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CAA de LYON, 3ème chambre, 27/11/2024, 23LY00113, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Combloux à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service du décès de son mari survenu le 12 août 2014 à hauteur de la somme de 371 341,32 euros, à titre subsidiaire à hauteur de la somme de 294 680,97 euros ainsi que, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Combloux sur le terrain de la rupture d'égalité devant la loi. Par un jugement n° 2007510 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 janvier 2023 et 23 avril 2024, Mme A..., représentée par Me Mugnier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 2022 susvisé ; 2°) de condamner la commune de Combloux à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de la décision du maire de Combloux refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 12 août 2014 ou sur le terrain de la rupture d'égalité devant la loi à titre principal à hauteur de la somme de 371 341,32 euros, à titre subsidiaire de la somme de 294 680,97 euros ; 3°) d'ordonner avant-dire-droit une expertise afin de chiffrer le montant du préjudice subi ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Combloux une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme A... soutient que : - le décès de son époux intervenu le 12 août 2014 sur son lieu de travail est imputable au service ; - la décision du 28 juillet 2015 du maire de Combloux refusant de reconnaître cette imputabilité est entachée d'une illégalité fautive ; - la commune doit être condamnée à l'indemniser du préjudice financier subi à hauteur de la somme de 371 341,32 euros ou, à titre subsidiaire, de la somme de 294 680,97 euros ; - à titre subsidiaire, la responsabilité de la commune doit être engagée sur le terrain de la rupture d'égalité devant la loi. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2024, la commune de Combloux, représentée par Me Mollion, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'appelante une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête présentée devant le tribunal par Mme A... était tardive ; - la créance dont elle se prévaut est prescrite ; - le refus d'imputabilité au service de l'accident n'est pas entaché d'erreur d'appréciation ; - le calcul du préjudice financier établi par la requérante est erroné. Une ordonnance du 26 avril 2024 a fixé la clôture de l'instruction en dernier lieu au 15 mai 2024. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère ; - les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique ; - et les observations de Me Punzano pour la commune de Combloux. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., adjoint technique principal, employé par la commune de Combloux est décédé le 12 août 2014 d'une crise cardiaque sur son lieu de travail. Par une décision du 28 juillet 2015, le maire de la commune a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ce décès. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à être indemnisée du préjudice subi en raison de l'illégalité fautive de cette décision. Sur les conclusions indemnitaires : 2. Aux termes de l'article L. 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Les conjoints d'un fonctionnaire civil ont droit à une pension de réversion égale à 50 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu'il aurait pu obtenir au jour de son décès. /A la pension de réversion s'ajoutent, le cas échéant : /1° La moitié de la rente d'invalidité dont le fonctionnaire bénéficiait ou aurait pu bénéficier ; (...) ". 3. Il résulte de l'instruction que, pour refuser l'imputabilité au service de l'accident survenu le 12 août 2014 à M. A..., le maire de la commune de Combloux a notamment indiqué, après avoir cité l'avis du 27 mai 2015 de la commission de réforme reconnaissant cette imputabilité, qu'au moment de l'accident, les missions confiées à M. A... étaient des manutentions courantes, en équipe et que " ces missions ne relevaient pas d'un effort physique se caractérisant par un effort plus intense qu'à l'accoutumée ". 4. Afin de contester ce refus, Mme A... soutient que l'accident de son époux étant survenu sur son lieu et ses heures de travail, pendant l'exercice de ses fonctions, il doit être regardé comme un accident de service. Toutefois, si elle se prévaut de l'avis de la commission de réforme du 27 mai 2015, cet avis ne lie pas l'autorité compétente pour décider de l'imputabilité ou non au service d'un accident. En outre, le certificat du 31 mars 2015 établi par le docteur D... C..., intervenue à 10h13 sur les lieux de l'accident, ne conclut pas, contrairement à ce que soutient la requérante, à l'imputabilité au service de celui-ci. En l'espèce, il est constant que M. A... ne présentait pas d'antécédents de maladie ou d'accident cardiaque et qu'il était suivi uniquement pour une hypertension associée à une hypercholestérolémie. Il est également constant qu'il avait subi un accident reconnu imputable au service le 18 août 2010 occasionnant une rupture importante de coiffe des rotateurs de l'épaule droite, dont il a été opéré. A la suite de cet accident, il a été placé en arrêt de travail puis à mi-temps thérapeutique avec un poste allégé et a pu reprendre ses fonctions à temps plein le 19 janvier 2012 avec un poste aménagé impliquant de ne pas porter de charges lourdes supérieures à 10 kg sans aide et d'éviter les travaux nécessitant d'élever les bras au-dessus de l'horizontale. Il ressort du rapport d'évènement produit au dossier faisant suite à l'accident que M. A... n'avait pas travaillé durant les cinq jours précédant le jour de l'accident. Il en ressort que le 12 août 2014, il a commencé sa journée de travail à 7h30 et a procédé, avec ses collègues, au montage d'une aire de jeu en mousse, au rangement de tables et de bancs et au démontage de stands utilisés lors de la kermesse paroissiale qui s'était déroulée deux jours plus tôt. L'attestation d'un des agents présents ce jour-là précise qu'il s'agissait de tâches habituelles, qui ne demandaient pas d'efforts violents, et que M. A... s'est précisément occupé de monter l'aire de jeux et de ranger les bancs et les tréteaux d'un chapiteau. Contrairement à ce que soutient la requérante, il n'est pas établi que M. A... aurait à cette occasion été contraint de porter des charges lourdes ou lever les bras en méconnaissance des prescriptions édictées pour son poste. Cet accident, qui est survenu aux alentours de 10h, alors que M. A... était au début de sa journée de travail et n'avait pas effectué de tâches inhabituelles ni engagé un effort physique intense de nature à déclencher une crise cardiaque, ne peut être regardé comme imputable au service. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le maire de Combloux aurait, à tort, refusé de reconnaître l'imputabilité au service du décès de son époux. Par suite, elle n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune au titre du préjudice financier subi en raison de cette illégalité fautive. 5. D'autre part, si Mme A... soutient que la responsabilité de la commune de Combloux est également engagée sur le terrain de la rupture d'égalité devant la loi dès lors que dans une telle hypothèse le décès aurait été reconnu comme accident de travail ou de service pour un salarié relevant du droit privé ou pour un agent public contractuel, elle ne peut utilement se prévaloir de la situation des agents de droit privé ou des agents contractuels de droit public, qui ne sont pas juridiquement placés dans la même situation que les agents titulaires de droit public. 6. Enfin, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la commune de Combloux n'aurait pas satisfait à son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale à l'égard de M. A... dès lors notamment qu'il ne résulte pas de l'instruction que les préconisations applicables à son poste et rappelées au point 4 ont été méconnues. Par suite, ce fondement de responsabilité également soulevé par la requérante ne peut qu'être écarté. 7. Compte tenu de ce qui vient d'être énoncé, Mme A... n'est pas fondée à demander, au besoin par voie d'expertise, la condamnation de la commune de Combloux à l'indemniser du préjudice subi en raison du décès de son époux survenu le 12 août 2014. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner ni la fin de non-recevoir ni l'exception de prescription quadriennale opposées en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Combloux, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme A... une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme quelconque à verser à la commune de Combloux au titre des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Combloux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Combloux. Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre ; Mme Emilie Felmy, président assesseure ; Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2024. La rapporteure, Vanessa Rémy-NérisLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Péroline Lanoy La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière 2 N° 23LY00113
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANTES, 6ème chambre, 03/12/2024, 23NT02610, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 10 février 2021 par laquelle la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Ouest a refusé de lui accorder le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité au titre de l'accident de service dont il a été victime le 29 mai 2012. Par un jugement n°2102392 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 août 2023 et le 9 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Balzac, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes ; 2°) d'annuler la décision du 10 février 2021 par laquelle la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Ouest a refusé de lui accorder le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité au titre de l'accident de service dont il a été victime le 29 mai 2012 ; 3°) d'enjoindre à l'Etat de lui accorder le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige ; - la décision est entachée d'un défaut de motivation, en raison d'une erreur matérielle, il est impossible de comprendre, à la seule lecture de la décision litigieuse, en vertu de quel texte la préfète a pu lui refuser le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité ; - la décision contestée repose sur des faits matériellement inexacts, il apporte la preuve de ce que son accident est survenu à l'occasion d'une séance de sport programmée par le service et pendant le temps de service ; - faute d'existence d'un calendrier trimestriel prévisionnel établi par son chef de service à l'époque des faits, c'est avec l'accord de son chef de service qu'il s'est entraîné le 29 mai 2012 avec ses collègues. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que la cour administrative d'appel de Nantes est incompétente pour statuer sur l'appel de M. A... et que les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ; - le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 modifié ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., brigadier de la police nationale, a été victime, le 29 mai 2012, d'un accident qui a été reconnu imputable au service par un arrêté du 17 octobre 2012. Le médecin traitant de l'intéressé a conclu que son état de santé était consolidé avec séquelles au 25 janvier 2019. Le 5 février 2019, l'intéressé a sollicité le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité. La commission de réforme de la région interdépartementale Normandie, lors de sa séance du 3 mars 2020, a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % et a fixé la consolidation de son état de santé au 19 avril 2016. Par une décision du 10 février 2021, la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Ouest a refusé de faire droit à la demande de l'intéressé tendant au bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité. M. A... a alors demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de cette décision. Par un jugement du 29 juin 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. 2. D'une part, aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle. ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 modifié portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " L'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : / a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux rémunérable au moins égal à 10 % ; (...) ". Selon les termes de l'article 4 du même décret : " L'entrée en jouissance de l'allocation temporaire d'invalidité est fixée à la date de reprise des fonctions après consolidation ou, dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article 1er, à la date de la constatation officielle de la consolidation de la blessure ou de l'état de santé de l'intéressé. / Cette allocation est concédée et payée dans les conditions prévues pour les pensions civiles et militaires de retraite. Elle est soumise en matière de contentieux aux règles applicables auxdites pensions. Sous réserve des modalités de révision prévues ci-après, les dispositions de l'article L. 55 dudit code lui sont applicables ". 3. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative dans leur rédaction applicable à la présente instance : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics ". 4. Il résulte de ces dispositions que l'allocation temporaire d'invalidité est soumise en matière contentieuse aux règles applicables aux pensions, y compris s'agissant des règles relatives aux voies de recours contre les décisions des tribunaux administratifs. Une action relative à la concession ainsi qu'à la détermination du montant et au versement de l'allocation temporaire d'invalidité relève donc des litiges en matière de pensions, au sens de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Par suite, l'action de M. A..., qui a pour objet la contestation du refus de lui concéder l'allocation temporaire d'invalidité sollicitée au motif que l'accident dont il a été victime le 29 mai 2012 ne peut être qualifié d'accident de service, doit être regardée comme un litige en matière de pensions qui peut seulement faire l'objet d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat. En application de l'article R. 351-2 du même code et en l'absence d'irrecevabilité manifeste entachant la demande de première instance et les conclusions devant la Cour, il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat le dossier de la requête de M. A.... DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est transmise au Conseil d'Etat. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise pour information au préfet de la région Bretagne, délégué de la zone de défense et de sécurité Ouest. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Pons, premier conseiller - Mme Bougrine, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024. Le rapporteur, F. PONS Le Président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02610
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 05/11/2024, 23MA00314, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Par une première requête, enregistrée sous le n° 2004123, M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Hautes-Alpes à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de la gestion fautive de ses demandes de placement en congé de longue maladie et de mise à la retraite pour invalidité, et d'enjoindre au SDIS des Hautes-Alpes de régulariser sa situation administrative sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n° 2004123 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ainsi que les conclusions présentées par le SDIS des Hautes-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 2101075, M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'avis des sommes à payer émis le 15 décembre 2020 à son encontre par le SDIS des Hautes-Alpes pour un montant de 20 156,34 euros. Par un jugement n° 2101075 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, ainsi que les conclusions présentées par le SDIS des Hautes-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédures devant la Cour : I - Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 février 2023 et le 9 octobre 2024 sous le n° 23MA00314, M. A... B..., déclarant venir aux droits de M. C... B..., représenté par Me Morabito de la SCP Gobert et associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 2004123 du tribunal administratif de Marseille du 6 décembre 2022 ; 2°) d'enjoindre au SDIS des Hautes-Alpes de régulariser la situation administrative de M. C... B..., sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ; 3°) de condamner le SDIS des Hautes-Alpes à lui verser la somme de 10 000 euros sauf à parfaire, en réparation des préjudices subis par M. C... B... ; 4°) de mettre à la charge du SDIS des Hautes-Alpes les entiers dépens et la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les conséquences de la faute commise en tardant à se prononcer sur la demande de congé de longue maladie de son père, ne se limitent pas à une simple compensation financière mais s'étendent à la perte de chance d'être placé dans la position administrative adéquate, correspondant à la perte d'une chance de percevoir la bonification au titre des services accomplis en qualité de sapeur-pompier professionnel, en vertu de l'article 15-II-2° du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - les préjudices subis en conséquence sont en premier lieu, l'interruption prématurée, en juin 2019, de la perception de la compensation " perte de salaires " qu'il avait souscrite, en deuxième lieu, un trop-perçu de son employeur d'un montant de 20 156,34 euros, objet d'un titre exécutoire, en troisième lieu, un trop-perçu de sa mutuelle d'un montant de 15 930,99 euros, en quatrième lieu, une perte des compléments de six mois de revenus de sa mutuelle pour la somme de 3 000 euros et des compléments de primes été-hiver 2019 pour la somme de 1 474,40 euros, en cinquième lieu, le non-remboursement par l'assurance de son prêt immobilier des intérêts d'emprunt des mois de juillet et d'août 2019 d'un montant de 900 euros, et en dernier lieu, un préjudice psychologique et un préjudice moral ; - la situation administrative de M. C... B... doit être régularisée, celui-ci n'ayant jamais fait l'objet d'un placement en disponibilité d'office dans l'attente de sa mise en retraite pour invalidité. Par un mémoire en défense, enregistrés le 9 novembre 2023, le SDIS des Hautes-Alpes, représenté par Me Ducrey-Bompard de la SCP Alpavocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de son auteur les entiers dépens et la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'établissement public fait valoir que : - à titre principal, la requête d'appel est irrecevable car elle n'est pas motivée et son auteur ne justifie ni de son lien de filiation avec le demandeur de première instance ni de sa qualité d'héritier ; - à titre subsidiaire, les moyens d'appel ne sont pas fondés, aucune faute dans l'instruction de la demande de congé de longue maladie et de mise à la retraite pour invalidité de M. C... B... ou dans le traitement de sa situation financière n'a été commise, et l'établissement n'étant à l'origine d'aucun préjudice pour lui. II - Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 23MA00315, le 6 février 2023 et le 9 octobre 2024, M. A... B..., déclarant venir aux droits de M. C... B..., représenté par Me Morabito de la SCP Gobert et associés, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler l'avis des sommes à payer émis le 15 décembre 2020 par le SDIS des Hautes-Alpes à l'encontre de M. C... B... pour un montant de 20 156,34 euros et de le décharger du paiement de cette somme ; 2°) de mettre à la charge du SDIS des Hautes-Alpes les entiers dépens et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, en application de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et dans la mesure où les pièces justificatives qui ont été remises à M. C... B... par son administration ne sont pas de nature à lui permettre d'identifier la nature ou le motif du versement prétendument irrégulier dont il a bénéficié, l'irrégularité de celui-ci ne peut être considérée comme évidente, et la créance invoquée est donc prescrite ; - à titre subsidiaire, l'émission de ce titre exécutoire procède d'une erreur et d'une négligence fautive, et de la faute commise par le SDIS dans la gestion anormalement longue de sa demande de congé de longue maladie, reconnue par jugement du tribunal administratif de Marseille. Par un mémoire en défense, enregistrés le 30 octobre 2023, le SDIS des Hautes-Alpes, représenté par Me Ducrey-Bompard de la SCP Alpavocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de son auteur les entiers dépens et la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'établissement public fait valoir que : - à titre principal, la requête d'appel est irrecevable car elle n'est pas motivée et son auteur ne justifie ni de son lien de filiation avec le demandeur de première instance ni de sa qualité d'héritier, de son intérêt propre à contester le titre exécutoire qui ne le vise pas ; - à titre subsidiaire, la requête d'appel n'est pas fondée dès lors que seule est sollicitée l'annulation du titre exécutoire, dont la contestation relève du plein contentieux, que la créance en cause n'est pas prescrite en application de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, qu'aucune faute n'a été commise et que les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité du SDIS sont irrecevables, faute de demande préalable, et ne sont pas fondées en tout état de cause. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Morabito, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. C... B..., sapeur-pompier professionnel en poste au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Hautes-Alpes, placé en congé de maladie ordinaire à compter du 15 mars 2016, a présenté le 5 avril 2017 une demande de congé de longue maladie à laquelle le président du conseil d'administration du SDIS a fait droit, après avis favorable du comité médical du 18 juillet 2019, par un arrêté du 13 décembre 2019, pour la période du 15 mars 2016 au 15 mars 2019. M. B... a été admis à la retraite pour invalidité à sa demande, à compter du 27 septembre 2019, par un arrêté du 7 février 2020. Par un titre émis et rendu exécutoire le 15 décembre 2020, le président du conseil d'administration du SDIS a recherché le paiement par M. B... de la somme de 20 156,34 euros correspondant à un trop-perçu de traitement pour la période du 1er juin 2019 au 31 mars 2020. Par un premier jugement n° 2004123 rendu le 6 décembre 2022, dont M. A... B..., venant aux droits de son père, M. C... B..., décédé le 23 novembre 2021, relève appel par sa requête n° 23MA00314, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de celui-ci tendant à la condamnation du SDIS des Hautes-Alpes à réparer les conséquences dommageables de la gestion selon lui fautive de ses demandes de congé de longue maladie et d'admission à la retraite pour invalidité, et à ce qu'il soit enjoint à cet établissement public de régulariser sa situation administrative. Par un second jugement n° 2101075 rendu le 6 décembre 2022, dont M. A... B... doit être regardé comme relevant appel en cette même qualité, par sa requête n° 23MA00315, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande M. C... B... tendant à l'annulation du titre exécutoire du 15 décembre 2020 et à la décharge du paiement de la somme de 20 156,34 euros. 2. Les requêtes n°s 23MA00314 et 23MA00315 sont relatives à la carrière d'un même agent public et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt. Sur la requête n° 23MA00314 : En ce qui concerne l'étendue du litige : 3. M. C... B... étant décédé le 23 novembre 2021, les conclusions de M. A... B..., venant aux droits de son père, tendant à ce qu'il soit enjoint à son ancien employeur, le SDIS des Hautes-Alpes, de régulariser sa situation administrative de sapeur-pompier professionnel en prononçant rétroactivement sa mise en disponibilité d'office pour raison de santé, à les supposer présentées accessoirement à des conclusions dirigées contre le refus tacite de faire droit à la demande de M. B... relative à cette régularisation, sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer. En ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel : 4. D'une part, il ressort des écritures produites dans le délai d'appel par M. A... B... que celui-ci ne s'est pas borné à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire de première instance. Par suite, la fin de non-recevoir tirée par le SDIS des Hautes-Alpes de ce que la requête serait irrecevable, faute de satisfaire aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge, doit être écartée. 5. D'autre part, M. A... B..., qui agit en sa qualité d'unique héritier de M. C... B..., son père, dont il a accepté la succession, et qui en justifie suffisamment aux dossiers d'instance, par la production d'un acte de notoriété du 16 décembre 2021 et d'un courrier du centre des finances publiques de Gap du 7 mai 2024, est recevable, en venant aux droits à indemnisation de celui-ci nés avant son décès, à interjeter appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de cet agent public tendant à la condamnation du SDIS des Hautes-Alpes à réparer les conséquences dommageables de la gestion prétendument fautive de ses demandes de congé de longue maladie et d'admission à la retraite pour invalidité. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. B... : S'agissant des fautes alléguées : 6. Il résulte de l'instruction que M. C... B..., placé en congé de maladie ordinaire depuis le 15 mars 2016, a présenté une demande de congé de longue maladie le 15 mars 2017, qui a été reçue par le SDIS des Hautes-Alpes le 5 avril 2017 selon les dires de celui-ci qui ne sont pas contestés par l'appelant. Si, dès le 12 avril 2017, le SDIS a saisi de cette demande le comité médical ainsi que le centre de gestion qui ont désigné un médecin psychiatre, lequel a rendu son rapport d'expertise le 6 juin 2017, et si, par un arrêté du 3 juin 2017, le président du conseil d'administration du SDIS a placé d'office M. B... en position de mise en disposition à compter du 21 mars 2017, à demi-traitement, jusqu'à l'intervention de l'avis de ce comité, cet organisme n'a rendu un avis favorable à l'octroi de ce congé que le 18 juillet 2019 et ce n'est que par un arrêté du 13 décembre 2019 que le président du conseil d'administration du SDIS a fait droit à la demande de M. B.... En prétendant que ce retard pour statuer sur la demande de congé de M. B... est imputable au comité médical, le SDIS ne livre aucun élément propre à justifier que, en sa qualité d'employeur de l'agent concerné, il ait entrepris d'adresser des relances à cet organisme et toute autre démarche propre à assurer le traitement de la demande de son agent. La circonstance que M. B... n'a pas donné suite à la lettre du 31 janvier 2018 par laquelle le directeur départemental d'incendie et de secours lui indiquait ne pas disposer de toutes les informations récentes sur son absence, sa situation et ses intentions, alors que le SDIS ne précise pas la nature des informations dont l'absence aurait fait obstacle au traitement utile de la demande de congé de longue maladie, est sans incidence sur le caractère fautif de l'inertie de ses services. Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le retard du SDIS dans le traitement de la demande de congé de longue maladie de M. B... revêt un caractère fautif, de nature à engager sa responsabilité envers celui-ci. 7. En revanche, et d'une part, il résulte de l'instruction que sur réception le 17 décembre 2018 de la demande de M. B..., présentée le 12 décembre 2018, tendant à son admission à la retraite pour invalidité, le SDIS a saisi l'expert psychiatre le 22 mars 2019. S'il est constant que cette saisine fait suite à deux courriers de relance de l'intéressé et d'un représentant syndical, et si l'avis du comité médical, le déclarant inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions et de toute fonction a été rendu le 18 juillet 2019, l'expert psychiatre, qui avait rendu son premier rapport le 17 avril 2019, a dû en établir un autre, le 5 juin 2019, à la demande du médecin de prévention du centre de gestion des Hautes-Alpes. En outre, à la suite de l'avis d'inaptitude émis par le comité médical le 18 juillet 2019, la commission de réforme, saisie dans les plus brefs délais du cas de M. B..., a rendu le 26 septembre 2019 son avis le déclarant inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions et de toute fonction, favorable à son admission à la retraite pour invalidité à compter du 27 septembre 2019. Enfin, alors que le SDIS a adressé le dossier de M. B... à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales le 18 décembre 2019, après avoir attendu la réception du rapport complet de l'expert psychiatre, il affirme sans être contredit avoir dû saisir de nouveau la caisse du dossier de l'agent avant de signer, le 7 février 2020, l'arrêté l'admettant à la retraite pour invalidité à compter du 27 septembre 2019. L'ensemble de ces circonstances ne traduisent pas de retard fautif dans l'engagement et le traitement par le SDIS des Hautes-Alpes de la procédure de mise à la retraite pour invalidité de M. B.... 8. D'autre part, la seule circonstance que l'arrêté de mise à la retraite pour invalidité, par sa date de prise d'effet, n'a pas ouvert à M. B... droit à la bonification de pension instituée par le 2° du II de l'article 15 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, au bénéfice des sapeurs-pompiers professionnels " admis à la retraite à compter de cinquante-sept ans, qui ont accompli vingt-sept ans de services effectifs " " dont dix-sept en qualité de sapeurs-pompiers professionnels ", ne rend pas illégal cet arrêté. Si M. B... a entendu invoquer également, à l'appui de ses conclusions indemnitaires, la rétroactivité illégale de cet arrêté, il résulte de l'instruction, ainsi d'ailleurs que l'a jugé la Cour dans son arrêt n° 23MA00313 du 19 décembre 2023, contre lequel le pourvoi en cassation du requérant n'a pas été admis, que cette date de prise d'effet, au 27 septembre 2019, se justifie par la nécessité de placer M. B... dans une situation régulière, alors que celui-ci avait été déclaré inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions comme de toute fonction dès le 15 mars 2019, par l'avis du comité médical du 18 juillet 2019. Le SDIS des Hautes-Alpes n'a donc pas commis de faute en signant, le 7 février 2020, l'arrêté l'admettant à la retraite pour invalidité. En ce qui concerne les préjudices subis : 9. Premièrement, M. B... soutient que si le congé de longue maladie lui avait été accordé sans retard, dès le 15 mars 2016, sa mutuelle, auprès de laquelle il avait souscrit un contrat garantissant le maintien de son salaire pendant trois ans en cas de congé de maladie, n'aurait pas eu à le faire bénéficier de cet avantage contractuel au cours de l'année 2016-2017 et cette garantie aurait dû lui profiter jusqu'en juin 2020, et non jusqu'en juin 2019. Mais dans la mesure où, ainsi qu'il a été dit au point 6, M. B... n'a présenté sa demande de congé de longue maladie que le 5 avril 2017 et où il a été fait droit à cette demande pour la période du 15 mars 2016 au 15 mars 2019, le requérant ne peut utilement invoquer un dommage causé par l'absence de décision intervenue avant le 5 avril 2017, ni, par suite, une perte de chance subie par son père de percevoir une année supplémentaire de la garantie contractuelle de maintien de salaire. 10. Deuxièmement, il ne résulte pas de l'instruction que si le SDIS s'était prononcé dans un délai raisonnable sur la demande de congé de M. B..., sa mutuelle, qu'il a saisie dans les plus brefs délais après le début de son congé de maladie ordinaire, le 15 mars 2016, n'aurait pas été amenée à lui verser comme elle l'a fait, en application de son contrat de garantie, un complément de salaire pour la période du 15 juin 2016 au 15 avril 2017. Ainsi, et alors que le SDIS a versé à M. B... son entier traitement de juin 2019 à mars 2020, dès avant le traitement effectif de sa demande de congé de longue maladie, l'appelant n'est pas fondé à prétendre que l'obligation faite à son père par sa mutuelle, par lettre du 13 janvier 2020, de lui rembourser les sommes qu'elle lui a versées de juin 2016 à avril 2017, qui découle du versement rétroactif du plein traitement de l'agent en application de l'arrêté du 13 décembre 2019 lui accordant ce congé, serait la conséquence directe du retard fautif à statuer sur cette demande. Il en va de même, par voie de conséquence, des difficultés financières de M. B... et des frais bancaires subis que l'appelant prête à cette obligation de rembourser. 11. Troisièmement, l'affirmation selon laquelle le SDIS se serait abstenu de communiquer à la mutuelle de M. B... des documents qu'elle aurait sollicités, mais dont le requérant ne précise ni la nature ni la teneur, et dont l'absence aurait fait obstacle au versement du complément de ses primes pour la période " été/hiver 2019 ", d'un montant total de 1 474,40 euros, n'est étayée par aucun élément permettant d'accréditer l'existence d'un tel chef de préjudice. 12. Quatrièmement, la circonstance que les sommes reçues par M. B... de son employeur, de juin 2019 à mars 2020, pour compléter son traitement mensuel malgré sa position, au cours de cette période, de mise en disponibilité d'office à demi-traitement, et récupérées par le SDIS suivant avis des sommes à payer du 15 décembre 2020, ont induit un surcroît d'imposition, est sans lien direct avec le retard fautif à statuer sur sa demande de congé de longue maladie. 13. Cinquièmement, en revanche, un tel retard a causé à M. C... B..., dont l'état psychologique ayant justifié son placement en congé de maladie le rendait plus vulnérable aux désagréments administratifs, un préjudice moral qu'il convient de réparer en allouant au requérant, venant aux droits de la victime, la somme de 2 000 euros. 14. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner le SDIS des Hautes-Alpes à verser à M. A... B... la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi par M. C... B..., de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire à cette condamnation, et de rejeter le surplus des conclusions indemnitaires de l'appelant. En ce qui concerne les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par le SDIS des Hautes-Alpes, partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, dans la présente instance, à la charge du SDIS des Hautes-Alpes, une somme au titre de ces mêmes dispositions. Sur la requête n° 23MA00315 : En ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel : 16. M. A... B..., qui, pour interjeter appel du jugement n° 2101075, ne s'est pas borné dans le délai d'appel à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire de première instance, a suffisamment motivé sa requête, contrairement à ce que soutient le SDIS des Hautes-Alpes. 17. En outre, dès lors que M. A... B... est venu devant le tribunal aux droits de M. C... B..., en sa qualité d'unique héritier de ce dernier dont il a accepté la succession, ainsi qu'il a été dit au point 5, et qu'il a ainsi repris cette instance relative à l'opposition à exécution du titre exécutoire du 15 décembre 2020, il avait qualité pour interjeter appel du jugement rejetant cette demande. 18. La requête d'appel formée par M. A... B... est donc recevable. En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance : 19. D'une part, en demandant au tribunal l'annulation du titre exécutoire du 15 décembre 2020 portant sur la somme de 20 156,34 euros, et en développant à l'appui de cette demande, des moyens tendant au bien-fondé de cette créance, M. C... B... devait être regardé comme sollicitant, ainsi qu'il le fait expressément devant la Cour dans le dernier état de ses écritures, la décharge du paiement de cette somme. 20. D'autre part, de telles prétentions, qui visent à s'opposer à l'exécution de ce titre de recettes, et non à obtenir la condamnation de la personne publique qui est l'auteur de cette décision à verser au requérant une indemnité en réparation de préjudices subis, n'ont pas à être précédées d'une demande d'indemnisation, alors même qu'elles se fondent notamment sur la faute commise par l'administration en lui versant, à tort, la somme dont elle a tardé à lui réclamer le remboursement. La fin de non-recevoir tirée du non-respect des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ne peut qu'être écartée. 21. Enfin, si le titre exécutoire en litige vise M. C... B... comme redevable à l'égard du SDIS des Hautes-Alpes de la somme de 20 156,34 euros, M. A... B..., en ce qu'il est l'unique héritier de M. C... B..., son père, décédé le 23 novembre 2021 ainsi qu'il a été dit, et en ce qu'il a accepté sa succession, est devenu à son tour redevable de cette somme. Il était dès lors recevable à venir, au cours de la première instance, aux droits de M. C... B... pour exercer l'opposition à l'exécution de ce titre. 22. Le SDIS des Hautes-Alpes n'est donc pas fondé à prétendre que la demande de première instance n'était pas recevable. En ce qui concerne le moyen soulevé par M. B... à titre principal : 23. Aux termes du premier alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive ". 24. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. 25. Il résulte de l'instruction, et il est du reste constant, que la somme de 20 156,34 euros dont le SDIS recherche le paiement auprès de M. B... par le titre exécutoire en litige correspond à un trop-perçu de traitements pour la période du 1er juin 2019 au 31 mars 2020, M. B... ayant alors reçu de son employeur l'intégralité de son traitement au lieu du demi-traitement mensuel qui lui était dû en raison de son placement en congé de longue maladie jusqu'au 15 mars 2019 et de son placement, dès le 3 juin 2017, en disponibilité d'office à demi-traitement jusqu'à l'avis du comité médical. Il en résulte que, conformément aux règles énoncées au point 4, la créance du SDIS n'était pas atteinte par la prescription biennale instituée par les dispositions législatives citées au point 23 à la date à laquelle le titre litigieux a été émis et rendu exécutoire afin de recouvrer la somme en cause. M. B..., qui ne peut utilement prétendre ignorer l'irrégularité des versements dont il a bénéficié sur cette période, de surcroît en se prévalant de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative à l'application du statut des fonctionnaires européens, n'est donc pas fondé à se prévaloir de ces dispositions pour demander l'annulation du titre en litige. En ce qui concerne le moyen soulevé par M. B... à titre subsidiaire : 26. M. B... demande l'annulation du titre exécutoire du 15 décembre 2020, à titre subsidiaire, en invoquant les préjudices qu'il aurait subis du fait des fautes que le SDIS aurait commises, d'une part, en lui versant par erreur dès juin 2019 jusqu'au 31 mars 2020 un plein traitement au lieu d'un demi-traitement, et d'autre part, en n'émettant cet avis de la somme de 20 156,34 euros à payer, que le 15 décembre 2020, alors que l'irrégularité de ces versements était connue selon lui de son employeur depuis avril 2020. 27. Il est constant que sur la période du 1er juin 2019 au 31 mars 2020, M. C... B... a reçu à tort du SDIS des Hautes-Alpes l'intégralité de son traitement, alors qu'il n'aurait dû percevoir qu'un demi-traitement mensuel, compte tenu de son placement en position de mise en disponibilité d'office pour raison de santé avec maintien d'un demi-traitement par un arrêté du 3 juin 2017, et en position de congé de longue maladie, à titre rétroactif, du 15 mars 2016 au 15 mars 2019. Si, contrairement à ce qu'affirme le SDIS, il ne résulte pas de l'instruction que le versement de ces sommes résulterait d'une demande de M. C... B..., à laquelle aurait fait droit un agent du SDIS, il résulte d'un échange de courriels des 5 et 26 juin 2019 entre l'intéressé et cet agent, que ce versement a été opéré dès le mois de juin 2019 au su de M. B... qui, par la suite, ne s'est pas opposé à sa reconduction. Si celui-ci affirme que ce versement ne serait jamais intervenu s'il avait pu bénéficier de son congé de longue maladie dès le 15 mars 2016, il est constant, ainsi qu'il a été dit au point 9, qu'il n'a présenté à son employeur une telle demande que le 5 avril 2017 et qu'il n'aurait pu être placé dans cette position de congé, à compter du 15 mars 2016, par une décision qui n'aurait pu être prise, au plus tôt, avant la fin de l'année 2017. Dans ces conditions, alors que le SDIS n'a émis le titre exécutoire propre à récupérer le trop-perçu de traitement, dont le versement a cessé dès le mois d'avril 2020, que le 15 décembre 2020 et qu'une telle circonstance est par elle-même sans incidence sur le montant et l'exigibilité de cette créance, la perception indue et prolongée par M. B... de son plein traitement pendant neuf mois a été rendue possible avec l'accord de l'intéressé, et non pas seulement par l'erreur et la carence de son administration. Dans les circonstances de l'affaire, compte tenu de la durée de cette carence, sur laquelle le SDIS n'apporte pas de justification sérieuse, et de l'importance des sommes en cause, rapportée aux revenus de leur redevable, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi, consistant en des troubles dans les conditions d'existence, en réduisant, eu égard aux circonstances de l'espèce, d'un tiers le montant de la somme due, et en ramenant ainsi celle-ci de 20 156,34 à 13 437,56 euros. 28. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque, et à obtenir que la somme due en exécution du titre de recettes du 15 décembre 2020 soit ramenée de 20 156,34 à 13 437,56 euros. En ce qui concerne les frais liés au litige : 29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par le SDIS des Hautes-Alpes et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de de M. B... tendant à l'application de ces dispositions. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. B..., dans l'instance n° 23MA00314, tendant à l'annulation du refus tacite du président du conseil d'administration du SDIS des Hautes-Alpes de régulariser sa situation administrative et à ce qu'il soit enjoint au SDIS de procéder à cette régularisation. Article 2 : Le SDIS des Hautes-Alpes est condamné à verser à M. A... B..., venant aux droits de M. C... B..., la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral. Article 3 : La somme que M. A... B... doit au SDIS des Hautes-Alpes au titre du trop-perçu de traitement par son père, M. C... B..., est ramenée de 20 156,34 euros à 13 437,56 euros. Article 4 : Le jugement n° 2004123 rendu le 6 décembre 2022 par le tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 et le jugement n° 2101075 rendu le 6 décembre 2022 par le même tribunal est annulé. Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. B... est rejeté. Article 6 : Les conclusions présentées par le SDIS des Hautes-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service départemental d'incendie et de secours des Hautes-Alpes. Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024. N° 23MA00314, 23MA003152
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 22/10/2024, 22TL00576, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le département du Gard à lui verser la somme de 10 371 euros au titre du remboursement des dépenses directement entraînées par sa maladie professionnelle, de condamner le département du Gard à lui verser la somme de 75 000 euros au titre des souffrances physiques, des souffrances morales et du préjudice d'agrément qu'il a subis du fait de sa maladie professionnelle, de condamner solidairement le département du Gard et l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant des fautes commises dans le cadre de la procédure de reconnaissance de sa maladie professionnelle, de condamner solidairement ces mêmes personnes publiques à lui verser la somme de 6 290 euros au titre du préjudice fiscal résultant des fautes commises dans le cadre de la procédure de reconnaissance de sa maladie professionnelle, de les condamner à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence résultant des fautes commises dans le cadre de la procédure de mise en retraite pour invalidité imputable au service et de mettre à la charge solidaire du département du Gard et de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°1903196 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le département du Gard à verser à M. B... la somme de 15 972 euros, a condamné l'Etat à verser à ce dernier la somme de 1 500 euros, a mis à la charge respective du département du Gard et de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 16 février 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 22MA00576, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 22TL00576 et des mémoires, enregistrés le 17 novembre 2022, le 27 octobre 2023 et les 8 mars et 14 juin 2024, M. A... B..., représenté par Me Krief, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement n° 1903196 du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a limité, d'une part, la condamnation du département du Gard au versement d'une indemnité de 15 972 euros et, d'autre part, la condamnation de l'Etat au versement d'une indemnité de 1 500 euros ; 2°) de condamner le département du Gard à lui verser une somme de 179 932 euros en réparation des préjudices résultant de sa maladie professionnelle ; 3°) de condamner solidairement le département du Gard et l'Etat à lui verser une somme de 36 290 euros en réparation des fautes commises dans la procédure de reconnaissance de sa maladie professionnelle ; 4°) de condamner l'Etat à lui verser à la somme de 30 000 euros en réparation des fautes commises dans la procédure de mise à la retraite pour invalidité imputable au service ; 5°) de mettre à la charge solidaire du département du Gard et de l'Etat la somme de 3 000 en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Sur la régularité du jugement : - le jugement est affecté d'une erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier au regard du montant des préjudices retenus ; Sur la responsabilité : - la responsabilité du département du Gard au titre de la maladie professionnelle dont il est atteint mais également au titre des fautes commises au cours de la procédure de reconnaissance de sa maladie professionnelle sera confirmée ; - la responsabilité de l'Etat pour faute dans le cadre de la reconnaissance de la maladie professionnelle devra être retenue ; Sur les préjudices : - il n'entend pas contester les sommes de 7 632,30 euros et de 1 339,70 euros qui ont été fixées par le tribunal respectivement au titre du remboursement des dépenses dues à la maladie professionnelle et des préjudices matériels en résultant ; - le poste des souffrances physiques et morales endurées, qui n'ont pas été décrites de manière complète et précise, est sous-évalué et doit être déterminé à hauteur d'un montant total de 90 000 euros, dont une somme de 60 000 euros au titre des seules souffrances physiques ; - le préjudice d'agrément, retenu à hauteur de 500 euros, devra être porté à la somme de 15 000 euros ; - il est en droit de solliciter un préjudice moral distinct d'un montant de 30 000 euros à la charge solidaire du département du Gard et de l'Etat au titre de l'acharnement administratif dont il a été victime ; - les deux collectivités publiques seront également condamnées à réparer le préjudice fiscal qu'il a subi à hauteur de la somme de 6 290 euros ; - le préjudice de 1 500 euros lié à l'inertie de la commission de réforme dans la procédure liée à sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service a été sous-évalué en première instance et sera porté à la somme de 30 000 euros. Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 septembre 2022 et 10 octobre 2023, le département du Gard, représenté par Me Pouillaude, conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, de réduire la somme allouée à M. B... par le tribunal au titre du remboursement des dépenses dues à sa maladie professionnelle, ainsi que l'indemnité allouée au titre des souffrances physiques endurées, et de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - il n'entend pas contester les montants auxquels il a été condamné respectivement au titre des souffrances morales, du préjudice d'agrément, des préjudices à caractère patrimonial, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ; - l'indemnisation complémentaire sollicitée par l'appelant au titre des souffrances physiques est fondée sur une expertise médicale non contradictoire et ne peut être allouée ; - le montant de 7 632,30 euros au titre du remboursement des dépenses dues à la maladie professionnelle sera infirmé dans la mesure où ce préjudice n'est nullement justifié ; - au regard de l'absence de lien direct et certain avec la maladie professionnelle, c'est à tort que le tribunal a mis à sa charge la somme de 836,30 euros au titre des frais liés à l'hospitalisation de l'agent, à la consultation d'un chirurgien et à sa rééducation ; - l'indemnité de 3 500 euros retenue au titre des souffrances physiques et allouée par le tribunal sera ramenée à de plus justes proportions. La requête et la procédure ont été transmises au ministre des solidarités et de la santé qui n'a pas présenté d'observations en défense. Par une ordonnance du 13 mars 2024, la date de clôture d'instruction de l'affaire a été fixée au 11 avril 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - les observations de Me Krief, représentant M. B..., - et les observations de Me Roux, représentant le département du Gard. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjoint technique principal de deuxième classe au sein des services du département du Gard, a subi le 18 juin 2008 un traumatisme à l'épaule gauche dû à une chute dans le cadre du service. Par une décision du 30 septembre 2008, le président du conseil départemental du Gard a reconnu cet accident imputable au service. Le 31 mai 2010, l'intéressé a ressenti de nouveau une vive douleur à l'épaule droite à l'occasion d'une chute à son domicile. Le 25mars 2011, il a initié une procédure tendant à la reconnaissance de sa maladie professionnelle au terme de laquelle, postérieurement à des ordonnances rendues les 18 janvier et 27 mars 2012 par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, le président du conseil départemental a, par une décision du 6 février 2013, reconnu l'origine professionnelle de sa maladie, sans limitation des séquelles. Le 26 février 2013, M. B... a sollicité son admission à la retraite pour invalidité imputable au service, demande qui a été acceptée le 17 novembre 2015 avec effet rétroactif à compter du 1er août 2015. Après avoir présenté, le 27 mai 2019, respectivement auprès du département du Gard et du préfet du Gard, une réclamation indemnitaire préalable, qui a été implicitement rejetée, M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le département du Gard à lui verser les sommes de 10 371 euros et 75 000 euros au titre, respectivement, des dépenses directement entraînées par sa maladie professionnelle et des préjudices physiques, moraux et d'agrément résultant de cette maladie, de condamner solidairement le département du Gard et l'Etat à l'indemniser à hauteur de 36 290 euros et de 30 000 euros au titre des fautes commises par le département du Gard et l'Etat dans le cadre, respectivement, de la procédure de reconnaissance de sa maladie professionnelle et de la procédure de mise à la retraite pour invalidité imputable au service. Par un jugement du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le département du Gard à verser à M. B... la somme de 15 972 euros et l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en réparations des préjudices qu'il a subis et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité le montant de ces indemnisations à ces deux sommes, et demande la condamnation du département du Gard à lui verser la somme totale de 179 932 euros, la condamnation solidaire du département du Gard et de l'Etat à lui verser la somme de 36 290 euros, ainsi que la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis. Par la voie de l'appel incident, le département du Gard demande la réformation du jugement et la réduction ou le rejet des demandes de M. B.... Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de procédure ou de forme qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. 3. D'une part, si M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, ce moyen, qui relève du bien-fondé du jugement, est sans incidence sur sa régularité. D'autre part, s'il invoque également une dénaturation des faits et des pièces du dossier, ces moyens ne relèvent pas de l'office du juge d'appel mais de celui du juge de cassation. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés. Sur l'appel principal : En ce qui concerne la responsabilité sans faute du département du Gard : 4. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci. 5. En application des principes énoncés au point précédent, le tribunal administratif de Nîmes a alloué une indemnité complémentaire pour réparer les préjudices matériels et personnels subis par M. B.... Ce dernier ne conteste que, d'une part, le montant retenu au titre des souffrances physiques et morales endurées et, d'autre part, celui retenu pour le préjudice d'agrément. 6. Il résulte de l'instruction que M. B... est atteint d'une périarthrite scapulo-humérale bilatérale reconnue comme maladie professionnelle, le 6 février 2013, avec persistance des douleurs au niveau des épaules, malgré l'amélioration de sa symptomatologie par l'effet des infiltrations et des séances de kinésithérapie. En outre, il a également développé un syndrome anxieux et dépressif en lien direct et certain avec sa maladie professionnelle. Le préjudice subi au titre des souffrances physiques et morales peut être évalué à la somme totale de 5 000 euros. Par suite, en allouant cette somme à M. B..., le tribunal n'a pas procédé à une inexacte évaluation de ce poste de préjudice. La circonstance que la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a, par une décision en date du 13 novembre 2015, retenu un taux global d'invalidité définitive imputable au service de 58,15 % est par elle-même sans incidence sur l'appréciation de ce chef de préjudice alors que M. B... n'a jamais sollicité l'indemnisation d'un déficit fonctionnel temporaire ni permanent ni par là même de troubles dans ses conditions d'existence. 7. Le préjudice d'agrément subi par M. B..., qui est dans l'impossibilité de pratiquer régulièrement la moto ou des activités de loisirs comme le jardinage, est établi par les documents médicaux et les témoignages de proches versés aux débats en première instance. Il peut être évalué à la juste somme de 1 500 euros. 8. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 à 7, l'appelant est fondé à demander que l'indemnité à laquelle le département du Gard a été condamné par les premiers juges en réparation des préjudices personnels en lien avec sa maladie professionnelle soit portée de la somme de 5 500 euros à celle de 6 500 euros. En ce qui concerne la responsabilité pour faute du département du Gard dans le cadre de la procédure de reconnaissance de sa maladie professionnelle : 9. Eu égard à l'illégalité des refus de reconnaissance de la maladie professionnelle opposés à M. B..., la responsabilité du département du Gard dans la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle de la maladie professionnelle a été retenue et n'est pas contestée. 10. D'une part, M. B... a subi des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence et notamment des troubles psychologiques résultant des multiples démarches juridictionnelles et administratives qu'il a dû engager pour que l'origine professionnelle de sa maladie soit reconnue, alors que son employeur lui a opposé à quatre reprises, sur une période de l'ordre d'une année, des refus illégaux de reconnaissance de sa pathologie. Le tribunal administratif de Nîmes n'a pas fait une appréciation insuffisante de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 1 500 euros sans que le requérant soit fondé à invoquer un préjudice moral distinct lié à ce qu'il qualifie " d'acharnement administratif ". 11. D'autre part, le préjudice fiscal tiré de ce que l'appelant aurait subi un surcroît d'impôt sur le revenu du fait de la perception d'indemnités en une seule fois en lieu et place de l'étalement de leur versement n'est pas établi et n'a donc pas à être indemnisé. En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat dans le cadre de la procédure de reconnaissance de sa maladie professionnelle : 12. La commission de réforme, ainsi qu'il a été dit au point 17 du jugement attaqué, est en matière de reconnaissance d'une maladie professionnelle, une instance consultative, dont les avis simples ne lient pas l'autorité compétente. Par suite, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, le requérant n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat au titre des avis défavorables rendus par cette commission dans le cadre de la procédure de reconnaissance de l'imputabilité au service de son affection. En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat dans le cadre de la procédure de mise à la retraite pour invalidité imputable au service : 13. La responsabilité pour faute de l'Etat dans le cadre de la procédure de mise à la retraite de M. B... pour invalidité imputable au service a été reconnue et n'est pas contestée. 14. Il est établi que la carence fautive de la commission de réforme, qui disposait des expertises et documents médicaux depuis le mois de mai 2013, mais n'a rendu un avis sur la mise à la retraite de M. B... pour invalidité imputable au service, que le 8 décembre 2014, après avoir été relancée à quatre reprises par le département du Gard, a induit des troubles temporaires dans les conditions de l'existence de l'intéressé incluant, sur cette même période, des troubles psychologiques ayant nécessité un suivi par un médecin psychiatre. Le préjudice ainsi subi évalué à un montant de 1 500 euros doit être porté à 2 500 euros. Sur l'appel incident : 15. D'une part, les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 comportent, pour les fonctionnaires territoriaux, le droit au remboursement non seulement des honoraires médicaux mais encore de l'ensemble des frais réels par eux exposés et directement entraînés par une maladie reconnue imputable au service. Il appartient aux intéressés de justifier tant du montant de ces frais que du caractère d'utilité directe que ceux-ci ont présenté pour parer aux conséquences de la maladie dont ils souffrent. 16. Contrairement à ce que soutient le département du Gard, les dépenses liées aux déplacements effectués par M. B... pour ses soins médicaux et paramédicaux sont justifiées, l'appelant ayant produit la liste de l'ensemble des déplacements effectués de 2010 à 2017 pour se rendre aux différentes consultations chirurgicales, médicales et aux séances de kinésithérapie, ainsi que la carte grise de son véhicule. Dans ces conditions, le département du Gard n'est pas fondé à soutenir que ce poste de préjudice n'aurait pas dû donner lieu à indemnisation. 17. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 6, le préjudice subi au titre des souffrances physiques n'a pas fait l'objet d'une évaluation insuffisante. Ce montant de poste de préjudice, contrairement à ce qui est soutenu par le département du Gard, n'apparaît pas davantage comme relevant d'une évaluation excessive. 18. En conséquence, les conclusions d'appel incident présentées par le département du Gard, doivent être rejetées. 19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander, d'une part, que la somme totale que le tribunal lui a allouée en réparation de ses préjudices personnels en lien direct avec la reconnaissance de sa maladie professionnelle soit portée à 16 972 euros et que la somme allouée en réparation de son préjudice en lien avec la procédure de mise à la retraite pour invalidité imputable au service soit portée à 2 500 euros. Sur les frais liés au litige : 20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par le département du Gard au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge solidaire du département du Gard et de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La somme de 15 972 euros que le département du Gard a été condamné à verser à M. B... par le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 décembre 2021 est portée à 16 972 euros. Article 2 : La somme de 1 500 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. B... par le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 décembre 2021 est portée à 2 500 euros. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2 du présent arrêt. Article 4 : Le département du Gard et l'Etat verseront solidairement la somme de 1 500 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : Les conclusions d'appel incident et celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le département du Gard sont rejetées. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au département du Gard et au ministre des solidarités et de la santé. Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024 à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Bentolila, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 22TL00576
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 22/10/2024, 22TL22012, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse : - sous le n° 1926953, d'ordonner, avant dire-droit, une expertise médicale, d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 par lequel le maire de Millau a refusé de reconnaître 1'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 1er avril 2019 et l'a placé, à compter de cette date, en congé de maladie ordinaire et de mettre à la charge de la commune de Millau la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance ; - sous le n° 2024565, d'ordonner, avant dire-droit, une expertise médicale, d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le maire de Millau l'a placé en disponibilité d'office pour raisons de santé avec octroi d'un demi-traitement du 1er avril au 30 septembre 2020 et de mettre à la charge de la commune de Millau la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; - sous le n° 2120253, d'ordonner, avant dire-droit, une expertise médicale, d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2020 par lequel le maire de Millau l'a maintenu en disponibilité d'office pour raisons de santé avec octroi d'un demi-traitement du 1er octobre 2020 au 31 mars 2021 et de mettre à la charge de la commune de Millau la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; - sous le n° 2125826, d'ordonner, avant dire-droit, une expertise médicale, d'annuler l'arrêté du 10 mai 2021 par lequel le maire de Millau l'a maintenu en disponibilité d'office pour raisons de santé avec octroi d'un demi-traitement du 1er avril au 30 septembre 2021 et de mettre à la charge de la commune de Millau la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; - et sous le n° 2220467, d'ordonner, avant dire-droit, une expertise médicale, d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel le maire de Millau l'a maintenu en disponibilité d'office pour raisons de santé avec octroi d'un demi-traitement du 1er octobre 2021 au 31 mars 2022 et de mettre à la charge de la commune de Millau la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°s 1926953, 2024565, 2120253, 2125826 et 2220467 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes, auquel ces cinq requêtes avaient été attribuées, a annulé les arrêtés du maire de Millau des 7 octobre 2019, 16 juillet 2020, 7 décembre 2020, 10 mai 2021 et 19 novembre 2021, a mis à la charge de la commune de Millau le versement de la somme de 3 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2022, et des mémoires enregistrés le 10 février 2023 et le 19 juillet 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Millau, représentée par la SCP Bouyssou et associés agissant par Me Lecarpentier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 juillet 2022, en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la demande de M. B... ; 2°) de rejeter les conclusions à fin d'annulation des demandes de M. B... ; 3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal a jugé que l'accident survenu le 1er avril 2019 était imputable au service ; les conditions d'exercice de son activité professionnelle n'ont aucun lien avec le malaise vagal dont il a été victime ; M. B... prenait un traitement médicamenteux et n'a pas suivi les recommandations de ses collègues de ne pas prendre son service et d'aller voir un médecin, ce qui constitue un fait personnel de nature à détacher l'accident du service ; - M. B... est tombé sur le flanc gauche, de sorte que sa blessure à l'épaule droite est seulement due au coup de poing qu'il a donné dans la vitrine d'un magasin après s'être relevé de sa chute ; ce comportement violent constitue également un fait personnel de nature à détacher l'accident du service ; - les décisions litigieuses sont suffisamment motivées ; - une expertise serait superfétatoire. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 17 janvier 2023 et le 24 juin 2023, M. B..., représenté par Me Slupowski, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Millau une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - le malaise dont il a été victime le 1er avril 2019 est intervenu pendant son service, de sorte que cet accident est présumé imputable au service ; - le traitement médicamenteux qu'il prenait au jour de l'accident et son comportement, qui n'est pas établi, ne sont pas de nature à détacher l'accident du service ; - l'arrêté du maire de Millau du 7 octobre 2019 est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il retient à tort que son accident n'est pas imputable au service ; - cet arrêté est insuffisamment motivé ; - les autres arrêtés contestés ne peuvent qu'être annulés par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2019. Par une ordonnance du 25 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 juillet 2024. La demande d'exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 juillet 2022 présentée par M. B... le 16 décembre 2022 a fait l'objet d'un classement administratif le 22 mars 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Lecarpentier, représentant la commune de Millau et de Me Slupowski, représentant M. B.... Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 12 octobre 2024. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjoint technique territorial titulaire, exerçait les fonctions d'agent de surveillance de la voie publique au sein du service de la police municipale de la commune de Millau (Aveyron). Le 1er avril 2019, alors qu'il était en service, il a subi un malaise lipothymique avec perte de connaissance incomplète, qui l'a fait chuter, lui occasionnant des douleurs et des contusions au niveau de l'épaule droite et du genou et de la cheville gauches. Par un arrêté du 7 octobre 2019, le maire de Millau, suivant l'avis de la commission départementale de réforme du 26 septembre 2019, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 1er avril 2019 et a placé l'agent, à compter de cette date, en congé de maladie ordinaire. Par quatre arrêtés successifs des 16 juillet 2020, 7 décembre 2020, 10 mai 2021 et 19 novembre 2021, le maire de Millau l'a ensuite placé puis maintenu en disponibilité d'office pour raisons de santé du fait de l'épuisement de ses droits à congés maladie ordinaire, avec octroi d'un demi-traitement, pour la période comprise entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2022. Par un jugement nos 1926953, 2024565, 2120253, 2125826, 2220467 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a annulé ces arrêtés des 7 octobre 2019, 16 juillet 2020, 7 décembre 2020, 10 mai 2021 et 19 novembre 2021, a mis à la charge de la commune de Millau une somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. La commune de Millau relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé ces arrêtés et a mis à sa charge la somme de 3 000 euros à verser à M. B.... Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / (...) ". Aux termes du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. ". 3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. 4. En l'espèce, le malaise lipothymique dont a été victime M. B... est survenu le 1er avril 2019 dans l'après-midi, alors qu'il était en patrouille sur la voie publique, de sorte que celui-ci est survenu sur le lieu et dans le temps du service. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que lors de sa prise de service, M. B... a indiqué à ses collègues ne pas se sentir bien, à tel point que ces derniers lui ont conseillé d'aller voir un médecin pour, le cas échéant, bénéficier d'un arrêt de travail. Il ressort des pièces du dossier, notamment des témoignages de collègues et des rapports établis par l'administration sur les circonstances de l'incident, qu'après avoir repris totalement connaissance, il a indiqué prendre plusieurs médicaments, dont de la morphine à raison de trois prises quotidiennes. Enfin, il n'est pas établi ni même allégué par M. B..., tant en première instance qu'en appel, que ce malaise trouverait son origine dans les conditions d'exercice de ses fonctions, que ce soit au jour de l'accident ou de manière plus générale. Dans ces conditions, le malaise dont a été victime M. B... le 1er avril 2019 ne saurait être regardé comme imputable au service. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'en refusant de reconnaître cet évènement comme imputable au service, le maire de la commune de Millau avait entaché l'arrêté du 7 octobre 2019 d'une erreur d'appréciation. 5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 par lequel le maire de la commune de Millau a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont M. B... a été victime le 1er avril 2019 ainsi que, par voie de conséquence, les arrêtés des 16 juillet 2020, 7 décembre 2020, 10 mai 2021 et 19 novembre 2021 le plaçant puis le maintenant en disponibilité d'office pour raisons de santé du fait de l'épuisement de ses droits à congés de maladie ordinaire. 6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant en première instance qu'en appel. Sur les autres moyens invoqués par M. B... : 7. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration :" Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 8. D'une part, l'arrêté du 7 octobre 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 1er avril 2019 vise les textes dont il fait application ainsi que l'avis défavorable de la commission de réforme du 26 septembre 2019, l'enquête administrative du 3 avril 2019, les expertises médicales des 31 mai et 30 juillet 2019 et l'arrêté du 1er juillet 2019 plaçant M. B... en congé pour invalidité temporaire imputable au service dans l'attente de l'avis de la commission de réforme. Dès lors, cet arrêté comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté. 9. D'autre part, les décisions plaçant d'office un fonctionnaire en disponibilité en raison de l'expiration de ses droits statutaires à congé de maladie ne relèvent d'aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées en application des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. M. B... ne peut donc utilement soutenir que les arrêtés des 16 juillet 2020, 7 décembre 2020, 10 mai 2021 et 19 novembre 2021 par lesquels le maire de Millau l'a placé puis maintenu en disponibilité d'office pour raisons de santé en raison de l'épuisement de ses droits à congé de maladie ordinaire seraient insuffisamment motivés. 10. Enfin, les moyens invoqués par M. B... selon lesquels l'ensemble des arrêtés attaqués seraient entachés d'erreur de fait en ce que l'accident survenu le 1er avril 2019 serait imputable au service se rapportent en réalité à l'appréciation portée par le maire sur l'imputabilité au service de cet évènement et doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt. 11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande d'expertise sollicitée par M. B... en première instance, que la commune de Millau est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a, aux articles 1er et 2 dudit jugement, annulé les arrêtés des 7 octobre 2019, 16 juillet 2020, 7 décembre 2020, 10 mai 2021 et 19 novembre 2021 et a mis à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Millau, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B.... 13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme au titre des frais exposés par la commune de Millau et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n°s 1926953, 2024565, 2120253, 2125826, 2220467 du tribunal administratif de Nîmes en date du 18 juillet 2022 sont annulés. Article 2 : Les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Nîmes sont rejetées. Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Millau et par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Millau et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Bentolila, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024. La rapporteure, H. Bentolila La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 22TL22012 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 22/10/2024, 22BX01649, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions des 9 juin 2020 et 17 novembre 2020 par lesquelles le directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac, d'une part, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la rechute dont il se prévaut à compter du 30 août 2019 au titre de l'accident de service dont il a été victime le 8 janvier 2018, et a requalifié son arrêt de travail en congé de maladie ordinaire, et, d'autre part, a refusé de reconnaître le caractère professionnel de sa maladie déclarée le 30 août 2019. Par un jugement n° 2003289 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, annulé la décision du directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac du 9 juin 2020 en tant qu'il a refusé l'imputabilité au service de la rechute dont M. B... se prévaut à compter du 30 août 2019 au titre de l'accident de service survenu le 8 janvier 2018 et a enjoint au centre hospitalier d'Agen-Nérac de reconnaître cette rechute comme imputable au service au titre de l'accident du 8 janvier 2018 dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Il a, d'autre part, et en conséquence, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 17 novembre 2020. Il a, enfin, rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 17 juin 2022, le centre hospitalier d'Agen-Nérac, représenté par Me Munier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2003289 en date du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a annulé la décision du 9 juin 2020 refusant l'imputabilité au service de la rechute dont M. B... se prévaut à compter du 30 août 2019 au titre de l'accident de service survenu le 8 janvier 2018 et qu'il l'a enjoint à reconnaître cette rechute comme imputable au service au titre de cet accident dans un délai d'un mois ; 2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les premiers juges ont à juste titre conclu au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 17 novembre 2020 ; - contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les critères permettant de caractériser un accident de service qui serait survenu le 8 janvier 2018 n'étaient pas remplis ; - son nouvel arrêt de travail ne peut être la conséquence directe et certaine de cet accident de service initial, qui n'existe donc pas, et ne pouvait donc être qualifié de rechute imputable au service ; - pour qu'il y ait rechute, il est nécessaire que les séquelles d'un accident de service s'aggravent ou récidivent de manière spontanée ; or un trouble anxio-dépressif en lien direct avec l'arrivée d'un nouveau chef de service, en ce qu'il constitue un élément extérieur, ne présente pas un caractère spontané ; - un trouble anxio-dépressif intervenu conséquemment à un entretien que l'agent a eu avec le service par lequel il a appris que le poste de responsable sécurité, sûreté, standard avait été attribué à un autre fonctionnaire, en ce qu'il est intervenu postérieurement à la date de consolidation, ne peut être qualifié de rechute de séquelles reconnues, elles, imputables au service ; - subsidiairement, en s'abstenant de produire une attestation médicale justifiant son état de santé et l'impossibilité d'exercer ses fonctions et à défaut d'avoir épuisé la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie, M. B... ne peut, contrairement à ce qu'il soutient, bénéficier d'un congé longue durée, dont il n'a au demeurant pas fait la demande ; - M. B... a été placé en congé longue maladie pour la période du 31 août 2019 au 31 décembre 2020, sa demande présentée à titre subsidiaire de placement dans un tel statut est ainsi devenue sans objet ; - il n'y a pas lieu de recourir à une expertise médicale, les éléments produits étant suffisamment éclairants. Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 octobre et 1er décembre 2022, ce dernier non communiqué, M. B..., représenté par Me Delmouly, conclut à titre principal au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier d'Agen-Nérac une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il demande à titre subsidiaire : 1°) d'annuler les décisions des 9 juin et 17 novembre 2020 en tant qu'elles décrètent que les arrêts et soins depuis le 30 août 2019 seront pris en charge au titre de la maladie ordinaire ; 2°) d'annuler la décision du 17 novembre 2020 et d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de déclarer imputables à une maladie professionnelle les arrêts de travail et soins prescrits à compter du 30 août 2019, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ; 3°) à titre infiniment subsidiaire à ce qu'il soit ordonné une expertise médicale. Il soutient que : - sa rechute le 30 août 2019 est imputable à des faits similaires à ceux à l'origine du déclenchement de sa maladie en janvier 2018 qui ont été reconnus comme constitutifs d'un accident de service ; - à titre subsidiaire, sa pathologie présentant le caractère d'une maladie mentale, à défaut de congé pour invalidité temporaire imputable au service, le centre hospitalier d'Agen-Nérac aurait dû le placer en congé de longue durée ou en congé longue maladie ; le centre hospitalier l'a d'ailleurs finalement placé, par une décision du 15 janvier 2021 intervenue en cours d'instance, sous le régime de congé longue maladie à compter du 31 août 2019. Par une ordonnance du 17 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 février 2024 à 12h00. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ; - le décret n° 2011-744 du 27 juin 2011 portant statut particulier du corps des techniciens et techniciennes supérieurs hospitaliers ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin ; - les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public ; - et les observations de Me Munier, représentant le centre hospitalier d'Agen-Nérac. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., fonctionnaire hospitalier de catégorie B titulaire du grade de technicien supérieur hospitalier de 1ère classe, exerçant au sein du centre hospitalier d'Agen-Nérac depuis 1979, occupait depuis 1997 des fonctions de chef de service de sécurité incendie sous la responsabilité du chargé de la sécurité de tous les établissements regroupés au sein du centre hospitalier. Suite à une réorganisation de service actée en 2017, M. B... a été affecté en tant qu'adjoint du chef de service du nouveau service " sécurité, sûreté, standard ". Estimant avoir été rétrogradé, M. B... a sollicité du directeur de l'établissement le retrait de la décision l'affectant dans ces nouvelles fonctions, le rétablissement dans ses fonctions de chef de service et l'indemnisation de ses préjudices. Cette demande a été implicitement rejetée. M. B... a formé un recours à l'encontre de la décision implicite de rejet qui lui a été opposée, sa requête a été rejetée par un jugement n°1801405 du 27 décembre 2019 devenu définitif. Parallèlement, M. B... a été placé en arrêt de travail du 8 janvier au 31 mars 2018 à la suite de la nouvelle organisation du service. Sur demande de l'intéressé, le centre hospitalier a, par une décision du 19 décembre 2018, reconnu qu'il avait été victime d'un accident du travail en date du 8 janvier 2018 imputable au service et que les arrêts de travail à compter du 8 janvier 2018 et jusqu'au 31 mars 2018 étaient imputables au service. Placé de nouveau en arrêt de travail à compter du 30 août 2019, M. B... a sollicité l'imputabilité au service de ses troubles de santé dont il soutient qu'ils constituent une rechute au titre de l'accident survenu le 8 janvier 2018. Devant le refus du centre hospitalier à qualifier cet évènement de rechute, M. B... a également sollicité la reconnaissance de sa maladie en maladie professionnelle. Par des décisions des 9 juin 2020 et 17 novembre 2020, le directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac a, d'une part, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la rechute dont l'intéressé se prévalait à compter du 30 août 2019 au titre de l'accident de service du 8 janvier 2018, et a requalifié son arrêt de travail en congé de maladie ordinaire, et a, d'autre part, refusé de reconnaître le caractère professionnel de sa maladie déclarée le 30 août 2019. M. B... a formé un recours à l'encontre de ces décisions. Par le jugement attaqué du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, annulé la décision du directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac du 9 juin 2020 en tant qu'il a refusé l'imputabilité au service de la rechute dont M. B... se prévalait, et a enjoint au centre hospitalier d'Agen-Nérac de reconnaître cette rechute comme imputable au service au titre de l'accident du 8 janvier 2018 dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Il a, d'autre part, et en conséquence, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 17 novembre 2020. Il a, enfin, rejeté le surplus de la demande. Le centre hospitalier d'Agen-Nérac relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 9 juin 2020 refusant l'imputabilité au service de la rechute dont M. B... se prévaut à compter du 30 août 2019 au titre de l'accident de service survenu le 8 janvier 2018 et qu'il l'a enjoint à reconnaître cette rechute comme imputable au service au titre de cet accident dans un délai d'un mois. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ". 3. D'une part, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. 4. D'autre part, la rechute d'un accident de service se caractérise par la récidive ou l'aggravation subite et naturelle de l'affection initiale après sa consolidation sans intervention d'une cause extérieure. Cependant, lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice des dispositions du 2° de l'article 41 précité est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec l'accident de service. 5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été victime, suite à la réorganisation de service évoquée au point 1, le 8 janvier 2018 " d'un état de stress décompensé avec réaction dépressive ", évènement reconnu comme un accident du travail imputable au service par une décision du 19 décembre 2018 du centre hospitalier d'Agen-Nérac, devenue définitive. Dans ces conditions, le centre hospitalier ne peut se prévaloir de l'absence d'imputabilité au service de cet accident qu'il a lui-même reconnue. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... a repris le travail à compter du 1er avril 2018, ses arrêts de travail ayant été reconnus imputables au service pour la période allant du 8 janvier au 31 mars 2018, et a exercé ses fonctions sans discontinuité jusqu'au 30 août 2019, date de son nouvel arrêt. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des expertises médicales des 12 décembre 2019 et 6 août 2020, menées par deux experts différents, la première dans le cadre de la demande de M. B... de reconnaissance de sa rechute au titre de l'accident de service du 8 janvier 2018 et la seconde dans le cadre de sa demande parallèle de reconnaissance de sa maladie au titre d'une maladie professionnelle, qu'alors qu'il suivait toujours un traitement pour l'état anxiodépressif survenu au mois de janvier 2018, ses symptômes anxiodépressifs ont repris en août 2019 suite à son éviction du poste de chef de service dans le cadre de l'achèvement de la réorganisation des services à l'origine de son premier épisode de décompensation, que " sa décompensation est en lien direct avec le premier épisode dont les causes sont identiques ", " les causes se reproduisant, on retrouve les mêmes conséquences " et à un " syndrome anxiodépressif réactionnel récidivant " en lien direct avec le premier évènement. Les deux experts concluent ainsi de manière concordante à la prise en charge de ces troubles de santé au titre de l'accident de service initial du 8 janvier 2018. Réunie les 27 février 2020 et 25 septembre 2020, la commission départementale de réforme des personnels hospitaliers a également émis à deux reprises, dans le cadre de ces deux procédures parallèles, un avis favorable à ce que les arrêts de travail à compter du 30 août 2019 soient pris en charge au titre de l'accident de service du 8 janvier 2018. Il résulte ainsi de ces éléments, qui ne sont pas utilement contredits, que les troubles qui ont conduit à l'arrêt de travail de M. B... à compter du 30 août 2019 sont en lien direct et certain avec l'accident de service du 8 janvier 2018 quand bien même ils ont été réactivés par la réitération de l'éviction de M. B... de son poste. Par suite, et quand bien même les troubles de santé de M. B... ne seraient pas constitutifs d'une rechute ou ne traduiraient pas une aggravation par rapport à ceux qu'il a subis à compter du 8 janvier 2018, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'en refusant par une décision du 9 juin 2020, de regarder le développement de ces nouveaux symptômes comme étant en lien direct et certain avec l'accident de service initial, le centre hospitalier d'Agen-Nérac avait entaché sa décision d'erreur d'appréciation. 6. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier d'Agen-Nérac n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 9 juin 2020 refusant l'imputabilité au service des troubles de santé dont M. B... se prévaut à compter du 30 août 2019 au titre de l'accident de service survenu le 8 janvier 2018 et qu'il l'a enjoint à reconnaître ses troubles comme imputables au service au titre de cet accident dans un délai d'un mois. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige, une quelconque somme au titre des frais d'instance. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Agen-Nérac une somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement de ces dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête du centre hospitalier d'Agen-Nérac est rejetée. Article 2 : Le centre hospitalier d'Agen-Nérac versera une somme de 1 500 euros à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier d'Agen-Nérac. Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient : Mme Elisabeth Jayat, présidente, M. Nicolas Normand, président-assesseur, Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024. La rapporteure, Héloïse Pruche-MaurinLa présidente, Elisabeth Jayat La greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 22BX01649 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANCY, 1ère chambre, 31/10/2024, 21NC00464, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé, par un recours enregistré le 5 octobre 2017, au greffe du tribunal des pensions de Strasbourg d'annuler la décision du 11 septembre 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour aggravation, de fixer le taux d'invalidité et d'ordonner la révision de la pension au jour de la demande. Par un jugement avant-dire-droit du 15 juillet 2019, ce tribunal a ordonné une expertise médicale. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions de Strasbourg a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Strasbourg la demande de M. C.... Par un jugement n° 2001689 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de la ministre des armées du 11 septembre 2017 en tant qu'elle retient une troisième invalidité, qu'elle considère qu'aucune aggravation ne peut être retenue s'agissant de l'infirmité de surdité bilatérale et a enjoint à la ministre des armées de reconnaître à M. C... un taux d'invalidité unique concernant l'infirmité n° 2 relative à la surdité bilatérale et de lui octroyer un taux de majoration de 10 % à compter de la demande du 1er avril 2016. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 février 2021 et 2 mai 2023, le ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a reconnu l'aggravation de l'infirmité " surdité bilatérale " et une majoration du taux d'invalidité de 10 %. Il soutient que : - le tribunal a dénaturé les faits de l'affaire et commis une erreur en retenant un taux d'invalidité initial de 10 % pour l'infirmité surdité bilatérale avec une majoration de 5 % au titre de la perte de sélectivité alors que l'inscription en " +5 " correspond au suffixe de liquidation prévu par l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le tribunal ne pouvait se fonder sur les données audiométriques de l'expertise judiciaire du 17 décembre 2019 quant à la perte auditive moyenne de M. C..., l'infirmité devant être évaluée à la date de la demande de pension sans que les aggravations postérieures ne puissent être prises en compte en application des dispositions de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - l'évaluation de la perte auditive peut se fonder sur les données de l'expertise du 26 novembre 2017 lesquelles correspondent au regard du guide barème à un taux d'invalidité de 5 %, inférieur au minimum indemnisable requis de 10 % en vertu des dispositions de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et par les dispositions de l'article L. 29 de ce code en cas d'aggravation ; - l'aggravation de la baisse auditive retenue par le tribunal ne résulte ni de l'infirmité pensionnée ni du service, mais du vieillissement de l'oreille, cause distincte de l'infirmité pensionnée et constatée plus de vingt ans après la radiation des services. Par un mémoire, enregistré le 7 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Athanassi de l'Association d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle (ADARIS), demande à la cour : 1°) de rejeter la requête du ministre des armées ; 2°) d'annuler le jugement du tribunal en tant qu'il n'a octroyé qu'un taux de majoration de 10 % au titre de l'infirmité n° 2 de surdité bilatérale et a considéré que l'aggravation de l'infirmité n° 1 concernant les acouphènes ne justifiait pas une majoration du taux à 30 % ; 3°)°d'enjoindre au ministre des armées de lui octroyer au titre de l'infirmité n° 2 un taux de majoration d'un minimum de15 % à compter de sa demande du 1er avril 2016 ; 4°)°d'enjoindre au ministre des armées de lui octroyer au titre de l'infirmité n° 1 un taux de majoration d'un minimum de 10 % à compter de sa demande du 1er avril 2016 ; 5°) à titre de subsidiaire, d'ordonner une contre-expertise médicale ; 6°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - les moyens soulevés par le ministre des armées ne sont pas fondés ; - par la voie de l'appel incident, le taux d'invalidité de la nouvelle baisse d'audition doit être majoré au minimum de 15 points ; - son infirmité relative aux acouphènes bilatéraux incessants s'est aggravée à un taux qui doit être fixé à 30 % ; - à titre subsidiaire, une contre-expertise peut être ordonnée afin d'évaluer l'aggravation des séquelles subies concernant les deux infirmités. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 avril 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Michel, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... C..., né le 4 février 1944, est titulaire d'une pension militaire d' invalidité concédée à titre définitif au taux global de 35 % pour l'infirmité n° 1 " acouphènes bilatéraux incessants " pour un taux de 20 % et l'infirmité n° 2 " surdité bilatérale de type perception. Perte audiométrique moyenne de 20 décibels à droite et de 17 décibels à gauche. Perte de sélectivité " au taux de 10 % + 5. M. C... a sollicité la révision de sa pension pour aggravation le 1er avril 2016. Par une décision du 11 septembre 2017, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg, sur le recours de M. C... a annulé la décision du 11 septembre 2017 en tant qu'elle retient une troisième invalidité, qu'elle considère qu'aucune aggravation ne peut être retenue s'agissant de l'infirmité de surdité bilatérale et a enjoint à la ministre des armées de reconnaître à M. C... un taux d'invalidité unique concernant l'infirmité n° 2 relative à la surdité bilatérale et de lui octroyer un taux de majoration de 10 % à compter de la demande du 1er avril 2016 et a rejeté le surplus de la demande de M. C.... 2. Le ministre des armées relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé sa décision du 11 septembre 2017 en tant qu'elle retient une troisième invalidité, qu'elle considère qu'aucune aggravation ne peut être retenue s'agissant de l'infirmité de surdité bilatérale et lui a enjoint de reconnaître à M. C... un taux d'invalidité unique concernant l'infirmité n° 2 relative à la surdité bilatérale et de lui octroyer un taux de majoration de 10 % à compter de la demande du 1er avril 2016. M. C... demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'aggravation au titre de l'infirmité n° 1 acouphènes bilatéraux incessants et en tant qu'il a seulement octroyé un taux de majoration de 10 % au titre de l'infirmité n° 2 " surdité bilatérale de type perception. Perte audiométrique moyenne de 20 décibels à droite et de 17 décibels à gauche. Perte de sélectivité ". Sur la recevabilité de l'appel incident : 3. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4-1 (...) ". 4. Il résulte de l'instruction que postérieurement à l'expiration du délai d'appel, M. C... a demandé à la cour l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 décembre 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande d'aggravation au titre de l'infirmité n° 1 acouphènes bilatéraux incessants. Cette demande relève d'un litige distinct de l'appel formé par le ministre des armées relatif à l'infirmité de surdité bilatérale de type perception, et, est, par suite, dans cette mesure irrecevable. Sur l'infirmité de surdité bilatérale de type perception : 5. Aux termes de l'article L. 6, alors applicable, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. C... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 6. Il résulte des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précitées que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions de l'article L. 29 font obstacle à cette révision, l'aggravation devant alors être regardée comme étant due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 7. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du Dr. Vouge du 17 décembre 2019 ainsi que de l'avis du 14 avril 2017 du Dr A..., médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, que les autres pièces du dossier ne remettent pas en cause, que l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale que présente M. C..., décelée après qu'il a été rayé des cadres en 1992, ne résulte pas du traumatisme sonore que l'intéressé a subi en service le 18 février 1971 pour lequel il est pensionné, les séquelles par traumatismes sonores n'évoluant d'ailleurs plus à distance après arrêt d'exposition aux bruits. Cette aggravation qui résulte selon le rapport d'expertise d'un vieillissement de l'appareil auditif sous l'influence de facteurs génétiques ou environnementaux, distinct et sans lien avec la perte de capacité auditive de M. C... subie lors de son traumatisme sonore en service, ne saurait dès lors être regardée comme étant imputable au service et justifier une révision du taux de pension fixé par l'arrêté du 16 novembre 1998 au titre de l'infirmité de surdité bilatérale de type perception. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête et de l'appel incident formé par M. C... quant à l'infirmité de surdité bilatérale, ni de prescrire une nouvelle expertise médicale, que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 11 septembre 2017 en tant qu'elle retient une troisième invalidité, qu'elle considère qu'aucune aggravation ne peut être retenue s'agissant de l'infirmité de surdité bilatérale et a enjoint à la ministre des armées de reconnaître à M. C... un taux d'invalidité unique concernant l'infirmité n° 2 relative à la surdité bilatérale et de lui octroyer un taux de majoration de 10 % à compter de la demande du 1er avril 2016. Sur les dépens : 9. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens ". Aux termes de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les dépenses qui incomberaient au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle s'il n'avait pas cette aide sont à la charge de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 42 de la même loi : " Lorsque le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est condamné aux dépens ou perd son procès, il supporte exclusivement la charge des dépens effectivement exposés par son adversaire, sans préjudice de l'application éventuelle des dispositions de l'article 75. / Le juge peut toutefois, même d'office, laisser une partie des dépens à la charge de l'Etat (...) ". 10. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 15 avril 2021. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais de l'expertise ordonnés par le tribunal des pensions militaires de Strasbourg dans son jugement avant-dire droit du 15 juillet 2019 et liquidés et taxés par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg du 20 juillet 2020, à la charge définitive de l'Etat. Sur les frais liés à l'instance : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le conseil de M. C... sur le fondement de ces dispositions combinées à celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2001689 du 18 décembre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée. Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par M. C... ainsi que ses conclusions sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 4 : Les frais et honoraires d'expertise sont mis à la charge définitive de l'Etat. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants, à M. B... C... et à Me Athanassi. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - Mme Guidi, présidente-assesseure, - M. Michel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2024. Le rapporteur, Signé : A. MichelLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, V. Firmery 2 N° 21NC00464
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de NANCY, 1ère chambre, 31/10/2024, 22NC02194, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 26 août 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité et de fixer son taux d'invalidité à 40 % pour l'infirmité relative aux dorso-lombalgies post-traumatiques. Par un jugement n° 2000790 avant-dire-droit du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné la tenue d'une expertise médicale aux fins, d'une part, de déterminer les aggravations de toute nature de l'état de santé de M. A... et, d'autre part, de préciser, pour chaque aggravation retenue, si elle est en lien avec l'infirmité " dorso-lombalgies post-traumatiques " déjà pensionnée à hauteur de 30 % ou avec l'infirmité " arthrose cervico-dorso-lombaires " dont l'imputabilité au service a été déniée par une décision devenue définitive du 15 février 1999. Par un jugement n° 2000790 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 août 2022, 27 février 2023 et 3 mars 2023, M. A..., représenté par la SELARL Richard et Lehmann, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 juillet 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 26 août 2019 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre à la ministre des Armées de lui attribuer sa pension révisée au taux de 40 % pour l'infirmité " dorso-lombalgies " ; 4°) à titre subsidiaire, de désigner un expert judiciaire ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - l'aggravation de son infirmité, qui doit être appréciée par rapport à la date de sa demande de révision de la pension, ne résulte pas uniquement d'une arthrose évoluant avec l'âge ; - l'aggravation de ses douleurs dorsales sont réelles ; - la pension doit réparer toutes les conséquences de l'infirmité ; - les premiers juges ont commis une erreur dans l'appréciation des éléments médicaux ; - la décision du 26 août 2019 est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; - l'aggravation de son infirmité au taux de 40 % est justifiée. Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requête est irrecevable en raison d'une insuffisance de motivation ; - si le requérant semble remettre en cause la répartition blessure/maladie faite par la commission consultative médicale le 1er septembre 1981, cette décision est devenue définitive et la contestation de cette répartition est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable ; - les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2022, modifiée le 18 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Michel, premier conseiller, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Lehmann pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., qui a exercé en qualité de gendarme jusqu'au 5 juillet 1982, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité aux taux de 30 % pour l'infirmité " dorso-lombalgie post-traumatique - très importante raideur rachidienne - hyperlordose lombaire - signe de Lasègue ". Par une demande du 21 février 2018, M. A... a sollicité la révision de sa pension. Par une décision du 26 août 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 5 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et de fixer son taux d'invalidité à 40 % pour l'infirmité relative aux " dorso-lombalgies post-traumatiques ". Sur la régularité du jugement attaquée : 2. Le moyen tiré de ce que les premiers juges ont commis une erreur dans l'appréciation des éléments médicaux ne relève pas de la régularité du jugement mais du bien-fondé de ce dernier. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait pour ce motif entaché d'irrégularité. Sur la demande de révision de la pension militaire d'invalidité : 3. Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle ". Aux termes de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 4. D'une part, il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. D'autre part, le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. 5. Il résulte de l'instruction que M. A..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité aux taux de 30 % pour l'infirmité " dorso-lombalgie post-traumatique - très importante raideur rachidienne - hyperlordose lombaire - signe de Lasègue " en dernier lieu modifiée par un arrêté du 28 octobre 2013, a demandé, par courrier réceptionné le 21 février 2018 par l'administration, une révision de sa pension en se prévalant de l'aggravation de son infirmité qui se serait étendue à l'ensemble du dos, aux jambes et au rachis cervical. Par une décision du 26 août 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande en considérant, d'une part, que l'infirmité " dorso-lombalgie post traumatique " de l'intéressé ne s'était pas aggravée, et, d'autre part, que l'infirmité " arthrose cervico-dorso-lombaire diffuse avec déformation dégénératives de D12 à L5 " n'était pas imputable aux blessures pour lesquelles la pension a été accordée. 6. En premier lieu, s'il résulte en particulier du rapport d'expertise judiciaire du 15 octobre 2021 du Dr. Hirschhorn que l'infirmité " arthrose cervico dorso lombaire diffuse avec déformations dégénératives de D12 et L5 " de M. A... s'est aggravée, cette infirmité a fait l'objet d'une décision de rejet du 15 février 2015, devenue définitive, pour non imputabilité en l'absence de relation directe et déterminante avec l'infirmité pensionnée, ainsi que l'a d'ailleurs relevé le tribunal départemental des pensions du Bas-Rhin par un jugement du 10 avril 2006. Par suite, c'est sans erreur d'appréciation que, par la décision en litige, la ministre des armées a rejeté la demande de révision de M. A... pour aggravation de son état de santé à ce titre. 7. En second lieu, il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise judiciaire du Dr. Hirschhorn, dont les éléments précis et circonstanciés ne sont pas sérieusement remis en cause par les autres pièces du dossier et notamment l'expertise du Dr. Heintz du 4 avril 2019, que les lésions dégénératives au niveau du rachis dorsal et lombaire de l'intéressé constituent une évolution naturelle de sa maladie arthrosique et/ou hyperostosante, diagnostiquée en 1981, qui sont sans lien avec les séquelles de l'accident dont a été victime M. A... en 1978, ni avec celles de son accident de 1962, ce dernier n'ayant causé qu'une simple contusion cervicale sans localisation au rachis dorso-lombaire. Par suite, l'aggravation dont se prévaut M. A... résulte d'une affection distincte de l'affection pensionnée et ne saurait dès lors être regardée comme étant imputable au service et justifier une révision de son taux de pension. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à une expertise ni de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des armées, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Lehmann et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - Mme Guidi, présidente-assesseure, - M. Michel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2024. Le rapporteur, Signé : A. MichelLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : S. Robinet La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, V. Firmery 2 N° 22NC02194
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 05/11/2024, 23MA00910, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler la décision du 11 février 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour aggravation de l'infirmité de lombalgies, ainsi que la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire du 9 juillet 2020, d'autre part, d'ordonner une expertise médicale confiée à un neurochirurgien qui aura pour mission de déterminer le taux d'invalidité résultant de cette infirmité au 12 octobre 2018 et de proposer un descriptif complet de cette infirmité après analyse de son dossier médical, à titre subsidiaire, de fixer le taux d'invalidité à 50 % à compter du 12 octobre 2018, et enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens. Par un jugement n° 2100047 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 4 novembre 2020 de la commission de recours de l'invalidité, a reconnu un taux d'invalidité de 50 % à M. A... s'agissant de l'infirmité " Lombalgies - station debout très pénible " à compter du 12 octobre 2018 et a rejeté le surplus de ses conclusions. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 avril 2023 et 11 octobre 2024, le ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 16 février 2023 ; 2°) de rejeter la demande de M. A.... Le ministre soutient que : - le tribunal n'a pas justifié le taux d'invalidité supplémentaire accordé à l'intimé au regard de la gêne fonctionnelle dont il est atteint et des éléments guide-barème ; - le taux de 40 % attribué en 1988 à cette infirmité était alors surévalué, correspond aujourd'hui à la gêne fonctionnelle et au maximum auquel l'intéressé peut prétendre au regard de ce guide. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2023, M. A..., représenté par Me Stark, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 850 euros toutes taxes comprises (TTC) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... est titulaire depuis le 22 juin 1988 d'une pension militaire d'invalidité, au taux global d'invalidité de 55 %, pour deux infirmités, dont une infirmité qualifiée de " lombalgies ", évaluée au taux de 40 %. Le 12 octobre 2018, il a demandé la révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité. Mais par une décision, prise après avis du médecin en charge des pensions du 17 janvier 2020 et de la commission consultative médicale du 30 janvier 2020, la ministre des armées a rejeté cette demande, au motif de l'absence d'aggravation de l'infirmité en cause. Le 4 novembre 2020, la commission de recours de l'invalidité a rejeté le recours de M. A... contre cette décision de rejet, au motif que le taux d'invalidité lié à l'aggravation de cette infirmité est inférieur à 10 %. Par un jugement du 16 février 2023, dont le ministre des armées relève appel, le tribunal administratif de Bastia a annulé cette décision de la commission de recours de l'invalidité et a reconnu un taux d'invalidité de 50 % à M. A... s'agissant de l'infirmité " Lombalgies - station debout très pénible " à compter du 12 octobre 2018. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. L'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit que le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée, la pension étant révisée lorsque le degré d'invalidité de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. Cette disposition qui, pour l'octroi d'une révision de pension, exige seulement une aggravation réelle des blessures ou maladies, ne permet pas de remettre en cause les bases de la liquidation initiale notamment en ce qui concerne le libellé des infirmités pensionnées ou l'application qui a été faite des barèmes lors de cette liquidation. 3. D'une part, il résulte de l'instruction que la pension militaire d'invalidité a été accordée le 22 juin 1988 à M. A..., au titre de l'infirmité " Lombalgies. Station debout très pénible ", au vu d'un rapport du médecin expert du 15 janvier 1988 faisant alors apparaître chez l'intéressé non seulement des lombalgies, et une station debout très pénible, mais encore une limitation notable des mouvements de flexion, une bascule à gauche du bassin, ainsi qu'une attitude scoliotique lombaire à convexité gauche avec nette raideur sur le film de profil où la flèche de lordose avait presque complètement disparu, justifiant un taux d'invalidité de 40 %. Pour conclure à l'aggravation de cette infirmité dans son rapport du 24 décembre 2019 et à l'attribution d'un taux supplémentaire d'invalidité de 10 %, le médecin expert, informé des résultats radiographiques du 3 septembre 2018, souligne que M. A... présente une démarche guindée avec attitude antalgique et penchée en avant avec aggravation de la cyphose dorsale, une contraction des muscles para-vertébraux, une abolition des réflexes ostéotendineux ainsi qu'un déficit du quadriceps gauche et du muscle jambier antérieur gauche, et relève que l'épreuve " talon-pointe " lui est difficile à exécuter, la distance doigt-sol impossible à réaliser et le test de " Lasègue " est douloureux à 2° des deux côtés. La comparaison de ces deux rapports d'expertise médicale, complétée par le certificat médical d'un chirurgien orthopédique et vertébral du 20 septembre 2023, qui se fonde sur les pièces du dossier médical contemporaines de la demande de révision de M. A... et qui peut ainsi être utilement pris en compte pour en apprécier le bien-fondé, permet de décrire, contrairement à ce que soutient le ministre dans le dernier état de ses écritures, des signes objectifs de gêne fonctionnelle supplémentaire, consistant en des douleurs ou gênes à la marche ou en se penchant et en la limitation importante des mouvements de jambes en position allongée et debout, susceptibles d'établir une aggravation significative de son infirmité. 4. D'autre part, pour remettre en cause le taux d'invalidité de 10 % retenu par le tribunal, à la suite du médecin expert, au titre de l'aggravation de l'infirmité de M. A..., le ministre des armées ne peut utilement prétendre, à partir de l'avis du médecin en charge des pensions du 17 janvier 2020, que le taux d'invalidité de 40 % retenu pour accorder en 1988 à M. A... sa pension militaire d'invalidité, correspond en réalité, suivant les préconisations du guide-barème, à l'incapacité dont il est atteint au jour de la demande de révision de cette pension, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 2, les bases de liquidation initiale de la pension ne peuvent être remises en cause lors de l'examen d'une demande de révision de cette pension. 5. Enfin, il ne résulte ni du guide-barème, qui ne présente qu'un caractère indicatif sauf en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organes, ni du rapprochement de l'ensemble des éléments médicaux relatifs à la demande de révision de pension de M. A..., que l'infirmité dont il souffre à cette date ne pourrait être indemnisée à un taux supérieur à 40 %, et suivant un taux d'invalidité supplémentaire de 10 %, lié à l'aggravation de cette infirmité, ainsi que l'ont estimé le médecin expert le 24 décembre 2019 et le chirurgien orthopédique et vertébral le 20 septembre 2023. 6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé au regard de l'exigence découlant de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision de la commission de recours de l'invalidité du 4 novembre 2020 rejetant le recours préalable de M. A..., et a reconnu un taux d'invalidité de 50 % à M. A... s'agissant de l'infirmité " Lombalgies - station debout très pénible " à compter du 12 octobre 2018. Sa requête doit donc être rejetée. Sur les frais liés au litige : 7. Dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 850 euros que demande M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 850 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024. N° 23MA009102
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 05/11/2024, 22VE00657, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 février 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'attribution d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1904388 du 15 juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mars 2022 et 7 mars 2023, M. B..., représenté par Me Pelletier, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 18 février 2019 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui accorder une pension militaire d'invalidité au taux de 30 %, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il a subi une première entorse à la cheville droite, le 14 octobre 1965, imputable au service, qui n'a pas été prise en charge de façon adaptée, puis de nombreuses récidives, une douzaine au cours de sa carrière, lui laissant des séquelles ; - le médecin a commis une erreur en demandant une radiographie de la cheville gauche alors qu'il s'agissait de la cheville droite, cette erreur de latéralité a conduit à conclure à l'absence de lésion ; - le médecin expert a conclu que son arthrodèse tibio-talienne est en relation avec son accident de service du 14 octobre 1965 ; - il n'avait aucun antécédent d'entorse avant 1965. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 22 juillet 2022 et 4 avril 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - l'entorse à la cheville gauche notée en 1965 apparaît comme une récidive et aucune entorse à la cheville droite n'est indiquée ; - les récidives d'entorses à la cheville droite invoquées ne sont pas établies ; - aucun lien n'apparaît entre les entorses de 1974 et 1982 et celle de 1965 ; - la visite de fin de service ne mentionnait pas de problème de santé particulier. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Le Gars, - et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. B..., né le 16 septembre 1945, s'est engagé le 1er novembre 1963 et a été radié des contrôles le 18 juillet 1987. Par une demande enregistrée le 16 septembre 2016, il a sollicité l'octroi d'une pension militaire d'invalidité en raison de séquelles laissées par des entorses répétées de la cheville droite. Par décision du 18 février 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. 2. Aux termes des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions, dans leur rédaction applicable au litige, que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. M. B... soutient qu'il a subi une entorse à la cheville droite, 14 octobre 1965, lors d'exercices de combat rapproché, une récidive d'entorse à cette même cheville, le 21 octobre 1965, et une douzaine d'entorses à la même cheville tout au long de sa carrière, lui laissant des séquelles invalidantes. Toutefois, les mentions du livret médical militaire du requérant sur l'accident du 14 octobre 1965, la récidive du 21 octobre 1965, ainsi que l'entorse de 1974 indiquent toutes une entorse à la cheville gauche. Si le requérant soutient que cela résulte d'une erreur sur la cheville concernée, il n'en justifie pas, en alléguant que les radiographies réalisées ne montrant pas de lésion osseuse auraient porté à tort, à deux reprises, en 1965 et en 1974, sur la cheville gauche alors qu'il souffrait de la cheville droite. Par ailleurs, le même livret, lors de la suspicion d'entorse de la cheville droite en mai 1982, ne mentionne pas de récidive d'entorse de cette cheville mais indique expressément l'absence de traumatisme. Enfin, la douzaine d'entorses plâtrées alléguée à la cheville droite au cours de la carrière de M. B... n'est établie par aucune pièce médicale. Dans ces conditions, la preuve de l'imputabilité de l'affection pour laquelle a été formée la demande de pension à un fait précis ou à des circonstances particulières de service, comme l'exige l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, n'est pas rapportée. 5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Versol, présidente de chambre, Mme Le Gars, présidente assesseure, Mme Hameau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024. La rapporteure, A.C. LE GARSLa présidente, F. VERSOLLa greffière, A. GAUTHIER La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, 2 N° 22VE00657
Cours administrative d'appel
Versailles