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CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 03/11/2020, 19MA01238 - 19MA01239, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier : - sous le n° 1606400, d'annuler la décision du 20 septembre 2016 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud l'a placée d'office en retraite pour invalidité et d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité sud de réexaminer sa situation ; - sous le n° 1700309, d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2017 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud l'a placée d'office en retraite pour invalidité ; - sous le n° 1701485, d'annuler la décision du 9 mars 2017 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie à compter du 17 décembre 2012 et d'enjoindre à l'Etat de déclarer la pathologie dont elle est atteinte comme étant imputable au service. Par les jugements nos 1606400, 1700309 et 1701485 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Procédure devant la Cour : I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 mars 2019 et 5 juin 2019 sous le n° 19MA01238, Mme D... C..., représentée par Me A..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier nos 1606400, 1700309 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2017 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud l'a placée d'office en retraite pour invalidité ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru lié par l'avis du comité médical et de la commission de réforme ; - la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission de réforme s'est réunie 13 octobre 2016 en l'absence des représentants du personnel, empêchés pour raison de force majeure ; - la décision est illégale dès lors qu'elle ne présente pas une inaptitude définitive et absolue à tous postes sans possibilité de reclassement et que son état de santé est imputable au service. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de Mme C.... Il soutient que la requête est irrecevable et que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. La demande d'aide juridictionnelle de Mme C... a été rejetée par une décision du 12 juillet 2019. II. Par une requête enregistrée le 16 mars 2019 sous le n° 19MA01239, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1701485 du 25 janvier 2019 ; 2°) d'annuler la décision du 9 mars 2017 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie à compter du 17 décembre 2012 ; 3°) d'enjoindre à l'autorité compétente de déclarer imputable au service la pathologie dont elle est atteinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision est insuffisamment motivée ; - la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de la zone de défense et de sécurité sud s'est cru lié par l'avis de la commission de réforme ; - la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que la convocation à la commission de réforme, qui ne l'informait pas de la possibilité de se faire entendre lors de la réunion de la commission n'était pas conforme à l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - la décision est illégale en ce qu'elle refuse l'imputabilité au service alors que sa pathologie est en lien direct avec son activité professionnelle. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. La demande d'aide juridictionnelle de Mme C... a été rejetée par une décision du 12 juillet 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraites ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., gardien de la paix, était affectée à la direction départementale de la sécurité publique de l'Hérault, à Montpellier. A compter du 17 décembre 2012, elle a été placée en arrêt maladie ordinaire puis placée en disponibilité d'office par arrêtés successifs à compter du 17 décembre 2013 jusqu'au 17 mars 2016, et une dernière fois à compter de cette date pour une durée de six mois, avant d'être placée d'office en retraite par voie d'invalidité, par décision du 4 janvier 2017. 2. Mme C... a, en outre, sollicité en mai 2016 la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 17 décembre 2012. Par un arrêté du 9 mars 2017, le préfet de la zone de défense et de sécurité sud a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie. 3. Mme C... relève appel des jugements nos 1606400, 1700309 et 1701485 du 25 janvier 2019, par lesquels le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation du courrier du 20 septembre 2016 et de l'arrêté du 4 janvier 2017 du préfet de la zone de défense et de sécurité sud portant mise à la retraite pour invalidité et, d'autre part, à l'annulation de la décision du 9 mars 2017 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle est affectée. 4. Les requêtes d'appel susvisées nos 19MA01238 et 19MA01239 concernent les mêmes parties et présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. Sur la fin de non-recevoir opposé par le préfet de la zone de défense et de sécurité sud : 5. Une requête d'appel qui se borne à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge et ne peut être régularisée que jusqu'à l'expiration du délai d'appel. 6. Dans sa requête devant la cour administrative d'appel, Mme C... critique la position des premiers juges et développe certains moyens soulevés en première instance. Dans ces conditions, cette requête ne saurait être regardée comme ne satisfaisant pas aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par le préfet de la zone de défense et de sécurité sud à l'encontre des conclusions présentées par l'appelante dans l'affaire enregistrée sous le n° 19MA01238 ne peut qu'être écartée. Sur la légalité de la décision du 4 janvier 2017 : 7. Aux termes de l'article 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa version applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension. Par dérogation à l'article L. 16 du même code, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. ". Aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. Le fonctionnaire qui, à l'expiration de son congé de maladie, refuse sans motif valable lié à son état de santé le ou les postes qui lui sont proposés peut- être licencié après avis de la commission administrative paritaire. ". Et aux termes de l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 susvisé relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de mise à disposition et de cessation définitive de fonctions : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires a congés de maladie (...). La durée de la disponibilité prononcée d'office ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. (...) ". 8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'autorité administrative ne peut prononcer la mise à la retraite d'office d'un agent sans avoir examiné s'il était inapte totalement et définitivement à l'exercice de toute fonction. 9. Il ressort des écritures en défense produites par le préfet de la zone de défense et de sécurité sud en première instance qu'il s'est considéré tenu de placer à la retraite d'office Mme C... dès lors qu'à la date de la décision attaquée, elle avait épuisé ses droits à congés de maladie ordinaire, était arrivée au terme de sa troisième année de disponibilité d'office, dont l'échéance était au 17 décembre 2016, et avait été déclarée inapte définitivement à tout emploi et sans possibilité de reclassement par le comité médical interdépartemental dans son avis du 6 septembre 2016 et par la commission de réforme dans son avis du 13 octobre 2016. Toutefois le préfet de la zone de défense et de sécurité sud ne pouvait, sans entacher sa décision d'erreur de droit, s'estimer tenu par l'avis du comité médical interdépartemental et de la commission de réforme sans examiner, notamment au regard des arguments soutenus en ce sens par Mme C..., si cette inaptitude était définitive et si elle impliquait l'impossibilité d'exercer une quelconque fonction au sein de l'administration. 10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés en première instance comme en appel à l'encontre de cette décision, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 janvier 2017. Compte tenu de ce qui précède il appartient au préfet, en tenant compte du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 novembre 2018, annulant l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité sud du 21 mars 2016 mettant Mme C... en disponibilité d'office pour une période de six mois à compter du 17 mars 2016, de placer l'intéressée dans une situation régulière et réglementaire et de réexaminer la situation de l'intéressée. Sur la légalité de la décision du 9 mars 2017 : 11. En premier lieu, Mme C... reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance et tirés de ce que la décision est insuffisamment motivée et de ce que le préfet de la zone de défense et de sécurité sud s'est cru, à tort, lié par l'avis de la commission de réforme, méconnaissant ainsi l'étendue de sa compétence. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges. 12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 : " (...) La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme. L'avis formulé en application du premier alinéa de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite doit être accompagné de ses motifs. Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. L'avis de la commission de réforme est communiqué au fonctionnaire sur sa demande ; Le secrétariat de la commission de réforme est informé des décisions qui ne sont pas conformes à l'avis de la commission de réforme. ". 13. Le courrier de convocation de Mme C... à la réunion de la commission de réforme du 9 février 2017 indique " (...) La commission de réforme statuant sur pièces, votre présence n'est pas obligatoire. Vous pouvez cependant y assister si vous le désirez, vous pouvez également vous faire représenter par un médecin ou toute autre personne de votre choix (...) ". Si la formulation de cette convocation ne mentionne pas expressément la possibilité pour l'intéressée de présenter des observations orales, la simple mention de la possibilité d'assister à la réunion de cette commission le supposait implicitement, alors que la mention du caractère non indispensable de sa présence n'avait pas pour effet de l'inciter à ne pas s'y présenter. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté. 14. En troisième lieu, Mme C... soutient que la pathologie dont elle souffre, un syndrome anxio-dépressif, est imputable au service, dès lors qu'elle ne présentait, avant d'exercer ses fonctions de gardien de la paix, et plus particulièrement à compter de son changement d'affectation en 2012, aucun antécédent psychiatrique. Elle se prévaut des rapports d'expertise psychiatrique auxquelles elle s'est soumise dans le cadre de ses demandes d'attribution d'un congé de longue maladie et de l'évaluation de son aptitude à réoccuper ses fonctions, lesquelles attribuent son état de santé à des difficultés rencontrées dans sa vie personnelle comme dans son activité professionnelle. Toutefois, il ressort de ces mêmes expertises médicales que ces difficultés sont apparues sur une personnalité névrotique affectée d'une anxiété envahissante et que ces traits de personnalité apparaissaient déjà en 2005, sans présenter néanmoins de caractère de gravité comparable à celui qui a conduit à la déclarer inapte définitivement à toutes fonctions. En outre, Mme C..., en se bornant à mentionner le retrait de son arme de service en décembre 2012 par forçage de son casier, ainsi qu'une relation sentimentale complexe dans le milieu professionnel, et à invoquer une situation de harcèlement sexuel qui n'est étayée par aucun fait, n'établit pas que l'exercice de son activité professionnelle se serait déroulé dans des conditions susceptibles de porter atteinte à sa santé mentale. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qui entacherait la décision contestée doit être écarté. 15. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1701485 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 9 mars 2017 et ses conclusions à fin d'injonction. Sur les frais de l'instance : 16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier nos 1606400 et 1700309 du 25 janvier 2019 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions présentées par Mme C... dans l'instance enregistrée par le tribunal sous le n° 1700309. Article 2 : L'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité sud du 4 janvier 2017 est annulé. Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La requête n° 19MA01239 de Mme C... est rejetée. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité sud. Délibéré après l'audience publique du 20 octobre 2020 où siégeaient : M. Badie, président, M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, Mme B..., première conseillère. Lu en audience publique le 3 novembre 2020. 2 Nos 19MA01238, 19MA01239
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de NANCY, 1ère chambre, 29/10/2020, 18NC02798, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement l'ONIAM et l'Etat à lui verser une somme de 1 380 656,48 euros en réparation des préjudices subis lors de l'accident dont il a été victime le 16 septembre 2006. Par un jugement n° 1600650 en date du 7 juin 2018, le tribunal administratif a mis hors de cause l'ONIAM, a condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 37 623,33 euros en réparation des conséquences dommageables de l'accident de service dont il a été victime et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le tribunal a mis les dépens à la charge définitive de l'Etat. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 15 octobre 2018, M. B..., représenté par la SALAS E... associés Grand Est, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Chalons en Champagne du 7 juin 2018 ; 2°) de déclarer l'ONIAM et l'Etat solidairement responsables ; 3°) de fixer son préjudice à la somme de 1 391 100 euros ; 4°) de condamner l'ONIAM et l'Etat à la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les actes pratiqués sur l'intéressé ont eu des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; - il entend solliciter la réparation intégrale de son préjudice dès lors que l'Etat a commis une faute en ce que le médecin de la garnison n'a pas permis que le diagnostic de sa lésion soit établi immédiatement ; - il justifie des préjudices allégués dans leur quantum. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2019, l'ONIAM, représenté par Me C..., conclut à ce que le jugement soit confirmé et que l'ONIAM soit mis hors de cause. Il soutient que : - le recours de M. B... ne présente aucun élément de fait et de droit nouveau par rapport à l'argument développé en première instance, ni ne produit de nouvelles pièces ou d'éléments probants de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement ; - le dommage présenté par M. B... ne relève pas d'un accident médical mais d'un échec thérapeutique inhérent à toute chirurgie et n'ouvre pas droit à indemnisation par la solidarité nationale ; - aucun lien de causalité direct et certain avec ces interventions n'apparaît aucunement établi ; l'état séquellaire est en lien avec l'état initial ; Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2020, l'Etat conclut par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juin 2018 et à la réduction du montant de la condamnation de l'Etat à une somme de 7 830 euros. Il fait valoir que : - aucun manquement n'a été révélé à l'égard des praticiens qui ont pris en charge M. B... que ce soit à l'infirmerie militaire ou au centre hospitalier ; - en l'absence de faute, M. B... ne saurait bénéficier d'une réparation intégrale ; - c'est à tort que les premiers juges ont indemnisé le déficit fonctionnel temporaire et le déficit fonctionnel permanent lesquels sont indemnisés forfaitairement par la pension militaire d'invalidité ; - l'évaluation des autres préjudices n'est pas contestée. Par une ordonnance du 7 février 2020, l'instruction a été close au 21 février 2020. Par un courrier en date du 24 septembre 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de la faute présentées pour la première fois en appel. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme F..., présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Peton, rapporteur public, - et les observations de Me E... pour M. B.... M. B... a présenté une note en délibéré enregistrée le 6 octobre 2020. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., sous-officier de l'armée de terre, a été victime en service, le 13 septembre 2006, au camp de Mourmelon-le-Grand, d'un accident lors d'une séance de sport provoquant une torsion de la cheville. Il a été pris en charge par le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, où a été posé le diagnostic d'entorse de la cheville droite et où une immobilisation du pied a été prescrite. En raison de douleurs, un scanner pratiqué le 26 septembre suivant a mis en évidence une fracture de la base du 4ème métatarsien de l'avant-pied droit associée à une fracture parcellaire de la pointe de la malléole interne droite. Une botte plâtrée a alors été posée. En raison de la persistance de douleurs après l'ablation du plâtre, M. B... a subi, entre janvier 2007 et 2010, quatre interventions chirurgicales destinées à remédier aux séquelles dont il était atteint par la pose et le retrait de matériel d'ostéosynthèse. Il conserve toutefois des douleurs rendant nécessaire l'usage d'une canne simple pour la marche. Par un jugement en date du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a mis hors de cause l'ONIAM et condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 37 623,33 euros en réparation des conséquences dommageables de l'accident de service dont il a été victime, ainsi que 1 500 euros à verser au conseil de M. B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le tribunal a mis les dépens à la charge définitive de l'Etat. M. B... relève appel de ce jugement et demande de déclarer l'ONIAM et l'Etat solidairement responsables et de fixer son préjudice à la somme de 1 391 100 euros. L'ONIAM conclut au rejet de la requête et à sa mise hors de cause. L'Etat par la voie de l'appel incident demande la réduction du montant de sa condamnation à une somme de 7 830 euros. Sur le principe de l'indemnisation par l'ONIAM : 2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dans son II : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I (...) n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". 3. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expertise diligentée par ordonnance du président du tribunal administratif de Chalons en Champagne le 26 mai 2014 et confiée au Pr Coudane, lequel a déposé son rapport le 13 janvier 2016, que " le dommage dont se trouve actuellement atteint M. B... trouve son origine non pas dans un accident médical mais résulte d'une non atteinte du résultat escompté et d'un résultat imparfait. L'indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale n'est donc pas susceptible d'être retenue. Comme l'ont jugé les premiers juges, l'ONIAM doit dès lors être mis hors de cause. Sur la responsabilité de l'Etat : En ce qui concerne la responsabilité pour faute : 4. Devant le tribunal administratif, M. B... a demandé la condamnation de l'Etat sans invoquer la faute comme fait générateur de responsabilité. En appel, M. B... reprend ses conclusions indemnitaires initiales et demande, en plus, la condamnation de l'Etat sur le terrain de la responsabilité pour faute. Ces conclusions, nouvelles en appel, sont irrecevables et doivent, par suite être rejetées. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que les services militaires auraient commis une faute ou un manquement lors de la prise en charge de l'intéressé à la suite de son accident du 13 septembre 2006. En ce qui concerne la responsabilité sans faute : 5. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la défense : " Les militaires bénéficient des régimes de pensions ainsi que des prestations de sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicable : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". 6. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Eu égard à sa finalité et à son mode de calcul, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille. Toutefois, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. 7. Il ressort de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du Professeur Coudane que les séquelles dont souffre M. B... sont imputables à l'accident survenu le 13 septembre 2006 dans l'exercice de ses fonctions et qui est dès lors imputable au service. Il appartient en conséquence à l'Etat, même sans faute de sa part, d'en réparer les préjudices subis par le militaire. Sur l'évaluation des préjudices : 8. Conformément aux dispositions précitées et à ce qui a été dit au point 6, la pension militaire d'invalidité allouée à M. B... a pour objet de réparer la perte de revenus et l'incidence professionnelle subie du fait de son incapacité physique ainsi que l'atteinte à l'intégrité physique. L'appelant ne justifie pas d'un préjudice complémentaire qui n'aurait pas été indemnisé par la pension militaire d'invalidité qui lui a été servie au regard du déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert à hauteur de 16 %. Les conclusions de M. B... tendant à l'indemnisation du préjudice lié à la perte de gains professionnels actuels et futurs et aux déficits fonctionnels temporaire et permanent doivent dès lors être rejetées. 9. Il résulte par ailleurs de l'instruction que les dépenses de santé liées au renouvellement de la canne simple dont M. B... a besoin pour ses déplacements ne sont pas prises en charge. Compte tenu de l'âge de l'appelant et du besoin en remplacement de ce matériel tous les 5 ans selon l'expert, il y a lieu d'allouer à M. B... comme l'ont évalué les premiers juges une somme de 480 euros à ce titre. 10. Si M. B... peut utiliser son véhicule pour de courts déplacements, l'expert a estimé nécessaire la conduite d'un véhicule doté d'une boite de vitesse automatique sur de longs trajets compte tenu de la fatigabilité et des douleurs endurées par M. B.... Comme en première instance, M. B... ne justifie pas du coût allégué pour ce chef de préjudice de 25 000 euros. S'il y a lieu d'indemniser l'aménagement rendu nécessaire du véhicule, cette indemnisation n'implique pas le remplacement à neuf de son véhicule. En conséquence, compte-tenu du surcoût de cet aménagement et du renouvellement régulier de véhicule au regard de l'âge de M. B..., ce chef de préjudice doit être indemnisé à la somme de 12 000 euros. 11. Il résulte de l'instruction que M. B... a enduré, avant la consolidation de son état de santé le 31 octobre 2010, des souffrances évaluées à 3 sur 7 par l'expert. Il subit d'autre part un préjudice esthétique évalué à 2 sur 7. Le tribunal a fait une juste appréciation de ces deux chefs de préjudice en les évaluant respectivement à 3 600 et 1 850 euros. 12. Si M. B... demande l'indemnisation d'un préjudice d'agrément sans fournir, comme en première instance, aucun justificatif, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. B... pratiquait plusieurs sports. Il y a lieu de lui allouer pour réparer ce préjudice une somme de 2 000 euros. 13. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité complémentaire due à M. B... s'élève à la somme globale de 19 930 euros au titre des préjudices que la pension militaire d'invalidité n'a pas pour objet de réparer. Ainsi le ministre de la défense est fondé à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juin 2018 en tant qu'il condamne l'Etat à verser à M. B... une indemnité supérieure à 19 930 euros. Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à payer à M. A... B... par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est ramenée à 19 930 euros. Article 2 : Le jugement n° 160650 du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : La requête de M. B... et le surplus du recours du ministre des armées sont rejetés. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'ONIAM et au ministre des armées. 2 N°18NC02798
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de NANCY, 3ème chambre, 20/10/2020, 18NC03041, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Besançon, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative et au fond, à lui verser la somme de 51 100 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison de son accident de service survenu en août 2001. Par un jugement nos 1700865 et 1700843 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme E... présentées sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative et a condamné le centre hospitalier régional universitaire de Besançon à lui verser la somme de 7 000 euros à titre d'indemnisation. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 novembre 2018 et 3 octobre 2019, Mme F... E..., représentée par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement nos 1700865 et 1700843 du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 7 000 euros ; 2°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Besançon à lui verser la somme de 51 100 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 9 janvier 2017 ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Besançon la somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme E... soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle a droit à la réparation de ses déficits fonctionnels temporaire et permanent et de son préjudice moral même en l'absence de faute du centre hospitalier ; - la minoration de son indemnisation n'est pas justifiée, dès lors qu'elle ne souffrait pas d'une maladie bipolaire préexistante ; - elle a droit aux sommes de 5 100 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, de 6 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, de 30 000 euros au titre des souffrances endurées, et de 10 000 euros au titre de son préjudice moral. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2019, le centre hospitalier régional universitaire de Besançon, représenté par la SELARL Houdart et associés, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de Mme E... la somme de 2 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la requête est irrecevable et, subsidiairement, mal fondée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public, - et les observations de Me D... pour Mme E... et de Me C... pour le centre hospitalier universitaire de Besançon. Une note en délibéré, enregistrée le 2 octobre 2020, a été présentée pour Mme E.... Considérant ce qui suit : 1. Mme E..., infirmière au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon depuis le 1er avril 2001, a été affectée à l'équipe de nuit du service de neurologie. Dans la nuit du 7 au 8 août 2001, elle s'est trouvée confrontée à l'aggravation subite de l'état de santé d'un patient, qui est décédé le 9 août. Deux mois plus tard, elle a été victime d'un syndrome anxio-dépressif sévère associé à des idées suicidaires. Du 2 octobre 2001 au 31 mars 2005, elle a été placée en congé de longue maladie puis en congé de longue durée, avant de reprendre son activité en mi-temps thérapeutique du 2 avril 2005 au 1er avril 2006. Par une décision du 11 janvier 2016, le CHRU de Besançon a reconnu l'imputabilité au service de l'accident survenu le 8 août 2001. Mme E... a alors, par des courriers des 26 février 2016 et 5 janvier 2017, demandé au CHRU de Besançon le versement de la somme totale de 51 100 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de son accident de service. N'ayant pas obtenu satisfaction, elle a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le CHRU de Besançon à lui verser la somme de 51 100 euros, et de lui accorder une provision du même montant. 2. Mme E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 septembre 2018 en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 7 000 euros. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 3. Si le CHRU de Besançon soutient que les demandes présentées par Mme E... devant le tribunal étaient tardives, cette circonstance est sans incidence sur la recevabilité de la présente requête d'appel. Au surplus, le CHRU de Besançon ne discute pas le bien-fondé du jugement qui a écarté sa fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des demandes de l'intéressée. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la responsabilité : 4. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. 5. La circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. 6. Il résulte de ce qui précède, d'une part que le CHRU de Besançon ne peut pas utilement faire valoir que Mme E... n'a droit à aucune indemnisation des seuls faits qu'elle n'aurait, selon lui, conservé aucune séquelle de l'accident de service du 8 août 2001 et qu'elle a poursuivi sa carrière normalement à partir du 1er avril 2005 et, d'autre part, que dans le cadre de la responsabilité sans faute de l'établissement, dont elle se prévaut, la requérante peut prétendre non seulement à la réparation des souffrances qu'elle a endurées du fait de l'accident de service du 8 août 2001 mais encore, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, à la réparation de ses déficits fonctionnels temporaire et permanent, et de son préjudice moral, lesquels constituent des préjudices à caractère personnel. En ce qui concerne l'état de santé préexistant de Mme E... : 7. Selon le rapport de l'expert judiciaire, le syndrome anxio-dépressif dont a souffert Mme E... correspond à une décompensation de sa maladie bipolaire préexistante, dont la situation de détresse qu'elle a vécue à l'occasion de l'aggravation subite de l'état de santé d'un patient dans la nuit du 7 au 8 août 2001 et du décès de ce dernier, le 9 août, a constitué le facteur déclenchant. Mme E... conteste la réalité de cette maladie préexistante en se prévalant des rapports établis à sa demande par le Dr Claden les 22 avril 2015 et 28 novembre 2017, et du rapport établi par le Dr Bourg le 26 mars 2016, à la demande du CHRU de Besançon, au sujet de son aptitude à exercer ses fonctions et de son taux d'invalidité. Toutefois, ces rapports, établis postérieurement à l'expertise, et de manière non contradictoire en ce qui concerne ceux du Dr Claden, alors que Mme E... n'avait pas donné suite à la demande de l'expert d'être assistée par un psychiatre en cours d'expertise judiciaire, ne suffisent pas à remettre en cause les conclusions argumentées et circonstanciées de cette expertise. 8. Compte tenu de cet état préexistant dont, contrairement à ce que soutient Mme E..., il ne résulte pas de l'instruction que l'expert a tenu compte pour l'évaluation de ses préjudices, il y a lieu de réduire de moitié la charge des réparations incombant au CHRU de Besançon. En ce qui concerne les préjudices : 9. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'accident de service survenu dans la nuit du 7 au 8 août 2001, Mme E... a été placée, à compter du 2 octobre 2001, en congé de maladie puis en congé de longue maladie et en congé de longue durée et n'a repris son activité, en mi-temps thérapeutique, que le 2 avril 2005. Elle a, en outre, subi trois hospitalisations de plusieurs semaines en janvier, juillet et décembre 2002. La souffrance morale endurée par Mme E... a été évaluée par l'expert à 6 sur une échelle de 0 à 7 pour la période d'octobre 2001 à décembre 2002, à 4 sur la même échelle pour la période de décembre 2002 à avril 2004, et à 3 sur la même échelle ensuite, l'état de santé de l'intéressée ayant été consolidé le 1er avril 2005, date de sa reprise d'activité. Dans ces conditions et compte tenu de ce qui a été dit au point 8, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges se soient livrés à une appréciation inexacte des souffrances endurées par Mme E... en fixant à la somme de 7 000 euros le montant de la réparation incombant à ce titre au CHRU de Besançon. 10. En deuxième lieu, l'expert, qui évoque un épisode anxio-dépressif aigu, caractérisé par des crises d'angoisse majeures avec phobies d'impulsion et idées de mort envahissantes, rituels de vérification, nécessitant notamment une prise en charge et un suivi psychiatrique, a évalué le déficit fonctionnel temporaire subi par Mme E... à 50 % pour la période d'octobre 2001 à décembre 2002, et à 20 % pour la période de décembre 2002 à avril 2004. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en en fixant la réparation à la somme totale de 6 000 euros. Compte tenu de ce qui a été dit au point 8, il y a lieu de mettre la moitié de cette somme, soit 3 000 euros, à la charge du CHRU de Besançon. 11. En troisième lieu, l'expert a estimé que la diminution définitive des capacités de la requérante après consolidation, qu'il a évaluée à 5 %, est " essentiellement représenté[e] par [son] incapacité (...) à travailler au contact des patients dans une unité de soins ". Alors que, ainsi qu'il a été dit au point 5, Mme E... ne peut pas prétendre à une indemnisation au titre des incidences professionnelles de l'accident de service qu'elle a subi, les conclusions de l'expertise dont elle se prévaut ne suffisent pas, en l'absence d'autres précisions et éléments concrets, à établir la réalité de ces incidences sur sa vie personnelle, familiale et sociale. Dès lors, elle n'est pas fondée à demander une réparation au titre de son déficit fonctionnel permanent. 12. En quatrième lieu, la réparation accordée à Mme E... au titre des souffrances qu'elle a endurées inclut le préjudice moral subi du fait de son accident de service. Par ailleurs, le préjudice moral que la requérante allègue avoir subi du fait du comportement ultérieur du CHRU de Besançon et de l'incertitude quant à sa situation administrative est sans lien direct avec cet accident de service. Dès lors, Mme E... n'est pas fondée à demander une indemnisation complémentaire au titre de son préjudice moral. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la somme de 7 000 euros que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a condamné le CHRU de Besançon à verser à Mme E..., doit être portée à la somme de 10 000 euros en principal, les intérêts de retard au taux légal et leur capitalisation, fixés par le tribunal, s'appliquant à ce nouveau montant. Sur les frais de l'instance : 14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ". 15. Ces dispositions font à obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme E..., qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme de 2 500 euros demandée par le CHRU de Besançon au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CHRU de Besançon la somme de 2 000 euros à verser à Mme E... en application de ces mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1 : La somme de 7 000 euros que le centre hospitalier régional universitaire de Besançon a été condamné à verser à Mme E... par l'article 2 du jugement nos 1700865 et 1700843 du tribunal administratif de Besançon du 25 septembre 2018 est portée à la somme de 10 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2017. Les intérêts échus au 10 janvier 2018 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts. Article 2 : Le jugement nos 1700865 et 1700843 du tribunal administratif de Besançon du 25 septembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er. Article 3 : Le centre hospitalier régional universitaire de Besançon versera à Mme E... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E... et au centre hospitalier régional universitaire de Besançon. N° 18NC03041 2
Cours administrative d'appel
Nancy
Conseil d'État, 8ème chambre, 21/10/2020, 428480, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Saint-Denis de La Réunion d'annuler la décision du 9 mai 2012 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % à raison de douleurs abdominales à type de brûlures épigastriques post prandiales avec troubles de transit intestinal et sensibilité abdominale. Par un jugement n° 12/00006 du 10 février 2015, ce tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 16/02 du 24 février 2016, la cour régionale des pensions de Saint-Denis de la Réunion a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement. Par une décision n° 397796 du 17 novembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour régionale des pensions de Paris. Par un arrêt n° RG 17/21878 du 14 décembre 2018, cette cour a annulé le jugement du 10 février 2015 du tribunal des pensions de Saint-Denis de La Réunion, annulé la décision du 9 mai 2012 par laquelle le ministre de la défense avait rejeté la demande de M. A..., et a accordé à ce dernier le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % à raison de ses pathologies oesophagiques, gastriques et intestinales contractées au Tchad en opérations extérieures en 1986, 1987 et 1988. Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 février et 31 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A.... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alexandre Koutchouk, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. A... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a demandé le 16 février 2009 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % à raison de douleurs abdominales et de troubles du transit intestinal. Par une décision du 9 mai 2012, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que ces infirmités n'étaient pas de nature à justifier un taux d'invalidité permettant d'atteindre le seuil minimum de 10 % requis par les articles L. 4 et L. 5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour l'octroi d'une pension. Par un jugement du 10 février 2015, le tribunal des pensions de Saint-Denis de La Réunion a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision et à l'octroi d'une pension. Par une décision du 17 novembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 24 février 2016 par lequel la cour régionale des pensions de Saint-Denis de la Réunion avait rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement et renvoyé l'affaire à cette cour. La ministre des armées se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 décembre 2018 par lequel la cour régionale des pensions de Paris a annulé le jugement du tribunal départemental des pensions et la décision du 9 mai 2012 et a fixé à 20%, à compter du 16 février 2009, le taux d'invalidité résultant des pathologies oesophagiques, gastriques et intestinales contractées par M. A... au Tchad en opérations extérieures. 2. Il résulte de l'accusé de réception figurant dans les pièces du dossier de procédure que l'arrêt de la cour régionale des pensions de Paris du 14 décembre 2018 a été notifié par le greffe de cette cour à la ministre des armées le 26 décembre 2018. Le pourvoi de la ministre, enregistré le 27 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, a donc été formé dans le délai de recours contentieux de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, prévu par l'article R.733-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par M. A... et tirée de la tardiveté du pourvoi de la ministre doit être écartée. 3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version alors applicable : " Ouvrent droit à pension :/ (...). 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ;/ (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition:/(...) ;/ 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le trentième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ;/ 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, (...) au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre (...) ". Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. Pour juger que M. A... apportait, contrairement à ce que soutenait la ministre des armées, la preuve, en application des dispositions précitées de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, de l'imputabilité au service des pathologies dont il souffrait, la cour régionale des pensions de Paris s'est fondée sur les seules mentions portées en octobre 1987 sur le registre des constatations des blessures, infirmités et maladies survenant pendant le service selon lesquelles M. A..., alors qu'il se trouvait en poste isolé au cours d'une mission opérationnelle sur le territoire tchadien du 14 février au 5 mai 1986, se serait plaint à plusieurs reprises de violentes douleurs au ventre qui l'auraient conduit à consulter un médecin tchadien qui aurait constaté une gastrite le 25 avril 1986 et précisant que la maladie n'avait pu faire l'objet ni d'une constatation médicale, ni d'une inscription sur les pièces médicales de l'intéressé avant son retour. En statuant ainsi, sans rechercher si l'affection en cause était en relation avec un fait précis ou des circonstances particulières de service à l'origine de celle-ci, la cour régionale des pensions a méconnu les dispositions de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 5. La ministre des armées est, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. 6. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond. 7. En premier lieu, si, après avoir estimé que les affections dont souffrait M. A... ne conduisaient pas à des taux d'invalidité suffisants pour justifier l'octroi d'une pension militaire d'invalidité, le tribunal des pensions de Saint-Denis de la Réunion a ajouté " qu'au-delà de ces éléments ", il n'était pas établi que ces affections étaient en lien avec la mission effectuée au Tchad de février à mai 1986, il ressort du jugement qu'un tel motif revêtait un caractère surabondant. M. A... n'est, par suite et en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le tribunal régional des pensions aurait entaché son jugement d'irrégularité en fondant sa décision sur le motif, non invoqué par le ministre et non soumis au débat contradictoire, tiré de l'absence d'imputabilité au service des affections dont il souffrait. 8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'aucun diagnostic médical n'a conclu à l'imputabilité des pathologies en litige à un fait ou des circonstances particulières de service. En se bornant à faire état de ce que son isolement, au cours du service, ne lui avait permis de consulter que le 25 avril 1986 un médecin au Tchad, dont le diagnostic n'a pas été consigné par écrit, M. A... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe en application des dispositions de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, que ses pathologies ont une cause certaine, directe et déterminante dans le service. 9. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la constatation officielle des affections en litige, ayant donné lieu à mention sur le registre des constatations, n'est intervenue que le 12 octobre 1987, à la suite d'un examen médical du 8 octobre 1987, la simple mention, sur le livret médical, lors d'une visite d'aptitude annuelle réalisée le 12 septembre 1986, d'une sensation de brûlure épigastrique après les repas ne pouvant en tenir lieu. M. A... ayant participé à des opérations extérieures au Tchad du 14 février au 5 mai 1986, puis en République Centrafricaine du 12 mai au 22 juillet 1986, puis à nouveau au Tchad du 28 novembre 1986 au 7 février 1987, cette constatation a ainsi été effectuée au-delà du délai de trente jours prévu par les dispositions précitées du 2° de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable au litige. M. A... ne peut par suite bénéficier de la présomption d'imputabilité instituée par ces dispositions. 10. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions a rejeté sa demande tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité à raison de douleurs abdominales à type de brûlures épigastriques post prandiales avec troubles de transit intestinal et sensibilité abdominale. 11. La requête de M. A... doit par suite être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Paris du 14 décembre 2018 est annulé. Article 2 : La requête d'appel de M. A... est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à M. B... A....ECLI:FR:CECHS:2020:428480.20201021
Conseil d'Etat
CAA de BORDEAUX, , 22/10/2020, 19BX03894, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 5 juin 2019 de la ministre des armées et les décisions des 11 et 18 juin 2019 du directeur du centre interarmées du soutien juridique portant rejet de sa demande tendant à l'indemnisation, en sa qualité d'ayant-droit, des préjudices subis par M. B... A..., son père, consécutifs à un accident de service subi pendant la guerre d'Indochine. Par une ordonnance n° 1903258-1903317 du 7 octobre 2019, le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les requêtes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 octobre 2019 et 4 mai 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 7 octobre 2019 du président du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'annuler les décisions contestées ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de réexaminer sa demande indemnitaire ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie. Il soutient que : - l'ordonnance attaquée ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-8 du code de justice administrative ; - cette ordonnance, qui n'explicite pas les motifs conduisant le juge à considérer les requêtes comme manifestement irrecevables, est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative et de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - en vertu de l'article R. 612-1 du code de justice administrative, il aurait dû être mis à même de régulariser sa requête, alors que la deuxième lettre de notification du ministère lui indiquait seulement un délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif. - les décisions prises, comme en l'espèce, en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ne sont pas concernées par les dispositions de l'article R. 4125-1 du code de la défense instituant un recours administratif préalable obligatoire ; - la prescription quadriennale lui a été opposée à tort dès lors que la pension militaire d'invalidité accordée en 1972 à son père était provisoire, la consolidation de son état de santé n'ayant été reconnue que le 15 septembre 2017 ; la fiche descriptive des infirmités portant décision d'attribution d'une pension militaire d'invalidité au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre indique précisément qu'à la date du 16 septembre 2014, une aggravation et une infirmité nouvelle de Monsieur B... A... ont été constatées par la commission consultative médicale ; au demeurant, les ayants cause des militaires décédés doivent solliciter l'indemnisation de leur préjudice dans un délai également de quatre ans courant du jour du décès ; son père étant décédé en janvier 2018, sa demande de juillet 2018 n'était pas prescrite ; M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2020. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel, les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article ainsi que, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement ". 2. M. D... A... a sollicité le 20 juillet 2018, en sa qualité d'ayant-droit, une indemnisation complémentaire des préjudices subis par son père, M. B... A..., qui avait, lors de la guerre d'Indochine, contracté une amibiase intestinale au cours de son emprisonnement entre mai 1953 et août 1954, et qui est décédé le 4 janvier 2018. Par une décision du 5 juin 2019, la ministre des armées a rejeté la réclamation indemnitaire de M. A... en lui opposant la prescription de la créance invoquée, au motif que l'état de son père aurait été consolidé en 1972. Le directeur du centre interarmées du soutien juridique s'est prononcé dans le même sens par une décision du 11 juin 2019, annulée par un courrier du 18 juin 2019 portant notification de la décision de la ministre des armées du 5 juin 2019 et modifiant l'information sur les voies et délais de recours. M. A... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de deux requêtes tendant à l'annulation de ces décisions. Il relève appel de l'ordonnance du 7 octobre 2019 laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté ses demandes. 3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 742-5 du code de justice administrative : " La minute de l'ordonnance est signée du seul magistrat qui l'a rendue.". Il ressort des pièces du dossier que la minute de l'ordonnance attaquée comporte, conformément aux prescriptions des dispositions précitées, la signature du président du tribunal administratif de Bordeaux. Le moyen tiré de ce que l'ordonnance serait entachée d'irrégularité au regard de ces dispositions ne peut ainsi qu'être écarté. 4. En deuxième lieu, l'ordonnance attaquée cite les dispositions de l'article R. 4125-1 du code de la défense instaurant une procédure de recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours des militaires à l'exception, notamment, des décisions prises en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, précise ensuite que l'action indemnitaire de M. A... est présentée au titre de la réparation complémentaire des préjudices subis à la suite d'un accident de service et non sur le fondement du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et en déduit que seule une décision prise à la suite de la saisine de la commission de recours des militaires serait susceptible de recours devant la juridiction administrative. Contrairement à ce qui est soutenu en appel, cette ordonnance satisfait à l'exigence de motivation prévue à l'article L. 9 du code de justice administrative et résultant des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ". Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique. Alors même que le régime d'indemnisation des militaires serait plus favorable que celui consenti aux agents civils, ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de l'Etat qui l'emploie, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique .Il en va de même s'agissant du préjudice moral subi par ses ayants droits. 6. Aux termes de l'article R.4125-1 du code de la défense : " I. Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. (...)III. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions : (..)2° Pris en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des matières qu'elles ont entendu écarter expressément de la procédure du recours préalable obligatoire, la saisine de la commission des recours des militaires instituée par le décret du 7 mai 2001 s'impose à peine d'irrecevabilité d'un recours contentieux, formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle, que ce recours tende à l'annulation d'une décision ou à l'octroi d'une indemnité à la suite d'une décision préalable ayant lié le contentieux. 7. Lorsque le recours formé par un ayant droit n'a d'autre objet que d'exercer les droits qui étaient entrés dans le patrimoine de son ayant-cause avant son décès, il est soumis aux mêmes règles et doit être présenté d'abord, lorsque son objet n'en est pas exempté, à la commission de recours prévue par les dispositions précitées. La demande n'étant fondée sur aucune des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, elle relevait du droit commun des relations entre les militaires et l'Etat. Il est constant que le recours de M. A... n'a pas été précédé de la saisine de la commission des recours, sans que puisse utilement être invoquée la circonstance que la seconde notification de la décision lui opposant la prescription quadriennale aurait supprimé cette mention en lui précisant les voies de recours. Il s'ensuit que les demandes de M. A... tendant à l'annulation de ces décisions étaient, en raison de leur caractère prématuré, irrecevables. 8. L'irrecevabilité opposée par l'ordonnance attaquée, tirée du caractère prématuré de la demande, n'était pas régularisable. Le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R. 612-1 du code de justice administrative, M. A... n'aurait pas été invité à régulariser ses demandes ne peut ainsi qu'être écarté. 9. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de M. A..., qui est manifestement dépourvue de fondement au sens des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée selon la procédure qu'elles prévoient, y compris les conclusions au titre des frais d'instance et du droit de plaidoirie. DECIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D... A.... Copie en sera adressée à la ministre des armées. La présidente de la 2ème chambre, Catherine Girault La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. 4 N° 19BX03894
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 03/11/2020, 19MA03964, Inédit au recueil Lebon
Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Ury, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de M. E.... Considérant ce qui suit : 1. M. E... relève appel du jugement n° 1701422 du 24 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de la zone de défense et de sécurité sud refusant de lui accorder le paiement de divers frais entraînés par les séquelles des accidents de service des 18 avril 2003 et 27 mai 2014, et de condamner l'Etat à lui verser respectivement la somme de 418 euros. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". Aux termes de l'article 53 du décret du 14 mars 1986 : " Les honoraires et les autres frais médicaux résultant des examens prévus au présent décret, et les frais éventuels de transport du malade examiné, sont à la charge du budget de l'administration intéressée. Les tarifs d'honoraires des médecins agréés et les conditions de rémunération et d'indemnisation des membres des comités médicaux prévues au présent décret sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la santé. ". Ces dispositions comportent pour les fonctionnaires le droit au remboursement des frais réels par eux exposés mais il appartient toutefois aux intéressés de justifier tant du montant de ces frais que du caractère d'utilité directe que ceux-ci ont présenté au titre des conséquences de l'accident de service. 3. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier. 4. En application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, la Cour a mis le ministre de l'intérieur en demeure de présenter ses observations dans les présentes instances. Cette mise en demeure étant demeurée sans suite à la date de clôture de l'instruction, le ministre de l'intérieur doit, conformément aux dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, être regardé comme ayant acquiescé aux faits exposés dans les requêtes présentées par M. E.... 5. M. E..., capitaine de la police nationale, a été victime le 18 avril 2003 et le 27 mai 2014 d'accidents de travail reconnus imputables au service par arrêtés du 30 juin 2004 et du 12 juin 2015. A la suite du premier accident, il a subi diverses opérations et plusieurs mois d'hospitalisation, et s'est vu attribuer à ce titre une allocation temporaire d'invalidité. A la suite du second accident, il été placé en arrêt de travail et a été déclaré le 15 juillet 2015 inapte à ses fonctions avec reprise non prévisible. Il a demandé au préfet de la zone de sécurité et de défense sud le remboursement de divers frais pour la somme totale de 418 euros, qui lui a été refusé. 6. M. E... soutient que les dépenses engagées à l'occasion de la consultation de divers praticiens et du suivi de son dossier entrent dans le cadre de l'article 34 précité de la loi du 11 janvier 1984. Au total, le requérant fait état de frais médicaux et de transports entre son domicile et les lieux de consultation pour la somme de 418 euros, correspondant à l'indemnisation de frais de transport qui ne lui ont pas encore été remboursés correspondant à cinq déplacements pour des consultations médicales chez son médecin référent, le docteur Spezino-Farcy, les 20 juin, 16 août, 26 septembre et 17 et 26 octobre 2016 (229,15 euros, demande du 14 novembre 2016) à deux déplacements pour recevoir notification de courrier de M. B..., médecin inspecteur régional, les 19 octobre et 14 novembre 2016 (92,09 euros, demande du 21 novembre 2016) à une avance de frais et un déplacement pour une consultation médicale chez le docteur Cermolacce le 3 novembre 2016 (50 euros et 47,02 euros, demandes du 22 septembre 2016 et du 14 novembre 2016). Il ressort des pièces du dossier que ces frais ont notamment été engagés pour des consultations médicales chez son médecin référent et des visites de contrôle, et les déplacements y afférents. L'administration qui n'a pas produit de défense ne conteste pas la matérialité de ces consultations, ni les déplacements effectués. Ainsi, M. E... établit son droit au remboursement des frais par lui exposés qui sont en lien direct avec les soins nécessités par sa pathologie professionnelle et le suivi de sa situation administrative. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. E... justifie de frais à hauteur de 418,26 euros. 7. Il résulte de ce qui précède, d'une part que M. E... est fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la zone de sécurité et de défense sud lui a refusé le remboursement de la somme de 418 euros. Sur les conclusions indemnitaires : 8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à M. E... la somme totale de 418,26 euros. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 9. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil dans sa version applicable au litige courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. 10. En application de ces dispositions, M. E... a droit aux intérêts au taux légal à compter de la transmission, soit le 22 septembre 2016 pour la somme de 50 euros, le 14 novembre 2016 pour la somme de 276,17 euros et le 21 novembre 2016 pour la somme de 92,09 euros. 11. M. E... a également demandé, dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif de Marseille enregistrée le 28 février 2017, la capitalisation des intérêts. A ces dates, il n'était pas dû plus d'une année d'intérêts. Il n'y a donc lieu de faire droit à cette demande qu'à compter du délai d'un an à partir des demandes mentionnées au point 10, pour les sommes correspondantes, et à chaque échéance annuelle, pour les intérêts échus postérieurement. Sur les frais liés au litige : 12. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1701422 du 24 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé. Article 2 : La décision implicite par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud a refusé de prendre en charge les frais de transport et de consultations médicales de M. E... pour la somme de 418,26 euros, est annulée. Article 3 : L'Etat est condamné à verser une somme de 418,26 euros à M. E..., avec intérêts au taux légal à compter de la transmission, soit le 22 septembre 2016 pour la somme de 50 euros, le 14 novembre 2016 pour la somme de 276,17 euros et le 21 novembre 2016 pour la somme de 92,09 euros. Les intérêts échus à chaque échéance annuelle, au regard du délai d'un an à partir des demandes qui viennent d'être mentionnées et, pour les sommes correspondantes, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité sud. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Lu en audience publique, le 3 novembre 2020. 2 N° 19MA03964
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 03/11/2020, 19MA03925, Inédit au recueil Lebon
Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de M. D.... Considérant ce qui suit : 1. M. D... relève appel du jugement n°1703027 du 24 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de la zone de défense et de sécurité sud refusant de lui accorder le paiement de ses frais de transport entraînés par les séquelles des accidents de service des 18 avril 2003 et 27 mai 2014, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 285,17 euros. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". Aux termes de l'article 53 du décret du 14 mars 1986 : " Les honoraires et les autres frais médicaux résultant des examens prévus au présent décret, et les frais éventuels de transport du malade examiné, sont à la charge du budget de l'administration intéressée. Les tarifs d'honoraires des médecins agréés et les conditions de rémunération et d'indemnisation des membres des comités médicaux prévues au présent décret sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la santé. ". Ces dispositions comportent pour les fonctionnaires le droit au remboursement des frais réels par eux exposés mais il appartient toutefois aux intéressés de justifier tant du montant de ces frais que du caractère d'utilité directe que ceux-ci ont présenté au titre des conséquences de l'accident de service. 3. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier. 4. En application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, la Cour a mis le ministre de l'intérieur en demeure de présenter ses observations dans les présentes instances. Cette mise en demeure étant demeurée sans suite à la date de clôture de l'instruction, le ministre de l'intérieur doit, conformément aux dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, être regardé comme ayant acquiescé aux faits exposés dans les requêtes présentées par M. D.... 5. M. D..., capitaine de la police nationale, a été victime le 18 avril 2003 et le 27 mai 2014 d'accidents de travail reconnus imputables au service par arrêtés du 30 juin 2004 et du 12 juin 2015. A la suite du premier accident, il a subi diverses opérations et plusieurs mois d'hospitalisation, et s'est vu attribuer à ce titre une allocation temporaire d'invalidité. A la suite du second accident, il été placé en arrêt de travail et a été déclaré le 15 juillet 2015 inapte à ses fonctions avec reprise non prévisible. Il a demandé au préfet de la zone de sécurité et de défense sud le remboursement de divers frais pour la somme totale de 285,17 euros, qui lui a été refusé. 6. M. D... soutient que les dépenses engagées à l'occasion de la consultation de divers praticiens et du suivi de son dossier entrent dans le cadre de l'article 34 précité de la loi du 11 janvier 1984. Au total, le requérant fait état de frais de transport restés à sa charge pour une somme de 285,71 euros. Il ressort des pièces du dossier que ces frais ont été engagés pour consulter un podologue chargé de confectionner des semelles orthopédiques (96,22 euros), réceptionner des documents administratifs auprès de la Poste (12,16 euros + 92, 09 euros), et se rendre à diverses autres consultations médicales (84,70 euros). L'administration qui n'a pas produit de défense ne conteste pas la matérialité de ces consultations, ni les déplacements effectués. Ainsi, M. D... établit son droit au remboursement des frais par lui exposés qui sont en lien direct avec les soins nécessités par sa pathologie professionnelle et le suivi de sa situation administrative. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. D... justifie de frais à hauteur de 285,17 euros. 7. Il résulte de ce qui précède, d'une part que M. D... est fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la zone de sécurité et de défense sud lui a refusé le remboursement de la somme de 285,17 euros, et à demander l'annulation du jugement n° 1703027. Sur les conclusions indemnitaires : 8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à M. D... la somme de 285,17 euros. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 9. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil dans sa version applicable au litige courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. 10. En application de ces dispositions, M. D... a droit aux intérêts au taux légal à compter de la transmission, de sa demande préalable, à compter du 12 janvier 2017 pour la somme de 285,71 euros. 11. M. D... a également demandé, dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif de Marseille enregistrée respectivement le 24 avril 2017, la capitalisation des intérêts. A cette date, il n'était pas dû plus d'une année d'intérêts. Il n'y a donc lieu de faire droit à cette demande qu'à compter du 12 janvier 2018, et à chaque échéance annuelle, pour les intérêts échus postérieurement. Sur les frais liés au litige : 12. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1703027 du 24 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé. Article 2 : La décision implicite par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud a refusé de prendre en charge les frais de M. D... pour la somme de 285,17 euros, est annulée. Article 3 : L'Etat est condamné à verser une somme de 285,71 euros à M. D..., avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2017. Les intérêts échus à chaque échéance annuelle, soit à compter du 12 janvier 2018, du 12 janvier 2019 et du 12 janvier 2020, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité sud. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. A..., premier conseiller. Lu en audience publique, le 3 novembre 2020. 2 N° 19MA03925
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de PARIS, 6ème chambre, 20/10/2020, 18PA03362, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure: M. E... D... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande qui a été regardée comme tendant : 1°) à l'annulation de la décision en date du 25 août 2016 par laquelle La Poste l'informe de la prolongation de son congé de longue maladie jusqu'au 22 août 2016, de sa convocation prochaine devant un médecin de contrôle au titre des accidents de service du 4 novembre 2010 et du 2 novembre 2011, du régime de prise en charge des soins dont il sollicite le remboursement et lui demande de fournir les éléments requis au titre de l'affection dépressive dont il est atteint ; 2°) au versement de son traitement, salaire et indemnités dans son intégralité à compter du 21 juin 2016 ; 3°) à ce qu'il soit procédé à la revalorisation du taux d'incapacité permanente (IPP) dont il est atteint et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ou d'une allocation temporaire d'invalidité ; 4°) à la reconnaissance de l'affection dépressive dont il est atteint comme imputable au service ; 5°) au remboursement de ses frais médicaux à hauteur de la somme de 387,64 euros ; 6°) à ce que lui soit reconnue la qualité de travailleur handicapé ; 7°) à la condamnation de la Poste à lui verser la somme de 108 000 euros en réparation des préjudices résultant de sa situation professionnelle ; 8°) à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1616618/5-3 du 10 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande tendant au remboursement des frais médicaux à hauteur de 285,24 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la Cour: Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2018 présentée par M. D..., et régularisée par un mémoire, enregistré le 21 mai 2019, présenté par Me A..., M. D... demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 10 octobre 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; 2°) de mettre à la charge de la Poste une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision refusant de reconnaître l'imputabilité de sa dépression n'était pas entachée "d'erreur manifeste d'appréciation". M. D... a présenté des mémoires sans ministère d'avocat, les 9 et 11 novembre 2018, 21 janvier 2019, 13 mars 2019, 8, 19 et 24 avril 2019. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2020, La Poste, représentée par Me F... conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est irrecevable faute de motivation ; en outre M. D... interjette appel total du jugement du 10 octobre 2018 alors qu'il se borne à contester le refus d'imputabilité au service de sa dépression ; - la requête est infondée car le seul moyen soulevé dans le mémoire complémentaire présenté par le conseil de M. D..., et qui a pour effet de régulariser sa requête, est infondé. Un mémoire a été déposé le 6 octobre 2020 pour M. D..., postérieurement à la clôture automatique de l'instruction, trois jours francs avant la date d'audience. Par une décision en date du 20 février 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. D.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. B..., - les conclusions de Mme Pena, rapporteur public, - les observations de Me C..., représentant de la Poste ; - et les observations de Me A... représentant M. D.... Une note en délibéré, enregistrée le 12 octobre 2020, a été produite pour M. D.... Considérant ce qui suit : 1. M. D..., agent professionnel de niveau I à La Poste, placé en congé de longue maladie du 23 mai 2013 au 22 mai 2014, puis en congé de longue durée à compter du 23 mai 2014, a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande qui a été regardée comme tendant à l'annulation de la décision en date du 25 août 2016 par laquelle La Poste l'informe de la prolongation de son congé de longue maladie jusqu'au 22 août 2016, de sa convocation prochaine devant un médecin de contrôle au titre des accidents de service du 4 novembre 2010 et du 2 novembre 2011, du régime de prise en charge des soins dont il sollicite le remboursement et lui demande de fournir les éléments requis au titre de l'affection dépressive dont il est atteint. Il a demandé également le versement de son traitement, salaire et indemnités dans son intégralité à compter du 21 juin 2016, à ce qu'il soit procédé à la revalorisation du taux d'incapacité permanente (IPP) dont il est atteint, à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ou d'une allocation temporaire d'invalidité, à la reconnaissance de l'affection dépressive dont il est atteint comme imputable au service, au remboursement de ses frais médicaux à hauteur de la somme de 387,64 euros à ce que lui soit reconnue la qualité de travailleur handicapé, enfin, que la Poste soit condamnée à lui verser la somme de 108 000 euros en réparation des préjudices résultant de sa situation professionnelle. Par un jugement du 10 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande tendant au remboursement des frais médicaux à hauteur de 285,24 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non -recevoir opposées par La Poste : 2. M. D..., dans son seul mémoire recevable présenté par ministère d'avocat, soulève un unique moyen tiré de l'erreur d'appréciation qui aurait été commise par La Poste en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la dépression dont il souffre depuis février 2013. 3. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 visée ci-dessus : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". 4. A l'appui de ce moyen, M. D... se borne, d'une part, à se prévaloir des difficultés d'aménagement de son poste de travail, d'autre part, d'une " tentative " de baisse de sa notation au titre de l'année 2012 qui aurait échoué après avis de la commission administrative paritaire. Or, sur le premier point, les seuls certificats médicaux produits en première instance se bornaient à retranscrire les allégations de M. D.... Sur le second point, M. D... n'établit pas plus en appel qu'en première instance qu'une baisse de sa notation au titre de 2012 aurait été envisagée. Alors qu'aucune autre pièce du dossier n'est susceptible d'établir une imputabilité au service de l'affection de M. D..., cet unique moyen ne peut qu'être écarté. 5. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de La Poste présentées sur le fondement du même article. DECIDE : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de La Poste présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à La Poste. Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient : - Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre, - M. Niollet, président-assesseur, - M. B..., premier conseiller. Lu en audience publique, le 20 octobre 2020. Le rapporteur, D. PAGESLe président, O. FUCHS TAUGOURDEAU Le greffier, P. TISSERAND La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 18PA03362 2
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Paris
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 03/11/2020, 19MA04826, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par une requête enregistrée le 18 janvier 2018, M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision de la ministre des armées du 18 décembre 2017 en tant qu'elle a refusé de réviser sa pension pour les infirmités nouvelles " asthme bronchique " et " hernies inguinales gauche et droite " et de faire droit à sa demande de réalisation d'une expertise et limité à 10 % le taux d'invalidité de l'infirmité " éventration de la ligne blanche sus-ombilicale avec écartement des muscles grands droits " . Par un jugement n° 18/00009 du 11 octobre 2018, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2018 par la Cour régionale des pensions d'Aix-en Provence, M. B... relève appel du jugement du tribunal des pensions de Marseille du 11 octobre 2018 et réitère devant la Cour ses demandes formulées devant le tribunal des pensions de Marseille. Il soutient que son asthme bronchique est en relation avec ses infirmités pensionnées et que ses hernies inguinales sont symptomatiques et causent une gêne fonctionnelle à un taux supérieur à 10%. Par un mémoire, enregistré par le greffe de la Cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence le 23 septembre 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. B... et à la confirmation du jugement du 11 octobre 2018. Elle soutient que M. B... n'établit pas ses allégations. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me C..., représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., né le 5 décembre 1946, a été incorporé dans l'armée de terre le 30 octobre 1967 et rayé des contrôles le 30 octobre 1972. Déjà titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux global de 80% depuis le 9 juillet 2007 pour les infirmités de séquelles de tuberculose pulmonaire, troubles névrotiques anxio-phobiques, et hypoacousie bilatérale, il a sollicité, le 3 février 2016, la révision de sa pension pour aggravation et indemnisation d'infirmités nouvelles. Par arrêté du 18 décembre 2017, la ministre des armées a maintenu le taux de ses infirmités déjà pensionnées, lui a accordé, à titre temporaire, l'indemnisation d'une quatrième infirmité " éventration de la ligne blanche sus-ombilicale avec écartement des muscles grands droits ", au taux de 10%, mais a rejeté sa demande de pension pour les infirmités " asthme bronchique " et " hernies inguinales droite et gauche ". M. B... relève appel du jugement du 11 octobre 2018 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la ministre des armées en tant qu'elle ne faisait pas droit à deux infirmités nouvelles, ainsi que sa demande d'ordonner, à titre subsidiaire, une expertise judiciaire. 2. Il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicables au présent litige, qu'une demande de pension pour une infirmité nouvelle, dont il est soutenu qu'elle provient de l'existence ou du traitement d'une précédente infirmité, différente et donnant lieu à pension, ne peut être admise que s'il est rapporté la preuve que l'infirmité précédente a été la cause directe et déterminante de cette infirmité nouvelle. En ce qui concerne l'infirmité " asthme bronchique " : 3. Selon le rapport du 9 novembre 2016 du docteur Puisais-Hee, expert pneumologue mandaté par l'administration pour se prononcer sur une éventuelle aggravation de séquelles de tuberculose pulmonaire et l'apparition d'une infirmité nouvelle, l'asthme bronchique, le taux de 50 % pour la première infirmité doit être maintenu, en l'absence d'aggravation, et si un taux d'invalidité de 40% pour l'infirmité nouvelle peut être retenu, la relation directe et déterminante de cette nouvelle affection avec les séquelles de tuberculose ne peut être établie. Cette analyse n'est pas utilement contredite par les certificats médicaux produits par le requérant, en date des 1er octobre 2015, 24 novembre 2015 et 19 janvier 2016, qui font état de la possibilité que le patient soit affecté d'une bronco-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) modérée à sévère, qui ne peut être confondue avec un asthme bronchique, lequel n'est mentionné que dans le certificat du 16 janvier 2016 comme diagnostic potentiel alternatif à celui de BPCO, sans que soit évoquée la possibilité d'un lien direct et certain entre la tuberculose pulmonaire ancienne et ces nouvelles difficultés respiratoires, qui justifieraient qu'il soit ordonné une expertise judiciaire sur ce point. Le lien direct et certain entre l'infirmité déjà pensionnée et cette nouvelle infirmité n'étant pas établie, M. B... n'est pas fondé à contester le taux d'invalidité de 30 %, retenu à titre purement documentaire par la ministre des armées au titre de cette infirmité, ainsi que son refus d'imputer cette infirmité au service. En ce qui concerne les infirmités " éventration de la ligne blanche sus-ombilicale avec écartement des muscles grands droits " et " hernies inguinales droite et gauche " : 4. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport du 20 décembre 2016 du docteur Peytavin, expert mandaté par l'administration pour se prononcer sur le taux d'invalidité provoqué par les infirmités " séquelles d'éventration abdominale ", " hernie inguinale droite " et " hernie inguinale gauche " et l'imputabilité au service de ces infirmités, que si on peut établir un lien probant entre ces trois hernies, dont le taux d'invalidité est de 10%, et les épisodes de bronchites hivernales, pensionnées au titre des séquelles de tuberculose pulmonaire, qui en sont la cause déterminante, seule la première d'entre elles, qualifiée de " maladie herniaire avec diastasis des grands droits et hernie ombilicale à l'effort " est symptomatique, tandis que les hernies inguinales étaient asymptomatiques à la date de l'expertise. Les infirmités ainsi mises en évidence, très précisément analysées par le docteur Peytavin, ce qui rend toute nouvelle expertise inutile en l'absence d'éléments susceptibles d'en remettre en question le bien-fondé, ne justifiaient donc pas l'attribution d'une pension temporaire à un taux supérieur à 10%, pour la seule infirmité de " maladie herniaire et hernie ombilicale ", dès lors qu'il n'est pas utilement contesté que les hernies inguinales bilatérales, asymptomatiques, ne provoquent aucune gêne fonctionnelle. 5. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal des pensions de Marseille a refusé de faire droit à ses demandes. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - Mme D..., première conseillère. Lu en audience publique, le 3 novembre 2020. 2 N° 19MA04826
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 06/10/2020, 19MA04851 - 19MA05730, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... A... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 21 décembre 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 18/00020 du 31 janvier 2019, le tribunal des pensions de Marseille a, avant dire droit, d'une part, invité la ministre à conclure sur l'imputabilité au service de l'infirmité de " séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule " dont souffre M. A... et, d'autre part, ordonné la recherche et la production par la ministre des armées de tout document relatif au suicide d'un légionnaire durant le plan Vigipirate en septembre 2012. Par un jugement enregistré sous le même numéro, en date du 8 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé partiellement la décision ministérielle du 21 décembre 2017 rejetant la demande de pension formée par M. A... le 27 juillet 2015 et dit qu'à compter de cette date le requérant avait droit à une pension militaire d'invalidité pour les infirmités suivantes : - syndrome anxio-dépressif, au taux de 30% dont 20% imputable au service ; séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule au taux de 20%. Procédure devant la Cour : I. Par un recours, enregistré le 15 mars 2019 au greffe de la Cour régionale des pensions d'Aix-en Provence, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 31 janvier 2019. Elle soutient que : - le jugement n'est pas motivé ; - le taux de 20 % retenu pour les séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule est surévalué ; - l'injonction qui lui a été faite de produire les documents relatifs au suicide d'un légionnaire en septembre 2012 est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'une telle demande revient à inverser la charge de la preuve. Par un mémoire, enregistré au greffe de la Cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 2 avril 2019, M. A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de l'appel de la ministre des armées et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'appel de la ministre est irrecevable dès lors que le jugement attaqué ne tranche aucune partie du litige au principal ; - les moyens soulevés par la ministre ne sont pas fondés. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire, enregistrée sous le n° 19MA04851. Par des mémoires enregistrés au greffe de la Cour les 25 novembre et 16 décembre 2019, la ministre des armées réitère ses conclusions initiales, par les mêmes moyens. Par un mémoire enregistré le 28 novembre 2019 par la Cour, M. A... réitère ses conclusions initiales, par les mêmes moyens. II. Par un recours, enregistré au greffe de la Cour régionale des pensions d'Aix-en Provence le 11 octobre 2019, la ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 8 août 2019. Elle soutient que : - le jugement est dépourvu de base légale et que c'est au terme d'une erreur de droit qu'il a rejeté sa demande de sursis à statuer en attendant l'issue de l'appel qu'elle avait formé contre le jugement avant dire droit du tribunal en date du 31 janvier 2019 ; - le taux de 20 % retenu pour les séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule est surévalué ; - M. A... n'apporte pas la preuve de l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont il souffre. Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de cette seconde affaire, enregistrée sous le n° 19MA05730. Par des mémoires enregistrés au greffe de la Cour le 9 janvier 2020, le 20 janvier 2020 et le 10 février 2020, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 8 août 2019. La ministre soutient que : - le jugement est entaché d'un défaut de motivation et ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, rejeter sa demande de sursis à statuer ; - le taux d'invalidité de 20% retenu pour l'infirmité " séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule " est surévalué et cette infirmité n'est en tout état de cause pas imputable au service ; - le syndrome anxio-dépressif dont souffre M. A... n'est pas imputable au service. Par des mémoires, enregistrés les 2, 16 et 23 janvier 2020, M. A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de l'appel de la ministre des armées et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'appel de la ministre est tardif et, par suite, irrecevable ; - les moyens soulevés par la ministre ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment l'article 51 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. La présidente de la Cour a désigné M. D... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. E... A..., né le 11 avril 1982, de nationalité ukrainienne, s'est engagé dans la légion étrangère, dont il a été radié le 1er avril 2013. Il a formé le 27 juillet 2015 une demande de pension militaire d'invalidité pour un syndrome anxio-depressif, des séquelles de scapulalgie droite et des séquelles de fracture de branche montante droite de la mandibule. Cette demande a été rejetée par décision de la ministre des armées du 21 décembre 2017. M. A... a formé un recours devant le tribunal des pensions de Marseille qui, par un jugement, avant dire droit, du 31 janvier 2019, a, d'une part, invité la ministre à conclure sur l'imputabilité au service de l'infirmité de " séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule " dont souffre M. A... et, d'autre part, ordonné la recherche et la production par la ministre des armées de tout document relatif au suicide d'un légionnaire durant le plan Vigipirate en septembre 2012. Par un jugement du 8 août 2019, ce même tribunal a annulé partiellement la décision ministérielle du 21 décembre 2017 rejetant la demande de pension formée par M. A... le 27 juillet 2015 et dit qu'à compter de cette date le requérant avait droit à une pension militaire d'invalidité pour les infirmités suivantes : - syndrome anxio-dépressif, au taux de 30% dont 20% imputable au service ; séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule. Par deux recours enregistrés par la cour administrative d'appel de Marseille sous les nos 19MA04851 et 19MA05730, la ministre des armées relève appel de ces deux jugements. Sur la jonction : 2. Les recours susvisés nos 19MA04851 et 19MA05730 concernent la situation d'un même militaire et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite d'y statuer par un même arrêt. Sur la recevabilité des recours de la ministre des armées : 3. Aux termes de l'article R. 731-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " La procédure devant les juridictions des pensions est régie par les dispositions du présent code, par celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions du présent code renvoient expressément et, dans le silence du présent code, par les règles générales de procédure applicables aux juridictions administratives. ". Aux termes de l'article R.732-1 du même code : " L'appel devant la cour régionale des pensions doit être motivé. (...) L'appel est introduit par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, adressé au greffier de la cour dans les deux mois de la notification de la décision ou est déposé, dans le même délai, au greffe de la cour d'appel. L'autorité qui a fait appel au nom de l'Etat doit notifier, sous la même forme, son appel à l'intimé. ". Aux termes de l'article R. 732-2 du même code, alors applicable : " Les règles posées au chapitre premier du présent titre pour la procédure à suivre devant le tribunal des pensions sont applicables devant la cour, à l'exception des dispositions des articles R. 731-9 à R. 731-14. ". L'article R. 731-3 du même code disposait que : " Le tribunal est saisi d'une requête remise au greffe ou adressée au greffe par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette requête doit indiquer les nom, prénoms, profession et domicile du demandeur. Elle précise l'objet de la demande et les moyens invoqués sous peine d'irrecevabilité. Sous réserve du cas où le demandeur dépose un recours contre une décision implicite, il produit la copie de la décision attaquée. Dans les huit jours qui suivent la réception de la requête, le greffe du tribunal communique la requête à l'auteur de la décision contestée et lui demande de produire, au plus tard dans les trois mois, le dossier avec ses observations et éventuellement ses propositions. ". 4. D'une part, à la date des jugements attaqués, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle générale de procédure ne prorogeait le délai d'appel contre une décision avant dire droit d'un tribunal des pensions jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre la décision de ce tribunal réglant le fond du litige. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'appel de la ministre des armées contre le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 31 janvier 2019 ne serait pas recevable au motif que celui-ci n'a tranché aucune question au principal. 5. D'autre part, il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 8 août 2019 a été notifié à la ministre des armées le 12 août 2019. Il ressort des mentions et cachets figurant sur l'avis de passage du pli contenant l'appel de la ministre des armées que ce pli est parvenu à la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 11 octobre 2019. M. A... n'est, pas suite, pas fondé à soutenir que le recours de la ministre formé à l'encontre de ce jugement serait irrecevable pour tardiveté. Sur la régularité des jugements : En ce qui concerne le jugement du 31 janvier 2019 : 6. La ministre des armées soutient que le jugement avant dire droit du tribunal des pensions de Marseille ordonnant la recherche et la production de tout document relatif au suicide d'un légionnaire durant le plan Vigipirate en septembre 2012 n'a pour seul effet que d'inverser la charge de la preuve de l'imputabilité au service d'une blessure ou une maladie, qui revient au demandeur d'une pension militaire d'invalidité. Elle doit être regardée par là comme soutenant qu'une telle mesure d'instruction est frustratoire. 7. Il ressort des termes du jugement attaqué que la mesure, en s'étendant à la recherche de tout élément ou document relatif au suicide mentionné au point précédent, sans précision sur la recherche de lien entre cet événement et la pathologie présentée par M. A..., n'était pas utile à l'instruction de cette affaire. Dans ces conditions, le jugement attaqué, dont le dispositif se borne à ordonner une telle mesure d'instruction frustratoire, doit être annulé. En ce qui concerne le jugement du 8 août 2019 : 8. Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application. En se bornant à mentionner qu'il faisait application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du décret de 10 janvier 1992, le tribunal des pensions de Marseille n'a pas respecté cette obligation et a entaché son jugement, dans cette mesure, d'une irrégularité. Il résulte de ce qui précède que le jugement du 8 août 2019 doit être annulé. 9. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal des pensions de Marseille. Sur les droits à pension de M. A... : 10. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version applicable à l'espèce : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " et aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage. ". En ce qui concerne l'infirmité " séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule " : 11. En premier lieu, il résulte de l'instruction, d'une part que M. A... a été pris en charge par le CHU de Nîmes le 18 septembre 2012 pour " oedème avec fracture de la branche montante droite de la mandibule ". M. A... soutient que cette infirmité est imputable au service dès lors qu'elle a pour origine l'agression d'un autre légionnaire sur sa personne lors d'une altercation survenue durant le service le 14 septembre 2012. Au soutien de ses allégations, il produit les attestations de trois autres légionnaires témoins de la scène, dont aucun motif ne permet de remettre en question la valeur probante bien qu'elles soient postérieures de plusieurs années à l'incident, qui sont concordantes et certifient que M. A... a été victime de l'agression et qu'il n'a pas lui-même riposté aux coups reçus. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que son infirmité est imputable au service, sans être remis utilement en question par les allégations de la ministre, qui ne sont appuyées sur aucun document, selon lesquelles la blessure a été provoquée par une " bagarre " entre légionnaires pour des motifs totalement étrangers au service. 12. En second lieu, l'expert mandaté par l'administration pour se prononcer sur le degré d'invalidité de M. A... au titre de cette infirmité, le docteur Chickly, a relevé " un claquement temporo-mandibulaire droit avec une subluxation de la mandibule et un cal vicieux en torsion de 25° qui entraîne un dysfonctionnement de l'articulé dentaire " et constaté " une subluxation temporo-mandibulaire ayant amené la mise en place d'une gouttière de relaxation nocturne, ainsi qu'une anomalie de l'articulé dentaire ". Au terme de cette analyse, l'expert a considéré que cette infirmité entraînait un taux d'invalidité de 20%. Alors que le taux retenu par l'expert s'inscrit dans la fourchette indiquée par le guide barème alors en vigueur, qui retient un degré d'invalidité de 10 à 50 % pour une luxation irréductible de l'articulation temporo-maxillaire, la ministre ne conteste pas utilement le bien-fondé de cette appréciation en faisant valoir que le médecin chargé des pensions militaires a, dans son avis du 26 septembre 2016, considéré, sans fonder sa position sur des considérations médicales étayées, que le degré d'invalidité à retenir au titre de cette infirmité, n'excédait pas 5%. 13. Il résulte des points 11 et 12 que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que la ministre a refusé de faire droit à sa demande de pension au titre de cette infirmité, aux taux de 20% et à en demander, par suite, le bénéfice. En ce qui concerne l'infirmité " syndrome anxio-dépressif " : 14. Pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de l'article L. 3 du même code, alors en vigueur, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie. 15. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 citées ci-dessus que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Dans les cas où sont en cause des troubles psychiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération l'ensemble des éléments du dossier permettant d'établir que ces troubles sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service. Lorsqu'il est établi que les troubles psychiques trouvent leur cause directe et déterminante dans une ou plusieurs situations traumatisantes auxquelles le militaire en opération a été exposé, en particulier pendant des campagnes de guerre, la seule circonstance que les faits à l'origine des troubles n'aient pas été subis par le seul demandeur de la pension mais par d'autres militaires participant à ces opérations, ne suffit pas, à elle-seule, à écarter la preuve de l'imputabilité. 16. Il résulte de l'instruction, en particulier du livret médical de l'intéressé, que les troubles qui seront par la suite diagnostiqués comme " syndrome anxio-dépressif " sont apparus au cours du mois d'octobre 2012. S'il n'est fait mention d'aucune souffrance psychique lors des consultations des 8 et 11 septembre 2012, il est fait état d'une demande de consultation psychiatrique le 31 octobre 2012 pour cauchemars avec scènes de guerre et est indiqué que l'intéressé " revoit sa mère ", décédée, qu'il présente des troubles de l'appétit et du sommeil, et manifeste des doléances répétées jusqu'à la décision de réforme en 2013. M. A... a été hospitalisé du 5 au 7 novembre 2012 pour syndrome anxio-dépressif. Dans une lettre du 28 novembre 2012, le docteur Granier, psychiatre, évoque un " trouble de l'adaptation " avec " humeur anxieuse " et une " personnalité marquée par l'immaturité affective " et constate que le 18 janvier 2013 M. A... demeure " anxieux, insomniaque et dysphorique ". Enfin, le docteur Aubry, expert mandaté par l'administration pour se prononcer sur le taux d'invalidité provoqué par l'infirmité en cause et son éventuelle imputabilité au service, après avoir fait état des doléances de l'intéressé et noté que ce dernier a une " présentation asthénique, affaissée " que " l'humeur est instable, morose, il existe un ralentissement cognitif, un isolement social et affectif, une irritabilité mêlée à des phobies sociales, le sommeil est instable, on note des consommations d'alcool irrégulières et massives ", conclut que M. A... présente un " syndrome anxio-disthymique sur trouble de la personnalité et conduites addictives ". 17. M. A... soutient que son infirmité, dont le taux de 30% n'est pas contesté, résulte, d'une part, du traumatisme qui a suivi le décès par suicide d'un de ses camarades de régiment, dont il était l'ami, le 4 septembre 2012, dans le cadre d'une opération Vigipirate à Paris, et, d'autre part, d'un vécu traumatisant lors d'opérations en Côte d'Ivoire où se serait trouvé en présence de nombreux cadavres. La ministre conteste l'existence de tout lien entre ces événements et l'infirmité de M. A... en faisant valoir, d'une part, que l'expérience traumatisante en Côte d'Ivoire n'est étayée par aucun élément permettant d'en apprécier la véracité et, d'autre part que l'intéressé n'établit pas avoir été personnellement affecté par le suicide de son camarade. 18. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... ne fournit aucune précision sur les événements dont il aurait été témoin en Côte d'Ivoire. Le lien entre ces événements et l'état de santé du requérant n'est en conséquence pas établi. En ce qui concerne les conséquences, sur sa santé psychique, du suicide de son camarade de régiment, il résulte de l'instruction qu'il n'en a jamais fait état avant de présenter sa demande de pension militaire d'invalidité, mais en précise les conditions dans sa réponse au questionnaire qui lui a été adressé le 4 avril 2017 dans le cadre de sa demande de pension militaire d'invalidité. Pour établir le lien entre cet événement et son état de santé, il produit la copie d'un article de presse en faisant état mais sans jamais établir ni même alléguer, que ce soit par des certificats médicaux ou des attestations, documents qu'il était en mesure de recueillir par lui-même, sa présence sur les lieux du drame, sa proximité affective avec la personne concernée, ou encore le retentissement de cet événement dans sa vie personnelle. L'absence de commencement de preuve du lien entre cet événement et son état de santé, qui rendait inutile la production, ordonnée à la ministre, de documents relatifs à cet événement, ainsi qu'il a été dit au point 7, ne permet pas d'établir de lien direct et certain entre les événements et l'infirmité de M. A..., qui permettrait de la regarder comme une blessure trouvant son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. 19. En second lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du docteur Aubry comme des mentions au livret médical de M. A... ou des autres documents médicaux produits et analysés au point précédent de cet arrêt, notamment le compte-rendu de la consultation du 31 octobre 2012 au cours de laquelle est relevée la présentation " triste " de l'intéressé, qualifiée de " récurrente ", que ce dernier souffrait, en dehors de tout fait de service, d'un trouble de la personnalité et d'une immaturité affective que les faits de service invoqués n'auraient en tout état de cause pas eu pour effet de provoquer, mais seulement d'aggraver. Par suite, en application des dispositions du 3° de l'article L. 4 du code précitées, l'aggravation de la maladie antérieure ou concomitante au service, à la supposer avérée, ne peut donner droit à pension que si elle atteint à elle-seule le taux de 30 %. M. A... ne contestant pas utilement le taux de 20% imputable au service retenu par le docteur Aubry, il n'était pas fondé, quels que soient les faits de service qu'il pouvait invoquer au soutien de l'établissement d'un lien entre sa maladie psychique et le service, à obtenir une pension au titre de l'infirmité résultant de cette maladie. 20. Il résulte des points 18 et 19 que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 21 décembre 2017 en tant qu'elle refuse de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de son infirmité " syndrome anxio-dépressif ". Sur les frais liés au litige : 21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Les jugements du tribunal des pensions de Marseille du 31 janvier 2019 et du 8 août 2019 sont annulés. Article 2 : La décision de la ministre des armées du 21 décembre 2017 est annulée en tant qu'elle refuse d'accorder à M. A... un droit à pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule ". Article 3 : M. A... a droit, à compter du 27 juillet 2015, à une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles de fracture de la branche montante droite de la mandibule ", au taux de 20%. Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... devant le tribunal des pensions de Marseille et ses conclusions devant la Cour en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. E... A.... Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, où siégeaient : - M. D..., président, - M. Ury, premier conseiller - Mme B..., première conseillère. Lu en audience publique le 6 octobre 2020. 2 N° 19MA04851, 19MA05730
Cours administrative d'appel
Marseille