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CAA de PARIS, 4ème chambre, 31/10/2024, 23PA03341, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 13 juillet 2022 par laquelle le ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande d'homologation d'une blessure de guerre. Par un jugement n° 2200316 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a fait droit à sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 25 juillet 2023, le ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie. Il soutient que : - une maladie ne peut être homologuée comme blessure de guerre ; - subsidiairement, la pathologie de M. B... ne présente pas un caractère de gravité suffisant pour être homologuée comme blessure de guerre. Par une ordonnance du 10 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 mai 2024. M. B... a produit des mémoires, enregistrés les 15 et 17 octobre 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Saint-Macary, - et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a demandé au ministre des armées l'homologation de son stress post-traumatique comme blessure de guerre. Sa demande a été rejetée par une décision du 13 juillet 2022. Le ministre des armées relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé cette décision. 2. Aux termes de l'article D. 355-15 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable au litige : " La médaille des blessés de guerre témoigne de la reconnaissance de la Nation aux militaires blessés à la guerre ou à l'occasion d'une opération extérieure ". Aux termes de l'article D. 355-16 du même code : " Ont droit au port de la médaille des blessés de guerre : / 1° Les militaires atteints d'une blessure de guerre, physique ou psychique, constatée par le service de santé des armées et homologuée par le ministre de la défense (...) ". Une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine consécutive à un fait précis. 3. Pour demander l'homologation de son stress post-traumatique, M. B... a fait valoir devant le ministre des armées que son état résultait de plusieurs évènements pénibles vécus au cours de sa carrière, sur la base aérienne de Cazaux entre 1974 et 1979, au début des années 1980 à Paris, en 1983 et 1984 à Djibouti et en 1988 au Tchad. En l'absence de fait traumatique précis, son affection doit être regardée comme résultant d'une maladie et non d'une blessure. Par suite, le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé sa décision par laquelle il a refusé d'homologuer comme blessure de guerre l'infirmité dont souffre M. B.... D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2200316 du 25 mai 2023 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé et la demande de M. B... présentée devant le tribunal est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Doumergue, présidente de chambre, Mme Bruston, présidente-assesseure, Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024. La rapporteure, M. SAINT-MACARY La présidente, M. DOUMERGUE La greffière, E. FERNANDO La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA03341
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 01/10/2024, 23MA02143, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme F... D... veuve B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille d'annuler la décision du 5 septembre 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui attribuer une pension en qualité de conjoint survivant de victime civile. Par un jugement du 27 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a sursis à statuer sur cette demande et a ordonné une expertise en vue de se prononcer sur la cause du décès de l'époux de Mme D.... Par l'effet de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a transmis au tribunal administratif de Marseille le dossier de la demande introduite par Mme D.... Par un jugement n° 2003836 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 12 août 2023, Mme D..., représentée par Me Mimouna, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 avril 2023 ; 2°) d'annuler cette décision de la ministre des armées du 5 septembre 2017 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui attribuer la pension de réversion " invalidité ", à compter de la date de sa première demande du 26 octobre 2010 ; 4°) de " condamner " l'Etat à lui verser le montant global des arrérages correspondant à sa pension de réversion pour les années 2010 à 2022 ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête est recevable ; - le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation alors que, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, elle a rapporté la preuve que son époux était atteint d'une invalidité dont le taux était égal à 90 % ; - s'étant déroulée en méconnaissance du principe du contradictoire, l'expertise médicale diligentée est irrégulière et les conclusions de l'expert de justice doivent donc être écartées ; - les dispositions des articles L. 143-2 et L. 143-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre n'ont pas été observées alors que les deux conditions légales lui permettant de prétendre à l'obtention de la réversion de la pension, soit l'existence d'un taux d'invalidité affectant le conjoint lors de son décès à hauteur de 85 % et la preuve de la relation causale et déterminante entre les blessures subis par ce conjoint et son décès, sont en l'espèce réunies ; - les conclusions expertales se cantonnent à l'exposé des simples scénarii hypothétiques. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué. Il fait valoir que : - le moyen tiré de l'irrégularité de l'expertise manque en fait ; - alors que le fait que le tribunal administratif de Marseille n'a retenu ni les arguments, ni les pièces produites par l'une des parties, ne saurait être qualifié d'insuffisance de motivation, ce moyen est en tout état de cause infondé ; - les autres moyens soulevés par Mme D... ne sont pas davantage fondés. Par une ordonnance du 26 mars 2024, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 29 mars 2024, a été reportée au 2 mai 2024, à 12 heures. Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 décembre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lombart, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Mimouna, représentant Mme D.... Considérant ce qui suit : 1. Né le 2 janvier 1935 et décédé le 17 février 2008, M. H... B..., de nationalité tunisienne, était titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 50 %, au titre de blessures subies en qualité de victime civile d'actes de guerre. Par un courrier daté du 13 octobre 2010, reçu le 26 octobre suivant, sa veuve, Mme D..., a sollicité l'attribution d'une pension en sa qualité de conjointe survivante. La ministre des armées a, le 5 septembre 2017, refusé de faire droit à cette demande. Mme D... a alors sollicité du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille l'annulation de cette décision. Par un jugement du 27 juin 2019, ce tribunal a ordonné une expertise afin de déterminer les causes du décès de M. B.... Après que, par l'effet de la loi susvisée du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille lui a transmis le dossier de la demande présentée par Mme D... et qu'un rapport d'expertise a été déposé à son greffe, le tribunal administratif de Marseille, a, par un jugement du 12 avril 2023, rejeté cette demande. Par la présente requête, Mme D... relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " 3. Si Mme D... soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle avait apporté la preuve de ce que son époux était atteint d'une invalidité dont le taux était égal à 90 %, un tel moyen n'a pas trait à la motivation du jugement attaqué ni, plus généralement, à sa régularité, mais à son bien-fondé. Au demeurant, il apparaît que les premiers juges ont suffisamment répondu aux moyens que Mme D... a soulevés devant eux, au vu de l'argumentation qui les assortissait et que leur jugement attaqué est ainsi suffisamment motivé. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la régularité de l'expertise : 4. En premier lieu, le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. 5. Par son jugement du 27 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a désigné le docteur I... G... en qualité d'expert avec pour mission de dire si l'occlusion intestinale aigüe sur bride dont a été victime M. B... était en lien avec l'opération chirurgicale de l'abdomen que ce dernier avait subie suite à la blessure par explosion qu'il avait reçue dans son enfance et d'apporter toutes précisions utiles sur l'étiologie de la lésion ayant entraîné son décès. Toutefois, le 28 octobre 2019, le bureau situé à Tunis de l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG) a renvoyé au tribunal administratif de Marseille le dossier d'expertise adressé à ce médecin, avec pour objet : " Dossier d'expertise adressé par erreur au docteur I... G..., stomatologue " et pour observation : " Cette expertise semble être du ressort d'un gastro-entérologue ". La présidente du tribunal administratif de Marseille a alors, par une ordonnance du 8 juillet 2022, désigné le docteur E... C..., spécialisée en chirurgie viscérale et digestive, en remplacement du docteur G... pour procéder à la mission qui lui avait été confiée par ce jugement du 27 juin 2019. A l'article 3 de cette ordonnance du 8 juillet 2022, il est précisé que celle-ci sera notifiée, notamment, à Mme D.... Par ailleurs, il résulte de l'instruction, et en particulier de la lecture du rapport d'expertise déposé par le docteur C... que celle-ci a convoqué Mme D... à un accédit par une lettre dont l'accusé de réception a été signée par cette dernière le 30 septembre 2022. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir ne pas avoir été informée de la désignation du docteur C... en qualité d'expert en remplacement du docteur G..., ni contactée par cette dernière. Le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure d'expertise doit, par suite, être écarté. 6. En second lieu, Mme D... soutient que le docteur C... s'est borné, dans son rapport, à exposer des scenarii qui ne permettent pas de déterminer les causes du décès de son époux. Mais cette circonstance n'est pas de nature, en tant que telle, à entacher l'expertise conduite d'irrégularité dès lors que cet expert indique, dans ce rapport, ne pas pouvoir établir de lien direct et certain entre le traumatisme abdominal subi par M. B... et l'occlusion sur bride qui a entraîné son décès en raison de la carence des pièces médicales qui lui ont été fournies. Dans ces conditions, et compte tenu de cette carence, il ne saurait lui être reproché d'avoir insuffisamment rempli sa mission. 7. Il s'ensuit qu'aucune irrégularité conduisant à écarter les conclusions de l'expert de justice désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille ne peut être en l'espèce retenue. En ce qui concerne la légalité de la décision de la ministre des armées du 5 septembre 2017 : 8. Aux termes de l'article L. 209 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " En cas de décès de la victime, ses ayants droit peuvent, dans les mêmes conditions que les ayants droit des militaires, se prévaloir des dispositions du livre Ier y compris celles prévues par le 2° de l'article L. 43 en faveur des conjoints survivants des invalides à 85 % et au-dessus. (...) ". Cet article L. 43 dispose, dans sa rédaction applicable au présent litige, que : " Ont droit à pension : / 1° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des blessures ou suites de blessures reçues au cours d'événements de guerre ou par des accidents ou suites d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, ainsi que les conjoints survivants de militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 85 % ou en possession de droits à cette pension ; / 3° Les conjoints survivants des militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % ou en possession de droits à cette pension. (...) ". 9. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 45 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les demandes de pension autres que les pensions de réversion, formulées par les conjoints survivants ou orphelins de militaires décédés dans leur foyer, doivent être accompagnées d'un rapport médico-légal, établi par le médecin qui a soigné l'ancien militaire ou marin pendant la dernière maladie ou, à défaut de soins donnés pendant la dernière maladie, par le médecin qui a constaté le décès. / Le rapport visé à l'alinéa précédent fera ressortir d'une façon précise la relation de cause à effet entre le décès et la blessure reçue ou la maladie contractée ou aggravée en service. / Les postulants à pension y joindront tous documents utiles pour établir la filiation de l'affection, cause du décès, par rapport aux blessures ou aux maladies imputables au service dans les conditions définies à l'article L. 2. (...) ". 10. Il résulte de l'instruction que M. B... a été victime en 1939 d'une explosion ayant pour conséquences une amputation des doigts des deux mains, des lésions cutanées multiples, surtout au niveau de l'abdomen, ainsi qu'une perforation digestive pour laquelle il a subi une opération chirurgicale et qu'il est décédé d'une occlusion intestinale sur bride en 2008. Mais, d'une part, il est constant que M. B... bénéficiait, depuis le 1er février 1949, d'une pension au taux de 50 % et, eu égard au caractère imprécis et peu circonstancié des pièces médicales qu'elle produit, l'appelante, qui n'a au demeurant pas demandé la révision du taux de pension militaire d'invalidité accordée à feu son époux, n'établit pas que le montant de celui-ci aurait dû être fixé à plus de 85 %. D'autre part, par son jugement du 27 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a ordonné une expertise avant dire droit, motif pris de ce que, au regard des pièces qui lui étaient soumises, l'appréciation du lien de causalité entre la chirurgie réparatrice de l'abdomen survenue des suites de l'explosion dont M. B... avait été victime en 1939, la bride cicatricielle et l'occlusion intestinale aigüe dont il est décédé, nécessitait l'éclairage d'un avis expertal. Or, ainsi que l'ont relevé à raison les premiers juges dans leur jugement attaqué du 12 avril 2023, dans le rapport qu'il a déposé le 14 novembre 2022, rejoignant ainsi l'avis émis le 31 octobre 2013 par la commission consultative médicale, l'expert désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a estimé que la carence des pièces médicales descriptives du type d'occlusion et du geste chirurgical pratiqué chez M. B..., qui au demeurant était hypertendu traité et diabétique, à la suite de sa perforation digestive ne lui permettait pas de désigner de façon directe et certaine son traumatisme abdominal comme étant la cause de l'occlusion sur bride ayant entraîné son décès. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le décès de son époux a été causé par les blessures reçues au titre desquelles il était titulaire d'une pension. Il s'ensuit que Mme D... n'a pas de droit à pension en application des dispositions précitées des articles L. 43 et L. 45 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et la ministre des armées n'a pas entaché sa décision contestée d'une erreur d'appréciation à ce titre. Ce moyen doit être écarté. 11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 septembre 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui attribuer une pension en qualité de conjoint survivant de victime civile. Sur les conclusions à fin d'injonction : 12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D..., n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Sur les frais liés au litige : En ce qui concerne les dépens : 13. Aux termes du premier alinéa de l'article 24 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les dépenses qui incomberaient au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle s'il n'avait pas cette aide sont à la charge de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 40 de la même loi " L'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, à l'exception des droits de plaidoirie. / (...) / Les frais occasionnés par les mesures d'instruction sont avancés par l'Etat. " Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / (...) ". 14. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque la partie perdante bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, et hors le cas où le juge décide de faire usage de la faculté que lui ouvre l'article R. 761-1 du code de justice administrative, en présence de circonstances particulières, de mettre les dépens à la charge d'une autre partie, les frais d'expertise incombent à l'Etat. 15. Les frais et honoraires de l'expertise confiée au docteur C..., liquidés et taxés à la somme de 800 euros par une ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Marseille du 20 décembre 2022, doivent être mis à la charge de l'Etat, et non pas à celle, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, de Mme D..., dès lors que celle-ci bénéficiait en première instance de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Marseille du 17 septembre 2018. Il y a donc lieu de réformer le jugement attaqué dans cette mesure. En ce qui concerne les frais exposés et non compris dans les dépens : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée. Article 2 : Les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 800 euros par une ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Marseille du 20 décembre 2022 sont mis à la charge définitive de l'Etat, au titre de l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le jugement n° 2003836 du tribunal administratif de Marseille du 12 avril 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... veuve B..., à Me Rihda Mimouna, et au ministre des armées et des anciens combattants. Copie en sera adressée au docteur E... C..., expert de justice. Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Lombart, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024. 2 No 23MA02143 ot
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 24/09/2024, 22BX02271, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler le courrier du 30 octobre 2020 par lequel la cheffe du service administratif et technique de la police nationale l'a mis en demeure de reprendre ses fonctions à compter du lendemain de la notification de ce courrier et la décision par laquelle la même autorité a suspendu sa rémunération pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021. Par un jugement n°s 2100239, 2100678 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision de la cheffe du service administratif et technique de la police nationale prononçant la suspension de la rémunération de M. D... pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021, a enjoint à l'Etat de verser à M. D... l'ensemble de ses rémunérations à compter du mois de mars 2021, assorties des intérêts de retard, et a rejeté le surplus des conclusions de M. D.... Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 août 2022, 22 septembre 2023 et 29 novembre 2023, le préfet de la Martinique, dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'est approprié les conclusions, représenté par Me Yang-Ting Ho, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de la Martinique en tant qu'il a, à ses articles 1er et 2, annulé la décision de la cheffe du service administratif et technique de la police nationale prononçant la suspension de la rémunération de M. D... pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021 et enjoint à l'Etat de de verser à M. D... l'ensemble de ses rémunérations à compter du mois de mars 2021, assorties des intérêts de retard ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de la Martinique ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale ; 4°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a annulé la décision contestée en s'appuyant sur un rapport d'expertise du 17 février 2022 ; eu égard à l'avis émis par un médecin agréé le 19 juin 2019 et par la commission de réforme, laquelle s'est bien prononcée sur l'accident de service du 5 octobre 2017, M. D... ne pouvait plus bénéficier d'un congé de maladie imputable au service ; - M. D..., qui était apte à reprendre ses fonctions, était tenu de reprendre son poste sous peine de suspension du versement de son traitement, et aucun élément ne permettait à l'administration de regarder cette reprise comme étant contre-indiquée ; - il conviendra à tout le moins d'organiser une expertise médicale pour déterminer à quelle date M. D... a été apte à reprendre ses fonctions ; - le jugement attaqué a été entièrement exécuté. Par des mémoires enregistrés les 30 juin 2023, 30 octobre 2023 et 16 février 2024, M. D..., représenté par Me Keïta Capitolin, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés. Une note en délibéré a été produite pour M. D... le 6 septembre 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, - les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public, - et les observations de Me Deyris, représentant M. D.... Considérant ce qui suit : 1. M. D..., brigadier-chef de la police nationale, a été affecté à compter du 2 septembre 2008 à la direction départementale de la sécurité publique de Fort-de-France, au sein de la formation motocycliste. Le 5 octobre 2017, il a été renversé par un véhicule. Cet accident, reconnu imputable au service par un arrêté du préfet de la Martinique du 14 août 2018, lui a occasionné des blessures au niveau de l'épaule, du bras, du poignet et du genou gauches. L'intéressé a été placé en congé de maladie imputable au service à compter du 5 octobre 2017. L'administration a décidé, en 2019, de faire procéder à une contre-visite de M. D... par un médecin agréé. Le rapport du 7 juillet 2019 du Dr E..., médecin agréé, a conclu à l'aptitude médicale de M. D... à reprendre ses fonctions sur un emploi sédentaire à temps plein pendant six mois puis sur son poste habituel. Par un avis du 21 novembre 2019, la commission de réforme a confirmé que M. D... était médicalement apte à reprendre ses fonctions. Par un courrier du 20 février 2020, le directeur départemental de la sécurité publique de la Martinique a demandé à M. D... de reprendre son service à compter du 9 mars 2020. Ce dernier n'a pas repris ses fonctions et a adressé à son administration un avis de prolongation d'arrêt de travail établi le 23 juin 2020 couvrant la période du 1er juillet 2020 au 31 mars 2021, puis un nouvel avis de prolongation d'arrêt de travail établi le 24 mars 2021, portant sur la période du 1er avril au 31 décembre 2021. Par un courriel du 9 octobre 2020, le Dr B..., médecin inspecteur régional de la police nationale, a indiqué que M. D... était apte à reprendre ses fonctions. Par un courrier du 30 octobre 2020, la cheffe du service administratif et technique de la police nationale a mis M. D... en demeure de reprendre ses fonctions à compter du lendemain de la réception de ce courrier et l'a informé, qu'à défaut, une suspension de traitement pour service non fait serait mise en œuvre sans délai. L'intéressé n'ayant pas déféré à cette mise en demeure, la cheffe du service administratif et technique de la police nationale a suspendu sa rémunération à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui s'est approprié les conclusions d'appel présentées par le préfet de la Martinique, relève appel du jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de la Martinique en ce qu'il a annulé cette décision de suspension de la rémunération de M. D... pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021 et a enjoint à l'Etat de verser à l'intéressé l'ensemble de ses rémunérations à compter du mois de mars 2021. 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. ". Aux termes de l'article 4 de la loi du 29 juillet 1961 de finances rectificatives pour 1961 : " L'absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité en vertu de la réglementation prévue à l'alinéa précédent. / Il n'y a pas service fait : / 1°) Lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de services ; ". 3. Aux termes du II l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. / (...). Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 21 février 2019, soit le 24 février 2019 : "Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". Il résulte de ces dispositions que doivent être pris en charge au titre de l'accident de service ou de la maladie professionnelle les arrêts de travail et les frais médicaux présentant un lien direct et certain avec la maladie y compris, le cas échéant, s'ils interviennent postérieurement à la date de consolidation constatée par l'autorité compétente. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Une liste de médecins agréés généralistes et spécialistes est établie dans chaque département par le préfet sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé, après avis du Conseil départemental de l'ordre des médecins et du ou des syndicats départementaux des médecins. /Les médecins agréés sont choisis, sur leur demande ou avec leur accord, parmi les praticiens âgés de moins de soixante-treize ans ayant au moins trois ans d'exercice professionnel, dont, pour les généralistes, un an au moins dans le département pour lequel la liste est établie (...) ". Aux termes de l'article 24 de ce décret : " Sous réserve des dispositions de l'article 27 ci-dessous, en cas de maladie dûment constatée et mettant le fonctionnaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé de maladie ". Aux termes de l'article 25 du même décret : " Pour obtenir un congé de maladie ainsi que le renouvellement du congé initialement accordé, le fonctionnaire adresse à l'administration dont il relève, dans un délai de quarante-huit heures suivant son établissement, un avis d'interruption de travail. Cet avis indique, d'après les prescriptions d'un médecin, d'un chirurgien-dentiste ou d'une sage-femme, la durée probable de l'incapacité de travail (...) L'administration peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption du versement de sa rémunération, à cette contre-visite./Le comité médical compétent peut être saisi, soit par l'administration, soit par l'intéressé, des conclusions du médecin agréé ". 5. Il ressort de la chronologie des faits rappelée au point 1 et des pièces du dossier que tant le médecin agréé que la commission de réforme ont constaté l'aptitude de M. D... à reprendre son travail. Si, postérieurement à ces avis, le requérant a produit de nouveaux avis de prolongation de son arrêt de travail, ces certificats médicaux n'apportaient aucun élément nouveau sur l'état de santé de l'intéressé par rapport aux constatations sur la base desquelles ont été rendus ces avis. Dans ces conditions, l'administration n'était pas tenue de diligenter une nouvelle contre-visite avant de mettre en demeure l'agent de reprendre son service et de tirer les conséquences de l'absence de service fait. 6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles 24 et 25 du décret du 14 mars 1986 pour annuler la décision de la cheffe du service administratif et technique de la police nationale prononçant la suspension de la rémunération de M. D... pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021. 7. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M. D... à l'encontre de cette décision. 8. M. D... soutient qu'il aurait dû être placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service. Toutefois, l'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont applicables, s'agissant de la fonction publique d'Etat, que depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat, décret dont l'intervention était, au demeurant, prévue par le VI de cet article 21 bis. Par ailleurs, les droits des agents en matière d'accident de service sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu. En l'espèce, l'accident de service dont a été victime M. D... s'étant produit le 5 octobre 2017, soit avant le 24 février 2019, sa situation est dès lors régie non par les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, ainsi qu'il le soutient, mais par celles de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 précitées. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait dû bénéficier d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté. 9. Par ailleurs, M. D... ne produit aucun élément médical de nature à remettre en cause l'appréciation portée tant par le médecin agréé que par la commission de réforme sur son aptitude médicale à une reprise de ses fonctions. En particulier, si le rapport d'expertise médicale établi le 17 février 2022 par le Dr A..., chirurgien et médecin légiste, indique que l'intéressé présente une lésion musculaire de l'épaule gauche en rapport avec l'accident survenu le 5 octobre 2017 qui empêche " l'exécution de quelques gestes particuliers du côté gauche ", ce rapport ne conclut cependant pas à une inaptitude de l'intéressé à une reprise de ses fonctions. 10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision de la cheffe du service administratif et technique de la police nationale prononçant la suspension de la rémunération de M. D... pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021 et a enjoint à l'Etat de de verser à M. D... l'ensemble de ses rémunérations à compter du mois de mars 2021, assorties des intérêts de retard. 11. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n°s 2100239, 2100678 du 9 juin 2022 du tribunal administratif de la Martinique sont annulés. Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de la Martinique tendant à l'annulation de la décision de la cheffe du service administratif et technique de la police nationale prononçant la suspension de sa rémunération pour absence de service fait à compter du versement de sa paie du mois de mars 2021, ensemble ses conclusions à fin d'injonction, sont rejetées. Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... D.... Copie en sera adressée au préfet de la Martinique. Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient : M. Laurent Pouget, président, Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure, M. Vincent Bureau, conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024. La rapporteure, Marie-Pierre Beuve Dupuy Le président, Laurent Pouget Le greffier, Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 22BX02271
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de PARIS, 8ème chambre, 07/08/2024, 23PA02178, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 juillet 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a refusé de lui octroyer une pension de victime civile de la guerre d'Algérie. Par un jugement n° 2212026/5-3 du 15 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023, M. A..., représenté par Me Francos, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 15 mars 2023 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 7 juillet 2021 de la commission de recours de l'invalidité ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui octroyer une pension de victime civile de la guerre d'Algérie à compter de la date de présentation de sa demande ; à défaut, d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé, faute de préciser en quoi les particularités de la situation des victimes civiles de la guerre d'Algérie justifiaient un traitement différent de celui réservé aux victimes civiles d'autres conflits ; - l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre institue une différence de traitement discriminatoire injustifiée qui porte atteinte aux exigences résultant des stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel ; cet article porte atteinte au principe de sécurité juridique ; - la décision contestée méconnaît les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention dont il résulte que le droit patrimonial à pension, en qualité de victime civile de guerre, ne peut, en tant que tel, être organisé de manière discriminatoire ; - elle porte atteinte au principe de sécurité juridique. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 16 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 décembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 du conseil constitutionnel ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jayer, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 8 septembre 1955, est de nationalité algérienne. Blessé le 24 juillet 1962 à la suite de l'explosion d'un engin, il a sollicité, le 13 novembre 2019, l'octroi d'une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie. La ministre des armées a rejeté cette demande par une décision du 30 octobre 2020 au motif que les demandes de pensions déposées après le 14 juillet 2018 étaient irrecevables. M. A... a formé un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision devant la commission de recours de l'invalidité qui a rejeté sa demande par la décision attaquée du 7 juillet 2021. Il relève appel du jugement du 15 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. D'une part, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Une atteinte au droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la collectivité et celles de la protection des droits fondamentaux de l'individu. Par ailleurs, le titulaire d'une créance qui démontre que celle-ci a une base suffisante en droit interne peut se prévaloir d'une espérance légitime correspondant à une valeur patrimoniale appelant la protection de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 151-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable aux victimes civiles de guerre en vertu de l'article L. 152-1 de ce code : " Les demandes de pensions sont recevables sans condition de délai. ". 4. Par sa décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018, prenant effet à compter du 9 février 2018, le Conseil constitutionnel a jugé contraire au principe constitutionnel d'égalité la condition de nationalité française mise au bénéfice du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie par les dispositions antérieures, issues de la loi du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963. A compter de cette date, les personnes remplissant les conditions leur permettant de prétendre au bénéfice du régime d'indemnisation, à l'exception de la condition de nationalité, pouvaient se prévaloir d'une espérance légitime liée à cette créance, constituant un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En vertu des dispositions citées au point 3, la demande qu'ils pouvaient présenter en ce sens était recevable sans condition de délai. 5. La décision n° 2017-690 du Conseil constitutionnel est toutefois restée sans effet juridique direct sur les dispositions de l'article L. 113-6 du code de pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui réservaient le bénéfice des pensions de victimes civiles de guerre aux personnes de nationalité française au 4 août 1963. Ce n'est que depuis sa rédaction issue de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense que l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dispose, dans son premier alinéa, que : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre ". Jusqu'à l'adoption de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018, le régime d'indemnisation prévu en faveur des victimes civiles de la guerre d'Algérie qui n'étaient pas de nationalité française leur était donc fermé par la loi, ce qui faisait, de fait, obstacle au dépôt utile d'une demande en ce sens. Si la décision n° 2017-690 du Conseil constitutionnel a pu toutefois donner naissance, dans le chef de ces derniers, à une espérance légitime liée à cette créance, elle ne leur permettait pas de déposer utilement une demande de pension, sauf, pour ces personnes étrangères qui n'avaient pas vocation à bénéficier de l'aide juridictionnelle faute de résider en France, à passer par la voie contentieuse en mobilisant l'outil juridique de la question prioritaire de constitutionnalité. L'article L. 151-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, levant toute condition de délai, permettait à ces dernières d'attendre, pour faire valoir leur créance sans être contraintes d'engager une instance contentieuse, que la loi soit mise en conformité avec la Constitution, ce que le législateur a fait par l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018. 6. Toutefois, le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant du même article 49 de la loi du 13 juillet 2018, dispose que : " Par dérogation à l'article L. 152-1, les demandes tendant à l'attribution d'une pension au titre du présent article ne sont plus recevables à compter de la publication de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense ". Le droit à l'attribution d'une pension s'appréciant, en vertu de l'article L. 151-1 du même code, à la date du dépôt de la demande, ces dispositions ont ainsi eu pour effet de mettre un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, c'est-à-dire dès le 14 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie. Le législateur a, ainsi, simultanément supprimé la condition de nationalité qui figurait dans le texte antérieur, conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018, et mis un terme pour l'avenir, à ce régime d'indemnisation. Il a, ce faisant, privé sans préavis et du jour au lendemain les victimes civiles de la guerre d'Algérie qui n'étaient pas de nationalité française, alors qu'elles étaient titulaires d'une espérance légitime de se voir reconnaître le bénéfice d'une pension de victime civile de cette guerre, de toute possibilité de percevoir une telle pension, entraînant une ingérence dans l'exercice des droits que ces victimes pouvaient, jusqu'alors, escompter faire valoir en vertu de l'article L. 151-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et, partant, dans leur droit au respect de leurs biens. 7. Pour justifier cette atteinte, le ministre des armées soutient que la différence de traitement entre les victimes de la guerre d'Algérie, selon qu'elles ont déposé leur demande de pension, avant ou après le 14 juillet 2018, n'est que la conséquence de la succession de deux régimes juridiques dans le temps et n'est pas, par elle-même, contraire au principe d'égalité ni source de discrimination, qu'il résulte des travaux parlementaires que le gouvernement a entendu tenir compte de la nature particulière du conflit en cause et du territoire concerné et a entendu tirer toutes les conséquences de la censure du Conseil constitutionnel tout en recherchant un juste point d'équilibre entre les exigences constitutionnelles, la soutenabilité du dispositif et la nécessité de regarder résolument vers l'avenir pour donner un nouvel élan à la relation franco-algérienne et que les conséquences de la loi sont ainsi totalement proportionnées au regard des buts poursuivis. Pour autant, il ne se prévaut d'aucun intérêt financier et n'apporte aucune donnée sur ce point. Postérieurement, le législateur a d'ailleurs, par l'article 15 de la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, remédié à la brutalité de ce changement en levant, pour les seuls pupilles de la Nation, la forclusion ainsi opposable depuis 2018 à toute demande de pension en raison d'actes de violence subis lors du conflit algérien en leur rouvrant, pour une durée de six mois, la possibilité de prétendre à une pension de victime civile de guerre. Cet article est issu d'un amendement gouvernemental indiquant qu'il vise à rétablir ces orphelins dans leurs droits, en leur permettant de prétendre à une pension civile de guerre lorsqu'ils ont eux-mêmes été victimes du conflit algérien. Au vu de ces éléments, les seules considérations tenant à l'écoulement du temps, aux difficultés de la preuve et à la recherche d'un apaisement politique et social, si elles pouvaient légitimer une mise en extinction, fût-ce à brève échéance, du régime en cause, ne pouvaient justifier sa disparition le jour-même où il était ouvert aux personnes remplissant les conditions leur permettant de prétendre au bénéfice du régime d'indemnisation, à l'exception de la condition de nationalité, leur faisant ainsi supporter une charge spéciale et exorbitante. Cette atteinte aux droits des intéressés a rompu le juste équilibre devant régner entre, d'une part, les exigences de l'intérêt général et, d'autre part, la sauvegarde du droit au respect des biens. M. A... est dès lors fondé à se prévaloir de l'inconventionnalité des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant du même article 49 de la loi du 13 juillet 2018, au regard des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête, et dès lors que l'effet dévolutif de l'appel n'appelle pas l'examen d'autres moyens soulevés par les parties, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par conséquent, ce jugement doit être annulé ainsi que la décision du 7 juillet 2021 de la commission de recours de l'invalidité. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. Eu égard à ses motifs, tenant à ce qu'une forclusion a été opposée à tort à M. A... et sans examen sur le fond de sa demande, l'exécution du présent arrêt implique seulement qu'en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, il soit enjoint au ministre des armées de procéder à un nouvel examen de la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés à l'instance : 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du 15 mars 2023 du tribunal administratif de Paris et la décision du 7 juillet 2021 de la commission de recours de l'invalidité sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A... en application des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Anne Menasseyre, présidente, - Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure, - Mme Jayer, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 août 2024. La rapporteure, M-B...La présidente, A. Menasseyre Le greffier, P. Tisserand La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02178
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 24/09/2024, 22BX02412, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Bayonne à lui verser la somme totale de 119 800 euros au titre des préjudices qu'il a subis en raison de la maladie professionnelle qu'il a contractée le 9 novembre 2012, et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2019. Par un jugement n° 2000239 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Pau a condamné la commune de Bayonne à verser à M. A... la somme de 46 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa maladie, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2019. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 6 septembre 2022 et un mémoire enregistré le 6 février 2024, M. A..., représenté par Me Lemiere, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n°2000239 du tribunal administratif de Pau du 30 juin 2022 en tant qu'il a condamné la commune de Bayonne à lui verser une somme limitée à 46 000 euros en réparation de ses préjudices ; 2°) de condamner la commune de Bayonne à lui verser la somme totale de 119 800 euros au titre des préjudices qu'il a subis en raison de la maladie professionnelle qu'il a contractée le 9 novembre 2012, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2019 ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Bayonne la somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Sur les préjudices patrimoniaux : - il a subi un préjudice économique temporaire du fait de l'arrêt brutal de sa carrière qui doit être évalué à 10 000 euros ; contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, son arrêt brutal de carrière n'a pas été réparé par le versement d'une allocation temporaire d'invalidité ; - il a subi un préjudice économique retentissant relatif à sa mise à la retraite d'office compte tenu de l'impossibilité pure et simple d'exercer une quelconque activité professionnelle qui doit être évalué à 10 000 euros ; contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, ce préjudice n'a pas été réparé par le versement d'une rente viagère d'invalidité ; Sur les préjudices extra-patrimoniaux : - s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, le pourcentage de 25% a été retenu à tort par les premiers juges, il doit être évalué à 31 000 euros (600 euros par mois pendant 52 mois) et non à 6 000 euros comme l'a retenu le tribunal ; - s'agissant du déficit fonctionnel permanent, le taux retenu doit être de 30%, soit une indemnisation à hauteur de 48 800 euros ; - s'agissant du pretium doloris, le taux retenu de 4/7 par le tribunal est juste, toutefois le barème appliqué doit être rehaussé pour atteindre une indemnisation à hauteur de 10 000 euros ; - s'agissant du préjudice d'agrément, il doit être évalué à 10 000 euros et non à 3 000 euros comme l'ont retenu les premiers juges. La requête a été communiquée à la commune de Bayonne qui n'a pas produit de mémoire en défense dans la présente instance. Par ordonnance du 7 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 11 mars 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme E..., - les conclusions de M. Ellie, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., agent de la commune de Bayonne, a été victime d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service a été reconnue par la collectivité à compter du 9 novembre 2012. Par courrier du 30 septembre 2019, M. A... a adressé à la commune de Bayonne une demande indemnitaire préalable afin d'obtenir la réparation des préjudices subis du fait de cette maladie. En l'absence de réponse de la collectivité, M. A... a saisi le tribunal administratif de Pau qui, par le jugement attaqué du 30 juin 2022, a reconnu la responsabilité sans faute de la commune de Bayonne dans la survenance de cette maladie et a condamné cette collectivité au versement d'une somme de 46 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2019, date de réception de la demande préalable indemnitaire. Par la présente requête, M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a condamné la commune à un versement limité à cette somme et demande une réévaluation de ses préjudices à hauteur de 119 800 euros. Sur les préjudices : 2. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, l'allocation temporaire d'invalidité et la rente viagère d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : 3. Il résulte de l'instruction que M. A..., né en 1968, présente depuis 2012, suite à l'utilisation de produits chimiques dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, entre 2003 et 2012, au sein du service de signalisation routière de la commune de Bayonne, une hyperréactivité bronchique reconnue comme maladie professionnelle correspondant aux " Rhinite et asthmes professionnels " listés à l'annexe II - tableau n°66 des tableaux des maladies professionnelles prévus à l'article R. 461-3 du code de la sécurité sociale. La date de consolidation de cette maladie professionnelle a été fixée par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Pau, le Professeur B..., à la date non contestée du 18 juin 2018. Par arrêté du 9 mars 2021, le maire de Bayonne a admis M. A... à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour invalidité à compter du 1er avril 2021. 4. Au titre des préjudices patrimoniaux, M. A..., qui demande réparation sur le terrain de la responsabilité sans faute de la collectivité, soutient qu'il a subi un préjudice économique temporaire du fait de l'arrêt brutal de sa carrière ainsi qu'un préjudice économique retentissant relatif à sa mise à la retraite d'office compte tenu de l'impossibilité pure et simple d'exercer une quelconque activité professionnelle, préjudices qui doivent selon lui être évalués à 10 000 euros chacun. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 2 que M. A... ne peut se prévaloir, sur le terrain de la responsabilité sans faute de la commune de Bayonne, objet du présent litige, que de la réparation des préjudices patrimoniaux qui ne résultent pas des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle liées à son incapacité physique consécutive à sa maladie professionnelle, quand bien même il n'aurait pas été bénéficiaire, dans les faits, d'une allocation temporaire d'invalidité ou d'une rente viagère d'invalidité. Or, M. A... ne fait valoir aucun préjudice patrimonial autre que ceux résultant de ses pertes de revenus ou de son incapacité physique de travailler. Par suite, sa demande relative à la réparation de ses préjudices patrimoniaux doit être rejetée. En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux : S'agissant des préjudices temporaires : 5. Il résulte de l'instruction que, pour évaluer le déficit fonctionnel temporaire de M. A..., l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Pau a scindé en deux la période précédant la date de la consolidation de sa maladie professionnelle en prenant en compte l'amélioration notable de son état de santé à compter du 16 mars 2017, date de sa mise sous traitement permanent par Xolair. L'expert a ainsi évalué le déficit fonctionnel temporaire subi par M. A... à 25% au titre de la période du 9 novembre 2012 au 15 mars 2017, puis à 10% au titre de la période du 16 mars 2017 au 18 juin 2018. Comme l'ont retenu les premiers juges, durant ces périodes, les conditions d'existence de M. A... ont été sensiblement dégradées du fait de ses crises d'asthmes, des différents traitements et de son obligation d'éviter tout effort. Il ne résulte toutefois d'aucun élément de l'instruction, contrairement à ce que soutient le requérant, qui n'apporte au demeurant aucun élément nouveau en appel sur ce point, que ce poste de préjudice n'ait pas fait l'objet d'une juste évaluation par les premiers juges qui ont fixé le montant de son indemnisation à 6 000 euros. S'agissant des préjudices permanents : Quant au déficit fonctionnel permanent : 6. Il résulte de l'instruction que, pour évaluer le taux de déficit fonctionnel permanent de M. A... à 20%, l'expert désigné s'est référé à deux indicateurs : le barème indicatif d'évaluation des taux d'incapacité de droit commun du concours médical et le barème du code des pensions civiles et militaires de retraite tel qu'issu du décret n° 68-756 du 13 août 1968 pris en application de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction résultant de la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964. Il résulte de ce rapport d'expertise, que M. A... souffre d'un asthme modéré contrôlé nécessitant un traitement de fond associant cinq médicaments dont l'un responsable d'effets secondaires indésirables. Si le requérant soutient que le taux retenu doit être majoré compte tenu du fait que sa maladie nécessite un traitement continu avec une dépendance thérapeutique en corticoïdes ou des hospitalisations répétées, il résulte de l'instruction que l'expert a pris en compte l'ensemble de ces éléments et notamment la nécessité pour M. A... de suivre un traitement en continu. Par ailleurs, il résulte des éléments produits en appel et notamment des deux certificats médicaux datés des 9 et 15 mars 2023, consécutifs à un épisode d'aggravation de la maladie ayant nécessité une hospitalisation, que la maladie dont souffre M. A... peut connaitre des épisodes d'aggravation notable. Il peut ainsi être fait une juste évaluation du préjudice en le fixant à la somme, supérieure à celle retenue par les premiers juges, de 40 000 euros. Quant aux souffrances physiques et morales : 7. Il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par M. A... ont été évaluées par l'expert à 4 sur une échelle de 7. Par suite, et alors que le requérant n'apporte aucun élément supplémentaire sur ce point en appel, c'est en faisant une juste appréciation que les premiers juges ont fixé la réparation de ce préjudice à la somme de 7 000 euros. Quant au préjudice d'agrément : 8. Il résulte de l'instruction que M. A... ne peut plus pratiquer le sport ni les activités de bricolage et de jardinage auxquels il s'adonnait avant la survenance de sa maladie. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, évalué à 3 000 euros par les premiers juges, en fixant sa réparation à la somme de 4 000 euros. 9. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant est seulement fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a condamné la commune de Bayonne à lui verser une somme limitée à 30 000 euros en réparation de son déficit fonctionnel permanent et à 3 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément et à demander que l'indemnisation de ces chefs de préjudice soient respectivement portée à 40 000 euros et 4 000 euros. Ainsi, il est fondé à demander que la somme que la commune de Bayonne a été condamnée à lui verser en réparation de son préjudice total soit portée à 57 000 euros. Sur les frais liés au litige : 10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ". 11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bayonne une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : L'indemnité que la commune de Bayonne a été condamnée à verser à M. A... par le jugement du tribunal administratif de Pau du 30 juin 2022 est portée à 57 000 euros. Article 2 : Le jugement du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er. Article 3 : La commune de Bayonne versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à la commune de Bayonne et à M. C... B..., expert. Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Nicolas Normand, président assesseur, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère, Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024. La rapporteure, Héloïse E... La présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 22BX02412
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 30/09/2024, 22VE01764, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 19 février 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'attribution d'une pension militaire d'invalidité, pour des séquelles de blessures au cuir chevelu par plombs, de fixer son taux d'invalidité estimé sur la base du guide-barème des invalidités à hauteur de 35% et de le renvoyer vers la sous-direction des pensions du ministère des armées pour la liquidation de ses droits, d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder l'ouverture de ses droits au titre de la pension d'invalidité au taux de 35%, avec effet à compter du 13 janvier 2017, sous astreinte d'un montant de 1 000 euros par jour de retard, d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder l'aggravation de sa pension au titre de troubles visuels à type rétrécissement du champ visuel, indépendamment de l'infirmité résultant des blessures reçues, et de fixer le taux d'invalidité à hauteur de 5%, de dire que la valeur du point de pension sera fixée à 15,05 euros conformément aux conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, en fonction de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique d'Etat tel qu'il a été défini par le ministre chargé de la fonction publique au 1er janvier 2022 et publié par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), de condamner l'Etat à lui verser la somme de 45 000 euros au titre du préjudice résultant de l'absence fautive de reconnaissance du lien d'imputabilité au service de l'infirmité subie en 1979 à l'occasion du service, de condamner l'Etat à lui verser, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, la somme de 15 000 euros assortie des intérêts au taux légal, le tout au titre des souffrances physiques endurées, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément résultant des blessures subies en 1979 et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros au profit de son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 1904406 du 24 mai 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 21 juillet 2022, le 25 janvier 2023, le 23 mai 2024 et le 24 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Rochefort, avocate, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 19 février 2018 ; 3°) à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de lui accorder une pension militaire d'invalidité ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à la même autorité de procéder à une nouvelle instruction de sa demande, en application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; 4°) et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à Me Rochefort sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce qu'il aurait dû bénéficier d'une présomption d'imputabilité au service ; - le jugement et la décision attaqués sont entachés d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'agression par arme à feu qu'il a subie, alors qu'il était soldat en tenue militaire, l'a été dans le cadre du service, avec les moyens du service, et du fait du service ; - cet accident a eu lieu sur son itinéraire normal entre son domicile et la caserne et il ne peut être regardé comme ayant quitté cet itinéraire ; - aucune faute ne peut lui être reprochée. Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 mars 2023 et le 19 juillet 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens du requérant ne sont pas fondés. Un mémoire, présenté par le ministre des armées, enregistré le 22 août 2024, n'a pas été communiqué. Un courrier a été adressé le 4 juillet 2024 aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par les derniers alinéas des articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative. Un avis d'audience a été adressé le 22 août 2024 aux parties portant clôture immédiate de l'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 25 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Aventino, - les conclusions de M. Frémont, rapporteur public, - et les observations de Me Rochefort pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., engagé volontaire, affecté au 21ème régiment d'infanterie de marine à la caserne de Laon-Sissonne dans l'Aisne entre le 5 juin 1979 et le 29 mars 1980, a sollicité le 19 avril 2017 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour une infirmité liée à des séquelles de blessures d'un accident survenu en novembre 1979. La ministre des armées a, par une décision du 19 février 2018, rejeté sa demande au motif que son infirmité n'était pas imputable au service. M. A... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif d'Orléans a expressément répondu aux moyens contenus dans les écritures produites par le requérant. En particulier, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'ont pas omis de répondre au moyen tiré de ce que les faits dont il a été victime au cours d'un accident de trajet sont présumés imputables au service. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une omission à statuer ne peut qu'être écarté. 3. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit et des erreurs manifestes d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué. Sur la légalité de la décision du 19 février 2018 : 4. Aux termes des dispositions applicables de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes des dispositions applicables de l'article L. 121-2 de ce code : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. ". 5. Il résulte de ces dispositions que, si les conditions sont réunies pour que l'intéressé puisse bénéficier du régime de présomption légale d'imputabilité, cette présomption ne peut être écartée que lorsque l'administration apporte une preuve contraire établissant qu'une cause étrangère au service est à l'origine de façon directe et certaine de l'infirmité invoquée ou de son aggravation. Une telle preuve contraire ne saurait résulter d'une simple hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 6. En outre, est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un militaire qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son service et le lieu où il a été autorisé à se rendre en permission et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l'accident du service. 7. A supposer même, ainsi que M. A... le soutient, qu'il ait été victime, fin novembre 1979, d'un tir de plusieurs plombs de chasse dans le cuir chevelu alors qu'il se rendait, vêtu de son uniforme, à l'issue d'une permission, à la caserne où il était affecté, il ressort des énonciations concordantes de l'intéressé que cet accident a eu lieu alors qu'il se rendait à pied de la gare d'Austerlitz au domicile d'un ami, pendant le délai d'attente de sa correspondance entre les deux trains le conduisant de son domicile à sa caserne d'affectation. Dès lors, compte tenu du lieu de survenance de l'accident et du mobile du détour qu'il aurait ainsi effectué, lequel ne saurait en l'espèce se rattacher à une nécessité de la vie courante, cet accident ne peut, en tout état de cause, être regardé comme s'étant produit à l'occasion du service. La ministre des armées n'a donc entaché sa décision ni d'une erreur de droit au regard des dispositions précitées, ni commis d'erreur d'appréciation en refusant à M. A... l'attribution d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité consécutive à l'accident prétendu. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 février 2018. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient : M. Even, président de chambre, Mme Mornet, présidente assesseure, Mme Aventino, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024. La rapporteure, B. AventinoLe président, B. Even La greffière, I. Szymanski La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 22VE01764
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 01/10/2024, 23MA02257, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis cette demande au tribunal administratif de Marseille, d'annuler la décision du 1er juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour infirmités nouvelles " syndrome anxiodépressif " et " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires, des artères iliaques communes, interne et externe et carotidienne ". Par un jugement n° 2003864 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille, d'une part, a annulé la décision du 1er juin 2018, d'autre part, a fixé le taux d'invalidité de l'infirmité " syndrome anxiodépressif persistant " à 30 % dont 10 % imputable au service, et, enfin, a attribué une pension militaire d'invalidité à M. B... au taux de 30 %, au titre de l'infirmité " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires ", à compter du 22 avril 2016. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er septembre 2023 et 30 mai 2024, le ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2003864 du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il a statué sur l'infirmité " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires ", et de rejeter la demande de M. B... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité. Il soutient que : - le jugement est entaché d'une insuffisante motivation, dès lors que le tribunal n'a pas précisé les causes de l'atteinte vasculaire et artérielle de M. B... ni distingué entre les parts imputables et les parts non imputables ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit ; - M. B... présentait quatre facteurs de risques d'athérosclérose, de sorte que le stress ne peut être retenu comme facteur essentiel à l'origine de la pathologie ; - il n'existe aucun lien direct et certain entre un ou des faits précis de service et l'origine de l'infirmité invoquée ; la référence à un surmenage et au stress professionnel très important s'accompagnant d'élévation tensionnelle ne saurait suffire à apporter la preuve de l'imputabilité au service. Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 décembre 2023 et 7 juin 2024, M. A... B..., représenté par Me Dakessian, conclut à titre principal au rejet de la requête et à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions ou, à titre subsidiaire, à ce que soit ordonnée avant dire droit une expertise médicale, et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés. Un courrier du 15 avril 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code. Par une ordonnance du 24 juin 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire, produit par le ministre des armées le 24 juin 2024 après notification de l'ordonnance de clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Le 8 juillet 2024, le ministre des armées a produit une copie intégrale du compte rendu de coronographie du 25 mars 2016, en réponse à une mesure d'instruction qui lui a été adressée par la Cour, le 5 juillet 2024, par application des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Martin, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Dakessian, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., né le 22 juillet 1970, a exercé les fonctions de médecin des armées jusqu'au 31 août 2016, date à laquelle il a été rayé des contrôles de l'armée. Titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 10 %, concédée par arrêté du 25 février 2013 pour l'infirmité " cervicalgies, dysesthésie des 3 doigts de la main droite, flexion légèrement limitée, extension normale ", il a sollicité, par une demande enregistrée le 22 avril 2016, la révision de sa pension pour deux infirmités nouvelles " syndrome dépressif réactionnel et épuisement professionnel " et " coronaropathie sévère de stress - angor. Occlusion artérielle sur poussée tensionnelle ". Par une décision du 1er juin 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par la présente requête, le ministre des armées relève appel du jugement du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille, en tant qu'il s'est prononcé sur l'infirmité " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires ", en attribuant à ce titre une pension au taux de 30 % au bénéfice de M. B... à compter du 22 avril 2016. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction en vigueur au jour de la demande de pension de M. B... : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". L'article L. 4 du même code dispose que : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 p. cent. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 p. cent ; (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse (...) 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". 3. Pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et de l'article L. 3 du même code, alors en vigueur, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 4. En outre, lorsque, comme en l'espèce, le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il lui incombe d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis, de ce fait, à des contraintes et des sujétions identiques. A cet égard, ne sauraient, en tant que tels, hors opération militaire, constituer un fait précis ou des circonstances particulières de service, le stress ou le surmenage auxquels le militaire est soumis dans le cadre de l'exercice normal de ses missions. 5. Pour reconnaître à M. B... le droit à une pension militaire d'invalidité, au taux de 30 %, au titre de l'infirmité " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires ", le tribunal administratif de Marseille, suivant en cela les conclusions de l'expertise médicale du 20 septembre 2017, s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé, sans facteur de risque marqué, présentait en revanche un surmenage et un stress professionnel très important s'accompagnant d'élévation tensionnelle responsable " en grande partie " de l'atteinte vasculaire coronarienne et artérielle. Toutefois, selon les termes mêmes de cette expertise, tels qu'ils viennent d'être retranscrits, l'infirmité dont il s'agit ne peut être regardée comme totalement imputable à l'exercice par M. B... de son activité de chirurgien au sein des armées, de sorte qu'elle ne résulte pas d'une maladie dont le degré d'invalidité qu'elle entraîne atteint ou dépasse 30 %. En outre, il résulte de l'instruction que des facteurs de risques d'athérosclérose ont été identifiés le 25 août 2017 par le médecin en chef du service de santé des armées de l'hôpital d'instruction des Armées Sainte-Anne de Toulon. S'il est certes exact que ce médecin a réévalué sa position le 26 octobre 2023 en excluant toute hérédité coronarienne, d'autres facteurs de risque sont objectivés dans le dossier médical de M. B..., notamment dans le compte rendu de la coronographie réalisée le 25 mars 2016 à la polyclinique " Les Fleurs ", telles qu'une dyslipidémie modérée, une certaine labilité tensionnelle, ainsi qu'un tabagisme sevré et une hypercholestérolémie. Enfin, si l'ensemble des pièces du dossier médical indiquent que M. B... a ressenti de vives douleurs de la fesse au cours d'une intervention chirurgicale qu'il a pratiquée le 24 juin 2015 dans des conditions difficiles, du fait de tensions avec un infirmier, il ne résulte d'aucune des expertises et avis médicaux produits au dossier que l'infirmité " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires, des artères iliaques communes, interne et externe et carotidienne ", au titre de laquelle il a bénéficié de la mise en place d'endoprothèses de l'iliaque primitive gauche et de cinq stents actifs le 25 mars 2016, trouverait son origine dans ce seul évènement, ni, en tout état de cause, que cette intervention, ou, d'une manière plus générale, ses fonctions de chirurgien au sein de l'hôpital d'instruction des Armées Sainte-Anne de Toulon, auraient été réalisées dans des circonstances particulières de service justifiant qu'il soit fait droit à sa demande de révision de sa pension. 6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale ni de statuer sur la régularité du jugement contesté, que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 1er juin 2018 et jugé que l'intimé avait droit à une pension au taux d'invalidité de 30%. Par suite, le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé, et la demande de M. B... tendant à la révision de sa pension d'invalidité pour l'infirmité nouvelle " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires, des artères iliaques communes, interne et externe et carotidienne " rejetée, de même que ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2003864 du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il annule la décision du 1er juin 2018 de la ministre des armées en tant qu'elle rejette la demande de révision de la pension militaire d'invalidité pour l'infirmité nouvelle " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires, des artères iliaques communes, interne et externe et carotidienne ". Article 2 : L'article 3 du jugement n° 2003864 du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé. Article 3 : La demande de révision de pension d'invalidité présentée par M. B... pour l'infirmité nouvelle " poly-artériopathie avec atteinte des coronaires, des artères iliaques communes, interne et externe et carotidienne " est rejetée. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 1er octobre 2024. N° 23MA02257 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de BORDEAUX, Juge des référés, 09/09/2024, 24BX01247, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'agglomération d'Agen à lui verser une provision de 50 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice lié à une maladie imputable au service. Par une ordonnance n° 2205995 du 29 avril 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'agglomération d'Agen à verser une provision de 50 000 euros à M. D... et a mis les frais d'expertise à la charge de l'agglomération d'Agen. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 mai 2024 et un mémoire enregistré le 12 juillet 2024, l'agglomération d'Agen, représentée par la SELARL Cabinet Ferrant, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 29 avril 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a versé la provision ordonnée en première instance mais conteste l'ordonnance de référé du 29 avril 2024 ; - la décision de première instance fait droit à la demande alors que l'obligation est sérieusement contestable ; elle est donc entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ; - la maladie de M. D... n'est pas imputable au service ; le harcèlement moral qu'il a dénoncé de la part de la gardienne du cimetière dans lequel il exerçait ses fonctions de conservateur, ne repose que sur des allégations non établies ; de plus, les faits qu'il a dénoncés ne constituent pas un événement soudain et violent de nature à justifier une imputabilité au service ; il existe donc un doute sérieux sur l'imputabilité de la maladie au service ; - la direction des ressources humaines pensait être liée par l'avis de la commission de réforme et a reconnu l'imputabilité au service mais cette reconnaissance ne résulte que d'une erreur ; - la juge des référés n'a pas pris en compte que la reconnaissance d'imputabilité au service permet déjà à M. D... de percevoir une allocation temporaire d'invalidité ; - l'expert ne s'est appuyé sur aucun justificatif pour reconnaître un déficit fonctionnel temporaire partiel ; M. D... réclame réparation d'un déficit fonctionnel permanent de 40 % alors que l'expert n'a reconnu qu'un taux de 15 % ; de plus, il réclame l'application du barème des pensions civiles et militaires et du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors que c'est le barème de droit commun qui doit s'appliquer ; la somme demandée à ce titre est excessive au regard du barème de l'ONIAM ; le préjudice lié à des souffrances endurées n'est aucunement justifié ; de plus, l'évaluation qu'en fait le requérant est excessive ; le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel ne sont pas davantage justifiés dès lors qu'ils sont indemnisés au titre du déficit fonctionnel temporaire et que M. D... n'a produit aucun élément quant à la réalité de ces préjudices ; de plus, l'évaluation qu'il fait de ces préjudices est arbitraire. Par un mémoire enregistré le 17 juin 2024, M. D..., représenté par Me Renoult, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'agglomération d'Agen le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - dès lors que sa maladie a été reconnue imputable au service le 19 mars 2019 par une décision devenue définitive, la responsabilité sans faute de l'agglomération est engagée et elle lui doit indemnisation de ses préjudices personnels et patrimoniaux ; - le déficit fonctionnel temporaire et le déficit fonctionnel permanent ne sont pas indemnisés par la rente ; - les juridictions ne sont tenues par aucun barème ou référentiel ; - l'évaluation de ses préjudices se fonde sur les résultats de l'expertise à laquelle l'administration était présente ; dès lors qu'elle n'a présenté aucun dire quant au déficit fonctionnel temporaire, celui-ci doit être admis ; il en va de même pour les souffrances endurées ; son déficit fonctionnel permanent a été évalué à 40 % par le médecin agréé et le conseil médical sur la base du barème des pensions civiles et militaires ; il n'a jamais sollicité l'application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre comme semble le penser la collectivité ; la provision demandée est justifiée. Par une ordonnance du 15 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 août 2024 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code de justice administrative. Le président de la cour a désigné Mme C... A... comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., adjoint technique territorial alors employé en qualité d'agent de propreté des cimetières auprès de la commune d'Agen, a souffert à compter de 2013, de troubles présentant le caractère d'un syndrome d'épuisement professionnel qu'il a imputé à un comportement de harcèlement moral de la part de la gardienne du cimetière dans lequel il exerçait ses fonctions. Atteint d'un état anxio-dépressif, M. D..., après avis de la commission de réforme du 22 février 2019 en faveur d'une imputabilité de ces troubles au service, a été reconnu, par arrêté du président de l'agglomération du 4 mars suivant, atteint d'une maladie imputable au service. Le 6 juillet 2022, il a présenté une demande indemnitaire à l'agglomération d'Agen, rejetée le 9 septembre suivant. Le 2 mars 2023, saisi par M. D..., le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a désigné un expert en vue de déterminer l'étendue de ses préjudices. L'expert a déposé son rapport le 7 janvier 2024. M. D... a saisi le tribunal administratif d'un recours indemnitaire tendant à la condamnation de l'agglomération d'Agen à réparer son préjudice, évalué à 151 776 euros, ainsi que d'un recours en référé tendant à l'obtention d'une provision évaluée, dans le dernier état de sa demande, à 50 000 euros. L'agglomération d'Agen fait appel, dans la présente instance, de l'ordonnance du 29 avril 2024 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif l'a condamnée à verser une provision de 50 000 euros à M. D... et à supporter les frais d'expertise d'un montant de 2 160 euros. 2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation est non sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. 3. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales du II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984, les articles 1er et 2 du décret du 2 mai 2005, relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale, ainsi que les article 37, 40 et 42 du décret du 26 décembre 2003, relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. 4. Ces dispositions ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. 5. Ainsi que l'a constaté le premier juge, par arrêté du 4 mars 2019, le président de l'agglomération d'Agen a reconnu imputable au service la maladie de M. D..., survenue le 16 décembre 2013 et cette décision créatrice de droits au profit de l'agent est devenue définitive. Par suite, et comme l'a jugé la juge des référés du tribunal, en application des règles rappelées aux points 3 et 4 ci-dessus, la responsabilité de l'agglomération d'Agen est engagée en l'absence de toute faute, et l'existence de son obligation envers le requérant présente un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative sans que l'agglomération puisse utilement soutenir que l'arrêté du 4 mars 2019 aurait été pris par erreur et que le harcèlement dont M. D... a fait état ne serait pas établi. 6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en première instance, que M. D... a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire du 16 décembre 2013 au 8 novembre 2019, à un taux lissé estimé par l'expert à 20 %. Aucun élément de l'instruction ne permettant, en l'état, de remettre en cause cette estimation, une provision peut être allouée à ce titre pour un montant non contestable de 7 000 euros. Il résulte également de l'instruction et notamment de cette expertise, que l'état de santé de M. D..., né le 31 octobre 1972, a été consolidé le 8 novembre 2019 et que le taux de son déficit fonctionnel permanent a été estimé par l'expert non à 30 % comme l'a considéré le premier juge, mais à 15 %. En l'absence d'éléments permettant de considérer que ce taux serait excessif ou au contraire sous-estimé en l'état de l'instruction, il y a lieu de considérer l'obligation de réparation de ce chef de préjudice comme non contestable à hauteur de 20 000 euros. L'expert a également retenu des souffrances endurées évaluées à 3 sur une échelle de 7. Alors même que ces souffrances sont psychologiques et non physiologiques, elles justifient une réparation qui peut être considérée comme non sérieusement contestable à hauteur de 3 600 euros. Enfin, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel, retenus par l'expert et qu'aucun élément ne permet de mettre sérieusement en doute compte tenu de la nature de l'affection dont souffre M. D..., présentent un degré suffisant de certitude et justifient une provision d'un montant de 1 000 euros chacun. Ainsi, le préjudice de M. D... peut être regardé comme non sérieusement contestable à hauteur de 32 600 euros et non à hauteur de 50 000 euros comme l'a estimé la juge des référés du tribunal. 7. Il résulte de ce qui précède que l'agglomération d'Agen est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal l'a condamnée à verser à M. D... une provision supérieure à 32 600 euros. 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'agglomération d'Agen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. D... de la somme qu'il demande au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D... le versement à l'agglomération d'Agen de la somme qu'elle demande sur le fondement de ces dispositions. ORDONNE : Article 1er : La provision que l'agglomération d'Agen a été condamnée à verser à M. D... par l'ordonnance du 29 avril 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est réduite à 32 600 euros. Article 2 : L'ordonnance du 29 avril 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'agglomération d'Agen et les conclusions de M. D... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l'agglomération d'Agen et à M. B... D.... Fait à Bordeaux, le 9 septembre 2024 La juge des référés, C... A... La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. 2 No 24BX01247
Cours administrative d'appel
Bordeaux
Conseil d'État, 8ème chambre, 23/07/2024, 488880, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Bordeaux d'annuler la décision du 3 juillet 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de révision de sa pension qu'il a présentée au motif de l'aggravation de ses infirmités et de la prise en compte de trois nouvelles infirmités. Par un jugement n° 1700030 du 6 juin 2019, le tribunal des pensions militaires de Bordeaux a, en premier lieu, annulé la décision du 3 juillet 2017 de la ministre des armées en tant qu'elle a refusé la révision de la pension de M. A... pour une " névralgie sciatique dans le territoire du L5 droit ", une " impuissance érectile totale ", un " reflux gastro-oesophagien " et une " névralgie cervico-brachiale sur une hernie cervicale C6-C7 ", en deuxième lieu, reconnu le droit de l'intéressé à la majoration prévue au deuxième alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en troisième lieu, rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par un arrêt n° 19BX04045 du 13 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la ministre des armées, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il a reconnu comme indemnisables les infirmités " impuissance érectile totale " et " névralgie cervico-brachiale sur hernie cervicale C6-C7 ", d'autre part, rejeté la demande présentée par M. A... devant le tribunal des pensions militaires de Bordeaux en ce qu'elle concerne ces infirmités ainsi que le surplus des conclusions des parties. Par un arrêt n° 21BX02813 du 5 mai 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie par M. A... sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, a enjoint à la ministre des armées d'octroyer à M. A..., à titre définitif, l'allocation prévue au deuxième alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt, aux versements correspondants, et a assorti cette injonction d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai. Par une décision n° 465594 du 20 juillet 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi du ministre des armées a, après avoir annulé l'arrêt du 5 mai 2022 en tant qu'il a enjoint au ministre des armées de lui verser une allocation pour tierce personne pour la période postérieure au 18 mars 2018, en exécution de l'arrêt du 13 juillet 2021, rejeté les conclusions de M. A... présentées à cette fin. Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 octobre 2023 et 16 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'État : 1°) de réviser cette décision ; 2°) de rejeter le pourvoi du ministre des armées ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Poupet - Kacenelenbogen, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. M. A... forme un recours, qu'il qualifie de recours en révision, contre la décision n° 465594 du 20 juillet 2023, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi du ministre des armées a, après avoir annulé l'arrêt du 5 mai 2022 en tant qu'il a enjoint au ministre des armées de lui verser une allocation pour tierce personne pour la période postérieure au 18 mars 2018, en exécution de l'arrêt du 13 juillet 2021, rejeté les conclusions de M. A... présentées à cette fin. 2. Aux termes de l'article R. 834-1 du code de justice administrative : " Le recours en révision contre une décision contradictoire du Conseil d'Etat ne peut être présenté que dans trois cas : 1° Si elle a été rendue sur pièces fausses (...) / 3° Si la décision est intervenue sans qu'aient été observées les dispositions du présent code relatives à la composition de la formation de jugement, à la tenue des audiences ainsi qu'à la forme et au prononcé de la décision ". Aux termes de l'article R. 831-1 du même code : " Toute personne qui, mise en cause par le Conseil d'Etat, n'a pas produit de défense en forme régulière est admise à former opposition à la décision rendue par défaut, sauf si celle-ci a été rendue contradictoirement avec une partie qui a le même intérêt que la partie défaillante ". 3. Si, ainsi qu'il ressort des visas de la décision du 20 juillet 2023, M. A... a été avisé qu'un pourvoi avait été formé par le ministre des armées contre l'arrêt du 5 mai 2022 rendu au bénéfice du premier par la cour administrative d'appel de Bordeaux, celui-ci n'a pas produit dans l'instance. Dans ces conditions, le recours introduit par M. A... doit être regardé comme formant opposition à cette décision, rendue par défaut, sur la base des seules écritures du ministre des armées, et non comme un recours en révision de cette décision laquelle, dans les circonstances de l'instance, est intervenue de façon non contradictoire. L'opposition ainsi formée étant recevable, il y a lieu, par conséquent, de statuer à nouveau sur le pourvoi du ministre des armées. 4. En se bornant à relever que l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 13 juillet 2021 ne comportait aucune indication dans son dispositif sur le caractère définitif ou au contraire temporaire de son incapacité à se mouvoir, à se conduire ou à accomplir les actes essentiels à la vie, M. A... n'apporte aucun élément susceptible de remettre en cause le motif par lequel le Conseil d'Etat a jugé que, par cet arrêt, la cour devait être regardée comme ayant prescrit à compter du 19 mars 2015 l'attribution d'une allocation pour tierce personne révisable au terme d'un délai de trois ans et a annulé, en tant qu'il avait statué sur la période postérieure au 18 mars 2018, l'arrêt du 5 mai 2022 par lequel cette même cour, saisie en exécution de son précédent arrêt, a jugé que ce dernier impliquait l'octroi à M. A..., à titre définitif, d'une telle allocation, ni le motif similaire par lequel le Conseil d'Etat, réglant l'affaire au fond, a jugé que la demande de M. A... tendant au versement de cette allocation pour la période postérieure au 18 mars 2018 soulevait un litige distinct de celui pour lequel l'intervention du juge de l'exécution avait été sollicitée et ne pouvait ainsi qu'être rejetée. 5. Il résulte de toute ce qui précède que la requête de M. A... ne peut être accueillie. 6. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées.ECLI:FR:CECHS:2024:488880.20240723
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 24/07/2024, 468256, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Chambéry d'annuler la décision du 16 juillet 2012, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité. Par jugement n° 1907203 du 30 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble, auquel a été transmis la demande de M. A... en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, a rejeté cette demande. Par un arrêt n° 20LY01899 du 31 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 octobre 2022 et 11 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Marc Levis, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat de M. A... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... était caporal-chef sous contrat dans l'armée de terre jusqu'à sa radiation des contrôles en 1997. Il a sollicité le 13 octobre 2010 une pension pour l'infirmité résultant d'une hépatite C chronique, dont il attribue l'origine aux conditions sanitaires dans lesquelles il a servi, du 4 décembre 1992 au 12 juin 1993, au Cambodge, dans le cadre de la mission Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC). Par une décision du 16 juillet 2012, le ministre de la défense a rejeté cette demande de pension. Sur transmission du tribunal des pensions de Chambéry, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. A... contestant cette décision. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qui a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date d'ouverture du droit à pension allégué par le requérant : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le trentième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ". 3. Il résulte de ces dispositions que, si les conditions sont réunies pour que l'intéressé puisse bénéficier du régime de présomption légale d'imputabilité, cette présomption ne peut être écartée que lorsque l'administration apporte une preuve contraire établissant qu'une cause étrangère au service est à l'origine de façon directe et certaine de l'infirmité invoquée ou de son aggravation. Une telle preuve contraire ne saurait résulter d'une simple hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. Pour dénier à M. A... un droit à pension pour l'infirmité en cause, la cour administrative d'appel, après avoir retenu qu'il remplissait les conditions pour bénéficier de la présomption légale d'imputabilité édictée à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et avoir relevé qu'il avait présenté des sérologies négatives aux hépatites virales avant son départ en mission et avait été testé positif au virus de l'hépatite C à son retour de mission au Cambodge en 1993, s'est fondée sur la circonstance que le comportement personnel de l'intéressé avant son incorporation et jusqu'à son départ en mission l'avait exposé à des risques de contamination par ce virus et que son profil cicatriciel correspondait à un profil d'usager de drogues statistiquement associé à de telles contaminations. En se fondant sur ces éléments pour juger que la preuve contraire était rapportée par l'administration, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, son arrêt doit être annulé. 5. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Marc Levis, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 3 000 euros à verser cette société au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 31 mars 2022 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon. Article 3 : L'Etat versera à la SCP Marc Levis une somme de 3 000 euros au titre en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 28 juin 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 24 juillet 2024. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl La rapporteure : Signé : Mme Laëtitia Malleret La secrétaire : Signé : Mme Marie-Adeline AllainECLI:FR:CECHR:2024:468256.20240724
Conseil d'Etat