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Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 06/10/2021, 437642, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les décisions des 21 et 28 décembre 2015 par lesquelles la directrice des ressources humaines et des relations sociales, le directeur de l'économie RH et des ressources et le directeur courrier Haute-Bretagne de la société La Poste ont rejeté ses recours dirigés contre la décision implicite lui refusant le bénéfice de l'allocation spéciale de fin de carrière (ASFC) et de condamner La Poste à lui verser la somme de 29 900 euros. Par un jugement n°s 1600846, 1600847 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions des 21 et 28 décembre 2015 et renvoyé M. B... devant son employeur pour la liquidation de l'allocation. Par un arrêt n° 18NT00215 du 14 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société La Poste contre ce jugement. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 janvier et 24 août 2020 et le 30 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Poste demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ; - la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Clément Tonon, auditeur, - les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de La Poste, et au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... B..., fonctionnaire de La Poste, a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 11 octobre 2015 et que, dans cette perspective, il a sollicité, le 25 août 2015, le bénéfice de l'allocation spéciale de fin de carrière (ASFC). Par deux décisions des 21 et 28 décembre 2015, la société La Poste a rejeté sa demande d'attribution de cette allocation. Par un jugement du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces décisions et renvoyé M. B... devant La Poste pour la liquidation de l'allocation. La société La Poste se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 novembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre ce jugement. 2. D'une part, aux termes de l'article L. 4 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le droit à la pension est acquis : 1° Aux fonctionnaires après une durée fixée par décret en Conseil d'État ; 2° Sans condition de durée de service aux fonctionnaires radiés des cadres pour invalidité résultant ou non de l'exercice des fonctions ". Aux termes de l'article L. 24 du même code : " I. - La liquidation de la pension intervient : 1° Lorsque le fonctionnaire civil est radié des cadres par limite d'âge, ou s'il a atteint, à la date de l'admission à la retraite, l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou de cinquante-sept ans s'il a accompli au moins dix-sept ans de service dans des emplois classés dans la catégorie active./ Sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La nomenclature en est établie par décret en Conseil d'État ; 2° Lorsque le fonctionnaire est mis à la retraite pour invalidité et qu'il n'a pas pu être reclassé dans un emploi compatible avec son état de santé (...) ". En vertu du 2ème alinéa du I de l'article L. 14 du même code, " lorsque la durée d'assurance est inférieure au nombre de trimestres nécessaire pour obtenir le pourcentage de la pension mentionné à l'article L. 13, un coefficient de minoration de 1,25 % par trimestre s'applique au montant de la pension liquidée (...) ". Toutefois, le 7ème alinéa du I de l'article L. 14 prévoit que ce coefficient de minoration " n'est pas applicable aux fonctionnaires handicapés dont l'incapacité permanente est au moins égale à un taux fixé par décret ou mis à la retraite pour invalidité (...) ". 3. D'autre part, le bénéfice du dispositif d'allocation spéciale de fin de carrière, institué par l'accord-cadre du 22 janvier 2013 sur la qualité de vie au travail à La Poste et reconduit par les accords collectifs relatifs au contrat de générations à La Poste, a été accordé aux fonctionnaires de La Poste par décision publiée au bulletin des ressources humaines 2015-0060 du 27 février 2015 de cette société. Selon le point 2 de cette décision : " Le bénéfice de cette allocation (...) est ouvert pour toute l'année 2015 aux agents fonctionnaires bénéficiaires du service actif, âgés de 56 à 59 ans, qui prennent leur retraite sans avoir au préalable bénéficié d'un dispositif aménagé de fin d'activité tel que le temps partiel aménagé senior (TPAS) ou tout autre dispositif antérieur (EGFA) ". Le point 3 de cette même décision dispose que le montant de l'allocation est modulé " en fonction d'une part, du nombre de trimestres manquants par rapport à la durée d'assurance requise pour obtenir une pension à taux plein et d'autre part de l'âge de départ en retraite des agents concernés ". 4. L'institution de cette allocation spéciale de fin de carrière a entendu compenser la décote que subissent, par application du coefficient de minoration prévu au I de l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les agents bénéficiaires du service actif qui partent à la retraite par anticipation et ne peuvent à ce titre prétendre à une retraite à taux plein. Eu égard à cet objet, et ainsi que le mentionnent d'ailleurs expressément les accords collectifs et décisions intervenus depuis 2016, les dispositions de la décision de La Poste publiée le 27 février 2015 ne sauraient être interprétées comme ouvrant le bénéfice de l'allocation aux agents placés à la retraite pour invalidité, dès lors que le coefficient de minoration ne leur est pas applicable. Contrairement à ce qui est soutenu, la différence de traitement qui en résulte pour des agents ayant accompli des services relevant de la catégorie active, selon le motif et les conditions de départ à la retraite, est en rapport direct avec l'objet de la mesure. Il suit de là qu'en jugeant que M. B..., à raison des services actifs qu'il avait accomplis, pouvait prétendre au bénéfice de l'allocation spéciale de fin de carrière alors même qu'il avait été admis à la retraite pour invalidité, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la société La Poste est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été admis à la retraite pour invalidité. Dès lors, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le bénéfice de l'allocation spéciale de fin de carrière, tel qu'étendu aux fonctionnaires de La Poste par la décision de La Poste publiée le 27 février 2015, ne lui était pas ouvert. Par suite, La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé ses décisions des 21 et 28 décembre 2015 et a renvoyé M. B... devant elle aux fins de liquidation de cette allocation. 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme à verser à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que La Poste demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 14 novembre 2019 est annulé. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 novembre 2017 est annulé. Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le surplus des conclusions de la société La Poste est rejeté. Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société La Poste et à M. A... B....ECLI:FR:CECHR:2021:437642.20211006
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 07/10/2021, 20MA01339, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions du 18 juillet 2018, du 19 juillet 2018 et du 31 août 2018 par lesquelles le directeur du centre hospitalier de Montperrin, respectivement, a estimé que son état de santé, à la suite de l'accident du travail survenu le 22 août 2017, était consolidé le 12 décembre 2017 sans séquelles indemnisables, l'a placé en position de congé maladie ordinaire du 13 décembre 2017 au 27 août 2018 inclus, et, enfin, lui a notifié un trop perçu de traitement d'un montant de 2 436,81 euros. Par un jugement n° 1807219 du 20 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 mars 2020 et le 10 mars 2021, M. A..., représenté par Me de Salve, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : ) A titre principal : 1°) d'annuler le jugement du 20 janvier 2020 du tribunal administratif de Marseille ; 2°) d'annuler les décisions du 18 juillet 2018, du 19 juillet 2018 et du 31 août 2018 ; 3°) d'enjoindre, à titre principal, au centre hospitalier de Montperrin de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de son invalidité pendant la période postérieure au 12 décembre 2017 et le plaçant, pour cette période, en congé pour maladie imputable au service, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à ce même établissement de réexaminer sa situation ; ) A titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ; ) En tout état de cause, de mettre à la charge du centre hospitalier de Montperrin la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : En ce qui concerne les décisions des 18 et 19 juillet 2018 : - en refusant de lui accorder le bénéfice du droit prévu par l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 de conserver l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite, ces deux décisions sont illégales et, par voie de conséquence, le jugement attaqué doit être annulé ; - les troubles dont il reste atteint présentent un lien direct et certain avec l'accident de service qu'il a subi ; En ce qui concerne la décision du 31 août 2018 : - son placement en congé maladie ordinaire non imputable au service étant illégal, il a valablement bénéficié de l'intégralité de son traitement et ne peut, par conséquent, être redevable d'un trop-perçu ; A titre subsidiaire, sur la demande d'une expertise : - elle est nécessaire pour démontrer le lien entre son état de santé et l'accident de travail qu'il a subi le 22 août 2017. Par un courrier du 8 octobre 2020, le centre hospitalier de Montperrin a été mis en demeure de produire un mémoire, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative. La clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2021, par application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du même jour. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 avril 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mahmouti, - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public, - et les observations de Me De Salve, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., victime le 22 août 2017 d'un accident reconnu imputable au service, relève appel du jugement du 20 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, des décisions des 18 juillet et 19 juillet 2018 par lesquelles le directeur du centre hospitalier de Montperrin a fixé au 12 décembre 2017 la date de consolidation de son état de santé et l'a placé en position de congé maladie ordinaire du 13 décembre 2017 au 27 août 2018, et, d'autre part, de la décision du 31 août 2018 lui notifiant le reversement de traitements perçus à tort d'un montant de 2 436,81 euros. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ". 3. M. A... expose que, après la date du 12 décembre 2017, il a continué à devoir se déplacer avec une canne et produit des certificats médicaux faisant seulement état de la persistance de ses séquelles, sans les imputer à l'accident de service du 22 août 2017. Il ne conteste ainsi pas utilement les conclusions du rapport d'expertise du 16 juillet 2018 sur lequel se fondent les décisions attaquées des 18 et 19 juillet 2018 et dont il résulte, part, que l'ensemble des séquelles de l'accident de service du 22 août 2017 ont disparu le 12 décembre suivant, date de consolidation de l'état de santé du requérant et, , que les autres séquelles " sont en relation avec l'état antérieur qui évolue pour son propre compte ". Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par le requérant, le directeur du centre hospitalier de Montperrin n'a pas commis d'erreur d'appréciation en constatant que l'état de santé de M. A... à la suite de son accident de service du 22 août 2017 devait être regardé comme consolidé au 12 décembre 2017 et que l'intéressé devait être placé en congé maladie ordinaire à compter du 13 décembre 2017. M. A... ne bénéficiant pas, dans cette position statutaire, du droit de conserver l'intégralité de son traitement, le directeur du centre hospitalier de Montperrin a pu légalement lui demander, par sa décision contestée du 31 août 2018, le reversement de la fraction du traitement qui lui avait été maintenu à tort depuis la date à laquelle il avait été placé en position de congé de maladie ordinaire à demi-traitement. 4. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il suit de là que sa requête d'appel doit, en toutes ses conclusions, être rejetée. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. B... A..., à Me De Salve et au centre hospitalier Montperrin. Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 où siégeaient : - M. Alfonsi, président de chambre, - Mme Massé-Degois, présidente-assesseure, - M. Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2021. 4 N° 20MA01339
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 29/09/2021, 435323, Publié au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... D..., agissant en son nom propre et au nom de ses enfants E... et C..., a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite d'une vaccination obligatoire. Par un jugement n°1500510 du 30 mai 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt n°17NT03250 du 5 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. D... contre ce jugement. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 octobre 2019 et les 15 janvier et 16 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D..., agissant en son nom propre et au nom de ses enfants, demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel. 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat, - les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique. La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. D... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. D..., vacciné en 1994 et 1995 contre le virus de l'hépatite B, à titre obligatoire, pendant son service militaire, a souffert à partir de septembre 1995 de divers troubles qu'il a attribués à cette vaccination, en lien avec une myofasciite à macrophages par ailleurs diagnostiquée en 1997. Il a bénéficié pour ce motif, à partir de 2001, d'une pension militaire d'invalidité. Le ministre de la défense a toutefois rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices non indemnisés par cette pension, par une décision du 17 mars 2015. Par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de M. D... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser 58 000 euros au titre de ses préjudices propres et 10 000 euros au titre des préjudices de ses deux enfants mineurs. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 juillet 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel formé contre ce jugement. 2. Il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour rejeter l'appel de M. D..., la cour administrative d'appel a estimé, en se fondant sur les travaux de l'Académie nationale de médecine, du Haut conseil de santé publique, de l'Académie nationale de pharmacie et de l'Organisation mondiale de la santé consacrés aux liens susceptibles d'exister entre l'administration de vaccins contenant des adjuvants aluminiques et le développement de différents symptômes constitués de lésions histologiques de myofasciite à macrophages, de fatigue chronique, de douleurs articulaires et musculaires et de troubles cognitifs, qu'aucun lien de causalité n'avait, à la date de son arrêt, été scientifiquement établi. 3. Toutefois, en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d'une vaccination présentant un caractère obligatoire, la cour a commis une erreur de droit. En effet, pour écarter toute responsabilité de la puissance publique, il appartenait à la cour, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l'administration d'adjuvants aluminiques et les différents symptômes attribués à la myofasciite à macrophages était ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant elle, qu'il n'y avait aucune probabilité qu'un tel lien existe. 4. Il appartenait ensuite à la cour, après avoir procédé à la recherche mentionnée au point précédent, soit, s'il en était ressorti, en l'état des connaissances scientifiques en débat devant elle, qu'il n'y avait aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter l'appel de M. D..., soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations obligatoires subies par l'intéressé et les symptômes qu'il avait ressentis que si ceux-ci étaient apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou s'étaient aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressortait pas du dossier qu'ils pouvaient être regardés comme résultant d'une autre cause que ces vaccinations. 5. Mais il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. D... est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000 euros à verser à M. D... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 5 juillet 2019 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes. Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... D..., à la ministre des armées et au ministre de la santé et des solidarités.ECLI:FR:CECHR:2021:435323.20210929
Conseil d'Etat
CAA de PARIS, 4ème chambre, 24/09/2021, 19PA00797, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 304 047,11 euros en réparation des préjudices subis à raison du refus de requalifier ses contrats de droit local. Par une ordonnance n° 1706303/5-1 du 18 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 19 février 2019, le 20 mai 2019 et le 6 septembre 2020, M. B..., représenté par Me Achour, demande à la Cour : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 76 861,30 euros au titre des rémunérations qu'il estime lui être dues pour la période allant de 2005 à 2013 ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 211 034,95 euros au titre des indemnités et émoluments qu'il estime lui être dus pour la même période ; 4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 16 150,86 euros au titre des cotisations de retraite ; 5°) d'enjoindre à la ministre des armées de lui communiquer le nombre de jours de mission qu'il a passés sur le terrain aux fins de calcul des bonifications de campagne qu'il estime lui être dues ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en déclarant sa requête irrecevable ; - les délais de recours ne lui étaient pas opposables en l'absence de mention des voies et délais de recours dans la décision de rejet de sa demande ; en tout état de cause, le principe selon lequel un recours formé contre une décision ne mentionnant pas les voies et délais de recours doit être intenté dans un délai raisonnable d'un an à compter de la décision ou de la date à laquelle le bénéficiaire a eu connaissance de cette décision ne lui est pas applicable, s'agissant d'une requête indemnitaire ; - en l'employant dans le cadre de contrats de droit local du 12 août 2005 au 23 août 2011, et non dans le cadre de contrats de droit français, le ministre de la défense a commis une erreur de droit et se devait de régulariser rétroactivement sa situation ; - sa créance n'est pas prescrite. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que : - la requête présentée devant le tribunal est tardive dès lors qu'elle tend à l'annulation de la décision du 3 décembre 2015 ; - elle est irrecevable car elle n'a pas été précédée d'une demande indemnitaire préalable ; - la créance est prescrite ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - le décret n°67-290 du 28 mars 1967 ; - le décret n° 69-697 du 18 juin 1969 ; - l'arrêté du 14 décembre 1995 portant application aux agents contractuels du ministère de la défense en service dans les postes permanents à l'étranger du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger et du décret n° 69-697 du 18 juin 1969 portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif, de nationalité française, en service à l'étranger ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Heers, - et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. D... B... a été recruté à compter du 12 août 2005 en qualité d'interprète linguiste français-dari-pachto, pour seconder les forces françaises en Afghanistan. Il a bénéficié jusqu'au 23 août 2011 de plusieurs contrats à durée déterminée soumis au droit local afghan. Le 3 septembre 2015, il a sollicité la requalification de ses contrats en contrat de droit public français, le versement rétroactif de son traitement réévalué et des cotisations de retraite afférentes, ainsi que le bénéfice de la campagne simple. Cette demande a été rejetée par une décision du 3 décembre 2015. M. B... demande l'annulation de l'ordonnance du 18 décembre 2018 par laquelle le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 304 047,11 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du refus de requalification de ses contrats. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". 3. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique. 4. Pour rejeter la requête de M. B..., le Tribunal administratif de Paris a retenu que les conclusions présentées par l'intéressé tendaient à la réparation des conséquences pécuniaires de la décision prise par son employeur lui refusant la requalification de ses contrats de travail en contrats de droit français, dont il avait eu connaissance, au plus tard, le 7 février 2016, et a considéré que cette décision, qui revêtait un caractère purement pécuniaire, était devenue définitive. Toutefois, une décision de refus de requalification de contrats de droit local en contrats de droit français emporte des effets juridiques sur la situation individuelle de l'intéressé, notamment en ce qui concerne l'ancienneté dans le service public, qui ne sont pas exclusivement financiers. Cette décision ne peut, dès lors, être qualifiée de décision purement pécuniaire. Dans ces conditions, en l'absence de notification régulière de la décision du 3 décembre 2015, le délai de recours contentieux n'était pas opposable au requérant. La demande de M. B... présentée devant le Tribunal administratif de Paris n'était donc pas tardive. 5. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le Tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Par suite, l'ordonnance attaquée du 18 décembre 2018 doit être annulée. 6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris. En ce qui concerne la recevabilité de la requête de première instance : 7. La ministre des armées soulève une fin de non-recevoir tirée de ce que les conclusions indemnitaires présentées par M. B... seraient irrecevables, faute d'avoir été précédées d'une demande indemnitaire préalable chiffrée. 8. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que, par son courrier du 4 septembre 2015 adressé à l'administration, M. B... a sollicité le versement rétroactif de son traitement réévalué et des cotisations de retraite afférentes, et a demandé à bénéficier de la campagne simple. D'autre part, un requérant peut se borner à demander à l'administration réparation d'un préjudice qu'il estime avoir subi pour ne chiffrer ses prétentions que devant le juge administratif. Par suite, la fin de non-recevoir doit être écartée. En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat : 9. En premier lieu, aux termes du V de l'article 34 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Lorsque les nécessités du service le justifient, les services de l'Etat à l'étranger peuvent, dans le respect des conventions internationales, faire appel à des personnels contractuels recrutés sur place, sur des contrats de travail soumis au droit local, pour exercer des fonctions concourant au fonctionnement desdits services ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente peut, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires contraires, procéder, dans ses services situés à l'étranger, à des recrutements sur place d'agents, le cas échéant de nationalité française, sur des contrats de droit privé soumis au droit local, dès lors que ces agents sont amenés à concourir au fonctionnement desdits services et que ces recrutements répondent aux nécessités du service. 10. Toutefois, aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 1969 portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif, de nationalité française, en service à l'étranger : " Les dispositions du présent décret sont applicables aux agents contractuels de nationalité française relevant de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger. / (...) Des arrêtés conjoints du ministre de l'économie et des finances, du ministre des affaires étrangères et du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique, pris sur proposition du ministre intéressé, définiront pour chaque ministère les emplois et préciseront en tant que de besoin les pays étrangers auxquels les dispositions du présent décret sont applicables. / Les emplois susvisés peuvent être confiés soit à des agents non titulaires, soit à des agents titulaires (...) ". Il résulte de ces dispositions que le décret du 18 juin 1969 est applicable aux contrats conclus avec des ressortissants français pour pourvoir les emplois qu'il vise. 11. Par ailleurs, en application de l'arrêté du 14 décembre 1995 susvisé, dans sa rédaction applicable au litige, le décret du 18 juin 1969 s'applique aux agents contractuels de nationalité française du ministère des affaires étrangères qui occupent l'une des fonctions énumérées à l'article 4 de cet arrêté, au nombre desquelles figure la fonction d'interprète, et, s'agissant des agents de catégorie B, sont titulaires du diplôme de bachelier de l'enseignement secondaire ou de technicien ou d'un diplôme français ou étranger de niveau équivalent. 12. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., de nationalité française et titulaire d'un diplôme équivalent au diplôme de bachelier de l'enseignement secondaire, a exercé à compter du 12 août 2005 des fonctions d'interprète auprès de l'armée française en Afghanistan. Dans ces conditions, M. B... se trouvait soumis de plein droit aux dispositions du décret du 18 juin 1969. 13. En second lieu, aux termes de l'article 2 du même décret du 18 juin 1969: " Pour être recruté en qualité d'agent contractuel, l'intéressé doit : / 1° Posséder la nationalité française, sous réserve des incapacités prévues par le code de la nationalité française ; / 2° Jouir de ses droits civiques et être de bonne moralité ; / 3° Se trouver, le cas échéant, en position régulière au regard des lois sur le recrutement de l'armée ; / 4° Remplir les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction et être reconnu soit indemne de toute affection tuberculeuse, cancéreuse ou nerveuse, soit définitivement guéri. " 14. La ministre des armées fait valoir que M. B... ne pouvait bénéficier du statut d'agent public contractuel de l'Etat en service à l'étranger dès lors qu'il ne remplissait pas les conditions posées à l'article 2 du décret du 18 juin 1969 précité et qu'il ne justifiait pas, notamment, se trouver en position régulière au regard des règles relatives au recrutement de l'armée. Il résulte cependant des termes du contrat d'engagement dans l'armée de terre signé par M. B... le 23 août 2011 que ce dernier avait présenté un certificat d'aptitude médicale délivré par le médecin des armées ainsi qu'un état signalétique des services militaires accomplis. L'administration, qui a ainsi admis en 2011 que M. B... remplissait les conditions prévues par cet article, n'est donc pas fondée à soutenir que l'intéressé ne justifiait pas de sa position régulière au regard des lois sur le recrutement de l'armée lors des recrutements antérieurs. 15. Il s'ensuit qu'en recrutant M. B... dans le cadre de contrats non conformes aux dispositions du décret du 18 juin 1969, la ministre des armées a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. En ce qui concerne l'exception de prescription : 16. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". L'article 2 de cette loi prévoit que : " La prescription est interrompue par : (...) / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ". 17. Il résulte de ces dispositions que le délai de prescription quadriennale de la créance dont se prévaut un agent du fait du retard mis par l'administration à le placer dans une situation statutaire régulière court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle est intervenu l'acte ayant régularisé sa situation. 18. Il résulte de l'instruction que, du 12 août 2005 au 23 août 2011, M. B... a été placé dans une situation irrégulière dans la mesure où il aurait dû bénéficier de contrats soumis au droit français. L'administration ayant régularisé sa situation à compter du 23 août 2011, c'est seulement à cette date que l'intéressé a eu connaissance de l'étendue de sa créance, compte tenu des conditions, notamment de grade, auxquelles il était finalement recruté et donc rémunéré en application du droit français. Le délai de prescription de sa créance a ainsi commencé à courir à compter du 1er janvier 2012. Cette prescription a été interrompue par l'introduction d'une demande indemnitaire le 3 septembre 2015. Dès lors, M. B... n'était pas forclos, le 11 avril 2017, pour demander réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi du fait de n'avoir pas bénéficié plus tôt de contrats de droit français. En ce qui concerne les préjudices : 19. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 18 juin 1969 : " Les dispositions du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger, sont applicables aux agents régis par le présent décret. ". L'article 2 du décret du 28 mars 1967 dispose que : " Les émoluments des personnels visés à l'article 1er comprennent limitativement, sous réserve des modalités d'attribution prévues par le présent décret, les éléments suivants : / 1° Rémunération principale. / Le traitement ; / L'indemnité de résidence à l'étranger, qui tient lieu d'indemnité de résidence au sens de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires. / 1° bis Prime de performance individuelle ; / 2° Avantages familiaux : / -le supplément familial ; / -les majorations familiales pour enfant à charge qui tiennent lieu de supplément familial de traitement au sens de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires. / 3° Indemnités forfaitaires pour rembourser des frais éventuels ; / D'établissement ; / De responsabilité des comptables publics et régisseurs ; / D'intérim ; / De déplacement. / 4° Réductions diverses pour tenir compte De l'affiliation éventuelle au régime du code des pensions civiles et militaires de retraite, au régime général de sécurité sociale dans les conditions fixées aux articles L. 761-3 à L. 761-5 du code de la sécurité sociale et, éventuellement, aux régimes complémentaires de retraite / Des autres prélèvements sociaux conformément à la législation ou à la réglementation applicables ; / Des rétributions que l'agent peut percevoir d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger ; / De la fourniture du logement ; / Du lieu de recrutement ; / De la durée de services continus dans une même localité d'affectation à l'étranger. / Les émoluments des personnels visés à l'article 1er sont exclusifs de tout autre élément de rémunération. Toutefois, des rémunérations supplémentaires peuvent être allouées aux personnels qui assurent un enseignement, pour tenir compte des obligations hebdomadaires maximales d'enseignement qui leur sont applicables. Les modalités d'attribution de ces rémunérations supplémentaires feront l'objet d'arrêtés conjoints du ministre intéressé et du ministre de l'économie et des finances ". 20. Entre le 12 août 2005 et le 23 août 2011, M. B... a été rémunéré sur la base d'un salaire mensuel dont le montant était fixé en référence au droit local afghan. Toutefois, dès lors que sa situation relevait du décret du 18 juin 1969, M. B... aurait dû, en application des dispositions précitées, percevoir les émoluments prévus à l'article 2 du décret du 28 mars 1967 dans les conditions prévues aux articles 4 à 12 du même décret. M. B... est dès lors fondé à solliciter l'indemnisation de la perte de rémunération constituée par la différence entre, d'une part, ce qu'il a réellement perçu, et d'autre part, ce qu'il aurait dû percevoir s'il avait bénéficié de contrats soumis au droit français. En outre, M. B... est également fondé à demander l'indemnisation de la perte de pension de retraite corrélative. 21. En second lieu, aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa version applicable du 1er janvier 2004 au 1er juillet 2011 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : (...) / c) Bénéfices de campagne dans le cas de services militaires, notamment pour services à la mer et outre-mer ; (...) / Les bonifications prévues aux a, c et d du présent article sont prises en compte dès lors que la pension rémunère au moins quinze années de services effectifs. Elles sont prises en compte sans condition de durée pour les fonctionnaires et les militaires radiés des cadres pour invalidité. ". 22. M. B... fait valoir que les services effectués en qualité d'interprète auprès de l'armée française lui ouvrent droit aux bonifications pour campagne en application des dispositions précitées de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Toutefois, l'intéressé n'établit avoir exercé son activité d'interprète qu'entre 2005 et 2013 et ne justifie donc pas, en tout état de cause, de quinze années de services effectifs. Il ne démontre pas davantage, ni même n'allègue, avoir été radié des cadres pour invalidité. Par suite, M. B..., qui ne démontre pas remplir les conditions requises par l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite pour que lui soit accordée l'attribution de bénéfices de campagne, n'est pas fondé à solliciter l'indemnisation du préjudice résultant de la minoration de sa pension de retraite du fait de l'absence de prise en compte de ces bonifications. Il n'y a donc pas lieu d'enjoindre, comme le demande M. B..., à la ministre des armées de lui communiquer le nombre de jours de mission passés sur le terrain. 23. Il résulte de tout ce qui précède l'Etat doit être condamné à verser à M. B... une indemnité calculée dans les conditions fixées au point 20. Les éléments nécessaires à la liquidation des sommes dues à M. B... ne figurant pas au dossier, il y a lieu de renvoyer ce dernier devant l'administration aux fins de liquidation de cette indemnité, dans la limite de la somme de 304 047,11 euros sollicitée par M. B.... Sur les frais liés au litige : 24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : L'ordonnance n° 1706303/5-1 du 18 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulée. Article 2 : M. B... est renvoyé devant la ministre des armées pour le calcul et le versement de l'indemnité mentionnée au point 20. Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 10 septembre 2021, à laquelle siégeaient : - Mme Heers, présidente de chambre, - Mme Briançon, présidente assesseure, - M. Mantz, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2021. La présidente-rapporteure, M. HEERS La présidente assesseure, C. BRIANÇONLa greffière, S. GASPARLa République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 19PA00797 5
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de NANTES, 6ème chambre, 21/09/2021, 20NT00994, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 décembre 2015 du ministre des armées rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1905525 du 3 février 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 mars, 2 juin et 7 décembre 2020, la ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 février 2020 et de rejeter la demande présentée en première instance par M. C.... Elle soutient que : - le caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle n'a pas été respecté dès lors qu'elle n'a pas eu connaissance des deux mémoires complémentaires présentés pour M. C... les 10 juin 2016 et 15 janvier 2020 ; - les premiers juges ont méconnu leur office en ne déterminant pas si M. C... pouvait prétendre à une pension militaire d'invalidité ; - le jugement attaqué, qui mentionne une décision du 16 décembre 2015 au lieu du 18 décembre 2015, est entaché d'une erreur de fait ; - les dispositions des articles L2 et L3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ont été méconnues et le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la pathologie présentée par M. C... qui a été diagnostiquée 25 ans après sa radiation des contrôles de l'armée n'entre pas dans le champ d'application de la présomption et que l'intéressé n'apporte pas la preuve de l'existence d'une relation directe, certaine et déterminante entre les plaques pleurales calcifiées qu'il présente et son service dans la marine nationale ; seule la durée d'un an, 2 mois et 26 jours de service embarqué sur des bâtiments renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages, sont en effet à prendre en compte pour caractériser une éventuelle exposition au risque " amiante " de sorte que la première constatation médicale de la maladie intervient 56 ans après la soustraction de l'intéressé aux risques, soit au-delà du délai de prise en charge retenu dans le tableau 30 des maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale ; il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait été exposé au même risque lorsqu'il était en service à terre, soit durant 33 ans 3 mois et 21 jours. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2020, M. C..., représenté par Me Quinquis, conclut au rejet de la requête. Il demande en outre à la cour de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 2018-067 du 13 juillet 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Le 20 octobre 1955, après avoir accompli son service militaire, M. C..., né le 28 mars 1934, s'est engagé dans la marine nationale en qualité de matelot de 3ème classe. Il a exercé ses fonctions sur les bâtiments Elan et Maillé-Brézé avant d'être affecté, à compter du 1er mai 1957, à la direction du port de Brest en qualité de matelot de 1ère classe. Il a été rayé des contrôles pour faire valoir ses droits à la retraite le 7 novembre 1988 alors qu'il avait atteint le grade de premier maître du corps des officiers mariniers de maistrance des ports. Le 24 décembre 2013, il a sollicité une pension militaire d'invalidité à raison de plaques pleurales calcifiées révélées par un examen tomodensitométrique réalisé le 13 mai 2013. La ministre des armées relève appel du jugement du 3 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes, devenu compétent en vertu des dispositions de la loi susvisée du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, a annulé sa décision du 18 décembre 2015 rejetant la demande de l'intéressé. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux, est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties. 3. Il résulte de l'instruction que si aucun mémoire complémentaire n'a été produit pour M. C... le 10 juin 2016, contrairement aux mentions du jugement attaqué, en revanche l'intéressé a fait valoir de nouveaux arguments, et s'est notamment prévalu de nouveaux témoignages en sa faveur, dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Rennes le 15 janvier 2020. Par suite la ministre des armées est fondée à soutenir qu'en ne lui communiquant pas ce mémoire produit avant la clôture automatique de l'instruction, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité. En conséquence, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens d'irrégularité invoqués par la ministre, il y a lieu d'annuler ce jugement et de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. C.... Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 18 décembre 2015 : 4. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande de pension militaire d'invalidité déposée par M. C... : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ". Aux termes de l'article L. 3 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constaté qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ". 5. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 précitées que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut bénéficier de la présomption légale d'imputabilité et que, par ailleurs, cette imputabilité n'est pas admise par l'administration, il incombe à l'intéressé d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où est en cause une affection à évolution lente et susceptible d'être liée à l'exposition du militaire à un environnement ou à des substances toxiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération les éléments du dossier relatifs à l'exposition du militaire à cet environnement ou à ces substances, eu égard notamment aux tâches ou travaux qui lui sont confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer, aux conditions et à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celle-ci est susceptible de provoquer. Il revient ensuite aux juges du fond de déterminer si, au vu des données admises de la science, il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui affecte le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle. Lorsque tel est le cas, la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, si l'administration n'est pas en mesure d'établir que ces autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie. 6. Par ailleurs, lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pension militaire d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, sur les navires de la marine nationale construits jusqu'à la fin des années quatre-vingt, l'amiante était utilisée de façon courante comme isolant pour calorifuger tant les tuyauteries que certaines parois et certains équipements de bord, de même que les réacteurs et moteurs des avions de l'aéronavale. Ces matériaux d'amiante ont tendance à se déliter du fait des contraintes physiques imposées à ces matériels, de la chaleur, du vieillissement du calorifugeage, ou de travaux d'entretien en mer ou au bassin. En conséquence, les marins servant sur les bâtiments de la marine nationale, qui ont vécu et travaillé dans un espace souvent confiné, sont susceptibles d'avoir été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante. 8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. C... a été affecté sur le bâtiment de surface Elan, à compter du 5 septembre 1955 pour une durée d'un an et 26 jours, et sur le Maillé-Brézé, pour une période de deux mois à compter du 1er novembre 1956. Si la ministre des armées ne conteste pas, qu'à l'occasion de ces deux missions, l'intéressé a été particulièrement exposé eu égard aux tâches qui lui étaient confiées, à un risque d'inhalation de poussières d'amiante, elle se prévaut de la circonstance qu'il a accompli la majeure partie de sa carrière militaire, soit 33 ans, 3 mois et 21 jours à la direction des ports de Brest entre le 1er mai 1957 et sa mise à la retraite le 7 novembre 1988. Si elle affirme qu'il exerçait alors ses fonctions à terre, elle admet que la direction du personnel militaire de la marine a reconnu le 6 novembre 2014 être dans l'impossibilité de détailler les fonctions occupées et la nature des travaux effectués par M. C... entre 1957 et 1988. Pour sa part, l'intéressé a produit en première instance le relevé de ses états de service faisant apparaître que, même durant cette période, il était considéré comme étant " embarqué ". En outre, dans le cadre de sa demande de pension militaire d'invalidité présentée le 24 décembre 2013, il a indiqué avoir, dans le cadre de ses fonctions, utilisé des combinaisons et gants amiantés et exercé tout au long de sa carrière les fonctions de manœuvrier ainsi qu'en attestent les témoignages de collègues qu'il produit et qui précisent l'avoir côtoyé professionnellement sur des remorqueurs. Il ajoute sans être contredit que les bâtiments à terre de la marine nationale sur lesquels il pouvait intervenir étaient également amiantés. Enfin, l'attestation de la direction du personnel militaire de la marine délivrée à M. C... le 13 mai 2013 précise qu'il a été affecté du 5 septembre 1955 au 6 novembre 1988 dans des " formations (...) renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages " sans distinction entre les périodes où il était embarqué sur l'Elan et le Maillé-Brézé et celle durant laquelle il était affecté au port de Brest. Dans ces conditions, et en l'absence de tout autre élément contraire, M. C... doit être regardé comme ayant été exposé dans le cadre de ses fonctions dans la marine nationale entre 1955 et 1988 à l'inhalation de poussières d'amiante. 9. Alors qu'il est admis, sur le plan scientifique, que l'inhalation de poussières d'amiante, sur une durée longue, peut, à plus ou moins long terme, et parfois vingt à trente ans après l'exposition, être la cause de cancers bronchiques mortels, il n'est pas contesté qu'à l'occasion d'un examen tomodensitométrique effectué le 13 mai 2013, des plaques pleurales calcifiées ont été diagnostiquées chez M. C.... Lors de l'expertise du 8 août 2014, le pneumologue qui l'a examiné a précisé que l'intéressé, qui ne fumait pas, ne présentait aucun état antérieur sur le plan respiratoire, et que les multiples plaques pleurales bilatérales en bonne partie calcifiées, mais sans atteinte significative du parenchyme pulmonaire, qu'il avait développées étaient imputables à une exposition asbestosique professionnelle prolongée. Eu égard à ce qui a été dit aux points 4 à 7, aux tâches ou travaux qui lui ont été confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer sans protection spécifique contre les risques d'inhalation de poussières d'amiante, à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celles-ci sont susceptibles de provoquer, M. C... apporte des éléments concordants précis attestant d'une probabilité suffisante, en l'absence d'autres facteurs, que la pathologie qui l'affecte soit en rapport avec son activité professionnelle et qu'elle s'est développée dans un délai de 25 ans après la fin de son exposition à ce risque. Dès lors, c'est à tort que pour rejeter sa demande la ministre des armées s'est fondée sur le fait qu'il n'apportait pas la preuve de l'imputabilité au service de sa pathologie. 10. Il résulte de tout ce qui précède que, M. C... est fondé à soutenir que la décision du 18 décembre 2015 de la ministre des armées refusant de lui accorder une pension militaire d'invalidité au titre des plaques pleurales calcifiées est entachée d'illégalité. Sur les droits à pension de M. C... : 11. Eu égard à ce qui a été dit aux points 4 à 9, la ministre des armées procédera dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, à la liquidation des droits à pension militaire d'invalidité de M. C... à la date du 24 décembre 2013, au titre des plaques pleurales calcifiées qu'il a développées, sur la base du taux de 30 % retenu par l'expert et non contesté par la ministre. Sur les frais liés au litige : 12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1905525 du tribunal administratif de Rennes du 3 février 2020 est annulé. Article 2 : La décision du 18 décembre 2015 de la ministre des armées refusant d'accorder une pension militaire d'invalidité à M. C... au titre des plaques pleurales calcifiées qu'il présente est annulée. Article 3 : La ministre des armées procédera, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, à la liquidation des droits à pension militaire d'invalidité de M. C... à la date du 24 décembre 2013 au titre des plaques pleurales calcifiées qu'il présente sur la base d'un taux de 30 %. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la ministre des armées est rejeté. Article 5 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. B... C.... Délibéré après l'audience du 3 septembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme A..., première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 septembre 2021. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, P. CHAVEROUX La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 3 N° 20NT00994
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANCY, 3ème chambre, 28/09/2021, 19NC00984, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 15 mars 2016 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre a refusé de lui attribuer l'allocation de reconnaissance en faveur des rapatriés, anciens membres de formations supplétives et assimilés ayant servi en Algérie. Par un jugement n° 1603825 du 30 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 1er avril 2019, M. A... B..., représenté par Me Merll, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1603825 du tribunal administratif de Strasbourg du 30 janvier 2019 ; 2°) d'annuler la décision de la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre du 15 mars 2016 ; 3°) de condamner l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision en litige du 15 mars 2016 est insuffisamment motivée ; - la décision en litige est entachée d'une erreur de fait ; - elle est également entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'il n'a pas bénéficié de la présomption de la qualité de rapatrié et qu'il remplit les conditions légales pour prétendre au bénéficie de l'allocation sollicitée. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2019, l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, représenté par la SCP Matuchansky-Poupot-Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que le moyen tiré du défaut de motivation, qui relève d'une cause juridique distincte de celle à laquelle se rattachent les moyens invoqués par M. B... en première instance, n'est pas recevable et que, en tout état de cause, les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 ; - la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 ; - la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 ; - la loi n° 99-1173 du 31 décembre 1999 ; - la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ; - la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ; - le décret n°2005-477 du 17 mai 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Meisse, - et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Ressortissant marocain, présent sur le territoire métropolitain de la France depuis 1965, M. A... B... a sollicité l'attribution de l'allocation de reconnaissance instituée, en faveur des rapatriés anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie, par les articles 6 et 9 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Par une décision du 15 mars 2016, la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre a refusé de faire droit à cette demande au motif que l'intéressé, arrivé en France en provenance du Maroc après l'indépendance de l'Algérie et " sans motif politique avéré ", ne justifie pas de sa qualité de rapatrié. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 2016. Il relève appel du jugement n° 1603825 du 30 janvier 2019, qui rejette sa demande. Sur le bien-fondé du jugement : 2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a invoqué, en première instance, que des moyens tirés de la légalité interne de la décision en litige. Si, devant la cour, il soutient en outre que cette décision serait entachée d'un défaut de motivation, ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel. 3. En tout état de cause, si la décision en litige du 15 mars 2016, en tant qu'elle refuse un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes remplissant les conditions légales pour l'obtenir, doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, il ressort des pièces du dossier que cette décision, après avoir mentionné les articles 1er de la loi du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des français d'outre-mer et 6 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, indique que M. B... ne justifie pas de sa qualité de rapatrié dès lors que, bien que résidant en France depuis 1965, il est arrivé sur le territoire français après l'indépendance de l'Algérie, sans motif politique avéré et en provenance du Maroc, où il a fondé sa famille puisque ses neuf enfants y sont nés entre 1956 et 1981. Dans ces conditions, la décision en litige, qui énonce, dans ses motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, satisfait aux exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Et, à supposer même que la directrice générale de l'Office des anciens combattants et victimes de guerre aurait indiqué à tort que le requérant est arrivé en France " sans motif politique avéré ", l'erreur ainsi commise, si elle peut affecter le bien-fondé de la décision, n'est pas de nature à affecter la régularité de sa motivation. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait insuffisamment motivée ne peut en tout état de cause qu'être écarté. 4. En second lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des français d'outre-mer : " Les Français, ayant dû ou estimé devoir quitter, par suite d'événements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, pourront bénéficier du concours de l'Etat en vertu de la solidarité nationale affirmée par le préambule de la Constitution de 1946, dans les conditions prévues par la présente loi. / Ce concours se manifeste par un ensemble de mesures de nature à intégrer les Français rapatriés dans les structures économiques et sociales de la nation. / (...) ". Aux termes du premier alinéa du premier paragraphe de l'article 47 de la loi du 31 décembre 1999, dans sa rédaction issue de l'article 67 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificatives pour 2002 : " Une allocation de reconnaissance (...), sous conditions d'âge, est instituée, à compter du 1er janvier 1999, en faveur des personnes désignées par le premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie. ". Ainsi qu'il résulte de ces dispositions, les bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance sont désignées au premier alinéa de l'article 2 de la loi du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, lequel renvoie aux " bénéficiaires des dispositions du premier alinéa de l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987, relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ". Aux termes du premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés : " Une allocation de 60 000 F est versée, à raison de 25 000 F en 1989 et 1990, et de 10 000 F en 1991, aux anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie, qui ont fixé leur domicile en France. ". 5. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa du premier paragraphe de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, dans sa rédaction alors applicable : " Les bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 67 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) peuvent opter, au choix : -pour le maintien de l'allocation de reconnaissance dont le montant annuel est porté à 3 415 € à compter du 1er janvier 2015 ; -pour le maintien de l'allocation de reconnaissance d'un montant annuel de 2 322 € à compter du 1er janvier 2015 et le versement d'un capital de 20 000 € ; -pour le versement, en lieu et place de l'allocation de reconnaissance, d'un capital de 30 000 €. ". Aux termes de l'article 9 de cette même loi, dans sa rédaction alors applicable : " Par dérogation aux conditions fixées pour bénéficier de l'allocation de reconnaissance et des aides spécifiques au logement mentionnées aux articles 6 et 7, le ministre chargé des rapatriés accorde le bénéfice de ces aides aux anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie ou à leurs veuves, rapatriés, âgés de soixante ans et plus, qui peuvent justifier d'un domicile continu en France ou dans un autre Etat membre de la Communauté européenne depuis le 10 janvier 1973. / Cette demande de dérogation est présentée dans le délai d'un an suivant la publication du décret d'application du présent article. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 17 mai 2005 pris pour application des articles 6, 7 et 9 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés : " Les bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 67 de la loi de finances rectificative pour 2002 susvisée choisissent entre les options prévues par l'article 6 de la loi du 23 février 2005 susvisée avant le 1er octobre 2005. / (...) / Pour les personnes bénéficiaires de l'allocation postérieurement à la publication du présent décret, le choix s'effectue lors du dépôt de la demande. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 3 du même décret : " Le bénéfice de la dérogation prévue à l'article 9 de la loi du 23 février 2005 susvisée est accordé par le ministre chargé des rapatriés : I. - Aux personnes âgées de soixante ans et plus, et sur justification par les intéressés : / 1° De leurs services en Algérie dans une des formations supplétives suivantes : a) Harka ; b) Maghzen ; c) Groupe d'autodéfense ; d) Groupe mobile de sécurité (...) ; e) Auxiliaires de la gendarmerie ; f) Section administrative spécialisée ; g) Section administrative urbaine. 2° De leur qualité de rapatrié et de leur résidence continue depuis le 10 janvier 1973 en France ou dans un Etat membre de la Communauté européenne; (...) ". 6. Il résulte de la combinaison des dispositions législatives citées ci-dessus que, pour être en droit de bénéficier de l'allocation de reconnaissance, le demandeur d'une telle aide doit pouvoir justifier de sa qualité de rapatrié. Cette qualité ne s'attache qu'aux personnes qui, établies sur des territoires anciennement placés sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, ont dû ou estimé devoir quitter ces territoires pour la France par suite d'événements politiques qui sont la conséquence directe de la cessation de souveraineté, du protectorat ou de la tutelle de la France sur l'un de ces territoires. Si le bénéfice de l'allocation en litige n'est pas subordonné à une condition de concomitance entre la date de l'accession du territoire algérien à l'indépendance et celle du retour en France du demandeur, il n'en reste pas moins conditionné à la justification par l'intéressé, lorsque son entrée en France n'est pas concomitante à l'accession du territoire à l'indépendance, de sa qualité de rapatrié. Enfin, les dispositions de la loi du 23 février 2005 n'ont ni pour objet, ni pour effet d'instituer, au bénéfice des anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie, une présomption de ce que le départ éventuel des intéressés pour la France ou pour un autre Etat membre de la Communauté européenne aurait été motivé par des événements politiques directement causés par la cessation de la souveraineté de la France en Algérie. 7. Pour refuser de faire droit à la demande d'attribution de l'allocation de reconnaissance présentée par M. B..., la directrice générale de l'Office nationale des anciens combattants et victimes de guerre s'est fondée sur la circonstance que l'intéressé, arrivé en France après l'indépendance de l'Algérie, sans motif politique avéré et en provenance du Maroc, ne justifiait pas de sa qualité de rapatrié. Le requérant fait valoir qu'il a servi dans l'armée française comme harki du 21 juillet 1959 au 1er septembre 1962 et que, à la suite de l'indépendance de l'Algérie, il a été contraint de fuir au Maroc dans la famille de son épouse, avant de gagner la France en 1965. Toutefois, s'il allègue qu'il a quitté le territoire algérien pour éviter d'être tué par le Front de libération nationale, M. B... n'établit pas que son départ pour la France aurait été imposé par des événements politiques qui sont la conséquence directe de la cessation de souveraineté de la France sur ce territoire. En outre, le requérant, qui a développé une vie familiale au Maroc, où sont nés ses neuf enfants entre 1956 et 1981, ne démontre pas davantage qu'il aurait été dans l'impossibilité de rejoindre le sol français entre 1962 et 1965. Enfin, eu égard à ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt, ni la circonstance que sa demande d'attribution de l'allocation de reconnaissance aurait été présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 23 février 2005, ni celle qu'il aurait servi comme harki dans l'armée française, ne sauraient le dispenser de justifier de sa qualité de rapatrié. A défaut d'une telle démonstration, la directrice de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre a pu, sans commettre d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation, refuser d'attribuer à M. B... l'allocation de reconnaissance sollicitée. Par suite, ces trois moyens doivent être écartés. 8. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Sur les dépens : 9. La présente instance n'ayant pas généré de dépens, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. B... en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Sur les frais de justice : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'intimé en application de ces dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre. N° 19NC00984 6
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/09/2021, 19MA04745, Inédit au recueil Lebon
Vu l'arrêt rendu le 20 avril 2021 sous le n° 19MA04745 par lequel la Cour avant de statuer sur les conclusions de M. B... tendant : - à l'annulation du jugement n°17/00007 du 22 février 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille ; - à l'annulation de la décision du 26 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité ; - à la reconnaissance de son droit à pension au titre de ses infirmités, à titre subsidiaire de revaloriser le taux d'invalidité retenu à 30 % et, le cas échéant, d'ordonner une mesure d'expertise portant sur l'ensemble de ses infirmités ; - à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; a décidé de saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative et de surseoir à statuer jusqu'à ce que la haute juridiction ait fait connaître son avis sur la question de droit soulevée par elle. M. B... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 mai 2018. Vu l'avis rendu le 9 juillet 2021 par le Conseil d'Etat sous le n° 451980. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Ury, - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a, le 13 avril 2015, demandé le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre de deux infirmités. Le ministre de la défense a rejeté cette demande par une décision du 26 juillet 2016. M. B... fait appel du jugement du 22 février 2018 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre cette décision. Sur la régularité de la décision en litige : 2. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer, s'il est saisi de moyens en ce sens, sur la régularité de la décision en litige. En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte : 3. Il résulte de l'instruction que, par décision du 22 février 2016, M. E... D..., administrateur civil, adjoint au directeur des pensions, a reçu délégation à l'effet de signer au nom du ministre de la défense, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, dans la limite des attributions de la sous-direction. Cet arrêté a été régulièrement publié au Journal Officiel de la République Française du 24 février 2016. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté. En ce qui concerne la motivation de la décision du 26 juillet 2016 : 4. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. (...) ". Aux termes de l'article L. 25 du même code : " (...) Toute décision comportant rejet de pension doit être également motivée et faire ressortir qu'il n'est pas établi que l'infirmité provient de l'une des causes indiquées à l'article L. 2, ou, lorsque l'intéressé a droit à la présomption, les faits, documents ou raisons d'ordre médical dont résulte la preuve contraire détruisant cette présomption. ". Aux termes de l'article L. 26 du même code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué. ". 5. La décision du 26 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. B... rappelle les textes dont elle fait application, notamment les articles L. 4 et L. 5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ainsi que la procédure suivie au cours de l'instruction. Elle indique que le taux d'invalidité, après expertise réglementaire est de 10 % et donc inférieur au pourcentage requis pour l'ouverture du droit à pension, lorsqu'il s'agit d'une maladie contractée en temps de paix. Elle indique également que l'infirmité alléguée n'entraîne aucune gêne fonctionnelle. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de cette décision doit être écarté. Sur le bien-fondé de la décision en litige : 6. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples (...) ". D'une part, il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité prévue à l'article L. 3, le demandeur de la pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières de service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. D'autre part, en vertu l'article L. 6 du même code, l'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Cette évaluation doit, en application des termes mêmes de l'article L. 26 du même code, tenir compte de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par ces infirmités. S'agissant des céphalées, vertiges, troubles visuels et auditifs et des troubles mnésiques : 7. En vertu du guide barème applicable aux troubles neuropsychiques post-traumatiques, le syndrome dit " subjectif post-traumatique " se caractérise par une symptomatologie modérée essentiellement céphalique et psycho-sensorielle. 8. Il résulte de l'instruction que M. B... a été victime de l'éclatement d'une balle à blanc au niveau temporal gauche le 3 février 1961, et qu'il a été hospitalisé en chirurgie militaire, de la date de cet accident au 20 mars 1961. Pour demander l'octroi d'une pension militaire d'invalidité, l'intéressé se prévaut notamment de céphalées, vertiges, troubles visuels et auditifs et de troubles mnésiques. Le médecin traitant du requérant précise par un certificat médical du 16 mars 2015 que M. B... présente des complications de traumatisme crânien remontant à 1961. Le médecin mandaté par l'administration rapporte, le 28 mars 2016, que M. B... se plaint de migraines intenses localisées surtout à gauche, d'une baisse de l'acuité visuelle et d'hypoacousie et de douleurs lancinantes au niveau du crâne avec sensation de vertiges associées à une vision floue, en mentionnant que ces maux de tête avaient débuté en 2012. Il a proposé un taux d'invalidité de 10 % résultant des séquelles du traumatisme crânien par balle à blanc. Toutefois, le seul constat de ces symptômes dans le rapport d'expertise du médecin expert de l'administration qui ne se prononce pas sur l'imputabilité au service de ces troubles, n'établit pas que les affections dont le requérant fait état soient liées à l'infirmité résultant de l'accident du 3 février 1961. D'autre part, il résulte de l'avis du 23 juin 2016 rendu par la commission médicale qu'en l'état actuel des connaissances, le syndrome subjectif du traumatisé du crâne ne peut être pris en compte au-delà d'un délai maximal de 2 ans, alors que M. B... fait état de troubles subjectifs déclarés 50 ans après l'accident de 1961 et qui sont survenus en 2012. Dans ces conditions, la preuve ne peut être regardée comme apportée de l'imputabilité des troubles allégués à l'aggravation d'une blessure en service ou à une pathologie résultant de cette blessure. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que son état de santé actuel trouve son origine dans une lésion soudaine consécutive à un fait précis de service. Par suite, il ne peut prétendre à une pension allouée au titre de l'infirmité dont il se prévaut. S'agissant de la séquelle de plaie temporale gauche par balle à blanc : 9. Il résulte de l'instruction que la séquelle de la plaie de M. B... présente une cicatrice temporale de 0,5 cm de diamètre. Il est constant que cette cicatrice n'entraîne aucune gêne fonctionnelle, et par suite, ne présente aucun degré d'invalidité. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée par M. B... que ce dernier n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions de Marseille du 22 février 2018 qui rejette sa contestation de la décision du 26 juillet 2016 du ministre de la défense. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle en tout état de cause à ce que les sommes que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Giordano et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2021. N° 19MA04745 3
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANCY, 4ème chambre, 21/09/2021, 19NC03453, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Nancy la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses infirmités. Par un jugement n° 17/00009 du 10 juillet 2019, le tribunal des pensions militaires de Nancy a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : La cour régionale des pensions de Nancy a transmis à la cour administrative d'appel de Nancy, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. A..., enregistrée à son greffe le 6 septembre 2019. Par un mémoire complémentaire enregistré le 31 janvier 2020, M. A..., représenté par Me Boutonnet, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires de Nancy du 10 juillet 2019 ; 2°) d'annuler la décision de rejet du ministre de la défense du 10 avril 2017 ; 3°) de faire droit à sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses deux infirmités ; 4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une contre-expertise médicale ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Il soutient qu'il apporte la preuve, par les certificats médicaux produits, de l'aggravation de ses deux infirmités ouvrant droit à révision de pension ; Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. A.... Elle fait valoir que : - le moyen n'est pas fondé ; - l'aggravation de 5% de la seconde infirmité est en tout état de cause inopérante au regard des prescriptions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - une nouvelle expertise médicale n'est pas justifiée. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 octobre 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et notamment son article 51 ; - le décret n° 2018-1291 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été victime d'une blessure en service commandée le 8 novembre 1959 alors qu'il effectuait son service national en Algérie. Par arrêté du 19 décembre 1986, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au taux de 45% pour une seule infirmité. Par la suite, son infirmité a été scindée en deux infirmités distinctes et un second arrêté du 27 octobre 1989 lui a concédé une pension de 60% pour ces deux infirmités. Le 27 octobre 2014 et le 29 juin 2015, M. A... a demandé la révision de sa pension. Par une décision du 10 avril 2017, le ministre de la défense a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 10 juillet 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 10 avril 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 6, alors applicable du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, désormais codifié à l'article L. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. A..., devenu l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 3. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10% au moins au pourcentage antérieur. 4. Il résulte également des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions de l'article L. 29 font obstacle à cette révision, l'aggravation devant alors être regardée comme étant due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 5. En l'espèce, l'arrêté du 27 octobre 1989 du ministre des armées portant concession de la pension militaire d'invalidité de M. A... et pour lequel ce dernier sollicite une révision, indemnise la première infirmité résultant des " séquelles de blessure de la cuisse droite avec lésion artério-veineuse fémorale superficielle. Région lombaire. Important vaisseau sous-jacent à la cicatrice de sympathectomie. Membre inférieur pouls tibial postérieur droit très mal perçu. Pigmentation ocre. Œdème très important, dilatation variqueuse et extension permanente du gros orteil " au taux de 45% et la seconde infirmité " Séquelles de sympathectomie lombaire " au taux de 15% avec un correctif de 5. En ce qui concerne la première infirmité : 6. Il résulte de l'instruction et des pièces médicales produites que le rapport d'expert médical de 1986, qui pouvait être pris en compte pour l'appréciation de sa demande de révision, avait constaté que M. A... souffrait d'une augmentation nette du volume de la jambe droite (3 cm au-dessus du tiers moyen à 2 cm dans la région sus malléolaire), d'un œdème et d'importantes dilatations variqueuses diffuses, des pouls distaux normalement perçus et d'une mobilité normale des articulations de la cheville. La nouvelle expertise médicale de 1989 à partir de laquelle il a été décidé de dissocier son infirmité en deux infirmités avait révélé que M. A... souffrait d'œdème et d'importantes dilatations variqueuses, d'extension permanente du gros orteil, que le pouls tibial postérieur droit était très mal perçu et qu'il existait une zone de pigmentation ocre au niveau de la partie externe du dos du pied. Lors de l'expertise du 2 février 2016 effectuée consécutivement aux demandes de révision de pension de M. A..., ce dernier a précisé souffrir d' " une boiterie à la marche et des douleurs de la cuisse droite avec présence de lésions vasculaires fémorales superficielles et de troubles circulatoires du membre inférieur droit avec dilatation veineuse des extrémités ". Le médecin expert a alors constaté une mobilité de la hanche normale à droite comme à gauche, une distance talon fesse de 10 cm à droite comme à gauche, un lasègue lombaire bilatéral à 80, un œdème de la cuisse droite à + 3 cm par rapport à la gauche et des signes cliniques en faveur d'une arthrose du genou droit. L'expert conclut, au regard de la description des lombalgies, qu'elles sont manifestement indépendantes de l'invalidité pensionnée et d'origine dégénérative. 7. Si M. A... se prévaut des certificats médicaux de deux autres médecins traitants, ces derniers attestent qu'il souffre d'une " gonarthrose stade 4, une lombarthrose, une probable arthrose tibia-talienne sans lien avec un accident ancien " et constatent des séquelles neuro vasculaires, des troubles psycho affectifs, des complications vasculaires et des douleurs somatiques mais sans pour autant faire un lien avec l'infirmité pensionnée. 8. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que l'aggravation constatée de la gêne fonctionnelle soit liée à l'infirmité relative à la blessure de la cuisse droite. Si M. A... souffre d'arthrose ou de lombalgies, ces infirmités sont distinctes de celle pensionnée et ne peuvent donc donner lieu par suite à une révision de pension. En ce qui concerne la seconde infirmité : 9. Il résulte de l'instruction que le médecin expert dans son rapport du 2 février 2016, a constaté " la présence d'une cicatrice de sympathectomie en regard du flanc droit avec importante éventration confirmée par une échographie abdominale ". Il a alors estimé que la seconde infirmité, initialement évaluée à 15%, devait être portée au taux de 20%. 10. Si le requérant conteste également le taux de cette aggravation retenue, les certificats médicaux produits par M. A..., qui précisent " un tableau clinique complexe intriquant une part neurologique, dégénérative et aussi liée à son accident de guerre " et des "séquelles neuro-vasculaires de la sympathectomie ", une " majoration des troubles psycho-affectifs avec l'avancée en âge " et de " nombreuses complications vasculaires ", ne permettent pas de démontrer leur éventuelle relation médicale avec l'infirmité pensionnée et ne sont pas de nature à remettre en cause l'expertise médicale du 2 février 2016 qui a proposé une aggravation de cette seconde infirmité de 5%. 11. Dans la mesure où une aggravation de 5% par rapport au pourcentage antérieur ne peut, au regard des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui requiert 10 points de plus, ouvrir droit à révision, le ministre de la défense a pu légalement refuser de réviser la pension. 12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de révision de sa pension militaire d'invalidité. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 14. Enfin, l'article R. 761-1 du code de justice administrative fait également, en tout état de cause, obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat les dépens, lesquels sont au demeurant inexistants dans la présente instance. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et à la ministre des armées. 5 N° 19NC03453
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 24/09/2021, 20VE01077, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une demande enregistrée le 21 avril 2018, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Maurepas à lui verser la somme de 105 450 euros augmentée des intérêts à compter de sa demande préalable, à raison des préjudices résultant de la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire à son encontre. Par un jugement n° 1802863 du 27 janvier 2020, le tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Maurepas à verser à Mme A..., d'une part, la somme de 4 500 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017, d'autre part, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 30 mars 2020, Mme A..., représentée par Me Bousquet, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement en tant qu'il ne lui a alloué que la somme de 4 500 euros ; 2°) de condamner la commune de Maurepas à lui verser la somme totale de 105 450 euros avec intérêts de retard au taux légal à compter du 28 décembre 2017 ; 3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a invoqué en première instance des préjudices imputables aux fautes de la commune ; - elle a droit à une réparation de l'intégralité de ses préjudices qui procèdent de la faute de la commune et de sa collègue ; - les reproches qui lui ont été faits sont infondés ; - elle a justifié de ses préjudices et peut prétendre à une indemnisation provisionnelle au titre du déficit fonctionnel temporaire. .................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mauny, - les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique, - et les observations de Me Nogaret, pour la commune de Maurepas. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., auxiliaire de puériculture exerçant dans une crèche de la commune de Maurepas depuis le 1er juillet 2002, a fait l'objet d'une procédure disciplinaire engagée le 4 mars 2013, au terme de laquelle aucune sanction n'a été prononcée à son encontre, la commune se bornant à lui adresser un courrier lui rappelant ses obligations professionnelles. Mme A... a été placée en congé de maladie ordinaire à plusieurs reprises en 2013 et 2014 puis en congé de longue maladie à compter du 13 mars 2014, prolongé jusqu'au 12 décembre 2015, puis en congé de longue durée à compter du 13 décembre 2015. La commission de réforme du centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France, réunie sur la demande de Mme A..., a ensuite émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail à compter du 1er mars 2013. Par une décision du 7 avril 2017, la commune a reconnu l'imputabilité au service de la maladie professionnelle de l'intéressée et l'a placée en congés pour maladie professionnelle à compter du 4 mars 2013. Le 28 décembre 2017, Mme A... a demandé à la commune de Maurepas de l'indemniser des préjudices résultant des fautes qui auraient été commises à l'occasion de la procédure disciplinaire conduite en mars 2013. Après s'être vu opposer une décision implicite de rejet, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Versailles aux fins de condamnation de la commune à lui verser la somme de 105 450 euros. Par un jugement du 27 janvier 2020, le tribunal a condamné la commune de Maurepas à verser la somme de 4 500 euros à Mme A... et a rejeté le surplus de sa demande. Par la présente requête, Mme A... demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire. Sur les conclusions indemnitaires : 2. En vertu des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les fonctionnaires civils de l'Etat qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services. Les articles 36 et 37 du décret susvisé du 26 décembre 2003 prévoient, conformément aux prescriptions du II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, des règles comparables au profit des agents tributaires de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. 3. Ces dispositions doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Elles déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'accident ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. 4. Il résulte de l'instruction que la commune de Maurepas a informé Mme A... de l'engagement à son encontre d'une procédure disciplinaire par un courrier du 4 mars 2013, dans lequel il est fait état des faits qui lui sont reprochés, et dont aurait été témoin une collègue de l'intéressée. Le même courrier fait état des entretiens réalisés auprès des autres membres du personnel de la crèche qui corroborent au moins un des incidents ayant justifié l'engagement de la procédure disciplinaire, à savoir une tape donnée sur la couche d'un enfant dont la requérante ne conteste pas la réalité mais uniquement la portée. Enfin, si Mme A... n'a pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire, certains faits mentionnés dans le courrier du 4 mars 2013 n'ayant manifestement pas été retenus à son encontre, il ressort néanmoins du courrier du 16 avril 2013 qu'elle a fait l'objet d'un rappel à ses obligations professionnelles et à l'interdiction de certains gestes. Il suit de là, quand bien même l'intégralité des faits reprochés à l'intéressée n'a pas été retenue, que les faits reprochés à Mme A... présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier l'engagement d'une procédure disciplinaire par la commune de Maurepas, laquelle procédure ne présentait donc pas un caractère fautif. Par ailleurs, il ne résulte pas non plus de l'instruction que la commune aurait commis une faute dans la conduite de la procédure disciplinaire, et notamment qu'elle se serait opposée à la transmission d'un document communicable au sens du code des relations entre le public et l'administration. Enfin, au regard de ses écritures en première instance comme en appel, Mme A... n'est pas fondée à reprocher au tribunal d'avoir relevé qu'elle ne se prévalait d'aucun préjudice patrimonial ou personnel insusceptible d'être indemnisé par une indemnité complémentaire versée au titre de la responsabilité sans faute de la commune. Il suit de là que la commune n'a pas commis de faute qui serait à l'origine de la maladie de la requérante et que cette dernière ne peut prétendre à la réparation de l'intégralité de ses dommages sur ce fondement. 5. Compte tenu de ce qui a été exposé au point 3, Mme A... peut néanmoins prétendre, si elle en justifie, à une indemnisation des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux susceptibles d'être réparés en vertu des dispositions mentionnées plus haut ou de ses préjudices personnels procédant de sa maladie, dont l'imputabilité au service a été reconnue. Il résulte toutefois de l'instruction que l'état de santé de Mme A... apparaît n'être toujours pas consolidé à la date de cet arrêt et qu'elle ne sollicite l'indemnisation d'aucun préjudice temporaire, à l'exclusion de son déficit fonctionnel temporaire que le tribunal a, en tout état de cause, pris en compte au titre des troubles dans les conditions d'existence. En outre, Mme A... s'appuie devant la cour sur les pièces produites au tribunal, lesquelles ont été à juste titre regardées comme insuffisantes pour établir précisément la réalité et l'ampleur des préjudices qu'elle a subis. Il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune de Maurepas à lui verser la somme totale de 105 450 euros. 6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander la réformation du jugement par lequel le tribunal a condamné la commune de Maurepas à l'indemniser de ses préjudices à hauteur de 4 500 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Maurepas, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Maurepas demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... le paiement de la somme que la commune de Maurepas demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Maurepas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. N° 20VE01077 2
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de NANCY, 4ème chambre, 21/09/2021, 19NC03225, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal des pensions de Metz l'annulation de la décision du 3 mai 2017 du ministre de la défense qui a refusé de lui accorder le bénéfice d'une pension en qualité de victime civile des évènements qui se sont déroulés en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962. Par un jugement n° 17/00011 du 14 mars 2019, le tribunal des pensions de Metz a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : La cour régionale des pensions militaires de Metz a transmis à la cour administrative d'appel de Nancy, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. C..., enregistrée à son greffe le 10 octobre 2019. Par un mémoire complémentaire enregistré le 21 janvier 2020, M. C..., représenté par Me Giustinati, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Metz du 14 mars 2019 ; 2°) d'annuler la décision de rejet du ministre de la défense du 3 mai 2017 ; 3°) de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité en raison des blessures subies pendant la guerre d'Algérie le 22 octobre 1961 ; 4°) de statuer, ce que de droit, sur les dépens. Il soutient que : - le critère de nationalité française ne peut plus lui être opposé au regard de la décision du conseil constitutionnel 2017-690 QPC du 8 février 2018 ; - le ministre des armées ne pouvait pas subordonner la preuve de l'imputabilité de son infirmité à un fait de guerre en Algérie à la production obligatoire d'un constat officiel contemporain au fait. Par deux mémoires en défense, enregistrés le 15 janvier 2020 et le 14 décembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - il ne peut plus se prévaloir de ce que la pension militaire d'invalidité lui a été refusée pour défaut de nationalité française car dès la première instance, le ministère a sollicité du tribunal des pensions que M. C... ne soit pas débouté de sa demande sur le critère tenant à la nationalité française, lequel ne peut plus lui être opposé depuis le 8 février 2018 ; - il n'apporte pas d'éléments établissant que l'infirmité invoquée a bien son origine dans une blessure ou une maladie causée par l'un des faits prévus à l'article L. 124-11 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 novembre 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, - et les conclusions de M. Michel, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. C..., de nationalité algérienne, né le 31 décembre 1942, a sollicité l'octroi d'une pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile en faisant valoir qu'il a été blessé par balle à son domicile au cours d'une opération de l'armée française en Algérie le 22 octobre 1961. Par décision du 3 mai 2017, le ministre de la défense a rejeté sa demande. M. C... relève appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le tribunal des pensions de Metz a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 3 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui octroyer la pension sollicitée. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dans sa version applicable au litige : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre. (...) ". Aux termes de l'article L. 124-11 du même code dans sa version applicable au litige: " Pour l'application des dispositions de l'article L. 113-6 relatif à la réparation des dommages physiques subis en relation avec la guerre d'Algérie, ouvrent droit à pension les infirmités ou le décès résultant :1° De blessures reçues ou d'accidents subis du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec cette guerre ;(...) ". Enfin, aux termes de l'article L 124-20 du même code : " Il appartient aux postulants de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant que l'infirmité invoquée a bien son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits prévus aux sections 1 et 2 du présent chapitre ". 3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au postulant victime civile de guerre, de faire la preuve de ses droits à pension en établissant notamment que les infirmités qu'il invoque ont leur origine dans une blessure ou une maladie causée par l'un des faits de guerre énoncés aux articles L.124-1 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. 4. La décision attaquée du ministre de la défense du 3 mai 2017 a notamment été prise au motif de l'absence de production de documents établissant l'imputabilité des affections à un fait de guerre par un constat officiel établi par la gendarmerie ou un organisme habilité. Ce défaut de pièce officielle, non prévue par les textes, ne pouvait pas justifier un refus d'octroi d'une pension militaire d'invalidité sur le fondement des dispositions précitées. Ainsi, ce motif retenu dans la décision attaquée est entaché d'erreur de droit. 5. Toutefois, pour établir que la décision attaquée était légale, la ministre des armées invoque, dans ses écritures communiquées à M. C..., un autre motif, tiré de ce que sa décision aurait pu également être prise au motif de ce que les documents joints par M. C... étaient insuffisants pour établir l'imputabilité de son affection à un fait de guerre en Algérie. 6. Il résulte de l'instruction que pour établir la preuve, qui lui incombe, du lien de son infirmité avec un fait de guerre au sens des articles L. 124-1 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, M. C... produit deux attestations sur l'honneur datées du 1er septembre 2017 selon lesquelles il a été blessé par balle le 22 octobre 1961, une autre d'un médecin de l'hôpital de Tiaret datée du 14 juillet 2014 qui mentionne qu'il a été opéré d'une plaie par balle le 22 octobre 1961, un compte rendu d'un cabinet de radiologie en Moselle qui fait état de ce que le patient " allègue des séquelles de blessures par balle ancienne " et enfin un procès-verbal d'enquête préliminaire du 9 octobre 2019 de la gendarmerie nationale d'Algérie relatant que le requérant a été blessé par balle accidentellement lors d'une opération de l'armée française en Algérie. Toutefois, ces témoignages contemporains relatent des faits datant de plus de 50 ans et l'attestation du médecin de l'hôpital de Tiaret se borne à préciser que le requérant a été " opéré le 22 octobre 1961 pour plaie abdominale par balle " sans autre précision. Dans ces conditions, les pièces produites par M. C... ne sont pas de nature à démontrer un lien direct et certain entre sa blessure par balle et le fait de guerre invoqué. 7. Ainsi, il résulte de ce qui précède que le ministre des armées aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif qu'il y a lieu de substituer à celui du défaut de constat officiel entaché d'erreur de droit. 8. Ce seul motif suffit à justifier le refus d'accorder à M. C... une pension militaire d'invalidité. Par suite, la circonstance que le ministre des armées ne pouvait pas, par un second motif, lui opposer le défaut de nationalité française est sans incidence sur la légalité de ce refus. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Metz a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui refusant la révision de sa pension en qualité de victime civile de fait de guerre. Sur les dépens : 10. Les dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, les dépens, lesquels sont au demeurant inexistants dans la présente instance. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées. 3 N° 19NC03225
Cours administrative d'appel
Nancy