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CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 14/01/2020, 18MA05458, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 août 2016 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a prononcé son placement en retraite pour invalidité imputable au service à compter du 1er septembre 2016, de condamner l'Etat à réparer son préjudice financier par le versement d'une somme mensuelle de 701,41 euros à compter du 1er octobre 2016 jusqu'à sa réintégration et d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud de la réintégrer dans ses fonctions d'adjoint technique de 2ème classe, au besoin par reclassement dans un autre corps. Par jugement n° 1603376 du 22 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2018 et 29 mai 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 22 octobre 2018 du tribunal administratif de Nîmes ; 2°) d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud de la réintégrer dans ses fonctions d'adjoint technique de 2ème classe, au besoin par reclassement dans un autre corps ; 3°) de condamner l'Etat à réparer son préjudice financier par le versement d'une somme mensuelle de 701,41 euros à compter du 1er octobre 2016 et jusqu'à sa réintégration et d'une somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral ; 4°) de mettre le versement de la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête est recevable ; - la décision attaquée a été prise sans être précédée d'une recherche, par l'administration, de postes de reclassement, en méconnaissance des dispositions de l'article 3 du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ; - l'administration doit être regardée comme ayant abandonné la volonté de prononcer sa mise à la retraite ; - la décision attaquée a pour conséquence une perte de revenus et un préjudice moral. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable et, subsidiairement qu'aucun de ses moyens n'est fondé. Par lettre du 15 novembre 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de Mme B... tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de l'arrêté du 25 août 2016 du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud, au motif d'une absence de liaison du contentieux. Mme B... a répondu à cette lettre par courrier enregistré le 21 novembre 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., agent technique de 2ème classe à la compagnie CRS 60 de Montfavet, a été reconnue atteinte d'une maladie imputable au service par arrêté du 14 décembre 2012, après avis favorable de la commission de réforme départementale du Vaucluse, en date du 28 novembre 2012. Elle a demandé, le 28 octobre 2013, à bénéficier d'un reclassement. Cette demande a fait l'objet d'une décision de refus du ministre de l'intérieur, en date du 11 mai 2015. Par arrêté du 25 août 2016, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a prononcé son placement en retraite pour invalidité imputable au service à compter du 1er septembre 2016. Mme B... relève appel du jugement du 22 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud de la réintégrer, au besoin par reclassement dans un autre corps, et à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice résultant de cet arrêté. Sur la recevabilité de l'appel : 2. Il ressort des termes mêmes de la requête introductive d'appel du 21 décembre 2018 que Mme B... critique clairement la réponse des premiers juges. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par la partie intimée tirée de l'insuffisante motivation de la requête introductive d'appel manque en fait. Sur les conclusions indemnitaires : 3. En vertu des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative alors applicable, sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision. 4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la demande introduite par Mme B... devant le tribunal administratif de Nîmes et tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision prononçant sa mise à la retraite pour invalidité n'a été précédée d'aucune demande indemnitaire en ce sens. Mme B... ne justifie d'aucune décision expresse ou tacite lui ayant refusé l'indemnité qu'elle sollicite. 5. D'autre part le contentieux ne s'est pas non plus trouvé lié par les conclusions en défense du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud qui n'a pas produit de mémoire en défense en première instance. Par suite, la demande indemnitaire présentée par Mme B... devant le tribunal était, faute de décision préalable, irrecevable. 6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation. Sur la légalité de l'arrêté du 25 août 2016 : 7. D'une part, qu'aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service (...) et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article. ". Aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes (...) ". L'article 3 du décret du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions dispose que : " Le fonctionnaire qui a présenté une demande de reclassement dans un autre corps doit se voir proposer par l'administration plusieurs emplois pouvant être pourvus par la voie du détachement. L'impossibilité, pour l'administration, de proposer de tels emplois doit faire l'objet d'une décision motivée. / (...) La procédure de reclassement telle qu'elle résulte du présent article doit être conduite au cours d'une période d'une durée maximum de trois mois à compter de la demande de l'agent. ". 8. D'autre part, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement ou sa mise à la retraite pour invalidité. 9. Il résulte des dispositions précitées et du principe général du droit susmentionné que le ministre de l'intérieur, avant de prononcer la mise à la retraite pour invalidité en litige, avait l'obligation de reclasser son agent, laquelle ne consiste pas en une obligation de résultat, mais nécessite d'entreprendre avec diligence toutes les démarches nécessaires afin de reclasser, dans la mesure du possible, cet agent. 10. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été reconnue définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions d'adjoint technique par la commission de réforme départementale du Vaucluse le 2 octobre 2014 et que sa demande de reclassement dans le corps des adjoints administratifs de l'intérieur et de l'outre-mer a été rejetée par décision du ministre de l'intérieur du 11 mai 2015, au motif que la hiérarchie de l'intéressée avait émis un avis défavorable à cette demande et que la commission administrative paritaire nationale s'était elle aussi déclarée défavorable à cette demande lors de sa séance du 15 avril 2015. Le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud n'établit ni n'allègue avoir entrepris d'autres démarches afin de reclasser Mme B..., alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier de l'avis de la commission de réforme du 28 avril 2016, qu'elle serait inapte à toute fonction. Dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme ayant satisfait à son obligation de reclassement consistant à rechercher avec diligence, et dans toute la mesure du possible, un poste adapté pour l'intéressée. 11. Il résulte de ce qui précède que l'appelante est fondée à demander à la Cour d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud du 25 août 2016. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel et pour le motif susmentionné, d'annuler la décision du 25 août 2016 du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud prononçant sa mise à la retraite pour invalidité, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par l'appelante. Sur les conclusions à fin d'injonction : 12. L'exécution du présent arrêt implique que le ministre de l'intérieur procède, à compter du 1er septembre 2016, date à laquelle a été prononcée la mise à la retraite pour invalidité de Mme B..., à sa réintégration juridique et à la reconstitution de sa carrière, incluant le cas échéant ses droits à l'avancement, et, en particulier, à la reconstitution de ses droits sociaux, notamment de ses droits à pension de retraite qu'elle aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale dont elle a fait l'objet, et, par suite, au versement des cotisations nécessaires à cette reconstitution, soit les parts patronales et salariales de ces cotisations. En revanche, elle n'implique pas qu'il soit procédé au versement des traitements dont elle a été privée. Sur les frais liés au litige : 13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris les dépens, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1603376 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de décision du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud et à ce qu'il soit enjoint audit préfet de procéder à sa réintégration à compter du 1er septembre 2016. Article 2 : L'arrêté du 25 août 2016 du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud est annulé. Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à la réintégration juridique de Mme B... à compter du 1er septembre 2016, et de procéder à la reconstitution de sa carrière, incluant le cas échéant ses droits à l'avancement, et, en particulier, à la reconstitution de ses droits sociaux et, notamment, de ses droits à pension de retraite. Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud. Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - Mme C..., première conseillère. Lu en audience publique, le 14 janvier 2020. 2 N° 18MA05458
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, , 30/12/2019, 19MA04664, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser une provision de 19 059,25 euros à valoir sur la somme qu'elle estime lui être due à titre d'indemnité en réparation du préjudice subi du fait d'un accident imputable au service. Par une ordonnance n° 1903770 du 21 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre communal d'action sociale de Montpellier à verser une provision de 9 338 euros à Mme B.... Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2019, le centre communal d'action sociale de Montpellier, représenté par la SCP Vinsonneau-Palies Noy Gauer et associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2019 ; 2°) statuant en référé : - à titre principal, de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier ; - à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale et graphologique ; 3°) de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la créance complémentaire dont se prévaut Mme B... est sérieusement contestable dès lors que les préjudices ont été estimé par l'expert en tenant compte d'une agression sur le lieu d'exercice des fonctions dont la réalité n'est pas établie ; - le rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés ne distingue pas les préjudices selon qu'ils sont ou non en lien avec l'accident de service ; - le recours à l'assistance effective d'une aide familiale n'est pas démontré ; - le préjudice d'agrément n'est pas justifié. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2019, Mme B..., représentée par Me D... C..., demande à la Cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) par la voie de l'appel incident : - de réformer l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 9 338 euros la provision au versement de laquelle il a condamné le centre communal d'action sociale de Montpellier en réparation du préjudice qu'elle a subi ; - de porter à la somme de 19 059,25 euros le montant de la provision due ; 3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'accident du 30 juillet 2014 a été reconnu imputable au service par une décision créatrice de droits devenue définitive ; - le droit à l'allocation temporaire d'invalidité ne fait pas obstacle à l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux ; - sa demande ne porte pas sur la réparation du déficit fonctionnel permanent, de l'assistance par une tierce personne ou du préjudice d'agrément ; - l'expertise ordonnée par le juge des référés a été réalisée contradictoirement ; - la réalité des préjudices extrapatrimoniaux est établie. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code de justice administrative ; Le président de la Cour a désigné M. Vanhullebus, président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. Auxiliaire de soins principal territorial employé par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Montpellier, Mme B... a été victime le 30 juillet 2014 d'un accident qui a été reconnu imputable au service par un arrêté du président de cet établissement public en date du 11 octobre 2018. La date de consolidation de l'état de santé de l'agent a été fixée par le même arrêté au 18 juin 2018. Par une ordonnance n° 1806000 du 12 mars 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné le CCAS à payer à Mme B... une provision de 27 000 euros à valoir sur l'indemnité due au titre de l'incapacité physique permanente. Le juge des référés de la Cour a, par une ordonnance n° 19MA01343 du 6 juin 2019, rejeté les conclusions d'appel et d'appel incident présentées respectivement par le CCAS de Montpellier et par Mme B... à l'encontre de l'ordonnance du premier juge. 2. A la suite du dépôt du rapport de l'expertise ordonnée le 6 février 2019 par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, Mme B... a saisi le juge des référés, le 15 juillet 2019, d'une demande tendant à ce que son employeur lui verse une provision de 19 059,25 euros à valoir sur l'indemnité due au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice esthétique et du préjudice sexuel. Par une ordonnance du 21 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné le CCAS de Montpellier à verser une provision de 9 338 euros à Mme B.... L'établissement public demande à la Cour d'annuler cette ordonnance. Par la voie de l'appel incident, Mme B... conclut à la réformation de cette ordonnance pour obtenir une meilleure indemnisation. 3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant. 4. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et à leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 5. Le CCAS se prévaut du rapport établi le 11 décembre 2017 par le Dr Boussagol, qui a estimé que les arrêts de travail depuis le 15 décembre 2016 n'étaient pas imputables au service mais étaient en lien avec une pathologie indépendante de celle résultant de l'accident de service et que la guérison des séquelles résultant de cet accident était acquise au 30 novembre 2014. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment du rapport du 18 juin 2018 du Dr Deblock au vu duquel a été émis l'avis de la commission de réforme du 28 septembre 2018 sur le fondement duquel l'accident du 30 juillet 2014 a été reconnu imputable au service par l'arrêté du 11 octobre 2018, ainsi que du rapport du 12 juin 2019 du Dr Gomis désigné par le juge des référés du tribunal administratif, que la date de consolidation de l'état de santé consécutif à l'accident de service doit être fixée au 18 juin 2018 et que les arrêts pour maladie doivent être imputés au service. Il suit de là que la névralgie dorso-cervicale-brachiale droite, les douleurs de l'épaule droite et les lombalgies sont en lien avec l'accident de service du 30 juillet 2014. L'obligation du CCAS à réparer les préjudices en découlant présente dans cette mesure un caractère non sérieusement contestable. 6. Il ne résulte pas de l'instruction avec une certitude suffisante que le trouble de stress posttraumatique sévère dont souffre Mme B... trouve son origine dans les circonstances dans lesquelles s'est produit l'accident de service du 30 juillet 2014, la réalité de l'agression de l'agent par un patient n'étant pas suffisamment établie par les pièces versées au dossier. Dans ces conditions, la créance que Mme B... allègue détenir sur son employeur au titre des conséquences dommageables de ce trouble ne présente pas un caractère non sérieusement contestable. 7. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés, que Mme B... a été victime, au titre des seules affections mentionnées au point 5, d'une incapacité temporaire totale le 8 juin 2015 et du 5 septembre 2017 au 10 septembre 2017, partielle au taux de 75 % du 9 juin 2015 au 10 juillet 2015 et du 11 septembre 2017 au 10 novembre 2017, au taux de 25 % du 30 juillet 2014 au 7 juin 2015, du 11 juillet 2015 au 24 octobre 2016, du 27 décembre 2016 au 31 mai 2017, du 13 juillet 2017 au 4 septembre 2017 et au taux de 20 % du 11 novembre 2017 au 18 juin 2018. L'obligation du CCAS présente ainsi un caractère de certitude suffisant à hauteur de la somme de 6 200 euros. 8. Le traumatisme physique subi lors de l'accident de service du 30 juillet 2014 et les soins chirurgicaux qui ont été dispensés pour y remédier, ont été à l'origine d'un préjudice esthétique, évalué à 0,5 sur une échelle de 1 à 7. Mme B... a en outre enduré des souffrances à l'occasion des deux interventions dont elle a fait l'objet ainsi que des soins de kinésithérapie au long cours. Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer une provision au titre des souffrances que l'expert rattache aux longues périodes d'hospitalisation en établissement psychiatrique. L'obligation du CCAS au titre de la part, imputable au service, de ces préjudices présente un caractère suffisant de certitude à hauteur de la somme de 2 500 euros. 9. Il ne résulte pas de l'instruction que le préjudice sexuel, consistant en une perte de libido, soit, d'une manière suffisamment certaine, en lien avec le traumatisme physique consécutif à l'accident du 30 juillet 2014 reconnu imputable au service. 10. Mme B... demande une provision en réparation du déficit fonctionnel temporaire qu'elle a présenté, des souffrances qu'elle a endurées et des préjudices esthétique et sexuel. Le CCAS ne peut dès lors pas utilement se prévaloir de ce que l'agent n'établit la réalité ni du recours à une assistance par tierce personne ni du préjudice d'agrément, dont la réparation n'a pas été demandée au juge des référés. 11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise avant dire droit, que le CCAS de Montpellier est seulement fondé à demander que la provision de 9 338 euros que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser à Mme B..., soit ramenée à la somme de 8 700 euros. Mme B... n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, que la provision mise à la charge du CCAS soit portée à la somme de 19 059,25 euros. 12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que le CCAS de Montpellier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par Mme B... soit mise à la charge du CCAS de Montpellier, qui n'est pas la partie perdante. ORDONNE Article 1er : La somme de 9 338 euros que le CCAS de Montpellier a été condamné à verser à Mme B... par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2019 est ramenée à 8 700 euros. Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2019 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du CCAS de Montpellier est rejeté. Article 4 : Les conclusions de Mme B... présentées par la voie de l'appel incident et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au centre communal d'action sociale de Montpellier et à Mme A... B.... Fait à Marseille, le 30 décembre 2019. 6 N°19MA04664
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 26/12/2019, 18DA00292, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 septembre 2015 par lequel le maire du Havre l'a placée en disponibilité d'office, du 3 novembre 2003 au 31 mai 2014, et du 19 septembre 2014 au 5 octobre 2014, de désigner le docteur Belhache pour effectuer une expertise médicale et de condamner la commune du Havre à lui verser une provision dans l'attente des résultats de l'expertise. Par un jugement n° 1503472 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 7 février 2018, Mme A..., représentée par Me Hélène Detrez-Cambrai avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 septembre 2015 du maire du Havre la plaçant en disponibilité d'office ; 3°) de désigner le docteur Belhache à fins d'expertise pour fixer la date de consolidation de son état de santé et le taux d'incapacité permanente partielle résultant de son accident de service ; 4°) de condamner la commune du Havre à lui verser une provision de 20 000 euros dans l'attente de cette expertise ; 5°) de mettre à la charge de la commune du Havre la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, - les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public, - et les observations de Me C..., substituant Me D..., représentant la commune du Havre. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A... était adjoint technique de la ville du Havre. Par arrêté du 6 octobre 2014, elle a été radiée des cadres par atteinte de la limite d'âge. Cette décision a été confirmée par le tribunal administratif de Rouen puis par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai n°16DA01158 en date du 8 février 2018. Par un arrêté du 4 septembre 2015, le maire du Havre l'a placée en disponibilité d'office du 3 novembre 2003 au 31 mai 2014 et du 19 septembre 2014 au 5 octobre 2014. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rouen qui a rejeté ses demandes d'annulation de cet arrêté, de désignation d'un expert et de versement d'une provision de 20 000 euros. 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) /2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ". Le deuxième alinéa de l'article 72 de la même loi, dans sa version applicable, dispose que : " La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés dans le ressort territorial de son cadre d'emploi, emploi ou corps en vue de la réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. ". 3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, qui est tenue de placer tout fonctionnaire qu'elle emploie dans une position statutaire régulière, de mettre d'office l'agent en position de disponibilité à l'expiration des droits à congés prévus notamment au 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. 4. Il n'est pas contesté que Mme A... avait épuisé ses droits à congé de maladie depuis le 3 novembre 2003. Le maire du Havre était donc tenu, en application des dispositions précitées, même de manière rétroactive, de la placer en position de disponibilité d'office, afin de régulariser sa situation statutaire, dans l'attente de sa mise à la retraite par atteinte de la limite d'âge. Si le tribunal administratif avait annulé par un jugement n° 0402168 du 21 décembre 2005, un précédent arrêté la plaçant en disponibilité d'office à compter du 1er août 2004, au motif de l'irrégularité de la procédure devant le comité médical, le maire du Havre devait reprendre, au terme d'une procédure régulière, une décision plaçant en position disponibilité d'office Mme A... sur cette période. En outre, le placement en disponibilité d'office de Mme A... ayant pour seul but de régulariser sa position statutaire, devait couvrir la totalité de la période pendant laquelle l'intéressée avait épuisé ses droits à congé. En conséquence, le nouvel arrêté du 4 septembre 2015 porte nécessairement sur une période différente de celle concernée par l'arrêté annulé par le jugement du 21 décembre 2005, les circonstances de fait et de droit ayant changé par rapport à la situation existante en 2004. D'ailleurs, le maire avait déjà pris au moins un autre arrêté devenu définitif, en date du 28 juillet 2014, plaçant l'intéressée en position de disponibilité d'office à compter du 1er juin 2014 jusqu'au 1er septembre 2014. Par suite, et contrairement à ce que soutient l'appelante, l'autorité de la chose jugée ne s'opposait pas à ce que le maire du Havre prenne une nouvelle décision, le 4 septembre 2015, plaçant Mme A... en disponibilité d'office du 3 novembre 2003 au 31 mai 2014 et du 19 septembre 2014 au 5 octobre 2014. 5. L'arrêté du 6 octobre 2014 par lequel le maire du Havre a radié des cadres Mme A... pour mise à la retraite par atteinte de la limite d'âge, au motif qu'il se trouvait en situation de compétence liée à cet effet, a été confirmé par jugement du tribunal administratif de Rouen puis par arrêt de la cour administrative d'appel de Douai n° 16DA01158 du 8 février 2018. Cette décision est donc devenue définitive. Par suite, le maire du Havre était également tenu, ainsi qu'il a été dit au point 3, de placer l'intéressée en position de disponibilité d'office, de la date d'épuisement de ses congés de maladie jusqu'à la date de sa mise à la retraite, afin que celle-ci soit placée dans une position statutaire régulière. Mme A... semble également remettre en cause la date de consolidation au 14 octobre 2002 de l'accident de service du 30 mai 2000 et soutenir que ses congés auraient dû être pris en charge au titre de cet accident de service. Toutefois, la date de consolidation de cet accident est devenue définitive. La décision du maire du Havre du 29 juin 2009 sur ce point et prenant en charge les arrêts de travail postérieurs au titre de la maladie ordinaire a en effet été confirmée par le tribunal administratif de Rouen puis par un arrêt n°11DA01875 du 26 mars 2013 de la cour administrative d'appel de Douai. De même, si l'appelante semble contester les propositions de reclassement qui lui ont été faites, cette contestation est sans influence sur cet arrêté de mise en disponibilité d'office, le maire n'étant en l'espèce pas tenu de faire des propositions de reclassement, s'agissant d'une décision ayant pour seul objet de régulariser une situation passée. De même, si Mme A... doit être considérée comme soutenant qu'elle aurait dû être mise à la retraite pour invalidité, il ressort des pièces du dossier, qu'elle a été déclarée apte à la reprise de ses fonctions, sous réserve du respect de certaines prescriptions, dès le 15 octobre 2002. Par suite les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit qui entacheraient l'arrête attaqué doivent être écartés, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges. 6. Il résulte aussi ce qui précède que l'expertise médicale sollicitée par Mme A... serait sans utilité pour la solution du litige et revêtirait, par suite, un caractère frustratoire, la date de consolidation de l'accident de service du 30 mai 2000 ayant déjà été fixée, ainsi qu'il a été dit, de manière définitive, Les conclusions tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées. 7. Enfin, compte tenu de l'ensemble de ce qui a été dit, les conclusions de Mme A... tendant au versement d'une provision, fondées sur l'illégalité de l'arrêté attaqué, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées. 8 Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête opposée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2015. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune du Havre qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par la commune du Havre au même titre. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune du Havre tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune du Havre. 4 N° 18DA00292
Cours administrative d'appel
Douai
Conseil d'État, 7ème chambre, 20/12/2019, 425565, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le décision du 22 août 2013 par laquelle l'Office national des forêts (ONF) a rejeté sa demande d'attribution d'une rente viagère d'invalidité, d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre chargé de l'agriculture a rejeté son recours hiérarchique formé le 14 octobre 2013 à l'encontre de la décision du 22 août 2013 de l'ONF, d'enjoindre à l'administration de lui accorder une rente viagère d'invalidité ou de procéder au réexamen de sa demande. Par un jugement n° 1305574 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les deux décisions attaquées et enjoint à l'ONF de lui accorder une rente viagère d'invalidité au titre de sa coxarthrose avec effet au 28 juin 2013 dans un délai de deux mois. Par une ordonnance n° 17BX00771 du 20 novembre 2018, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 7 mars 2017 au greffe de cette cour, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Par ce pourvoi, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé contre la décision du 22 août 2013 de l'ONF et de rejeter les conclusions de M. B... dirigées contre lui. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code forestier ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le décret n° 2003-549 du 24 juin 2003 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de M. B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B..., technicien opérationnel forestier de l'ONF, qui exerçait des fonctions d'agent patrimonial en Ariège, s'est vu reconnaître l'origine professionnelle des maladies dont il est affecté, en exécution d'un jugement du 23 mai 2011 du tribunal administratif de Toulouse. Sa demande de rente viagère d'invalidité, sollicitée après qu'il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juillet 2013, a toutefois été rejetée par une décision du directeur de l'ONF du 22 août 2013 contre laquelle M. B... a formé un recours hiérarchique auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Par un jugement du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du directeur de l'ONF ainsi que la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Ce dernier se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il a annulé le rejet implicite opposé au recours hiérarchique de M. B.... 2. En vertu de l'article D. 221-1 du code forestier, la tutelle de l'Etat sur l'ONF est assurée par les ministres chargés des forêts et de l'environnement. Il ne résulte ni de ce texte, ni des autres dispositions du code forestier relatives à cet établissement public, ni d'aucune autre disposition, que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt serait investi d'un pouvoir hiérarchique sur les autorités de l'ONF, notamment s'agissant de la gestion du personnel et des décisions relatives aux demandes d'octroi d'une rente viagère d'invalidité. Il s'ensuit qu'en annulant le refus implicite de rejet opposé par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt au recours hiérarchique formé par M. B... contre la décision du directeur de l'ONF lui refusant le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité alors que le ministre était tenu de rejeter une telle demande, le tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit. 3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il a annulé sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par M. B... contre la décision du directeur de l'ONF. 4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond dans cette mesure en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 5. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ne tenait pas de ses pouvoirs de tutelle à l'égard de l'ONF la compétence pour statuer sur un recours hiérarchique exercé contre les décisions de cet établissement public. Par suite, il était tenu de rejeter la demande adressée par M. B... tendant à ce qu'il lui accorde le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité. Il en résulte que les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt à sa demande de recours hiérarchique ne peuvent qu'être rejetées, ainsi, par voie de conséquence, que celles tendant à ce que soit mises à la charge de l'Etat les sommes respectives de 35 et 1 500 euros au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative. 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. B... devant le Conseil d'Etat.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 30 décembre 2016 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il a annulé la décision implicite de rejet du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et qu'il a mis à la charge solidaire de l'Etat une somme de 35 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du même code. Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant ce tribunal tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme de 35 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du même code sont rejetées. Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant le Conseil d'Etat sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. A... B.... Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics et à l'Office national des forêts.ECLI:FR:CECHS:2019:425565.20191220
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème chambre, 08/01/2020, 428597, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, d'annuler le titre de perception émis par le directeur régional des finances publiques de Midi-Pyrénées et de la Haute-Garonne le 18 mai 2016, modifié le 24 juin 2016, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et de le décharger de l'obligation de payer la somme de 13 829 euros, et, à titre subsidiaire de modérer les sommes réclamées par le titre de perception. Par un jugement n° 1701617 du 28 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le titre de perception en litige et déchargé M. B... de l'obligation de payer la somme de 13 829 euros. Par un pourvoi, enregistré le 5 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean-Yves Ollier, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Bertrand, avocat de M. B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 14 octobre 2005 du président du conseil d'administration de La Poste, M. B..., fonctionnaire, a été admis d'office à faire valoir ses droits à la retraite. Il a alors bénéficié d'une pension d'invalidité non imputable au service versée par l'Etat. Par un jugement du 15 octobre 2012, le tribunal administratif de Versailles a annulé cette décision et enjoint au directeur général de La Poste de procéder à la réintégration juridique de l'intéressé et à la reconstitution de sa carrière. Le directeur régional des finances publiques de Midi-Pyrénées et de la Haute-Garonne a émis, le 18 mai 2016, un titre de perception d'un montant de 42 708 euros afin d'obtenir le reversement de la pension servie à M. B... de 2005 à 2016, montant ramené à 13 829 euros, le 24 juin 2016, compte tenu de la prescription d'une partie des sommes dues. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre le jugement du 28 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de M. B..., annulé le titre de perception en litige et déchargé l'intéressé de l'obligation de payer la somme correspondante. 2. Aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " (...) la pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit / (...) ". Ces dispositions ne sauraient faire obstacle à ce que l'administration, qui est tenue d'assurer l'exécution des décisions de justice, annule la pension initialement concédée à un agent lorsque celle-ci se trouve, par l'effet d'une décision du juge administratif, privée de base légale. 3. Aux termes de l'article 1347 du code civil : " La compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes./ Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies ". 4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif a estimé qu'en l'absence, d'une part, de reconstitution de carrière de M. B... à la suite de l'annulation de la décision de La Poste l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite et, d'autre part, de versement par cette société à l'intéressé de l'indemnité représentative des rémunérations dont il a été indûment privé, l'administration ne pouvait pas légalement demander le reversement de la pension qu'il avait perçue durant la même période. En opérant ainsi, de manière implicite, une compensation entre la créance détenue par M. B... sur la société La Poste, au titre de l'indemnité mentionnée ci-dessus, et la créance détenue par l'Etat sur M. B..., correspondant à la pension qui lui a été indûment versée, alors qu'il s'agit de personnes morales différentes, le tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit. 5. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du ministre de l'action et des comptes publics qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 28 décembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Toulouse. Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à M. A... B.... Copie en sera adressée à La Poste.ECLI:FR:CECHS:2020:428597.20200108
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 8ème chambre, 27/12/2019, 429206, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Montpellier d'annuler la décision du 25 novembre 2015 par laquelle le ministre de la défense a refusé de réviser sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° RG 16/00003 du 10 avril 2018, ce tribunal a rejeté sa demande. Par arrêt n° RG 18/00005 du 13 mars 2019, la cour régionale des pensions de Montpellier a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement. Par un pourvoi et un mémoire complémentaires, enregistrés les 26 mars et 17 juin 2019, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt. 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCP David Gaschignard, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaire d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. B... ;Considérant ce qui suit : 1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a demandé au tribunal des pensions de Montpellier d'annuler la décision du 25 novembre 2015 par laquelle le ministre de la défense a refusé de réviser sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement du 10 avril 2018, ce tribunal a rejeté sa demande. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 mars 2019 par lequel la cour régionale des pensions de Montpellier a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement. 2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que dans ses écritures devant la cour régionale des pensions de Montpellier, M. B... se bornait à soutenir que le tribunal des pensions de Montpellier avait regardé à tort sa demande comme dépourvue de motivation. Il ne peut, par suite, utilement soulever, pour la première fois en cassation, le moyen, qui n'est pas d'ordre public, tiré de ce que le tribunal ne pouvait régulièrement lui opposer l'irrecevabilité de sa demande sans avoir préalablement mis en demeure son conseil, désigné au titre de l'aide juridictionnelle, d'accomplir les diligences qui lui incombaient, et sans avoir porté à sa connaissance la carence de celui-ci, ainsi que le moyen tiré de ce que la cour régionale des pensions de Montpellier aurait entaché son arrêt d'erreur de droit en ne relevant pas que cette irrecevabilité lui aurait ainsi été opposée à tort par le tribunal. 3. En deuxième lieu, si la cour régionale des pensions de Montpellier a, dans son arrêt, opéré une confusion entre les termes " tribunal " et " cour " ainsi qu'entre la déclaration d'appel et la requête introductive d'instance devant le tribunal des pensions, ces circonstances, alors que cet arrêt comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent, n'ont pas été de nature à faire obstacle à sa compréhension. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisamment motivé de l'arrêt attaqué ne peut qu'être écarté. 4. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. B... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre des armées. ECLI:FR:CECHS:2019:429206.20191227
Conseil d'Etat
CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 19/12/2019, 17VE01368, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision du 12 mai 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à bénéficier d'une mise en disponibilité pour convenances personnelles ou d'un congé, la lettre et l'arrêté du 10 juillet 2014 par lesquels il a prononcé sa radiation des cadres, ainsi que la décision portant rejet de son recours indemnitaire préalable, ensemble les décisions implicites rejetant ses recours gracieux, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 200 000 euros, sous réserve des résultats de l'expertise à diligenter, en réparation de divers préjudices résultant notamment de l'illégalité fautive de ces dernières décisions. Par un jugement n° 1409302 du 27 février 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 avril et 29 mai 2017, Mme A..., représentée par Me E..., avocat, demande à la Cour : 1° d'annuler ce jugement ; 2° avant dire droit, d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer les divers préjudices résultant de ses accidents de service survenus les 25 mai 2012 et 10 juin 2012 ; 3° de condamner l'Etat à lui verser une somme de 270 000 euros, sous réserve des résultats de l'expertise, cette somme portant intérêts à compter de sa demande préalable et capitalisation des intérêts ; 4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme A... soutient que : - les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions indemnitaires relatives à ses accidents de service et à son refus de titularisation ; - les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions indemnitaires relatives au retard commis par l'administration dans le traitement de son dossier pour lui permettre de bénéficier de revenus de remplacement ; - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - la décision prononçant son licenciement pour inaptitude professionnelle le 22 novembre 2012 est illégale et fautive dès lors que son stage n'a pas été prolongé compte tenu de ses congés de maladie et de ses accidents de services, qu'elle aurait dû être évaluée à l'issue de son stage alors qu'elle a été définitivement évaluée en juin 2012 et que, ce faisant, le refus de la titulariser s'assimile à un licenciement en cours de stage ; - elle a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral, dès sa prise de poste en septembre 2011, qui ont dégradé ses conditions de travail et sa santé ; - elle est fondée à obtenir réparation intégrale des différents préjudices résultant de ses accidents de service survenus les 25 mai 2012 et 10 juin 2012. ................................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ; - le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ; - le décret n° 2010-302 du 19 mars 2010 ; - l'arrêté du 9 juillet 2004 relatif au dispositif d'accueil et de formation d'adaptation des secrétaires administratifs du ministère de la défense ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme F..., - les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public, - et les observations de Me D..., substituant Me E..., pour Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., nommée secrétaire administrative de classe normale stagiaire du ministère de la défense par arrêté du 12 avril 2010, a débuté son stage au centre ministériel de gestion de Saint-Germain-en-Laye le 2 août 2010, où elle a été chargée des fonctions d'adjointe au chef du bureau " notation, avancement, décorations ". N'ayant pas été titularisée à l'issue de ce stage, lequel s'est achevé le 18 septembre 2011, Mme A... a débuté un second stage le 19 septembre 2011 à l'établissement du service d'infrastructure de la défense d'Ile-de-France, à Saint-Germain-en-Laye, où elle a exercé les fonctions de " traitant formation ". Par arrêté du 22 novembre 2012, le ministre de la défense a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle et sa radiation des cadres à compter du 1er janvier 2013. Par un jugement n° 1207844 du 30 décembre 2013, le Tribunal administratif de Versailles a fait droit à la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 novembre 2012 au motif que son stage ne s'était pas déroulé dans des conditions régulières et enjoint au ministre de la défense de la réintégrer dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement. Par décision du 21 février 2014, Mme A... a été réintégrée et affectée à l'antenne " défense mobilité " de l'Agence de reconversion de la défense à Versailles, sur l'emploi de chargée de relations entreprises, à partir du 1er avril 2014. Par une décision du 12 mai 2014, le ministre de la défense a rejeté la demande de Mme A... tendant à bénéficier d'une mise en disponibilité pour convenances personnelles, sollicitée par l'intéressée afin de poursuivre jusqu'à son terme, le 1er septembre 2014, l'exécution du contrat à durée déterminée qu'elle avait conclu avec la société Axa. Puis, par une décision du 10 juillet 2014, le ministre de la défense a prononcé la radiation des cadres de Mme A... pour abandon de poste à compter du 1er août 2014. Mme A... relève appel du jugement n° 14VE09302 du 27 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions du 12 mai 2014 et du 10 juillet 2014 ainsi que sur ses conclusions à fin d'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de ces décisions, d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires tendant à réparer divers préjudices résultant des faits de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis durant ses stages et de ses accidents de service survenus les 25 mai 2012 et 20 juin 2012. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Mme A... soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions tendant à réparer intégralement les préjudices résultant de ses deux accidents de service survenus les 25 mai 2012 et 20 juin 2012 en faisant valoir que, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, elle a apporté de nombreux éléments pour établir ses préjudices, notamment des certificats médicaux, et avait demandé une expertise afin de chiffrer ses préjudices, sans que les premiers juges n'y répondent. Ce faisant, Mme A... conteste en réalité le bien-fondé du jugement et non sa régularité. De plus, il ressort du jugement contesté que les premiers juges ont examiné sa demande d'expertise en considérant au point 8 du jugement que, compte tenu des éléments au dossier, celle-ci n'apparaissait pas nécessaire. Le moyen manque donc en fait et doit, par suite, être écarté. 3. Mme A... soutient également que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne le rejet de la responsabilité sans faute au titre de la réparation complémentaire au droit à pension. En précisant toutefois que " Mme A..., qui n'établit pas davantage les préjudices endurés au titre des accidents de trajet, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité sans faute de l'administration ; (...) ", les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse à ce moyen. 4. Mme A... soutient ensuite que les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions tendant à réparer ses préjudices résultant de l'illégalité fautive entachant l'arrêté du 22 novembre 2012 par lequel le ministre de la défense a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Il ressort de la requête enregistrée au tribunal administratif de Versailles le 24 décembre 2014 que Mme A... présentait des conclusions tendant à obtenir réparation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de l'arrêté du 22 novembre 2012 par lequel le ministre de la défense a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle et l'a radiée des cadres à compter du 1er janvier 2013. Le jugement contesté ne s'est pas prononcé sur de telles conclusions, en statuant seulement, d'une part, sur les conclusions dirigées contre les décisions du 12 mai 2014 et du 10 juillet 2014 ainsi que sur ses conclusions à fin d'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de ces décisions, et, d'autre part, sur le surplus de ses conclusions indemnitaires tendant à réparer divers préjudices résultant des faits de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis durant ses stages et de ses accidents de service survenus les 25 mai 2012 et 20 juin 2012. En outre, l'intervention de l'arrêt de la cour du 21 juillet 2015 n'a pas rendu sans objet de telles conclusions indemnitaires tendant à réparer les préjudices résultant de l'illégalité fautive de ce même arrêté du 22 novembre 2012. 5. Mme A... est également fondée à soutenir que le tribunal administratif a omis de statuer sur ses conclusions tendant à obtenir réparation de ses préjudices résultant du retard commis par l'administration dans le traitement de son dossier pour lui permettre de bénéficier de revenus de remplacement. 6. Dès lors, Mme A... est fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Versailles a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, l'article 2 du jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation partielle sur les conclusions de Mme A... exposées aux points 4 et 5 du présent arrêt. Sur les conclusions tendant à obtenir réparation des préjudices résultant du retard commis par l'administration dans le traitement de son dossier pour lui permettre de bénéficier de revenus de remplacement : 7. Mme A..., qui a été licenciée à compter du 1er janvier 2013, se borne à soutenir qu'elle a dû attendre le mois de mai 2013 pour percevoir un revenu de remplacement. Ainsi elle n'établit pas la faute qu'elle impute à l'Etat. Par suite, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions tendant à obtenir réparation des préjudices résultant de l'illégalité fautive entachant l'arrêté du 22 novembre 2012 par lequel le ministre de la défense a prononcé le licenciement de Mme A... pour insuffisance professionnelle et l'a radiée des cadres à compter du 1er janvier 2013 : 8. Sous réserve d'un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquement professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné. 9. Aux termes de l'article 5 décret du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics : " La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par le statut particulier du corps dans lequel le fonctionnaire stagiaire a vocation à être titularisé. / (...) ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " Le fonctionnaire stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / La décision de licenciement est prise après avis de la commission administrative paritaire prévue à l'article 29 du présent décret, sauf dans le cas où l'aptitude professionnelle doit être appréciée par un jury ". Aux termes, par ailleurs, du I de l'article 11 du décret du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat, applicable au corps des secrétaires administratifs de la défense : " Les candidats reçus [notamment au concours externe] sont nommés fonctionnaires stagiaires du corps concerné et accomplissent un stage d'une durée d'une année. (...) ". Aux termes du III du même article 11 du décret du 11 novembre 2009 : " L'organisation du stage (...) est fixée par arrêté du ministre dont relève le corps de fonctionnaires concerné, (...). Pendant le stage, les intéressés sont soumis aux dispositions du décret du 7 octobre 1994 [fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics, mentionné plus haut] ". Aux termes des deuxième et troisième alinéa du V du même article 11 du décret du 11 novembre 2009 : " Les stagiaires qui n'ont pas été titularisés à l'issue du stage peuvent être autorisés à accomplir un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. / Les stagiaires (...) dont le stage complémentaire n'a pas donné satisfaction sont soit licenciés s'ils n'avaient pas préalablement la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine ". Enfin, sur la base des dispositions précitées du III de l'article 11 du décret du 11 novembre 2009, le ministre de la défense a adopté un arrêté en date du 9 juillet 2004 relatif au dispositif d'accueil et de formation d'adaptation des secrétaires administratifs du ministère de la défense. 10. Aucune disposition des textes précités ne prévoit l'obligation pour l'administration de procéder à une évaluation intermédiaire des fonctionnaires stagiaires. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 22 novembre 2012 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle est entaché d'un vice de procédure au motif qu'elle aurait uniquement fait l'objet d'une évaluation finale et qu'elle n'a pas, bénéficié d'une évaluation intermédiaire. En tout état de cause, il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'évaluation du 6 juin 2012 que l'intéressée a bénéficié de plusieurs entretiens les 21 décembre 2011, 2 février 2012, 15 mars 2012 et 26 avril 2012 afin de lui assigner des objectifs et d'en assurer régulièrement le suivi. Si par ailleurs, Mme A... fait également valoir qu'elle n'a pas reçu communication de l'avis de la commission administrative paritaire, requis en application de l'article 7 précité du décret du 7 octobre 1994 avant toute décision de licenciement d'un fonctionnaire stagiaire, aucune disposition n'impose que cet avis, dont il n'est pas contesté qu'il a été en l'espèce régulièrement sollicité et obtenu, soit spontanément communiqué à l'agent intéressé. Pour tous ces motifs, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 22 novembre 2012 serait entachée d'un vice de procédure. 11. Si Mme A... soutient qu'elle n'a bénéficié d'aucune des formations prévues par l'arrêté du ministre de la défense du 9 juillet 2004 relatif au dispositif d'accueil et de formation d'adaptation des secrétaires administratifs du ministère de la défense et, notamment, qu'elle n'a pas bénéficié de la période d'observation de deux semaines prévue par l'article 6 de ce même arrêté, il résulte cependant de l'instruction et, en particulier de l'arrêt n° 14VE00770 du 21 juillet 2015, produit devant les premiers juges par la ministre des armées que, d'une part, Mme A... avait reconnu dans d'autres écritures avoir bénéficié de la période d'observations de deux semaines prévue par l'article 6 de l'arrêté du 9 juillet 2004 et, d'autre part, qu'elle a suivi diverses formations dont un stage d'information pour la période du 11 au 15 avril, du 2 au 6 mai puis du 9 au 13 mai 2011 et des formations d'apprentissage du métier, plus précisément, au logiciel de gestion des formations " Alliance " en octobre 2010 et janvier 2012, une formation " management et animation d'équipe " en juin 2011 et une formation " formateurs relais à l'entretien professionnel " en janvier 2012. De plus, il ne résulte pas de l'instruction que les formations suivies auraient été insuffisantes pour lui permettre d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles elle était destinée. Par conséquent, ce moyen doit être écarté. 12. Si Mme A... soutient qu'elle a toujours fait preuve d'assiduité et de sérieux dans son travail, que les manquements qui lui sont reprochés ne sont pas précis ou ne sont pas justifiés, qu'il avait été décidé de la licencier dès le début de son stage, il résulte cependant de l'instruction que Mme A... a été évaluée par deux supérieurs hiérarchiques différents lors de son second stage et que ces deux évaluations ont révélé plusieurs insuffisances professionnelles, précisément identifiées. Par suite, Mme A..., qui n'établit pas les erreurs de fait qu'elle allègue, n'est pas fondée à soutenir que l'administration a entaché sa décision de prononcer son licenciement pour insuffisance professionnelle d'une erreur manifeste d'appréciation. 13. Enfin, ainsi qu'il a été exposé au point 9 du présent arrêt, en vertu des I et V de l'article 11 du décret du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat, les stagiaires accomplissent un stage d'une durée d'une année et peuvent être autorisés à accomplir un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. De plus, aux termes du second alinéa de l'article 27 du décret du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics, " Si l'interruption [du stage, du fait des congés successifs de toute nature, autres que le congé annuel] a duré moins de trois ans, l'intéressé ne peut être titularisé avant d'avoir accompli la période complémentaire de stage qui est nécessaire pour atteindre la durée normale du stage prévu par le statut particulier en vigueur ". Il en résulte que, lorsqu'un agent stagiaire a été placé en congé de maladie pendant la période de son stage, celui-ci doit être prolongé d'une durée équivalente à la durée totale des congés de maladie. 14. Mme A... fait valoir devant le juge d'appel, d'une part, que son stage n'a pas été prolongé compte tenu de ses congés de maladie et son travail à mi-temps thérapeutique et, d'autre part, qu'elle n'a bénéficié que d'une seule évaluation en juin 2012, pour soutenir que son licenciement en fin de stage doit être qualifié de licenciement survenu en cours de stage. A supposer cependant que son licenciement doive recevoir une telle qualification, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature à entacher d'illégalité l'arrêté du 22 novembre 2012 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle. 15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... et fondées sur l'illégalité fautive de l'arrêté du 22 novembre 2012 doivent être rejetées. Sur le bien-fondé du jugement contesté pour ce qui concerne le surplus des conclusions : Sur le harcèlement moral : 16. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 17. Mme A... soutient qu'elle a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral dès sa prise de poste en septembre 2011, qui ont dégradé ses conditions de travail et sa santé, l'objectif étant de ne pas la titulariser et de l'évincer du service. Si Mme A... allègue notamment que son chef de service, Mme C..., aurait refusé de l'accueillir lors de son premier jour de stage, qu'elle lui aurait signifié que sa présence lui avait été imposée, qu'elle n'était " bonne à rien " et ne lui communiquait aucune information ou encore que son ancien chef de bureau a organisé une réunion de bureau l'excluant délibérément, l'ensemble des éléments de fait dont elle fait état ne font pas présumer l'existence d'un harcèlement moral. Par conséquent, les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... en réparation des préjudices résultants des faits de harcèlement moral qu'elle prétend avoir subis doivent être rejetées. Sur les conclusions en réparation des préjudices résultant des deux accidents de trajet, survenus les 25 mai 2012 et 20 juin 2012, qui ont été reconnus imputables au service : 18. Si les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions, elles ne font cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci. 19. A la suite d'un accident survenu le 25 mai 2012 dans un bus la conduisant à son lieu de travail, Mme A... a souffert d'un traumatisme de l'épaule droite qui a nécessité en décembre 2013 une intervention chirurgicale (suture de la coiffe des rotateurs du sus épineux) et d'un traumatisme du genou droit désormais guéri et sans séquelle. En conséquence, par une décision du 11 juin 2015 le ministre de la défense, après avoir reconnu que cet accident de trajet était imputable au service et que Mme A... présentait une date de consolidation fixée au 15 octobre 2014, a attribué à Mme A... un taux d'invalidité de 10 %. Il résulte par ailleurs de l'instruction et notamment du rapport d'expertise remis au Tribunal de grande instance de Versailles par le docteur Benoit Klein qu'il évalue le déficit fonctionnel permanent à 8 %. Avant la date de consolidation, ce rapport évalue le déficit fonctionnel temporaire à un jour, à 100 %, celui de l'opération, à une période comprise entre le 7 août 2012 et le 14 septembre 2012 et entre le 17 décembre 2013 et le 16 mars 2014 à 50 %, à une période comprise entre le 15 septembre 2012 au 2 janvier 2013 et le 17 mars 2014 au 17 juin 2014, pour un taux à 25 % et à une période comprise entre le 3 janvier 2013 et 15 décembre 2013 pour un taux à 10 %. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A... en lui allouant la somme de 3 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent. Il sera procédé à une juste évaluation du préjudice subi en allouant à Mme A... une somme de 500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire. Si le rapport d'expertise fait état d'une aide humaine, Mme A... ne justifie pas avoir eu recours à une telle aide pour la période considérée. Enfin, en ce qui concerne les souffrances endurées qualifiées de modérées à moyenne soit 3,5/7 par le rapport d'expertise, les préjudices esthétiques, sexuels, d'agrément et troubles dans les conditions d'existence, qualifiés de très légers, il sera fait une juste appréciation en allouant à Mme A... une somme de 500 euros à ce titre. 20. A la suite d'un second accident de trajet survenu le 20 juin 2012 dans un bus, Mme A... a souffert d'un traumatisme de la cheville droite et a vu son état se consolider le 31 août 2012. Il sera procédé à une juste évaluation des préjudices subis par Mme A... en lui allouant la somme de 150 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire évalué à 25 % jusqu'au 29 juillet 2012 puis à 10 % jusqu'au 31 août 2012, la somme de 250 euros au titre des souffrances endurées, évaluées à 1/7 ainsi que la somme de 100 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, évalué à 0,5/7 pendant un mois. En revanche, Mme A... n'établit pas le bien-fondé de sa demande d'indemnisation des préjudices matériel, professionnel et sexuel qu'elle prétend avoir subis. 21. Sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise, il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à obtenir la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant des deux accidents de service survenus les 25 mai 2012 et 20 juin 2012 à hauteur de 5 000 euros. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 22. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 5 000 euros à compter du 5 janvier 2015, date de réception de sa demande indemnitaire par le ministère de la défense, ainsi qu'à la capitalisation des intérêts demandée le 28 avril 2017, date à laquelle il était dû au moins une année d'intérêts. Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1409302 du 27 février 2017 du Tribunal administratif de Versailles est annulé. Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A... la somme de 5 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2015. Les intérêts échus à la date du 5 janvier 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. 7 N° 17VE01368
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 02/12/2019, 17BX03713, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Par une requête enregistrée sous le n° 1403586, M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 23 mai 2014 par laquelle le directeur général de la caisse des dépôts et consignations a rejeté sa demande d'allocation temporaire d'invalidité, de constater l'irrégularité de l'expertise médicale réalisée le 9 juin 2015 et d'en ordonner une nouvelle en vue d'évaluer son taux d'incapacité permanente partielle. Par une requête enregistrée sous le n° 1600855, il a, en outre, demandé audit tribunal administratif de condamner la communauté d'agglomération du Grand Cahors à lui payer la somme de 25 000 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant de la faute de cet employeur et de sa maladie professionnelle. Par un jugement n° 1403586,1600855 du 3 octobre 2017, procédant à la jonction des requêtes, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la communauté d'agglomération du Grand Cahors à verser à M. B... la somme de 1 500 euros en réparation des préjudices subis et a rejeté le surplus des conclusions de ce dernier. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 novembre 2017, M. F... B..., représenté par Me D..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 octobre 2017 ; 2°) de constater l'irrégularité des opérations d'expertise et d'ordonner une nouvelle expertise ; 3°) de condamner la communauté d'agglomération du Grand Cahors à lui verser la somme de 25 000 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant de la faute de cet employeur et de sa maladie professionnelle ; 4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Cahors la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement : - il est entaché d'irrégularité en ce qu'il a été adopté sur le fondement d'une expertise irrégulière car dépourvue de caractère contradictoire ; - il méconnaît en cela les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de justice administrative. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement : - il est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs d'appréciation dès lors que le rapport d'expertise ne comportait pas les éléments utiles à la solution du litige ; - les préjudices dont il sollicitait la réparation à savoir son préjudice corporel, les troubles de toute nature subis dans ses conditions d'existence, son préjudice d'agrément et les souffrances endurées correspondaient tous à des préjudices extra-patrimoniaux indemnisables même en l'absence de faute de la communauté d'agglomération ; - les premiers juges ont commis une erreur de droit en lui faisant supporter la charge de la preuve des règles de sécurité applicables et en relevant l'absence de recommandations du médecin du travail ou du comité d'hygiène et de sécurité ; - les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier dès lors que, contrairement à ce qu'ils ont estimé, il soutenait que la règlementation imposant le recours aux équipements de protection individuelle avait été méconnue ; - c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la règlementation applicable en matière de prévention des risques d'exposition au bruit avait été respectée par son employeur qui ne lui a notamment pas fourni un équipement nécessaire à la préservation de sa santé ; - les premiers juges ne l'ont indemnisé que pour les troubles qu'il subit dans ses conditions d'existence en omettant de réparer son préjudice corporel et d'indemniser les souffrances endurées du fait des acouphènes ; - les premiers juges ont fait une inexacte appréciation de ses préjudices en lui octroyant la somme de " 1 500 euros tous intérêts compris " ; - les premiers juges ont dénaturé les faits en écartant le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 23 mai 2014 après avoir estimé que l'administration n'était pas tenue d'y joindre le rapport médical, dès lors que celui-ci n'a jamais été communiqué ; - ils ont entaché leur jugement d'erreur de droit en n'appliquant pas le barème indicatif d'invalidité figurant en annexe de l'article R 434-32 du code de la sécurité sociale. Par une ordonnance du 19 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2019 à 12 h 00. Un mémoire, présenté par la communauté d'agglomération du Grand Cahors, a été enregistré le 5 octobre 2019. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 2001-99 du 31 janvier 2001 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C... A... ; - les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ; - et les observations de Me E..., représentant la communauté d'agglomération du Grand Cahors. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjoint technique titulaire au sein de la communauté d'agglomération du Grand Cahors depuis 2004, exerce les fonctions d'agent technique de maintenance des bâtiments. En 2011, il a présenté une perte auditive qui a été reconnue imputable au service par arrêté en date du 5 mars 2012. Le 1er août suivant, M. B... a sollicité le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité. Par une décision du 23 mai 2014, le directeur général de la caisse des dépôts et consignations a rejeté cette demande. Par une ordonnance du 3 avril 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a désigné un expert pour apprécier le préjudice corporel résultant pour M. B... de la surdité de type professionnel dont il est atteint. M. B... relève appel du jugement du 3 octobre 2017 par lequel le même tribunal, à la suite du dépôt du rapport de l'expert le 9 juin 2015, a limité à 1 500 euros le montant de l'indemnité qu'il a condamné la communauté d'agglomération du Grand Cahors à lui payer en réparation des préjudices subis et a rejeté le surplus de ses conclusions. M. B... sollicite la condamnation de la communauté d'agglomération du Grand Cahors à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices résultant de sa surdité. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ". Aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative : " Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise ; cet avis leur est adressé quatre jours au moins à l'avance, par lettre recommandée. / Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport. ". 3. L'appelant invoque l'irrégularité de l'expertise tant au regard des exigences posées par l'article R. 621-7 du code de justice administrative que de celles découlant de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, en se bornant à cet égard à soutenir que les pièces transmises à l'expert par la communauté d'agglomération du Grand Cahors lors de la réunion d'expertise du 3 juin 2015 ne lui ont pas été communiquées, M. B... ne remet pas en cause le rapport d'expertise dont il ressort que l'ensemble des observations formulées par les parties y a été consigné alors, au surplus, que, dans le mémoire en défense produit en première instance, la communauté d'agglomération a fait valoir sans être ultérieurement contredite que " les seules et uniques pièces que l'expert a perçues sont celles afférentes à la procédure ayant conduit à sa désignation ". Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le caractère non contradictoire de l'expertise aurait vicié les opérations d'expertise. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué, qui fait état du rapport établi par l'expert, serait entaché d'irrégularité pour avoir été rendu à la suite d'une procédure irrégulière doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la légalité de la décision du 23 mai 2014 : 4. Il résulte des dispositions du septième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, combinées avec celles du 3° de l'article R. 222-13 du même code dans leur rédaction applicable à la date du jugement attaqué, que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges en matière de pensions. 5. La contestation par M. B... du refus de lui allouer une allocation temporaire d'invalidité à raison de la surdité de type professionnel dont il est atteint doit être regardée comme un litige en matière de pensions au sens de l'article R. 811-1 7° du code de justice administrative. Dès lors, sa demande d'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse, en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 23 mai 2014 portant refus d'une allocation temporaire d'invalidité, à la constatation de l'irrégularité de l'expertise médicale réalisée le 9 juin 2015 et à la réalisation d'une nouvelle expertise en vue d'évaluer son taux d'incapacité permanente partielle, ne relève pas de la compétence de la cour administrative d'appel mais de celle du Conseil d'Etat statuant comme juge de cassation. Il y a lieu, par suite, de transmettre le dossier au Conseil d'Etat dans cette mesure. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : S'agissant du droit à réparation : 6. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations, si elles déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions, ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature, tels que les dépenses de santé restées à sa charge ou les frais divers liés à l'invalidité, ou des préjudices personnels, et notamment des souffrances physiques ou morales ainsi que des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. 7. D'une part, il résulte de l'instruction que, dans de cadre de l'exercice de ses fonctions d'agent technique de maintenance des bâtiments, M. B... est notamment chargé de dépanner et d'assurer l'entretien général des équipements de second oeuvre et des installations techniques des bâtiments de la communauté d'agglomération du Grand Cahors. Si M. B... entend soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'en l'absence d'inaction fautive de la communauté d'agglomération du Grand Cahors à laquelle il ne pouvait être reproché de n'avoir pas pris de mesure particulière pour assurer sa protection contre l'exposition au bruit, la responsabilité pour faute de cet établissement public ne pouvait être engagée, cette argumentation est, compte tenu de ce qui figure au point 6, inopérante à l'appui d'une demande d'indemnisation de ses seuls préjudices extra-patrimoniaux. 8. D'autre part, il résulte de ce qui a été exposé au point 6 que l'appelant a droit, même en l'absence de faute de l'administration, à la réparation de ses préjudices personnels, et notamment des souffrances physiques ou morales ainsi que des préjudices esthétiques ou d'agrément, en lien direct et certain avec la perte d'audition dont il est atteint, reconnue imputable au service par un arrêté du président de la communauté d'agglomération du Grand Cahors du 5 mars 2012. S'agissant de l'évaluation des préjudices : 9. Il ressort du rapport d'expertise médicale établi le 9 juin 2015 par le docteur Daoudi désigné par une ordonnance du président du tribunal administratif de Toulouse du 3 avril 2015 que M. B..., né le 22 décembre 1973, souffre d'une perte auditive de 30 % à l'oreille gauche et de 21 % à l'oreille droite, équivalant, selon le barème indicatif prévu à l'article L.28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à un taux d'incapacité permanente partielle de 3 %, auquel l'expert a ajouté 0,5 % au titre des acouphènes ressentis par l'intéressé. D'une part, il résulte de ce qui a été exposé au point 3 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'expert aurait établi son rapport sans porter à sa connaissance toutes les pièces transmises par la communauté d'agglomération dans le cadre des opérations d'expertise. D'autre part, contrairement à ce que l'appelant fait valoir, l'expert qui a utilisé le barème indicatif prévu à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite tel qu'il résulte du décret n° 2001-99 du 31 janvier 2001 applicable à l'exclusion de toute autre méthode d'évaluation, a fourni tous les éléments utiles à l'évaluation de ses préjudices. 10. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment des conclusions du rapport de l'expert, que la perte auditive dont M. B... est atteint est à l'origine de difficultés de communication de nature à perturber la qualité de ses relations familiales, sociales et professionnelles. Compte tenu du caractère relativement modéré de cette perte et faute pour M. B... d'apporter des précisions complémentaires à celles fournies en première instance, la somme de 1 500 euros retenue par les premiers juges pour l'évaluation de ce préjudice résulte d'une juste appréciation qu'il y a lieu de confirmer. 11. En deuxième lieu, le préjudice résultant du déficit fonctionnel permanent de M. B..., qui, selon l'expert, demeure atteint d'une incapacité permanente partielle de 3 %, peut être évalué, compte tenu de son âge, à la somme de 3 000 euros. M. B... est par conséquent fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas indemnisé ce préjudice. 12. En troisième lieu, si M. B... se plaint de ce que qu'aucune indemnité ne lui a été allouée par le tribunal administratif au titre des souffrances endurées alors qu'il est victime d'acouphènes, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise qui comporte l'ensemble des éléments scientifiques pertinents, qu'outre le fait que ces acouphènes ont un taux très bas de 0,5%, l'existence de souffrances n'est pas établie. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander que l'indemnité allouée par les premiers juges soit portée à 4 500 euros et la réformation en ce sens du jugement attaqué. Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme dont la communauté d'agglomération du Grand Cahors demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Cahors la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le dossier de la requête de M. B... est transmis au Conseil d'Etat en tant qu'il fait appel du jugement du 3 octobre 2017 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande enregistrée sous le n° 1403586 tendant à l'annulation de la décision du 23 mai 2014 par laquelle le directeur général de la caisse des dépôts et consignations a rejeté sa demande d'allocation temporaire d'invalidité, à la constatation de l'irrégularité de l'expertise médicale réalisée le 9 juin 2015 et à la réalisation d'une nouvelle expertise en vue d'évaluer son taux d'incapacité permanente partielle. Article 2 : L'indemnité que la communauté d'agglomération du Grand Cahors a été condamnée à payer à M. B... par le jugement du 3 octobre 2017 du tribunal administratif de Toulouse est portée à 4 500 euros. Article 3 : Le jugement n° 1403586, 1600855 du 3 octobre 2017 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : La communauté d'agglomération du Grand Cahors versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération du Grand Cahors au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à M. B..., à la communauté d'agglomération du Grand Cahors et à la caisse des dépôts et consignations. Délibéré après l'audience du 21 octobre 2019à laquelle siégeaient : M. Pierre Larroumec, président, Mme C... A..., présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller. Lu en audience publique, le 2 décembre 2019. Le rapporteur, Karine A...Le président, Pierre Larroumec Le greffier, Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N° 17BX03713 2
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de NANTES, 3ème chambre, 26/11/2019, 18NT01894, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans à lui verser, à titre principal, une somme totale de 184 930,07 euros au titre des différents préjudices qu'il estime avoir subis en raison du comportement fautif qu'il impute à son employeur, à titre subsidiaire à ce que le centre hospitalier régional d'Orléans soit condamné à lui verser 55 000 euros en raison de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence, et à ce qu'il soit prescrit une expertise judiciaire. Par un jugement n°1501081 du 13 mars 2018, le tribunal administratif d'Orléans a partiellement fait droit à sa demande en condamnant le centre hospitalier à lui payer une somme totale de 7 000 euros. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoire, enregistrés les 11 mai 2018, 29 août 2019 et 30 septembre 2019 (non communiqué), M. E..., représenté par la société Verdier et Associés, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du 13 mars 2018 en ce qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande ; 2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans à lui verser la somme de 184 930,07 euros en réparation des différents préjudices subis du fait de sa maladie imputable au service, cette somme portant intérêts à compter du 24 décembre 2014 et les intérêts échus au 25 décembre 2015 portant eux-mêmes intérêts ; 3°) à titre subsidiaire d'ordonner avant dire droit une expertise destinée à évaluer ses préjudices imputables au CHR d'Orléans ; 4°) à titre infiniment subsidiaire de condamner le CHR d'Orléans à l'indemniser à hauteur de 50 000 euros de son préjudice moral et à hauteur de 5 000 euros de son préjudice d'agrément et des troubles subis dans ses conditions d'existence, ces sommes portant également intérêts et donnant lieu à capitalisation ; 5°) de mettre à la charge du CHR d'Orléans une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - sa dépression et sa tentative de suicide trouvent leur origine dans ses conditions de travail ; son employeur a admis l'origine professionnelle de la pathologie dont il souffre ; - le comportement de son employeur doit être regardé comme fautif en ce qu'il n'a jamais pris de mesure de protection particulière à son égard alors qu'il ne pouvait ignorer sa situation de détresse psychologique ; - il a subi un préjudice patrimonial qui n'a pas été réparé par sa rente d'invalidité tenant à la minoration du taux de son indemnité forfaitaire technique et à ce qu'il a dû cesser son activité professionnelle de manière prématurée ; - il a subi des préjudices extrapatrimoniaux qui n'ont pas été appréciés par le tribunal administratif à leur juste niveau ; - la réalité des troubles subis dans ses conditions d'existence est attestée par les pièces qu'il produit et le rapport d'expertise du 24 août 2012. Par des mémoires en défense et d'appel incident, enregistrés le 6 août 2018 et le 10 septembre 2019, le centre hospitalier régional d'Orléans, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête, à ce que l'indemnisation accordée par le tribunal au titre des troubles dans les conditions d'existence soit réduite de moitié et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les conditions d'engagement de sa responsabilité fautive ne sont pas réunies ; - la demande de M. E... relative à son IFT, qui relève du contentieux de l'excès de pouvoir des décisions à objet pécuniaire, est tardive et, subsidiairement que la créance correspondante est prescrite ; il n'y a aucun lien de causalité directe entre la somme réclamée au titre de l'IFT et le manquement à l'obligation de protection reprochée par M. E... ; - M. E... n'établit pas avoir subi une perte de revenus du fait de sa mise à la retraite pour invalidité ; - les premiers juges se sont mépris sur l'importance des troubles dans les conditions d'existence de M. E... et l'indemnisation de ce chef de préjudice doit être réduit de moitié. La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public, - et les observations de Me C..., représentant le CHR d'Orléans. Considérant ce qui suit : 1. M. E... a été recruté par le centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans en qualité d'ouvrier professionnel en décembre 1976 et a été promu, en 2003, au grade de technicien supérieur hospitalier chef. Le 30 juin 2010, il a fait une tentative de suicide sur son lieu de travail. Sur proposition de la commission de réforme, les arrêts de travail qui s'en sont suivis jusqu'au 31 mai 2014 ont été pris en charge au titre de la maladie professionnelle. Il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er juin 2014 et perçoit depuis lors, en plus de sa pension de retraite, une rente d'invalidité au taux de 30 %. Le 23 décembre 2014, il a formé une demande indemnitaire devant le CHR, visant à obtenir la réparation de l'intégralité des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de conditions de travail dégradées auxquelles il n'a pas été remédié et, à titre subsidiaire, l'indemnisation de ses préjudices moral, d'agrément et des troubles dans ses conditions d'existence non couverts par la rente d'invalidité servie depuis sa mise à la retraite. Cette demande a été rejetée le 27 janvier 2015. Par un jugement du 13 mars 2018, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le CHR d'Orléans à verser à M. E... une somme de 7 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence et a rejeté le surplus de la demande de l'intéressé. M. E... relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction, tandis que le CHR d'Orléans, par la voie de l'appel incident, demande à ce que l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence de M. E... soit réduite de moitié. 2. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait. Sur la responsabilité pour faute du CHR d'Orléans : 3. Il résulte de l'instruction que M. E..., alors placé en position d'encadrement au sein des ateliers de maintenance du CHR d'Orléans, a eu la charge de mettre en place, à compter de 2001, la réduction du temps de travail, suite à l'adoption de la loi sur les 35 heures et s'est à cette occasion trouvé au centre d'un conflit entre les agents du service, violemment opposés aux mesures proposées, et la hiérarchie de l'hôpital, ce que l'intéressé a vécu douloureusement. M. E..., qui n'était jusqu'alors qu'exceptionnellement absent, a fait l'objet en 2002 de plus de deux mois d'arrêt de travail. Par ailleurs, la demande de changement de service exprimée en septembre 2002 par le requérant n'a pas été satisfaite. Toutefois il résulte de l'instruction que l'intéressé n'a pas réitéré sa demande, ni alerté le médecin de prévention, les instances paritaires en charge de la sécurité et des conditions de travail ou encore les organisations syndicales sur sa situation de souffrance au travail et sur le fait qu'il était suivi depuis 2002 par un psychiatre. Par ailleurs, si le syndrome dépressif sévère dont est atteint M. E... a conduit son employeur à le placer en congé de longue maladie, d'abord du 14 novembre 2005 au 13 mars 2006 puis du 12 octobre 2006 au 11 avril 2007, il ne résulte pas de l'instruction qu'aux dates auxquelles le requérant a bénéficié de congés de maladie, son employeur était informé des motifs exacts de ces arrêts, lesquels sont couverts par le secret médical. De plus, à compter de son retour de congé de longue maladie en avril 2007, M. E... n'a plus été affecté à l'encadrement des ateliers de maintenance et a repris son activité professionnelle dans un autre service, le bureau d'études et de suivi des opérations d'investissements du CHR. En outre, l'intéressé a bénéficié d'évaluations professionnelles très favorables, louant son sérieux, ses vastes connaissances professionnelles et sa rigueur, que ce soit en 2002 ou les années suivantes. Dans ces conditions, M. E..., qui ne peut utilement s'appuyer sur des rapports et certificats médicaux établis postérieurement à sa tentative de suicide en juillet 2011, n'établit pas que le CHR aurait eu à son égard un comportement fautif en ne faisant pas droit à sa demande de mutation dès septembre 2002 et en ne prenant pas la mesure exacte de la gravité de la situation. De même, la circonstance qu'il a fait une tentative de suicide au lendemain de l'entretien qu'il a eu avec son supérieur hiérarchique au cours duquel il a interrogé ce dernier sur les raisons du plafonnement du taux de l'indemnité forfaitaire technique qui lui est versée, ne suffisent pas à établir l'existence d'une faute de l'employeur à l'égard de M. E..., en l'absence d'éléments autres que le témoignage de l'intéressé lui-même sur le déroulement de cet entretien. 4. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de faute du CHR d'Orléans, M. E... n'est pas fondé, comme l'a à juste titre jugé le tribunal administratif, à obtenir à ce titre la condamnation du centre hospitalier à réparer les préjudices personnels et patrimoniaux non réparés forfaitairement par la rente d'invalidité qu'il perçoit. Sur l'évaluation des préjudices subis à raison de la responsabilité sans faute du CHR d'Orléans : 5. En l'absence de toute faute du centre hospitalier, et en application des principes exposés au point 2, les premiers juges ont condamné le CHR d'Orléans à verser à M. E... une somme de 2 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence et de 5 000 euros au titre de son préjudice moral. 6. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport établi le 9 février 2011 par le médecin du travail ainsi que de l'attestation du médecin psychiatre qui a examiné M. E... en août 2010, que les nombreux arrêts de travail de l'intéressé à compter de 2002 et sa tentative de suicide en juin 2011 sont en lien direct avec son activité professionnelle, la souffrance morale et le sentiment de dévalorisation éprouvés par l'intéressé durant plusieurs années. Ainsi, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation de l'indemnité due à M. E... au titre de son préjudice moral en lui allouant la somme de 5 000 euros. 7. En second lieu, les premiers juges ont condamné le centre hospitalier à verser à M. E... une indemnité de 2 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence, en tenant pour établi le fait que celui-ci a été amené, après son passage à l'acte, à abandonner ses activités de loisirs telles que le parapente et le bricolage et a rencontré des problèmes intimes. Si le requérant soutient que ce chef de préjudice a été sous-évalué tandis que le CHR d'Orléans soutient, dans le cadre de ses conclusions d'appel incident, que l'indemnité due doit être réduite de moitié, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation de l'indemnité due à ce titre à M. E... en lui allouant la somme de 2 000 euros. 8. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de prescrire une nouvelle expertise, laquelle ne revêtirait pas de caractère utile, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a limité à la somme globale de 7 000 euros l'indemnité qui lui est due. Par ailleurs, eu égard à ce qui a été exposé aux points 6 et 7, les conclusions d'appel incident du CHR d'Orléans doivent être rejetées. Sur les frais de l'instance : 9. Dans les circonstances de l'espèce, il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. E... est rejetée. Article 2 : Les conclusions d'appel incident et les conclusions du centre hospitalier régional d'Orléans au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., au centre hospitalier régional d'Orléans et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher. Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, à laquelle siégeaient : - Mme F..., présidente, - M. A..., premier conseiller, - M. Berthon, premier conseiller, Lu en audience publique le 26 novembre 2019. Le rapporteur A. A... La présidente N. F... Le greffier M. B... La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°18NT01894 2
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 02/12/2019, 405548, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 juillet 2014 par laquelle le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) d'Alsace a rejeté sa demande de transfert de l'équivalent actuariel de ses droits à pension acquis auprès du régime des pensions des fonctionnaires de l'Union européenne, ainsi que la décision du 17 septembre 2014 par laquelle le directeur régional adjoint de la DREAL a rejeté son recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n° 1406420 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un pourvoi, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire enregistrés les 30 novembre 2016, 29 juin 2017 et 24 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre subsidiaire, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel la question de savoir si, au sens du 1. de l'article 11 de l'annexe VIII du Statut des fonctionnaires de l'Union Européenne, établi par le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259168 du Conseil du 29 février 1968 fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004, le droit de faire transférer l'équivalent actuariel, actualisé à la date de transfert effectif, des droits à pension d'ancienneté acquis auprès de l'Union européenne à la caisse de pension d'une administration nationale bénéficie aux seuls fonctionnaires, agents contractuels et temporaires qui sont affectés pour la première fois au sein d'une telle administration ou s'applique également à ceux qui entrent à nouveau au service d'une administration nationale à l'issue notamment d'une période de disponibilité pour convenances personnelles ; 3°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande d'annulation de la décision du 10 juillet 2014 et la décision du 17 septembre 2014, et d'enjoindre au directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Alsace d'accorder le transfert de l'équivalent actuariel des droits à pension acquis auprès du régime des pensions de l'Union européenne, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ; - le règlement n° 31 (CEE), n° 11 CEEA des Conseils du 18 décembre 1961 fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, tel que modifié notamment par le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259168 du Conseil du 29 février 1968 et le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - le décret n° 2009-1052 du 26 août 2009 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Tiphaine Pinault, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bénaben, avocat de M. A... B... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., agent titulaire de la fonction publique de l'Etat depuis le 1er septembre 2006, technicien supérieur du développement durable à la direction départementale des territoires du Bas-Rhin, a été placé en disponibilité pour convenances personnelles du 1er avril 2011 au 31 août 2013, période pendant laquelle il a occupé un emploi d'agent contractuel auprès de la Commission européenne. Après avoir réintégré son administration d'origine à l'issue de cette période de disponibilité, il a demandé le transfert, vers le régime des retraites des fonctionnaires de l'Etat, de l'équivalent actuariel de ses droits à pension acquis dans le régime de pension des fonctionnaires de l'Union européenne, en se prévalant des dispositions du 1. de l'article 11 de l'annexe VIII du statut des fonctionnaires de l'Union européenne fixé par le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259168 du Conseil du 29 février 1968, modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004. Sa demande a été rejetée par deux décisions des 10 juillet et 17 septembre 2014. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande d'annulation de ces décisions. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la minute du jugement attaqué n'est pas signée manque en fait. 3. En second lieu, aux termes de l'article L. 161-19-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont prises en compte, pour la détermination de la durée d'assurance visée au deuxième alinéa de l'article L. 351-1, du I des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du présent code, au premier alinéa du I de l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite et à l'article L. 732-25 du code rural et de la pêche maritime, les périodes durant lesquelles l'assuré a été affilié à un régime obligatoire de pension d'une institution européenne ou d'une organisation internationale à laquelle la France est partie, dès lors qu'il est affilié à ce seul régime de retraite obligatoire ". Aux termes de l'article R. 161-16-1 du même code : " Les périodes d'affiliation mentionnées par l'article L. 161-19-1 à un régime obligatoire de pension d'une institution européenne ou d'une organisation internationale à laquelle la France est partie sont prises en compte pour autant que l'assuré n'ait pas été simultanément affilié à un autre régime légalement obligatoire de retraite, français ou étranger, ou à l'assurance volontaire prévue par le titre IV du livre VII, dans des conditions emportant validation de périodes d'assurance. / Les périodes ainsi retenues sont décomptées, de date à date, pour autant de trimestres qu'elles comportent de fois 90 jours. / La totalisation de ces périodes avec les périodes d'assurance validées auprès de l'un des régimes mentionnés au premier alinéa ne peut avoir pour effet de porter à plus de quatre le nombre de trimestres susceptibles d'être validés par année civile ". M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation faute de se prononcer sur le moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré de ce que l'administration était tenue de faire droit à sa demande en application des dispositions des articles L. 161-19-1 et R. 161-16-1 du code de la sécurité sociale. Toutefois, ces dispositions, qui sont relatives à la prise en compte des périodes d'affiliation à un régime obligatoire de pension d'une institution européenne pour la détermination de la durée d'assurance visée au premier alinéa du I de l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, n'étaient pas applicables à la demande de transfert actuariel de ses droits à pension dont M. B... a saisi l'administration. Dès lors, le moyen soulevé par M. B... était inopérant. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne l'incompétence dont seraient entachées les décisions en litige : 4. En vertu du décret du 26 août 2009 portant création du service des retraites de l'Etat, ce service, rattaché au directeur général des finances publiques, est " chargé de la mise en oeuvre de la gestion administrative et financière du régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat ". Il est " responsable du processus de gestion des pensions de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat. A ce titre : / 1° Il tient les comptes individuels de retraite, y enregistre et contrôle les droits à pension ". Dès lors, il appartient au ministre chargé des comptes publics, auquel est rattaché le service des retraites de l'Etat, de se prononcer sur les demandes de transfert de l'équivalent actuariel des droits à pension des fonctionnaires de l'Etat qui ont travaillé dans une institution de l'Union européenne. Après que le service des retraites de l'Etat, saisi par l'autorité administrative gestionnaire de l'agent, a instruit et traité une telle demande, la décision d'y faire droit ou non n'est pas entachée d'incompétence au seul motif qu'elle est portée à la connaissance du demandeur par un acte de l'autorité administrative gestionnaire. Dès lors, les décisions dont M. B... a été informé par les actes du 10 juillet et du 17 septembre 2014 n'étaient pas entachées d'incompétence. Ce motif de pur droit, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné en droit retenu par le jugement attaqué, dont il justifie le dispositif. En ce qui concerne le champ des bénéficiaires du droit à un transfert de l'équivalent actuariel des droits à pension : 5. M. B... soutient que le tribunal administratif de Strasbourg a entaché son jugement d'erreur de droit et a méconnu le principe d'égalité en jugeant qu'au sens des dispositions du 1. de l'article 11 de l'annexe VIII du statut des fonctionnaires de l'Union européenne fixé par le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259168 du Conseil du 29 février 1968, rendues applicables aux agents contractuels par le 1. de l'article 109 du régime applicable aux agents contractuels des Communautés européennes introduit par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004 modifiant le règlement du 29 février 1968, " l'entrée au service " doit s'entendre uniquement de l'affectation initiale de l'agent au sein d'une administration nationale, à l'exclusion de son retour à l'issue d'une disponibilité pour convenances personnelles. En vertu de ces dispositions : " 1. Le fonctionnaire qui cesse ses fonctions pour: / - entrer au service d'une administration, d'une organisation nationale ou internationale ayant conclu un accord avec l'Union, (...) a le droit de faire transférer l'équivalent actuariel, actualisé à la date de transfert effectif, de ses droits à pension d'ancienneté, qu'il a acquis auprès de l'Union, à la caisse de pension de cette administration, de cette organisation, ou à la caisse auprès de laquelle le fonctionnaire acquiert des droits à pension d'ancienneté au titre de son activité salariée ou non salariée ". La réponse au moyen soulevé dépend de la question de savoir si le bénéfice des dispositions du 1. de l'article 11 de l'annexe VIII du règlement fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le statut applicable aux autres agents, tel que modifié par le règlement du 22 mars 2004, est réservé aux seuls fonctionnaires et agents contractuels affectés pour la première fois au sein d'une administration nationale après avoir été employés en qualité de fonctionnaire, agent contractuel ou agent temporaire dans une institution de l'Union européenne, ou si les fonctionnaires et agents contractuels retournant au service d'une administration nationale après avoir exercé des fonctions dans une institution de l'Union européenne et avoir été, pendant cette période, placés en disponibilité ou congé pour convenances personnelles, peuvent également en bénéficier. 6. L'interprétation des dispositions invoquées du règlement de l'Union européenne, déterminante pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat, présente une difficulté sérieuse. Il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur le pourvoi de M. B....D E C I D E : -------------- Article 1er : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de M. B... jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question suivante : Le bénéfice des dispositions du 1. de l'article 11 de l'annexe VIII du règlement fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le statut applicable aux autres agents, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004, est-il réservé aux seuls fonctionnaires et agents contractuels affectés pour la première fois au sein d'une administration nationale après avoir été employé en qualité de fonctionnaire, agent contractuel ou agent temporaire dans une institution de l'Union européenne, ou est-il ouvert également aux fonctionnaires et agents contractuels retournant au service d'une administration nationale après avoir exercé des fonctions dans une institution de l'Union européenne et avoir été, pendant cette période, placé en disponibilité ou congé pour convenances personnelles ' Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de l'action et des comptes publics et au président de la Cour de justice de l'Union européenne. Copie en sera adressée au Premier ministre.ECLI:FR:CECHR:2019:405548.20191202
Conseil d'Etat