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CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01990, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903327 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01990, M. B..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de plusieurs navires de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. B.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. B..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été employé au sein de plusieurs navires de la marine nationale du 28 janvier 1972 au 18 septembre 1989. Par une réclamation préalable du 26 juin 2017 reçue le 29 juin 2017, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. B... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 27 octobre 2009 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. B..., maître principal, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : [navires concernés] du 28 janvier 1972 au 19 avril 1974, du 26 février 1975 au 18 février 1980, du 26 janvier 1981 au 25 février 1984 et du 18 août 1986 au 18 septembre 1989 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. B.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. B... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 27 octobre 2009, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2009. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. B... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2010, cette créance était prescrite à la date du 29 juin 2017, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. B... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. B... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01990 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 20/12/2024, 24MA01991, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante, assorties des intérêts et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1903354 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, sous le n° 24MA01991, M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 juin 2024 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, assorties des intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale ne pouvait lui être valablement opposée dès lors que le ministre des armées n'établit pas la date à laquelle l'attestation d'exposition lui a été remise ; - le fait de considérer que le délai de prescription a commencé à courir au jour de l'établissement de l'attestation d'exposition porte une atteinte manifeste au principe du droit à un procès équitable en ce qu'il ne lui permettrait pas d'introduire un recours effectif ; - la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute, en raison de son exposition aux poussières d'amiante durant sa carrière au sein de l'atelier militaire de la flotte de Toulon de la marine nationale sans protection ; - il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son exposition à l'amiante. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que : - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Le mémoire complémentaire, présenté pour M. A..., représenté par la Selarl Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu et Associés, enregistré le 22 novembre 2024 n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu, - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le décret n° 2013-513 du 18 juin 2013 ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 457560 du 19 avril 2022 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marchessaux, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de Me Mesland-Althoffer, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé au sein de l'atelier militaire de la flotte de Toulon du 1er septembre 1963 au 3 janvier 1979 et du 5 juin 1979 au 3 septembre 1994. Par une réclamation préalable du 8 juin 2018 reçue le 11 juin 2018, il a demandé au ministre des armées de lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en raison de son exposition à l'amiante lors de l'exercice de son activité professionnelle résultant des carences fautives de l'Etat dans la protection de ses agents contre l'exposition aux poussières d'amiante. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". 3. Ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis n° 457560 du 19 avril 2022, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions citées au point 2, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré. 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 2013 relatif à la surveillance médicale post professionnelle des militaires exposés à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction : " Tout militaire radié des cadres ou des contrôles, inactif, demandeur d'emploi ou retraité et non titulaire d'une pension d'invalidité au titre d'une des affections liées à des agents désignés ci-après, qui, du fait de ses fonctions au sein du ministère de la défense (...), a été exposé à des agents cancérogènes, au sens de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, ou à des agents mutagènes ou toxiques pour la reproduction, définis à l'article R. 4412-60 du code du travail, a droit, sur sa demande, à une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par le dernier ministère employeur ". Selon l'article 2 de ce décret : " En cas d'exposition à l'un des agents mentionnés à l'article 1er, subie dans les conditions précisées à ce même article, l'organisme d'emploi du ministère de la défense (...) délivre une attestation d'exposition au militaire, dès la cessation de ses fonctions en son sein, établie avec le médecin de l'organisme d'emploi au vu de la fiche d'exposition définie par l'article R. 4412-41 du code du travail. Cette attestation doit comporter les informations caractérisant l'exposition recueillies dans les conditions précisées par arrêté pour chaque agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. / Si l'attestation d'exposition n'a pu être établie dès la cessation des fonctions concernées, elle sera délivrée à la demande de l'ancien militaire, sur présentation de la fiche d'exposition mentionnée à l'alinéa précédent ou sur la base d'une attestation signée du médecin de l'organisme d'emploi dont l'ancien militaire dépendait au moment de son exposition ou de témoignages ou de tout autre élément démontrant la matérialité de l'exposition. En l'absence de ces fiche, certificat ou autre élément, l'attestation d'exposition pourra être fournie à l'intéressé après une enquête administrative conduite par les organismes d'emploi en liaison avec les médecins et les services de prévention concernés. (...) ". 5. Il résulte de ces dispositions que l'attestation d'exposition est délivrée au militaire en vue de l'obtention d'une surveillance médicale post professionnelle par l'organisme d'emploi du ministère des armées soit dès la cessation de ses fonctions en son sein et dans le cas contraire, à la demande du militaire. Au regard du contenu de cette attestation, dont les mentions énumèrent précisément les périodes d'affectation du militaire sur des bâtiments renfermant des matériaux contenant de l'amiante au cours de sa carrière dans la marine nationale, l'intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral (anxiété) et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance, qui fait partir le délai de la prescription mentionnée au point 2. 6. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une attestation d'exposition du 4 juillet 2011 établie par la direction du personnel militaire de la marine que " M. A..., major, a été affecté ou mis pour emploi, au cours de sa carrière, dans les formations suivantes renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages : Atelier militaire de la flotte de Toulon du 1er septembre 1963 au 3 janvier 1979 et du 5 juin 1979 au 3 septembre 1994 ". Eu égard à la date de l'attestation précitée et aux dates de début et de fin de l'exposition à l'amiante, cette attestation doit être regardée comme résultant nécessairement d'une demande de M. A.... Si ce dernier soutient que le ministre des armées n'établit pas la date de notification de cette attestation, aucun texte législatif ou réglementaire n'oblige le ministre des armées en sa qualité d'employeur à notifier en lettre recommandée ou par une remise contre récépissé ladite attestation compte tenu de sa finalité qui est de permettre au requérant de bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle. Ainsi, M. A... qui ne fait état d'aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu dans le délai d'acheminement normal, doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du risque à l'origine du préjudice moral et des troubles dans les conditions de l'existence dont il demande la réparation, dans lesquels est incorporé le préjudice d'anxiété, à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'attestation du 4 juillet 2011, qui est nécessairement intervenue au cours de l'année 2011. Par suite, le délai de prescription quadriennale de la créance de M. A... à l'encontre de l'Etat ayant débuté le 1er janvier 2012, cette créance était prescrite à la date du 11 juin 2018, à laquelle le ministre des armées a reçu sa réclamation préalable. 7. Aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". 8. Les dispositions des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 mentionnées au point 2 ont été édictées dans un but d'intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique de l'Etat en fixant un terme aux actions dirigées contre lui, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et les délais fixés par ces dispositions. Par suite, celles-ci ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable, énoncé par les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le fait de fixer le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition méconnaitrait ces stipulations. 9. Dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver M. A... de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant le délai de prescription à la date à laquelle il a pris connaissance de l'attestation d'exposition, il aurait été privé du droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de carences fautives de l'Etat dans la prise en charge de la prévention des risques liés à son exposition aux poussières d'amiante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient : - Mme Chenal-Peter, présidente de chambre, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Marchessaux, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024. 2 N° 24MA01991 fa
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANCY, 1ère chambre, 19/12/2024, 22NC03146, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 21 octobre 2016 par laquelle le ministre des armées a rejeté sa demande de versement d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de cruralgie chronique et de condamner le ministre des armées à lui verser une pension d'invalidité à ce titre au taux de 10 % à compter du 19 juin 2015. Par un jugement avant dire droit n° 1903226 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Nancy a ordonné une expertise médicale. Par un jugement n° 1903226 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. A... et a mis les dépens de l'instance, correspondant aux frais et honoraires de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 512 euros, à la charge définitive de l'Etat. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 14 décembre 2022, M. A..., représenté par la SELARL Giuranna et Iogna-Prat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 18 octobre 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 21 octobre 2016 par laquelle le ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension ; 3°) de condamner le ministre des armées à lui verser une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité résultant de sa cruralgie chronique au taux de 10 % à compter du 19 juin 2015 ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - son affection de cruralgie chronique est imputable au service ; - le degré d'infirmité de cette infirmité atteint le taux de 10 %. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Michel, premier conseiller, - les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique, - et les observations de Me Haumesser, substituant Me Giuranna, pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... était pilote d'hélicoptère au sein de l'armée de terre dans laquelle il s'est engagé du 1er mai 1964 jusqu'au 3 février 1984, date à laquelle il a été radié des cadres. Une pension militaire d'invalidité lui a été concédée à titre définitif au taux global de 80 %. Par une demande enregistrée le 19 juin 2015, M. A... a sollicité la reconnaissance d'une nouvelle infirmité au titre d'une " cruralgie chronique ". Par une décision du 21 octobre 2016, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 18 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 octobre 2016 et à la condamnation du ministre des armées à lui verser une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité résultant de sa cruralgie chronique au taux de 10 %. 2. D'une part, aux termes de l'article L. 6, alors applicable, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. A... et dont les dispositions sont désormais reprises par l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 3. Il résulte des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précitées que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. 4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable aux blessures à la date desquelles les droits à pension de l'intéressé doivent être appréciés, désormais repris par l'article L. 121-1 du même code : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) ". Et aux termes de l'article L. 3 du même code, dans sa version applicable, désormais repris par l'article L. 121-2 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ". 5. M. A..., pilote d'hélicoptère au sein de l'armée de terre jusqu'au 3 février 1984, bénéficie d'une pension militaire d'invalidité à titre définitif, au taux global de 80 % dont 70 % au titre de l'infirmité n° 1 " Séquelles rachidiennes de microtraumatismes répétés avec hernie discale C5-C6 opérée et lombaire L5-S1 opérée. A l'étage cervical, névralgie cervicobrachiale bilatérale avec enraidissement important du rachis cervical, contractures paravertébrales et discrets signes neurologiques déficitaires C6 à prédominance droite. Radiographies : uncodiscarthrose étagée des C5 à C7. Greffe intervertébrale C5-C6. A l'étage lombaire : lombosciatalgies avec raideur lombaire et douleur à la mobilisation. Abolition du réflexe achilléen droit ; Hypoesthésie du bord externe du pied, hypotonie du triceps et des releveurs ", 10 % au titre de l'infirmité n° 2 " Hypoacousie bilatérale " et 10 % au titre de l'infirmité n° 3 " Acouphènes ". 6. Il résulte de l'instruction que M. A..., radié des cadres au 3 janvier 1984, a chuté dans ses escaliers au mois de janvier 2015. Cette chute lui occasionné une fracture du calcanéum droit, qui a obligé M. A... à se déplacer avec des cannes anglaises pendant quarante-cinq jours, et qui a entraîné une cruralgie chronique. 7. A l'appui de sa demande enregistrée par l'administration le 19 juin 2015, M. A... soutient que la cruralgie chronique de la cuisse droite est la conséquence de la paralysie de la flexion dorsale du pied droit et des orteils, qui est elle-même la conséquence de la névralgie sciatique pour laquelle il est pensionné au titre de l'infirmité n° 1. Toutefois, il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise du Dr. De la Caffinière, dont les éléments précis et circonstanciés ne sont pas sérieusement remis en cause par les autres pièces médicales versées à l'instance et notamment par le certificat du Dr C... du 10 novembre 2022, que la cruralgie de l'intéressé découle d'un processus dégénératif arthrosique sans lien avec le service, aggravé par une maladie de Forestier, elle-même sans lien avec le service, cette maladie chronique n'étant pas selon l'expert imputable à un accident ou à une maladie professionnelle favorisée par les micro-vibrations des aéronefs. Par suite, en l'absence d'imputabilité au service, le ministre des armées a pu sans erreur d'appréciation refuser de réviser la pension militaire d'invalidité de M. A... au titre de l'infirmité de cruralgie chronique. 8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Sur les dépens : 9. En l'absence de dépens dans la présente instance d'appel, les conclusions de M. A... tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présence instance la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - Mme Guidi, présidente-assesseure, - M. Michel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2024. Le rapporteur, Signé : A. MichelLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : V. Firmery La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, V. Firmery 2 N° 22NC03146
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de NANCY, 5ème chambre, 03/12/2024, 22NC00807, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 9 décembre 2019 par laquelle le directeur de l'Université de Franche-Comté (UFC) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux, d'annuler le titre exécutoire, d'un montant de 1 607,05 euros, émis à son encontre par l'UFC le 11 décembre 2019 ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux et d'annuler le titre exécutoire, d'un montant de 1 607,05 euros, émis à son encontre par l'UFC le 9 juin 2020. Par un jugement n°s 2000773, 2001250 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté les demandes de M. B.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mars 2022 et 8 août 2023, M. B..., représenté par Me Brière demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 27 janvier 2022 du tribunal administratif de Besançon ; 2°) d'annuler la décision du 9 décembre 2019 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision ; 3°) d'annuler le titre exécutoire du 11 décembre 2019 ainsi que le titre exécutoire du 9 juin 2020 ; 4°) d'enjoindre à l'Université de Franche-Comté de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 5°) de mettre à la charge de l'Université de Franche-Comté une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'entretien ayant occasionné l'accident de service ne s'est pas tenu entre l'agent et l'autorité investie du pouvoir disciplinaire mais l'accident est le fait de l'Université de Franche-Comté ; - cet entretien ne s'est pas déroulé dans des conditions normales, M. B... n'ayant pas été informé au préalable de fautes susceptibles de lui être imputées ; - lors de l'entretien M. B... a été informé qu'il était accusé de faits graves sans plus de précisions ; - ces faits étaient suffisamment graves pour ne plus permettre sa réintégration dans son administration d'origine ; - il s'est trouvé soudainement et brutalement privé de toute garantie procédurale, d'emploi et finalement de fonction sur la base d'accusations infondées et c'est dès lors à tort que les premiers juges ont considéré que l'entretien s'était déroulé dans des conditions n'excédant pas le cadre d'une relation normale de travail ; - la décision de reconnaitre l'imputabilité au service étant illégale, les titres exécutoires doivent être annulés ; - la motivation des titres n'est pas suffisamment précise. Par un mémoire en défense enregistré le 16 janvier 2023, l'Université de Franche-Comté, représentée par la SCP Themis Avocats et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique, - et les observations de Me Clément, substituant Me Brière, pour M. B.... Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 19 juillet 2013, M. B..., attaché territorial au grade de directeur territorial au sein de la commune de Besançon, a été détaché dans le corps des administrateurs de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche pour exercer l'emploi de directeur général adjoint, directeur des ressources humaines de l'Université de Franche-Comté pour une durée de cinq ans à compter du 1er juillet 2013. Ce détachement a été renouvelé pour la même durée par un arrêté du 15 mars 2018. A la fin de l'année 2018, M. B... a présenté sa candidature au poste vacant de directeur général au pôle action sociale et citoyenneté du centre communal d'action sociale de Besançon. Le maire de cette commune a informé M. B... que sa candidature était retenue le 18 janvier 2019. Ce dernier a, en conséquence, sollicité la fin de son détachement et sa réintégration au sein des services de la commune. Par un arrêté du 28 janvier 2019, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a mis fin aux fonctions de M. B... à compter du 1er mars 2019. Toutefois, le 26 février 2019, lors d'un entretien avec le directeur général des services de Besançon, M. B... a été informé qu'il était impossible de le réintégrer au sein des services de la commune dans la mesure où le président de l'Université de Franche-Comté avait adressé à cette dernière un rapport mettant en cause le comportement professionnel de cet agent. Le 28 février 2019, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a retiré l'arrêté du 28 janvier 2019 mettant fin au détachement de M. B.... A la suite de cet entretien, M. B... a été placé en arrêt de maladie ordinaire à plein traitement pour la période du 1er mars au 20 avril 2019, et à demi-traitement du 31 avril au 31 août 2019. 2. M. B... a demandé à l'Université de Franche-Comté que l'accident qu'il estimait avoir subi lors de l'entretien du 26 février 2019 soit reconnu comme étant imputable au service. Par une décision du 9 décembre 2019, le président de l'Université de Franche-Comté a rejeté cette demande de reconnaissance d'imputabilité au service. M. B... a présenté un recours gracieux le 4 février 2020 qui a été implicitement rejeté. Dans le même temps, le 11 décembre 2019, l'Université de Franche-Comté a émis un premier titre exécutoire à l'encontre de M. B... au titre d'un trop perçu de traitement entre le 21 avril et le 31 mai 2019 pour un montant de 1 607, 05 euros. M. B... a contesté cette dette dans le cadre du recours gracieux adressé à l'université le 4 février 2020. Cette dernière a émis un second titre exécutoire le 9 juin 2020 pour la même dette. 3. M. B... relève appel du jugement du 27 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes dirigées contre la décision du 9 décembre 2019, les titres exécutoires des 11 décembre 2019 et 9 juin 2020 et les décisions rejetant implicitement ses recours gracieux. Sur les conclusions dirigées contre la décision du 9 décembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux : En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée aux conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet du recours gracieux : 4. L'article R. 421-1 du code de justice administrative n'implique pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, notamment sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision. 5. Si l'Université de Franche-Comté fait valoir qu'à la date, le 28 mai 2020, de l'enregistrement de la demande de première instance n° 200773 présentée par M. B..., son recours gracieux du 4 février 2020 n'avait, compte tenu des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, pas alors donné lieu à une décision implicite de rejet, cette décision était, toutefois, née à la date du jugement du 27 janvier 2022. Il en résulte que la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité, en raison de leur caractère prématuré, des conclusions de cette demande dirigée contre cette décision implicite doit être écartée. En ce qui concerne le bien-fondé de la décision du 9 décembre 2019 et de la décision implicite de rejet : 6. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / II. - Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service (...) ". 7. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a adressé à l'Université de Franche-Comté, qui l'a reçu le 5 mars 2019, un certificat médical " accident du travail maladie professionnelle " prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 8 mars 2019. La circonstance que ce certificat du 28 février 2019 ne cochait pas les cases " accident du travail " ou " maladie professionnelle " est sans incidence dès lors qu'il était dressé au moyen du formulaire de certificat médical dédié à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle. Les 11 mars et 1er avril 2019, cet établissement public a reçu deux certificats médicaux dressés, l'un le 8 mars 2019 et l'autre le 28 mars 2019, au moyen du même formulaire, cochant la case " accident du travail ", prolongeant l'arrêt de travail respectivement jusqu'au 28 mars 2019 et au 28 avril 2019. Par une lettre du 2 mai 2019, dont la date de réception par M. B... ne ressort pas du dossier, l'Université de Franche-Comté lui a adressé un formulaire de déclaration d'accident de service à l'employeur. Si elle fait valoir n'avoir reçu cette déclaration que le 8 juillet 2019, et non dès le 22 mai 2019 comme le fait valoir M. B..., il ressort toutefois des pièces du dossier que l'arrêt de travail de l'intéressé a été prolongé jusqu'au 27 mai 2019 par un certificat médical du 27 avril 2019, jusqu'au 30 juin 2019 par un certificat médical du 28 mai 2019 et jusqu'au 31 août 2019 par un certificat médical du 30 juin 2019, certificats médicaux que l'étbalissement indique avoir régulièrement reçus. Dans ces conditions, l'Université de Franche-Comté n'est pas fondée à se prévaloir d'une méconnaissance par M. B... du délai de quinze jours prévu au I de l'article 47-3 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires. 9. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées aux points 6 et 7, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. 10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, lors de l'entretien qui s'est déroulé le 26 février 2019, le directeur général des services de la commune de Besançon a informé M. B... que l'Université de Franche-Comté avait transmis à la commune un rapport mettant gravement en cause son comportement professionnel. A la suite de cet entretien et par un courrier du 28 février 2019, la commune a, pour ce motif, expressément renoncé à poursuivre le recrutement de l'intéressé dans un emploi fonctionnel au centre communal d'action sociale de Besançon tout en précisant qu'une enquête administrative serait diligentée pour engager, le cas échéant, une procédure disciplinaire à son encontre. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a ressenti, face à ces éléments, un " choc émotionnel important " suivi d'une " décompensation anxio-dépressive aigüe et sévère " qui ont justifié ses arrêts de travail au cours de la période du 28 février au 31 août 2019. 11. A cet égard, l'intéressé indique, sans que l'Université de Franche-Comté n'apporte aucun élément sérieux de contestation, ne pas avoir été alerté sur le fait que son comportement professionnel posait des difficultés, ne pas avoir été informé préalablement à l'entretien du 26 février 2019 de l'existence d'un tel rapport et ne pas avoir été informé des faits qui auraient été susceptibles de lui être reprochés. L'Université de Franche-Comté n'établit pas ni n'allègue qu'une quelconque procédure disciplinaire aurait été engagée à l'encontre de M. B.... Par ailleurs, par un courrier du 21 juin 2019, le maire de Besançon a informé M. B... que l'enquête administrative menée par la commune ne permettait pas de conclure à l'existence d'une faute professionnelle de nature à justifier l'ouverture d'une procédure disciplinaire. Enfin, l'Université de Franche-Comté a fait réaliser une expertise le 21 août 2019 au terme de laquelle l'expert a identifié un lien direct entre la symptomatologie et l'évènement survenu dans le contexte professionnel et a considéré que l'événement pouvait " être considéré comme imputable au service ", d'une part, et la commission de réforme a rendu un avis le 14 novembre 2019 reconnaissant que l'accident subi par l'agent est imputable au service, d'autre part. Ainsi, et alors même que l'entretien du 26 février 2019 ne s'est pas déroulé au sein de l'Université de Franche-Comté et en présence de membres de cette dernière, la lésion occasionnée à M. B... en raison de la tenue de cet entretien et des circonstances particulières dans lesquelles il s'est déroulé est survenue par le fait ou à l'occasion du service. Ne ressortent pas du dossier une faute personnelle ou une circonstance particulière détachant l'accident du service. 12. Dans ces conditions, l'accident subi par M. B... le 26 février 2019 est imputable au service et la décision du 9 décembre 2019 ainsi que la décision rejetant implicitement le recours gracieux de M. B... procèdent d'une inexacte application des dispositions du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Il en résulte que M. B... est fondé, sur ce point, à demander l'annulation du jugement attaqué et de ces décisions. Sur les conclusions dirigées contre les titres exécutoires : 13. Il résulte de l'instruction que M. B... a, tout d'abord, reçu une facture, valant titre exécutoire, en date du 11 décembre 2019, le constituant débiteur de la somme de 1 607, 05 euros, correspondant à un trop-perçu de rémunération pour la période du 21 avril au 31 mai 2019. M. B... a, par une lettre du 4 février 2020, saisi le président de l'Université de Franche-Comté d'une réclamation, contestant notamment tant la régularité de ce titre exécutoire que le bien-fondé de la créance. M. B..., par une lettre de l'agent comptable de l'Université de Franche-Comté du 3 juin 2020, a, ensuite, reçu notification d'un titre exécutoire en date du 9 juin 2020, le constituant débiteur de la même somme de 1 607, 05 euros, constituant la même créance que celle formant l'objet de la facture du 11 décembre 2019, d'ailleurs jointe à ce second titre exécutoire. En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par l'université de Franche-Comté : 14. Aux termes de l'article 2 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les dispositions du titre II sont applicables à l'Etat. ". Aux termes de l'article 118 de ce décret : " En cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / Le droit de contestation d'un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause. / Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l'ordonnateur à l'origine du titre qui dispose d'un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. A défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée. / La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent. ". 15. L'article 118 du décret du 7 novembre 2012 fait partie du titre II, relatif à la gestion budgétaire et comptable de l'Etat, de ce décret. Il n'est pas applicable à l'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel que constitue l'Université de Franche-Comté. Il en résulte que la fin de non-recevoir opposée par l'Université de Franche-Comté, tirée de ce que M. B... n'a pas, avant d'en saisir le tribunal administratif de Besançon, saisi le comptable chargé du recouvrement de réclamations dirigées contre les titres exécutoires du 11 décembre 2019 et du 9 juin 2020 ne peut qu'être écartée. Sur le bien-fondé des titres exécutoires : 16. Eu égard à ce qui été dit au point 12, l'accident survenu le 26 février 2019 est imputable au service et en conséquence, en application des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 rappelées aux points 4 et 5, M. B... avait droit au bénéfice d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service entre le 28 février 2019 et le 31 août 2019 et pouvait, à ce titre, conserver l'intégralité de son traitement. En conséquence, l'Université de Franche-Comté n'a pu valablement constater l'existence d'un trop-perçu de rémunération au titre de la période du 21 avril au 31 mai 2019. 17. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré du défaut d'indication des bases de la liquidation, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes dirigées contre les titres exécutoires des 11 décembre 2019 et 9 juin 2020. En conséquence, il y a lieu de le décharger de la dette de 1 607, 05 euros qui lui a été assignée par ces titres. Sur les conclusions à fin d'injonction : 18. Le motif d'annulation de la décision du 9 décembre 2019 implique nécessairement, par application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'Université de Franche-Comté, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 26 février 2019 et d'en tirer toutes les conséquences sur la situation administrative de l'intéressé. Sur les frais liés au litige : 19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Université de Franche-Comté le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que l'Université de Franche-Comté demande au même titre. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 27 janvier 2022 est annulé. Article 2 : La décision du président de l'Université de Franche-Comté du 9 décembre 2019 et la décision rejetant implicitement le recours gracieux contre cette décision sont annulées. Article 3 : Il est enjoint au président de l'Université de Franche-Comté de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident subi par M. B... le 26 février 2019 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et d'en tirer toutes les conséquences sur sa situation administrative. Article 4 : M. B... est déchargé de la dette de 1 607, 05 euros qui lui a été assignée par les titres exécutoires du 11 décembre 2019 et du 9 juin 2020. Article 5 : L'Université de Franche-Comté versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 7 : Les conclusions de l'Université de Franche-Comté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à l'Université de Franche-Comté. Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Durup de Baleine, président de chambre, - M. Axel Barlerin, premier conseiller, - Mme Nolwenn Peton, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2024. La rapporteure, Signé : N. A...Le président, Signé : A. Durup de Baleine Le greffier, Signé : A. Betti La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier, A. Betti N° 22NC00807 2
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de BORDEAUX, 1ère chambre, 28/11/2024, 22BX02480, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Etat à lui verser la somme de 421 000 euros assortie des intérêts au taux légal, au titre des préjudices moral et financier qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité des décisions de placement en disponibilité d'office prises en 2015 à titre rétroactif et de l'inertie fautive de l'administration depuis cette époque, d'enjoindre au recteur de l'académie de La Réunion de reconstituer sa carrière, de reconnaître l'imputabilité au service des suites de son accident, ainsi que ses droits à bénéficier d'une promotion d'échelon, d'une pension civile d'invalidité et d'une rente viagère d'invalidité à compter du 1er janvier 2020, enfin d'annuler le titre de pension de retraite du 30 septembre 2019 en tant qu'il ne prend pas en compte l'ensemble des droits liés à la reconstitution de carrière sollicitée. Par un jugement n° 1901654 du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 septembre et 14 novembre 2022, M. C... A..., représenté par Me Gatineau, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2022 du tribunal administratif de La Réunion ; 2°) d'annuler les décisions par lesquelles l'administration a refusé, notamment suite à sa demande du 31 décembre 2019, de reconnaître l'imputabilité au service de ses périodes d'arrêt de travail, de régulariser sa situation administrative sur la base d'une telle reconnaissance et de reconstituer sa carrière en prenant en compte un avancement au 11ème échelon ; 3°) d'enjoindre à l'administration de reconnaitre l'imputabilité au service de ses périodes d'arrêt de travail, de régulariser sa situation administrative sur la base d'une telle reconnaissance et de reconstituer sa carrière en prenant en compte un avancement au 11ème échelon ; 4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 421 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre des préjudices moral et financier qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité des décisions de disponibilité d'office prises en 2015 à titre rétroactif et de l'inertie fautive de l'administration depuis cette époque, somme à parfaire en tenant compte de la reconstitution de sa carrière et d'un avancement au 11ème échelon ; 5°) d'annuler le titre de pension de retraite du 30 septembre 2019 en tant qu'il ne prend pas en compte l'ensemble des droits liés à la reconstitution de carrière sollicitée et d'enjoindre à l'administration de prendre un nouveau titre de pension de retraite en tenant compte ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative Il soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement : - il n'est pas justifié que la minute du jugement aurait été signée ; - le tribunal s'est trompé dans l'interprétation de ses conclusions, en estimant qu'il ne sollicitait pas l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande du 31 décembre 2019 ; il n'a pas donné d'effet utile à sa requête en rejetant comme irrecevables, à défaut de conclusions en annulation, ses conclusions tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service des suites de ses accidents, à ce qu'il soit statué sur ses droits à avancement d'échelon et à reconstitution de carrière, ou tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de régulariser sa situation. - le tribunal a omis de répondre aux moyens tirés, d'une part, de ce que les arrêtés du 20 février 2015 sont entachés d'illégalité fautive en ce qu'ils l'ont placé en disponibilité d'office alors qu'un tel placement était impossible du fait de la reconnaissance de son inaptitude définitive, d'autre part, de ce que la décision du 30 septembre 2019 lui attribuant une pension d'invalidité devait être annulée en ce qu'elle ne tenait pas compte dans le calcul de sa pension de la reconstitution de carrière emportant une promotion d'échelon. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de décision implicite de rejet de sa demande du 31 décembre 2019 : - l'imputabilité au service de ses arrêts de travail est confirmé par des avis médicaux, de sorte qu'il avait droit à l'intégralité de son traitement jusqu'à sa mise à la retraite et qu'il ne pouvait légalement être placé en disponibilité d'office ; - c'est donc à tort que l'administration a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de ses périodes d'arrêt de travail, et par suite de régulariser sa situation administrative sur la base d'une telle reconnaissance et de reconstituer sa carrière en prenant en compte un avancement au 11ème échelon. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : - les arrêtés du 20 février 2015 portant mise en disponibilité d'office sont illégaux en ce qu'ils ont abouti à le priver du traitement et des droits à l'avancement auxquels il avait droit en raison de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail, par application de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 ; - ils ont été pris en méconnaissance de l'obligation de reclassement pesant sur l'administration ; - l'illégalité fautive entachant les arrêtés du 20 février 2015 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; - son préjudice financier doit être indemnisé à ce titre à hauteur de 341 000 euros ; - l'inertie de l'administration, qui n'a pas régularisé sa situation pour la période écoulée jusqu'à son admission à la retraite, est également constitutive d'une faute ; - son préjudice moral et troubles dans les conditions d'existence doivent à ce titre être réparés à hauteur de 80 000 euros. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation du titre de pension du 30 septembre 2019 : - son titre de pension du 30 septembre 2019 ne prend pas en compte les droits liés à la reconstitution de carrière à laquelle il peut prétendre, notamment au titre d'une reconnaissance d'imputabilité au service pour ses congés de maladie liés à son accident au service. En ce qui concerne le surplus : - il entend reprendre l'intégralité des moyens déjà invoqués en première instance. Par un mémoire en défense enregistré le 17 août 2023, la rectrice de l'académie de la Réunion conclut au rejet de la requête, en s'en rapportant à ses observations de première instance. Par une lettre du 7 novembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions, nouvelles en appel, tendant à l'annulation des décisions de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service des périodes d'arrêt de travail de M. A..., de régularisation de sa situation administrative et de reconstitution de sa carrière, ainsi que des conclusions en injonction accessoires à ces conclusions en annulation. Une réponse au moyen d'ordre public, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 12 novembre 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo, - et les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public, Considérant ce qui suit : 1. M. C... A..., professeur d'éducation physique et sportive (B...), a subi le 8 janvier 1982, une entorse du genou dont les séquelles ont été prises en compte au titre du régime des accidents de service. Le 7 novembre 1997, il a subi un nouvel accident qui a nécessité une intervention chirurgicale du genou. En raison de la persistance et de l'acuité de ses douleurs et gênes au niveau du genou, il a été dans l'impossibilité d'accomplir ses fonctions à compter du 17 août 2011 et a été placé en congé de maladie ordinaire à compter de cette date. Par un arrêté du 22 août 2013, il a été placé, après épuisement de ses droits à congé de maladie ordinaire, en position de disponibilité d'office entre le 17 août 2012 et 16 août 2014. Cet arrêté ayant été annulé par un jugement du tribunal administratif de La Réunion en date du 29 décembre 2014, deux nouveaux arrêtés ont été pris par le recteur de l'académie de La Réunion, le 20 février 2015, en exécution de l'injonction prononcée par le tribunal, afin de confirmer le placement d'office de l'intéressé dans la position de disponibilité d'office pour deux périodes consécutives d'une année, d'abord entre le 17 août 2012 et le 16 août 2013, puis entre le 17 août 2013 et le 16 août 2014. A la suite de l'avis de la commission de réforme du 26 avril 2018 constatant l'inaptitude définitive et absolue de M. A... à l'exercice de ses fonctions et à toute autre fonction, une décision de mise à la retraite pour invalidité a été prise et un titre de pension lui a été délivré par le service des retraites de l'Etat le 30 septembre 2019, comportant une date d'effet fixée rétroactivement au 17 août 2014. Par un courrier du 31 décembre 2019, M. A... a demandé au recteur de l'académie de La Réunion de régulariser sa situation sur la base d'une " reconnaissance d'imputabilité au service des suites des accidents de 1982 et 1997 ", de procéder à une reconstitution de carrière prenant en compte un avancement au 11ème échelon, ainsi qu'à la fixation de ses droits à pension sur des bases réévaluées, d'annuler le titre de pension de retraite du 30 septembre 2019 et de lui allouer des indemnités de 341 000 euros et 80 000 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait, respectivement, de l'illégalité des arrêtés du 20 février 2015 et de l'inertie fautive de l'administration depuis cette époque. Le silence gardé par l'administration pendant plus de deux mois ayant fait naitre une décision implicite de rejet, M. A... a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 421 000 euros assortie des intérêts au taux légal, à ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de La Réunion de reconstituer sa carrière, à ce que le tribunal reconnaisse l'imputabilité au service des suites de son accident, ainsi que ses droits à bénéficier d'une promotion d'échelon, d'une pension civile d'invalidité et d'une rente viagère d'invalidité à compter du 1er janvier 2020, et enfin à l'annulation du titre de pension de retraite du 30 septembre 2019 en tant qu'il ne prend pas en compte l'ensemble des droits liés à la reconstitution de carrière sollicité. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 15 juillet 2022 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Dès lors, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier faute de comporter ces signatures doit être écarté comme manquant en fait. 3. En deuxième lieu, il ressort de la formulation sans ambiguïté des écritures présentées par M. A..., avec l'assistance d'un conseil, devant le tribunal administratif de la Réunion, que sa demande tendait à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 421 000 euros assortie des intérêts au taux légal, à ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de La Réunion de reconstituer sa carrière, à ce que le tribunal reconnaisse l'imputabilité au service des suites de son accident, ainsi que ses droits à bénéficier d'une promotion d'échelon, d'une pension civile d'invalidité et d'une rente viagère d'invalidité à compter du 1er janvier 2020, et enfin à l'annulation du titre de pension de retraite du 30 septembre 2019 en tant qu'il ne prend pas en compte l'ensemble des droits liés à la reconstitution de carrière sollicité. Alors que son courrier du 31 décembre 2019 était expressément présenté en pièce jointe comme une demande préalable indemnitaire, le tribunal a pu, sans se méprendre sur la portée des conclusions, estimer que M. A... ne sollicitait pas l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet de cette demande, qui était présentée comme ayant seulement pour objet de lier le contentieux indemnitaire, mais présentait seulement à ce titre des conclusions indemnitaires et à fin de déclaration de droits. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges n'auraient pas donné d'effet utile à sa requête en rejetant comme irrecevables, à défaut de conclusions en annulation, ses conclusions tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service des suites de ses accidents, à ce qu'il soit statué sur ses droits à avancement d'échelon et à reconstitution de carrière, ou tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de régulariser sa situation. 4. En troisième lieu, M. A... soutient que les premiers juges auraient omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les arrêtés de placement en disponibilité d'office pris le 20 février 2015 seraient illégaux au regard de dispositions législatives qui excluraient un tel placement en cas d'inaptitude définitive comme tel était son cas. Toutefois, il ressort des termes du jugement que les premiers juges, qui ont cité au point 4 les dispositions textuelles applicables au litige, ont considéré au point 8 que les arrêtés du 20 février 2015 tendaient, en exécution du jugement du 29 décembre 2014, à une régularisation de la situation du requérant entre l'expiration de son congé de maladie et la date d'effet de sa mise à la retraite pour invalidité. Ce faisant, les premiers juges ont nécessairement, même si implicitement, écarté le moyen invoqué. Sur la recevabilité des conclusions d'appel de M. A... : 5. M. A... présente devant la cour des conclusions tendant à l'annulation des décisions de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de ses périodes d'arrêt de travail, de régularisation de sa situation administrative et de reconstitution de sa carrière. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 3, la demande de première instance ne peut être interprétée comme comportant de telles conclusions, lesquelles sont dès lors nouvelles en appel. Par suite, ces conclusions irrecevables doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions en injonction accessoires à ces conclusions en annulation. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la responsabilité : S'agissant de la légalité des arrêtés du 20 février 2015 : 6. Aux termes de l'article 51 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors en vigueur : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 ci-dessus (...) ". Aux termes de l'article 34 de la même loi : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs, en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 63 de la même loi : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. ". Aux termes de l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires à congé de maladie (...) et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire (...) / La durée de la disponibilité prononcée d'office ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite (...) ". 7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'administration doit, après avis du comité médical, inviter le fonctionnaire qui a été déclaré inapte à l'exercice de ses fonctions par suite de l'altération de son état physique et dont le poste de travail ne peut être adapté, à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. 8. Par deux arrêtés du 20 février 2015, le recteur de l'académie de la Réunion a placé M. A... " en disponibilité d'office après expiration des droits statutaires à congés de maladie " pour les périodes successives du 17 août 2012 au 16 août 2013 et du 17 août 2013 au 16 août 2014. Ce placement en disponibilité d'office n'étant toutefois intervenu qu'à titre rétroactif, en exécution de l'injonction prononcée par le jugement du tribunal administratif de La Réunion en date du 29 décembre 2014 et pour régulariser la situation de M. A..., ce dernier n'est pas fondé, dans les circonstances particulières de l'espèce, à soutenir que l'administration était tenue de l'inviter, préalablement à l'édiction de ces mesures rétroactives nécessaires à la régularisation de sa situation administrative, à présenter une demande de reclassement. 9. Si M. A... soutient également que les deux arrêtés du 20 février 2015 le plaçant en disponibilité d'office seraient illégaux dès lors qu'en raison de l'accident de service dont il considère désormais avoir été victime, il aurait pu prétendre à l'intégralité de son traitement jusqu'à sa mise à la retraite d'office, en application du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, la simple régularisation de la situation de l'agent par l'administration, qui résulte de l'obligation de le placer rétroactivement dans une situation régulière, ne préjuge en rien de son droit à percevoir ou non l'intégralité de son traitement en raison du régime spécifique de l'accident de service, qu'il n'avait au demeurant pas sollicité à l'époque. Par suite, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté. 10. Par suite, en l'absence d'illégalité fautive entachant les arrêtés du 20 février 2015, M. A... n'est pas fondé à demander l'engagement de la responsabilité de l'Etat à ce titre. S'agissant de l'inertie imputée à l'administration : 11. M. A... soutient que les services du rectorat auraient fait preuve d'une inertie fautive dans le traitement de sa situation administrative postérieurement aux arrêtés du 20 février 2015 l'ayant placé, à titre rétroactif, en disponibilité d'office pour la période du 17 août 2012 au 16 août 2014. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'alors que M. A... a sollicité, par courrier du 27 février 2014, le bénéfice d'une pension civile d'invalidité prenant effet au 17 août 2014, une expertise a été diligentée et le rapport de l'expert, établi le 24 novembre 2014, a été adressé au comité médical départemental, lequel, par un avis du 30 janvier 2015, a sursis à statuer compte tenu de la contre-expertise sollicitée, ainsi qu'elle en avait le droit, par l'administration, sur l'aptitude de M. A... à exercer les fonctions d'enseignant B... et sur la possibilité d'un reclassement professionnel. A la suite du rapport de contre-expertise établi le 18 janvier 2017, le comité médical départemental a rendu un avis le 7 septembre 2017, par lequel il a estimé que M. A... n'était pas apte à l'exercice de ses fonctions de professeur B..., mais qu'il pouvait bénéficier d'un reclassement professionnel. Au vu de cet avis, le recteur de l'académie de La Réunion a très rapidement, par courrier du 15 septembre 2017, invité M. A... à présenter une demande de reclassement et à prendre attache auprès du médecin de prévention, et précisé à l'intéressé que ce reclassement lui serait proposé en fonction des préconisations de ce médecin. Il ne résulte pas de l'instruction que M. A... aurait fait suite à ce courrier en présentant une demande de reclassement et en contactant le médecin de prévention. Prenant acte de l'absence de demande de reclassement de la part de M. A..., l'administration a alors demandé une expertise médicale en vue d'une mise à la retraite pour invalidité. Le rapport d'expertise établi le 6 avril 2018 a été adressé au comité médical départemental, lequel a estimé, par avis du 26 avril 2018, que M. A... est inapte de façon absolue et définitive à ses fonctions et à toute fonction sans possibilité de reclassement et que les troubles pathologiques constatés par l'expertise du 6 avril 2018 sont imputables à l'accident de service du 8 janvier 1982, l'incapacité permanente partielle étant évaluée à 20 %. Enfin, par un avis du 23 mai 2019, le comité médical départemental s'est prononcé en faveur d'une mise à la retraite pour invalidité. Il résulte de la chronologie de ces faits que l'administration n'est pas restée inactive dans la gestion du dossier de l'agent au cours de la longue période qui s'est écoulée entre les arrêtés du 20 février 2015 et la décision, intervenue en septembre 2019, de mise à la retraite pour invalidité avec fixation d'une date d'effet correspondant à l'expiration de la dernière période de disponibilité ayant eu pour effet de régulariser la situation de l'agent pour toute la période écoulée depuis le 17 août 2014. Par suite, M. A... n'est pas fondé à demander l'engagement de la responsabilité de l'Etat au titre d'une inertie fautive. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions indemnitaires. Sur les conclusions dirigées contre le titre de pension du 30 septembre 2019 : 13. Les conclusions présentées par M. A... et tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant que celui-ci a statué sur sa demande dirigée contre le titre de pension de retraite du 30 septembre 2019 se rapportent à un litige en matière de pensions. En vertu des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, de telles conclusions ne ressortissent pas à la compétence de la Cour mais à celle du Conseil d'Etat, statuant en tant que juge de cassation. Il y a lieu, dès lors, de transmettre ces conclusions au Conseil d'Etat en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative. Sur les frais liés à l'instance : 14. Les dispositions de l'article 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande M. A... au titre de ses frais liés à l'instance. DECIDE : Article 1er : Les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 15 juillet 2022, en tant que celui-ci a statué sur sa demande dirigée contre le titre de pension du 30 septembre 2019, sont transmises au Conseil d'Etat. Article 2 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à C... A... et à la ministre de l'éducation nationale. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de La Réunion. Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient : Mme Evelyne Balzamo, présidente, Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure, Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2024. La rapporteure, Béatrice Molina-Andréo La présidente, Evelyne Balzamo La greffière, Sylvie Hayet La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 22BX02480
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANTES, 6ème chambre, 26/11/2024, 23NT01665, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par deux demandes, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes : - d'annuler la décision du 15 juillet 2019 par laquelle la préfète de la zone de défense et de sécurité ouest a conféré un caractère rétroactif au 22 janvier 2019 à son admission à la retraite anticipée d'office pour invalidité non imputable au service, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ainsi que de la décision explicite du 8 octobre 2019. - d'annuler le titre de perception émis le 20 septembre 2019 par la direction régionale des finances publiques (DRIFP) d'Ille-et-Vilaine lui réclamant la somme de 5 742,77 euros, ainsi que la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur de son recours administratif préalable. Par un jugement n°1905312, 2001950 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé, d'une part, la décision du 8 octobre 2019 en tant qu'elle réclame à M. A... un trop-perçu de prestations et décide qu'un titre de perception pour le recouvrement de ce trop-perçu sera émis par la direction régionale des finances publiques de Bretagne et Ille-et-Vilaine, d'autre part, le titre de perception émis le 20 septembre 2019 à l'encontre de M. A... et la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur de son recours administratif préalable, il a également déchargé M. A... de l'obligation de payer la somme de 5 742,77 euros réclamée par le titre exécutoire émis le 20 septembre 2019, mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des deux requêtes de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 8 juin 2023, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 avril 2023 en tant qu'il a : 1 - dans son article 2, annulé la décision du 8 octobre 2019 en tant qu'elle réclame à M. A... un trop-perçu de prestations et qu'elle décide qu'un titre de perception pour le recouvrement de ce trop-perçu sera émis par la direction régionale des finances publiques de Bretagne ; 2 - dans son article 3, annulé le titre de perception émis le 20 septembre 2019 à l'encontre de M. A... et la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur de son recours administratif préalable ; 3 - dans son article 4, déchargé M. A... de l'obligation de payer la somme de 5 742,77 euros réclamée par le titre exécutoire émis le 20 septembre 2019 ; 4 - et de rejeter les demandes présentées par M. A.... Il soutient que : -la jurisprudence du CE n°412684 " Commune du Perreux-sur-Marne " ne saurait s'appliquer au cas d'espèce, dès lors que M. A..., contrairement au fonctionnaire concerné par la décision du Conseil d'Etat, qui avait été placé rétroactivement en disponibilité et n'avait ainsi droit à aucun traitement, a été placé rétroactivement à la retraite et a perçu à ce titre sa pension ; - si l'administration est tenue de verser à l'agent un demi-traitement dans l'attente de la décision définitive réglant sa situation à l'expiration de ses droits statutaires à congés de maladie, en application des dispositions du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, un fonctionnaire rétroactivement radié des cadres pour admission à la retraite et bénéficiant à ce titre d'une pension ne détient d'aucune disposition statutaire, le droit de cumuler les sommes versées sur la base des dispositions du décret du 14 mars 1986 avec sa pension de retraite perçue rétroactivement pour la même période. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2023, M. A... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé. Par un courrier du 10 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la lettre du 8 octobre 2019 par laquelle le préfet délégué pour la défense et la sécurité a réclamé à M. A... un trop-perçu de prestations et a décidé que le recouvrement fera l'objet d'un titre de perception émis par la direction régionale des finances publiques de Bretagne. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n°95-654 du 9 mai 1995 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique, - et les observations de Me Vautier, pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., gardien de la paix, a été placé en congés de maladie ordinaire du 21 janvier 2018 au 22 janvier 2019. Par un avis du 10 janvier 2019, le comité médical a estimé que M. A... était définitivement inapte à toute fonction. Par une décision du 12 février 2019, il a été placé en disponibilité d'office pour raisons médicales à compter du 22 janvier 2019 et jusqu'au 30 avril 2019, dans l'attente d'une décision relative à sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service. A compter du 22 janvier 2019, M. A... a perçu un demi-traitement et le 13 février 2019, il a demandé son admission à la retraite à compter du 1er mai 2019. Par une décision du 10 avril 2019, la mise en disponibilité d'office pour raisons médicales de M. A... a été prolongée jusqu'au 31 juillet 2019, l'intéressé continuant de percevoir son demi-traitement. Par un avis du 10 janvier 2019, le comité médical interdépartemental de la police nationale a de nouveau estimé que M. A... était définitivement inapte à toute fonction. Par un avis du 2 juillet 2019, le service des retraites de l'Etat a donné un avis conforme à la mise à la retraite pour invalidité de l'intéressé à compter du 22 janvier 2019. Par un arrêté du 15 juillet 2019, la préfète de la zone de défense et de sécurité ouest a admis M. A... à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 22 janvier 2019. Le 29 juillet 2019, M. A... a exercé un recours gracieux à l'encontre de cette décision. Par une décision du 8 octobre 2019, la préfète a rejeté le recours gracieux de l'intéressé. Le 20 septembre 2019, a été émis à l'encontre de M. A... un titre de perception d'un montant de 5 743,77 euros au titre d'un " indu de rémunération ". Le 22 octobre 2019, M. A... a formé, devant la direction régionale des finances publiques (DRIFP) Bretagne et Ille-et-Vilaine, une réclamation préalable à l'encontre de ce titre de perception qui a été implicitement rejetée. M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de la décision du 15 juillet 2019 faisant valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 22 janvier 2022, la décision de refus implicite de son recours gracieux, la décision explicite du 8 octobre 2019 par laquelle la préfète rejette son recours gracieux, le titre de perception de la DRIFP d'Ille-et-Vilaine d'un montant de 5 743,77 euros ainsi que de la décision de rejet implicite de son recours gracieux contre ce titre de perception. 2. Par un jugement du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé, d'une part, la décision du 8 octobre 2019 en tant qu'elle réclame à M. A... un trop-perçu de prestations et décide qu'un titre de perception pour le recouvrement de ce trop-perçu sera émis par la direction régionale des finances publiques de Bretagne, d'autre part, le titre de perception émis le 20 septembre 2019 à l'encontre de M. A... et la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur de son recours administratif préalable. Il a également déchargé M. A... de l'obligation de payer la somme de 5 742,77 euros réclamée par le titre exécutoire émis le 20 septembre 2019, mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des deux requêtes de M. A.... Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement, en tant qu'il a dans son article 2, annulé la décision du 8 octobre 2019 en tant qu'elle réclame à M. A... un trop-perçu de prestations et qu'elle décide qu'un titre de perception pour le recouvrement de ce trop-perçu sera émis par la direction régionale des finances publiques de Bretagne et Ille-et-Vilaine, dans son article 3, annulé le titre de perception émis le 20 septembre 2019 à l'encontre de M. A... et la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur de son recours administratif préalable, dans son article 4, déchargé M. A... de l'obligation de payer la somme de 5 742,77 euros réclamée par le titre exécutoire émis le 20 septembre 2019 et le rejet des demandes présentées par M. A... devant le tribunal. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. En premier lieu, la lettre par laquelle l'administration se borne à informer un fonctionnaire qu'il doit rembourser une somme indument payée et qu'en l'absence de paiement spontané de sa part, un ordre de reversement ou un titre de perception lui sera notifié ne constitue pas un acte susceptible de recours. Par suite, les conclusions de M. A... dirigées contre la lettre du 8 octobre 2019 par laquelle le préfet délégué pour la défense et la sécurité ouest s'est borné à informer l'intéressé que le trop-perçu correspondant aux prestations qui lui ont été versées pour la période du 22 janvier 2019 au 31 juillet 2019 ferait l'objet de l'émission d'un titre de perception émis par la direction régionale des finances publiques de Bretagne, étaient irrecevables. Par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué, en tant qu'il annule la lettre du 8 octobre 2019. 4. En second lieu, et d'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée n'est attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. (...) ". Aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986, dans sa version applicable au litige : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable (...) il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite (...) ". Aux termes de l'article 47 du même décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme. / Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. ". Aux termes de l'article 40 du décret du 9 mai 1995 susvisé : " Si le total des absences liées aux congés de maladie dépasse 365 jours pendant une période de 15 mois, les fonctionnaires visés à l'article précédent peuvent, après avis du comité médical compétent, (...) être admis à la retraite par voie de réforme. Dans ce dernier cas, les fonctionnaires peuvent prétendre au maintien de leur traitement et de l'indemnité de sujétion spéciale jusqu'à la décision d'admission à la retraite, prise après avis de la commission de réforme, sous réserve que cette décision intervienne dans un délai de deux mois à compter du 365ème jour de congé. En cas de mise en disponibilité d'office, le fonctionnaire perçoit une allocation représentant un demi-traitement et la moitié des indemnités prévues à l'article 39 ci-dessus. Ce demi-traitement est celui afférent à l'indice détenu par le fonctionnaire au moment de sa mise en disponibilité. (...) Toutefois les fonctionnaires ayant bénéficié du congé prévu à l'article précédent, qui sont reconnus dans l'impossibilité définitive de reprendre leurs fonctions ou remplissent les conditions d'ancienneté exigées pour l'ouverture du droit à pension, peuvent être réformés à leur demande ou sur décision de l'administration avant l'expiration du délai de quinze mois mentionné ci-dessus. ". 5. D'autre part, l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit que : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...) ". Aux termes de l'article R. 36 du même code : " La mise en paiement de la pension de retraite ou de la solde de réforme peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres lorsque cette décision doit nécessairement avoir un effet rétroactif en vue soit d'appliquer des dispositions statutaires obligeant à placer l'intéressé dans une position administrative régulière, soit de tenir compte de la survenance de la limite d'âge, soit de redresser une illégalité. ". 6. Il résulte des dispositions précitées, que, lorsque l'agent a épuisé ses droits à un congé de maladie ordinaire ou de longue maladie, il appartient à la collectivité qui l'emploie, d'une part, de saisir le comité médical, qui doit se prononcer sur son éventuelle reprise de fonctions ou sur sa mise en disponibilité, son reclassement dans un autre emploi ou son admission à la retraite et, d'autre part, de verser à l'agent un demi-traitement dans l'attente de la décision du comité médical. Par ailleurs, la circonstance que la décision prononçant la reprise d'activité, le reclassement, la mise en disponibilité ou l'admission à la retraite emporte effet rétroactif à la date de fin des congés de maladie n'a pas pour effet de retirer le caractère créateur de droits du maintien du demi-traitement prévu par ces dispositions. Ainsi le demi-traitement versé au titre de ces dispositions, qui ne présente pas un caractère provisoire, reste acquis à l'agent alors même que celui-ci a, par la suite, été admis rétroactivement à la retraite. 7. Il résulte de l'instruction que M. A..., qui avait épuisé ses droits à congés pour maladie ordinaire, a été placé en disponibilité d'office pour raisons médicales du 22 janvier 2019 au 31 juillet 2019, pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis de la commission de réforme puis dans l'attente de l'avis du service des retraites de l'Etat (SRE) sur sa demande tendant à être admis à la retraite. Durant cette période, il a perçu, en application des dispositions précitées de l'article 40 du décret du 9 mai 1995 précité, un demi-traitement. Puis, par un arrêté du 15 juillet 2019, la préfète déléguée pour la défense et la sécurité ouest a admis M. A... à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service, rétroactivement, à compter du 22 janvier 2019. A la suite de cette décision du 15 juillet 2019, M. A..., rétroactivement radié des cadres et bénéficiant à ce titre d'une pension de retraite, a cumulé cette pension avec le demi-traitement perçu au titre de sa mise en disponibilité d'office. Un titre de perception a alors été émis le 20 septembre 2019 par le directeur régional des finances publiques de Bretagne et Ille-et-Vilaine pour lui réclamer la somme de 5 742,77 euros au titre d'un " indu de rémunération ". 8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A... avait droit au maintien de son demi-traitement qui lui restait acquis après son admission rétroactive à la retraite. Le préfet délégué de la zone de défense et de sécurité Ouest, ordonnateur de ce demi-traitement, ne pouvait, en conséquence, légalement répéter, par le titre exécutoire litigieux, cette somme qui ne constituait pas un indu de rémunération. 9. Si M. A... ne tenait d'aucune disposition statutaire ou du code des pensions civiles et militaires de retraites - sa situation ne relevant pas des cas dérogatoires de cumul légal prévus par les articles L.84 et L.86 du code des pensions civiles de retraites- le droit de cumuler les sommes versées au titre de son demi-traitement et sa pension de retraite perçue rétroactivement pour la même période, il n'appartenait pas au préfet délégué de la zone de défense et de sécurité Ouest, ordonnateur de la rémunération, de procéder à la répétition d'un éventuel trop perçu de pension civile. 10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé le titre de perception émis le 20 septembre 2019 à l'encontre de M. A... ainsi que la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur de son recours administratif préalable et a prononcé la décharge totale de l'obligation de payer la somme de 5 742,77 euros mise à la charge de M. A.... Sur les frais liés au litige : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : L'article 2 du jugement du 13 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé, en tant qu'il annule la lettre du 8 octobre 2019 réclamant à M. A... un trop-perçu de prestations et qu'elle prévoit qu'un titre de perception pour le recouvrement de ce trop-perçu sera émis par la direction régionale des finances publiques de Bretagne et Ille-et-Vilaine. Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la préfète de la zone de défense et de sécurité ouest, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Une copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine. Délibéré après l'audience du 11 octobre 2024 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 novembre 2024. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT01665
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de LYON, 3ème chambre, 27/11/2024, 23LY00412, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler d'une part, la décision du 17 juillet 2019 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Isère a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 16 septembre 2019, d'autre part, la décision implicite du 25 février 2022 par laquelle le SDIS a rejeté sa demande indemnitaire présentée le 24 décembre 2021, tendant à la prise en charge des honoraires des consultations de psychologie effectuées auprès de Mme B... et de condamner le SDIS à lui verser la somme de 1 545 euros en remboursement des honoraires de la psychologue spécialisée en prévention des risques psychosociaux consultée entre juillet 2012 et juin 2017, enfin d'enjoindre au SDIS de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un jugement n° 2000323 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 6 février 2023, un mémoire récapitulatif, enregistré le 25 juillet 2024, et un mémoire enregistré le 6 novembre 2024 qui n'a pas été communiqué, M. D..., représenté par Me Bacha, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 novembre 2022 ; 2°) d'annuler les décisions précitées ; 3°) d'enjoindre au SDIS de l'Isère de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie à compter du 13 mai 2002, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, avec consolidation au 1er janvier 2019 et un taux d'invalidité de 20 %, et de prendre en charge l'ensemble des honoraires médicaux et frais découlant de la pathologie imputable au service ; 4°) de mettre à la charge du SDIS les frais d'expertise médicale et, par suite, de condamner ce dernier à lui restituer la somme de 450 euros ; 5°) de mettre à la charge du SDIS une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les troubles dépressifs, du sommeil et cardiaques dont il souffre depuis 2002 sont imputables au service. Par deux mémoires en défense enregistrés les 23 mai et 5 novembre 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Isère, représenté par Me Bazin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique, - les observations de Me Bacha, représentant M. D... et celles de Me Marginean représentant le Service départemental d'incendie et de secours de l'Isère. Une note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2024, a été présentée pour M. D.... Considérant ce qui suit : 1. M. D..., lieutenant-colonel des sapeurs-pompiers professionnels, a été affecté le 1er janvier 2010 en qualité de chef du groupement Prévision de l'état-major du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Isère. Le 7 juillet 2018, il a formé une demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de troubles dépressifs, du sommeil et cardiaques dont il souffre depuis 2002. Le président du conseil d'administration du SDIS, ne suivant pas l'avis favorable rendu par la commission de réforme rendu le 16 mai 2019, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie par une décision du 17 juillet 2019. M. D... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 juillet 2019, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 16 septembre 2019, la décision implicite du 25 février 2022 par laquelle le SDIS a rejeté sa demande indemnitaire présentée le 24 décembre 2021, tendant à la prise en charge des honoraires des consultations de psychologie effectuées auprès de Mme B..., et de condamner le SDIS à lui verser la somme de 1 545 euros en remboursement des honoraires de la psychologue spécialisée en prévention des risques psychosociaux consultée entre juillet 2012 et juin 2017. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, désormais repris aux articles L. 822-1 et suivants du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. En premier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier, en particulier des nombreux documents relatifs à son parcours professionnel, que les difficultés que M. D... a rencontrées au sein de son service, notamment développées dans un document de 157 pages intitulé " descriptif factuel " joint à la requête, sont fondées sur des désaccords qui ont persisté pendant près de dix-sept années, entre 2002 et 2019, au sujet des mesures générales d'organisation du service, dont il estime qu'elles n'étaient pas adaptées ou révélaient des carences dans la gestion dudit service. Toutefois, de telles circonstances générales, pour les unes, se rapportent notamment à des faits antérieurs à l'année 2000, pour les autres, ne concernent pas seulement le requérant, et contrairement à ce qu'il soutient en évoquant par exemple sur ce point un refus de promotion au poste de chef de groupement, ne caractérisent pas l'existence de conflits éthiques. D'autre part, si M. D... évoque un contexte de surcharge de travail dès l'année 2000, il ne précise pas les raisons pour lesquelles sa charge de travail aurait été anormale et ne produit à ce titre aucun document permettant d'établir le cumul d'emplois et le dépassement du temps de travail qu'il dénonce. Il ressort en outre du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 novembre 2014, devenu définitif, qui a rejeté la requête de M. D... tendant à l'annulation de la décision lui refusant l'octroi de la protection fonctionnelle et l'indemnisation de divers préjudices, que les faits de harcèlement dénoncés jusqu'en 2012 n'ont pas été reconnus comme tels par la juridiction. Si M. D... invoque des faits de même nature qui se seraient poursuivis à compter de l'année 2013, en particulier une direction autoritaire du service et des comportements parfois brutaux émanant de la hiérarchie, ou encore l'existence d'une procédure illégale de recueils d'avis anonymes concernant la promotion d'officiers, les éléments qu'il produit ne permettent ni de faire présumer une situation de harcèlement, ni un contexte d'une particulière violence, ni même d'établir l'existence de mesures de rétorsion à son encontre, s'agissant notamment de congés tardivement accordés. De même, si plusieurs mesures prises à son encontre entre 2013 et 2015, telles que le refus opposé à l'alimentation de son compte épargne temps avec des congés non pris en 2013, l'appréciation figurant dans sa fiche de notation au titre de 2014 et 2015, et la sanction infligée en 2015, ont été annulées par la juridiction administrative, ces circonstances ne sauraient par elles-mêmes être à l'origine d'une aggravation de son état de santé, le lien avec ces mesures n'étant pas démontré. De telles illégalités ne sont pas davantage, quand bien même elles constitueraient des erreurs préjudiciables à M. D... et contrairement à ce qu'indique ce dernier, de nature à révéler un exercice anormal du pouvoir hiérarchique. Il ressort par ailleurs des nombreux comptes-rendus d'entretien professionnels produits à l'instance que M. D... a fait l'objet d'appréciations très favorables, s'agissant en particulier des notations dont il fait état après avoir dénoncé les erreurs de procédure commises dans le service, ainsi qu'il ressort par exemple de l'appréciation portée le 11 avril 2000 sur sa manière de servir au cours de l'année 1998. Les notations suivantes, qui font état de sa grande technicité, ne permettent pas de tenir pour établie la faible reconnaissance professionnelle qu'il dénonce, ni n'expriment d'opinions dévalorisantes qui participeraient de l'aggravation de son état de santé. Il en va de même de la circonstance que M. D... n'aurait pas été nommé en 1998 au poste de chef de groupement auquel il prétendait ni promu au grade de colonel en 2002, alors par ailleurs qu'invité à postuler aux fonctions de commandement d'un service départemental d'incendie et de secours emportant promotion au grade de colonel, il n'y a pas donné suite. 5. Enfin, si, à compter de l'année 2012, M. D... a engagé plusieurs contentieux devant la juridiction administrative qui l'ont opposé au SDIS et ont ainsi nourri un contexte de tensions permanentes, il est constant que les pathologies dont il souffre, relatives à des troubles du sommeil, du rythme cardiaque et un état dépressif réactionnel, se sont manifestées dès 2002, de sorte que ces tensions ne peuvent en être à l'origine. En particulier, ainsi que M. D... l'indique lui-même, les troubles du sommeil dont il a souffert se sont manifestés en 1998, mais n'ont été signalés à un médecin du travail que lors de la visite annuelle d'aptitude le 3 mai 2002. 6. Il résulte de ce qui précède que les circonstances précitées ne suffisent pas à démontrer l'existence de conditions de travail de nature à susciter le développement des maladies dont le requérant a personnellement souffert, et qu'ainsi, celui-ci ne saurait se prévaloir de l'existence d'un contexte professionnel pathogène. 7. En deuxième lieu, et en tout état de cause, s'il ressort des pièces du dossier, en particulier des nombreux certificats médicaux, de l'avis favorable émis par la commission de réforme lors de sa séance du 16 mai 2019 et des conclusions déposées le 3 septembre 2021 par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, que les pathologies que M. D... présente, ou leur aggravation, sont concomitantes à l'exercice de ses fonctions, elles se rattachent à un vécu pathogène des conditions de travail par l'intéressé. 8. Il ressort en effet des pièces du dossier, en particulier du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 novembre 2014 précité, que concernant ce contexte professionnel, la dégradation du climat de travail résulte de remontrances réitérées que l'intéressé a pris l'initiative d'adresser à ses supérieurs, et que celui-ci a nourri de multiples ressentiments suscités par la gestion quotidienne du service, du fait des divergences entre gradés exerçant leurs fonctions dans un milieu professionnel par ailleurs fortement hiérarchisé. M. D..., qui a précisément produit à ce titre un nombre très important de pièces relatant les critiques qu'il a formulées, ne peut utilement se prévaloir de ce que les appréciations qu'il a émises à l'encontre du service n'ont pas pris d'expression publique ni dépassé le cadre des échanges de vues entre membres de la direction, et n'est pas fondé à soutenir que cette attitude aurait conduit la juridiction administrative à faire droit à ses demandes rappelées au point 4. Dans ces conditions, les pièces versées au dossier permettent de retenir que le comportement du requérant n'est pas étranger aux difficultés relationnelles qu'il a dénoncées dans son milieu professionnel, et qu'il s'est maintenu, ainsi que l'expert l'a relevé, dans un état de souffrance qui lui a été préjudiciable. Par suite, à supposer même que le lien direct entre les pathologies de M. D... et avec le service soit établi au regard des documents visés au point précédent, le comportement de celui-ci durant ses années de service a constitué un fait personnel déterminant dans l'apparition et la poursuite de ses pathologies, conduisant à les faire regarder comme détachables du service. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais d'expertise : 10. M. D... ne remet pas utilement en cause le bien-fondé du jugement attaqué s'agissant du partage entre les parties des frais de l'expertise réalisée par le docteur A.... Ses conclusions tendant à ce que soient mis à la charge du SDIS les frais d'expertise médicale et, par suite, à la condamnation de cette administration à lui restituer la somme de 450 euros doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS de l'Isère, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du SDIS de l'Isère tendant à l'application de ces mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de l'Isère tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au ministre de l'intérieur, au préfet de l'Isère et au service départemental d'incendie et de secours de l'Isère. Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, Mme Rémy-Néris, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2024. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Péroline Lanoy La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00412
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de PARIS, 5ème chambre, 22/11/2024, 23PA04662, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 juin 2019 établissant le tableau d'avancement pour l'accès au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019, à titre principal, en tant qu'il n'y figure pas ainsi que les arrêtés de promotion et de nomination des contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019 et, d'autre part, d'annuler la décision de la directrice générale des douanes et droits indirects, révélée par un courriel du 3 juin 2019, refusant de prendre en compte les années de service qu'il a effectuées en qualité de militaire pour le calcul de son ancienneté dans son corps d'accueil. Par un jugement n° 1908630 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 3 juin 2019 et les arrêtés de promotion et de nomination des contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019, a enjoint à l'administration de réexaminer les candidatures de M. A... et des contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par un arrêt n° 21PA06082 du 6 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre ce jugement. Par une décision n° 470523 du 9 novembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur un pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2021, et un mémoire, enregistré le 18 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement n° 1908630 du 15 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il lui est défavorable ; 2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif. Il soutient que : - sa requête est recevable, la référence dans sa requête à un jugement du tribunal administratif de Lyon constituant une simple erreur de plume qui n'est pas de nature à entrainer une confusion sur l'objet de l'appel ; - c'est à tort que le tribunal a retenu l'erreur de droit car les services militaires accomplis par M. A... ne pouvaient être pris en compte au titre du I de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009 ; - les autres moyens soulevés par M. A... en première instance et examinés par l'effet dévolutif de l'appel ne sont pas fondés. Par des mémoires, enregistrés le 11 février 2022 et le 8 mars 2024, M. C... A..., représenté par la SELAFA Cabinet Cassel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens. Il soutient que : - la requête est irrecevable car le ministre demande l'annulation d'un jugement du tribunal administratif de Lyon ; - les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés ; - en estimant que les carrières des militaires recrutés par la voie du concours d'accès aux emplois réservés ne pourraient plus être pris en compte au titre de la condition de services effectifs, la direction générale des douanes et des droits indirects a commis une erreur de droit en méconnaissant les dispositions des articles 18 du décret n° 95-380 du 10 avril 1995 et 25 du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ; - en considérant qu'il ne satisfaisait pas à l'ensemble des conditions pour pouvoir être inscrit au tableau d'avancement, le directeur général des douanes et des droits indirects a commis une erreur d'appréciation ; - au cours des années précédentes, des agents ayant le même parcours et se trouvant dans une situation identique à la sienne ont été promus ; par suite, en décidant qu'il ne remplissait pas toutes les conditions pour être inscrit au tableau d'avancement, le directeur général des douanes et des droits indirects a porté atteinte au principe d'égalité de traitement des fonctionnaires. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 95-380 du 10 avril 1995 ; - le décret n° 2008-953 du 12 septembre 2008 ; - le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ; Ont été entendus au cours de l'audience publique du 24 octobre 2024 : - le rapport de M. Delage, - et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., militaire de carrière de la marine nationale, a été recruté le 1er mars 1998 en qualité d'agent de constatation stagiaire des douanes et droits indirects au titre des emplois réservés sur le fondement des dispositions de l'article L. 4139-3 du code de la défense puis a été titularisé dans le corps des agents de constatation des douanes et droits indirects à compter du 1er mars 1999 et radié des contrôles de l'armée active. Après avoir été admis à l'examen professionnel pour l'accès au corps de contrôleur des douanes et droits indirects et nommé au 11ème échelon du grade de contrôleur des douanes et droits indirects de 2ème classe à compter du 31 décembre 2018, M. A... a postulé au tableau d'avancement pour l'accès au grade de contrôleur de 1ère classe en se prévalant de l'ancienneté qu'il avait acquise en tant que militaire de carrière. Sa candidature n'ayant pas été retenue, M. A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 juin 2019 établissant le tableau d'avancement pour l'accès au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019 ainsi que les arrêtés de promotion et de nomination des contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019, et d'enjoindre à l'administration de réexaminer l'ensemble des candidatures au grade de contrôleur de 1ère classe au titre de l'année 2019. Par un jugement du 15 octobre 2021 le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande. Par un arrêt n° 21PA06082 du 6 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre ce jugement. Par une décision n° 470523 du 9 novembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur un pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour. Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A... : 2. Il ressort du mémoire en réplique du ministre que celui-ci demande l'annulation du jugement n° 1908630 du 15 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil, la référence à un jugement du tribunal administratif de Lyon constituant une simple erreur de plume sans incidence sur l'objet de l'appel. La fin de non-recevoir ainsi soulevée doit donc être rejetée. Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges : 3. Aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense : " Le militaire, à l'exception de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre./ En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B ". 4. Aux termes de l'article 1er du décret du 10 avril 1995 fixant le statut particulier du corps des contrôleurs des douanes et droits indirects : " Le corps des contrôleurs des douanes et droits indirects, classé dans la catégorie B prévue à l'article L. 411-2 du code général de la fonction publique, est régi par les dispositions du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat et par celles du présent décret ". Aux termes du I de l'article 18 du même décret : " Les conditions d'accès au grade de contrôleur des douanes et droits indirects de 1ère classe (...) sont fixées conformément aux dispositions de l'article 25 du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat ". Aux termes du I de l'article 25 du décret n° 2009 - 1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors applicable : " Peuvent être promus au deuxième grade de l'un des corps régis par le présent décret : / (...) 2° Par la voie du choix, après inscription sur un tableau d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire, les fonctionnaires justifiant d'au moins un an dans le 6e échelon du premier grade et justifiant d'au moins cinq années de services effectifs dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau (...) ". 5. Il résulte des dispositions citées au point 4 que, pour pouvoir être inscrits sur le tableau d'avancement prévu au I de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009, les agents appartenant au corps des contrôleurs des douanes et droits indirects doivent justifier d'au moins cinq ans de services effectifs accomplis en qualité de fonctionnaire dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau. 6. Ni les dispositions de l'article L. 4139-3 du code de la défense, citées au point 3, ni aucune autre disposition législative ou règlementaire ne prévoit que, lorsqu'un militaire est intégré dans la fonction publique en étant recruté sur un emploi réservé selon la procédure prévue par l'article L. 4139-3, l'appréciation de la durée de service exigée pour l'avancement dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil doit inclure les services qu'il a antérieurement accomplis en tant que militaire. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que, pour apprécier la durée des services accomplis par M. A... dans le corps des contrôleurs des douanes et droits indirects, l'administration devait tenir compte des services militaires accomplis par l'intéressé avant son recrutement sur un emploi réservé de catégorie B. 7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A..., en première instance et devant la cour et dirigés contre le tableau d'avancement. Sur les autres moyens dirigés contre le tableau d'avancement : 8. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 10 avril 1995 : " Le directeur général des douanes et droits indirects nomme à tous les emplois du corps des contrôleurs des douanes et droits indirects. / Il peut, dans les domaines relevant de sa compétence, à l'exception des sanctions autres que le blâme et l'avertissement, déléguer sa signature par arrêté à des fonctionnaires de catégorie A exerçant leurs fonctions dans les services centraux de la direction générale des douanes et droits indirects ". Par arrêté du 31 janvier 2019 publié au journal officiel de la République française du 3 février 2019, le directeur général des douanes et droits indirects a donné délégation à M. B... D..., administrateur des douanes, signataire du tableau d'avancement du 3 juin 2019, à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions ou conventions autres qu'internationales relatifs aux personnels des services déconcentrés de la direction générale des douanes et droits indirects (...) ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit être écarté comme manquant en fait. 9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, ne peut revendiquer la prise en compte des services accomplis en qualité de militaire pour apprécier la durée de service exigée pour l'avancement qu'il sollicitait, ne justifiait au 1er janvier 2019, date d'établissement du tableau d'avancement en litige, que d'une ancienneté de quatre mois et vingt-trois jours en qualité de contrôleur de deuxième classe des douanes et droits indirects et dans ces circonstances ne justifiait pas d'au moins cinq années de services effectifs dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau comme l'exigent les dispositions précitées du I de l'article 25 du décret du 11 novembre 2023 pour être inscrit sur le tableau d'avancement. Dès lors, le moyen tiré de ce que la direction générale des douanes et des droits indirects aurait commis une erreur d'appréciation en considérant qu'il ne satisfaisait pas à l'ensemble des conditions pour pouvoir prétendre à une telle inscription ne peut qu'être écarté. 10. En troisième lieu, M. A... soutient qu'au cours des années précédant les décisions en litige, des agents ayant le même parcours et se trouvant dans une situation identique à la sienne auraient été promus. En tout état de cause, le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir que les agents inscrits sur le tableau d'avancement en litige se trouvaient dans une situation équivalente à la sienne alors que le ministre invoque le caractère sélectif de cette inscription en faisant valoir que 539 contrôleurs des douanes et droits indirects de deuxième classe avaient vocation à être promus pour un taux de promotion de 19 %. 11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 3 juin 2019 et les arrêtés de promotion et de nomination des contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019, et a enjoint à l'administration de réexaminer les candidatures de M. A... et des contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. Enfin, la présente instance n'ayant pas donné lieu à dépens, les conclusions présentées à ce titre par M. A... doivent également être rejetées. DECIDE : Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 15 octobre 2021 sont annulés. Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. C... A.... Copie en sera adressée au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Barthez, président de chambre, - M. Delage, président assesseur, - M. Dubois, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 22 novembre 2024. Le rapporteur, Ph. DELAGELe président, A. BARTHEZ La greffière, A. MAIGNAN La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA04662
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANCY, 1ère chambre, 28/11/2024, 21NC00779, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Strasbourg d'annuler la décision du 29 août 2018 par laquelle la ministre des armées a modifié la fiche descriptive de ses infirmités et rejeté sa demande d'augmentation du taux d'invalidité découlant de l'aggravation de son état de santé. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions de Strasbourg a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Strasbourg la demande de M. A.... Par un jugement n° 2000788 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 29 août 2018 en tant qu'elle a procédé à la modification de son infirmité reconnue comme telle en 2002 et en tant qu'elle a rejeté sa demande d'aggravation, et a fixé le degré d'invalidité de la seconde infirmité " arthrose lombaire, limitation douloureuse du bassin, bascule du bassin vers la droite, lombalgie irradiant des membres inférieurs " au taux de 30 % à compter du 13 décembre 2016 et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 16 mars 2021, le 2 juillet 2021 et le 7 octobre 2021, la ministre des armées demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 janvier 2021 ; 2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg. Elle soutient que : - la pathologie d'arthrose lombaire de M. A... étant sans lien avec sa blessure reçue en service, elle ne peut être prise en compte au titre des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la demande de M. A... relative à l'arthrose lombaire a été rejetée par un arrêté du 28 mars 1995 pour défaut de preuve, de présomption et sans relation médicale avec les infirmités pensionnées, décision qui n'a pas été contestée par l'intéressé ; - la fiche descriptive des infirmités établie le 27 mai 2002 en exécution du jugement du tribunal des pensions de Strasbourg, confirmé par l'arrêt de la cour régionale des pensions de Strasbourg, indique par erreur pour l'infirmité n° 2132 " arthrose lombaire, limitation douloureuse du bassin, bascule du bassin vers la droite, hyperlordose et arthrose plus marquée à droite " ; - la modification du libellé de cette infirmité par " lombalgies secondaires à une dysharmonie de la marche avec scoliose modérée " reprend le libellé de l'infirmité accordée par les décisions des juridictions des pensions ; - en vertu des dispositions de l'article L. 154-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerres, les pensions peuvent être révisées lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise ; - la décision de rejet du 7 avril 2003 notifiée à M. A... comporte un libellé correct pour l'infirmité en cause, que l'intéressé n'a pas contesté. Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 juin 2021 et le 21 juillet 2021, M. B... A..., représenté par la SELARL Gentit et Coltat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement du tribunal des pensions de Strasbourg et l'arrêt de la cour régionale des pensions de Strasbourg le confirmant, qui ont autorité de la chose jugée, ont estimé que son arthrose lombaire était directement imputable au service ; - la détermination de l'infirmité n° 2132 comme " arthrose lombaire, limitation douloureuse du bassin, bascule du bassin vers la droite, hyperlordose et arthrose plus marquée à droite " résulte de ces décisions de justice ; - la ministre ne démontre pas que sa pathologie d'arthrose lombaire ne découle pas de l'aggravation de la lombalgie initialement reconnue ; - la réalité de l'aggravation de l'arthrose lombaire et son imputabilité au service ont été retenues par les médecins de l'administration lors de l'instruction de sa demande ; - l'arrêté du 28 mars 1995 et la décision du 19 janvier 1998, remplacés par l'arrêté du 27 mai 2002, ne peuvent fonder les prétentions de l'administration ; - la décision du 7 avril 2003, qui ne lui est pas opposable, faute de lui avoir été notifiée, ne peut remettre en cause les décisions des juridictions des pensions et modifier l'arrêté du 27 mai 2002 ; - cette décision n'est pas au fondement de la décision du 29 août 2018 en litige ; - la ministre ne pouvait légalement retirer l'arrêté du 27 mai 2002 au regard des dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration et sans méconnaître le principe du contradictoire ; - la modification de l'énoncé de l'infirmité ne résulte pas d'une initiative prise selon la procédure prévue par le I de l'article L. 154-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et ne constitue pas une erreur matérielle de liquidation au sens de ces dispositions. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Michel, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A... bénéficie depuis le 27 mai 2002 d'une pension militaire d'invalidité concédée à titre définitif au taux global de 65 % pour l'infirmité n° 1 " séquelles de fracture du Dupuytren du cou-de-pied gauche avec diastasis et fracture itérative, discrète raideur hyperlaxité latérale, appui podal incertain, douleurs névritiques transfixiantes du pied " pour un taux de 50 % et l'infirmité n° 2 " arthrose lombaire, limitation douloureuse du bassin, bascule du bassin vers la droite, hyperlordose et arthrose plus marquée à droite " au taux de " 20 % + 5 ". Le 13 décembre 2016, M. A... a sollicité la révision de sa pension d'invalidité pour aggravation de sa seconde infirmité. Par une décision du 29 août 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 26 janvier 2021, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 29 août 2018 en tant qu'elle a procédé à la modification de l'infirmité n° 2 reconnue comme telle en 2002 et en tant qu'elle a rejeté la demande d'aggravation de M. A... et a fixé le degré d'invalidité de la seconde infirmité au taux de 30 % à compter du 13 décembre 2016. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Par la décision du 29 août 2018 en litige, la ministre des armées a refusé de faire droit à la demande d'aggravation de M. A... au titre de l'infirmité n° 2 comme relevant d'une cause étrangère au service et en a modifié l'énoncé en l'intitulant " lombalgies secondaires à une dysharmonie à la marche avec scoliose modérée ". En ce qui concerne l'infirmité n° 2 : 3. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. A... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 4. Il résulte de l'instruction que par un arrêté du 27 mai 2002, l'administration a accordé à M. A... un droit à pension au titre de l'infirmité " arthrose lombaire, limitation douloureuse du bassin, bascule du bassin vers la droite, hyperlordose et arthrose plus marquée à droite ", au taux de " 20 % + 5 ". Cet arrêté a été pris en exécution du jugement du 19 juin 2000 du tribunal des pensions du Bas-Rhin, confirmé par un arrêt du 13 mars 2002 de la cour régionale des pensions de Colmar devenu définitif. Par ces décisions, les juridictions ont considéré que l'arthrose lombaire et l'hyperlordose dont souffre M. A... étaient une aggravation de son infirmité initiale de lombalgie secondaire à une dysharmonie de la marche avec scoliose modérée. 5. En premier lieu, pour contester l'absence de lien avec le service de l'arthrose lombaire de M. A..., le ministre des armées se prévaut du caractère définitif de la décision du 28 mars 1995 rejetant la demande de pension de M. A... pour cette pathologie. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette décision est antérieure à l'arrêté du 27 mai 2002 accordant à M. A... un nouveau taux de pension prenant en compte l'arthrose lombaire en exécution des décisions précitées des juridictions des pensions. Par ailleurs, la ministre des armées ne saurait davantage utilement se prévaloir de sa décision de rejet du 19 janvier 1998 qui a été infirmée par ces juridictions ni de sa décision du 7 avril 2003 par laquelle elle a seulement rejeté la demande de pension de M. A... pour une " gonarthrose droite " au seul motif d'un degré d'invalidité inférieur à 10 %, sans par ailleurs se prononcer sur l'arthrose lombaire de M. A.... 6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la ministre ne fait état d'aucun élément médical de nature à remettre en cause le lien avec le service de l'arthrose lombaire de M. A... reconnue par les juridictions des pensions et ne conteste pas sérieusement que l'aggravation de cette pathologie pour l'infirmité pensionnée par l'arrêté du 27 mai 2002 doit être évaluée à un taux de 30 %, ainsi d'ailleurs que l'a estimé le Dr. Sosinski, médecin chargé des pensions militaires d'invalidité, dans son avis du 26 avril 2018. En ce qui concerne la modification de l'énoncé de l'infirmité n° 2 : 7. Aux termes de l'article L. 154-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version applicable au litige : " I. - Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise ; / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces au vu desquels l'arrêté de concession a été pris sont reconnues inexactes, ou bien en ce qui concerne le grade ou les circonstances du décès, ou bien en ce qui concerne l'état des services, ou bien en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, ou bien en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai, dans les mêmes formes que la concession, sur l'initiative du ministre chargé du budget ou du ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre ou à la demande des parties, par voie administrative si la décision qui a alloué la pension définitive ou temporaire ne faisait pas suite à une procédure contentieuse. / Dans le cas contraire, la demande en révision est portée devant la juridiction qui avait rendu la décision attaquée. Elle en est saisie dans les formes indiquées au livre VII (...) ". 8. Il résulte de l'instruction que la modification de l'intitulé de l'infirmité n° 2 par la décision en litige du 29 août 2018 a constitué le soutien au rejet de la demande présentée par M. A... au titre de l'aggravation de sa pathologie d'arthrose lombaire pour absence de lien avec le service, alors, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, cette pathologie relève de l'infirmité pensionnée. Par suite, contrairement à ce que fait valoir la ministre, la modification de l'énoncé de l'intitulé de l'infirmité n° 2 par la décision de rejet en litige ne saurait être regardée comme la correction d'une erreur matérielle de liquidation au sens des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 154-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 29 août 2018 en tant qu'elle a procédé à la modification de son infirmité reconnue comme telle en 2002 et en tant qu'elle a rejeté sa demande d'aggravation, et a fixé le taux d'invalidité de la seconde infirmité " arthrose lombaire, limitation douloureuse du bassin, bascule du bassin vers la droite, lombalgie irradiant des membres inférieurs " au taux de 30 % à compter du 13 décembre 2016. Sur les frais liés à l'instance : 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient : - M. Wallerich, président de chambre, - Mme Guidi, présidente-assesseure, - M. Michel, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2024. Le rapporteur, Signé : A. MichelLe président, Signé : M. Wallerich La greffière, Signé : F. Dupuy La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, E. Delors 2 N° 21NC00779
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 03/12/2024, 23MA00994, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille d'annuler la décision du 6 février 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de fracture de la rotule résultant d'une blessure par balle. Par un jugement n° RG 18 /00091 du 14 mars 2019, le tribunal des pensions militaires de Marseille a, d'une part, jugé que le critère de nationalité française n'est pas opposable à la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... et d'autre part, sursis à statuer sur ses conclusions dirigées contre la décision du 6 février 2018. Par un jugement n° 2003833 du 21 février 2023, le tribunal administratif de Marseille, auquel la requête de M. A... a été transmise, a annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... pour l'infirmité " patellectomie " et a attribué à celui-ci une pension militaire d'invalidité à compter du 9 février 2018, au taux global de 30 %, au titre de cette infirmité. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 avril 2023 et 5 septembre 2024, le ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 février 2023 ; 2°) de rejeter la demande de M. A.... Le ministre soutient que : - le tribunal n'a pas motivé son jugement concernant l'évaluation de l'infirmité, en méconnaissance de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors que l'infirmité ne peut consister, en 2011, qu'en des séquelles de la patellectomie pratiquée en 1962 ; - en faisant droit à la demande de pension, le tribunal a méconnu les dispositions de l'article L. 124-20 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dès lors que le demandeur ne fait pas la preuve que son infirmité a son origine dans une blessure ou une maladie causée par un fait d'attentat ou tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, faute pour l'intéressé de fournir un procès-verbal de gendarmerie ou de police contemporain des faits allégués, les pièces produites n'étant pas suffisamment circonstanciées ni en lien avec sa personne ; - le tribunal a également méconnu les dispositions de l'article L. 151-2 du même code en ne se plaçant pas à la date de la demande de pension et en n'évaluant pas les séquelles de la patellectomie réalisée en 1962. Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 juin 2023 et le 15 octobre 2024, M. A... conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que la requête d'appel est tardive et que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 ; - le décret n° 64-505 du 5 juin 1964 ; - le décret n° 69-402 du 25 avril 1969 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né en 1939 et de nationalité algérienne, a demandé le 10 mai 2011 le bénéfice d'une pension d'invalidité de victime civile en raison, notamment, de l'infirmité au genou droit dont il dit souffrir depuis l'attentat dont il affirme avoir été victime le 23 janvier 1962 dans le quartier de Kouba à Alger. Par une décision du 6 février 2018, la ministre des armées a rejeté cette demande au motif que M. A... n'a pas la nationalité française au jour de sa demande, contrairement aux prévisions de la loi du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963 et du décret du 5 juin 1964. Par un jugement du 14 mars 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a jugé, en application de la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018, que la condition de nationalité française n'est pas opposable à la demande de M. A... et a sursis à statuer sur le bien-fondé de celle-ci. Mais par un jugement du 21 février 2023, dont le ministre des armées relève appel, le tribunal administratif de Marseille, auquel la requête de M. A... a été transmise, a, d'une part, annulé cette décision en tant qu'elle rejette sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " patellectomie " et, d'autre part, attribué à celui-ci une pension militaire d'invalidité à compter du 9 février 2018, au taux global de 30 %, au titre de cette infirmité. Sur la recevabilité de l'appel : 2. La requête d'appel du ministre contre le jugement du 21 février 2023, enregistrée au greffe de la Cour le 21 avril 2023, a été introduite dans le délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative. La seule circonstance que cette requête a été datée, de manière manuscrite, par erreur, du 21 juillet 2023, est sans incidence sur la recevabilité de l'appel du ministre. La fin de non-recevoir tirée par M. A... de la tardiveté de celui-ci ne peut donc qu'être écartée. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le cadre juridique applicable : 3. Aux termes de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963, dans sa rédaction en vigueur au jour de la demande de pension de M. A... : " Sous réserve de la subrogation de l'Etat dans les droits des victimes ou de leurs ayants cause, les personnes de nationalité française, ayant subi en Algérie depuis le 31 octobre 1954 et jusqu'au 29 septembre 1962 des dommages physiques du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les évènements survenus sur ce territoire ont, ainsi que leurs ayants cause de nationalité française, droit à pension. / Ouvrent droit à pension, les infirmités ou le décès résultant : 1° De blessures reçues ou d'accidents subis du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les évènements d'Algérie mentionnés à l'alinéa premier ; 2° De maladies contractées du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les évènements précités ; 3° De maladies contractées ou aggravées du fait de mauvais traitement ou de privations subis en captivité en relation avec les mêmes évènements. / Sont réputés causés par les faits prévus à l'alinéa précédent les décès, même par suite de maladie, s'ils sont survenus pendant la captivité. / Lorsque la blessure, l'accident, la maladie ou la mort sont dus à une faute inexcusable de la victime, ils ne donnent droit à aucune indemnité. / Les personnes qui auront participé directement ou indirectement à l'organisation ou à l'exécution d'attentats ou autres actes de violence en relation avec les évènements mentionnés à l'alinéa premier ou auront incité à les commettre seront, ainsi que leurs ayants cause, exclues du bénéfice des dispositions du présent alinéa. / Des règlements d'administration publique détermineront les dispositions nécessaires à l'application du présent article, et notamment les règles relatives au mode de calcul de la pension, à la date de son entrée en jouissance, ainsi qu'à l'attribution des allocations et avantages accessoires susceptibles d'y être rattachés ; ils fixeront en outre les conditions dans lesquelles certaines personnes ne possédant pas la nationalité française pourront être admises au bénéfice des dispositions du présent article ". 4. Néanmoins, la condition de nationalité française mise au bénéfice de ce régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie par les dispositions législatives précitées a été jugée contraire au principe constitutionnel d'égalité par la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 avec effet à compter du 9 février 2018. 5. Les dispositions des premiers alinéas de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, issues du I de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, et supprimant la condition de nationalité française mise au bénéfice de ce régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie par les dispositions de la loi du 31 juillet 1963, sont applicables, en vertu du II de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018, aux demandes tendant à l'attribution d'une pension déposées à compter du 9 février 2018 ainsi qu'aux instances en cours au 14 juillet 2018. En ce qui concerne les droits à pension de M. A... : 6. Pour demander l'annulation du jugement qu'il attaque, le ministre des armées ne remet pas en cause le jugement rendu le 14 mars 2019 par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille qui a jugé inopposable à la demande de pension de M. A..., la condition de nationalité française posée par l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963 et qui a, dans cette mesure, acquis un caractère définitif. En revanche, le ministre des armées soutient d'une part, ainsi qu'il le faisait devant le tribunal, que M. A... ne rapporte la preuve que l'infirmité invoquée trouve son origine dans un attentat ou tout acte de violence en relation avec les évènements survenus en Algérie du 31 octobre 1954 au 29 septembre 1962, et d'autre part, pour la première fois en appel, que l'intéressé ne fait valoir aucune gêne fonctionnelle susceptible de donner lieu à pension. 7. Certes, il résulte des pièces produites par M. A..., et plus particulièrement du rapprochement d'une " attestation d'attentat " établie le 17 septembre 1963 par le commissaire du 17ème arrondissement de Kouba, de coupures de presse du 24 janvier 1962, qui identifient précisément M. A... en dépit d'une faute d'orthographe dans la mention de son prénom, et d'un bulletin d'hospitalisation du 6 janvier 1963, que celui-ci a été victime le 23 janvier 1962, vers midi, avec huit autres personnes, d'une fusillade ciblant des ressortissants algériens, dans la rue François Daudet, quartier de Kouba à Alger. M. A..., qui a alors souffert d'une plaie par balle au niveau de l'articulation du genou droit ayant entraîné une fracture de la rotule et du condyle, a dû subir une patellectomie. Ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre, alors même que les recherches d'un conservateur du patrimoine n'ont mis au jour aucun procès-verbal de police ou de gendarmerie relatant ces faits, M. A... justifie suffisamment de ce qu'il a été victime d'un dommage physique du fait d'un attentat en relation avec les événements survenus en Algérie au cours de la période du 31 octobre 1954 au 29 septembre 1962, susceptible d'ouvrir droit à pension en application des dispositions législatives citées au point 3. 8. M. A... dit souffrir depuis l'opération chirurgicale du 23 janvier 1962 d'une réduction de sa capacité à marcher, à monter des escaliers et à tenir debout de manière prolongée, ainsi que de douleurs chroniques, d'une instabilité articulaire et d'une limitation des activités quotidiennes. Mais, à l'appui de sa demande de pension, non plus que devant le tribunal ou la Cour, M. A..., qui se borne à verser au dossier d'instance des photographies de la cicatrice de son genou droit, ne produit aucune pièce médicale de nature à justifier de l'existence, au jour de sa demande, d'une gêne fonctionnelle en lien avec la patellectomie dont il a été l'objet le 23 janvier 1962 et qui a justifié son hospitalisation à l'hôpital Mustafa d'Alger jusqu'au 18 février 1962. Si la patellectomie correspond, d'un point de vue médical, à l'extraction totale de la rotule, par la liaison des tendons du haut du tibia et du bas de la cuisse, et est associée, dans le guide-barème des invalidités qui prévoit, à ce titre, un taux d'invalidité entre 30 et 40 %, à une extension insuffisante du triceps avec, le cas échéant, à des raideurs du genou, cette seule circonstance, qui s'attache en ce qui concerne M. A... à des faits remontant à 1962, ne peut suffire à rapporter la preuve, qui incombe au demandeur, de l'existence de séquelles, en 2011, constitutives de gênes fonctionnelles susceptibles d'ouvrir droit à pension en application de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 cité au point 3. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de pension de M. A..., au taux de 30 % à compter du 9 février 2018, et, par suite, à en demander l'annulation. Ce jugement doit donc être annulé et la demande de M. A... rejetée. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2003833 rendu le 21 février 2023 par le tribunal administratif de Marseille est annulé. Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024. N° 23MA009942
Cours administrative d'appel
Marseille