taux d'invalidité d'au moins 10 %, est sans incidence sur ses droits à pension à ce titre. 13. En deuxième lieu, le médecin expert a considéré, dans son avis du 28 juin 2018, qu'à la suite notamment d'un choc lors d'un déplacement en camion le 15 septembre 2010 et de la prise en charge d'un patient agité le 25 août 2014, M. A... souffre de lombalgies chroniques, matérialisées selon lui par des protrusions discales, avec raideur, et que cette infirmité justifie l'attribution d'un taux d'invalidité de 10 %. En se référant également, aussi bien à l'épisode de lombosciatalgie droite survenu chez l'intéressé le 23 novembre 2016, soit cinq jours après l'accident de service ayant donné lieu à un rapport circonstancié du 22 décembre 2016, qu'aux protrusions discales décelées le 23 novembre 2016 par imagerie médicale, le médecin expert a nécessairement pris en compte cet accident du 23 novembre 2016 et les séquelles de traumatismes qu'en a conservées l'intéressé, pour proposer le taux d'invalidité de 10 %. La circonstance que la décision en litige ne mentionne pas la chute dans l'escalier du 15 avril 2015 au nombre de circonstances qui ont été à l'origine de ces troubles, alors qu'il résulte de l'instruction, notamment des mentions du livret médical militaire de l'intéressé, que celui-ci a consulté un médecin militaire, le 16 avril 2015, pour une " recrudescence de lombalgies ", est sans incidence sur le degré d'invalidité qui a été médicalement constaté par l'expert. Si pour contester cette évaluation, et solliciter l'attribution d'un taux de 15 %, M. A... se prévaut du rapport établi le 15 février 2020 par un expert mandaté par ses soins, complété le 8 mars 2022, il résulte de ce document que pour proposer un tel taux, au demeurant, faiblement supérieur à celui reconnu, le médecin ne s'appuie pas sur d'autres éléments de gêne fonctionnelle que ceux retenus par le médecin expert. Il ne résulte pas de l'instruction que cette infirmité devrait entraîner un taux d'invalidité supérieur à 10 %. 14. Certes, en troisième lieu, pour proposer ce taux global de 10 %, le médecin expert, qui avait pourtant connaissance de l'ensemble des éléments médicaux relatifs à la situation de M. A..., et plus particulièrement la radiographie médicale du 9 janvier 2013 faisant apparaître à cette date une " minime inflexion scoliotique lombaire convexe gauche ", n'a pas évoqué, dans son avis du 28 juin 2018, un état pathologique préexistant de nature à expliquer, au moins pour partie, la survenance des troubles lombaires. Certes encore, à partir de ce même document médical, la commission consultative médicale a estimé que le taux d'invalidité de 10 % était pour partie imputable à cette maladie, étrangère au service, et la ministre s'est fondée sur ce motif pour refuser de faire droit au titre de cette infirmité à la demande de pension de M. A..., alors qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment ni du rapport du médecin mandaté par l'intéressé, ni des éléments d'appréciation retenus par la commission consultative médicale tenant à la faible cinétique des accidents de 2010, 2014 et 2016 et aux caractères minime et stable des modifications de la charnière lombo-sacrée de l'intéressé entre 2010 et 2016, que celui-ci présentait un tel état avant la survenance du premier traumatisme, le 15 septembre 2010, ni que cette scoliose serait une affection indépendante des faits lui ayant procuré les douleurs lombaires et étrangère à ces troubles. 15. Néanmoins, comme en première instance, en appel, le ministre des armées souligne que l'avis du médecin expert du 28 juin 2018, qui s'appuie sur une imagerie médicale du 23 novembre 2016, fait apparaître des protrusions discales qui, d'après la documentation médicale produite par le ministre et non sérieusement contestée par l'appelant, se caractérisent par une étiologie liée au vieillissement. Bien que le médecin expert n'ait pas considéré cette pathologie comme une cause des troubles lombaires de M. A..., étrangère au service, celui-ci ne remet en cause ni la réalité de cette affection, ni son rôle dans l'invalidité évaluée à 10 % par cet expert, ni son absence de lien avec le service. 16. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à solliciter une pension d'invalidité au titre des douleurs lombaires chroniques dont il souffre. En ce qui concerne les séquelles de traumatisme du genou droit : 17. Pour refuser d'accorder à M. A... une pension au titre de cette infirmité, causée par la chute dans un escalier alors qu'il était en service, le 15 avril 2015, la ministre s'est fondée sur le motif que l'invalidité qui en résulte doit être évaluée à moins de 10 %. Selon l'avis du médecin expert du 28 juin 2018, cette infirmité consiste en une atteinte mécanique dégénérative du genou droit qui entraîne des douleurs fonctionnelles, sous-rotuliennes et aléatoires, qui, après examen, ne se traduit ni par une boiterie, ni par une diminution de la flexion et qui correspond à un taux d'invalidité de 8 %. Si une boiterie a été décelée médicalement, le 15 avril 2015, et a pu de nouveau être observée le 15 février 2020 par le médecin mandaté par M. A..., il ne résulte pas de l'instruction que cette gêne fonctionnelle aurait été observée dans les suites de cet accident, ni au jour de sa demande de pension du 28 octobre 2016. Il n'est pas davantage justifié par des pièces médicales que la moindre qualité de flexion du genou droit par rapport au genou gauche, observée le 15 février 2020 par le médecin mandaté par le requérant, en mesurant la distance " talon-fesse " en position couchée, laquelle n'a pas été mesurée par le médecin expert, se traduirait, quant à elle, par une lésion fonctionnelle justifiant une évaluation à 10 % du degré d'invalidité retenue par la ministre. Il en va de même de l'existence d'une subluxation et d'une lésion du ménisque, déjà prises en compte par le médecin expert. 18. Par conséquent, M. A... n'est pas fondé à solliciter une pension d'invalidité au titre des séquelles de traumatisme du genou droit dont il souffre. En ce qui concerne les séquelles de traumatisme de la hanche droite : 19. Pour refuser de faire droit à la demande de pension de M. A... s'agissant de ces troubles causés par la chute dans l'escalier du 15 avril 2015, la ministre a retenu qu'ils lui procurent un degré d'invalidité inférieur à 10 %. Selon le médecin expert, qui propose de retenir à ce titre un taux d'invalidité de 5 %, l'infirmité en cause correspond, à partir des doléances de M. A..., à des limitations douloureuses des amplitudes, des douleurs au creux de l'aine, alors que l'examen médical du militaire s'avère normal. 20. D'une part, le moyen de M. A... consistant à soutenir que les avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité et de la commission consultative médicale ne lui seraient pas opposables en ce qui concerne l'évaluation du degré d'invalidité attaché à cette infirmité, et renvoyant, pour ce faire, au moyen afférent à l'infirmité de douleurs lombaires chroniques, doit être écarté pour les motifs énoncés aux points 5 à 9, la commission consultative médicale ne s'étant du reste pas prononcée sur le traumatisme de la hanche droite. Si, au sujet de cette même infirmité, M. A... soutient également que ne lui serait pas opposable l'avis de la commission de réforme, faute pour cet organisme d'être indépendant à l'égard de l'administration des pensions militaires d'invalidité, ce moyen ne peut qu'être écarté pour le même motif que celui énoncé au point 9. 21. D'autre part, l'asymétrie des amplitudes décelée, le 15 février 2020, par le médecin désigné par M. A..., et constatée, selon celui-ci, au jour des demandes de pension de l'intéressé, n'est corroborée par aucune des pièces médicales contemporaines de l'accident de service et de ses suites, qu'il s'agisse du rapport du 23 avril 2015 rédigé par un radiologiste, de l'arthroscanner de la hanche droite réalisé le 9 juillet 2015, de l'échographie du 9 juillet 2015, de l'IRM du bassin et des hanches réalisée le 29 juillet 2015, ou de celle des articulations sacro-iliaques du 23 décembre 2016. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que cette asymétrie se traduirait par une gêne fonctionnelle supplémentaire par rapport à la raideur constatée au jour des demandes, ni qu'elle présenterait un caractère fluctuant qui justifierait de prendre en compte une modification de l'état de santé de l'intéressé postérieure à ces demandes. 22. Enfin, si le médecin mandaté par M. A... souligne, dans son rapport initial du 15 février 2020 comme dans son rapport complémentaire du 8 mars 2022, que celui-ci présente une sacro-iliite, c'est-à-dire une inflammation des deux principales articulations postérieures du bassin, il résulte des pièces médicales auxquelles se réfère cet expert que l'appelant présente, depuis le 11 août 2014, une inflammation de la partie gauche du bassin. Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est du reste pas allégué, que cette inflammation, qui ne touche pas la hanche droite au titre de laquelle la demande de pension de M. A... a été présentée, jouerait un rôle causal dans l'apparition et la persistance des séquelles de traumatisme dont il demande ainsi l'indemnisation. 23. Par suite, M. A... n'est pas fondé à solliciter des droits à pension au titre de cette infirmité. En ce qui concerne les séquelles de traumatisme du rachis cervical : 24. La ministre des armées a rejeté la demande de pension de M. A... concernant les séquelles de traumatisme du rachis cervical dont il est atteint depuis le choc survenu lors d'un transport dans un camion le 15 septembre 2010, et la chute dans l'escalier du 15 avril 2015, au motif qu'il n'en est résulté pour lui aucune gêne fonctionnelle, ainsi que l'ont considéré le médecin expert, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité et la commission de réforme. 25. D'une part, le moyen tiré de l'inopposabilité de l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité ne peut qu'être écarté pour les motifs énoncés au point 5. Le moyen tiré du caractère non contradictoire de l'avis rendu par la commission de réforme le 12 juin 2019 n'est, quant à lui, pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. 26. D'autre part, selon l'avis du médecin expert du 28 juin 2018, si cette chute du 15 avril 2015 a causé au militaire des douleurs polyarticulaires telles que des cervicalgies, coxalgies, une gonalgie droite, et a augmenté les lombalgies, dont des " paresthésies de C8 " et si, à la radiographie du 23 avril 2015, apparaissaient de discrets troubles de la statique C1C2 et C3C4, avec suspicion d'entorse bénigne, l'examen de l'intéressé n'a révélé aucune anomalie ni aucune douleur. Dans ces conditions, la circonstance que cet expert a rendu son avis sans mesurer les amplitudes de mouvement du rachis est sans incidence sur la pertinence de ses conclusions. Il est vrai que le médecin désigné par M. A... affirme, dans ses avis des 15 février 2020 et 8 mars 2022, que l'intéressé présentait, au jour de ses demandes, une limitation importante, une névralgie radiculaire cervico-brachiale et des troubles de la statique C1-C2 et C3-C4. Mais, en l'absence de tout élément justifiant le caractère fluctuant de la pathologie en cause dont ne se prévaut d'ailleurs pas M. A..., ni ces rapports, ni les pièces médicales contemporaines de la chute dans l'escalier ne sont de nature à établir l'existence, au jour de ses demandes de pension, de troubles lui causant une gêne fonctionnelle, propre à justifier l'attribution d'un taux d'invalidité. 27. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise avant dire-droit, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité et à la détermination du taux d'invalidité applicable à ses infirmités. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 février 2024, où siégeaient : - Mme Helmlinger, présidente de la Cour, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024. N° 22MA009792
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 19/03/2024, 23DA00053, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 65 000 euros, portant intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de faits de harcèlement moral et de l'absence de protection de son état de santé. Par un jugement n° 2009121 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 janvier 2023, le 31 janvier 2023, le 10 novembre 2023 et le 1er février 2024, Mme A..., représentée par la SCP Gros-Hicter-D'Halluin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) par l'effet dévolutif, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 64 800 euros en réparation des préjudices moral et patrimonial subis, avec intérêts de droit et capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a commis une erreur d'appréciation en refusant de qualifier de harcèlement moral, au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, les agissements qu'elle a subis de la part de son employeur ; - la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée tant en raison des faits de harcèlement moral dont elle a été victime qu'en raison des manquements de celui-ci à son obligation de protection de la santé de son agent ; - dès lors que sa pathologie anxiodépressive consécutive aux agissements dont elle a été victime a été reconnue imputable au service, elle est également fondée à rechercher la responsabilité sans faute de l'Etat ; - elle a droit au versement d'une somme de 50 000 euros réparant ses souffrances physiques et morales et notamment une somme de 5 420 euros correspondant à son déficit fonctionnel permanent, évalué par l'expert médical à 5 % ; - elle est en droit d'obtenir le versement d'une somme de 14 800 euros réparant la perte de revenus professionnels connexes qu'elle tirait régulièrement de sa participation à des actions de formation ou à des jurys de concours administratifs. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué. Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 5 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 février 2024 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ; - le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me D'Halluin pour Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A... est fonctionnaire titulaire du corps des directeurs des services de greffes judiciaires, et a occupé, à compter du mois de mars de l'année 2008, les fonctions de directrice du greffe du tribunal d'instance de Lille. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire du 14 novembre au 3 décembre 2017 pour un état anxiodépressif, reconnu imputable au service par une décision du 13 janvier 2020 et a de nouveau été placée en arrêt de travail à compter du 17 décembre 2018, sans reprise d'activité depuis cette date. Le 2 octobre 2020, par la voie de son conseil, soutenant être victime de faits de harcèlement moral et de manquements de son employeur à ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail, Mme A... a sollicité du ministre de la justice le versement d'une indemnité de 65 000 euros réparant les préjudices moral et financier qu'elle estimait en lien avec ces agissements fautifs. 2. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 65 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de faits de harcèlement moral et de l'absence de protection de son état de santé, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable et capitalisation des intérêts. Mme A... relève appel du jugement du 22 novembre 2022 par lequel ce tribunal a rejeté ses demandes. Sur les conclusions à fin d'indemnisation : 3. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat : 4. Mme A... soutient que la pathologie anxiodépressive dont elle souffre est directement imputable à des fautes commises par son employeur en raison, d'une part, d'agissements de harcèlement moral dont elle aurait été victime en sa qualité de directrice du greffe du tribunal d'instance de Lille et, d'autre part, de manquements à l'obligation de garantir sa santé et sa sécurité au travail. S'agissant du harcèlement moral : 5. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ". 6. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 7. Il résulte de l'instruction qu'au début du mois d'avril 2011, alors qu'elle occupait les fonctions de directrice du greffe du tribunal d'instance de Lille, Mme A... a, conjointement avec la vice-présidente chargée de l'administration de ce tribunal, rédigé un rapport portant sur les effectifs de la juridiction qui a été remis au premier président de la Cour d'appel de Douai et au procureur général près ladite cour. Dans ce rapport, étaient signalées la situation alarmante du tribunal d'instance, en sous-effectifs et la difficulté à le faire fonctionner dans des conditions normales. A la suite de ce signalement, le garde des Sceaux, ministre de la justice a confié à l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ), une mission de contrôle portant sur le fonctionnement du tribunal d'instance de Lille. Dans son rapport remis au cours du mois de décembre 2012, l'IGSJ a notamment relevé un mal-être au travail exprimé par certains agents du greffe, imputé au management autoritaire de la directrice de greffe, situation qualifiée de préoccupante rendant nécessaire un changement de comportement de Mme A... dans son mode de gestion des ressources humaines, motif pour lequel les membres de l'inspection ont formulé une recommandation n° 5 préconisant à la vice-présidente du tribunal d'instance de Lille et à sa directrice de greffe, " de veiller à rétablir un climat serein au sein de la juridiction ". 8. Mme A... soutient que la remise du rapport de l'IGSJ marque le commencement d'une série d'agissements de son employeur, visant notamment à la contraindre de quitter ses fonctions de directrice de greffe du tribunal d'instance de Lille, qu'elle qualifie de harcèlement moral. 9. En premier lieu, Mme A... se plaint de ce que le rapport rédigé par l'IGSJ aurait été " à charge et orienté ", notamment en ce que le rapport définitif aurait omis de faire état des observations qu'elle avait formulées en réponse au paragraphe 1.2.3.3 du pré-rapport intitulé " une souffrance au travail révélée à la mission ", dans lequel les inspecteurs généraux relataient que plusieurs agents avec lesquels ils s'étaient entretenus avaient associé cette souffrance au travail au comportement managérial de la directrice de greffe, à qui ils reprochaient " une grande rigidité, en érigeant de nombreuses règles qui laissent peu de place à l'initiative " et de manifester son autorité " par une attitude parfois excessive et inadaptée aux situations et aux interlocuteurs, pouvant être vécue comme dévalorisante et humiliante ". Si le rapport définitif de l'inspection ne comporte pas les observations de Mme A... sur ce paragraphe la concernant personnellement alors même qu'elle en avait pourtant produit, ce dont atteste une magistrate ayant travaillé au greffe du tribunal d'instance de Lille en tant que directrice de greffe adjointe " placée " durant le second semestre et début 2013, une telle circonstance ne saurait par elle-même révéler le caractère partial de l'inspection dès lors qu'en tout état de cause, Mme A... a été entendue par les membres de l'IGSJ et que les observations de la vice-présidente du tribunal apportaient sur ce point des explications permettant d'exprimer le point de vue de la directrice de greffe. En outre, s'il ressort des observations de la vice-présidente consignées dans le rapport définitif ainsi que de l'attestation précitée, la confirmation des réactions de désapprobation que le pré-rapport et le rapport ont pu susciter chez certains agents de greffe et la plupart des magistrats, y compris parmi les chefs de juridiction, une telle circonstance ne saurait par elle-même invalider les opinions divergentes que certains agents ont pu exprimer personnellement auprès des membres de l'inspection. Enfin, s'il est constant que dès le mois de mars 2013, il a été demandé à la vice-présidente du tribunal d'instance et à sa directrice de greffe de justifier des mesures prises et mises en œuvre pour tenir compte des recommandations formulées dans le rapport de l'IGSJ, cette circonstance ne saurait révéler une volonté de mettre l'intéressée en difficulté. 10. En deuxième lieu, si Mme A... soutient avoir fait l'objet, en 2013, de propositions humiliantes de mutation dans des postes de niveau inférieur à celui qu'elle occupait, telles notamment celle concernant un poste nouvellement créé d'adjointe au directeur de greffe du TGI de Cambrai, l'attestation qu'elle produit au soutien de cette affirmation, émanant d'un ancien agent du greffe qui n'y était plus en fonction, ne permet pas de le confirmer. 11. En troisième lieu, Mme A... soutient qu'à partir de la fin de l'année 2017, elle a de nouveau fait l'objet de pressions visant à l'obliger à quitter ses fonctions et que, pour parvenir à cette fin, les services du ministère de la justice ont diligenté une nouvelle mission d'inspection en mai 2018. Il résulte de l'instruction que, par une lettre datée du 9 novembre 2017, le premier président de la cour d'appel de Douai, la procureure générale et la première présidente de chambre ont demandé au sous-directeur des ressources humaines des greffes de recevoir Mme A... pour la convaincre de solliciter sa mutation en faisant état de ce que " la situation des fonctionnaires du tribunal d'instance de Lille est devenue à ce point préoccupante que nous avons dû procéder à la délégation d'une greffière en urgence au tribunal de grande instance de Lille en raison de la souffrance au travail dans laquelle elle se trouvait [Mme A...]". Les magistrats ont conclu leur courrier en indiquant que " si Mme A... persistait dans son refus de quitter son poste, seule une enquête administrative diligentée dans les plus brefs délais permettrait de faire évoluer la situation ". La teneur de ce courrier fait apparaître que les convocations à l'entretien du 17 octobre et du 13 novembre 2017 ne visaient pas exclusivement à assurer un suivi des recommandations formulées à Mme A... et à connaître l'état d'amélioration des difficultés relationnelles depuis l'inspection initiale de 2012, mais également à envisager son avenir professionnel dans d'autres fonctions que celles de directrice du greffe du tribunal d'instance de Lille. Un courriel daté du 24 janvier 2018 du sous-directeur des ressources humaines des greffes fait état d'un constat partagé par Mme A... de la nécessité d'un changement d'affectation, tant pour elle-même que pour les agents du tribunal d'instance de Lille concernés par la situation décrite dans le courrier d'alerte du 9 novembre 2017, d'un mal-être en lien avec le management de la directrice de greffe toujours ressenti par certains d'entre eux, relayé par les organisations syndicales. Il résulte de l'instruction que la recherche de mobilité, notamment sur un poste de directrice générale adjointe au tribunal de grande instance de Nice, ne résultait pas de l'initiative et de la volonté de Mme A... ainsi qu'il ressort d'un courriel du 12 février 2018 adressé au sous-directeur des ressources humaines et des greffes où elle écrit avoir " fini par accepter l'idée d'une éventuelle mobilité, dans la mesure, bien sûr, où celle-ci resterait mon choix ". Pour autant, si ses recherches de mobilité n'ont pu aboutir rapidement, il ne ressort pas de la lettre de mission confiée à la nouvelle inspection diligentée en mai 2018, qui fait état d'une mission d'inspection de fonctionnement du greffe du tribunal d'instance de Lille " afin de procéder à toute constatation utile sur les dispositifs mis en œuvre en matière d'organisation, de gestion des services et des ressources humaines " que celle-ci aurait eu pour seul objet d'accélérer le départ de Mme A.... Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les suspicions de situations de souffrance au travail auraient été infondées dès lors que, dans ses écritures, Mme A... concède se souvenir qu'une collaboratrice, en 2017-2018, se serait plainte d'être harcelée. Enfin, comme l'a relevé le tribunal, les conditions insistantes dans lesquelles le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire s'est enquis, auprès de la directrice de l'institut régional d'administration (IRA) de Lille, de l'effectivité de la participation de Mme A..., en janvier 2019 au jury de concours d'admission au recrutement d'attachés de la fonction publique d'Etat, alors qu'elle se trouvait en congé de maladie, n'étaient pas sans rapport avec la mission d'inspection relative au fonctionnement du greffe du tribunal d'instance de Lille et ne visaient pas à la discréditer auprès de la directrice de l'IRA de Lille ou des services préfectoraux. 12. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et malgré la circonstance que l'intéressée a été placée en congé de maladie pour un syndrome anxiodépressif reconnu imputable au service du 14 novembre au 3 décembre 2017, puis a de nouveau été placée en arrêt de travail pour cette même pathologie à compter du 17 décembre 2018, sans reprise d'activité depuis cette date, les agissements que Mme A... impute à l'administration, sont justifiées par des considérations étrangères à tout harcèlement moral. S'agissant de la méconnaissance de l'obligation de protection de la santé et de la sécurité au travail : 13. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". 14. Si Mme A... soutient que l'Etat a commis une faute en ne prenant pas de mesures pour protéger sa santé, il ne résulte pas de l'instruction, au regard notamment des éléments mentionnés précédemment, qu'il aurait méconnu cette obligation. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis au titre de la méconnaissance par celui-ci de ses obligations en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses agents. En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'Etat : 15. Il résulte de ce qui a été énoncé au point 3, que la responsabilité de l'Etat peut être engagée à l'égard du fonctionnaire, même en l'absence de faute, y compris pour la première fois en appel, dans l'hypothèse où celui-ci démontrerait avoir subi, du fait de la pathologie imputable au service dont il souffre, des préjudices personnels ou des préjudices patrimoniaux d'une autre nature, pour ces derniers, que ceux réparés forfaitairement par l'allocation d'une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite ou d'une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité. S'agissant des préjudices à caractère patrimonial : 16. Mme A... soutient qu'elle tirait des revenus supplémentaires de sa participation régulière, chaque année, en tant qu'intervenante à des sessions de formation notamment auprès de l'Ecole nationale de la magistrature, du CNFPT, de l'Université de Douai ainsi qu'en tant que membre du jury d'examen de l'institut régional d'administration de Lille. Il résulte de l'instruction que les activités accessoires de Mme A..., auxquelles elle a dû renoncer à compter de la fin de l'année 2018, lui procuraient annuellement un complément de revenu moyen d'environ 3 700 euros. Toutefois, eu égard au caractère accessoire de ces activités dont la reconduction ne constitue pas un droit pour l'agent, ce préjudice présente un caractère purement éventuel. Dans ces conditions, la demande de versement d'une indemnité de 14 800 euros liée à la perte de revenu supplémentaire de quatre années depuis 2018 ne peut qu'être rejetée. S'agissant des préjudices personnels : 17. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise établi le 22 août 2023 par un médecin psychiatre agréé, que Mme A..., dont l'état a été déclaré consolidé avec séquelles à la date précitée, est atteinte d'une incapacité permanente partielle au taux de 5 % en rapport avec les troubles anxieux dont elle est atteinte, sans état antérieur. Mme A... étant âgée de soixante-trois ans à la date de consolidation de son état de santé, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de son déficit fonctionnel permanent en l'évaluant à la somme de 5 420 euros. 18. D'autre part, il résulte de l'instruction, que les arrêts de travail du 14 novembre au 3 décembre 2017 reconnus imputables au service par la décision du 13 janvier 2020 sont, selon les conclusions du médecin psychiatre agréé ayant examiné Mme A... le 30 août 2019, en lien avec un syndrome anxiodépressif majeur avec une tonalité anxieuse importante, marquée par une atteinte narcissique profonde dont la consolidation, selon le rapport d'expertise cité au point précédent, n'a été fixée qu'à compter du 22 août 2023. Dans ces conditions, les souffrances physiques et morales endurées par Mme A... depuis cette période sont en lien direct avec sa maladie reconnue imputable au service. Par suite, il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques et morales subies par Mme A..., en lui allouant une somme globale de 3 000 euros. 19. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que l'Etat doit être condamné à verser à Mme A... la somme de 8 420 euros au titre de ses préjudices personnels. Par suite, Mme A... est fondée à demander la réformation du jugement attaqué dans cette seule mesure. Sur les intérêts et leur capitalisation : 20. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 8 420 euros à compter du 5 octobre 2020, date de la réception de sa demande indemnitaire préalable. 21. La capitalisation des intérêts ayant été demandée pour la première fois dans sa requête de première instance, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 5 octobre 2021, date à laquelle était due, pour la première fois, une année entière d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Sur les frais liés au litige : 22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente affaire, la somme de 2 000 euros, dont Mme A... demande le versement sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme A... la somme de 8 420 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2020 et les intérêts échus à la date du 5 octobre 2021 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 novembre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience publique du 5 mars 2024 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024. Le rapporteur, Signé : F. Malfoy La présidente de chambre, Signé : M-P. Viard Le greffier, Signé : F. Cheppe La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme Le greffier, F. Cheppe No 23DA00053 2
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 18/03/2024, 22MA00578, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, par une requête enregistrée sous le n° 1810051, d'annuler le titre de perception émis le 9 avril 2018 par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur mettant à sa charge une somme de 13 201,38 euros correspondant à un demi-traitement du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016, ainsi que la décision du 1er octobre 2018 ayant rejeté son recours du 12 juin 2018, et de la décharger des sommes correspondantes. Elle a demandé au tribunal administratif, en deuxième lieu, par une requête enregistrée sous le n° 1908168, d'annuler le titre de perception émis le 29 novembre 2018 par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur mettant à sa charge une somme de 37 601,21 euros, correspondant à un demi-traitement du 1er juin 2016 au 31 mai 2018, la décharge de l'obligation de payer ces sommes compte tenu des négligences fautives de l'Etat, l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 l'admettant à la retraite pour invalidité et qu'il soit enjoint à l'administration de lui octroyer une rente viagère d'invalidité. Par un jugement nos 1810051, 1908168 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2022 et le 18 juillet 2023, et un troisième mémoire présenté le 23 janvier 2024, non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, Mme B..., représentée par Me Portier, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 décembre 2021 ; 2°) à titre principal, d'annuler les titres de perception émis le 9 avril 2018 et le 29 novembre 2018 et la décharger totalement de l'obligation de payer les sommes correspondantes ; 3°) d'annuler l'arrêté du 22 mai 2018 et d'annuler, par voie de conséquence, les titres de perception qui se fondent sur cet arrêté ; 4°) d'enjoindre au rectorat de lui octroyer une rente viagère d'invalidité ; 5°) à titre subsidiaire, de la décharger partiellement de l'obligation de payer les sommes réclamées ; 6°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a omis de statuer sur le moyen tendant à contester la validité des titres de perception litigieux ; - le tribunal, qui s'est exclusivement fondé sur l'article 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, a omis de répondre au moyen tiré de ce que sa situation relevait de l'article 27 du même décret ; - les titres de perception des 9 avril 2018 et 29 novembre 2018 n'indiquent pas les bases de la liquidation et il n'est pas possible de comprendre le calcul de l'indu qui a été effectué ; - l'arrêté du recteur de l'académie d'Aix-Marseille du 22 mai 2018 l'admettant à la retraite avec un effet rétroactif est illégal compte tenu du principe général du droit de non-rétroactivité des actes administratifs ; - c'est à tort que le tribunal a considéré que la question de la légalité de l'arrêté du 22 mai 2018 constituait un litige distinct ; - à titre subsidiaire, l'administration qui lui a versé, à tort, un plein traitement en lieu et place d'un demi-traitement a méconnu l'article 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 et l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - sa situation lui ouvrait droit au bénéfice d'un demi-traitement du 9 mars 2016 au 22 mai 2018, en vertu de l'article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le versement du plein traitement ne constitue pas une erreur de liquidation mais résulte de son affectation à la direction des services départementaux de l'éducation nationale à compter du 1er septembre 2016, décision d'affectation qui était créatrice de droits ; - la lenteur de l'administration dans la gestion de son dossier est constitutive d'une carence fautive de nature à justifier la décharge partielle de son obligation de payer ; - cette faute lui a causé un important préjudice financier. Par un mémoire, enregistré le 24 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut à sa mise hors de cause. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 8 juin 2023 et le 26 septembre 2023, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Un courrier du 11 mai 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Par ordonnance du 8 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Le 23 février 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés : - de l'irrégularité du jugement qui a retenu qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la dette d'indu de rémunération de Mme B... correspondant à la période du 9 mars 2016 au 31 mai 2016 ; - de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 prononçant la mise à la retraite de Mme B..., formulées pour la première fois dans un mémoire en réplique enregistré le 5 mars 2021 au greffe du tribunal administratif de Marseille dans la demande n° 1908168, alors que Mme B... a nécessairement eu connaissance de cet arrêté du 22 mai 2018, qu'elle avait joint à sa demande enregistrée le 5 décembre 2018 devant le tribunal administratif de Marseille sous le n° 1810051, soit depuis plus d'un an. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure, - les conclusions de M. François Point, rapporteur public, - et les observations de Me Portier, pour Mme B..., présente. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., professeure des écoles, a été placée en congé de maladie ordinaire du 9 mars 2015 au 8 mars 2016 avant d'être admise à la retraite pour invalidité à compter du 9 mars 2016 par un arrêté du recteur de l'académie d'Aix-Marseille du 22 mai 2018. Par l'émission de deux titres de perception des 9 avril 2018 et 29 novembre 2018, l'administration a mis à sa charge les sommes de 13 201,38 euros et 37 601,21 euros pour des indus de rémunération pour les périodes respectives du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016 et du 1er juin 2016 au 31 mai 2018. Par une requête enregistrée sous le n° 1810051 Mme B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le titre émis à son encontre le 9 avril 2018 et la décision du 1er octobre 2018 par laquelle le recteur a rejeté son recours, ainsi que la décharge des sommes ainsi réclamées. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1908168, Mme B... a demandé au tribunal d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 29 novembre 2018, ainsi que la décharge de la somme correspondante. Par un mémoire complémentaire du 5 mars 2021, la requérante a demandé en outre l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 la plaçant à la retraite et l'octroi d'une rente viagère d'invalidité. Mme B... relève appel du jugement du 20 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille, après avoir joint ces deux demandes, a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la dette d'indu de rémunération de Mme B... correspondant à la période du 9 mars 2016 au 31 mai 2016 et rejeté le surplus de ses demandes. Sur la demande de mise hors de cause du ministre de l'économie, des finances et de la relance : 2. Aux termes de l'article 66 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le ministre des finances et, s'il s'agit d'un litige relatif à l'existence ou à l'étendue d'un droit à pension ou à rente viagère d'invalidité, le ministre dont relevait le fonctionnaire ou le militaire doivent être appelés à produire à la juridiction administrative leurs observations sur les pourvois formés contre les décisions prises en application du présent code. ". Le présent litige est, notamment, relatif à l'étendue du droit à pension de Mme B.... Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à demander sa mise hors de cause. Sur le jugement en tant qu'il statue sur la demande n° 1810051 : En ce qui concerne la régularité du jugement : 3. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 1, par le jugement attaqué le tribunal a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la dette d'indu de rémunération de Mme B... correspondant à la période du 9 mars 2016 au 31 mai 2016, au motif que si l'administration avait émis le 9 avril 2018 un premier titre de perception correspondant à la rémunération indument versée à Mme B... du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016, elle avait toutefois fixé, dans le second titre émis, le début de la période d'indu au 1er juin 2016 au motif que la période du 9 mars 2016 au 31 mai 2016 était prescrite. Le tribunal en a déduit que, ce faisant, l'administration devait être regardée " comme ayant retiré sa décision en ce qui concerne la période allant du 9 mars 2016 au 31 mai 2016 ". 4. Toutefois le titre émis le 9 avril 2018 comporte comme mention en objet de la créance " rémunération perçue à plein traitement du 08.03.2016 au 31.12.2016 au lieu du demi-traitement durant la période du demi-traitement suite à épuisement des droits à congé et dans l'attente d'une mise à la retraite pour invalidité " tandis que le titre émis le 29 novembre 2018 mentionne en objet de la créance " trop-perçu sur rémunération du 09/03/16 au 31/05/18 : traitement brut et indemnité de résidence perçus à tort suite à mise en retraite d'office pour invalidité au 09/03/16. ". La nature des créances réclamées par ces deux titres de perception, à savoir d'une part le plein-traitement au lieu du demi-traitement et d'autre part le demi-traitement, bien que recouvrant partiellement la même période, était donc distincte. C'est donc à tort que le tribunal a estimé qu'en ayant émis le titre du 29 novembre 2018 l'administration devait être regardée comme ayant retiré sa décision en ce qui concerne la période allant du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016. En outre et en tout état de cause, le titre de recettes du 29 novembre 2018, qui faisait l'objet d'une contestation dans l'instance enregistrée sous le n° 1908168, n'était pas définitif de sorte que le tribunal ne pouvait valablement statuer en non-lieu, le retrait, à le supposer opéré, n'ayant pas acquis de caractère définitif. 5. D'autre part, en soutenant que " le tribunal administratif ne s'est pas positionné sur le moyen soulevé par Mme B... et s'est exclusivement fondé sur l'article 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 alors même que [...] Mme B... relevait de l'article 27 ", Mme B... doit être regardée comme soutenant que le tribunal n'a pas répondu au moyen, invoqué par elle, tiré de la méconnaissance de l'article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, en vertu duquel après une période de douze mois consécutifs de congés maladie le fonctionnaire peut être admis à la retraite et le paiement du demi-traitement est maintenu. Ce moyen n'a pas été analysé par le tribunal, qui n'y a pas non plus répondu. La requérante est, dans ces conditions, fondée à soutenir que le jugement est irrégulier. 6. Par suite, il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement en tant qu'il se prononce sur l'instance enregistrée sous le n° 1810051 et d'évoquer immédiatement ce litige. En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation du titre du 9 avril 2018 et de la décision rejetant le recours gracieux, ainsi qu'à la décharge des sommes correspondantes : 7. En premier lieu, les moyens critiquant les vices propres dont la décision de rejet du recours gracieux serait entachée ne peuvent être utilement invoqués à l'appui d'une demande tendant à la fois à l'annulation d'un acte administratif et du refus de faire droit au recours gracieux présenté à l'encontre de ce même acte. Par suite, la requérante ne peut utilement invoquer l'incompétence de l'auteur de la décision du 1er octobre 2018 rejetant son recours gracieux contre le titre de perception du 9 avril 2018. 8. En deuxième lieu, aux termes du second alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Il résulte de ces dispositions que tout titre exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint au titre exécutoire ou précédemment adressé au débiteur. Toutefois, le titre de perception émis le 9 avril 2018, qui mentionne comme objet de la créance " rémunération perçue à plein traitement du 08.03.2016 au 31.12.2016 au lieu du demi-traitement durant la période de maintien à demi-traitement suite à épuisement des droits statutaires à congé et dans l'attente d'une mise à la retraite pour invalidité ", indiquait suffisamment les bases de la liquidation de la créance réclamée. 9. En troisième lieu l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif au régime de congés de maladie des fonctionnaires dispose que : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite (...) ". Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, dès lors que le titre émis le 9 avril 2018 ne visait pas à récupérer ce demi-traitement mais seulement le plein-traitement maintenu par erreur par l'administration au lieu du demi-traitement, la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions. 10. En quatrième lieu, si la requérante soutient qu'elle aurait à bon droit bénéficié d'un plein traitement compte tenu de son affectation à compter du 1er septembre 2016 à la " direction des services départementaux de l'éducation nationale Marseille 1er arrondissement " elle ne le démontre pas en se bornant à se prévaloir d'une mention sur le site " I-Prof " qui n'est pas corroborée par ses bulletins de paie pour la période du 1er septembre 2016 au 31 décembre 2016 correspondante. 11. En cinquième lieu, une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. En conséquence, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. En revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement. Le maintien indu du versement d'un avantage financier à un agent public, alors même que le bénéficiaire a informé l'ordonnateur qu'il ne remplit plus les conditions de l'octroi de cet avantage, n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation. Dans ce cas, il appartient à l'administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l'agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement. 12. Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la dette dont le remboursement lui est réclamé est imputable à une erreur que l'administration a laissé perdurer, alors que le maintien de son plein traitement après le 9 mars 2016 au lieu du demi-traitement qui lui était dû, ne lui est réclamé par le titre attaqué que pour la période du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016, soit pour une durée de dix mois, et que, s'agissant d'une simple erreur de liquidation, l'administration était fondée à lui demander le remboursement des sommes indûment perçues. En tout état de cause, à supposer même établie l'existence d'une faute dans la gestion de son traitement, pour cette période, la requérante ne démontre pas l'existence d'un préjudice en lien avec une telle faute. Par suite, la requérante n'est pas fondée à demander une diminution du montant de la somme mise à sa charge pour la période du 8 mars 2016 au 31 décembre 2016. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est fondée ni à demander l'annulation du titre de perception du 9 avril 2018 ou de la décision du 1er octobre 2018 rejetant son recours gracieux, ni la décharge des sommes correspondantes ou leur réduction. Sur le jugement en tant qu'il statue sur la demande n° 1908168 : En ce qui concerne les conclusions en annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 de mise à la retraite : 14. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, le délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut plus exercer de recours juridictionnel ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 15. Les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 prononçant la mise à la retraite de Mme B..., formulées pour la première fois dans un mémoire en réplique enregistré le 5 mars 2021 au greffe du tribunal administratif de Marseille, alors que Mme B... avait nécessairement eu connaissance de cet arrêté du 22 mai 2018, qu'elle avait joint à sa demande enregistrée le 5 décembre 2018 devant le tribunal administratif de Marseille sous le n° 1810051, depuis plus d'un an, sont irrecevables. 16. Par suite, la requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction. En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation du titre de perception du 29 novembre 2018 et à la décharge ou à la réduction des sommes correspondantes : 17. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre. Statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à en relever appel en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande. 18. D'une part, le destinataire d'un ordre de versement est recevable à contester, à l'appui de son recours contre cet ordre de versement, et dans un délai de deux mois suivant la notification de ce dernier, le bien-fondé de la créance correspondante, alors même que la décision initiale constatant et liquidant cette créance, ou de laquelle cette créance est fondée, est devenue définitive, comme le prévoient au demeurant, les articles 117 et 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. 19. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration ne peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. Une décision affectant à titre rétroactif un fonctionnaire en congé de maladie n'est pas nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de ce fonctionnaire et ne présente pas non plus le caractère d'une mesure de régularisation. Elle est, par suite, entachée d'une rétroactivité illégale en tant qu'elle porte sur une période antérieure à son intervention. 20. Par suite, la créance réclamée à Mme B... est infondée en tant qu'elle correspond aux demi-traitements récupérés sur le fondement des dispositions illégalement rétroactives de l'arrêté du 22 mai 2018. Mme B... est donc fondée à demander la décharge des sommes correspondantes. 21. D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Ainsi qu'il a été dit, il résulte de ces dispositions, que tout titre exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur. 22. Si les mentions du titre de perception émis le 29 novembre 2018 " trop-perçu sur rémunération : -du 09/03/16 au 31/05/18 : traitement brut et indemnité de résidence perçus à torts suite à mise à retraite d'office pour invalidité au 09/03/2016. La période du 09/03.16 au 31/05/16 est prescrite, le montant de la dette a été ramené de 40 748,89 euros à 37 601,21 euros. Le montant de cette période n'est donc pas inclus dans le titre de perception " permettaient de comprendre qu'un trop-perçu de rémunération était réclamé pour la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2018, ni les mentions du titre de recettes du 29 novembre 2018, ni celles des bulletins de salaire de juin 2018 et novembre 2017 auxquels il se réfère et que Mme B... reconnaît avoir reçus, ne permettent de comprendre les modalités de calcul du quantum de la créance réclamée, alors notamment que les calculs figurant dans le titre du 29 novembre 2018 ne correspondent pas avec ceux du courrier du 1er octobre 2018 adressé à Mme B... en réponse à son recours gracieux contestant le titre émis le 9 avril 2018. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que le titre de perception émis le 29 novembre 2018 ne comporte pas l'indication des bases de liquidation de la créance telle qu'exigée par les dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 citées au point 5. 23. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, et notamment ceux relatifs à la régularité du jugement, la requérante est fondée à demander l'annulation totale du titre de perception émis le 29 novembre 2018 ainsi que la décharge partielle des sommes correspondant à la récupération du demi-traitement dû à Mme B... sur la période du 9 mars 2016 au 22 mai 2018, trop-perçu émis sur le fondement de l'arrêté du 22 mai 2018 entaché de rétroactivité illégale. Sur les frais liés au litige : 24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement nos 1810051, 1908168 du 20 décembre 2021 est annulé. Article 2 : Le titre de perception du 29 novembre 2018 est annulé. Article 3 : Mme B... est partiellement déchargée de la somme mise à sa charge par ce titre et correspondant à la récupération du demi-traitement qui lui était dû sur la période du 9 mars 2016 au 22 mai 2018 sur le fondement de l'arrêté du 22 mai 2018 entaché de rétroactivité illégale. Article 4 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des demandes de première instance et des conclusions d'appel de Mme B... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Aix-Marseille. Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, où siégeaient : - M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - Mme Isabelle Gougot, première conseillère, - Mme Isabelle Ruiz, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2024. 2 N° 22MA00578
Cours administrative d'appel
Marseille